La dot gasconne d’Aliénor d’Angleterre. Entre royaume de Castille, royaume de France et royaume d’Angleterre
Résumés
Aliénor, l’une des trois filles d’Henri II d’Angleterre, épousa Alphonse VIII, roi de Castille ; selon les chroniqueurs castillans et la documentation diplomatique du xiiie siècle, la dot aurait été constituée de la Gascogne, un comté qu’Alphonse VIII réclama en 1204 et auquel Alphonse X renonça en 1254. En l’absence d’archives anglaises datant du xiie siècle attestant cette improbable donation du roi d’Angleterre, les historiens ont adopté concernant cette question plutôt mystérieuse des positions variées. Laissant de côté le débat sur la réalité de la dot, le présent article prétend davantage souligner l’influence nouvelle qu’eut le nouveau royaume d’Aliénor sur les affaires européennes. Que la Gascogne fut ou non offerte par Henri pour constituer la dot de sa fille, les revendications des Castillans au xiiie siècle montrent que le mariage entre Alphonse et Aliénor eut des conséquences considérables.
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Mots-clés :
dots royales, politique et diplomatie, Alphonse VIII, Henri II, Aliénor d’Angleterre, Philippe Auguste, îles britanniques, Castille, Gascogne, France, IbérieKeywords:
dowries, politics and diplomacy, Alfonso VIII, Henry II, Leonor of England, Philippe II Auguste, British isles, Castile, Gascony, France, IberiaPlan
Haut de pageNotes de l’auteur
Le présent article s’intègre dans un vaste projet consacré à Aliénor d’Angleterre, reine de Castille (1161-1214), financé dans le cadre du programme post-doctoral de la Comisión Nacional de Investigación Científica y Tecnológica de Chile (no 3090034) sous le patronage de l’Université du Chili. Nous sommes redevables à María Eugenia Góngora pour son soutien académique et à Donald Matthew et Martin Aurell pour leurs commentaires, ainsi qu’à Giorgio Baselli pour l’aide qu’il a apportée lors de la rédaction du texte.
Texte intégral
Introduction
- 1 L’unique étude consacrée à ce thème jusqu’ici est celle de Martín Alvira Cabrer et Pascal Buresi, « (...)
1L’énigmatique dot versée par le roi Henri II Plantagenêt lors de l’union matrimoniale entre Alphonse de Castille et Aliénor d’Angleterre en 1170 est marquée par la controverse. Dès la première moitié du xiiie siècle, les chroniques mentionnent les revendications castillanes faisant valoir que la dot de la princesse Plantagenêt impliquait la donation du comté de Gascogne au roi de Castille. En dépit de ces textes, qui furent par la suite largement étudiés par les historiens jusqu’au xxe siècle, l’historiographie plus récente a mis en doute la réalité d’une telle donation de la part d’Henri II, mettant en avant l’absence de sources contemporaines de l’événement – en particulier anglaises – qui auraient permis de l’attester avec certitude. La controverse s’est ainsi centrée sur la donation elle-même, négligeant les conséquences politiques des prétentions des rois de Castille sur la dot. Or, avec la reconnaissance des droits d’Alphonse VIII sur la Gascogne, le mariage de 1170 allait avoir une influence significative sur l’échiquier politique de l’Europe occidentale du xiiie siècle, rendant possible la participation castillane au concert diplomatique européen1.
Le mariage d’Aliénor d’Angleterre et Alphonse de Castille dans le jeu des alliances
2Aliénor était le sixième enfant issu de la puissante alliance entre Henri II Plantagenêt et Aliénor d’Aquitaine. Née en 1161 dans le château de Domfront en Normandie, la jeune princesse grandit d’abord en terre aquitaine et angevine, puis à l’intérieur du monastère de Fontevraud et à l’ombre des murailles des châteaux angevins, où elle reçut l’éducation d’une future reine. À l’exception du fils aîné, Guillaume, mort prématurément, et du suivant, Henri, qui perdit la vie lors de sa révolte contre son père en 1183, tous les enfants de cette étonnante famille se trouvèrent aux plus hautes instances du pouvoir dans certaines des principales cours royales ou ducales : Mathilde, l’aînée des filles – prénommée comme sa grand-mère –, rejoignit la maison impériale par ses noces avec Henri le Lion, duc de Saxe et de Bavière et cousin de l’empereur Frédéric Barberousse. Deux de ses frères devinrent rois d’Angleterre, le croisé Richard Cœur de Lion et l’infortuné Jean sans Terre. Son frère Geoffroy reçut le duché de Bretagne, tandis que sa jeune sœur Jeanne fut mariée au roi normand de Sicile Guillaume II.
- 2 Voir Jane Martindale, « Eleanor of Aquitaine: the Last Years », dans King John: New Interpretations(...)
3Henri Plantagenêt, devenu roi d’Angleterre en 1154, vit son autorité défiée pour la première fois dix ans plus tard. Paradoxalement, la contestation était venue de l’intérieur : l’archevêque de Cantorbéry, primat de l’Église d’Angleterre, était entré en conflit avec le roi qui prétendait limiter les droits et libertés ecclésiastiques ; craignant pour sa vie, il trouva refuge sur le continent six ans durant, avant de rentrer en Angleterre où il connut une mort violente en 1170. Thomas Becket avait été l’un des plus proches collaborateurs d’Henri II, appartenant aussi au cercle le plus intime du roi. Il devint son plus vif opposant. Tandis que l’amitié avec l’archevêque était brisée par le conflit grégorien, la reine Aliénor humiliée par les infidélités de son époux, partit aussi pour le continent, dans son domaine natal d’Aquitaine, sun natural manage selon le poète anglo-normand Wace2.
Contexte
- 3 Evelyn Jamison, « The alliance of England and Sicily in the second half of the 12th century », Jour (...)
- 4 La défense d’Henri est décrite dans un acte destiné à Rotrou, archevêque de Rouen, en réponse à l’a (...)
4Un an avant la naissance d’Aliénor, l’empereur germanique avait fait schisme. En 1164, soutenant l’antipape Pascal III, il voyait un allié potentiel en la personne du roi d’Angleterre, en conflit avec le pape Alexandre III et le roi de France, tous deux engagés dans la défense et la protection de l’archevêque de Cantorbéry en exil. Dans ce contexte d’intrigues géopolitiques, les filles d’Henri et Aliénor rencontrèrent l’archevêque de Cologne, envoyé en Normandie par l’empereur pour négocier le mariage de Mathilde avec le duc de Saxe et de Bavière, et celui de la jeune Aliénor avec le duc Frédéric de Souabe, fils de Frédéric Barberousse3. L’ambassade impériale avait à sa tête un prélat habile et influent, le chancelier Renaud de Dassel, qui conclut l’engagement matrimonial avec l’Angleterre, mais ne parvint pas à s’assurer l’appui Plantagenêt dans l’affaire du schisme pontifical. Bien plus, Henri dut s’excuser auprès de Rome, sous prétexte que Frédéric n’avait pas été excommunié et que par ces alliances matrimoniales, il ne faisait que suivre l’exemple de son grand-père qui avait aussi marié sa fille au sein de la famille impériale, sans aucune prétention, donc, d’attenter d’une quelconque manière à l’intégrité et la dignité du pape4.
- 5 Raoul de Dicet, « Ymagines Historiarum », dans Radulfi de Diceto Opera Historica, éd. William Stubb (...)
5Tandis que les noces d’Henri le Lion et Mathilde furent célébrées en 1168, l’accord matrimonial entre Aliénor et le fils de l’empereur n’aboutit pas, peut-être en raison de la maladie dont le jeune homme fut atteint en 1169 et qui lui fut fatale l’année suivante, mais plus encore en raison de la réticence d’Henri Plantagenêt à s’allier si explicitement avec l’empereur schismatique5. La succession impériale fut donc dévolue au fils cadet de Frédéric Barberousse le 15 août 1169, son frère aîné le duc de Souabe étant trop malade pour y prétendre, encore qu’il soit possible que cette désignation ne soit intervenue qu’après sa mort. Cette situation avait frustré Henri II dans son projet d’installer sa fille Aliénor sur le trône impérial. Dans le même temps, le conflit avec Thomas Becket avait augmenté les tensions entre la papauté et le monarque anglais ne souhaitait pas qu’un autre rapprochement avec Barberousse ne les exacerbât.
- 6 Robert W. Eyton, Court, Household, and Itinerary of King Henry II, Londres, Taylor, 1878, p. 58, 77 (...)
- 7 Julio González, El Reino de Castilla durante el reinado de Alfonso VIII [désormais A VIII], 3 vol., (...)
- 8 Amy Kelly, Eleanor of Aquitaine and the Four Kings, Cambridge (MA), Harvard University Press, 1952, (...)
- 9 Giraud de Barri, Expugnatio Hibernica (éd. cit. n. 4), t. V, p. 375 : « Nuncii de Hispania, filiam (...)
6Les circonstances firent donc que la seconde fille d’Henri Plantagenêt et Aliénor d’Aquitaine, alors âgée de cinq ans, se trouva libre pour la concrétisation d’une nouvelle alliance matrimoniale. Petite fille, elle passa une grande partie des années 1165-1166 dans le château d’Angers, où la famille célébrait les fêtes de Noël, et séjourna certainement aussi avec sa mère à la cour de Poitiers6. Il est probable que c’est à ce moment que l’éducation de la princesse fut confiée aux moniales de Fontevraud, abbaye largement favorisée par ses parents et qu’elle gratifia plus tard de ses générosités, peut-être par reconnaissance eu égard aux soins dont elle avait bénéficié enfant7. Selon Amy Kelly, sa mère y avait établi la chancellerie ducale ; elle precise : « within its walls [de l’abbaye] her younger children had been secluded from the too stimulating air of the Poitevin court […]. The Princess Eleanor and Joanna and lack-land John had been nurtured therefor their high royal callings »8. Ainsi quand la jeune fille eut achevé son éducation de reine à l’ombre du cloître roman de l’abbaye royale, une ambassade castillane se présenta, qui obtint le consentement du roi pour qu’Aliénor épousât Alphonse, le roi de Tolède et de Castille, selon le récit du chroniqueur Giraud de Barri9. Le lien qui se nouait allait en effet revêtir une importance particulière.
- 10 Anthony Goodman, « England and Iberia in the Middle Ages », dans England and her neighbours, 1066-1 (...)
7Les relations entre les États chrétiens d’Espagne et l’Angleterre anglo-saxonne et normande étaient jusque-là restées sporadiques, voire insignifiantes. Avant la mi-xiie siècle, elles se réduisaient du côté « insulaire » aux quelques pèlerins anglais qui chaque année marchaient sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle, par ailleurs une étape commode pour ceux qui voyageaient entre l’île britannique et Jérusalem. On pourrait certes ajouter la modeste participation de guerriers anglais et écossais à la campagne chrétienne contre les arabes en 1112 et à la conquête de Lisbonne en 1147, ainsi que les échanges culturels qui découlèrent de leur connaissance nouvelle du monde arabe. Du côté « péninsulaire », le comte de Barcelone rallia la campagne militaire du souverain anglais contre Toulouse en 1159, et c’est à ce dernier que fut confiée, après sa mort, la tutelle de son fils le futur roi d’Aragon10.
- 11 John Gillingham, The Angevin Empire, Londres, Arnold, 2001, p. 30-32.
- 12 Jean de Salisbury, Lettre 279 (Magistro Lumbardo), dans The Letters… (éd. cit. n. 5), t. II, p. 606 (...)
- 13 Nicholas Vincent, « The court of Henry II », dans Henry II (op. cit. n. 5), p. 283, no 3. Pour plus (...)
8Une série de facteurs stratégiques doivent être pris en considération si l’on veut apporter une explication à l’alliance sans précédent qui résulta du mariage d’Aliénor avec le roi de Castille, tous en rapport avec le comté de Gascogne et la rivalité qui existait entre Plantagenêts et Capétiens. Les rois d’Angleterre et de France avaient consenti une trève en 1158, mais elle fut rompue l’année suivante lorsque Henri II attaqua le comte de Toulouse Raymond, vassal et familier de Louis VII11. Il est possible que, outre l’appui catalan, le souverain anglais ait déjà eu à l’esprit une autre alliance pyrénéenne dès 1159, afin de cerner le comté de Toulouse. La correspondance de Jean de Salisbury révèle que, dès avant la négociation avec la Castille en 1169, Henri II avait envisagé une alliance avec la Navarre, un royaume qui partage une frontière avec la Gascogne12. En 1162, après la mort du comte Raymond Bérenger IV de Barcelone, Henri II devint le tuteur de son fils Alphonse, futur roi d’Aragon, tandis qu’il envoyait un anneau gravé d’une panthère au roi de Castille alors âgé de cinq ans, dont la garde était assurée par les grandes familles qui se disputaient la régence du royaume. Cinq ans plus tard, le Plantagenêt fut appelé comme arbitre dans le cadre d’une dispute territoriale entre Castille et Navarre, qui se résolut par une trève de dix ans à la suite desquels les termes de la conciliation seraient revus13.
- 14 Robert de Torigni, Chronique, éd. Léopold Delisle, 2 vol., Rouen, Libraire de la Société de l’Histo (...)
9Tout indique, par conséquent, qu’Henri II avait comme objectif de forger des alliances avec les royaumes chrétiens ibériques pour assurer le succès de sa politique occitane et que son intérêt coïncidait avec celui des puissances espagnoles. Ainsi, selon le chroniqueur Robert de Torigni, le roi d’Angleterre et le comte de Barcelone s’étaient réunis dans le château de Blaye pour établir une alliance et mener campagne contre le comte de Toulouse14. La politique d’expansion de l’Aragon et de la Catalogne en direction de la Provence avait exacerbé les tensions ancestrales qui existaient avec les comtes de Toulouse, si bien que les Aragonais s’unirent dans les années 1160 avec les Plantagenêts et se brouillèrent avec les Capétiens. De son côté, Louis VII était marié à Constance, tante d’Alphonse de Castille, ce qui aurait pu permettre l’établissement de liens avec la France. Pourquoi, dans ces conditions, le jeune roi péninsulaire projeta-t-il d’obtenir la main d’une princesse Plantagenêt à sa majorité en 1169 ? Alphonse était âgé de trois ans lorsqu’il devint orphelin, et n’en avait que quatorze lorsqu’il commença à assumer ses fonctions à la tête du royaume, selon les dispositions testamentaires de son père Sanche. Ayant grandi au milieu des querelles entre les deux plus puissantes familles castillanes qui se disputaient la régence, et des intrigues que suscitaient sa tutelle, le jeune prince avait acquis la maturité politique d’un monarque avisé et déterminé. La régence touchant à sa fin, le jeune roi prit en main le gouvernement du royaume en convoquant la noblesse à une grande assemblée à Burgos en novembre 1169. Le contexte était propice pour se trouver une reine, une question qui occupa probablement les grands réunis sur les rives de l’Arlanzón. Ils conseillèrent de regarder outre-Pyrénées, afin d’éviter une consanguinité invalidante et de privilégier une dynastie qui pût servir les intérêts péninsulaires du royaume.
- 15 CVR (éd. cit. n. 9), p. 273.
10Selon la Crónica de Veinte Reyes, les nobles castillans réunis à l’assemblée de Burgos suggérèrent que « […] el rrey don Enrrique de Inglaterra avíe vna fija muy fermosa de nueue años que era por casar, que avíe nonbre doña Leonor, e enbiaron quatro omnes buenos de los mejores de la corte a pedirla, e eran los dos, rricos omnes, e los dos, obispos »15. L’approche de la majorité d’Alphonse VIII remettait en cause les prétentions territoriales des royaumes voisins de León et Navarre, mais arrangeait en revanche celles d’Alphonse d’Aragon qui avait hérité d’un lien de vassalité avec le Castillan.
- 16 Concernant la minorité d’Alphonse et l’assemblée de Burgos, voir A VIII (op. cit. n. 7), t. II, p. (...)
11Le conflit entre la Castille et la Navarre remontait aux querelles de frontières consécutives à l’expansion territoriale menée à l’époque de Sanche le Grand et au partage de son domaine en 1035. Sa politique expansionniste avait rendu inévitable le conflit avec ses voisins chrétiens dans la mesure où la Navarre n’avait aucune frontière avec les califats andalous. Or, la maturité politique et la capacité à gouverner d’Alphonse de Castille, qui devint majeur en 1169, ainsi que l’assemblée qu’il avait réunie à Burgos, mettaient fin à des décennies de violence et de désordres causés par les luttes pour le contrôle de la régence de la Castille et les pertes territoriales qui en découlèrent. À la mort d’Alphonse VII, Imperator totius Hispaniae, le royaume de Castille et León avait été partagé entre Sanche III de Castille et Ferdinand II de León ; mais le décès prématuré de Sanche en 1158 laissait la Castille sous la direction d’un enfant et à la merci des ambitions léonaises. Ainsi, Ferdinand II occupa des territoires castillans – dont Tolède – en 1162 et réunit l’année suivante la noblesse castillane à Soria pour confirmer son autorité sur la garde de son neveu. Les tensions entre les royaumes chrétiens ibériques s’accrurent entre 1170 et 1190 à mesure que la Castille consolidait sa position hégémonique16. Comme nous l’avons déjà dit, le roi aragonais, qui avait été sous la protection et la tutelle d’Henri II, fut son allié contre le comte de Toulouse (et le roi de France), tandis que le roi anglais exerçait sa souveraineté sur le duché d’Aquitaine, limitrophe avec la Navarre.
Le mariage d’Aliénor d’Angleterre et d’Alphonse VIII, ses termes et ses enjeux
- 17 John C. Parsons, Eleanor of Castile: Queen and Society in Thirteenth-Century England, Londres, Macm (...)
12Le contexte géopolitique était donc propice à l’alliance anglo-castillane telle qu’elle se dessina lors de l’assemblée de Burgos. Le mariage entre le roi de Castille et la fille d’Henri II servait tant les ambitions d’Alphonse VIII sur la Navarre que les prétentions des Plantagenêts sur Toulouse. Par conséquent, on peut supposer que la Gascogne – ou du moins certains droits liés au comté – avait pu être prise en considération dès les négociations de 1169 pour constituer la dot de la future reine. J. C. Parsons a signalé que dès le règne d’Henri II, « the kings of England followed matrimonial policies largely shaped by the southwestern inheritance, selecting wives from, and marrying daughters into, houses ruling on or near Aquitaine’s border »17. Dans ce cas particulier, Raoul de Faye, sénéchal de Poitiers et proche conseiller de sa nièce Aliénor d’Aquitaine, fut commissionné pour préciser dans le détail les termes du pacte matrimonial avec la Castille. Avait-il été prévu qu’un domaine de l’importance de la Gascogne entrerait dans la constitution de la dot de la fille de l’un des monarques les plus calculateurs et ambitieux d’Europe ? C’est ce que note le récit postérieur du chroniqueur anglais Matthieu Paris, qui, dans sa Chronica Maiora, présente à ce sujet la preuve la plus indiscutable :
- 18 Matthieu Paris, Chronica maiora, éd. Henry R. Luard, 7 vols, Londres, Longman, 1872-1883, t. V, p. (...)
Memorandumque est, quod Wasconia concessa fuit regi Hispaniæ Andefulso a rege Anglorum Henrico, cum filia sua, [unde] habuit seisinam et cartam et confirmationem a regibus Ricardo et Johanne, Anglorum regibus18.
- 19 Robert de Torigni (éd. cit. n. 14), t. I, p. 317.
13Utiliser l’Aquitaine comme dot dans le cadre d’accords matrimoniaux avait fait partie de la stratégie diplomatique d’Henri II dès 1159. C’est du moins ce qu’indique dans sa chronique Robert de Torigni, qui relate le récit contemporain du pacte qui allait unir le roi anglais avec Raymond de Barcelone la même année. Richard, fils d’Henri, devait épouser la fille du comte catalan et tous deux devaient recevoir le duché d’Aquitaine, « et rex ducatum Aquitaniae illis exactis nuptiis concessurus », pour citer l’abbé du Mont-Saint-Michel19. L’accord ne fut jamais concrétisé, si l’on peut se fier au récit de Robert, mais il ne fait aucun doute qu’Henri était prêt à céder le contrôle du duché au cas où une opportunité diplomatique se serait présentée avec les rois péninsulaires.
- 20 W. L. Warren, Henry II (op. cit. n. 5), p. 222.
- 21 Desmond Seward, Eleanor of Aquitaine: the Mother Queen, Newton Abbot, David & Charles, 1978, p. 129 (...)
- 22 John Gillingham, The Angevin Empire (op. cit. n. 11), p. 30 ; Jean Favier, Les Plantagenêts : origi (...)
- 23 J. Gillingham, Richard I, New Haven, Yale University Press, 1995, p. 31.
- 24 Régine Pernoud, Eleanor of Aquitaine, trad. [angl.] P. Wiles, Londres, Collins, 1967, p. 194 ; cf. (...)
14Cependant, c’est non sans raison que la donation du comté de Gascogne comme dot d’Aliénor a éveillé la perplexité chez les historiens. La princesse avait huit ans lorsque les ambassadeurs castillans se rendirent à la cour de son père, lui aussi pressé d’organiser le mariage de sa fille. L’ambassade et l’accession d’Alphonse à la majorité sont autant d’indices que l’initiative fut castillane. Toutefois, aucune de ces considérations ne permet de conclure à l’absence d’une politique matrimoniale dessinée par les Plantagenêts, hypothèse défendue par W. L. Warren, pour qui le monarque anglais a marié ses filles l’une après l’autre selon l’âge, sans grand dessein ; il précise qu’« Eleanor’s Spanish marriage served no very useful purpose except perhaps to preserve Castille’s neutrality, and that, while it may have been important earlier in the reign hardly mattered to Henry in the rosy day of triumph »20. Il convient de confronter cette opinion avec celle de Miriam Shadis et Constance Berman Hoffman, qui notent que cette alliance répondait de toute évidence aux prétentions diplomatiques des parties et qu’elle assurait significativement la frontière pyrénéenne. Selon Desmond Seward, en mariant sa fille au roi de Castille en 1170, Henri II avait effectivement mis fin au danger que représentait pour lui une alliance franco-castillane, et dans le même temps avait consolidé sa position vis-à-vis de Toulouse21. Jean Favier pense qu’un pacte anglo-castillan encouragea le roi d’Aragon à s’impliquer davantage dans les affaires toulousaines, et – avec une perspective ibérique – le frère Valentín de la Cruz soutient que cette alliance sans précédent a effectivement isolé territorialement et politiquement la Navarre. De même, John Gillingham considère aussi que « Henry’s policy of friendship with the powers of Christian Spain was calculated to bring about the diplomatic isolation of Toulouse »22. Bien plus, c’est probablement dès son mariage avec Aliénor en 1152 que le comte d’Anjou avait commencé à avoir des vues sur les Pyrénées, faisant sien l’intérêt traditionnel des ducs d’Aquitaine qui avaient eu « a leading part in the Holy War against the Muslims »23. Les positions de Régine Pernoud et d’Ann Trindale s’accordent avec celles de ces auteurs et confirment qu’un roi comme Henri Plantagenêt avait envisagé avec calcul chaque détail dans la stratégie matrimoniale mise en place pour ses enfants24.
- 25 Barcelone, Archivo de la Corona de Aragón (ACA), Pergaminos, Alfons I, no 92 : « Et preter hec medi (...)
15Recevant un territoire d’une telle valeur, le roi castillan désira donner le change et offrit en retour à son épouse « in arram siue donationem propter nupcias », l’autorité sur quatorze villes et seize châteaux, ainsi que les revenus afférents à neuf ports. À ces gages considérables s’ajoutaient « la moitié des prises faites [par le roi] sur les maures à partir du jour du mariage »25, alors qu’Alphonse et les autres rois chrétiens se trouvaient à cette époque, intensément impliqués dans la reconquête de la péninsule.
- 26 A VIII (op. cit. n. 7), no 147 ; Alfonso II Rey de Aragón, Conde de Barcelona y Marqués de Provenza (...)
- 27 Barcelone, ACA, Perg., Alf. I, no 92 : « Ego Adefonsus, Dei gratia rex Toleti et Castelle et Extrem (...)
- 28 Jerónimo Zurita, Anales de la Corona de Aragón, éd. Ángel Canellas Lopez, Saragosse, Institución Fe (...)
16La présence d’Alphonse II d’Aragon aux noces royales d’Aliénor, qui descendait comme lui de Guillaume IX d’Aquitaine, et les traités conclus avec son homologue castillan en 1170 révèlent l’importance que revêtait la couronne d’Aragon – récemment constituée – dans l’alliance entre Henri II et Alphonse VIII. Les deux rois hispaniques s’étaient réunis à Sahagún en juillet de cette même année, puis un peu plus tard à Saragosse, pour établir une confédération contre tout agresseur, hormis le roi d’Angleterre considéré comme un père par l’un et l’autre (« pretera regem Anglie, quem pro patre habemus »26). Ces accords visaient implicitement les menaces que représentaient les arabes et Sanche de Navarre ; en même temps, ils mettent en évidence la valeur que donne à un tel pacte d’être placé sous les auspices du plus puissant souverain d’Europe. Avant tout, la situation diplomatique d’Alphonse VIII était bien renforcée par la vassalité manifeste de l’Aragon à l’égard de la Castille, mais davantage encore par la dignité que lui conférait son entrée dans le réseau d’influence Plantagenêt. Dans la charte énumérant les gages d’Aliénor, émise en 1170, Alphonse déclare que « [son] épouse bien aimée [est] fille du très illustre roi d’Angleterre, [qui est aussi son propre] père »27. Dans la chronique plus tardive de Jerónimo Zurita, Henri apparaît comme « le roi le plus estimé de la Chrétienté, et le seigneur de grands domaines en France »28. Il n’est pas moins significatif que les noces aient été célébrées à Tarazona, un village situé à la frontière entre les royaumes des deux Alphonse.
17La dimension politique de cet épisode diplomatique fut relevée jusque dans le lointain monastère du Mont-Saint-Michel, où l’abbé Robert de Torigni s’intéressait bien naturellement aux affaires de la jeune reine de Castille, sa filleule :
- 29 Robert de Torigni (éd. cit. n. 14), t. II, p. 22. Robert utilise le titre d’empereur pour désigner (...)
Alienor, filia Henrici regis Anglorum, ad Hispaniam ducta est, et ab Amfurso imperatore solemniter desponsata. Hujus imperatoris illa pars Hispaniae quae Castella vocatur regnum est. Hujus imperii caput civilitas Toletum est. Praedicto regi propter infirmam aetatem (nondum enim adimpleverat quindecim annos) adversantur duo reges, Fernandus Galliciae, patruus ejus, et Amfonsus Navarriae, avunculus ejus29.
- 30 Fidel Fita, « Elogio de la Reina de Castilla y Esposa de Alfonso VIII Doña Leonor de Inglaterra », (...)
18La future mariée fut accompagnée par un cortège impressionnant qui, parti de Bordeaux – la ville principale de la dot –, atteignit le village épiscopal de Tarazona en septembre 1170, où ils furent accueillis par les souverains d’Aragon et de Castille et de nombreux représentants de la noblesse. Aliénor, qui avait seulement neuf ans, traversa les Pyrénées sous l’escorte de l’archevêque de Tolède – le plus haut dignitaire ecclésiastique de son nouveau royaume –, des évêques de Palencia, Ségovie, Burgos et Calahorra, c’est-à-dire une délégation substantiellement représentative de l’épiscopat castillan. À leur suite marchait en procession solennelle, « la más exquisita flor de la nobleza de ambas Castillas, no faltando la representación de las órdenes religiosas de San Benito y el Císter, singularmente de las órdenes militares », selon la vision romantique de Fidel Fita30.
- 31 Ibid., p. 425. Il s’agit de Ponce de Minerva, Gonzalo Ruiz Girón, Pedro Ruiz, Fernando Ruiz, Tello (...)
- 32 G. Martínez Diez, Alfonso VIII (op. cit. n. 16), p. 44; A. Kelly, Eleanor of Aquitaine… (op. cit. n (...)
19Parmi les dignitaires qui composaient son entourage, on trouvait le comte Nuño Pérez, régent du royaume et membre de l’influente famille Lara, accompagné par sept des plus puissants seigneurs de Castille31. S’ajoutaient à cette illustre procession l’archevêque de Bordeaux, les évêques d’Agen, Dax, Poitiers (le seul anglais du groupe), Angoulême, Saintes, Périgueux et Bazas, ainsi qu’une foule de nobles anglais, aquitains, normands et bretons. La pénibilité du trajet pour rallier la terre du Cid était adoucie par les spectacles continus de célèbres troubadours comme Gonzalbo Roitz, Arnaut-Guilhem de Marsan et Peire d’Auvergne32. Aliénor avait reçu l’éducation d’une future reine et son cortège était digne d’une femme issue d’une des familles les plus importantes d’Europe qui s’apprêtait à assumer une responsabilité non moins significative dans un nouveau royaume. Le récit de son parrain rend compte de l’événement :
- 33 Robert de Torigni (éd. cit. n. 14), t. II, p. 116.
Hic Anforsus gratia Dei et virtute sua duxit karissimam dominam meam et filiolam in baptismate in uxorem, Alienor, filiam regis Anglorum, cujus consilio et auxilio multa bona ei acciderunt. Nam primum urbem Conchas cepit, magnarum terrarum matricem ; et ut quidam dicunt, cepit Cordubam ex parte munivit, et duas civitates regis Lupi, Valentiam et Muciam ; et multa alia fecit, quae ad noticiam nostram non pervenerunt33.
- 34 María Bullón-Fernández, « Introduction: Not All Roads Lead to Rome. Anglo-Iberian Exchanges in the (...)
- 35 W. L. Warren, Henry II (op. cit. n. 5), p. 111-112; J. Gillingham, Richard I (op. cit. n. 23), p. 3 (...)
- 36 N. Vincent, « Isabella of Angoulême: John’s Jezebel », dans King John… (op. cit. n. 2), p. 185-186.
20Pour résumer, le mariage entre Alphonse et Aliénor en 1170 a eu un retentissement considérable à de nombreux niveaux34, et tout d’abord sur les terres qui auraient composé la dot de la princesse Plantagenêt : le comté de Gascogne. En 1169, Henri II avait partagé les droits seigneuriaux sur ses possessions entre ses ambitieux fils : Henri, l’aîné, héritait de l’Angleterre, de la Normandie, de l’Anjou et de la Touraine ; Geoffroy devenait comte de Bretagne ; Jean devait devenir seigneur d’Irlande (une fois la conquête de l’île achevée) ; Richard, enfin, reçut le comté de Poitiers, partie septentrionale du duché d’Aquitaine de sa mère35. Ainsi, lorsque le futur roi d’Angleterre fut proclamé duc d’Aquitaine en 1172, le sud du duché, la Gascogne, avait déjà été destiné à la dot de sa sœur, précisement depuis les négociations d’Henri et Raoul de Faye avec les ambassadeurs castillans. C’est pourquoi, comme le relève Nicholas Vincent, Richard promit en garantie à Bérengère de Navarre « all of Gascony south of the Garonne and various lordships in Anjou, pending the reversion of the estate that was currently held by Eleanor [d’Aquitaine] »36.
Les revendications castillanes sur la Gascogne
Les premières revendications
21En théorie du moins, Alphonse VIII avait le droit de réclamer l’autorité seigneuriale effective sur la dot de sa femme après le décès d’Aliénor d’Aquitaine, qui en était propriétaire et seigneur, puisque, malgré les turpitudes que connut la dynastie angevine, Henri n’avait pas déshérité sa femme de son vivant. Cette disposition expliquerait les prétentions du souverain castillan sur ces droits matrimoniaux, qu’il revendiqua seulement à la mort de la duchesse en 1204.
- 37 Pour les historiens ibériques, la dot gascogne ne fait aucun doute ; voir A VIII (op. cit. n. 7), t (...)
- 38 En ce qui concerne l’action et le contrôle de Richard sur le duché, voir Frédéric Boutoulle, « La G (...)
22Néanmoins, l’opinion des historiens sur la question n’est pas unanime ; tandis que certains ont considéré qu’il n’y avait pas lieu de discuter l’existence de la dot de la princesse Plantagenêt, d’autres ont soutenu que l’ambitieux Henri n’avait jamais eu l’intention de soustraire à son influence une région si riche et stratégique37. En dépit du caractère raisonnablement sceptique de ces interprétations, certains éléments, qu’on peut ajouter aux passages déjà mentionnés de Robert de Torigni et Matthieu Paris, doivent être examinés de plus près. En premier lieu, il convient de noter que Richard ne devint comte de Poitiers qu’en 1169 et que son établissement comme duc d’Aquitaine ne rendait pas nécessairement impossible que son père ait inclus une partie de ce territoire dans la négociation avec la Castille, puisque la possession effective de la dot restait subordonnée au décès de la duchesse et n’affectait en rien les droits, provisoires eux aussi, du comte38. On peut alors se demander si Henri n’avait pas comme objectif d’affaiblir le pouvoir de son épouse en plaçant le duché sous le contrôle de son fils et en disposant de la Gascogne pour doter sa fille.
- 39 R. Harvey, « Eleanor of Aquitaine and the Troubadours » (Art. cit. n. 31), p. 112 signale: « Her es (...)
23Le choix de Bordeaux, principale ville de Gascogne, comme point de départ du cortège nuptial a pu revêtir une véritable signification politique, qui expliquerait l’imposant rassemblement de nobles et prélats qui y assistèrent39. Le roi ibérique honora les termes de l’alliance avec les Plantagenêts et ce n’est qu’après la mort de la duchesse en avril 1204 qu’il se mit à réclamer avec détermination les droits liés à son mariage. Alphonse, pleinement conscient de la promesse faite par son beau-père, choisit l’action militaire, bénéficiant des circonstances défavorables qui affectaient son beau-frère le malheureux roi Jean.
- 40 A VIII (op. cit. n. 7), no 1030 (22 mai 1206, Burgos), t. III, p. 796; no 765 (26 octobre 1204, San (...)
24Certains documents contemporains se font écho de ses droits sur la dot gasconne. Établie en mai 1206, une confirmation des libertés de l’abbaye Notre-Dame de la Sauve-Majeure, généralement favorisée par les ducs d’Aquitaine, se réfère sans aucune ambiguïté au roi castillan comme dominus Vasconiae et la liste des témoins qui attestent de sa validité comporte de nombreux prélats et nobles de Gascogne, aucun ne paraissant réagir à l’attribution de la titulature. Son autorité seigneuriale sur la Gascogne est largement corroborée dans le même document par la manière dont Alphonse justifie son droit de confirmer les libertés d’un monastère situé sur un territoire « appartenant » aux rois d’Angleterre qui « ante nos dominium illius terrae habuerunt ». S’ajoutent à cet acte une donation octroyée par le roi à la cathédrale de Dax en octobre 1204 dans un diplôme qui identifie également Alphonse comme « seigneur de Gascogne » et comme régnant « in Castella et Toleto, et in Vasconia », ainsi qu’une lettre de 1210/1211 envoyée par le gouverneur arabe de Jaén et adressée au « roi de Castille, Tolède et Gascogne »40.
- 41 Pour des précisions sur la situation géographique, se reporter à la carte contenue dans M. Alvira C (...)
25L’intérêt d’Alphonse pour la Gascogne fait aussi suite au revers de fortune important qu’il avait connu dans son entreprise de « reconquête » avec la défaite d’Alarcos en 1195. Après cet échec au sud, il concentra ses efforts vers le nord en guerroyant contre la Navarre entre 1196 et 1200 ; il prit ainsi plusieurs châteaux et terres stratégiques en territoire basque (Álava et Guipúzcoa) jusqu’à la Bidassoa. Un des principaux objectifs du projet castillan était de progresser jusqu’à la frontière avec la Gascogne, qu’Alphonse se préparait à envahir, sans avoir besoin de solliciter un droit de passage dans les terres navarraises qui séparaient le royaume d’Aliénor de Castille de sa dot41.
- 42 Los Anales Toledanos I y II, éd. Julio Porres Martin-Cleto, Tolède, Diputación Provincial de Toledo (...)
- 43 Recueil des actes de Philippe Auguste, éd. Élie Berger, Paris, Imprimerie nationale, 1916, t. I, p. (...)
26En 1199, à la mort de Richard Cœur de Lion, les relations entre l’Angleterre et la Castille avaient déjà été fragilisées par ses noces avec Bérengère de Navarre. Lorsqu’il lui succéda, son frère Jean se montra d’abord précautionneux à l’égard de la Castille, royaume de sa sœur. Mais entre 1201 et 1202, l’amitié diplomatique établie en 1169 fut remise en cause par un pacte qui concrétisait une alliance entre Sanche VII de Navarre, adversaire déclaré du Castillan, et le roi Jean. Celui-ci avait en outre interdit tout type d’échanges entre les habitants de Bayonne et les sujets d’Alphonse VIII. Cela sonna l’ouverture des hostilités et Alphonse se rallia au pire ennemi de l’Anglais, Philippe Auguste, qui comptait déjà en plus sur l’appui d’Arthur, comte de Bretagne42. Ce dernier avait prêté hommage au roi de France, qui publia en juillet 1202 une charte pour éviter tout conflit territorial avec Alphonse, son « frère et ami très cher », à propos de terres laissées en fief au comte breton que le roi ibérique aurait pu réclamer43.
- 44 A VIII (op. cit. n. 7), t. I, p. 205-207; J. Favier, Les Plantagenêts (op. cit. n. 22), p. 638, 660 (...)
27Un premier rapprochement important entre les souverains de France et de Castille avait déjà eu lieu en 1200 avec le mariage entre Blanche, fille d’Alphonse, et Louis, le fils de Philippe Auguste. Toutefois, l’accord semble s’être conclu grâce à l’entremise d’Aliénor d’Aquitaine et paraît avoir répondu à une stratégie anglaise élaborée peu après la mort de Richard Cœur de Lion : une alliance matrimoniale entre une princesse d’ascendance Plantagenêt et un héritier capétien calmerait les ambitions françaises et castillanes sur les territoires continentaux sous le contrôle du roi Jean44. Le chroniqueur et courtisan anglais Roger de Howden rapporte le rôle central du roi d’Angleterre dans cette affaire diplomatique :
- 45 Roger de Howden, Chronica, éd. W. Stubbs, 4 vol., Londres, Longman, 1868-1871, t. IV, p. 114. Il en (...)
Interim Alienor regina, mater Johannis regis Angliae, quam ipse miserat ad Aldefonsum regem Castellae pro filia ejusdem regis Castellae maritanda Lodowico filio Philippi regis Franciae, rediit […]. Regina vero, senio et longi itineris labore fatigata, transtulit se ad abbatiam Fontis Eubraudi, et ibi remansit : filia autem regis Castellae, et Elias archiepiscopus Burdegalensis, et caeteri qui eam comitabantur processerunt usque in Normanniam, et tradiderunt eam Johanni regi Angliae avunculo suo45.
- 46 Dulce Ocón, « Alfonso VIII, la llegada de las corrientes artísticas de la corte inglesa y el bizant (...)
28Malgré cela, quelques années plus tard, la diplomatie capétienne se montra particulièrement menaçante à l’égard des possessions Plantagenêt, d’autant qu’avec l’appui français, l’invasion de la Gascogne par la Castille s’avérait imminente, tandis que l’avancée de Philippe Auguste en Normandie étaient renforcée par le soutien du comte de Bretagne46. Il est intéressant de constater que du point de vue des forces en présence, cette situation réitérait celle de la décennie 1160, quand tout soutien à une puissance péninsulaire devenait un élément constitutif du conflit entre Capétiens et Plantagenêts pour le contrôle de l’espace occitan.
La campagne d’Alphonse VIII
- 47 Patent Rolls (éd. cit. n. 42), t. I, p. 28 : « de amicia int’ nos et k’m fr’em nr’m A. illustre’ Re (...)
- 48 La documentación pontificia hasta Inocencio (965-1216), éd. D. Mansilla Reoyo, Rome, Instituto Espa (...)
29Avant cette rupture, les relations entre Jean et Philippe Auguste avaient été rétablies en 1203, probablement après plusieurs échanges diplomatiques47. Mais l’année suivante, le roi d’Angleterre se trouva confronté à une situation particulièrement catastrophique : sa mère, Aliénor d’Aquitaine, mourut en avril ; Philippe Auguste occupa la Normandie, puis le Poitou ; Alphonse de Castille, quant à lui, leva des troupes à la frontière gasconne, portant ainsi un coup fatal au contrôle exercé depuis le milieu du siècle sur cette partie du continent par les Plantagenêts. Les prétentions hégémoniques de la Castille sur la péninsule n’avaient pas seulement exacerbé l’antagonisme traditionnel avec le León et la Navarre ; à partir des années 1190, la politique d’Alphonse VIII avait provoqué l’hostilité de l’Aragon et du Portugal, si bien que le Béarn, terre vassale d’Alphonse II d’Aragon, constituait un obstacle à l’invasion de la Gascogne par la Castille. Une trêve fut sans doute consentie entre les monarques de la péninsule, par l’entremise du pape Innocent III48.
- 49 Manuel Milá y Fontanals, De los trovadores en España. Estudio de lengua y poesía provenzal, Barcelo (...)
- 50 CVR (éd. cit. n. 9), p. 281.
30L’entreprise belliqueuse de la Castille s’annonçait, on l’a évoqué, dès les dernières années du règne de Richard Cœur de Lion. Le guerrier troubadour Bertrand de Born rédigea ces vers : « Anfós / C’ aug dir que ven, e volrá sodadiers ; / Richartz metrá a mueis e a sestiers, / aur et argent… »49. Quelques années plus tard, celui qui se considérait, de par le droit de sa femme, comme dominus Vasconiae tenta de prendre effectivement contrôle de la terre qui, d’après la Crónica de Veinte Reyes, « deuía ser suya segund fuera en otro tienpo del señorío de Castilla »50. Avec ses troupes, le conquérant de Cuenca dut faire face, durant la campagne de 1205, à la résistance opiniâtre des villes gasconnes et d’une partie de la noblesse, ce dont rend compte scrupuleusement quelques années plus tard la chronique latine :
- 51 CLRC, 17 (éd. cit. n. 45), p. 51 et s.
Tempore huius Iohannis regis, quem Filipus, rex Francorum, priuauerat Normania et Andegauia et terra Turonensium et ciuitate famosa, Pictaui scilicet, rex Castelle cum quibusdam de uassalis suis intrauit Vasconiam et fere totam occupauit preter Baionam et Burdegalim ; habuit et Blayam et Borc, que sunt ultra Garonam, et terram que est inter duo maria, et sic reuersus est in regnum suum […].
Nobilis igitur rex Castelle licet, tanquam uir sapiens et discretus, intelligeret quod laborare in acquisitione Vasconie hoc esset litus arare, necessitate quadam conpulsus, non poterat desistere ab incepto. Paupertas siquidem terre, inconstancia hominum, in quibus rara fides inueniebatur, terram Vasconie ipsi regi rediderant odiosam, sed amor coniugis et ne ipsam contristaret ipsum cepto pertinaciter insistere compellebat. Videns tandem quod non proficeret, Vascones ipsos, tam nobiles quam populos ciuitatum, absoluit a iuramento et omagio, quo ei tenebantur astricti51.
- 52 Martin Aurell, L’Empire des Plantagenêt 1154-1224, Paris, Perrin, 2004, p. 213, n. 143. Voir une no (...)
- 53 A VIII (op. cit. n. 7), t. III, p. 768 : « […] partes Vasconiae […] pro iure nostro adquirendo… » ; (...)
31Alphonse mena une campagne rapide et discrète, accompagné de quelques fidèles (« quibusdam de uassallis suis ») ; son offensive sur certaines places importantes de la région (Bordeaux, Bayonne et la Réole) – qui constituaient le cœur de la dot de la reine – fut un échec52. Alors que les seigneurs du comté étaient fidèles aux rois ibériques, les villes étaient loyales au pouvoir anglais (en particulier les ports, auxquels l’autorité Plantagenêt assurait des facilités pour leurs échanges commerciaux). Néanmoins, ses efforts ne s’avérèrent pas inutiles, car outre la soumission d’une partie importante du comté (Orthez, Bourg, Dax, Blaye et Sauveterre, etc.), son autorité fut reconnue, ce dont témoigne le diplôme de 1206 déjà mentionné – qui confirme à Alphonse le titre de « Seigneur de Gascogne » – et validé par dix nobles gascons, trois évêques et sept seigneurs laïques53.
- 54 CLRC, 17 (éd. cit. n. 45), p. 51 ; voir aussi Margaret Wade Labarge, Gascony, England’s first colon (...)
32Le chroniqueur castillan soutient que cette audacieuse entreprise militaire fut motivée par l’amour que vouait le roi à Aliénor, qu’il aurait attristée en ne revendiquant pas avec suffisamment d’énergie sa dot (« amor coniugis et ne ipsam contristaret »)54, ce qui donna lieu plus tard à un récit dans une forme poétique dans les Cantigas de Santa Maria :
- 55 Alfonso X, Cantigas de Santa Maria, éd. Walter Mettmann, Madrid, Castalia, 1989, t. II, no 221, v. (...)
E sa avoa y era, filla del Rei d’Ingraterra,
moller del Rei Don Alffonsso, por que el passou a serra
e foi entrar en Gasconna pola ga[ann]ar per guerra,
e ouv’ end’ a mayor parte, ca todo ben merecia.
Ben per está aos reis d’amaren Santa Maria55…
33Le commentaire que fait la chronique ne doit pas être négligé, dans la mesure où il constitue un témoignage explicite de la conscience qu’avait le souverain castillan du pacte avec l’Angleterre et des conséquences de la promesse d’Henri II. Les droits de la reine de Castille offraient donc un fondement et une motivation à l’offensive sur les terres de sa défunte mère. Selon la Chronique latine :
- 56 CLRC, 17 (éd. cit. n. 45), p. 51.
Post ista uero gloriosus rex Castelle, qui non erat quies nisi numquam quiescere neque delectatio nisi labor continuus, laborauit ut haberet totam Vasconiam, quam sibi credebat de iure competere tanquam sibi promissam ab Henrico, rege Anglorum, socero suo. Duxerat quidem nobilis rex Castelle filiam dicti Henrici regis dominam Alienor, nobilissimam moribus et genere, pudicam et ualde prudentem, cum qua sepe dictus rex Henricus dicebatur genero suo, regi Castelle, Vasconiam promisisse56.
- 57 J. C. Parsons, Eleanor of Castile… (op. cit. n. 17), p. 7 ; G. Martínez Diez, Alfonso VIII (op. cit (...)
34Miriam Shadis a rappelé qu’il n’était pas coutume d’exiger une dot en Castille, du moins avant la fin du xiiie siècle ; Alphonse aurait exprimé des revendications infondées en profitant de la situation délicate à laquelle Jean sans Terre devait faire face sur le continent, et peut-être aussi avait-il anticipé des intérêts discordants avec la Navarre en Gascogne. De même, pour J. C. Parsons, « Alphonso most probably fabricated Henry’s promise to legitimize the easy territorial gains he hoped for at particularly fragile moment of transition within the plantagenet domain »57. De fait, à l’aune des éléments considérés jusqu’ici, il convient d’envisager davantage une telle interprétation comme une possibilité – au demeurant incertaine – plutôt que comme une probabilité.
- 58 G. Martínez Diez, Alfonso VIII (op. cit. n. 16), p. 246 ; cf. M. Alvira Cabrer et P. Buresi, « Alph (...)
35Même si Jean sans Terre était en difficulté au nord, où il devait faire face à l’invasion capétienne, la prise de la Gascogne par les castillans n’en fut pas pour autant facilitée ; cela était par ailleurs assez prévisible dans cette région connue pour son tempérament belliqueux depuis l’époque carolingienne… et se vérifia avec la résistance qu’opposèrent les nobles et les villes en 1205. Dans le même temps, aucune entreprise militaire ne pouvait paraître trop difficile pour le monarque castillan, qui devait affronter, de l’autre côté des Pyrénées, les Almohades et les autres royaumes chrétiens. En outre, Alphonse savait qu’il bénéficiait d’un contexte régional spécifique, avec l’affaiblissement de l’autorité des Plantagenêts en Aquitaine que la mort de la duchesse avait aggravée et qui favorisait une expansion territoriale en Gascogne. Pour autant, quelle raison aurait-il eu de concentrer tous ces efforts sur la Gascogne, sinon pour défendre les intérêts de sa femme et ses revendications sur sa dot ? Pour Gonzalo Martínez, sans cette motivation, l’invasion n’aurait été qu’un caprice inutile et coûteux58.
- 59 Patent Rolls (éd. cit. n. 42), t. I, p. 67 : « A. Regina Castelle et soror dn’i R’. h‘t litt’as pat (...)
- 60 G. Martínez Diez, Alfonso VIII (op. cit. n. 16), p. 244-245 ; Fœdera (éd. cit. n. 42), t. I, p. 95.
36Vers la fin de l’année 1206, Aliénor reçut un sauf-conduit pour négocier les termes de l’accord entre son époux et son frère, qui était donc occupé à la défense de l’Aquitaine59. L’ambassade de la reine constitue un autre indice de son implication dans la question gasconne, et l’on peut se demander si elle fut envoyée pour négocier avec le roi d’Angleterre uniquement en raison de leur lien de parenté, ou aussi – et plus encore ? – parce que les termes de l’accord concernaient sa dot. En octobre la même année, Alphonse fut témoin souscripteur de la trève entre Jean sans Terre et Philippe Auguste, ce qui constitue un nouvel indice de la reconnaissance de la légitimité de ses prétentions60.
37L’entreprise d’Aliénor fut fructueuse et Alphonse laissa immédiatement de côté les affaires occitanes, ce dont l’auteur de la Chronique latine des rois de Castille rend compte avec jubilation et soulagement :
- 62 Patent Rolls (éd. cit. n. 42), t. I, p. 79.
- 63 Francisco García Fitz, Las Navas de Tolosa, Barcelone, Ariel, 2005, p. 144. M. Alvira Cabrer et P. (...)
38Cette décision fut marquée solennellement par l’ambassade du chancellier castillan, l’abbé de Valladolid Diego García, à la cour anglaise en 120862. De cette manière, l’amitié qui avait uni les deux royaumes depuis Henri II était rétablie. Les relations entre Alphonse VIII et certains nobles gascons se poursuivirent toutefois, du moins pendant un temps, si bien que certains participèrent à la victoire de Las Navas de Tolosa en 121263.
La fin du contentieux
- 64 La préparation navale des Anglais est décrite dans une charte qu’envoyèrent Aliénor de Provence et (...)
39Le contentieux sur la dot de la reine ne fut officiellement terminé qu’en 1254, du fait d’une nouvelle alliance matrimoniale : le prince anglais Édouard devait épouser une autre Aliénor, sœur cadette d’Aphonse X, et la Castille allait tourner définitivement la page des prétentions sur la Gascogne – et d’un important chapitre l’histoire de son jeune royaume – en acceptant les termes de l’accord. En 1253 avait éclaté la révolte de Gaston de Béarn, le plus puissant vassal d’Henri III en Gascogne, qui encouragea le roi hispanique à revendiquer à nouveau la dot de sa grand-mère. Cinquante ans plus tard, la situation de 1204 se répétait : l’attaque castillane sur la Gascogne paraissait imminente, si bien que la noblesse anglaise se réunit pour discuter de la levée d’une flotte qui lèverait l’ancre à Portsmouth pour aller défendre le comté64. Cependant, on priviliégia cette fois une action diplomatique et les échanges entre les deux royaumes ne furent pas rompus. Le chroniqueur insulaire, Matthieu Paris, commente ainsi la lettre envoyée par le roi de Castille et León à Henri III, confirmant à nouveau les revendications d’antan et la situation nouvelle qui mettait un terme à cette longue querelle :
- 65 Matthieu Paris, Chronica maiora (éd. cit. n. 18), t. V, p. 658; Fœdera (éd. cit. n. 42), t. I, p. 3 (...)
Unde rex Hispaniæ composuit cum rege Henrico tertio nunc præsente, ut [filius ejus] sororem suam desponsaret, et quilibet alterum juvet in necessitate, et Wasconiam quietam clamaret regi Angliæ et hæredibus suis. Et confecta est carta super hujusmodi mutuam conventionem65.
- 66 Fœdera (éd. cit. n. 42), t. I, p. 310 : « […] quicquid juris habemus, vel habere debemus in tota Va (...)
40Édouard Ier, futur roi d’Angleterre aux « longues jambes », fut fait chevalier lors d’une cérémonie symboliquement forte, puisqu’elle se tint au monastère de Las Huelgas, fondé par sa parente la reine Aliénor de Castille qui en avait fait la nécropole royale et l’avait marqué de ses origines en faisant appel à un maître d’œuvre issu du milieu Plantagenêt. Le diplôme enregistré à la cour d’Alphonse le Sage à l’occasion de cette cérémonie solennelle révèle que, quarante ans après la mort d’Aliénor Plantagenêt, les castillans restaient attachés à sa dot, comme en témoigne cet extrait rédigé en 1254 qui rappelle « tous les droits détenus ou qui devraient être détenus sur toute la Gascogne […] en raison de la donation que firent, ou qui est dite avoir été faite par, le seigneur Henri, jadis roi d’Angleterre, et Aliénor sa femme à leur fille […] et au seigneur Alphonse, roi de Castille »66.
- 67 Fœdera (éd. cit. n. 42), t. I, p. 357.
41En juin 1257, dans une lettre envoyée à Alphonse X, Henri III s’adresse ainsi au souverain espagnol : « magnifico principi et consanguineo karissimo, domino nostro »67. Les deux rois partageaient une ascendance commune en la personne d’Aliénor Plantagenêt, dont la dépouille mortelle reposait sous le même toit qui allait abriter le rituel d’intronisation chevaleresque du futur roi d’Angleterre. C’est dans des circonstances semblables à celles qui avaient conduit une princesse nommée Aliénor d’Angleterre en Castille que partait de Castille vers l’Angleterre une autre princesse nommée Aliénor.
Conclusion
- 68 N. Vincent, « A Forgotten War: England and Navarre 1243-4 », dans Thirteenth Century England, Proce (...)
- 69 Selon les dates, il est possible de supposer que ces fonds ont été collectés pour les dots de Mathi (...)
- 70 Matthieu Paris, Chronica maiora (éd. cit. n. 18), t. V, p. 658; Theresa M. Vann, « The Theory and P (...)
42N. Vincent, pour qui la dot gasconne de la reine d’Angleterre demeure improbable, rappelle que les sœurs d’Aliénor Plantagenêt avaient apporté dans leurs dots de mariage des trésors considérables, mais qu’aucune terre n’avait été promise aux futurs époux68. Selon l’usage, des fonds furent levés par l’administration d’Henri II entre 1168 et 1173 ad maritandam filiam regis, d’après les informations conservées dans les Pipe Rolls69 ; mais si la Gascogne – ou du moins une partie de la Gascogne – ne constituait pas la dot de sa fille, on ne voit pas bien ce qui fut promis aux ambassadeurs castillans en 1169 ? Le détail des garanties engagées pour la reine fut vraisemblablement noté dans une charte de 1170, mais on ne conserve aucune trace de la dot dans la documentation de l’époque. Le passage déjà cité de la chronique de Matthieu Paris semble confirmer (« habuit seisinam et cartam et confirmationem a regibus Ricardo et Johanne, Anglorum regibus ») l’existence des documents sur lesquels se fondait la revendication castillane, et l’accord entre Alphonse X et Henri III spécifiait que le roi de Castille devait les restituer à l’Angleterre ou les détruire70.
- 71 Matthieu Paris, Chronica maiora (éd. cit. n. 18), t. V, p. 365-366, 370 ; Raquel García Arancón, « (...)
43En admettant l’absence de sources contemporaines comme preuve qu’Henri II n’avait jamais offert de concéder le comté, plusieurs questions restent en suspens. Pourquoi ses successeurs auraient-ils reconnu les droits castillans lors des négociations pour le mariage d’Aliénor et Édouard en 1254 ? Pourquoi Gaston de Béarn, le plus puissant – et rebelle – seigneur gascon, rendit-il hommage et prêta-t-il serment à Alphonse X pour les possessions qu’il détenait dans la région71 ? Enfin, on peut s’étonner que, cinquante ans après la campagne gasconne d’Alphonse VIII et quarante ans après la mort des réclamants, les Castillans soient restés si attachés à un droit si fragile.
Fig. 1. – Inventario de Bienes Muebles de la Real Colegiata de San Isidoro (León), no 11C-3-089-002-0024 : Broderie en soie (1197)

Cliché Museo San Isidoro.
44En l’absence de sources contemporaines attestant la supposée promesse d’Henri II, on se doit de rester prudent sur la dot gasconne d’Aliénor, mais les éléments de preuve qui ont été considérés ici indiquent que, si les prétentions castillanes ne furent que le fruit d’une invention d’Alphonse VIII, le roi hispanique fut suffisamment habile pour la faire admettre par ses homologues français et anglais au xiiie siècle et légitimer son intervention dans les affaires locales. Quoi qu’il en soit, il demeure difficile d’admettre qu’une supercherie ait eu un tel retentissement, une telle importance, à une époque où les dynasties et les cours européennes accordaient une grande importance au moindre détail pour toute affaire diplomatique. Le roi de Castille a certes pu renchérir la promesse de son beau-père, mais la documentation laisse du moins penser que certains droits liés au comté de Gascogne ont dû constituer la dot de la princesse Plantagenêt.
45Ironie de l’histoire, bien que s’inaugurât avec Aliénor une nouvelle époque dans les relations entre l’Angleterre et la Castille, son royaume d’adoption allait jouer un rôle – certes discret, mais bien réel – dans des événements, comme la perte de la Normandie par les Plantagenêts, qui allaient s’avérer cruciaux pour l’histoire européenne, alors que déclinait la puissance de la dynastie angevine sur le continent et que le royaume capétien s’affirmait comme un acteur de premier plan sur l’échiquier politique du xiiie siècle. Sans aucun doute le mariage d’Aliénor et Alphonse eut une influence essentielle dans la part que prit le lointain royaume péninsulaire aux affaires européennes.
- 72 Inventario de Bienes Muebles de la Real Colegiata de San Isidoro (León), no 11C-3-089-002-0024 : Br (...)
- 73 A VIII (op. cit. n. 7), t. I, p. 191 ; t. II, p. 255, 256, 258, 267, 294, 352, 356, 398, 471, 517 ; (...)
46Deux étoles brodées par la reine dans les années 1190, décorées de deux châteaux rouges sur fond doré, portent une inscription mentionnant explicitement la paternité de l’ouvrage : « Alienor Regina Castelle Filia Henrici Regis Anglie Me Fecit »72 [fig. 1]. Ainsi, même si la nouvelle reine de Castille ne pouvait se considérer comme « anglaise », elle précisait fréquemment qu’elle était la fille du roi d’Angleterre, et apparaît en tant que Angrica Elionor dans les diplômes et les chroniques ; de même son sépulcre porte jusqu’à nos jours le témoignage de son attachement à son ascendance Plantagenêt73. C’est à ce titre que la présence et l’action d’Aliénor d’Angleterre, reine de Castille, fut le moteur des contacts accrus entre les royaumes péninsulaire et insulaire à partir de 1170.
47À l’approche du huitième centenaire de sa mort, il convenait de consacrer quelques pages à l’épouse méconnue d’Alphonse VIII de Castille. Unanimement louée par les chroniqueurs de son temps, deux de ces petits-fils furent des rois saints. Elle fut à l’origine des fondations emblématiques du monastère royal de Las Huelgas et l’Hôpital du roi, protectrice de troubadours et d’artistes, et eut par sa présence et son action une œuvre diplomatique et culturelle d’envergure, qui témoigne de la place accrue occupée par les femmes à cette époque.
Notes
1 L’unique étude consacrée à ce thème jusqu’ici est celle de Martín Alvira Cabrer et Pascal Buresi, « Alphonse, par la grâce de Dieu, Roi de Castille et de Tolède, Seigneur de Gascogne », dans Aquitaine-Espagne (viiie-xiiie s.), dir. Ph. Sénac, Poitiers, CESCM, 2001, p. 219-232.
2 Voir Jane Martindale, « Eleanor of Aquitaine: the Last Years », dans King John: New Interpretations, éd. S. D. Church, Woodbridge, Boydell Press, 1999, p. 139.
3 Evelyn Jamison, « The alliance of England and Sicily in the second half of the 12th century », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 6, 1943, p. 22; Douglas D. R. Owen, Eleanor of Aquitaine, Queen and Legend, Cambridge (MA), Blackwell, 1993, p. 53.
4 La défense d’Henri est décrite dans un acte destiné à Rotrou, archevêque de Rouen, en réponse à l’accusation faite contre lui de rechercher des alliances avec les ennemis de Rome. Le document est reproduit dans les Materials for the History of Thomas Becket, éd. J. C. Robertson, 7 vol. , Londres, Rolls Series, 1875-1885, t. I, p. 83, t. VI, p. 78-81, no 255 : « […] Verum, etsi filiam nostram filio imperatoris in matrimonio concesserimus, nec in minimo nos deliquisse credimus, sed id nob[is] licitum esse non dubitamus, q[uonia]m, ut a simili sumamus exempla, idem excellentissimo et potentissimo regi H[enrico] auo nostro licuisse recolimus, qui filiam suam Henrico bone memorie Rom[anorum] imperatori matrimonio copulauerit […] ». Selon le récit de Giraud de Barri sur la conquête de l’Irlande, « Reginaldi Coloniensis archiepiscopi, et imperatoris cancellarii, ab imperatore Fretherico ad Anglorum regem transmissio. Qui inter nepotem imperatoris, Enricum scilicet tam Saxoniae ducem quam Baioariae, et primaevam regis filiam Mathildem, matrimonii contrahendi suasor efficax factus et persuasor : schismatis quoque, quo tunc Alemannica exorbitabat ecclesia, factus incentor, nec obtentor » (Giraud de Barri, Expugnatio Hibernica, dans Giraldi Cambrensis Opera, éd. J. S. Brewer, James F. Dimock and George F. Warner, Londres, Longman, 1861-1891, t. V, p. 374-375). Précisons qu’Henri le Lion n’était pas le fils aîné de Frédéric, mais son neveu.
5 Raoul de Dicet, « Ymagines Historiarum », dans Radulfi de Diceto Opera Historica, éd. William Stubbs, 2 vol., Londres, Longman, 1876, t. I, p. 318, 330. Voir Donald Matthew, Britain and the Continent 1000-1300. The Impact of the Norman Conquest, Londres, Hodder Arnold, 2005, p. 89, et n. 2 ; Wilfred L. Warren, Henry II, Berkeley/Los Angeles, University of California Press, 1973, p. 222 ; Karl Jordan, Henry the Lion : A Biography, trad. [angl.] P. S. Falla, Oxford, Oxford University Press, 1986, p. 144 ; Jean de Salisbury, The Letters of John of Salisbury, t. II : 1163-1180, éd. W. J Millor et C. N. L. Brooke, Oxford, Clarendon, 1979, p. 606-607 et 656-659 ; Anne Duggan, « Henry II, the English Church and the Papacy, 1154-1176 », dans Henry II. New Interpretations, éd. C. Harper-Bill et N. Vincent, Woodbridge, Boydell Press, 2007, p. 174. Je remercie Donald Matthew de m’avoir signalé certaines de ces références.
6 Robert W. Eyton, Court, Household, and Itinerary of King Henry II, Londres, Taylor, 1878, p. 58, 77-78, 98 ; Gilles Susong, « À Propos du rôle des Plantagenêts dans la diffusion de la littérature arthurienne : l’exemple d’Aliénor de Domfront, reine de Castille (1161-1214) », Le Domfrontais médiéval, 19, 2006-2007, p. 20-21.
7 Julio González, El Reino de Castilla durante el reinado de Alfonso VIII [désormais A VIII], 3 vol., Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1960, no 551, t. II, p. 946 ; Rose Walker, « Leonor of England, Plantagenet queen of King Alfonso VIII of Castile, and her foundation of the Cistercian abbey of Las Huelgas. In imitation of Fontevraud ? », Journal of Medieval History, 31/4, 2005, p. 346-368, p. 348. Il était normal à l’époque que les princesses fussent élevées d’abord par leur mère et des nourrices, puis par des tutrices et des gardiennes, avant d’achever leur éducation dans un cadre plus formel dans un monastère ou à la cour. Voir Henrietta Leyser, Medieval Women. A Social History of Women in England 450-1500, Londres, Phoenix, 1995, p. 133-139 ; Ann Trindale, Berengaria. In Search of Richard the Lionheart’s Queen, Dublin, Four Courts, 1999, p. 54.
8 Amy Kelly, Eleanor of Aquitaine and the Four Kings, Cambridge (MA), Harvard University Press, 1952, p. 328. Sur la question, voir aussi Robert Favreau, « Aliénor d’Aquitaine et Fontevraud », 303 Arts, Recherches et Créations, 81, 2004, p. 41. Sur la présence de la jeune fille à Fontevraud, voir aussi Miriam Shadis, « Piety, Politics, and Power : The Patronage of Leonor of England and Her Daughters Berenguela of León and Blanche of Castile », dans The Cultural Patronage of Medieval Women, dir. J. Hall McCash, Athens (GA)/Londres, University of Georgia Press, 1996, p. 203 et G. Susong, « À Propos du rôle des Plantagenêts… » (Art. cit. n. 6), p. 21.
9 Giraud de Barri, Expugnatio Hibernica (éd. cit. n. 4), t. V, p. 375 : « Nuncii de Hispania, filiam regis Alienor Aufulso, regi Toletani et Castellae, legitime copulandam obnixe postulantes, et impetrantes advenere ». Le terme Hispania renvoie ici à la Castille. La Crónica de Veinte Reyes précise que l’ambassade castillane était composée de deux seigneurs laïcs et deux évêques ; cf. Crónica de Veinte Reyes [désormais CVR], éd. Gonzalo Martínez Diez et al., Burgos, Ayuntamiento de Burgos, 1991, p. 273-274.
10 Anthony Goodman, « England and Iberia in the Middle Ages », dans England and her neighbours, 1066-1453. Essays in honour of Pierre Chaplais, éd. M. Jones et M. Vale, Londres, Hambledon, 1989, p. 74 ; Jennifer Goodman Wollock, « Medieval England and Iberia : A Chivalric Relationship », dans England and Iberia in the Middle Ages, 12th-15th Century : Cultural, Literary and Political Exchanges, éd. María Bullón-Fernández, New York, Palgrave, 2007, p. 11-12 ; Derek Lomax, « The first English pilgrimages to Santiago de Compostela », dans Studies in Medieval History presented to R. H. C. Davis, Londres, Hambledon, 1985, p. 48 ; Ana Echevarría Arsuaga, « The Shrine as Mediator : England, Castile, and the Pilgrimage to Compostela », dans England and Iberia… (op. cit. supra), p. 47-65 ; Adeline Rucquoi, Rex, Sapientia, Nobilitas. Estudios sobre la Península Ibérica Medieval, Grenade, Universidad de Granada, 2006, p. 58-60. Le chroniqueur normand Ordéric Vital raconte qu’une fille de Guillaume le Conquérant avait été destinée à épouser un roi espagnol, ce qu’aucune autre source ne confirme (Ordéric Vital, Historia ecclesiastica, v, 11, dans The Ecclesiastical History Orderic Vitalis, éd. Marjorie Chibnall, Oxford, Oxford University Press, 1983, t. III, p. 114-115).
11 John Gillingham, The Angevin Empire, Londres, Arnold, 2001, p. 30-32.
12 Jean de Salisbury, Lettre 279 (Magistro Lumbardo), dans The Letters… (éd. cit. n. 5), t. II, p. 606-607.
13 Nicholas Vincent, « The court of Henry II », dans Henry II (op. cit. n. 5), p. 283, no 3. Pour plus de details sur la relation entre Henri II et Alphonse II, voir Thomas N. Bisson, The Medieval Crown of Aragon. A Short History, Oxford, Clarendon, 1991, p. 35-37. La trève entre la Castille et la Navarre fut convenue « per X annos », si bien qu’une révision fut nécessaire en 1176 ; voir à ce sujet A VIII (op. cit. n. 7), no 99 ; Fernando Luis Corral, « Alfonso VIII of Castile’s Judicial Process at the Court of Henry II of England : an effective and valid arbitration ? », Nottingham Medieval Studies, 50, 2006, p. 24.
14 Robert de Torigni, Chronique, éd. Léopold Delisle, 2 vol., Rouen, Libraire de la Société de l’Histoire de Normandie, 1872-1873, t. I, p. 317.
15 CVR (éd. cit. n. 9), p. 273.
16 Concernant la minorité d’Alphonse et l’assemblée de Burgos, voir A VIII (op. cit. n. 7), t. II, p. 211-216 ; Gonzalo Martínez Diez, Alfonso VIII. Rey de Castilla y Toledo, Burgos, La Olmeda, 1995, p. 28-30, 37-39, 237. On trouvera une description complète de la dispute judiciaire entre Sanche et Alphonse dans F. L. Corral, « Alfonso VIII of Castile’s Judicial Process… » (Art. cit. n. 13), p. 22-42. Le léonais Luc de Tuy écrivit sa chronique dans les premières décennies du xiiie s. pour célébrer Alphonse VIII : Luc de Tuy, Chronicon Mundi, iv, 83, éd. Emma Falque, Turnhout, Brepols, 2003 (Corpus christianorum. Continuatio mediaevalis, 74), p. 321.
17 John C. Parsons, Eleanor of Castile: Queen and Society in Thirteenth-Century England, Londres, Macmillan, 1995, p. 7.
18 Matthieu Paris, Chronica maiora, éd. Henry R. Luard, 7 vols, Londres, Longman, 1872-1883, t. V, p. 658.
19 Robert de Torigni (éd. cit. n. 14), t. I, p. 317.
20 W. L. Warren, Henry II (op. cit. n. 5), p. 222.
21 Desmond Seward, Eleanor of Aquitaine: the Mother Queen, Newton Abbot, David & Charles, 1978, p. 129; Miriam Shadis et Constance Hoffmann Berman, « A Taste of the Feast: Reconsidering Eleanor of Aquitaine’s Female Descendants », dans Eleanor of Aquitaine: Lord and Lady, éd. B. Wheeler et J. C. Parsons, Londres, Palgrave, 2002, p. 181, 184 ; M. Shadis, Berenguela of Castile (1180-1246) and Political Women in the High Middle Ages, New York, Palgrave Macmillan, 2009, p. 31-32.
22 John Gillingham, The Angevin Empire (op. cit. n. 11), p. 30 ; Jean Favier, Les Plantagenêts : origines et destin d’un empire, xie-xive siècles, Paris, Fayard, 2004, p. 420 ; Fray Valentín de la Cruz, Berenguela la Grande y Enrique I el Chico (1179-1246), Gijón, Ediciones Trea, 2006, p. 13.
23 J. Gillingham, Richard I, New Haven, Yale University Press, 1995, p. 31.
24 Régine Pernoud, Eleanor of Aquitaine, trad. [angl.] P. Wiles, Londres, Collins, 1967, p. 194 ; cf. aussi éd. orig. Aliénor d’Aquitaine, Paris, A. Michel, 1965 ; Ann Trindale, Berengaria. In Search of Richard the Lionheart’s Queen, Dublin, Four Courts, 1999, p. 66. L’importante étude de M. Alvira Cabrer et P. Buresi, « Alphonse, par la grâce de Dieu… » (Art. cit. n. 1) prend des distances avec ce débat et se concentre sur les conséquences militaires des revendications alphonsines au xiiie s.
25 Barcelone, Archivo de la Corona de Aragón (ACA), Pergaminos, Alfons I, no 92 : « Et preter hec medietatem omnium eorum quecumque per Dei gratiam super Sarracenos adquisiero a die contracti matrimonii et deinceps ».
26 A VIII (op. cit. n. 7), no 147 ; Alfonso II Rey de Aragón, Conde de Barcelona y Marqués de Provenza. Documentos (1162-1196), éd. Ana Sánchez Casabón, Saragosse, Institución Fernando el Católico, 1995, no 92. Voir aussi G. Martínez Diez, Alfonso VIII (op. cit. n. 16), p. 223 et s.
27 Barcelone, ACA, Perg., Alf. I, no 92 : « Ego Adefonsus, Dei gratia rex Toleti et Castelle et Extremature, dono Alienordi, dilectissime uxori mee, illustrissimi regis Anglie et patris mei filie… ».
28 Jerónimo Zurita, Anales de la Corona de Aragón, éd. Ángel Canellas Lopez, Saragosse, Institución Fernando el Católico, 1998, t. I, p. 258 : « teniendo gran cuenta que el rey de Inglaterra su suegro era el más estimado rey que había en la cristiandad ; y fue señor de muy grandes estados de Francia ».
29 Robert de Torigni (éd. cit. n. 14), t. II, p. 22. Robert utilise le titre d’empereur pour désigner Alphonse VIII, peut-être pour l’identifier à son grand-père Alphonse VII. La Galice était seulement une partie des États de Ferdinand II qui, allié au roi de Navarre (Sanche VI et non Alphonse), avait tiré profit de la minorité du souverain castillan entre 1158 et 1169.
30 Fidel Fita, « Elogio de la Reina de Castilla y Esposa de Alfonso VIII Doña Leonor de Inglaterra », Boletín de la Real Academia de la Historia, 53, 1908, p. 411-430, ici p. 424.
31 Ibid., p. 425. Il s’agit de Ponce de Minerva, Gonzalo Ruiz Girón, Pedro Ruiz, Fernando Ruiz, Tello Pérez de Meneses, García González, et Gutier Fernández (G. Martínez Diez, Alfonso VIII [op. cit. n. 16], p. 44).
32 G. Martínez Diez, Alfonso VIII (op. cit. n. 16), p. 44; A. Kelly, Eleanor of Aquitaine… (op. cit. n. 8), p. 358 (avec une confusion entre Tarazona et Tarragone) ; F. Fita, « Elogio… » (Art. cit. n. 29), p. 425 ; Donald Matthew, Britain and the Continent 1000-1300. The Impact of the Norman Conquest, Londres, Hodder Arnold, 2005, p. 98 ; Ruth Harvey, « Eleanor of Aquitaine and the Troubadours », dans The World of Eleanor of Aquitaine, Literature and Society in Southern France between the Eleventh and Thirteenth Centuries, éd. M. Bull and C. Léglu, Woodbridge, Boydell Press, 2005, p. 111 signale que Gonzalbo Roitz pourrait bien être le comte castillan Gonsalvo Ruiz de Asagra (cf. aussi Martín de Riquer, Los Trovadores. Historia literaria y textos, Barcelone, Ariel, 1975, t. I, p. 338 et s.) ; G. Susong, « À Propos du rôle des Plantagenêts… » (Art. cit. n. 6), p. 21.
33 Robert de Torigni (éd. cit. n. 14), t. II, p. 116.
34 María Bullón-Fernández, « Introduction: Not All Roads Lead to Rome. Anglo-Iberian Exchanges in the Middle Ages », dans England and Iberia… (op. cit. n. 10), p. 5.
35 W. L. Warren, Henry II (op. cit. n. 5), p. 111-112; J. Gillingham, Richard I (op. cit. n. 23), p. 39; Marie Hivergneaux, « Queen Eleanor and Aquitaine, 1137-1189 », dans Eleanor of Aquitaine: Lord and Lady (op. cit. n. 21), p. 67.
36 N. Vincent, « Isabella of Angoulême: John’s Jezebel », dans King John… (op. cit. n. 2), p. 185-186.
37 Pour les historiens ibériques, la dot gascogne ne fait aucun doute ; voir A VIII (op. cit. n. 7), t. I, p. 188 et 865 ; G. Martínez Diez, Alfonso VIII (op. cit. n. 16), p. 238, une opinion qui est loin d’être consensuelle (cf. M. Shadis et C. Hoffmann Berman, « A Taste of the Feast » [Art. cit. n. 21], p. 184 ; J. C. Parsons, Eleanor of Castile… [op. cit. n. 17], p. 7). Cf. aussi Edmond-René Labande, « Les filles d’Aliénor d’Aquitaine : étude comparative », Cahiers de civilisation médiévale, 29/1-2, 1986, p. 101-112, ici p. 108.
38 En ce qui concerne l’action et le contrôle de Richard sur le duché, voir Frédéric Boutoulle, « La Gascogne sous les premiers Plantagenêts (1152-1204) », dans Plantagenêts et Capétiens : confrontations et héritages [Colloque international des 13-15 mai 2004], éd. M. Aurell et N.-Y. Tonnerre, Turnhout, Brepols, 2006, p. 285-318 ; M. Hivergneaux, « Queen Eleanor and Aquitaine, 1137-1189 » (Art. cit. n. 35), p. 66-71 ; J. Gillingham, Richard I (op. cit. n. 23), p. 38-40. Quant à la relative autonomie du vicomte de Béarn, voir G. Martínez Diez, Alfonso VIII (op. cit. n. 16), p. 239-240.
39 R. Harvey, « Eleanor of Aquitaine and the Troubadours » (Art. cit. n. 31), p. 112 signale: « Her escort of Poitevin lords and prelates may be supposed to have first assembled in Poitiers where there would already have been a festive court of le beau monde gathered for Richard’s investiture », tout en soulignant qu’un tel événement se serait plutôt produit en 1172.
40 A VIII (op. cit. n. 7), no 1030 (22 mai 1206, Burgos), t. III, p. 796; no 765 (26 octobre 1204, San Sebastián), t. III, p. 335; M. Alvira Cabrer et P. Buresi, « Alphonse, par la grâce de Dieu… » (Art. cit. n. 1), p. 227 et s.
41 Pour des précisions sur la situation géographique, se reporter à la carte contenue dans M. Alvira Cabrer et P. Buresi, « Alphonse, par la grâce de Dieu… » (Art. cit. n. 1), p. 220.
42 Los Anales Toledanos I y II, éd. Julio Porres Martin-Cleto, Tolède, Diputación Provincial de Toledo, 1993, p. 166 ; Rotuli Litterarum Patentium [désormais Patent Rolls], éd. Thomas D. Hardy, Londres, G. Eyne & A. Spottiswoode, 1835, t. I, p. 5 ; Fœdera, Conventiones, Litterae, et Cujuscunque generis Acta Publica… [désormais Fœdera] éd. Thomas Rymer, Londres, s. n., 1816, t. I, p. 85 : « Prohibemus etiam vobis ne homines Regis Castellae receptetis, nec eis consilium vel auxilium praestetis, nec cum eis aliquam communiam habeatis » ; cf. G. Martínez Diez, Alfonso VIII (op. cit. n. 16), p. 239-242 ; A VIII (op. cit. n. 7), t. I, p. 859 ; M. Alvira Cabrer et P. Buresi, « Alphonse, par la grâce de Dieu… » (Art. cit. n. 1), p. 221 ; Frank B. Marsh, English rule in Gascony, 1199-1259, with special reference to the towns, Ann Arbor (MI), G. Wahr, 1912, p. 5-11 ; N. Vincent, « Isabella of Angoulême » (Art. cit. n. 35), p. 186, indique que Sanche de Navarre était lui aussi intéressé par la Gascogne. De fait, les habitants cherchèrent protection auprès du roi de Navarre après la mort d’Aliénor d’Aquitaine ; voir A VIII (op. cit. n. 7), t. I, p. 868.
43 Recueil des actes de Philippe Auguste, éd. Élie Berger, Paris, Imprimerie nationale, 1916, t. I, p. 723 : « si autem karissimus frater et amicus noster rex Castelle in terris aloquid juris clamaverit… ».
44 A VIII (op. cit. n. 7), t. I, p. 205-207; J. Favier, Les Plantagenêts (op. cit. n. 22), p. 638, 660; D. Seward, Eleanor of Aquitaine… (op. cit. n. 21), p. 231. Le 25 décembre 1199, les rois de France et d’Angleterre s’accordèrent pour marier un fils du premier avec une nièce du second ; voir Matthieu Paris, Chronica maiora (éd. cit. n. 18), t. II, p. 456-457 ; A VIII (op. cit. n. 7), t. I, p. 855.
45 Roger de Howden, Chronica, éd. W. Stubbs, 4 vol., Londres, Longman, 1868-1871, t. IV, p. 114. Il en est aussi fait mention dans Chronica Latina Regum Castellae [désormais CLRC], 18, dans Chronica Hispana Saeculi xiii, éd. Luis Charlo Brea et al., Turnhout, Brepols, 1997 (Corpus christianorum. Continuatio mediaevalis, 53), p. 52. Voir aussi R. Pernoud, Eleanor of Aquitaine (op. cit. n. 24), p. 255-261 ; R. Harvey, « Eleanor of Aquitaine and the Troubadours » (Art. cit. n. 31), p. 11 ; J. Martindale, « Eleanor of Aquitaine » (Art. cit. n. 2), p. 139, 141, 145, 159 ; Eileen McKiernan, « Monastery and Monarchy : The Foundation and Patronage of Santa María la Real de Las Huelgas and Santa María la Real de Sigena », thèse PhD [dactyl.], University of Texas (Austin), 2005, p. 232 ; D. D. R. Owen, Eleanor of Aquitaine (op. cit. n. 3), p. 98-99 ; Rebecca A. Baltzer, « Music in the Life and Times of Eleanor », dans Eleanor of Aquitaine : Patron and Politician, éd. W. W. Kibler, Austin, University of Texas Press, 1976, p. 61-80, ici p. 62 ; Carl Appel, Provenzalische Chrestomathie, Leipzig, O. Reisland, 1930, p. 27.
46 Dulce Ocón, « Alfonso VIII, la llegada de las corrientes artísticas de la corte inglesa y el bizantinismo de la escultura hispánica a fines del siglo xii », Alfonso VIII y su época, Aguilar de Campoo, Centro de Estudios del Románico, 1990, p. 307-20 ; A VIII (op. cit. n. 7), t. I, p. 185, 786, 802-811. Natalie Fryde, « King John and the Empire », dans King John (op. cit. n. 2), p. 341 ; Fœdera (éd. cit. n. 42), t. I, p. 86.
47 Patent Rolls (éd. cit. n. 42), t. I, p. 28 : « de amicia int’ nos et k’m fr’em nr’m A. illustre’ Rege’ Castelle renovanda et firmanda ».
48 La documentación pontificia hasta Inocencio (965-1216), éd. D. Mansilla Reoyo, Rome, Instituto Español de Historia Eclesiástica, 1955, no 315 ; G. Martínez Diez, Alfonso VIII (op. cit. n. 16), p. 241-242.
49 Manuel Milá y Fontanals, De los trovadores en España. Estudio de lengua y poesía provenzal, Barcelone, J. Verdaguer, 1861, p. 117-118 ; trad. fr. mod. : « J’entends dire que le vaillant roi de Castille arrive ; l’on aura besoin de guerriers et le roi Richard dépensera de l’or et de l’argent à profusion ». Selon la Chronique d’un ménestrel de Reims (env. 1260), les revendications castillanes sur la Gascogne prirent fin à la suite d’une grande bataille qui vit s’affronter le roi Richard (Richartz) et l’espagnol Ferdinand (Ferranz) (d’après M. Alvira Cabrer et P. Buresi, « Alphonse, par la grâce de Dieu… » [Art. cit. n. 1], p. 223, 230). Ce récit est incohérent dans la mesure où les belligérants n’étaient pas contemporains, mais le crédit donné aux vers du troubadour est intéressant à noter.
50 CVR (éd. cit. n. 9), p. 281.
51 CLRC, 17 (éd. cit. n. 45), p. 51 et s.
52 Martin Aurell, L’Empire des Plantagenêt 1154-1224, Paris, Perrin, 2004, p. 213, n. 143. Voir une nouvelle fois la carte de M. Alvira Cabrer et P. Buresi (loc. cit. n. 40).
53 A VIII (op. cit. n. 7), t. III, p. 768 : « […] partes Vasconiae […] pro iure nostro adquirendo… » ; voir en outre ibid., t. I, p. 870. Il s’agit des évêques de Dax, Bayonne et Bazas, ainsi que les seigneurs de Blanquefort, Rions, Lesparre, Tartas, Béarn, Armagnac et Orthez. Un document datant d’août 1203 constate que le noble Gascon, Arloto de Marsán, était lui aussi entré au service d’Alphonse VIII (A VIII [op. cit. n. 7], t. III, p. 752). Voir aussi Joseph O’callaghan, Alfonso X and the Cantigas de Santa Maria : A Poetic Biography, Leyde, Brill, 1998, p. 39.
54 CLRC, 17 (éd. cit. n. 45), p. 51 ; voir aussi Margaret Wade Labarge, Gascony, England’s first colony, 1204-1453, Londres, Hamilton, 1980, p. 14.
55 Alfonso X, Cantigas de Santa Maria, éd. Walter Mettmann, Madrid, Castalia, 1989, t. II, no 221, v. 20-24.
56 CLRC, 17 (éd. cit. n. 45), p. 51.
57 J. C. Parsons, Eleanor of Castile… (op. cit. n. 17), p. 7 ; G. Martínez Diez, Alfonso VIII (op. cit. n. 16), p. 245 ; cf. M. Shadis, Berenguela of Castile… (op. cit. n. 21), p. 25, 31-32, qui, à mon avis, avance à tort que les chartes d’Alphonse en relation à la Gascogne ne prouvent pas ses prétentions sur la dot.
58 G. Martínez Diez, Alfonso VIII (op. cit. n. 16), p. 246 ; cf. M. Alvira Cabrer et P. Buresi, « Alphonse, par la grâce de Dieu… » (Art. cit. n. 1), p. 223.
59 Patent Rolls (éd. cit. n. 42), t. I, p. 67 : « A. Regina Castelle et soror dn’i R’. h‘t litt’as pat’ de cd’cu sibi et ill’ quos secu’ dux’it ad venie’du’ secure ad dn’m R.’ ». Julio González prétend qu’Aliénor se trouvait en Angleterre, mais cette assertion doit être corrigée dans la mesure où Jean passa presque tout le mois de septembre en Anjou, puis rejoignit Poitiers, et ne regagna l’île qu’en décembre (A VIII [op. cit. n. 7], t. I, p. 872). Un sauf-conduit fut aussi concédé à la reine Bérengère cette même année et il est possible qu’elle soit intervenue à propos du traité, qui concernait aussi la Navarre et les droits de son défunt époux (Fœdera [éd. cit. n. 42], t. I, p. 94).
60 G. Martínez Diez, Alfonso VIII (op. cit. n. 16), p. 244-245 ; Fœdera (éd. cit. n. 42), t. I, p. 95.
61 CLRC, 17 (éd. cit. n. 45), p. 52 ; G. Martínez Diez, Alfonso VIII (op. cit. n. 16, p. 246). À propos de la défense de ses possessions aquitaines par Jean sans Terre, voir W. L. Warren, King John, Berkeley, University of California Press, 1978, p. 116-120.
62 Patent Rolls (éd. cit. n. 42), t. I, p. 79.
63 Francisco García Fitz, Las Navas de Tolosa, Barcelone, Ariel, 2005, p. 144. M. Alvira Cabrer et P. Buresi, « Alphonse, par la grâce de Dieu… » (Art. cit. n. 1), p. 224 et 226. La lettre de la princesse Bérengère à sa sœur Blanche indique que presque tous les Français avaient fait marche arrière avant le début de la bataille (Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. XIX, éd. Michel Brial, Paris, 1828, p. 254-255).
64 La préparation navale des Anglais est décrite dans une charte qu’envoyèrent Aliénor de Provence et Richard de Cornouailles, respectivement épouse et frère du roi, à Henri III en 1254 ; voir Fœdera (éd. cit. n. 42), t. I, p. 296.
65 Matthieu Paris, Chronica maiora (éd. cit. n. 18), t. V, p. 658; Fœdera (éd. cit. n. 42), t. I, p. 305, 357; J. C. Parsons, « Eleanor of Castile (1241-1290): Legend and Reality through Seven Centuries », dans Eleanor of Castile 1290-1990: Essays to Commemorate the 700th Anniversary of her Death: 28 November 1290, éd. D. Parsons, Stamford, Paul Watkins, 1991, p. 24 ; G. Martínez Diez, Alfonso VIII (op. cit. n. 16), p. 247 ; M. Alvira Cabrer et P. Buresi, « Alphonse, par la grâce de Dieu… » (Art. cit. n. 1), p. 227.
66 Fœdera (éd. cit. n. 42), t. I, p. 310 : « […] quicquid juris habemus, vel habere debemus in tota Vasconia, vel in parte, in terris, possessionibus, hominibus, juribus, vel quasi dominiis, vel quasi actionibus et rebus aliis, ratione donationis qua fecit, vel fecisse dicitur, dominus Henricus, quondam Rex Angl’, et Aleonora uxor sua Aleonore filie sue, et bone memorie, domine Alfonso Regi Castelle ». Il convient aussi de prendre en compte la documentation diplomatique qui précède l’accord officiel ; voir ibid., p. 298-301.
67 Fœdera (éd. cit. n. 42), t. I, p. 357.
68 N. Vincent, « A Forgotten War: England and Navarre 1243-4 », dans Thirteenth Century England, Proceeding of the Gregynog Conference 2005, éd. B. Weiler et al., Woodbridge, Boydell Press, 2007, p. 110-146.
69 Selon les dates, il est possible de supposer que ces fonds ont été collectés pour les dots de Mathilde et d’Aliénor ; cf. The Great Roll of the Pipe, Londres, s. n., 1844-…
70 Matthieu Paris, Chronica maiora (éd. cit. n. 18), t. V, p. 658; Theresa M. Vann, « The Theory and Practice of Medieval Castilian Queenship », dans Queens, Regents, and Potentates, éd. T. M. Vann, Dallas, Academia, 1993, p. 138, n. 57 : « et omnes cartas, quas habemus super hoc a predictis vel aliquo eorum, promittimus bona fide dicto Eduuardo restituere vel delere » (Diplomatic Documents Preserved in the Public Records Office, éd. Pierre Chaplais, Londres, HMSO, 1964, t. I, p. 184-186, n. 275). Sur cette question, voir aussi A VIII (op. cit. n. 7), t. I, p. 865, n. 102. Selon Julio González, les deux rois anglais, Richard et Jean, ont reconnu certains des droits d’Alphonse sur la Gascogne (A VIII [ibid.], p. 866, 875).
71 Matthieu Paris, Chronica maiora (éd. cit. n. 18), t. V, p. 365-366, 370 ; Raquel García Arancón, « Navarra e Inglaterra a mediados del siglo XIII », Príncipe de Viana, 186, 1989, p. 111-149, ici p. 112-114 ; Pierre de Marca, Histoire du Béarn, t. II, Pau, Veuve Ribaut Lafon, 1922, p. 354-355 ; Achille Luchaire, Recueil des textes de l’ancien dialecte gascon, d’après des documents antérieurs au xive siècle, suivi d’un glossaire, Paris, Maisonneuve, 1881, p. 51.
72 Inventario de Bienes Muebles de la Real Colegiata de San Isidoro (León), no 11C-3-089-002-0024 : Broderie en soie (2,77 m × 0,065 m) datant de 1197 portant l’inscription : « + Alienor Regina Castelle Filia + Henrici Regis Anglie Me Fecit + Sub Era M CC XXXV Annos + » ; no 11C-3-089-002-0025 : broderie en soie (1,56 m × 0,065 m) datant de 1198 portant l’inscription : « …M CC XXX VI… ». Je remercie Mme Camino Redondo, directrice du musée de San Isidoro (León), pour son amabilité et les facilités d’accès à ces étoles qui en ont permis l’analyse.
73 A VIII (op. cit. n. 7), t. I, p. 191 ; t. II, p. 255, 256, 258, 267, 294, 352, 356, 398, 471, 517 ; t. III, p. 82, 124, 273, 491, 536, 587, 757 ; Colección Diplomática del Monasterio de Sahagún, éd. José A. Fernández Flores, León, Centro de Estudios e Investigación « San Isidoro », 1991, t. IV, p. 336, 353, 440, 445 ; Rodrigo Jiménez de Rada, Historia de rebus Hispaniae sive Historia Gothica, IX, i, éd. Juan Fernández Valverde, Turnhout, Brepols, 1987 (Corpus christianorum. Continuatio mediaevalis, 62), p. 281 ; Luc de Tuy (loc. cit. n. 16). Les figures sculptées sur le sarcophage d’Aliénor représentent les premiers emblèmes héraldiques, avec les trois lions dorés (à l’origine, des léopards) ; l’ouvrage fut certainement réalisé plusieurs décennies après la mort de la reine : voir sur ce point R. Walker, « Leonor of England and Eleanor of Castile : Anglo-Iberian Marriage and Cultural Exchange in the Twelfth and Thirteenth Centuries », dans England and Iberia… (op. cit. n. 10), p. 77-83.
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Titre | Fig. 1. – Inventario de Bienes Muebles de la Real Colegiata de San Isidoro (León), no 11C-3-089-002-0024 : Broderie en soie (1197) |
Crédits | Cliché Museo San Isidoro. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/docannexe/image/19803/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 27k |
Pour citer cet article
Référence papier
José Manuel Cerda, « La dot gasconne d’Aliénor d’Angleterre. Entre royaume de Castille, royaume de France et royaume d’Angleterre », Cahiers de civilisation médiévale, 215 | 2011, 225-241.
Référence électronique
José Manuel Cerda, « La dot gasconne d’Aliénor d’Angleterre. Entre royaume de Castille, royaume de France et royaume d’Angleterre », Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 215 | 2011, mis en ligne le 01 janvier 2025, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/19803 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/13b0c
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