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AccueilNuméros215Le Beatus de San Miguel de Escalada

Le Beatus de San Miguel de Escalada

Ricardo Ramos Blassi
Traduction de Johanna Courdès, Carolina Sarrade et Blaise Royer
p. 287-323

Résumés

Le Beatus de San Miguel de Escalada (ms. New York, Pierpont Morgan Library, M 644) réalisé par Magius se trouve parmi les premiers de la seconde branche de la famille des Beatus selon la classification de P. Klein. Les miniaturistes qui se sont succédé dans cette même branche ii (a et b) vont prolonger le schéma illustratif mis en place par Magius qui y a introduit une vraie nouveauté. Les visions des folios 83 et surtout 87 – qui correspondent à la troisième Grande Vision de l’Apocalypse de Jean du Livre iii selon la division du Commentaire du Beatus (Ap 4-5) – rassemblent des traditions iconographiques extrêmement riches, tout en conservant les traditions les plus anciennes en ce qui concerne les coupoles ou les pavements ayant des représentations du thème du Ciel. L’une des caractéristiques du Beatus de Magius, ainsi que l’une de ses nouveautés par rapport aux autres Beatus, c’est la composition géométrique de ses images à valeur symbolique. Ceci est d’ailleurs fondamental, comme on pourra le constater, pour réussir à approfondir la signification de son œuvre. Cette géométrie permet en plus de relier la vision du folio 87 (circulaire) à celle du folio 222v, la Jérusalem Céleste (carrée), ce qui nous rapproche de l’ancien système romain de fondation d’une ville, et nous aide aussi à mieux comprendre quelques éléments de composition des visions. Dans ce sens, on arrivera à apprécier encore plus la personnalité de Magius comme un véritable archipictor.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Yves Christe, « Traditions littéraires et iconographiques dans l’interprétation des images apocalyp (...)

1La Troisième Grande Vision de l’Apocalypse de saint Jean (Ap 4-5) constitue la source principale du concept médiéval du Christ en Majesté et de sa représentation iconique. Étonnamment, dans l’iconographie des Beatus, les deux chapitres précités présentent deux propositions iconographiques distinctes, et non plus une seule comme cela était fréquent dans l’iconographie occidentale de l’époque carolingienne. Selon la tradition exégétique de l’Antiquité et du haut Moyen Âge, l’intronisation de l’Agneau (Ap 5) renvoie à une vision victorieuse, à la Passion et à la Résurrection du Christ qui a inauguré les tempora novissima de la Nouvelle Alliance. Cet événement passé se superpose à la vision/adoration du chapitre 4 qui manifeste la permanence et le renouvellement dans une liturgie palatine constamment actualisée1. C’est donc ainsi qu’une telle vision se résume en une proposition iconographique unique de la Majesté ou de l’Adoration du Christ, comme celles des absides et des arcs triomphaux des basiliques chrétiennes. Les deux chapitres sont perçus comme une image synthétique et idéale de l’Ecclesia caelestis dans sa réalité présente associée au Christ.

  • 2 Peter K. Klein, « La tradición pictórica de los Beatos », dans Actas del Simposio para el Estudio d (...)
  • 3 Gonsalo Menendez-Pidal, Sobre miniatura española en la Alta Edad Media. Corrientes culturales que r (...)

2D’un Beatus à l’autre, on trouve quelques variantes dans l’illustration correspondant à ces chapitres – située dans le livre iii des Beati in Apocalipsin Libri Duodecim. Le Beatus de San Miguel de Escalada, conservé actuellement à la Pierpont Morgan Library de New York, ms. 644, également appelé Beatus de Magius – d’après l’auteur du manuscrit –, occupe la première place de la deuxième branche du resplendissant xe siècle, selon la classification de P. Klein2. En effet, Magius, par ses innovations picturales dans la représentation du Commentaire de l’Apocalypse par Beatus de Liébana, est à l’origine d’un nouveau « greffon »3 d’où sont issues les ramifications les plus fructueuses de cette même branche ii.

  • 4 Les Beatus qui conservent la première phase de la vision sont : le Beatus de Valcavado, ms. Vallado (...)

3Magius divise dans son Beatus la Troisième Grande Vision en deux phases, aux folios 83 [fig. 1] et 874 [voir supra fig. 7]. En suivant la numérotation actuelle du Livre, ces deux phases vont du chapitre 4 au verset 14 du chapitre 5. Le chapitre 4, des versets 1 à 6 (f. 83), illustre la première phase de la Vision. La deuxième illustration au folio suivant représente la Vision du chapitre 4, 7 au 5, 14 (f. 87).

Fig. 1. — Beatus de San Miguel de Escalada, ms. New York, Pierpont Morgan Library, M. 644, f. 83

Fig. 1. — Beatus de San Miguel de Escalada, ms. New York, Pierpont Morgan Library, M. 644, f. 83

Cliché Pierpont Morgan Library, reprod. d’après J. Williams et B. A. Shailor, Ei Beato de San Miguel de Escalada, Manuscrito 644 de Ia Pierpont Morgan Library de Nueva York, Madrid, Casariego, 1991.

Sch. a. — Composition géométrique du folio 83 du Beatus de Magius

Sch. a. — Composition géométrique du folio 83 du Beatus de Magius

Dessin R. Ramos Blassi.

La première phase de la Troisième Grande Vision (Ap 4, 1-6), f. 83

  • 5 Bien que cela ne soit pas explicite dans le texte, les illustrations des Beatus correspondent au te (...)
  • 6 Jean apparaît une deuxième fois portant la barbe dans le ms., au folio 146 où il est représenté mes (...)
  • 7 André Grabar, La Edad de Oro de Justiniano, Madrid, Aguilar, 1966, p. 165 [cf. éd. orig. L’Âge d’or (...)

4Nous nous trouvons devant une image rectangulaire occupant presque tout le folio [fig. 1] ; celui-ci est entouré d’une bordure aux dessins géométriques à lobes. Les personnages du texte apocalyptique s’organisent verticalement sur six bandes horizontales de diverses couleurs5. Sur la première bande inférieure de couleur bleue se trouve saint Jean, avec l’inscription qui l’identifie : Iohannes. Il est couché sur ce qui paraît être un coussin, avec la barbe6 et de grands yeux ouverts en direction du Christ dans une gloire circulaire, un nimbe de couleur rouge et un manteau jaune. La position du corps de saint Jean rappelle celle de Jonas dormant sous le ricin, comme on le voit sur les sarcophages paléochrétiens. La ressemblance avec l’une des absides de San Lorenzo dans la chapelle San Aquilino (ve siècle) [fig. 2], qui voit reparaître une tradition de la peinture romaine du ive siècle7, est intéressante : le Berger entre les rochers d’où jaillit une rivière et le chariot de l’enlèvement d’Élie. Les éléments de composition des apothéoses sont semblables : un personnage en gloire et les témoins de l’apothéose, comme Jean sur notre folio.

Fig. 2. — Ascension d’Élie, chapelle San Aquilino, Milan

Fig. 2. — Ascension d’Élie, chapelle San Aquilino, Milan

Cliché A. Grabar reprod. d’après La edad de oro de Justiniano, Madrid, Aguilar, 1966.

  • 8 Herbert L. Kessler, Spiritual seeing. Picturing God’s Invisibility in Medieval Art, Philadelphie, U (...)

5De la bouche de Jean jaillit un fil ondulé blanc, relié à un oiseau blanc (colombe) placé à côté de la gloire étoilée où trône le Christ. Pour H. Kessler, cette façon de signifier la vision de Jean avec l’esprit, et non avec les yeux corporels, porte les traces de l’influence augustinienne8, au passage où l’évêque d’Hippone parle de la vision « intellectuelle » :

  • 9 Saint Augustin, De Genesi ad litteram XII libri, XII, xxvi, 54, éd. Patrologie latine [désormais PL(...)

Si de la même façon que l’âme abandonna les sens corporels pour voir ces images qui se voient avec l’esprit, elle eut abandonné aussi l’influence de l’imagination pour être transportée vers la région des choses intellectuelles ou intelligibles, où l’on contemple la vérité manifeste dégagée de toute image matérielle, et où la vision de l’intelligence n’est troublée d’aucun nuage d’opinion fausse, il en résulterait que dans cet état les facultés de l’âme s’exercent sans peine9.

6Il poursuit :

  • 10 Ibid. : « Ibi videtur claritas Domini, non per visionem significantem, sive corporalem, sicut visa (...)

Là on contemple la splendeur du Seigneur, non plus à travers une vision représentative de quelque chose, qu’elle soit corporelle, comme celle qui eut lieu sur le mont Sinaï, ou spirituelle, comme celle vue par le prophète Isaïe, ou Jean dans l’Apocalypse, mais à travers une vision intellectuelle, à travers laquelle on verra, sans voile et face à face, le Seigneur comme il est en soi, tel que l’esprit humain est capable de le comprendre, tel que sa grâce le découvre à ceux qu’il juge dignes d’assister à l’entretien où il parle directement. Mais cet entretien ne sera pas adressé à la bouche du corps, mais à celle de l’âme10.

7Le type de vision qu’a saint Jean est très clair, et il faut souligner dans ce dernier paragraphe que la parole « ne sera pas adressée à la bouche du corps, mais à celle de l’âme », en expliquant ainsi pourquoi le fil qui sort de la bouche de l’Apôtre est relié à la colombe, symbole de l’âme, claire référence paléochrétienne. C’est donc ainsi que saint Jean voit, non pas avec les yeux corporels – bien que l’image les représente ouverts –, mais avec ceux de l’âme. Cependant, ces textes n’expliquent pas pourquoi l’évangéliste est allongé. Sur ce point, quelques passages de Prudence apportent un éclairage particulièrement significatif. Dans l’Hamartigenia, en parlant de ceux qui écartent leur regard du monde malheureux, il écrit :

  • 11 Prudence, Hamartigenia, v. 845-853, éd. et trad. Maurice Lavarenne [1re éd. 1961], Paris, Belles Le (...)

D’ailleurs, c’est d’un coup d’ailes aisé qu’ils s’élancent vers les astres, puisque c’est de là que l’âme est descendue pour donner vie à Adam quand il fut façonné. […] aussi c’est d’un vol rapide que dans ce retour elles fendent les couches épaisses de l’air ; leur étincelle brûlante traverse à nouveau et franchit le ciel […]. Quand elle arrive, quand elle rentre dans sa patrie céleste, la Foi candide la reçoit dans ses bras11

8Ce texte est éclairant quant au déplacement qui « coupe l’air » et va au-delà du firmament. Mais il existe un texte bien plus explicite qui semble décrire notre image de Jean allongé contemplant les régions célestes, et permet de comprendre pourquoi la vision de l’évangéliste s’effectue dans cette posture. Dans la même œuvre, un peu après le texte cité précédemment, Prudence lance cette question au lecteur :

  • 12 Ibid., v. 892-896 (éd. cit. supra), p. 71 : « Expertus dubitas animas percurrere uisu / abdita corp (...)

Douterais-tu que les âmes aperçoivent des choses cachées aux yeux du corps ? Tu as pourtant l’expérience que souvent, quand le sommeil est descendu sur nous comme une rosée, notre esprit encore vivant voit des endroits écartés, éloignés, et dirige ses regards sur des champs, des astres, des mers12.

9Or, en relation avec saint Jean, il parle dans le Cathemerinon du type d’activité mentale qui a lieu durant le sommeil, propice à la vision des réalités cachées :

  • 13 Id., Cathemerinon vi, v. 73-84, éd. M. Lavarenne [1re éd. 1944], Paris, Belles Lettres, 2003, p. 34 (...)

Ô quels profonds secrets le Christ dévoile pendant leur sommeil aux justes : secrets glorieux, secrets à ne pas révéler ! L’évangéliste si fidèle disciple du Maître suprême voit, tous nuages écartés, ce qui était scellé, caché : l’Agneau lui-même du Tonnant, tout empourpré du sacrifice, qui brise seul les sceaux du livre où se trouve écrit l’avenir13.

10On saisit alors le sommeil comme propice à la vision, ce qui éclaire sensiblement cette image de Jean allongé voyant les réalités révélées.

11Mais la description qu’il fait dans l’Hamartigenia est plus explicite encore :

  • 14 Id., Hamartigenia, v. 900-919 (éd. cit. n. 11), p. 71-72 : « […] Uiscerea sed sede manens speculatu (...)

[…] mais tout en restant dans son séjour charnel, il observe tout d’un regard pénétrant […]. Cependant la terre est devant lui, mais elle ne fait pas obstacle à ses regards. Bien mieux, s’il vient à tourner son visage vers la voûte céleste, rien de ce qui s’interpose devant ses yeux n’arrête la flamme de l’âme en éveil […]. C’est ainsi que, malgré le secret de l’avenir, de profonds secrets se découvrirent à Jean toujours vivant, encore lié à sa chair ; mais pendant qu’il dormait, il laissa cette chair de côté pendant quelques instants ; sa vue fut alors libre, de l’esprit et des yeux il parcourut les années disposées en ordre pour les jours à venir […]. Tel fut le spectacle qu’il eut avant sa mort, alors qu’il était encore emprisonné dans le cachot du corps ; son âme était momentanément absente de son corps sans être définitivement séparée14.

  • 15 H. L. Kessler (op. cit. n. 8), p. 123.

12L’importance de ce texte pour notre propos est d’autant plus notable qu’il s’agit quasiment d’une description de notre image. Pour résumer, la position de Jean allongé dans une attitude de sommeil paraît évidente, ainsi que le fil qui maintient unis le corps et l’âme qu’il contemple (« l’âme qui s’écartait d’un côté mais ne l’abandonnait pas »), et le fait que la vision ait lieu alors que l’apôtre est en vie. Il ne fait ici aucun doute que l’évangéliste voit avec les yeux de l’âme en même temps qu’il garde les yeux corporels ouverts : dans le cas des apôtres, la vision corporelle de celui qui a la responsabilité de notre chair est la condition nécessaire pour posséder la vision spirituelle15. Dans les autres Beatus qui conservent cette vision, Jean apparaît toujours dans une attitude évidente de sommeil, les yeux fermés, sauf dans le Beatus de la Seu d’Urgell (f. 86) de cette même branche ii. Dans le Beatus de Facundus (f. 112v), saint Jean est même allongé sur un lit, ce qui démontre que les copistes réaffirment chaque fois davantage l’idée de vision rattachée au sommeil.

Signification de la première phase

  • 16 Charles A. Bernard, Teologia simbolica [2e éd. ital.], Rome, Paoline, 1984, p. 200-201 [cf. éd. ori (...)

13D’un point de vue anthropologique, l’une des images qui définit la condition humaine est celle du passage vers la demeure céleste et, en même temps, du séjour dans un corps fragile, siège de l’Esprit. La mise en valeur du passage à la vie éternelle se manifeste par l’intermédiaire de symboles chers à l’Église primitive, qui expriment la continuité entre l’histoire présente et la vie céleste16. En d’autres termes, l’absolue transcendance ainsi que la véhémence de l’amour divin (ciel de flèches) et l’immanence d’un corps fragile capable de voir avec les yeux de l’âme – comme la paix de l’âme en vol (colombe) –, se conjuguent harmonieusement dans cette image.

  • 17 Y. Christe, « Traditions littéraires et iconographiques » (Art. cit. n. 1), p. 121.
  • 18 Sarcophages appelé « de la Passion » ou « de la Anastasis », Musées du Vatican, musée Pio-chrétien, (...)

14Dans la lignée exégétique de la tradition ticonienne, elle correspond à l’interprétation d’Ap 4 et 5 comme l’instauration du Règne du Christ et celui de son Église à l’occasion de la Résurrection. C’est pourquoi cette image manifeste une réalité permanente, la vision du Palais/Temple céleste, ce qui la place dans la catégorie des théophanies-visions, une vision fulgurante, facie ad faciem, de l’évangéliste, manifestant en tout cas une anticipation de la gloire future, et non la Parousie ou le Jugement dernier17. Quant à la représentation de la psychè au moyen d’une colombe, elle est particulièrement bien connue dans l’art paléochrétien, notamment dans les catacombes, les sarcophages et, également, dans l’iconographie de l’Anastasis (par ex. le sarcophage du Musée du Vatican : deux colombes mangent le fruit de la couronne qui entoure le monogramme du Christ ce qui contribue à la puissance de sa Résurrection18). On la retrouve également à un autre endroit dans le Beatus de Magius (f. 109), où les âmes des martyrs sous l’autel sont représentées par des colombes.

  • 19 Cf. Jean-Christophe Bailly, La llamada muda. Los retratos de El Fayum, Madrid, Akal, 2001, p. 130 [ (...)
  • 20 En ce sens, voir Jan Assmann, Mort et au-delà dans l’Égypte ancienne, Paris, Éd. du Rocher, 2003, p (...)

15Le dédoublement de la personnalité, pour exprimer le transitus vers les réalités célestes ou intelligibles, nous rapproche de façon suggestive de l’Égypte ancienne. Concrètement, il s’agit de représentations où le défunt – ou, à proprement parler, la momie – franchit le passage de cette vie à l’état d’« Osiris », c’est-à-dire, d’être divinisé, reçu ou accepté19. Sur les inscriptions des sarcophages, le défunt pouvait apparaître représenté deux fois en même temps : avec un corps stylisé à moitié couché ou se relevant de la mort, et à son tour comme âme immortelle qui veille sur lui et le dévoile sous la forme d’un oiseau ou « ba » [fig. 3]20. Apparaissent également en principe, le nom, l’ombre, le cœur, etc. Mais plus important encore est que tout cela représente le défunt comme en transitus.

Fig. 3. — « Ba », Livre des Morts de Tchennena, Paris, Musée du Louvre, département des Antiquités égyptiennes, N 3074, vignette du chap. 89

Fig. 3. — « Ba », Livre des Morts de Tchennena, Paris, Musée du Louvre, département des Antiquités égyptiennes, N 3074, vignette du chap. 89

Cliché d’après J. Assmann, Mort et au-delà dans l’Égypte ancienne, Paris, Éd. du Rocher, 2001.

16Selon ce schéma, l’oiseau qui se trouve près du cercle de la gloire est Jean lui-même ; il n’a pas besoin de ressembler au prophète, puisque dans la sphère dans laquelle il est figuré, il se trouve dans l’acte même de l’identité et de l’identification. L’aspect générique de l’oiseau (la colombe) apparaît comme possesseur de la valeur et de la présence de celui qu’elle reflète, comme un véritable signe qui se suffit à lui-même. Cette typologie possible est plus importante pour le concept de transitus que du point de vue de la forme proprement iconographique. De la même façon, le maniement d’identités dédoublées en signes s’avère plus que suggestif pour comprendre l’extase de Jean.

  • 21 Antonio Iacobini, Visioni dipinte. Immagine della contemplazione negli affreschi di Bawit, Rome, Vi (...)

17Dans ce sens, et dans un contexte copte chronologiquement plus proche, on peut trouver sur le tympan de la chapelle li de Baouît, découverte en 1904, trois personnages assis sur un même trône, ces personnages sont : Apollo, de face, à gauche Anoup, et Phib à droite, ces derniers se tournant vers le personnage central, le fondateur du monastère que l’on considère semblable aux anges21. Deux anges se situent derrière Apollo et les trois personnages ont un geste d’allocution. Au-dessus de ces deux personnages aux côtés d’Apollo se trouve une colombe [fig. 4], semblable à celle du folio 83 de Magius, ce qui représente le lieu où se situent les saints dans la vision de Dieu.

Fig. 4. — « Apollo, Phib et Anoup », Baouit, Chapelle LI

Fig. 4. — « Apollo, Phib et Anoup », Baouit, Chapelle LI

Cliché d’après A. Iacobini, Visioni dipinte, Immagini della contemplazione negli affreschi di Bawit, Rome, Viella, 2000.

  • 22 Selon les Pères, celui qui apparaissait à l’homme dans la vision prophétique était toujours la Deux (...)
  • 23 Wladimir de Gruneisen, « Il cielo nella concezione religiosa ed artistica dell’alto medioevo », Arc (...)
  • 24 Jerzy Miziolek, « When our Sun is risen: observations on eschatological visions in the art of the f (...)
  • 25 L’expression « lances et flèches du soleil » (solis spiculum) appartient à une vaste tradition litt (...)
  • 26 A. Grabar, Martyrium. Recherches sur le culte des reliques et l’art chrétien antique, t. II : Icono (...)

18La vision de Jean est adressée à la gloire qui contient l’image de l’Anonyme dans sa manifestation christologique22, assis sur un trône de type oriental, au tout premier plan, la main droite indiquant le Livre ouvert qu’il tient de la main gauche. L’image est composée sur un fond jaune intense, bordé d’un segment de couleur mauve étoilé (vingt et une étoiles). Ce type de coloration plus vive, comme le jaune, est commune aux cycles syro-égyptiens. On en retrouve l’influence dans la coupole de Casaranello, où l’or est remplacé par le jaune sur les étoiles, à l’image de la croix centrale de la coupole, et le ciel est coloré de bleu et de vert émeraude. Selon W. de Gruneisen, la substitution de l’or par la couleur jaune ne peut être considérée comme le signe d’un art provincial, dans la mesure où il s’agit d’un trait notable de l’art de la Haute-Égypte qui privilégie la couleur jaune23. En outre, J. Miziolek24 attribue un caractère solaire à la composition de la gloire d’où sortent des flèches comme des faisceaux de lumière25, et fait remonter ce motif à l’art de l’ancienne Égypte, particulièrement au temps d’Akhénaton. Selon les croyances astrales, les personnages inscrits dans une gloire/clipeus représentent le triomphe sur la mort ; c’est pour cela qu’ils s’élèvent au-delà de la mort au royaume du soleil. Le thème iconographique souligne deux idées étroitement liées : la puissance et le triomphe appliqués soit à Dieu et ses saints, soit à tous les fidèles, à l’Église dans sa totalité et au sort de l’individu26, ce qui évoque, une fois de plus, une influence de l’Antiquité tardive et de l’époque paléochrétienne.

  • 27 A. Grabar, « L’imago clipeata chrétienne », Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles (...)
  • 28 Par ex. le ms. gr. 1186 conservé au monastère Sainte-Catherine du mont Sinaï.

19Le cercle étoilé représente le ciel visible, convention utilisée à partir du ve siècle. Le cercle intérieur correspond au ciel de Dieu situé au-dessus du ciel visible, et la forme circulaire de ce ciel correspondrait par analogie au firmament. La forme circulaire de la représentation, imago clipeata, montre que ce qui est représenté à l’intérieur appartient à une réalité intelligible, invisible aux yeux charnels, ce qui correspond à la représentation de l’iconographie de la vision spirituelle de Jean l’Évangéliste. Comme le dit A. Grabar, « l’absent est invisible aux yeux humains ; d’où la fréquence des imagines clipeatae du Christ »27. Dans les manuscrits de Cosmas Indicopleustès, parmi les célèbres représentations schématiques de l’Univers, une imago clipeata du Christ apparaît au niveau de la partie supérieure du ciel invisible28. L’invisible est toujours l’objet d’une plus grande abstraction.

  • 29 A. Grabar, « L’iconographie du Ciel dans l’art chrétien de l’Antiquité et du haut Moyen Âge », Cahi (...)
  • 30 W. de Gruneisen (Art. cit. n. 23), p. 486.

20Le segment étoilé figurerait parmi les dessins du ciel que A. Grabar appelle « scientifiques »29, c’est-à-dire plus abstraits (contrairement à un concept plus « visuel » comme il l’appelle lui-même), où un simple segment étoilé suffit à différencier respectivement visible/tangible et invisible/intelligible. Par la suite, comme l’affirme W. de Gruneisen30, le ciel suprême de Dieu fut considéré au xe siècle par les artistes comme une sphère mobile qui descendait sur terre quand Dieu lui-même le voulait, pour une action particulière, ou pour le faire connaître, comme dans notre cas, à l’apôtre Jean.

  • 31 Cf. John Williams, The Illustrated Beatus. A corpus of the illustrations of the Commentary on the A (...)
  • 32 Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Bordas, 1969, p. 144 et ss.

21De ce cercle sortent des flèches rouges qui illustrent les « éclairs, le grondement et les coups de tonnerre » (Ap 4, 5) ; l’inscription abrégée sur l’image est la suivante : « Detronoproce / duntfulgura » (De trono procedunt fulgura)31. Les flèches sont la marque d’une mentalité schématique et c’est une convention utilisée dans tout le Beatus de Magius pour exprimer les coups de tonnerre et les éclats liés à la puissance divine. Du point de vue de la symbolique universelle, l’image « technologique » de la flèche est souvent mise en relation avec le symbole « naturel » de l’aile. La hauteur suscite plus qu’une ascension, plus qu’un élan, et il semble que de l’échelle à la flèche, en passant par l’aile, il y ait une amplification de l’impulsion ou de l’élévation. Mais cette impulsion est réversible, et à la flèche répond la foudre ; la foudre est une flèche inversée ; sa descente est rapide et droite. Par son assimilation à la foudre, la flèche unit surtout les symboles de la pureté à ceux de la lumière, de la rectitude et de l’immédiateté qui vont de pair avec l’illumination32. Le psalmiste du psaume 143, 6 unit déjà symboliquement la foudre et les flèches : « Fulgura coruscationem et dissipabis eos, emitte sagittas tuas et conturbabis eos ».

  • 33 Ibid., p. 181.
  • 34 Nicolas Cabasilas, La vie en Christ, II, 97, éd. et trad. Marie-Hélène Congourdeau, Paris, Cerf, 2 (...)

22La flèche – qui implique la vision – serait le symbole du savoir rapide et intuitif, son double étant la foudre instantanée qui symbolise l’illumination. Quand l’arme se retrouve unie au héros, elle signifie à la fois la puissance et la pureté33, ce qui est en parfait rapport avec le thème d’un personnage inscrit dans une gloire, comme l’Anonyme du folio 83. Nous pouvons dire qu’il y a une correspondance symbolique entre le vol de l’âme de Jean comme ascension, et la foudre/flèche de la puissance divine ; entre la vision immédiate et puissante de Dieu (l’archer divin) et la vision par le vol/ascension de l’évangéliste Jean. L’oiseau qui s’élève comme la flèche qui descend évoquent métaphoriquement une vision immédiate et fulgurante. Nicolas Cabasilas dira bien plus tard : « […] cette illumination est une certaine perception de Dieu, quand le rayon céleste touche l’âme même de façon invisible »34. Grégoire le Grand, parlant de la contemplation comme d’une « aile » (image qui synthétise en elle-même l’action de voler), est aussi très éclairant :

  • 35 Grégoire le Grand, Moralia in Job, XVIII, liv, 93, éd. PL 76, col. 95-96 : « Non videmus Deum sicut (...)

Nous ne voyons certainement pas Dieu comme il se voit lui, lui-même, et de même, nous autres ne nous reposerons pas sur lui comme lui repose en lui-même. Car notre manière de voir Dieu et de nous reposer sur lui seront semblables à sa vision et à son repos, mais pas identiques. Avec l’objectif que nous nous tenions repliés sur nous-mêmes, l’aile de la contemplation nous élève, et en le voyant, que nous soyons élevés de nous jusqu’à lui. Enchantés par l’élan de notre cœur et la douceur de la contemplation, nous allons d’une certaine façon de nous à lui, et bien qu’une telle marche ne soit pas pour nous de tout repos, aller ainsi est pourtant un parfait repos35.

  • 36 Remarquons au passage que, dans un premier temps, Magius avait placé trois lampes de chaque côté de (...)
  • 37 Cf. A. Grabar, « Les illustrations des Beatus mozarabes et les miniatures orientales chrétiennes et (...)

23Au milieu de la bande qui contient le cercle et les flèches, sont disposées sept lampes devant le trône, trois d’un côté et quatre de l’autre36 ; le dessin est comme une coupe verticale qui permet de voir l’intérieur des lampes avec la flamme. C’est un type de dessin se retrouvant notamment dans les représentations des objets de culte du temple de Jérusalem37 ; le dessin est par exemple assez semblable dans le célèbre folio 50 de la première Bible de León pour ce qui est du Temple.

  • 38 Cf. A. Grabar, Las vías de la creación en la iconografía cristiana, Madrid, Alianza, 1985, p. 110 [ (...)

24Il existe aussi un lien cohérent entre la vision de Jean et l’imago clipeata du Christ. Ce type de représentation circulaire est un ancien procédé romain (portraits funéraires) utilisé pour représenter des personnages non visibles qui se révèlent par la vision à un témoin, à des prophètes – ou bien dans le présent cas à Jean lui-même. Cette façon de représenter le Christ au ciel permet de montrer qu’il n’est pas visible directement mais à travers une vision spéciale grâce aux « yeux spirituels » ou, pour reprendre saint Augustin, à travers une « vision intellectuelle ». Ainsi est exprimé le fait que la manifestation divine est étrangère au monde perceptible qui nous entoure : elle n’est accessible qu’au visionnaire, dans notre cas, à saint Jean38.

  • 39 J. Williams (op. cit. n. 31), p. 69.

25Sous la gloire étoilée où se trouve l’Anonyme, est représentée la mer de cristal qui correspond à Ap 4, 6 (le dernier verset représenté par le folio 83). Elle est de couleur verte, avec des lignes ondulées rouges, et porte l’inscription : « Hoc mare uitreum ante conspectu troni »39.

  • 40 Ibid.
  • 41 A. Grabar, La iconoclastia byzantina (op. cit. n. 22), p. 73-75 ; on peut apprécier ce type de cour (...)
  • 42 Frederik Van der Meer, Maiestas Domini. Théophanies de l’Apocalypse dans l’art chrétien, Cité du Va (...)

26En ce qui concerne la disposition des vingt-quatre Vieillards – dix dans la bande supérieure et quatorze dans la bande inférieure – il n’y a pas d’arguments précis au sujet de cette distribution numérique, mais nous pensons que cette séparation dans la partie supérieure revêt une signification très importante pour Magius, sur laquelle nous reviendrons vers la fin de cet article. Ils sont tous nimbés, assis sur des trônes, portant ce qui pourrait être des couronnes, si l’on suit le récit biblique (Ap 4, 4). En revanche, la couleur des vêtements devrait selon le texte biblique être le blanc et non des couleurs variées comme sur l’image. Au-dessus des Vieillards du registre inférieur apparaît l’inscription : « Seniores sedentes super capita sua coronas aureas tenentes »40. Ce type de couronnes circulaires est semblable aux couronnes votives que l’on accrochait sur les arcs et les architraves des ciboires des autels et des reliquaires, entourant de cette façon la table eucharistique ou l’objet sacré. Au folio 109, on peut apprécier quelques couronnes votives de formes différentes (semblables peut-être, aux fameuses couronnes wisigothiques de Guarrazar). Il y en a trois circulaires qui à un moment ont été dorées, comme on le voit sur les couronnes des Vieillards, folio 83. Elles ressemblent aussi beaucoup aux couronnes ou aux coiffes d’apparat dans la tradition sassanide, soutenant un cercle sur un appui semi-circulaire. Dans les palais sassanides, on avait aussi l’habitude de suspendre les couronnes au-dessus de la tête du prince41. Au folio 83, les Vieillards seraient couronnés de couronnes suspendues de ce type, même si on ne voit pas la ficelle ou la chaîne comme au folio 109. Quant à leurs auréoles, F. Van der Meer les interprète comme une référence au pays qui les acclame et les invoque comme des saints dans son calendrier liturgique : l’Égypte42.

  • 43 On peut signaler, appartenant au même type, Saint-Marc-et-Saint-Marcellin, l’Ampliatus luneta et la (...)

27La disposition des Vieillards, trônant de face, semble trouver son origine dans l’art funéraire paléochrétien, particulièrement dans les schémas des absides basilicales. Lorsque les sarcophages paléochrétiens représentant des « assemblées célestes » ou bien des « portraits collectifs » sont des décors absidaux, ils apparaissent sur un fond neutre, comme dans le cas de la mosaïque de San Aquilino43. Sur celle-ci sont représentés le Christ, assis au centre et entouré des Apôtres également assis, et, en dessous, une rivière. Peindre ou représenter des assemblées ecclésiales célestes sur un fond plat était une forme de décor absidial populaire entre le ive et le ve siècle. L’abside est le lieu par excellence de la représentation de la théophanie, et la façon dont sont répartis les Vieillards dans ce folio est semblable aux représentations basilicales. Par conséquent, une telle image, en pleine page, aurait la même fonction que celle que l’on attribue à l’abside.

28Le choix de ce type de représentations concorde alors avec les théophanies-visions d’une réalité totalement intelligible ; comme dans l’espace basilical, elles reproduisent le ciel de Dieu où se trouvent ces assemblées. Ainsi, A. Grabar rappelle :

  • 44 A. Grabar, Le premier art chrétien : 200-395, Paris, Gallimard, 1966, p. 47.

[…] l’effet qu’une salle basilicale produit sur celui qui entre par la porte du milieu : la double colonnade symétrique qu’il trouve devant lui oriente son regard vers la table d’autel fixée dans le fond, entraînant tout son être vers Dieu. Car le chœur, avec sa table eucharistique, est immobile devant l’abside, qui arrête la double allée des colonnes, et rien n’exprime mieux l’idée du séjour divin, qui est au-delà de l’espace et de la durée. […] le chœur évoque le ciel intelligible, la nef figure la terre ou l’univers matériel ; les images du chœur représentent donc l’accomplissement de l’œuvre du salut44

  • 45 Bianca Kühnel, From the earthly to the heavenly Jerusalem. Representations of the Holy City in Chri (...)
  • 46 Paris, Mus. du Louvre, Sarcophage : Le Christ enseignant, cuve. Fin du ive s. ap. J.-C. Rignieux-le (...)
  • 47 Y. Christe, « Traditions littéraires et iconographiques » (Art. cit. n. 1), p. 121 et ss.

29Dans la plupart des assemblées représentées sur les sarcophages, on remarque constamment une connotation romaine spécifique45. Le sarcophage de Concordius [fig. 5], à Arles, est très significatif car les Apôtres sont assis autour du Christ et portent leur attention vers le centre comme les Vieillards du registre inférieur du Beatus de Magius. Le Christ est au centre sur un suppedaneum, tout comme le personnage central des Vieillards du registre inférieur. Un autre sarcophage intéressant en ce sens est celui qui conservé au musée du Louvre46 figurant, comme celui de Concordius, le Christ enseignant entouré des apôtres [fig. 6], et dans la même lignée, celui, célèbre, de saint Ambroise à Milan. Sur ces sarcophages sont représentés, en décor de fond, des colonnes étroitement associées avec une basilica caelestis. Les gestes d’acclamation adressés à Jésus au milieu de la composition constituent une caractéristique assez commune de ce type de représentations. Or, bien que les scènes d’adoration en lien avec le texte de l’Apocalypse suggèrent généralement au tumulte et à l’agitation, c’est davantage avec l’ambiance calme des audiences impériales où seuls sont admis les « amis » de l’empereur qu’est figuré le palais céleste à l’époque paléochrétienne47.

Fig. 5. — « Christ avec les Apôtres – Sarcophage de Concordius », fin du IVe s., Arles

Fig. 5. — « Christ avec les Apôtres – Sarcophage de Concordius », fin du IVe s., Arles

Cliché Robert H. Consoli. Avec l’autorisation de Squinchpix.com

Fig. 6. — « Le Christ enseignant », Sarcophage : fin du IVe s., Paris, Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, no Inv. : Ma 2958

Fig. 6. — « Le Christ enseignant », Sarcophage : fin du IVe s., Paris, Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, no Inv. : Ma 2958

Cliché D. Ruberval Monteiro Da Silva, OSB.

  • 48 Ibid. p. 121.
  • 49 Ibid. Voir aussi Id., « Apocalypse et interprétation iconographique : quelques remarques liminaires (...)

30Dans le cas du folio 83, le décor architectural du fond a été supprimé (nous reviendrons plus loin sur les motifs de l’auteur sur ce point spécifique). Toutefois, l’idée d’« assemblées célestes » concorde avec l’exégèse de l’Apocalypse de tradition ticonienne, selon les études d’Y. Christe48. Les visions des chapitres 4 et 5 sont considérées comme un tout, où la vision et l’intronisation de l’Agneau se superposent à la vision statique de l’Anonyme intronisé au milieu des Vivants et des Vieillards. De cette façon est soulignée l’instauration du Règne du Christ et de l’Église à l’occasion de la Résurrection. C’est pourquoi ils montrent une réalité permanente, c’est-à-dire, la vision du Palais/Temple céleste. C’est à ce titre seulement que le récit d’Ap 4-5, comme image de la plénitude céleste, peut servir de référence à une théophanie-vision, une épiphanie victorieuse, et être à son tour une vision anticipée de la gloire de Dieu à la Fin des Temps49.

La structure géométrique du Beatus

  • 50 Jean Hubert, « Les peintures murales de Vic et la tradition géométrique », Cahiers archéologiques. (...)
  • 51 J. Hubert (Art. cit. supra), p. 86.
  • 52 Sur l’harmonie universelle au Moyen Âge, on consultera avec profit Isabelle Marchesin, L’image orga (...)

31Le goût pour la géométrie tout comme l’utilisation d’une large gamme de couleurs (typique des Beatus) sont des caractéristiques graphiques bien connues chez les copistes dès la fin de l’époque mérovingienne50. Mais dans le cas des Beatus, l’usage de la géométrie fut réservé aux lettres initiales et se limitait aux simples propriétés du cercle. On a pu considérer que les décorateurs d’églises utilisaient comme modèles les miniatures illustrées, qu’ils agrandissaient sur la paroi. Cette hypothèse a été abandonnée. Il semble que les enlumineurs, dans les scriptoria des monastères, et les décorateurs d’églises mettaient en œuvre des formules iconographiques et des techniques de dessin semblables. Les uns et les autres recevaient sans doute au cours de leur apprentissage un enseignement identique51. Ainsi l’usage de la page complète évoque-t-il un procédé semblable à celui des décorateurs d’églises qu’on retrouve aussi chez Magius, qui fait un usage de la divine proportion inédit dans les Beatus antérieurs et suivants [sch. a et b]. Par leur utilisation des lois de la géométrie, les artistes du Moyen Âge tentaient de recréer, plus qu’une reproduction visuelle de la nature, celle de l’ordre universel. La divine proportion avait pour fonction d’exprimer l’harmonie et la beauté divine, afin de contempler le tout dans l’image et d’y prendre part52.

32Dans les pages qui suivent, nous développerons cette thématique et sa cohérence avec les choix iconographiques faits par Magius.

La vision du Ciel. La deuxième phase de la Troisième Grande Vision

  • 53 A. Grabar, « L’iconographie du Ciel… » (Art. cit. n. 29).
  • 54 Id., Las vías de la creación (op. cit. n. 38), p. 172-173.

33La composition du folio 87 [fig. 7] du Beatus de Magius est unique en comparaison avec les autres Beatus, tant dans son harmonie et que dans sa luminosité. Selon la classification faite par A. Grabar, elle rentre dans la catégorie des représentations du Ciel « scientifiques » ou « symboliques »53, influencée par les schémas des astronomes grecs de l’Antiquité. En d’autres termes, l’enlumineur remplace la vision « naturelle » de la voûte céleste par une représentation astronomique schématique, figurant sous une forme circulaire le Ciel de Dieu par analogie à la forme circulaire de la voûte céleste. Ces images ne se limitent pas à reprendre le texte de l’Écriture, mais font appel à d’autres éléments extérieurs variés – cartes astronomiques du ciel visible dans ce cas – pour les inclure de façon créative dans la représentation iconographique. De cette façon, elles n’illustrent pas un texte biblique, mais le commentent iconographiquement, pour reprendre l’expression d’A. Grabar qui parle d’« images commentaires »54.

Fig. 7. — Beatus de San Miguel de Escalada, ms. New York Pierpont Morgan Library, M.644, f. 87

Fig. 7. — Beatus de San Miguel de Escalada, ms. New York Pierpont Morgan Library, M.644, f. 87

Cliché Pierpont Morgan Library, reprod. d’après J. Williams et Barbara A. Shailor, El Beato de San Miguel de Escalada, Manuscrito 644 de la Pierpont Morgan Library de Nueva York, Madrid, Casariego, 1991.

Sch. b. — Composition géométrique du folio 87 du Beatus de Magius

Sch. b. — Composition géométrique du folio 87 du Beatus de Magius

Dessin R. Ramos Blassi.

  • 55 Dans les synagogues antiques en particulier – comme celle de Doura Europos –, l’illustration entour (...)

34Ce procédé trouve malgré tout ses limites pour la représentation du Ciel invisible de Dieu, en l’absence d’images grecques préchrétiennes pouvant servir de modèle. Le Ciel de Dieu, au-dessus du ciel visible, du firmament ou du stereoma, est à son tour imaginé de forme sphérique ou circulaire. Le segment étoilé marque la limite entre le ciel visible et le ciel invisible. Et pour l’invisible, les peintres médiévaux tendront plus à l’abstraction : cercles concentriques de différentes couleurs, main divine surgissant, etc.55. Pour l’image du folio 87, comme nous allons le voir, Magius s’est servi d’un schéma astronomique antique, faisant de cette manière son « commentaire » du texte apocalyptique, grâce auquel nous pourrons approcher sa conception du Ciel.

  • 56 Karl Lehmann, « The Dome of Heaven », The Art Bulletin, 27/1, 1945.

35Il existe d’autres espaces très importants permettant d’approfondir par comparaison la signification de notre folio : les coupoles et les mosaïques, où s’est exprimée dans la tradition préchrétienne la représentation du ciel, ainsi que – dans la tradition juive – les synagogues palestiniennes. Tous ces espaces, toujours très organisés, avec toute leur spécificité et leur variété, jouissent d’une systématisation commune, privilégiant nettement la représentation du cosmos. K. Lehmann explique que l’on trouve ce sens cosmique à différents niveaux de la pensée grecque, puisqu’ils combinent une décoration idéelle et une beauté formelle avec un ordre de raisonnement spéculatif et une conception d’un monde permanent établi56.

  • 57 Eusèbe de Césarée, Vita Constantini, éd. PG 20, l, iii, 2 ; trad. fr. : « […] dans le même palais i (...)

36Une fois de plus, nous devons, pour comprendre notre image, remonter aux sources païennes et tardo-antiques. On trouve chez Eusèbe des informations sur la transmission directe au christianisme de l’habitude païenne d’interpréter le toit comme ciel dans la sphère impériale de la décoration du palais, quand il se réfère à la décoration du toit dans le palais de Constantin le Grand avec une croix comme symbole de la religion chrétienne57.

37À propos de la composition particulière de ce folio 87, observons au préalable ce que le Beatus dit de cette vision, à laquelle un long commentaire est consacré :

  • 58 Beati in Apocalypsin…, III, 1, 2 (éd. cit. n. 24), p. 264. Trad. fr. : « Après la clarté d’une auss (...)

Post tantae manifestationis claritatem, quam fideli mente praespexerat, ipsa caelorum illi secreta aperiuntur, et demonstrantur divini absconsa mysteriis58.

38Nous nous trouvons face à la vision du Ciel de Dieu. Le premier élément important à signaler est la composition en plusieurs cercles concentriques. Au centre, dans un cercle plus petit se trouve l’Agneau ; il tient, avec l’une de ses pattes avant, une hampe surmontée d’une croix, et, avec l’autre patte avant, un livre ouvert sous la forme d’un coffre, du même type que celui représenté dans la majesté de l’image précédente. L’agneau est blanc sur un fond rouge comme la cire, sur lequel on peut lire l’inscription : « agnus ».

39Dans le second espace circulaire sont disposés une série de personnages identifiés par l’inscription : « quatuor animalia », c’est-à-dire les Vivants zoocéphales selon le texte d’Ézéchiel (1, 5), correspondant à une typologie commune dans la tradition hispanique (par ex. la Bible de San Isidoro au premier canon, f. 397, ou aux canons des Évangiles). Chacun a deux ailes sur le côté, et non pas six comme le dit le texte apocalyptique, ni quatre selon Ézéchiel. Ce sont les symboles des évangélistes : dans la partie supérieure se trouve l’aigle de Jean, dans la partie inférieure l’ange de Matthieu ; sur la gauche le taureau de Luc, et à droite le lion de Marc. Ils se tiennent sur des cercles tourbillonnants qui représentent les « roues » qui soutiennent les symboles du récit d’Ézéchiel dans la grande vision du Char de Yahvé (Ez 1, 19 et ss.). Le texte de Jean ne parle pas des roues ni de l’aspect humain des êtres. Il faut également prendre en compte le long commentaire que consacre le Beatus à ces chapitres 4 et 5 classifiés comme livre iii, et l’allusion répétée au prophète Ézéchiel, pour expliquer le sens des Vivants liés au Livre fermé ainsi qu’à l’Agneau. Les quatre tiennent dans leurs mains un livre ouvert de forme rectangulaire.

  • 59 Le texte français de la Bible donné dans cet article reprend le plus souvent La Bible. Traduction œ (...)
  • 60 Beati in Apocalypsin…, III, 4, 2 (éd. cit. n. 24), p. 305 : « septem sigillis signatum […], sive li (...)
  • 61 Beati in Apocalypsin…, iii, 4, 92 (éd. cit. n. 24), p. 324 : « […] sicut dicit signatum sigillis se (...)

40Le livre fermé que tient l’Agneau pose plusieurs problèmes sur lesquels il conviendrait d’apporter un éclaircissement. Il a été considéré comme « l’abstraction d’un livre ouvert ». En ce sens il y a un exemple avec un livre ouvert dans notre manuscrit au folio 219v qui correspond à Ap 20, 11-15, et qui se réfère au Grand Livre de la Vie ouvert pour le Jugement. Le livre dans la main de celui qui est sur le trône est dessiné en cohérence avec ce que l’on verrait d’un livre ouvert. Dans notre cas, l’Agneau tient un livre, comme le dit le texte apocalyptique (Ap 5, 6-7) : « […] un Agneau qui se dressait qui semblait immolé […]. Il s’avança pour recevoir le livre de la main droite de celui qui est siège sur le trône »59. Si l’on suit le texte, nous pouvons reconnaître dans ce livre de forme carrée à l’extrémité triangulaire, comme une sorte de coffret, peut-être une allusion au livre fermé que l’Agneau est digne d’ouvrir (Ap 5, 9). Cette forme contraste à son tour avec la forme des livres des Vivants qui sont in circuiti throni, rectangulaires, la tranche au milieu, comme s’ils étaient ouverts en direction du Vivant-évangéliste. Le livre scellé de sept sceaux, « ce sont les deux Testaments, de toute évidence, l’Ancien et le Nouveau »60. À son tour, Magius nous présente une série de portiques en arc vouté au début de l’œuvre (f. 2v-f. 4) où sont représentés les évangélistes et les Vivants. Il devrait y avoir deux portiques par évangéliste, mais il en manque un pour Matthieu et un autre pour Marc. Nous retrouvons ici l’alternance du livre représenté sous la forme d’un coffre ou d’une capsa et du livre carré dans les mains du Vivant-évangéliste situé dans la partie supérieure de l’arc outrepassé. L’aspect des Vivants est semblable à celui de notre miniature du folio 87. Le livre comme capsa soutenue par deux anges dans un espace architectural peut évoquer, dans la liturgie syrienne, l’« arc des Évangiles » qui était situé dans le sanctuaire. Dans tous les cas, il convient de se demander si les livres en forme de coffre/capsa ont une fonction iconographique distincte de ceux qui ont une forme carrée. Dans ce cas, l’Agneau tient le livre fermé qu’il peut ouvrir et qui, parce qu’il pourra être ouvert, communique avec les livres ouverts – de forme carrée ou rectangulaire – des Vivants. L’Agneau alors, dans la gloire intérieure, tient le coffre/capsa ou « livre scellé », « enfermant avec toute la plénitude des mystères »61 l’Ancien et le Nouveau Testament.

  • 62 R. Ghirshman (op. cit. n. 41), p. 200-228.
  • 63 Voir ce que dit à ce propos A. Grabar dans « Le rayonnement… » (Art. cit. n. 41) : « La passion qu’ (...)
  • 64 Ibid., p. 707.

41La gloire dans laquelle est placé l’Agneau comporte un bord perlé (quarante-huit perles, soit 4 × 12) qui fait penser aux stucs et aux tissus d’origine sassanides, représentant des têtes d’animaux, comme le sanglier, un paon debout, un mouton, ou les célèbres simurgh qui influencèrent directement le bestiaire des Beatus (aux vie et viie siècles), renvoyant à des divinités bienveillantes ou à des symboles héraldiques62. Quelque chose de semblable apparaît sur les tissus de la même époque, que les tisseurs musulmans et coptes reproduiront également63, et qui persistera en tant que motif décoratif, mais en perdant sa dimension religieuse originelle64. Les perles qui bordent la gloire de l’Agneau s’apparentent à des yeux, que l’on retrouve sur les ailes des Vivants, ce qui fait ressortir l’aspect visionnaire décrit dans le texte apocalyptique : « quatre animaux couverts d’yeux par-devant et par-derrière » (Ap 4, 6).

42Avec la patte gauche, l’Agneau lève une hampe avec une croix. À l’intérieur de la gloire, sur un fond mauve, les figures des Vivants alternent avec celles des vingt-quatre Vieillards (qui ne sont que douze sur l’image). Une nouvelle fois, Magius ne respecte pas la lettre du texte apocalyptique. La question reste posée : pourquoi douze et pas vingt-quatre ? À leur tour les douze Vieillards – représentés jeunes et imberbes – synthétisent en groupe de quatre les différentes actions narrées par le texte apocalyptique, c’est-à-dire : prosternés et en adoration, ceux qui jouent d’un instrument, et ceux qui présentent les coupes avec les prières des saints (Ap 5, 8) :

Quand il eut pris le livre, les quatre Vivants et les vingt-quatre Vieillards se prosternèrent devant l’Agneau. Chacun tenait une harpe et des coupes d’or pleines de parfums, qui sont les prières des saints.

  • 65 J. Williams (op. cit. n. 31), p. 180.
  • 66 Carlos Romero de Lecea, Trompetas y cítaras en los códices de Beato de Liébana, Madrid, Real Academ (...)
  • 67 Ibid.

43En ce qui concerne le type d’instrument de musique de certains Vieillards, c’est-à-dire le luth maure, on envisage généralement une influence de l’iconographie princière islamique65. La manière de représenter la position des chevilles de l’instrument se retrouve non seulement dans d’autres exemples dans l’Europe médiévale, y compris en Espagne, mais aussi dans l’ouest de l’Asie : Byzance, Caucase, Turquie. Ces instruments se distinguent clairement de ceux, originaires de la zone arabo-persane, où les chevilles sont placées latéralement. Les deux types de disposition des chevilles des instruments à cordes apparaissent dans les Beatus. Tout évoque donc une double influence, tant des courants artistiques celtiques qu’islamiques66, sur ces miniatures. Dans le cas du manuscrit de Magius, les instruments ont un corps étroit et elliptique. Leur tête est peu commune, comme un étroit croisillon dont la forme, associée au chevillier, évoque un L ou un T, avec trois ou quatre chevilles ressortant vers l’extérieur. Un tel mécanisme ne peut exister techniquement : il s’agit d’un mode de formalisation utilisé par les miniaturistes, incapables de rendre en perspective l’inclinaison vers l’extérieur où l’on insère les chevilles ; ou, peut-être ici, l’enlumineur a-t-il repris des modèles antérieurs, plutôt que de peindre directement l’instrument, en l’ayant sous les yeux67.

  • 68 Ms. León, Archivo Capitular de la Real Colegiata de San Isidoro de León, 2 (« Codex Biblicus Legion (...)
  • 69 A. Grabar, « Les illustrations des Beatus mozarabes… » (Art. cit. n. 37).

44L’aspect des coupes que tiennent quatre des Vieillards est remarquable : présentées en plan vertical, laissant apparaître un contenu pétillant représentant ainsi le parfum des prières, les coupes sont représentées selon le même schéma « transparent » que les lampes du folio 83. Il a déjà été mentionné que ce type de recours iconographique apparaît très souvent dans l’art mozarabe, surtout pour représenter des objets rituels ou de culte (voir par exemple la Biblia primaria de León68 au f. 50 [fig. 8])69. A. Grabar souligne aussi que cet « orientalisme » de l’art mozarabe appartient plus à un fond commun de formes, plus anciennes que l’islam, transmises probablement par des ateliers juifs et chrétiens d’Orient, penchant pour l’hypothèse ancienne d’une continuité partielle de la tradition artistique juive qui aurait été transmise d’Égypte à l’Espagne entre les xe et xiiie siècles.

Fig. 8. — León, Archives de la cathédrale San Isidoro, Biblia Primera, 2, f. 50

Fig. 8. — León, Archives de la cathédrale San Isidoro, Biblia Primera, 2, f. 50

Cliché M. Mentré, El estilo mozárabe, Madrid, Encuentro, 1994.

45Les images sont accompagnées d’inscriptions qui les identifient : « isti prosternunt seante agnu ; tenens citharam » ; « tenens fialam » ; « quatuor animalia ». La gloire est bordée par un autre cercle bleu foncé et étoilé, vingt-quatre étoiles exactement (2 × 12). Il s’agit d’une convention ancienne pour signifier le ciel visible cosmique. Quatre anges, à l’extérieur de la gloire, portent celle-ci : deux dans la partie supérieure regardant dans des directions opposées. Les mots identifient l’un comme un chérubin et l’autre comme un séraphin. Un autre mot au centre indique « tronum ». Les deux anges du bas sont nommés « angeli tronum tenentes ».

46Les quatre anges établissent un lien avec le thème de l’Ascension, où le Christ est emmené au ciel dans une gloire ou une mandorle de lumière portée par des anges, évoquant également les victoires ailées antiques qui transportaient le monogramme ou la croix du Christ. Ce thème s’inscrit plus largement dans un type de représentation visant à caractériser les relations entre un personnage (saint, empereur) et Dieu, ainsi qu’à préciser l’origine divine de la puissance propre au personnage représenté. Deux idées seraient alors étroitement liées : la puissance et le triomphe propres à Dieu et à ses élus, comme aux fidèles, à l’Église même, comme au sort et au destin de l’individu. Et cela s’applique spécialement à l’Agneau.

  • 70 Y. Christe, Il Giudizio universale nell’arte del medioevo, Milan, Jaca Book, 2000, p. 16. Voir éd. (...)

47Pour ce qui est de la couleur, on notera la dominante rouge et jaune du chérubin et du séraphin. Le colobium dont ils sont vêtus renvoie à une influence antique. Les anges qui portent la gloire dans la partie inférieure ont des tons bleu-vert. La couleur rouge signifie la relation avec le Ciel de Dieu et le bleu celle avec les anges situés sous le firmament, en écho à ce qu’on peut voir sur la mosaïque de la basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf à Ravenne (ve siècle) représentant le Jugement dernier par la séparation des brebis et des chèvres (Mt 25). En effet, le Christ imberbe se tient au centre, vêtu de pourpre ; sa main droite est tendue vers l’ange vêtu de rouge qui se trouve à sa droite. À sa gauche un ange vêtu de bleu se tient debout derrière les chèvres. L’ange vêtu de bleu derrière les chèvres représente le démon, la couleur bleue désignant le ciel atmosphérique où dans l’Antiquité, qui ignorait les figures diaboliques à la différence du Moyen Âge, on localisait les êtres tombés du ciel supérieur – le ciel igné, représenté par l’ange vêtu de rouge70.

  • 71 Cf. J. Williams et Barbara A. Shailor, El Beato de San Miguel de Escalada : manuscrito 644 de la Pi (...)

48Il convient de noter, à la suite de J. Williams, que Magius ne s’est pas contenté de disposer les différents personnages à l’intérieur comme à l’extérieur de la gloire selon un schéma circulaire concentrique résultant de l’usage du compas71. Il va un peu plus loin dans son œuvre, organisant toute la composition avec une symétrie rigoureuse selon un calcul arithmétique des proportions géométriques. Toute la Grande Vision dans sa seconde phase, se réalise à partir de la gloire comme si l’on traçait un espace sacré pour la construction d’un temple.

Signification de la seconde phase de la Grande Théophanie

  • 72 Ibid., p. 34-39 (f. 1v-4).

49Dans cette seconde phase de la troisième Grande Vision, Jean l’Évangéliste n’apparaît pas intégré à l’espace des vingt-quatre Vieillards, du moins en dehors de la vision comme on le voit sur la page correspondante du Beatus de San Millán (f. 92). Il n’y a aucun personnage en dehors de la gloire – à l’exception des anges, chérubin et séraphin qui la portent –, il s’agit d’une vision totalement surnaturelle du Ciel, au-delà du ciel étoilé visible. Ici Jean apparaît parmi les quatre zodia symboles des évangélistes puisque chacun tient un livre correspondant au Testament qui lui est attribué. Le fait que la vision de saint Jean ne soit pas ici explicitée iconographiquement – à la différence du folio précédent – semble relever d’une volonté précise, sur laquelle nous allons nous attarder. Il convient d’insister une fois de plus sur les frontispices des évangélistes qui sont au début du Beatus aux folios 1v-472.

  • 73 J. Williams, « The Beatus commentaries and Spanish Bible Illustration », dans Actas del Simposio… ((...)
  • 74 Certains auteurs pensent qu’il s’agit en fait du Christ, mais J. Williams, ibid., s’oppose à cette (...)
  • 75 Au folio 10 du Beatus de Facundus apparaît une seule représentation du frontispice de l’évangéliste (...)
  • 76 Mireille Mentré, Création et Apocalypse. Histoire d’un regard humain sur le divin, Paris, O.E.I.L., (...)

50Les deux derniers correspondent à Jean. Au folio 3v, on le voit représenté sur une sorte de trône dictant son Évangile à un copiste ; dans la partie supérieure de la voûte se trouve un aigle. À l’extérieur de la composition, au-dessus de la voûte, se trouve un vers extrait du Carmen Paschale de Sedulius : « More volans aquilae verbo petit astra Iohannes » (Sedulius, l, i, 355)73 [fig. 9]. Il est à noter que la représentation de Jean, portant une barbe bifide74, est identique à celle de la vision du folio 83, où il « vole » aussi « au-delà des étoiles ». Au frontispice suivant du folio 4 [fig. 10] apparaissent deux anges tenant le livre de l’Évangile ; sur la voûte est représenté (en buste) l’aigle anthropomorphe, tenant un livre, comme le vivant du folio 87. Au-dessus de la voûte est notée l’inscription de l’Évangile de Jean : « In principio erat Verbum, et Deus erat Verbum » (Jn 1, 1)75, signifiant de la sorte la même réalité permanente du trône de Dieu que celle que nous voyons au fol. 87. Nous pouvons alors faire un parallèle entre les deux frontispices et les deux phases de la troisième Grande Vision, en premier lieu Jean qui reçoit la Révélation, et en second lieu Jean qui contemple l’Agneau que l’on immole depuis la création du monde ; dans les deux cas et pour la même raison, Jean n’apparaît ensuite que sous la forme de son symbole. C’est extrêmement important, dans la mesure où s’exprime clairement la conception antique et du haut Moyen Âge d’un monde « engendré et régénéré » par le Verbe. En effet, le déroulement de l’histoire de l’humanité n’est pas conçu au haut Moyen Âge comme linéaire, mais avant tout, comme une totalité englobée dans le Principe, qui est le Verbe de Dieu76. Création et Apocalypse s’ajustent symétriquement. « Principium sine principium, finis sine fine », comme il est écrit sur le tympan de Lalande de Fronsac. De cette manière, la présence de l’évangéliste tel qu’il est montré au deuxième frontispice (f. 4) indiquerait que l’ensemble de l’univers est marqué, dans ses fondements comme dans sa réalité finale, par la théophanie du Verbe – dont Jean est le témoin –, symétrique et équivalente à celle de l’Agneau qui domine le centre de la grande composition.

Fig. 9. — Beatus de San Miguel de Escalada, ms. New York, Pierpont Morgan Library, M. 644, f. 3v

Fig. 9. — Beatus de San Miguel de Escalada, ms. New York, Pierpont Morgan Library, M. 644, f. 3v

Cliché Pierpont Morgan Library, reprod. d’après J. Williams et B. A. Shailor, El Beato de San Miguel de Escalada, Manuscrito 644 de la Pierpont Morgan Library de Nueva York, Madrid, Casariego, 1991.

Fig. 10. — Beatus de San Miguel de Escalada, ms. New York, Pierpont Morgan Library, M. 644, f. 4

Fig. 10. — Beatus de San Miguel de Escalada, ms. New York, Pierpont Morgan Library, M. 644, f. 4

Cliché Pierpont Morgan Library, reprod. d’après J. Williams et B. A. Shailor, El Beato de San Miguel de Escalada, Manuscrito 644 de la Pierpont Morgan Library de Nueva York, Madrid, Casariego, 1991.

  • 77 Dont on garde trace grâce au dessin conservé dans le ms. Windsor, Eton College Library, Farf. 124, (...)
  • 78 Y. Christe, L’Apocalypse de Jean. Sens et développements de ces visions synthétiques, Paris, Picard (...)
  • 79 Ibid.

51À partir du ive siècle, sur les sarcophages (par ex. celui de saint Ambroise), l’Agneau sur son trône (sedes Agni) est mis en relation avec le trône de l’Anonyme (sedes Dei) identifié au Christ, uni également aux douze apôtres. De la même façon, la liturgie céleste en l’honneur de l’Agneau apparaît sur les arcs de triomphe des basiliques (Saints-Cosme-et-Damien, Saint-Praxède) et l’Agneau est figuré sans la représentation de l’Anonyme sur la façade de la basilique Saint-Pierre décorée à l’époque de Grégoire le Grand77. Y. Christe, dans son commentaire de cette image, cite un texte du viie siècle où la façade de Saint-Pierre est décrite d’une façon qui laisse penser qu’une première image du Christ est remplacée par un médaillon avec l’Agneau : « in fronte foras in ecclesia sancti Petri ubi quatuor animalia circa Christum sunt picta »78. Peu à peu, la sedes Agni se substitue donc à la sedes Dei. Dans le même manuscrit apparaissent aussi les funérailles de Grégoire le Grand sur le portique de la basilique et, sur la partie supérieure, une inscription en relation avec la « translation » de Grégoire et la sedes Romanae et apostolicae Ecclesiae évoquant le siège éternel du royaume céleste : « ad aeternam regni caelestis sedem translatus est ». L’adoration de l’Agneau par les Vivants et les Vieillards exprime une réalité présente : la sedes Ecclesiae est associée au trône de Dieu, « aeterna regni caelestis sedes »79. Aussi bien les Vieillards que les Vivants seraient ainsi une image présente de l’Église ou du Règne inauguré par le Christ par son incarnation et sa victoire sur la mort.

  • 80 F. Van der Meer, Maiestas (op. cit. n. 42), p. 83.

52En dépit de la tendance des artistes chrétiens à représenter en une seule proposition les chapitres 4 et 5 de l’Apocalypse, Magius sépare les deux visions en deux propositions iconographiques distinctes. Dans les Beatus successifs de la deuxième branche, elles seront réunies en une seule proposition. C’est dans le lieu où Magius laisse l’inscription de thronum qu’est située la représentation de l’Anonyme avec une Majesté dans une gloire (Beatus de Silos) ou en trône (voûte de type « mozarabe » dans le Beatus de Facundus). Magius divise en deux une autre vision : la Jérusalem céleste et l’Arbre de Vie [fig. 11 et 12]. La raison invoquée dans ce cas est que le folio 222v avec la Jérusalem céleste est le point culminant du livre xii et tandis que la vision de l’Arbre de Vie au folio 223 reprend le début du livre xiii. Nous pensons que les visions des folios 83 et 87 sont en relation, et nous pourrions même établir un parallèle entre les deux folios 222v et 223 : sur les deux apparaît la vision de l’Anonyme représenté par le Christ en trône, mais aussi la vision de Jean représentée par le fil qui sort de sa bouche avec à l’extrémité une colombe comme vision de l’esprit. Dans la vision du f. 83 [fig. 1] apparaissent les vingt-quatre Vieillards assis sur un trône. Au folio 223 [fig. 12], « les esclaves de Dieu lui rendent le culte » (Ap 22, 3) : « hic populus Domini et habitauit Deus cum eis et regnabunt in secula seculorumi », comme le dit l’inscription de la partie supérieure. Il est important de noter qu’il y a dix-huit élus sur ce folio (deux groupes de neuf de chaque côté du trône), assis sur des trônes et encadrés chacun par des voûtes/portes mozarabes comme celles de la ville, conservées au folio précédent. Nous pensons que la raison pour laquelle Magius a séparé les visions respectivement en deux phases est en rapport avec l’entrée de l’Agneau dans le palais/Temple céleste de l’Anonyme, et les changements que cela produit. Comme le dit justement F. Van der Meer, l’entrée de l’Agneau dans les cieux les a changés en basilique : « Ainsi l’entrée de l’Agneau révolutionne complètement la demeure céleste. Tout d’un coup, la liturgie céleste est modifiée : désormais, le chœur acclame l’Agneau et celui-ci chante un hymne complètement nouveau, inédit, qui ressemble à une manifestation internationale de l’Église ; car l’univers entier répond avec une doxologie par laquelle l’élite de ses pouvoirs crie amen, et dans laquelle l’Agneau est égalisé par le Père sans restriction. Nous croirions les cieux changés en basilique »80.

Fig. 11. — Beatus de San Miguel de Escalada, ms. New York, Pierpont Morgan Library, M. 644, f. 222v (Jérusalem céleste)

Fig. 11. — Beatus de San Miguel de Escalada, ms. New York, Pierpont Morgan Library, M. 644, f. 222v (Jérusalem céleste)

Cliché Pierpont Morgan Library, reprod. d’après J. Williams et B. A. Shailor, El Beato de San Miguel de Escalada, Manuscrito 644 de la Pierpont Morgan Library de Nueva York, Madrid, Casariego, 1991.

Sch. c. — Composition géométrique du folio 222v du Beatus de Magius

Sch. c. — Composition géométrique du folio 222v du Beatus de Magius

Dessin R. Ramos Blassi.

53La présence de l’Agneau et tout le drame de la Rédemption séparent les visions. Par son sacrifice, l’agneau permet de passer de la gloire (cercle) de la vision céleste du folio 87 au grand carré de la Ville sainte. Nous verrons que par l’usage de la géométrie sacrée, Magius renforce cette conception. Magius était un archipictor – pourquoi pas un géomètre ? Il recourt aux lois de la géométrie pour mettre en ordre l’espace avant de disposer son œuvre, comme s’il préparait un lieu à être habité : « la demeure de Dieu avec les hommes » (Ap 21, 3) du folio 222v, la Jérusalem céleste.

Le thème géométrique du cercle et les sources antiques81

  • 81 Cf. J. Hubert, « Les peintures murales de Vic… » (Art. cit. n. 50). L’auteur a avancé que les décor (...)
  • 82 Jean Hani, El simbolismo del templo cristiano, Barcelone, J. J. de Olañeta, 1997, p. 39. Cf. éd. or (...)

54Les artistes du haut Moyen Âge ont utilisé les représentations schématiques de l’univers, du ciel, de l’année, du comput (rotae) et des étoiles, pour les adapter à d’autres thèmes comme l’homme microcosme, la rose des vents… ou des visions célestes comme celles du folio 87 du Beatus de Magius. Il utilise en outre la géométrie en rapport avec la création de l’espace sacré ou des temples, par le passage rituel du cercle au carré. « Dans la conception traditionnelle et sacrée, le temple est en lui-même déjà, et avant toute action liturgique, une révélation divine. Il continue la révélation cosmique du Verbe, du Logos, dans la création. Le Christ en effet, peut être envisagé sous trois aspects : le Verbe céleste, seconde Personne de la Trinité ; le Verbe cosmique, ou Logos créateur ; enfin, le Verbe incarné, ou Homme-Dieu. Sous son deuxième aspect, il est l’ordonnateur interne du monde, Celui qui, par sa Sagesse, sa Sainte Sophie, en pénètre les plus petites parties, les soutient dans l’Être et leur donne leur forme »82.

55C’est selon cette conception que l’on passe de la contemplation du ciel à la construction du Temple, puis à la vision céleste (offerte, dans notre cas, par le texte apocalyptique). Avec l’utilisation des lois de la géométrie, il s’agit, plus que de reproduire visuellement la nature, de recréer l’ordre universel.

  • 83 Y. Christe, « Traditions littéraires et iconographiques » (Art. cit. n. 1), p. 121.

56L’Agneau, exprimant l’Incarnation du Logos et sa Pâque, est seul capable de prendre le livre et d’ouvrir ses sceaux. L’ordre cosmique porté par les schémas scientifiques du ciel a fourni à l’artiste la source nécessaire pour rendre compte du passage à la révélation du Ciel de Dieu que l’Agneau lui-même transforme en basilique. La mise en parallèle des folios 83 et 87 de la Grande Vision de l’Apocalypse 4-5 avec les folios 222v et 223 (montrant respectivement la vision de Jérusalem et celle du fleuve de la Vie) rend évidente la différence quant à l’absence et la présence d’architecture dans les compositions, en accord avec l’interprétation d’Y. Christe : ces visions sont des réalités présentes et non quelque chose à attendre dans le futur. De fait, l’instauration du Règne du Christ et de l’Église consécutive à la Résurrection manifeste une réalité durable : la vision du Palais-Temple céleste aujourd’hui83.

  • 84 Cf. Robert Lawlor, Geometría Sagrada [éd. orig. angl. Londres, 1982], Madrid, Prado, 1996, p. 32-33

57Pour la contemplation du Temple céleste, Magius se sert du type de compositions, lié aux rites de fondation, se fondant sur l’usage du cercle et de sa quadrature. Cela se manifeste concrètement [sch. a] pour le tracé de la vesica piscis, qui apparaît dans le diagramme central issu du dessin de deux cercles ayant chacun leur centre sur un point de la circonférence de l’autre (segment BC)84. Magius utilisa ce système qui, mis en lumière, nous permet de mieux comprendre quelques dispositions de ses compositions, dont particulièrement celles des folios cités. Nous pouvons constater que même la taille du rectangle où est dessinée la vision est calculée de cette façon. Il en va de même pour la vision du folio 87 et celle du folio 222v.

Fig. 12. — Beatus de San Miguel de Escalada, ms. New York, Pierpont Morgan Library, M. 644, f. 223 (Jérusalem céleste et fleuve de vie)

Fig. 12. — Beatus de San Miguel de Escalada, ms. New York, Pierpont Morgan Library, M. 644, f. 223 (Jérusalem céleste et fleuve de vie)

Cliché Pierpont Morgan Library, reprod. d’après J. Williams et B. A. Shailor, El Beato de San Miguel de Escalada, Manuscrito 644 de la Pierpont Morgan Library de Nueva York, Madrid, Casariego, 1991.

58À partir de ces cercles, différents polygones se forment en progression géométrique, à commencer par le triangle équilatéral, le carré, le pentagone/décagone, et le dodécagone, etc. Il est capital de considérer dans la composition le triangle qui se trouve sur les registres supérieurs des folios 83 et 87 [sch. b] dans les endroits en relation avec le trône. On remarque aussi sur la planche 1 correspondant au folio 83 que, précisément à l’endroit où les Vieillards sont assis et séparés, l’espace laissé au centre « respecte » le triangle du trône, avec l’inscription « de trono procedunt fulgura », occupé à son tour par des flèches. Cette clé de lecture est très importante étant donné que les spécialistes n’ont pas réussi à comprendre, jusqu’à présent, la raison pour laquelle les Vieillards sont assis d’une façon au registre inférieur, et d’une autre (séparément) au registre supérieur. Même la distribution numérique s’explique par le fait que s’il en avait placé six de chaque côté pour pouvoir diviser la moitié du groupe, cela ne serait pas rentré dans la composition. Le fait qu’il y en ait cinq de chaque côté permet justement de faire ressortir l’espace triangulaire voulu par Magius.

  • 85 Ibid. : « Cristo es simbólicamente esta región que une el cielo y la tierra, lo superior y lo infer (...)
  • 86 Isidore de Séville, Liber numerorum, éd. PL 83, col. 181-182 : « Ternarius princeps est imparium nu (...)
  • 87 Gérard de Champeaux et Sébastien Sterckx, Introduction au monde des symboles, La Pierre-Qui-Vire, Z (...)
  • 88 Isidore de Séville, Étymologies, III, xxxvi, 1, éd. PL 82, col. 171 : « Axis […] dictus axis, quod (...)
  • 89 G. de Champeaux et S. Sterckx, Introduction… (op. cit. n. 87), p. 31.
  • 90 Mircea Eliade, Lo sagrado y lo profano [éd. orig. all. Hambourg, 1954], Colombia, Laobor, 1994, p.  (...)

59Au folio suivant, nous retrouvons ce même triangle entre les deux anges chérubin et séraphin, où se trouve justement encore une fois le tronum [sch. b]. Ce triangle s’insère dans l’espace d’une vesica piscis85 avec un autre triangle qui lui est exactement symétrique, et qui aboutit (ou naît, selon le point de vue) dans la croix qui se trouve à l’extrémité de la hampe tenue par l’Agneau. Isidore de Séville, dans ses Quaestiones in Vetus Testamentum, commente les significations des nombres qui correspondent aux mesures de l’Arche de Noé, qu’il rapproche des différents âges du monde ; selon lui, la croix introduit la dernière période de l’histoire et est en même temps le signe du nombre trois86. La croix que soutient l’Agneau serait alors le troisième élément par rapport au séraphin et au chérubin. La croix permet d’accéder au trône, tandis que l’Agneau égorgé est celui qui peut ouvrir le livre (Ap 4, 6-8). Mais dans la contemplation visuelle de la voûte céleste, cette croix est le pivot du ciel à l’endroit de l’étoile polaire, au-dessus de laquelle se trouve le trône de Dieu : « L’étoile polaire représente le trône de Dieu par excellence »87. L’étoile polaire, centre du ciel, est le principe d’où tout émane, la clé autour de laquelle gravitent tous les astres comme la cour autour de son roi, comme les Vieillards et les anges autour de l’Agneau. Isidore met également le terme axis en relation avec l’étoile polaire : « Axis […] on l’appelle axe car en lui la sphère se meut comme une roue, ou parce que là se trouve le Chariot »88, autrement dit la constellation de la Petite Ourse, où se trouve l’étoile polaire. Elle coïncide également avec l’image des Vivants et du Char de Yahvé. Par cette croix donc, l’invisible de Dieu devient visible, unit le supérieur et l’inférieur, le ciel et la terre, le Créateur et la création. En elle le centre du carré et du cercle coïncident : ce point commun est le grand croisement, lieu de rupture de niveau, de tous les passages d’un monde à l’autre89. Ce centre de l’univers « opère une “ouverture” par le haut (le mode divin) ou par le bas (les régions infernales, le monde des morts) »90.

  • 91 B. Kühnel, From the earthly… (op. cit. n. 45), p. 166.

60À son tour, un équivalent iconographique de cette croix, se trouve dans le célèbre Codex Amiatinus, qui comporte en double page la représentation du Tabernacle (f. 2v-3) [fig 13]. L’image complète suit la description du Tabernacle du désert dans Ex 25 et 26. Conservant tous les éléments de la description juive, le seul symbole chrétien qui lui donne le caractère de Temple/Jérusalem céleste est une croix posée à l’entrée du temple ; elle constitue la clé de voûte de la composition du fait qu’elle est située exactement en son centre. La croix transforme le Tabernacle historique fait par la main des hommes en Tabernacle de Dieu : d’imparfait et périssable, il devient Temple parfait et éternel, la tente de l’Ancien Testament dans la Ville sainte du Nouveau Testament91.

Fig. 13. — « Temple », Codex Amiatinus, ms. Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Amiatinus I, f. 2v-3

Fig. 13. — « Temple », Codex Amiatinus, ms. Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Amiatinus I, f. 2v-3

Cliché Fernando Galtier Martí, reprod. d’après La iconografía arquitectónica en el arte cristiano del primer milenio : perspectiva y convención, sueño y realidad, Saragosse, Mira, 2001.

61La figure du triangle symbolise alors le trône. Nous retrouvons celui-ci dans la vision de la Jérusalem céleste du folio 222v [fig. 11]. On peut l’apprécier sur la planche 3 : notons l’emplacement des trois personnages qui sont à l’intérieur de la ville, à savoir l’Agneau, Jean et l’ange arpenteur, situés sur les trois côtés du triangle. L’ange et Jean sont légèrement penchés accompagnant les côtés du triangle dont la base repose sur l’Agneau. Cela corrobore l’idée que l’auteur a mis en relation la vision du folio 87 avec celle du folio 222v. Le tracé du triangle permet le calcul du carré le plus petit à l’intérieur de la Ville céleste du folio 222v. Mais il existe aussi une pleine concordance avec la donnée biblique que « le trône de Dieu et de l’Agneau sera dans la Cité » (Ap 22, 3), ce dont rend compte Magius à travers sa composition de la Jérusalem céleste.

  • 92 Ibid., p. 33.
  • 93 Olivier Beigbeder, Lessico dei simboli medievali, Milan, Jaca Book, 1994, p. 216 ; cf. éd. orig. fr (...)

62D’un point de vue symbolique, l’unité représentée par le cercle se dédouble en deux points formant le segment B-C qui génère le triangle [sch. a, b et c]. Ainsi toutes les choses étant deux par nature sont trois par principe92. Cette duplicité est marquée par le chérubin et le séraphin représentés comme les deux anciens gardiens des portes d’un temple. La tradition mésopotamienne mettait l’accent sur le « deux », comme des acolytes de la divinité sur le ton du refus, avertissement ou préparation à la vision à venir93. Notons également que toute la composition du cercle extérieur [sch. b] est organisée selon un décagone – ou deux pentagones – (ACEGI/BDFHJ) indiquant les emplacements stratégiques au niveau desquels les quatre anges externes soutiennent la Grande Vision : soit avec les mains (J et B pour les anges supérieurs et G et E pour les anges porteurs), soit avec les ailes (D et H).

  • 94 Sur le X comme symbole et nombre, voir Isidore de Séville, Étymologies, I, iii, 111 (éd. cit. n. 88 (...)

63Le grand « X »94 qui surgit pour unir les quatre anges à l’intérieur du cercle nous rappelle l’orientation solaire pour la construction de l’espace sacré : chérubin comme séraphin seraient situés aux deux extrémités : les points du coucher et du lever du soleil, c’est-à-dire orient et occident :

  • 95 Ibid., III, xl, 1 (col. 172) : « Januae coeli duae sunt, Oriens et Occasus. Nam una porta sol proce (...)

64« Les portes du ciel sont deux, le levant et le couchant ; en effet le soleil avance par une porte, se retire par l’autre »95. Isidore parle de cela :

  • 96 Ibid., XV, xiv, 4 (col. 555): « Limites maximi in agris sunt duo: cardo, et decumanus. Cardo quia s (...)

Les limites maximales des champs sont deux : le cardo et le decumanus. On l’appelle cardo parce que le septentrion s’aligne à l’extrémité (cardo) du ciel ; en effet le ciel tourne certainement au nord de la terre. Decumanus : c’est la ligne transversale qui se dirige de l’orient vers l’occident, qui pour la raison qu’il forme un X [avec la ligne antérieure] s’appelle decumanus, car le champ ainsi divisé porte avec lui la figure du nombre dix96.

65C’est fondamentalement l’espace céleste que l’augure observait pour la fondation de la ville. Magius situe le trône/Temple de Dieu dans cet espace de contemplation. Ainsi Isidore dit également :

  • 97 Ibid., XV, iv, 7 (col. 544): « Sed et locus designatus ad Orientem a contemplatione templum dicebat (...)

Mais on appelle aussi temple le lieu organisé vers l’est par la contemplation. Ses parties étaient au nombre de quatre : le devant vers l’est, l’arrière vers l’ouest, la gauche au nord, la droite au sud. Ainsi quand ils construisaient le temple, ils regardaient l’orient équinoxial pour que des lignes tracées de l’est vers l’ouest divisent le ciel en un côté droit et un côté gauche de tailles égales, de sorte que celui qui examine, et celui qui prie, regarde bien l’orient97.

  • 98 O. Beigbeder, Lessico… (op. cit. n. 93), p. 221.

66D’une certaine façon, tous les nombres sont présents : le dix, le six, le cinq, le quatre, le trois et le deux ; cet ensemble exprime l’idée que l’homme, né pour la vie future, réalise cette dimension à travers le sacrifice (passage sacré) et la domination des choses du monde. Pour cela, la condition essentielle est qu’il ait les yeux constamment tournés vers le Ciel, ce par quoi il obtiendra le salut98. Isidore exprimera cette idée en citant Ovide :

  • 99 Isidore de Séville (op. cit. n. 88), XI, I, 5 : « “Pronaque cum spectent animalia caetera terram, / (...)

« Et tandis que tous les autres animaux, penchés en avant, regardent la terre, il donna à l’homme un visage sublime et il ordonna de regarder le ciel et de tourner son visage vers les étoiles ». C’est pour cela que l’homme regarde le ciel, pour chercher Dieu99.

67Cette série de figures géométriques unies à l’arithmétique sacrée n’a pour but unique que la connaissance du Un, puisque sa perfection est le point de départ de la série d’images dont il est la clé. À partir du cercle, Magius compose les grandes visions de son Beatus.

  • 100 J. Hani, El simbolismo… (op. cit. n. 82), p. 33 ; cf. éd. orig. cit n. 82, p. 42.
  • 101 L’exégèse de la symbolique des nombres était très appréciée des Pères de l’Église. Cela découle sur (...)

68Il est intéressant d’observer également que les quatre anges qui soutiennent le grand cercle de la vision sont organisés par le décagone. Ses sommets marquent comme on l’a vu l’endroit des mains et des ailes [sch. b]. Du point de vue arithmétique, ce décagone doit être rapproché de la tetraktys pythagoricienne (1 + 2 + 3 + 4 = 10). Du point de vue géométrique, c’est la racine du cinq qui organise la vision ou le nombre d’or. Ce décagone donne à la composition le caractère universel – l’unité dans la multiplicité – de la création dans sa perfection : « Les formes géométriques traduisent la complexité interne de l’Unité divine, et le passage de l’Unité indivisible à l’Unité multiple »100. Les premiers auteurs chrétiens s’étaient déjà intéressés à la relation entre le nombre dix et l’Agneau dans les récits bibliques101. Ainsi dans l’homélie inspirée par le Traité sur la Pâque d’Hippolyte, qui commente le verset 3 d’Exode 12 à propos du nombre 10 et de sa signification symbolique :

  • 102 Pseudo-Hyppolyte, Homélies pascales, 20, éd et trad. Pierre Nautin, Homélies pascales, t. I : Une h (...)

On prend « le dix du mois », d’une manière également toute symbolique, car l’intervalle jusqu’à l’Évangile, c’est la Loi, et le commandement principal de la Loi, c’est le décalogue, mais après les dix préceptes de la Loi, alors arrive l’Agneau mystique qui vient des cieux102.

69L’auteur met lui aussi en relation cet Agneau avec la perfection du cercle annuel dans son commentaire du verset 5 :

  • 103 Ibid., chap. 19, p. 148-150 (texte grec p. 149-151).

L’Agneau est « parfait » et « de l’année » : « parfait » comme venant des cieux, « de l’année » comme étant sur terre ; l’année est en effet la mesure du temps sur terre, car se succédant à elle-même et revenant en cercle sur elle-même, elle imite par son circuit l’éternité sans limite103.

  • 104 F. Cassingena-Trévedy, La Bellezza Della Liturgia, Magnano, Qiqajon, 2003, p. 85 : « Avec sa force (...)

70Magius utilisa ce même procédé qui consiste à construire l’espace sacré à partir du cercle pour « construire » la Jérusalem céleste : ainsi le calcul du carré extérieur (la ville) et la convergence des deux triangles dans le carré intérieur (sanctuaire) orientent la représentation des personnages qui y figurent [sch. c]. Magius rend compte avec cette superposition de ce que le texte biblique indique : « ceci est la demeure de Dieu avec les hommes » (Ap 21, 3), et également : « Il mesura [la ville] au roseau […] avec une mesure humaine qui était celle de l’Ange ». Il convient de noter que le roseau à mesurer suit grosso modo l’un des côtés du triangle inversé, depuis l’angle situé en haut à gauche du triangle jusqu’à l’Agneau : l’humain et le divin sont unis à jamais dans la Ville sainte. On a vu par quel procédé est construit l’espace non représentable du triangle de la première phase de la troisième Grande Vision du folio 83, entouré des Vieillards [fig. 1 et sch. a], gardé ensuite par les chérubins et les séraphins [fig. 7 et sch. b], pour culminer ici dans la Jérusalem céleste en intégrant l’ange arpenteur, Jean le prophète et l’Agneau. « Con la sua forza d’integrazione, di interiorizzazione di tutto l’ambiente cosmico, il microcosmo architettonico diventa pléroma, pienezza »104. Toutes les forces et réalités cosmiques de la deuxième phase de la troisième Grande Vision sont assumées, réorganisées, recréées de façon architectonique par l’Agneau et révélées à mesure humaine à Jean. Ainsi la relation entre la troisième Grande Vision et la vision de la Jérusalem céleste dans ses deux phases des folios 222v et 223 est-elle bien mieux mise en évidence : le folio 83 a comme équivalent le folio 223 (où apparaît le trône avec l’Anonyme et la même iconographie de la vision de Jean), à la différence près que la deuxième phase de la Vision de Jérusalem possède désormais une « architecture », puisque les élus assis sur des trônes ont des arcs en plein-cintre de type mozarabe. Le cercle du folio 87 devient un carré, tous les personnages de l’intérieur du cercle « flottent » tandis que Jérusalem acquiert la matérialité de la construction. Le triangle qui restait « à l’extérieur » du cercle fait maintenant partie de la nouvelle création, après que « le premier ciel et la première terre ont disparu » (Ap 21, 1) ; le cheminement iconographique conduit bien face à « la demeure de Dieu avec les hommes » (Ap 21, 3).

  • 105 Dans ses Hymnes sur le Paradis, « saint Éphrem recherche tout ce qui est figure, et du Paradis perd (...)
  • 106 B. Kühnel, From the earthly… (op. cit. n. 45), p. 132-137.
  • 107 G. de Champeaux et s. Sterckx, Introduction… (op. cit. n. 87), p. 76-77.

71Or, ce caractère architectonique des images de la Jérusalem céleste, se manifeste fondamentalement à l’époque carolingienne, influencée par l’exégèse patristique, en plus du texte de l’Apocalypse. La civitas de la seconde création se fait en opposition au jardin de la première création, ce qui serait un écho fort de la division du Paradis en différentes zones telle que l’ont établie les Pères de l’Église. Notamment, selon saint Éphrem le Syrien, la structure tripartite du Paradis se reflète dans la triple structure du Temple, le Paradis est le Temple céleste par opposition au Temple de Jérusalem, qui est son image visible105. L’image architectonique du « Paradis supérieur » est le résultat du parallèle établi avec le Temple, et de l’interprétation allégorique de l’Ecclesia106. Ainsi au folio 87, nous pouvons supposer qu’il y a dans la représentation graphique du « Paradis supérieur » exprimée dans la Jérusalem architectonique et carrée du folio 222v une vision cosmologique sous-jacente du Paradis – qui dans l’imaginaire iconographique est toujours circulaire107 – et de sa plus grande expression comme le Debir ou Saint des Saints dont le plus grand est le ciel de Dieu.

  • 108 Ibid., p. 83-84.
  • 109 Charles W. Jones, « Some Introductory Remarks on Bede’s Commentary on Genesis », Sacris erudiri, 19 (...)
  • 110 Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, X, iv, 44, éd. et trad. Gustave Bardy, t. III, Paris, C (...)

72Le « génie » ordonnateur de l’espace – propre à la liturgie –, s’apprécie déjà dans l’Écriture avec les règles minutieuses mises en œuvre pour la préparation de la Tente d’Assignation (Ex 25 et ss.), ainsi que pour la construction du Temple (1R 5 et ss.), et la torah d’Ézéchiel (Ez 40 et ss.). Tout est méticuleusement prévu, si bien que lorsqu’on arrive à la Jérusalem céleste, on peut voir l’ange arpenteur et géomètre (Ap 21, 15 et ss.). L’Esprit divin, ordonnateur du temps, « ne serait-il pas également l’Esprit de la géométrie ? »108. Dans le même sens, Ch. W. Jones parle d’une « rather exceptionally architectural approach to Revelation »109 en commentant les informations numériques concernant la construction de l’Arche de l’Alliance dans les commentaires de Bède, tant dans le De Tabernaculo que dans le De Templo. Le moine de Jarrow fut très certainement influencé par saint Augustin. Dans la même lignée, Isidore de Séville avait consacré le chapitre iv du livre iii des Étymologies à l’importance du nombre. Ce concept d’« architectural approach to Revelation » est très riche et intéressant par rapport à la proposition iconographique de Magius. Nous pourrions lui attribuer les mêmes mots qu’Eusèbe prononça dans son panégyrique sur l’érection des églises adressé à Paulin, évêque de Tyr : « Que me faut-il décrire exactement l’ordonnance pleine de sagesse et d’art architectural, la beauté extrême de ses parties, alors que le témoignage de la vue dispense de l’enseignement qui se transmet par le moyen des oreilles ? »110.

  • 111 J. Hani, El simbolismo… (op. cit. n. 82), p. 39 ; cf. éd. orig. cit n. 82, p. 42.
  • 112 Louis Hautecœur, Mystique et Architecture. Symbolisme du cercle et de la coupole, Paris, Picard, 19 (...)

73Dans la conception traditionnelle et sacrée, le Temple est déjà en soi – avant toute action liturgique – une révélation divine111. Le Logos créateur, qui se révèle spécialement dans les harmonies sidérales, a justifié sa concrétisation architectonique, notamment à travers la forme du cercle, en relation directe avec le thème du ciel depuis l’Antiquité. L. Hautecœur nous rappelle le thème iconographique fondamental du cercle converti en coupole de l’abside, etc., comme un ordre cosmique qui manifeste la puissance divine112. L’édifice circulaire, l’abside, la niche se trouvent liés aux conceptions chthoniennes, tandis que la coupole est liée aux conceptions ouraniennes, se convertissant de cette manière en une promesse de béatitude céleste pour le croyant ou le défunt qui le voit ou le contemple.

  • 113 K. Lehmann, « The Dome… » (Art. cit. n. 56).

74Concrètement, les visions du ciel vont acquérir une dimension nouvelle et sans précédent dans l’expression de la foi chrétienne – d’une manière exemplaire dans les Beatus –, et il est certain que, dans leurs formes spécifiques, elles dépendent de l’art préchrétien de type païen. Dans son étude, K. Lehmann précise que, dans toute leur spécificité et leur variété d’applications, les anciennes représentations chrétiennes du ciel dans les voûtes et les toits véhiculent un système commun113. Ce système, nous le trouvons dans la composition de Magius du folio 87, où l’image devient un formidable commentaire du texte apocalyptique, démontrant de cette manière le contact avec les anciennes sources païennes et de l’Antiquité tardive.

  • 114 Voir par exemple Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XIX, 6 : « vela super et colore caeli, stellat (...)
  • 115 Voir l’homélie pascale d’un auteur antique : « L’année, en effet, est comme un symbole de l’éternit (...)

75Les éléments constants des représentations du ciel, présents dans les coupoles et sur les mosaïques païennes et chrétiennes, s’appliquent à la vision du folio 87. En premier lieu nous nous trouvons devant une composition avec en son centre un anneau similaire à ceux où l’on représentait les anciennes divinités. À cet endroit se trouve l’Agneau. Le fond rouge signifie par excellence les couleurs du ciel puisque le rouge et le pourpre étaient symbole de lumière114. De cette façon, l’anneau central où se trouve l’Agneau s’impose comme l’endroit le plus lumineux. Dans les sources anciennes, il était d’usage de placer à cet endroit prééminent les principales divinités, ainsi que l’Annus115 ou le Soleil tiré par des chevaux. En ce sens les mosaïques des synagogues de Galilée du vie siècle sont très intéressantes. On y trouve représenté au centre le Soleil tiré par quatre chevaux, entouré des signes du zodiaque, et quatre personnages à l’extérieur du grand cercle représentant les saisons [fig. 14]. Dans le cercle où est représenté le char solaire se trouvent également la lune et vingt-quatre étoiles. Dans la vision de Magius on trouve douze figures radiales – représentant, comme nous l’avons vu, les Vieillards – placées selon une dynamique centrifuge en direction de l’Agneau. Le nombre douze, au lieu de vingt-quatre, fait très probablement écho à une représentation zodiacale. En revanche, Magius réservera le nombre vingt-quatre aux étoiles du segment le plus grand qui entoure la vision, justement pour signifier le ciel visible (la même quantité d’étoiles apparaît dans le cercle qui contient le char d’Hélios dans la synagogue de Beth Alpha).

Fig. 14. — Sinagogue Beth Alpha (Galilée, vie s.), détail de la mosaïque

Fig. 14. — Sinagogue Beth Alpha (Galilée, vie s.), détail de la mosaïque

Cliché d’après A. Iacobini, Visioni dipinte, Immagini della contemplazione negli affreschi di Bawit, Rome, Viella, 2000.

  • 116 Origène, Homeliae in visiones Iasaiae, I, cité par A. Iacobini, Visioni dipinte (op. cit. n. 21), p (...)

76Le transfert des thèmes classiques – comme peut l’être celui du zodiaque, comme aussi les aeternitates (soleil, lune et étoiles) – dans le répertoire iconographique chrétien nous renvoie assurément aux représentations des anciennes théophanies impériales, mais trouve aussi ses racines profondes dans l’exégèse alexandrine des premiers siècles. Un renseignement décisif surtout dans l’exégèse allégorique – aussi bien juive que chrétienne – ressortit à l’interprétation biblique des chérubins. La plupart des exégètes s’accordent sur la même interprétation cosmologique. Ainsi, pour Philon et Clément d’Alexandrie, les deux chérubins à la porte du Paradis (Gn 3, 24) représentent la sphère planétaire et la sphère des étoiles fixes, tandis que ceux de l’Arche de l’Alliance (Ex 25, 19) renvoient aux deux hémisphères du ciel, et leurs ailes sont vues comme les signes du Zodiaque. C’est à cette tradition interprétative de l’Écriture que fait écho Origène lorsqu’il parle, dans l’Homélie sur Isaïe, des quatre chérubins d’Ézéchiel comme des quatre parties du monde et des quatre éléments116. Un autre thème classique important est la croix que forment les Vivants représentés en bustes appuyés sur des roues [fig. 2]. La représentation des Vivants en bustes rappelle la tradition romaine des basiliques, par exemple l’abside de Santa Pudenziana. Reprenant la tradition ancienne de la représentation du ciel sur les coupoles, le folio 87 juxtapose clairement deux schémas concentriques distincts : deux lignes diagonales relient les anges porteurs, le séraphin et le chérubin, tandis que la position des Vivants dessine une croix centrale, les deux schémas ayant comme centre commun l’Agneau d’où rayonnent les figures des Vieillards. Le pseudo-Hippolyte interprétait déjà l’Agneau – au sens du Verbe incarné – comme une Croix cosmique :

  • 117 Pseudo-Hyppolyte, Homélies… (éd. cit. n. 102), p. 154 (homélie 29).

[…] « La tête avec les pieds et les entrailles », Début, Milieu et Fin, contenant, enserrant et assemblant tout en lui-même par des liens indissolubles, devenu vraiment « Médiateur de Dieu et des hommes ». « La tête avec les pieds et les entrailles » : Dieu, Verbe, et homme sur la terre. « La tête avec les pieds et les entrailles » : [embrassant] par sa hauteur, sa profondeur et sa largeur [les cieux, la terre] et les fondements de la terre117.

  • 118 K. Lehmann, « The Dome… » (Art. cit. n. 56). On trouve, chez Eusèbe de Césarée, Vie de Constantin, (...)

77Cette centralisation – dit K. Lehmann – se remarque déjà sur les compositions des plafonds des catacombes durant les iie et iiie siècles après J.-C.118. L’usage du symbole de la croix au centre de la voûte est commun à toute l’Antiquité chrétienne, en Occident et à Byzance, de même que l’intime relation qu’elle entretient avec le fond étoilé. Mais il est intéressant de remarquer que dans l’art chrétien, la croix n’apparaît pas seulement comme symbole du Christ, source de lumière. Selon les sources littéraires, la croix est la structure de l’univers même, centre astronomique du cercle cosmique dans lequel s’insèrent ses quatre bras. De même signifie-t-elle la rotation du temps telle qu’elle avait été pensée dans l’Antiquité, et en ce sens, les roues sur lesquelles sont appuyés les bustes des Vivants apparaissent comme en lieu et place des différentes phases du soleil ou de la lune représentées dans l’imagerie antique du temps. Nous trouvons un exemple sur la coupole de Saint-Vital de Ravenne, où quatre anges appuyés sur des sphères aux tons célestes soutiennent l’anneau de l’Agneau entouré d’une couronne de végétation selon les saisons [fig. 15].

Fig. 15. — Ravenne, basilique Saint Vital, mosaïque de la voûte

Fig. 15. — Ravenne, basilique Saint Vital, mosaïque de la voûte

Cliché d’après T. Velmans, V. Korac, M. Suput, Bisanzio. Lo splendore dell’arte monumentale, Milan, Jaca, 1999.

  • 119 A. Iacobini, Visioni dipinte (op. cit. n. 21), p. 227.
  • 120 Ibid.
  • 121 Dans la lignée de l’exégèse alexandrine, voir le passage particulièrement symptomatique de Philon d (...)
  • 122 Philon d’Alexandrie, De somniis, I, 85 (éd. cit. n. 118), p. 59 : « Le troisième sens dans lequel i (...)
  • 123 Karl Lehmann, citant L. Curtius, met ceci en relation avec la vision platonicienne de la musique de (...)
  • 124 Jean Daniélou, Les Anges et leur mission d’après les Pères de l’Église, Paris, De Chevetogne, 1951, (...)

78C’est sur ce schéma astronomique que s’élabore le « Char de Yahvé », la Merkabah du récit d’Ézéchiel, « char/trône » de Dieu considéré dans la pensée hébraïque comme un emblème du macrocosme119. Cette Merkabah est associée à l’image païenne du Zodiaque, comme dans la synagogue de Beth Alpha ; il s’agit d’une allusion au sens mystique du monde céleste120, comme la figure d’Hélios sur son char – derrière l’image de l’aurige divin de l’art antique121 – se réfère au Créateur. Dans cette perspective, au folio 87, l’Agneau sur le Soleil122 est donc emmené par le Char/Trône des Vivants ; les Vieillards seraient les douze signes du Zodiaque ou les douze mois de l’année ; les roues qui soutiennent les bustes des Vivants seraient les différentes phases solaires (ou les saisons) ; les quatre anges extérieurs renverraient également aux quatre saisons, aux planètes, aux points cardinaux ou aux quatre vents. La quaternité des anges, du chérubin et du séraphin, qui marquent la centralité de l’Agneau par les diagonales, occupe le même espace que les sirènes à l’origine de la musique dans les sphères célestes123. Origène parle d’anges assignés aux quatre éléments (Homélies sur Jérémie X, 6). La régularité des lois naturelles est ainsi une « hiérophanie », manifestation du sacré à travers laquelle l’homme peut reconnaître l’existence d’un Dieu prévoyant124.

  • 125 Cité d’après Jean Daniélou, ibid., p. 30.
  • 126 Origène, Contre Celse, trad. Marcel Borret, t. III, Paris, Cerf, 1969 (Sources chrétiennes, 227), p (...)

79Quelques auteurs considèrent que les anges jouent un rôle dans la révélation naturelle de Dieu (voir Denis l’Aréopagite, Hiérarchie céleste IX, 2). Origène déclare cela pour « la philosophie occulte et secrète des Égyptiens, la religion astrale des Chaldéens », et même « les promesses des hindous relatives à la science de Dieu » (De Principiis, III, 3, 2)125. Concernant la religion astrale des Chaldéens, il s’y réfère ainsi : « [les anges] ont été donnés par Dieu en partage “à toutes les nations sous le ciel”, mais non plus à ceux qui ont été pris par Dieu pour sa part choisie de préférence à toutes les nations qui sont sur la terre »126 (Contre Celse, V, 10).

  • 127 Lactance, Institutions divines, éd. et trad. Pierre Monat, Paris, Cerf, 1987 (Sources chrétiennes, (...)
  • 128 Prudence, Hamartigenia, v. 65-70 (éd. cit. n. 11), p. 45 : « Idcirco specimen posuit spectabile nos (...)

80Cette idée d’Origène pourrait apparaître comme une justification du culte rendu aux astres, mais elle peut être interprétée d’une autre façon, comme la connaissance de Dieu à travers l’alliance cosmique, à travers la Providence, telle qu’elle se révèle avant tout par la contemplation du ciel étoilé. Eusèbe de Césarée établit le lien entre la religion astrale et le texte de l’Épitre aux Romains. Selon lui, il ne s’agit pas d’une adoration des astres, du cosmos, mais d’une connaissance du Dieu créateur à travers le mouvement du ciel. Cela se situe bien sur le plan de la révélation naturelle, liée aux anges, que saint Paul unit à la révélation de la Loi du Sinaï. Le soleil et les astres apparaissent comme des symboles sacrés, des sacrements naturels. C’est ce qu’exprime aussi, à la même époque, Lactance, dans les Institutions divines (II, v, 1) : « [Dieu] qui a décoré le ciel d’astres scintillants, qui, au-dessus des choses humaines, a allumé le soleil, flambeau éclatant et singulier, en témoignage de son unique majesté »127, et un peu plus tard Prudence, dans ses Hamartigenia : « Aussi [Dieu] a-t-il placé devant nos yeux un symbole remarquable, un exemple, pour empêcher qu’on crût en deux divinités […]. Dans l’arène immense du ciel, c’est une seule flamme qui fait la révolution des jours, c’est un soleil unique qui tisse la trame de l’année »128. Ainsi les anges ont été chargés de conduire les nations vers le Dieu unique.

81Nous pourrions dire que c’est là la mission des anges du folio 87, soulignant ainsi leur dimension cosmique : conduire le visible vers l’unité du centre où se trouve l’Agneau en traversant les révélations successives selon leur hiérarchie. De fait nous voyons le chérubin et le séraphin regarder vers l’extérieur (exitus) et non à l’intérieur du cercle – ils sont les seuls de la composition à être disposés dans une dynamique centrifuge par rapport à l’Agneau –, alors que les autres personnages, dont les angeli thronum tenentes, sont tournés vers le centre (reditus).

82La triade supérieure du cercle « chérubin, tronum, séraphin » peut être aussi une interprétation « confuse » de la Hiérarchie céleste du pseudo-Denis l’Aréopagite :

  • 129 Denis l’Aréopagite, Hiérarchie céleste, VI, 2, éd. Günter Heil et trad. Maurice de Gandillac, Paris (...)

[…] les très saints Trônes et ces cohortes aux yeux et aux ailes multiples qu’on nomme en hébreu Chérubins et Séraphins siègent immédiatement autour de Dieu dans une plus grande proximité que toutes les autres, c’est bien […] ce qu’a transmis la révélation des Écritures sacrées. Cette formation ternaire […] constitue une seule hiérarchie, de rang égal et réellement première129.

  • 130 Is 66, 1 ; Nb 10, 36, 1 Ch 6, 31 ; 2 Ch 6, 41. En ce qui concerne le « Seigneur sur le trône de ché (...)

83Et plus loin, il dit qu’« il s’agit du lieu où demeure la Déité, comme le dit l’Écriture », sans doute en référence à l’arche de l’Alliance130, et la description que fait le Premier Livre des Rois (6, 23-30 – également dans 2 Ch 3, 10-13) s’ajuste exactement à la disposition du chérubin et du séraphin de chaque côté du tronum :

Dans le Debir, il fit deux chérubins en bois d’olivier ; leur hauteur était de dix coudées. Une aile du premier chérubin : cinq coudées, et l’autre aile : cinq coudées : dix coudées d’une extrémité à l’autre de ses ailes. Dix coudées pour le second chérubin ; même dimension et même forme pour les deux chérubins. La hauteur du premier chérubin était de dix coudées ; même hauteur pour le second. Il plaça les chérubins au milieu de la Maison, à l’intérieur ; et les chérubins avaient les ailes déployées ; l’aile du premier chérubin touchait le mur et l’aile du second touchait l’autre mur, et leurs ailes, celles qui étaient vers le milieu de la Maison, se touchaient, aile contre aile. Et il plaqua d’or les chérubins.

  • 131 A. Iacobini, Visioni dipinte (op. cit. n. 21), p. 129-170.
  • 132 Ibid., p. 139.
  • 133 Cf. l’introduction de Sofía Torallas Tovar, Filón de Alejandría. Sobre los sueños, Madrid, Gredos, (...)

84La tradition iconographique des chérubins et séraphins est assurément très diverse. Les variantes (concernant le nombre d’ailes, d’yeux et de visages) d’un livre à l’autre (Ézéchiel ou Isaïe, ainsi que l’Apocalypse) ont été influencées par l’exégèse, notamment alexandrine (Philon, Clément et Origène)131. Dans notre cas, l’influence mêlée de la Hiérarchie céleste de Denis et des schémas d’anges porteurs du halo lumineux des ascensions est évidente. Quant à l’utilisation du singulier, A. Iacobini, dans son étude des visions de Baouit, met en relation l’utilisation de séraphin ou chérubin au singulier – toutefois dotés de six ailes – avec l’exégèse monastique (alexandrine) de Ez 10, qui se réfère au terme to zoon, « vivant » au singulier et non au pluriel comme dans Ez 1132. D’un autre côté, la description du Debir dans le Livre des Rois est très suggestive, notamment sur trois aspects importants : 1/ le contexte de Temple ; 2/ un possible contexte juif des sources et, 3/ dans la lignée de la spéculation alexandrine, l’interprétation du ciel visible, considéré comme sanctuaire/ciel, en tant qu’image du ciel de Dieu133. La réflexion de J. Daniélou concernant la mission des anges est très éclairante dans ce contexte :

  • 134 J. Daniélou, Le Signe du Temple, ou De la présence de Dieu, Paris, Gallimard, 1942, p. 22 (Je souli (...)

[…] car nul ne peut voir la Gloire de Dieu sans mourir ; et cette Gloire, c’est d’abord le Verbe, Rayon du Soleil éternel, Parole du Silence ; mais ce sont aussi les Anges, rayonnements du Rayon, harmoniques de la Parole. Ils jettent dans la terreur sacrée ceux qui approchent indûment du Fils de Dieu. Ils veillaient à la porte du Premier Jardin ; ils interdiront le seuil du Ciel à ceux qui n’auront pas revêtu la robe nuptiale. Ils créent autour du Verbe l’espace sacré, le Temple intelligible134.

  • 135 B. Kühnel, From the earthly… (op. cit. n. 45).
  • 136 B. Kühnel, « Jewish symbolism of the Temple and the Tabernacle and Christian symbolism of the Holy (...)
  • 137 Ibid., p. 153.

85Quant aux sources juives, le formidable travail accompli par Bianca Kühnel dans sa recherche sur la Jérusalem céleste/terrestre sur le sujet est très éclairant135. Les mosaïques des synagogues de Galilée comportant le symbolisme du zodiaque, ainsi que la synthèse Temple/Tabernacle/Jérusalem placée au-dessus du grand cercle zodiacal, donnent une nouvelle dimension cosmique à la représentation de Jérusalem dans le milieu juif (vie siècle). Cette façon de représenter Jérusalem dans l’art juif, pour signifier le symbolisme du Temple/Tabernacle, est antérieure aux deux types de représentations chrétiennes de la Jérusalem céleste dans l’Antiquité tardive, puis au Moyen Âge. L’une est fondée sur la substitution du Temple par une église ou par le Saint-Sépulcre ; l’autre utilise des images du Tabernacle dans le désert en vue de décrire le Tabernacle céleste identifié dans Ap 21, 3 avec la Jérusalem céleste136. En ce sens, B. Kühnel affirme que la Jérusalem des manuscrits de Beatus est la plus fidèle à l’image de l’Apocalypse, tant dans la forme que dans le message. Aussi bien le texte apocalyptique que l’iconographie des Beatus sont fondés sur l’image du Tabernacle du désert pour représenter la Nouvelle Jérusalem céleste. Ainsi, comme dans le cas des mosaïques des synagogues entourant l’emplacement supposé de la niche de la torah – où apparaît le Tabernacle/Temple/Jérusalem –, l’« espace triangulaire » créé par le chérubin et le séraphin correspondrait au lieu du Tronum/Tabernacle qu’on retrouve dans la vision de la Jérusalem du folio 222v. « Le nouveau ciel, la nouvelle terre et la Nouvelle Jérusalem de la révélation de Jean appartiennent à l’ordre final eschatologique. Ils représentent la réalisation chrétienne des prophéties de l’Ancien Testament (Is 65, 17-18 : « En effet, voici que je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle […]. En effet, l’exultation que je vais créer, ce sera Jérusalem, et l’enthousiasme, ce sera un peuple »), en liant la chrétienne Nouvelle Jérusalem et la période de l’errance d’Israël dans le désert, avant la période du Temple. La Jérusalem céleste et eschatologique est identifiée avec le Tabernacle du désert, car Dieu et Son peuple sont unis : « Mais de temple, je n’en vis point dans la cité, car son temple, c’est le Seigneur, le Dieu Tout-Puissant ainsi que l’Agneau » (Ap 21, 22)137.

  • 138 Ibid., p. 163.

86L’iconographie de l’Apocalypse puiserait donc aux sources des représentations anciennes du Tabernacle dans le désert. L’influence de Cosmas Indicopleustes sur la représentation des douze tribus disposées autour du Tabernacle/Sanctuaire est bien connue. D’après B. Kühnel, elle n’était pas directe mais inspirée par les Octateuques byzantins. Dans la Topographie chrétienne (v, 55), le Campement dans le désert est représenté avec les douze tribus disposées autour du Tabernacle. Nous pouvons voir le Tabernacle/Univers dans une forme carrée, entouré des douze tribus, dans le folio 106 du ms. Vat. gr. 747, f. 106 et le folio 86v du ms. monastère de Sainte-Catherine, Sinaï, 1186, une image très semblable à celles des Beatus. Les Octateuques s’apparentaient aux compositions de Cosmas, ce qui affecte certainement l’Apocalypse. Les connexions sont possibles à travers deux types de ces illustrations des douze tribus dans le désert, comme dans l’Octateuque de Esmirna A-1, f. 158, ou le Vat. gr. 747, f. 106138.

  • 139 Ibid., p. 162.
  • 140 W. Wolska, Recherches (op. cit. n. 133), p. 142.

87L’extrême importance du concept cosmique du Tabernacle de Cosmas, soutenue par la large distribution des manuscrits, a pu contribuer à établir le symbolisme cosmique du Tabernacle, qui culmine avec la Révélation de Jean (Ap 21, 3), où la Jérusalem céleste est le Tabernacle139. Pour sa part, W. Wolska affirme que pour l’édifice cosmique, Cosmas s’inspire de diverses sources : traditions écrites juives et chrétiennes relatives à la signification cosmique du Tabernacle, tradition graphique juive du sanctuaire judaïque, spéculations grecques sur le cube et la tétrade – mise concrètement en relation avec Jean Philoponus et les croyances liées au nombre de quatre chez les Juifs et les autres peuples140.

  • 141 En particulier en raison de l’image du compas, instrument divin qui donne forme depuis le haut aux (...)
  • 142 Pedro Azara, « El palacio de Gundosforo », dans Id., Castillos en el aire. Mito y arquitectura en O (...)
  • 143 J. Hani, El simbolismo… (op. cit. n. 82), p. 25-26 ; cf. éd. orig. cit. n. 82, p. 35.
  • 144 Ibid., p. 28; cf. éd. orig., p. 36-37.

88Nous pensons que la compréhension du terme archipictor attribué à Magius se trouve enrichie par notre enquête sur la structure géométrique et architectonique de son œuvre, particulièrement dans la vision/théophanie du ciel141. La contemplation du ciel a toujours pris part au processus de constitution des espaces sacrés ou des temples depuis l’Antiquité142. Cette tradition n’est pas étrangère à Magius, puisqu’il l’a même suivie en détail. Il est certain que « Toute architecture sacrée se ramène, en effet, à l’opération de la “quadrature du cercle” ou transformation du cercle en carré »143. La Jérusalem céleste est le prototype du temple chrétien : « [Ainsi] le mouvement de descente de la ville se rapporte au premier point de vue, lequel préside au rite de fondation : Jérusalem “descend du ciel” (circulaire) “d’auprès de Dieu” sur la terre où elle apparaît comme un carré qui est le reflet de l’activité du Ciel, du monde divin. Mais du second point de vue, ce carré représente la cristallisation des cycles, du déroulement temporel, ce que prouvent amplement les douze portes […] correspondant aux signes du zodiaque »144. Il s’agit d’un retour à la restauration de l’état primordial, d’un Paradis perdu, mais qui se manifeste de façon nouvelle dans l’Église en sa plus grande et sainte expression de la Jérusalem Céleste.

Conclusion

89La vision du ciel d’Ap 4 et 5 que donne Magius aux folios 83 et 87 de son Beatus est élaborée à partir de sources anciennes en relation avec le thème du ciel provenant, soit de l’art dans un contexte funéraire (f. 83), soit de l’ancienne tradition de la représentation du ciel sur les coupoles et les mosaïques (synagogues), d’où la prédominance d’une iconographie en référence à des espaces architectoniques ou des sculptures de sarcophages. Les thèmes en relation avec la Vision sont représentés à partir de schémas romains (colombe, imagines clipeata, segments étoilés, Vivants, etc.), comme dans les anciennes apothéoses ou les théophanies-vision.

90La prise en compte de la composition géométrique, jusqu’ici négligée dans l’étude des Beatus, apparaît fondamentale dans celui de Magius pour comprendre de manière organique les visions les plus importantes du commentaire apocalyptique. Les éléments géométriques relient la troisième Grande Vision de l’Apocalypse avec la Grande Vision de la Jérusalem céleste. De cette façon, elle rend patent les concepts, d’influence carolingienne, de Paradis/Église/Jérusalem céleste qui constituent les éléments fondamentaux nous permettant d’approcher la conception du Ciel selon Magius, qui unifie ces visions. Cela permet une meilleure compréhension de cette œuvre monumentale qu’est le Beatus de San Miguel de Escalada : une œuvre entièrement originale tout en n’étant pas étrangère aux anciennes traditions iconographiques. La contemplation du ciel/Paradis/Église (cercle du folio 87) à partir du texte apocalyptique prépare la descente de la Jérusalem céleste (urbs quadrata), soulignant l’œuvre rédemptrice de l’Agneau égorgé et provoquant dans le Ciel de Dieu une révolution urbano-architectonique.

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Notes

1 Yves Christe, « Traditions littéraires et iconographiques dans l’interprétation des images apocalyptiques », dans L’Apocalypse de Jean. Traditions exégétiques et iconographiques (iiie-xiiie s.), Genève, Droz, 1979, p. 109-134.

2 Peter K. Klein, « La tradición pictórica de los Beatos », dans Actas del Simposio para el Estudio de los Códices del « Comentario al Apocalipsis de Beato de Liébana », t. II, Madrid, Joyas bibliográficas, 1980, p. 96-98.

3 Gonsalo Menendez-Pidal, Sobre miniatura española en la Alta Edad Media. Corrientes culturales que revela, Madrid, s. n., 1958, p. 23 et s.

4 Les Beatus qui conservent la première phase de la vision sont : le Beatus de Valcavado, ms. Valladolid, bibl. univ., 433, f. 76v (juin-septembre 970) ; le Beatus de la Seu d’Urgell, ms. Seu d’Urgell, mus. diocésain, Num. Inv. 501, f. 86 (dernier quart du xe s.) ; le Beatus de Gérone, ms. Gérone, mus. de la cathédrale, Num. Inv. 7 (11), f. 107 ; le Beatus de l’Escurial, ms. Escurial ; bibl. du monastère, &.II.5, f. 57v. La seconde phase est conservée dans le Beatus de San Millán, Madrid, Real Academia de Historia 33 [dés. RAH 33] (A2moz.), f. 92 (le ms. a été réalisé en deux temps, dernier quart du xe s. pour RAH 33 moz., premier quart du xiie s. pour RAH 33 rom. ; il faut toutefois noter une incertitude quant à l’identification de la seconde phase dans la mesure où elle devrait inclure la représentation des vingt-quatre Vieillards, absente de cette image). Les deux phases de la Grande Vision sont conservées dans le Beatus de Fernando y Sancha (ou de Facundus), ms. Madrid, Bibl. nat., Vitrina 14-2, f. 112v et 116v (xie s.).

5 Bien que cela ne soit pas explicite dans le texte, les illustrations des Beatus correspondent au texte biblique et non au commentaire de Beatus de Liébana. Il y a consensus sur la nécessité d’étudier séparément la tradition textuelle et la tradition picturale qui ne coïncident pas. Cf. P. K. Klein (Art. cit. n. 2), p. 88.

6 Jean apparaît une deuxième fois portant la barbe dans le ms., au folio 146 où il est représenté mesurant le Temple avec un roseau.

7 André Grabar, La Edad de Oro de Justiniano, Madrid, Aguilar, 1966, p. 165 [cf. éd. orig. L’Âge d’or de Jusitinien, Paris, Gallimard, 1966].

8 Herbert L. Kessler, Spiritual seeing. Picturing God’s Invisibility in Medieval Art, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2000, p. 113 et ss., p. 123.

9 Saint Augustin, De Genesi ad litteram XII libri, XII, xxvi, 54, éd. Patrologie latine [désormais PL] 34, col. 476 : « Porro autem, si quemadmodum raptus est a sensibus corporis, ut esset in istis similitudinibus corporum, quae spiritu videntur, ita et ab ipsis rapiatur, ut in illam quasi regionem intellectualium vel intelligibilium subvehatur, ubi sine corporis similitudine perspicua veritas cernitur ; nullis opinionum falsarum nebulis offuscatur : ibi virtutes animae non sunt operosae ac laboriosae ».

10 Ibid. : « Ibi videtur claritas Domini, non per visionem significantem, sive corporalem, sicut visa est in monte Sina, sive spiritualem, sicut vidit Isaias, vel Joannes in Apocalypsi : sed per speciem, non per aenigmata, quantum eam capere mens humana potest, secundum assumentis Dei gratiam, ut os ad os loquatur ei quem dignum tali Deus colloquio fecerit ; non os corporis, sed mentis ».

11 Prudence, Hamartigenia, v. 845-853, éd. et trad. Maurice Lavarenne [1re éd. 1961], Paris, Belles Lettres, 2003, p. 69-70 : « Ac primum facili referuntur ad astra volatu, / Unde fluens anima structum uegetauerat Adam ; / […] / Concretum celeri relegens secat aera lapsu / Exusperatque polum feruens scintilla remensum / […] / Tunc postliminio redeuntem suscipit alto / Cana fides gremio… ». Cf. aussi éd. PL 34, col. 1070 et la trad. esp. par Luis Rivero García dans Obras, t. I, Madrid, Gredos, 1999.

12 Ibid., v. 892-896 (éd. cit. supra), p. 71 : « Expertus dubitas animas percurrere uisu / abdita corporeis occulis, cum saepe quietis / rore soporatis cernat mens uiua remotos / distantesque locos, aciem per rura, per astra, / per maria intendens ? […] ».

13 Id., Cathemerinon vi, v. 73-84, éd. M. Lavarenne [1re éd. 1944], Paris, Belles Lettres, 2003, p. 34-35 : « O quam profunda iustis / Arcana per soporem / Aperit tuenda Christus, / Quam clara ! quam tacenda ! / Evangelista summi / Fidissimus magistri / Signata quae latebant / Nebulis videt remotis : / Ipsum Tonantis agnum / De caede purpurantem, / Qui conscium futuri / Librum resignat unus ».

14 Id., Hamartigenia, v. 900-919 (éd. cit. n. 11), p. 71-72 : « […] Uiscerea sed sede manens speculatur acutis / Omnia luminibus […]. Obiacet interea tellus nec uisibus obstat. / Quin si stelligerum uultus conuerta ad axem, / Nil intercurrens obtutibus inpedit ignem / Peruigilis animae, […]. / Sic arcana uidet tacitis cooperta futuris / Corporeus Iohannis adhuc nec carne solutus, / Munere sed somni paulisper carne sequestra, / Liber ad intuitum, sensuque oculisque peragrans / Ordine dispositos uenturis solibus annos. […] Haec ille ante obitum membrorum carcere saeptus / Secedente anima, non discedente uidebat ». Je souligne.

15 H. L. Kessler (op. cit. n. 8), p. 123.

16 Charles A. Bernard, Teologia simbolica [2e éd. ital.], Rome, Paoline, 1984, p. 200-201 [cf. éd. orig. Théologie symbolique, Paris, Téqui, 1978].

17 Y. Christe, « Traditions littéraires et iconographiques » (Art. cit. n. 1), p. 121.

18 Sarcophages appelé « de la Passion » ou « de la Anastasis », Musées du Vatican, musée Pio-chrétien, 325-350, inv. 28591 et aussi inv. 31525.

19 Cf. Jean-Christophe Bailly, La llamada muda. Los retratos de El Fayum, Madrid, Akal, 2001, p. 130 [cf. éd. orig. L’apostrophe muette. Essai sur les portraits du Fayoum, Paris, Hazan, 1997].

20 En ce sens, voir Jan Assmann, Mort et au-delà dans l’Égypte ancienne, Paris, Éd. du Rocher, 2003, p. 158 : « Le ba et le cadavre forment une paire. C’est pourquoi le ba reste lié à la sphère corporelle. Sans doute s’inscrit-il, du point de vue de l’étude comparée des religions, dans la catégorie de l’« âme libre », la liberté de mouvement étant sa principale caractéristique. Il n’en est pas moins beaucoup plus proche du corps que le ka (c’est le mort lui-même qui s’unit à son alter ego). ».

21 Antonio Iacobini, Visioni dipinte. Immagine della contemplazione negli affreschi di Bawit, Rome, Viella, 2000, p. 19-25.

22 Selon les Pères, celui qui apparaissait à l’homme dans la vision prophétique était toujours la Deuxième Personne, le Logos. Ainsi Justin dit : « En réalité, ni Abraham ni Isaac ni aucun autre homme n’a vu le Père et ineffable Seigneur de l’univers entier et même du Christ, mais ils ont bien vu celui qui selon la volonté du Père est aussi Dieu, Son Fils, tant il est fait pour servir Ses desseins, être Son ange », Saint Justin, Dialogues avec Tryphon, éd. Patrologie grecque [désormais PG] 6, col. 127, 774. De même Irénée : « Donc le Fils est le révélateur du Père depuis le commencement, car il est avec le Père depuis le commencement et il a montré au genre humain, au moment opportun et pour son avantage, les visions prophétiques », Saint Irénée, Adversus Haereses, IV, xx, 7, éd. PG 7, col. 1037. Cf. A. Grabar, La iconoclastia byzantina, Madrid, Akal, 1998, p. 47 [éd. orig. L’iconoclasme byzantin. Dossier archéologique, Paris, Collège de France, 1957]. Cf. aussi Y. Christe, « Traditions littéraires et iconographiques » (Art. cit. n. 1), p. 121.

23 Wladimir de Gruneisen, « Il cielo nella concezione religiosa ed artistica dell’alto medioevo », Archivio della R. Societá Romana di Storia Patria, 29/3-4, 1906, p. 443-525, ici p. 520.

24 Jerzy Miziolek, « When our Sun is risen: observations on eschatological visions in the art of the first millenium – part. ii », Arte cristiana, 83/1 (janvier-février), 1995, p. 11. Dans le livre I du commentaire de l’Apocalypse, Beatus commente ainsi le caractère solaire du visage du Christ : « fulgebunt sicut sol » (d’après Ap 1, 16) et « Sicut fulgur exit ab oriente, et patet usque in occidentem, ita erit adventus filii hominis », faisant référence à la Seconde Venue du Sauveur, à sa clarté, liée à son apparation. Le contexte de lumière et clarté associé au terme fulgura noté en titula au folio 83 au-dessus du Christ intronisé est de ce fait particulièrement suggestif. Cf. Beati in Apocalypsin Libri duodecim, éd. Henry A. Sanders, Rome, American Academy in Rome, 1930.

25 L’expression « lances et flèches du soleil » (solis spiculum) appartient à une vaste tradition littéraire, par ex. chez Euripide « tóxa heliou », dans Herc. v. 1090, ou chez Lucrèce, « tela diei » ; cf. Prudence, trad. [esp.] L. Rivero García (op. cit. n. 11), no 15.

26 A. Grabar, Martyrium. Recherches sur le culte des reliques et l’art chrétien antique, t. II : Iconographie, Paris, Collège de France, 1946, p. 44-45.

27 A. Grabar, « L’imago clipeata chrétienne », Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 101/2, 1957, p. 209-213, ici p. 212 [en ligne, consulté le 12 novembre 2010].

28 Par ex. le ms. gr. 1186 conservé au monastère Sainte-Catherine du mont Sinaï.

29 A. Grabar, « L’iconographie du Ciel dans l’art chrétien de l’Antiquité et du haut Moyen Âge », Cahiers archéologiques, 30, 1982, p. 5-24, ici p. 13 et ss.

30 W. de Gruneisen (Art. cit. n. 23), p. 486.

31 Cf. John Williams, The Illustrated Beatus. A corpus of the illustrations of the Commentary on the Apocalypse, t. II : The ninth and tenth centuries, Londres, H. Miller, 1994, p. 69.

32 Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Bordas, 1969, p. 144 et ss.

33 Ibid., p. 181.

34 Nicolas Cabasilas, La vie en Christ, II, 97, éd. et trad. Marie-Hélène Congourdeau, Paris, Cerf, 2 vol. , 1989-1990 (Sources chrétiennes, 355), t. I, p. 229.

35 Grégoire le Grand, Moralia in Job, XVIII, liv, 93, éd. PL 76, col. 95-96 : « Non videmus Deum sicut ipse se conspicit. Sed profecto non ita conspicimus Deum sicut ipse conspicit se, sicut non ita requiescimus in Deo quemadmodum ipse requiescit in se. Nam visio nostra vel requies erit utcunque similis visioni vel requiei illius, sed aequalis non erit. Ne enim jaceamus in nobis, ut ita dicam, contemplationis penna nos sublevat, atque a nobis ad illum erigimur intuendum, raptique intentioni cordis, et dulcedine contemplationis, aliquo modo a nobis imus in ipsum, et jam hoc ipsum ire nostrum minus est requiescere, et tamen sic ire perfecte requiescere est ».

36 Remarquons au passage que, dans un premier temps, Magius avait placé trois lampes de chaque côté de la même ligne, et la septième dans la bande supérieure où siègent une partie des Vieillards. Il décida finalement de placer la septième lampe sur la même ligne que les six autres, raison pour laquelle elle est plus petite. Il recouvrit la lampe supérieure par des flèches sortant du contour extérieur de la gloire et ajouta l’inscription explicative. Notons en outre que l’espace laissé de chaque côté de la gloire n’est pas symétrique : nous reviendrons sur ce léger décentrement et ses raisons d’être, voir infra p. 311.

37 Cf. A. Grabar, « Les illustrations des Beatus mozarabes et les miniatures orientales chrétiennes et juives », Cahiers archéologiques, 28, 1979, p. 7-16.

38 Cf. A. Grabar, Las vías de la creación en la iconografía cristiana, Madrid, Alianza, 1985, p. 110 [éd. orig. Les Voies de la création en iconographie chrétienne : Antiquité et Moyen Âge, Paris, Flammarion, 1979] ; H. L. Kessler (op. cit. n. 8), p. 130-137.

39 J. Williams (op. cit. n. 31), p. 69.

40 Ibid.

41 A. Grabar, La iconoclastia byzantina (op. cit. n. 22), p. 73-75 ; on peut apprécier ce type de couronnes sassanides sur les bas-reliefs de Naqsh-e-rostam. La coiffe des rois sassanides appelée korymbos est un chignon en boule placé en haut de toutes les couronnes royales, voir Roman Ghirshman, Irán. Partos y sasánidas, Madrid, Aguilar, 1962, p. 126 et ss. ; cf. éd. orig. Parthes et Sassanides : Iran, Paris, Gallimard, 1962 ; à propos de l’influence sassanide sur les Beatus, voir Pedro de Palol, « Precedentes hispánicos e influencias orientales y africanas en la decoración e ilustración de los Beatos », dans Actas del Simposio… (op. cit. n. 2), t. II, p. 119-133 ; concernant l’influence sassanide sur l’architecture, l’iconographie et les manuscrits dans le royaume des Asturies à partir du ixe s., voir A. Grabar, « Le rayonnement de l’art sassanide dans le monde chrétien », dans La Persia nel Medioevo. Atti del Convengo Internazionale, Roma, 31 marzo – 5 aprile (1970), Rome, Accademia Nazionale dei Lincei, 1971, Q. nº 160, p. 679-707.

42 Frederik Van der Meer, Maiestas Domini. Théophanies de l’Apocalypse dans l’art chrétien, Cité du Vatican/Paris, Pontificio istituto di archeologia cristiana/Belles Lettres, 1938, p. 125.

43 On peut signaler, appartenant au même type, Saint-Marc-et-Saint-Marcellin, l’Ampliatus luneta et la Baker luneta dans la catacombe de Domitila, et la fresque de la Catacumba Jordanorum.

44 A. Grabar, Le premier art chrétien : 200-395, Paris, Gallimard, 1966, p. 47.

45 Bianca Kühnel, From the earthly to the heavenly Jerusalem. Representations of the Holy City in Christian Art of the First Millenium, Rome, Herder, 1987, p. 63 et ss.

46 Paris, Mus. du Louvre, Sarcophage : Le Christ enseignant, cuve. Fin du ive s. ap. J.-C. Rignieux-le-Franc (Ain), Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, no Inv. : Ma 2958. Denon, Rez-de-Chaussée, salle 27.

47 Y. Christe, « Traditions littéraires et iconographiques » (Art. cit. n. 1), p. 121 et ss.

48 Ibid. p. 121.

49 Ibid. Voir aussi Id., « Apocalypse et interprétation iconographique : quelques remarques liminaires sur les images du Règne de Dieu et de l’Église à l’époque paléochrétienne », Byzantinische Zeitschrift, 1974, p. 92-100 ; Id., L’Apocalypse de Jean : sens et développement de ses visions synthétiques, Paris, Picard, 1996 (Bibliothèque des Cahiers archéologiques, 15).

50 Jean Hubert, « Les peintures murales de Vic et la tradition géométrique », Cahiers archéologiques. Fin de l’Antiquité et Moyen Âge, 1, 1961, p. 77-88 ; Carl Nordenfalk, « L’enluminure », dans Id. et A. Grabar, Le haut Moyen Âge : du quatrième au onzième siècle, Genève, Skira, 1957, p. 128-129.

51 J. Hubert (Art. cit. supra), p. 86.

52 Sur l’harmonie universelle au Moyen Âge, on consultera avec profit Isabelle Marchesin, L’image organum. La représentation de la musique dans les psautiers médiévaux, 800-1200, Turnhout, Brepols, 2001 ; Moyen Âge : entre ordre et désordre [catalogue d’exposition], éd. M. Challier, Paris, RMN, 2004.

53 A. Grabar, « L’iconographie du Ciel… » (Art. cit. n. 29).

54 Id., Las vías de la creación (op. cit. n. 38), p. 172-173.

55 Dans les synagogues antiques en particulier – comme celle de Doura Europos –, l’illustration entourant l’urne destinée à la Torah, contient des représentations plus schématisées que le reste de la synagogue, en lien avec les thèmes du Temple, du Sacrifice d’Abraham, etc. De même dans les synagogues de Galilée (par. ex. Beth Alpha), les représentations figurées sur les parties de mosaïques proches de la zone la plus sacrée de l’édifice sont plus abstraites, faisant référence au Temple et aux symboles des fêtes liturgiques.

56 Karl Lehmann, « The Dome of Heaven », The Art Bulletin, 27/1, 1945.

57 Eusèbe de Césarée, Vita Constantini, éd. PG 20, l, iii, 2 ; trad. fr. : « […] dans le même palais impérial, dans la salle la plus importante entre toutes, juste au milieu d’une énorme table qui se trouvait située au même niveau que le centre du plafond d’or, il a ordonné qu’on grave le symbole de la Passion salvatrice, composée d’une grande variété de pierres précieuses, et fabriquée avec profusion d’or. »

58 Beati in Apocalypsin…, III, 1, 2 (éd. cit. n. 24), p. 264. Trad. fr. : « Après la clarté d’une aussi grande révélation, qu’il avait contemplée d’un esprit fidèle, les secrets mêmes des cieux s’ouvrent à lui, et on lui montre les choses cachées du mystère divin ».

59 Le texte français de la Bible donné dans cet article reprend le plus souvent La Bible. Traduction œcuménique, Paris, Cerf, 1988.

60 Beati in Apocalypsin…, III, 4, 2 (éd. cit. n. 24), p. 305 : « septem sigillis signatum […], sive liber scriptus suo sunt testamenta, vetus et novum ».

61 Beati in Apocalypsin…, iii, 4, 92 (éd. cit. n. 24), p. 324 : « […] sicut dicit signatum sigillis septem, id est, omni mysteriorum plenitudine obscuratum ».

62 R. Ghirshman (op. cit. n. 41), p. 200-228.

63 Voir ce que dit à ce propos A. Grabar dans « Le rayonnement… » (Art. cit. n. 41) : « La passion qu’on avait, aux premiers siècles de notre ère, pour les tissus de luxe historiés favorisait aussi la confection d’étoffes de laine richement décorées, et ces gobelins également, avec leur répertoire d’ornements analogues, allaient d’un pays à l’autre et se laissaient imiter au-delà des frontières qui séparaient la Perse de l’Empire. Je suis de ceux qui considèrent comme des pièces importées d’Iran les gobelins déterrés à Antinoé, en Égypte… », p. 683 ; il ajoute : « Témoins indirects de cette mode des tissus historiés, les peintures murales d’une chapelle de Baouit, en Égypte, reproduisant, au bas des parois, des étoffes ornementées “à la sassanide » p. 683, n. 5. Il précise, concernant l’influence de l’art sassanide : « Mais ceci étant dit, on ne se dissimule pas l’étroitesse relative du domaine où les influences des Sassanides s’étaient toujours maintenus : le domaine du décor. Et cet exemple est particulièrement instructif, à mon sens, aux yeux de l’historien des mouvements des formes artistiques. En effet, la plupart des exemples que nous avons pu examiner nous permettent de le dire avec sûreté : la connaissance de cet art s’était répandue grâce à la diffusion d’objets d’arts industriels de deux techniques de luxe : les tissus historiés, surtout, et l’orfèvrerie en second lieu. D’autres industries d’art, comme la céramique ou la verrerie ont pu servir parfois d’agents de ce rayonnement, mais cela devait être exceptionnel. L’art sassanide a connu un succès durable dans le monde chrétien grâce à ces industries de luxe, dont ceux qui s’en servaient d’âge en âge et de pays à pays ignoraient la signification première. Dans cette fonction seconde, fossilisé, l’art iranien a connu un succès plus durable et plus général que dans sa fonction sacrée initiale », p. 707.

64 Ibid., p. 707.

65 J. Williams (op. cit. n. 31), p. 180.

66 Carlos Romero de Lecea, Trompetas y cítaras en los códices de Beato de Liébana, Madrid, Real Academia de Bellas Artes de San Fernando, 1977, p. 85.

67 Ibid.

68 Ms. León, Archivo Capitular de la Real Colegiata de San Isidoro de León, 2 (« Codex Biblicus Legionensis », xe s.).

69 A. Grabar, « Les illustrations des Beatus mozarabes… » (Art. cit. n. 37).

70 Y. Christe, Il Giudizio universale nell’arte del medioevo, Milan, Jaca Book, 2000, p. 16. Voir éd. orig. Jugements derniers, Saint-Léger-Vauban, Zodiaque, 1999.

71 Cf. J. Williams et Barbara A. Shailor, El Beato de San Miguel de Escalada : manuscrito 644 de la Pierpont Morgan Library de Nueva York, Madrid, Casariego, 1991, p. 180 : « La geometría centrípeta de esta ancha mandorla con el borde estrellado y la sugerencia del uso del compás para la exacta distribución radial de los evangelistas, los ancianos y los ángeles músicos (que no los hay), resulta aún más eficaz para sugerir una escala cósmica ».

72 Ibid., p. 34-39 (f. 1v-4).

73 J. Williams, « The Beatus commentaries and Spanish Bible Illustration », dans Actas del Simposio… (op. cit. n. 2), t. II, p. 203.

74 Certains auteurs pensent qu’il s’agit en fait du Christ, mais J. Williams, ibid., s’oppose à cette opinion, considérant qu’on retrouve les évangélistes et un témoin/martyr, et que l’image du Christ n’apparaît pas dans ces frontispices. De fait, les évangélistes sont barbus, alors que le Christ est toujours montré imberbe ailleurs dans le manuscrit de Magius.

75 Au folio 10 du Beatus de Facundus apparaît une seule représentation du frontispice de l’évangéliste Jean. Les deux citations – séparées chez Magius – sont ici réunies dans l’arc.

76 Mireille Mentré, Création et Apocalypse. Histoire d’un regard humain sur le divin, Paris, O.E.I.L., 1984, p. 111 et ss.

77 Dont on garde trace grâce au dessin conservé dans le ms. Windsor, Eton College Library, Farf. 124, f. 122.

78 Y. Christe, L’Apocalypse de Jean. Sens et développements de ces visions synthétiques, Paris, Picard, 1996, p. 75-76.

79 Ibid.

80 F. Van der Meer, Maiestas (op. cit. n. 42), p. 83.

81 Cf. J. Hubert, « Les peintures murales de Vic… » (Art. cit. n. 50). L’auteur a avancé que les décorateurs des églises s’inspiraient des miniatures des manuscrits qu’ils agrandissaient pour leurs réalisations monumentales, avant d’abandonner l’hypothèse. Selon lui, les mêmes formes iconographiques et des manières de dessiner semblables étaient imposées à la fois aux artistes des scriptoria monastiques et aux décorateurs d’églises. Les uns comme les autres partageaient sûrement un enseignement identique tout au long de leur formation. Comme exemple où les techniques des peintures murales furent appliquées à l’enluminure, mentionnons la couverture de la Bible de Charles le Chauve, où l’on peut suivre à la fois l’usage du carré et du cercle. J. Hubert rappelle aussi le goût bien connu des artistes pour la géométrie, fort chez les copistes au viiie s. Il donne des exemples pour les initiales enluminées. À l’époque mérovingienne, une géométrie élémentaire avait été mise en œuvre sur les chantiers de construction comme dans les scriptoria. Cf. C. Nordenfalk, « L’enluminure » (Art. cit. n. 50), p. 129 (L’enluminure mérovingienne), qui met en évidence une prédilection pour le compas et une palette de couleur très variée. Avec le temps émergera une tendance réaliste s’émancipant des cadres géométriques.

82 Jean Hani, El simbolismo del templo cristiano, Barcelone, J. J. de Olañeta, 1997, p. 39. Cf. éd. orig. Le symbolisme du temple chrétien, Paris, Éd. du Vieux Colombier, 1962, p. 49.

83 Y. Christe, « Traditions littéraires et iconographiques » (Art. cit. n. 1), p. 121.

84 Cf. Robert Lawlor, Geometría Sagrada [éd. orig. angl. Londres, 1982], Madrid, Prado, 1996, p. 32-33.

85 Ibid. : « Cristo es simbólicamente esta región que une el cielo y la tierra, lo superior y lo inferior, el Creador y la creación » (p. 33) ; plus loin « Al dividirse la unidad representada por el círculo, su centro se transforma en dualidad, dos puntos A y B. La línea AB se extiende naturalmente para formar el triángulo equilátero (así todas las cosas, siendo dos por naturaleza, son tres por principio). Al extenderse para formar el triángulo equilátero define los lados del cuadrado (4), del pentágono (5), del hexágono (6), del octógono (8), del decágono (10) y del dodecágono (12) » (p. 34).

86 Isidore de Séville, Liber numerorum, éd. PL 83, col. 181-182 : « Ternarius princeps est imparium numerus […]. Arca etiam diluvii tricamerata construitur, ex tribus filiis Noe cunctae gentes post diluvium reparantur. Hic etiam numerus decies multiplicatus altitudinem arcae mystica ratione concludit, centies computatus ejusdem longitudinem efficit ; cujus quidem numeri exempla in sacris eloquiis copiosa sunt » ; Mysticorum Expositiones Sacramentorum seu Quaestiones in Vetus Testamentum, In Genesin, éd. PL 83, col. 230 : « Quod arca trecentis cubitis longa est, ut sexies quinquaginta compleantur, sicut sex aetatibus omne hujus saeculi tempus extenditur, in quibus omnibus Christus nunquam destitit praedicare, in quinque per prophetiam praenuntiatus, in sexta per Evangelium diffamatus ; potest quidem et in his trecentis cubitis signum ligni passionis ostendi. Ipsius enim litterae T numerus crucis demonstrat signum, per quod socii Christi passionis effecti per baptismum longitudinem vitae aeternae percipimus » ; cité par Carol Heitz, « Symbolisme et architecture. Les nombres et l’architecture religieuse au haut Moyen Âge », dans Settimane di Studio del Centro Italiano di Studi dell’Alto Medioevo, t. XXIII, Spolète, Centro Italiano di Studi dell’Alto Medioevo, 1976, vol. 1, p. 387-427, ici p. 389.

87 Gérard de Champeaux et Sébastien Sterckx, Introduction au monde des symboles, La Pierre-Qui-Vire, Zodiaque, 1966, p. 18 et ss.

88 Isidore de Séville, Étymologies, III, xxxvi, 1, éd. PL 82, col. 171 : « Axis […] dictus axis, quod in eo spahera ut rota volvitur, vel quia ibi plaustrum est ».

89 G. de Champeaux et S. Sterckx, Introduction… (op. cit. n. 87), p. 31.

90 Mircea Eliade, Lo sagrado y lo profano [éd. orig. all. Hambourg, 1954], Colombia, Laobor, 1994, p. 37 ; cf. éd. fr. Le Sacré et le profane, Paris, Gallimard, 1965.

91 B. Kühnel, From the earthly… (op. cit. n. 45), p. 166.

92 Ibid., p. 33.

93 Olivier Beigbeder, Lessico dei simboli medievali, Milan, Jaca Book, 1994, p. 216 ; cf. éd. orig. fr. Lexique des symboles, Saint-Léger-Vauban, Zodiaque, 1969.

94 Sur le X comme symbole et nombre, voir Isidore de Séville, Étymologies, I, iii, 111 (éd. cit. n. 88), col. 77, n. b : « et X littera, quae in figura crucem et in numero decem demonstrat ».

95 Ibid., III, xl, 1 (col. 172) : « Januae coeli duae sunt, Oriens et Occasus. Nam una porta sol procedit, alia se recepit ».

96 Ibid., XV, xiv, 4 (col. 555): « Limites maximi in agris sunt duo: cardo, et decumanus. Cardo quia septentrio directus a cardine coeli est, nam sine dubio coelum vertitur in Septentrionali orbe. Decumanus est, qui ab oriente in Occidentem per transversum dirigitur, qui pro eo quod formam X faciat, decumanus est appellatus. Ager enim bis divisus figuram denarii numeri efficit ».

97 Ibid., XV, iv, 7 (col. 544): « Sed et locus designatus ad Orientem a contemplatione templum dicebatur. Cujus partes quatuor errant, antica ad Ortum, postica ad Occasum, sinistra ad Septentrionem, dextra ad Meridiem spectans. Unde et quando templum construebant, Orientem spectabant Aequinoctialem ita ut linae ab Ortu ad Occidentem missae, fierent partes coeli dextra, atque sinistrat aequales, ut qui consuleret, ac deprecaretur, rectum aspeceret Orientem ».

98 O. Beigbeder, Lessico… (op. cit. n. 93), p. 221.

99 Isidore de Séville (op. cit. n. 88), XI, I, 5 : « “Pronaque cum spectent animalia caetera terram, / Os homini sublime dedit, coelumque videre / Jussit, et erectos ad sidera tollere vultus”. Qui ideo erectus coelum aspicit, ut Deum quaerat… ».

100 J. Hani, El simbolismo… (op. cit. n. 82), p. 33 ; cf. éd. orig. cit n. 82, p. 42.

101 L’exégèse de la symbolique des nombres était très appréciée des Pères de l’Église. Cela découle surtout de l’influence d’Augustin dans son De musica, mais aussi de Boèce et de son Institutio arithmetica. L’œuvre de Bède le Vénérable est à ce titre significative, avec ses deux traités De Templo et De Tabernaculo, dans lequel il explique que le nombre dix manifeste l’union totale de Dieu et de l’homme dans la vision évangélique (De Templo, II, 143). Plus loin dans le même texte, il commente Ex 26, 1, le passage où Dieu dit à Moïse de faire la Demeure avec dix tapis assemblés bordés de chérubins en deux groupes de cinq : « Toute sa perfection est contenue dans le nombre dix, parce qu’en quelque direction que l’Église se soit répandue dans le monde, parmi des nations, des tribus, des peuples et des langues diverses, elle consiste tout entière dans le seul amour de Dieu et du prochain contenu dans le décalogue de la Loi », cf. Bède le Vénérable, Le Tabernacle, éd. David Hurst et Christophe Vuillaume, Paris, Cerf, 2003, I, 8 (Sources chrétiennes, 475) ; voir aussi ce que dit Christophe Vuillaume sur la symbolique des nombres (p. 30-34). Cf. Maxime le Confesseur, La Mystagogie, éd. Raffaele Cantarella, La Mistagogia ed altri scritti, Florence, Libreria Editrice Fiorentina, 1990, p. 149 : « E, per aggiungere una piccola ma utile osservazione di queste cose, é questa forse la divina decade delle corde del salterio intellegibile secondo l’anima, la quale comprende la ragione che risuona d’accordo con lo spirito, per mezzo dell’altra beata decade dei comandamenti, e produce i perfetti e concordi e armoniosi suoni, per mezzo dei quali é lodato Iddio : affinché io comprenda qual’è la ragione della decade che canta e di quella che è cantata, ed in qual modo la decade, misticamente unita e congiunta con la decade, ricongiunge a se stesso Gesù mio Dio e Salvatore… » (chap. v) ; cf. aussi Saint Éphrem, Hymne sur la Nativité, XXVII, 12 et ss., trad. François Cassingena-Trévedy, Paris, Cerf, 2001 (Sources chrétiennes, 459), p. 314 : « Et comme la numération / À dix échelons seulement, / La création a six dimensions : / La Hauteur, la Profondeur et, pleines de toi, les quatre Directions. / La lettre Yod de notre Roi Jésus / Est reine de tous les nombres : Les computs sont suspendus à sa perfection / Comme tous les esprits sont unis à Jésus ». Ibid., XXVI, 12, p. 308 : « Que le dixième jour rende gloire avec son chiffre, / car Yod, 1’initiale de Jésus le beau Nom, / A la valeur du chiffre dix qui, tel un seigneur, Fait recommencer la numération ; / Lorsqu’un chiffre en effet s’élève à la dizaine, / Il revient en arrière et par « un » recommence : / Ô grand mystère (caché) en Jésus / qui recommence la création par sa puissance ! ».

102 Pseudo-Hyppolyte, Homélies pascales, 20, éd et trad. Pierre Nautin, Homélies pascales, t. I : Une homélie inspirée du Traité sur la Pâque d’Hippolyte, Paris, Cerf, 1950 (Sources chrétiennes, 27), p. 150 (p. 151 pour le texte grec).

103 Ibid., chap. 19, p. 148-150 (texte grec p. 149-151).

104 F. Cassingena-Trévedy, La Bellezza Della Liturgia, Magnano, Qiqajon, 2003, p. 85 : « Avec sa force d’intégration, d’intériorisation de tout l’environnement cosmique, le microcosme architectonique devient plérôme, plénitude ».

105 Dans ses Hymnes sur le Paradis, « saint Éphrem recherche tout ce qui est figure, et du Paradis perdu, et du Paradis futur ; si bien que, pour lui, le Paradis n’est pas seulement un lieu mystérieux du passé et de l’avenir, ou un fait divers du début de l’histoire du monde, mais il est, dans la structure cosmologique du monde, le sommet et le centre de l’univers et, dans l’histoire du plan de Dieu, une réalité capitale qui apparaît et réapparaît au temps de Noé comme au temps de Moïse, dans la construction du temple aussi bien que dans le mystère de la Croix et dans l’organisation de l’Église ; le Paradis, pour Éphrem, est la notion essentielle de la cosmologie, de la sotériologie et de l’eschatologie », François Graffin, « Introduction » à Éphrem de Nisibe, Hymnes sur le Paradis, trad. René Lavenant, Paris, Cerf, 1968 (Sources chrétiennes, 137), p. 17-18.

106 B. Kühnel, From the earthly… (op. cit. n. 45), p. 132-137.

107 G. de Champeaux et s. Sterckx, Introduction… (op. cit. n. 87), p. 76-77.

108 Ibid., p. 83-84.

109 Charles W. Jones, « Some Introductory Remarks on Bede’s Commentary on Genesis », Sacris erudiri, 19, 1969-1970, p. 115-198, ici p. 169.

110 Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, X, iv, 44, éd. et trad. Gustave Bardy, t. III, Paris, Cerf, 1958 (Sources chrétiennes, 55), p. 95.

111 J. Hani, El simbolismo… (op. cit. n. 82), p. 39 ; cf. éd. orig. cit n. 82, p. 42.

112 Louis Hautecœur, Mystique et Architecture. Symbolisme du cercle et de la coupole, Paris, Picard, 1954, p. 74.

113 K. Lehmann, « The Dome… » (Art. cit. n. 56).

114 Voir par exemple Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XIX, 6 : « vela super et colore caeli, stellata, per rudentes iere etiam in amphitheatris principis Neronis. rubent in cavis aedium et muscum ab sole defendunt ».

115 Voir l’homélie pascale d’un auteur antique : « L’année, en effet, est comme un symbole de l’éternité, puisque, une fois son parcours achevé, elle recommence toujours de nouveau son cycle. Et le Christ, le Père éternel, s’est offert en sacrifice pour nous, en considérant comme si notre vie antérieure ne s’était pas écoulée dans le temps, il nous offre le principe d’une seconde vie, grâce au bain de la régénération, image de Sa mort et de Sa résurrection » ; cf. PG 59, col. 723-724. La référence voilée au sacrifice rappelle l’Agneau, et cette éternité permise par la renaissance dans le baptême. Les schémas du ciel et de l’éternité ont aussi été réalisés – en plus des palais – dans des bains publics, en relation, donc, avec l’eau, et par conséquent avec le baptême. En de maintes occasions le lien fut fait entre l’Agneau et l’Annus. Par ex. Bède le Vénérable, Martyrologium poeticum. Januarius Paraenetica : « Prima dies jani est qua circumciditur Agnus, Octavas Idus Theophania Christi », éd. PL 94 : Opera Paraenetica. Sectio III, col. 603. L’année est étroitement liée à l’Agneau, comme dans cette homélie du pseudo-Hippolyte datant du iie s. mentionnée supra et n. 101.

116 Origène, Homeliae in visiones Iasaiae, I, cité par A. Iacobini, Visioni dipinte (op. cit. n. 21), p. 221-227.

117 Pseudo-Hyppolyte, Homélies… (éd. cit. n. 102), p. 154 (homélie 29).

118 K. Lehmann, « The Dome… » (Art. cit. n. 56). On trouve, chez Eusèbe de Césarée, Vie de Constantin, III, 49, un témoignage de la croix dans le toit du palais de Constantin. Cf. Vida de Constantino, trad [esp.] Martin Gurruchaga, Madrid, Gredos, 1994, p. 305-306 : « […] en la misma mansión imperial, en la sala más importante de todas, justo en medio de una enorme tabla que se hallaba emplazada en el mismo centro del dorado artesonado del techo, mandó grabar el símbolo de la salvífica Pasión, integrado por variadísimas y riquísimas gemas, y elaborado con profusión de oro […] talismán tutelar del imperio ». Au sujet du Zodiaque, voir Philon d’Alexandrie, De somniis, II, 112, introd., trad. et notes Pierre Savinel, Paris, Cerf, 1962 (Sources chrétiennes, 19), p. 175 : « […] le cercle zodiaque qui est le plus grand des cercles du ciel, est constitué des douze “zôdia” dont il tire son appellation ; […] le soleil et la lune dans leur incessante révolution parcourent chacun de ces “zôdia”… » (texte grec p. 174).

119 A. Iacobini, Visioni dipinte (op. cit. n. 21), p. 227.

120 Ibid.

121 Dans la lignée de l’exégèse alexandrine, voir le passage particulièrement symptomatique de Philon d’Alexandrie, De somniis, I, 157-158 (éd. cit. n. 118), p. 89 : « […] le maître des anges, le Seigneur. Car c’est en haut de l’univers, comme un conducteur de char sur son siège ou un pilote de bateau à son poste que nous devons nous représenter Celui qui est, se dressant au-dessus des corps, des âmes, des actions, des paroles, des anges, de la terre, de l’air, du ciel, des puissances qui tombent sous les sens, des réalités invisibles, absolument de tout ce que nous voyons et de tout ce que nous pouvons voir. Car ayant lié tout cet univers à Lui, l’ayant fait dépendre de Lui, Il est bien le cocher du char immense de la création » (texte grec p. 88).

122 Philon d’Alexandrie, De somniis, I, 85 (éd. cit. n. 118), p. 59 : « Le troisième sens dans lequel il emploie le mot “soleil” est celui de la Parole divine, modèle […] du soleil qui accomplit sa révolution dans le ciel », ibid., p. (texte grec p. 58).

123 Karl Lehmann, citant L. Curtius, met ceci en relation avec la vision platonicienne de la musique des sphères célestes produite par les sirènes et les réflexions pythagoriciennes. Il l’applique aux quatre évangélistes qui soutiennent la coupole de Saint-Marc, accompagnés de l’inscription qui témoigne de leur filiation avec les musiciens platoniciens : « Ecclesiae Christi / vigilis sunt quattuor isti, / quorum dulce melos / sonat et movet unique caelos ». Dans le même sens, on trouve une miniature ottonienne dans laquelle une étrange mythologie antique est mêlée à l’Écriture : quatre sirènes soutiennent les symboles des évangélistes autour de la représentation du Christ avec l’Arbre de vie. Voir aussi Philon d’Alexandrie, De somniis, i, 34-37 (éd. cit. n. 118), p. 37-39 : « […] car ce qui est saint dans la Création, c’est, dans le monde, le ciel, dans lequel les créatures incorruptibles et immortelles accomplissent leur révolution […], et le ciel, de son côté, fait constamment de la musique, produisant, grâce au mouvement des corps célestes, une harmonie parfaite […]. Il semble donc que le ciel, cet archétype des instruments de musique, ait été ajusté avec précision uniquement pour un accompagnement musical aux cantiques chantés à la gloire du Père de l’Univers » (texte grec p. 36-38).

124 Jean Daniélou, Les Anges et leur mission d’après les Pères de l’Église, Paris, De Chevetogne, 1951, p. 25.

125 Cité d’après Jean Daniélou, ibid., p. 30.

126 Origène, Contre Celse, trad. Marcel Borret, t. III, Paris, Cerf, 1969 (Sources chrétiennes, 227), p. 37 (texte grec p. 36).

127 Lactance, Institutions divines, éd. et trad. Pierre Monat, Paris, Cerf, 1987 (Sources chrétiennes, 337), p. 70-71 : « [Deus] qui coelum distinxit astris fulgentibus ; qui solem rebus humanis clarissimum, ac singulare lumen, in argumentum suae unicae majestatis accendit ».

128 Prudence, Hamartigenia, v. 65-70 (éd. cit. n. 11), p. 45 : « Idcirco specimen posuit spectabile nostris / Exemplumque oculis, ne quis duo numina credat. […] Vna per immensam caeli caueam reuolutos / Praebet flamma dies, texit sol unicus annum ».

129 Denis l’Aréopagite, Hiérarchie céleste, VI, 2, éd. Günter Heil et trad. Maurice de Gandillac, Paris, Cerf, 1958 (Sources chrétiennes, 58), p. 104.

130 Is 66, 1 ; Nb 10, 36, 1 Ch 6, 31 ; 2 Ch 6, 41. En ce qui concerne le « Seigneur sur le trône de chérubins » : Ex 37, 7-9 ; 1 S 4, 4 ; 2 S 6, 2 ; 2 R 19, 15 ; Ps 81, 1 ; Ps 99, 1.

131 A. Iacobini, Visioni dipinte (op. cit. n. 21), p. 129-170.

132 Ibid., p. 139.

133 Cf. l’introduction de Sofía Torallas Tovar, Filón de Alejandría. Sobre los sueños, Madrid, Gredos, 1997, p. 22-23 : « El templo visible es la figuración del Templo de Dios, que es el mundo entero. Tiene como santuario la parte más santa de la naturaleza, el cielo, por objetos consagrados los astros, por sacerdotes, los ángeles que están al servicio de sus potencias, las almas invisibles » ; cf. Philon d’Alexandrie, De somniis (loc. cit. n. 123). Le schéma de Cosmas Indicopleustes, où l’arche est à la fois « type » du Christ et de l’Univers, est encore plus important quant à son impact sur l’iconographie. Voir Wanda Wolska, Recherches sur la « Topographie Chrétienne » de Cosmas Indicopleustes. Théologie et Science au vie siècle, Paris, PUF, 1962, en part. p. 123 : « Dans le texte de Cosmas [V, 39], l’Arche est le type du Christ ; chez Philon, et Clément d’Alexandrie, elle désigne le monde intelligible. Le Christ aussi bien que les nohtav exprimant le kosmos transcendant, on peut supposer ici encore que la forme schématique de l’arche évoque l’idée de l’univers. L’enchaînement des associations s’établit comme suit : kosmos-tabernacle-arche. Tous trois sont figurés chez Cosmas par une forme identique [c’est-à-dire ou un parallélépipède, ou un rectangle prolongé sur un côté par un demi-cercle] ».

134 J. Daniélou, Le Signe du Temple, ou De la présence de Dieu, Paris, Gallimard, 1942, p. 22 (Je souligne).

135 B. Kühnel, From the earthly… (op. cit. n. 45).

136 B. Kühnel, « Jewish symbolism of the Temple and the Tabernacle and Christian symbolism of the Holy Sepulchre and the Heavenly Tabernacle. A study of Their Relationship in Late Antique and Early Medieval Art and Thought », Jewish Art, 12-13, 1986-1987, p. 147-168, ici p. 149.

137 Ibid., p. 153.

138 Ibid., p. 163.

139 Ibid., p. 162.

140 W. Wolska, Recherches (op. cit. n. 133), p. 142.

141 En particulier en raison de l’image du compas, instrument divin qui donne forme depuis le haut aux volumes que l’équerre peut dessiner.

142 Pedro Azara, « El palacio de Gundosforo », dans Id., Castillos en el aire. Mito y arquitectura en Occidente, Barcelone, G. Gili, 2005 : « […] la arquitectura era la obra de un creador que rivalizaba con la admirable arquitectura del mundo, con el templo resplandeciente que es el cielo », p. 156.

143 J. Hani, El simbolismo… (op. cit. n. 82), p. 25-26 ; cf. éd. orig. cit. n. 82, p. 35.

144 Ibid., p. 28; cf. éd. orig., p. 36-37.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. — Beatus de San Miguel de Escalada, ms. New York, Pierpont Morgan Library, M. 644, f. 83
Crédits Cliché Pierpont Morgan Library, reprod. d’après J. Williams et B. A. Shailor, Ei Beato de San Miguel de Escalada, Manuscrito 644 de Ia Pierpont Morgan Library de Nueva York, Madrid, Casariego, 1991.
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Titre Sch. a. — Composition géométrique du folio 83 du Beatus de Magius
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Titre Fig. 2. — Ascension d’Élie, chapelle San Aquilino, Milan
Crédits Cliché A. Grabar reprod. d’après La edad de oro de Justiniano, Madrid, Aguilar, 1966.
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Titre Fig. 3. — « Ba », Livre des Morts de Tchennena, Paris, Musée du Louvre, département des Antiquités égyptiennes, N 3074, vignette du chap. 89
Crédits Cliché d’après J. Assmann, Mort et au-delà dans l’Égypte ancienne, Paris, Éd. du Rocher, 2001.
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Titre Fig. 4. — « Apollo, Phib et Anoup », Baouit, Chapelle LI
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Titre Fig. 10. — Beatus de San Miguel de Escalada, ms. New York, Pierpont Morgan Library, M. 644, f. 4
Crédits Cliché Pierpont Morgan Library, reprod. d’après J. Williams et B. A. Shailor, El Beato de San Miguel de Escalada, Manuscrito 644 de la Pierpont Morgan Library de Nueva York, Madrid, Casariego, 1991.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/docannexe/image/19957/img-12.jpg
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Titre Fig. 11. — Beatus de San Miguel de Escalada, ms. New York, Pierpont Morgan Library, M. 644, f. 222v (Jérusalem céleste)
Crédits Cliché Pierpont Morgan Library, reprod. d’après J. Williams et B. A. Shailor, El Beato de San Miguel de Escalada, Manuscrito 644 de la Pierpont Morgan Library de Nueva York, Madrid, Casariego, 1991.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/docannexe/image/19957/img-13.jpg
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Titre Sch. c. — Composition géométrique du folio 222v du Beatus de Magius
Crédits Dessin R. Ramos Blassi.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/docannexe/image/19957/img-14.jpg
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Titre Fig. 12. — Beatus de San Miguel de Escalada, ms. New York, Pierpont Morgan Library, M. 644, f. 223 (Jérusalem céleste et fleuve de vie)
Crédits Cliché Pierpont Morgan Library, reprod. d’après J. Williams et B. A. Shailor, El Beato de San Miguel de Escalada, Manuscrito 644 de la Pierpont Morgan Library de Nueva York, Madrid, Casariego, 1991.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/docannexe/image/19957/img-15.jpg
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Titre Fig. 13. — « Temple », Codex Amiatinus, ms. Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Amiatinus I, f. 2v-3
Crédits Cliché Fernando Galtier Martí, reprod. d’après La iconografía arquitectónica en el arte cristiano del primer milenio : perspectiva y convención, sueño y realidad, Saragosse, Mira, 2001.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/docannexe/image/19957/img-16.jpg
Fichier image/jpeg, 17k
Titre Fig. 14. — Sinagogue Beth Alpha (Galilée, vie s.), détail de la mosaïque
Crédits Cliché d’après A. Iacobini, Visioni dipinte, Immagini della contemplazione negli affreschi di Bawit, Rome, Viella, 2000.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/docannexe/image/19957/img-17.jpg
Fichier image/jpeg, 106k
Titre Fig. 15. — Ravenne, basilique Saint Vital, mosaïque de la voûte
Crédits Cliché d’après T. Velmans, V. Korac, M. Suput, Bisanzio. Lo splendore dell’arte monumentale, Milan, Jaca, 1999.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/docannexe/image/19957/img-18.jpg
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Pour citer cet article

Référence papier

Ricardo Ramos Blassi, « Le Beatus de San Miguel de Escalada »Cahiers de civilisation médiévale, 215 | 2011, 287-323.

Référence électronique

Ricardo Ramos Blassi, « Le Beatus de San Miguel de Escalada »Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 215 | 2011, mis en ligne le 01 janvier 2025, consulté le 23 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/19957 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/13b0e

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Auteur

Ricardo Ramos Blassi

Facultad de Teología del Uruguay, Mons. Mariano Soler Montevideo, Uruguay

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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