Catherine Jolivet-Lévy, La Cappadoce, un siècle après Jerphanion
Catherine Jolivet-Lévy, La Cappadoce, un siècle après Jerphanion, Nicole Lemaigre Demesnil (collab.), Paris, Geuthner, 2015, 2 vol.
Texte intégral
1Malgré les difficultés de tout ordre souvent rencontrées pour publier, monographies et actes de colloques se multiplient au point qu’on peut parfois s’interroger sur l’utilité de certaines publications. C’est une question qu’il est inutile de se poser à propos du dernier livre de Catherine Jolivet-Lévy sur la Cappadoce. Il répond à une double nécessité. Les volumes de Guillaume de Jerphanion étaient pratiquement impossibles à se procurer. Malgré leur ancienneté, ils restent précieux, ne serait-ce qu’à cause des observations, des photographies qui lui sont dues et qui ne sont plus possibles aujourd’hui. Par ailleurs, les observations de Jerphanion ont souvent été corrigées, précisées, complétées, en particulier par C. Jolivet-Lévy, si bien que la bibliographie s’est considérablement enrichie tout en étant très dispersée ce qui en rend souvent difficile un survol exhaustif.
2Dans une importante introduction, C. Jolivet-Lévy explique que son projet initial était une réimpression de l’ouvrage de Jerphanion, incluant « au plus près de son texte », ses propres observations ainsi que les compléments bibliographiques. Cela s’est révélé impossible, ce qui se comprend facilement ne serait-ce qu’à cause de l’éventuelle difficulté d’une réimpression comprenant l’insertion de compléments qui auraient bouleversé la mise en page. La solution choisie paraît particulièrement élégante et se présente comme une variante d’un procédé devenu relativement fréquent, à savoir faire accompagner le texte par un cd-rom sur lequel se trouve, numérisée, une abondante illustration. Ici, ce sont les volumes de Jerphanion qui sont numérisés dans leur intégralité, texte et planches. Le support est une clé USB, facile à manier et de consultation aisée. Texte et planches se trouvent dans des dossiers séparés, ce qui permet aisément de les consulter côte à côte ; de même, il est facile d’ouvrir en même temps, le fichier qui contient la liste des planches et les reproductions des planches. On notera aussi que les planches ne sont pas reproduites chacune par une image numérisée ; c’est chaque illustration qui est numérisée séparément, ce qui rend la consultation aisée et assure, autant que la qualité de l’original le permet, une excellente qualité de reproduction, en fait meilleure que ce qui avait été possible dans le volume originel imprimé. Une seule erreur, qui semble due à l’éditeur, est à relever : les planches 1 à 6.5 sont redoublées, le doublon portant la mention « copie ». Cela ne sert évidemment à rien, mais ne prête pas à conséquence.
3Le volume de textes de C. Jolivet-Lévy, après une introduction, où elle explique la manière dont elle a procédé et ce qu’il est nécessaire de savoir pour une consultation aisée et efficace de ses deux volumes, commence par quelques pages (9-14) intitulés « compléments bibliographiques ». Comme elle le précise, il ne s’agit pas d’une bibliographie systématique et complète (elle renvoie pour cela aux 30 p. de bibliographie générale qui se trouvent à la fin du t. I, p. 303-333). Cette orientation bibliographique est la bienvenue, car, à la différence de la bibliographie générale, classée alphabétiquement, comme il se doit, elle est thématique. À part quelques ouvrages généraux sur la Cappadoce, elle ne porte pas sur les monuments traités par Jerphanion, puisque la bibliographie complémentaire apparaît dans les notices de C. Jolivet-Lévy, mais elle porte sur les monuments situés en dehors de l’aire étudiée par Jerphanion (Hasan Dağı, région de Niğde, région de Kayseri), sur des thèmes qui n’étaient pas non plus ceux de Jerphanion (Archéologie antique et médiévale, Recherches environnementales, Histoire, Sceaux, Inscriptions…). Ces pages fournissent donc un excellent point de départ pour quelqu’un qui veut s’intéresser à la Cappadoce.
4Les notices de C. Jolivet-Lévy constituent évidemment la part essentielle du volume. Comme elle l’a annoncé dans son introduction, elle suit pour cela, chapitre par chapitre, page par page, la structure de l’œuvre de Jerphanion. Au début de chaque chapitre, C. Jolivet-Lévy fait quelques remarques générales sur le chapitre concerné ; l’essentiel est constitué par des remarques précises renvoyant aux pages concernées de Jerphanion. Ces remarques comprennent aussi bien des observations complémentaires dues à l’A., mais aussi des compléments bibliographiques renvoyant aux apports des nombreux chercheurs qui ont travaillé sur la Cappadoce. Des plans nouveaux, 38, complètent la documentation antérieure.
5Cette méthode, qui était la seule possible, compte tenu de la finalité de cette publication entraîne évidemment un certain nombre de difficultés. On sait bien que la manière dont Jerphanion a transcrit les noms des lieux est différente de l’orthographe qui a été adoptée après la réforme de l’écriture de 1928. La solution retenue par C. Jolivet-Lévy paraît pleine de bon sens : dans le corps du texte où elle renvoie à Jerphanion, ainsi que dans le titre des chapitres, elle garde l’orthographe de ce dernier, mais elle ajoute toujours, entre parenthèses, l’orthographe moderne. C’est aussi cette double orthographe qui apparaît dans la table des matières. Par contre c’est l’orthographe moderne qui apparaît dans les titres courants au haut des pages. Cela permet au lecteur de se repérer aisément s’il doit feuilleter le livre. C’est aussi à juste titre l’orthographe moderne (suivie, entre parenthèses de l’orthographe de Jerphanion) qui a servi d’entrée pour l’index des monuments. C’est également cet index (p. 335-341) qui permet de trouver les équivalences pour les églises qui ont changé de nom ou qui sont connues sous différentes dénominations.
6Une autre question a été résolue de manière satisfaisante par l’A. : comment traiter les monuments que ne connaissait pas Jerphanion ou que celui-ci n’avait pas retenus. Comme elle le précise dans son introduction, C. Jolivet-Lévy exclut les zones qui n’avaient pas été prospectées par Jerphanion, qui apparaissent pourtant, comme il a été signalé ci-dessus, dans la bibliographie complémentaire. Cette solution s’imposait, sinon la nature même du livre de C. Jolivet-Lévy aurait changé, puisqu’il n’y avait pas d’ouvrage d’ensemble ancien à partir duquel des observations complémentaires se seraient imposées. Pour les monuments de la région d’Ürgüp qui ne se trouvent pas dans Jerphanion, C. Jolivet-Lévy a eu raison de choisir une solution topographique, respectant ainsi la démarche de Jerphanion lui-même. Ces monuments sont donc intégrés à la fin du chapitre de Jerphanion correspondant à leur situation.
7Ce volume de texte est accompagné d’un volume de planches sur le choix desquelles l’A. s’explique dans son introduction. Il était évidemment impossible d’offrir une couverture photographique complète des églises, ce qui reste un rêve pour ceux qui travaillent sur la peinture byzantine – rêve qui ne concerne d’ailleurs pas que la Cappadoce – rêve évidemment inaccessible pour les moyens d’édition classique. Ces 281 planches, toutes en couleurs, ne sont pas toujours spectaculaires, mais elles ont été choisies pour compléter, dans la mesure du possible, les illustrations de Jerphanion, en tenant compte aussi des photographies publiées dans les articles et livres aisément accessibles, en particulier ceux de Nicole Thierry et de C. Jolivet-Lévy elle-même. Il s’agit nécessairement d’un choix subjectif, mais il faut attirer l’attention sur des photos d’architecture, sur quelques éléments sculptés, des inscriptions, des décors mal conservés et donc peu photographiés.
8Cet ouvrage va devenir un classique indispensable pour tout travail sur la Cappadoce, en particulier sur les monuments de la région d’Ürgüp. Il suffira à un chercheur de repérer l’église qui le concerne ; il trouvera à la fois la bibliographie essentielle sur le monument, les références au livre de Jerphanion qui sera facile à consulter grâce à la clé USB et les remarques complémentaires de C. Jolivet-Lévy qui précise de nombreux détails mal vus par Jerphanion, qui signale aussi, s’il y a lieu, la dégradation, malheureusement fréquente, du monument, et fait un rapide commentaire quand c’est nécessaire, par ex. à propos des datations controversées. Un index iconographique permet aussi d’aborder les peintures cappadociennes par un autre aspect.
9C. Jolivet-Lévy, après déjà plusieurs volumes et de nombreux articles sur la Cappadoce, donne à la communauté scientifique un ouvrage de référence, dont, en plus, la finition, tant typographique que graphique est excellente.
Pour citer cet article
Référence papier
Jean-Michel Spieser, « Catherine Jolivet-Lévy, La Cappadoce, un siècle après Jerphanion », Cahiers de civilisation médiévale, 241 | 2018, 83-84.
Référence électronique
Jean-Michel Spieser, « Catherine Jolivet-Lévy, La Cappadoce, un siècle après Jerphanion », Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 241 | 2018, mis en ligne le 01 mars 2018, consulté le 17 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/5273 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccm.5273
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