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Comptes rendus – Supplément numérique

Francisco Pedro Pla Colomer, Santiago Vicente Llavata, La materia de Troya en la Edad Media hispánica. Historia textual y codificación fraseológica

Alexandra Oddo
Référence(s) :

Francisco Pedro Pla Colomer, Santiago Vicente Llavata, La materia de Troya en la Edad Media hispánica. Historia textual y codificación fraseológica, Madrid, Iberoamericana/Vervuert (Medievalia Hispanica, 33), 2021, 278 p.

Texte intégral

1Dans La materia de Troya en la Edad Media hispánica. Historia Textual y codificación fraseológica, Francisco Pla Colomer et Santiago Vicente Llavata ont voulu structurer leur étude autour de deux grands chapitres qui mettent en lumière successivement les textes du corpus – qui revisitent la légende troyenne à partir du Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure (Léopold Constans [éd.], Paris, Firmin Didot [Société des anciens textes français, 38], 1904) et de la Historia destructionis Troiae de Guido delle Colonne (Historia de la destrucción de Troya, Manuel Antonio Marcos Casquero [éd.], Madrid, Akal [Clásicos Latinos Medievales, 4], 1996) – et le prisme à travers lequel ils vont être observés : celui d’une phraséologie en construction dans les langues romanes. La phraséologie dans les textes médiévaux ayant été peu abordée jusqu’à présent, et les deux domaines en question rarement croisés pour saisir les traits saillants de ces unités linguistiques, il convient de saluer la difficulté de l’entreprise et l’originalité de la démarche des deux auteurs, tout comme la pédagogie mise en œuvre dans les pages initiales de l’étude pour en montrer tout l’intérêt et les implications.

2À cette fin, l’étude s’ouvre sur un cadre théorique qui explicite les questions de méthode et l’état de la question. Ce dernier tient compte des différents domaines impliqués dans cette recherche, en évoquant à la fois les ouvrages fondateurs de la discipline et les publications très récentes que les deux chercheurs ont sollicitées dans le domaine de la philologie pour étudier l’édition critique des textes, la traduction médiévale, ses spécificités, et, dans le domaine linguistique, pour appréhender les phénomènes de lexicalisation des unités phraséologiques en diachronie ainsi que leur taxinomie. Ils poursuivent en ce sens les travaux précurseurs du groupe HISLEDIA, dirigé par María Teresa Echenique Elizondo, qui se sont matérialisés dans la constitution du Diccionario histórico fraseológico del español (DHISFRAES, Diccionario histórico fraseológico del español. Tarea lexicográfica del siglo XXI. Combinaciones de carácter locucional prepositivo y adverbial, M. T. Echenique Elizondo & F. Pla Colomer [dir.], Bern/Berlin/Bruxelles/New York/Oxford/Varsovie/Vienne, Peter Lang [Fondo hispánico de lingüística y filología, 36], 2021).

3Ce préambule retrace aussi la conception du projet par les deux auteurs et les étapes qui l’ont jalonné, en particulier dans sa mise en œuvre, par une production – soutenue d’ouvrages, d’articles et de présentations – qui montre sans conteste leur expertise et leur légitimité dans les domaines de la critique textuelle, de la littérature médiévale et de l’histoire de la langue. L’originalité de l’étude résulte d’ailleurs de ce croisement de données et de spécialités (philologie, linguistique et phraséologie) que la philologie espagnole avait jusqu’alors peu exploité. L’idée de départ est l’analyse d’un corpus issu de la matière antique de la légende troyenne, qui doit être traité pour et par son intérêt linguistique en synchronie et en diachronie. L’étude d’un tel ensemble, qui porte sur un corpus de textes allant du xiiie au xve siècle, est rendue possible par la maîtrise des nouvelles technologies et par la mise en place d’un cadre conceptuel et méthodologique qui s’appuie sur les nouvelles approches linguistiques et stylistiques théorisées par les tenants de la phraséologie diachronique. Il en ressort une étude originale, car inédite, des unités phraséologiques présentes dans ces traductions et adaptations qui doit permettre de produire, in fine, une explication des processus de lexicalisation, d’institutionnalisation et de variation survenus dans ce domaine en diachronie au sein des langues romanes de la péninsule ibérique.

4La première partie du livre est consacrée à l’histoire textuelle que va produire la légende troyenne en péninsule ibérique, à partir des deux grandes lignées de textes issues d’une part du Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure, dont descendent la Historia troyana polimétrica (Ramón Menéndez Pidal, Obras Completas, Madrid, Espasa-Calpe, 1976, vol. XII, p. 183-419) ; la Crónica troyana d’Alphonse XI (Claudia D’Ambruoso, Edición crítica y estudio de la « Crónica troyana » promovida por Alfonso XI, thèse de doctorat dirigée par Juan Casas Rigall , université de Saint-Jacques-de-Compostelle, 2012) ; la História troiana bilingüe (Ricardo Pichel Gotérrez, A História Troiana [BMP ms. 558] : edición e estudo histórico-filolóxico, thèse de doctorat dirigée par Ramón Mariño Paz et Francisco Xabier Varela Barreiro, université de Saint-Jacques-de-Compostelle, 2013) et la Crónica troiana gallega (Crónica troiana. Introducción e texto, Ramón Lorenzo [éd.], A Coruña, Fundación Barrié de la Maza/Conde de Fenosa [Colección de documentos históricos/Universidad de Santiago], 1985) et d’autre part, de la Historia destructionis Troiae de Guido delle Colonne, qui est à l’origine des Sumas de historia troyana de Leomarte (Agapito Rey [éd.], Madrid, Junta para ampliación de estudios. Centro de estudios históricos [Anejo XV de la Revista de Filología Española, 15], 1932) ; des Històries troianes de Jaume Conesa (Joan Maria Perujo Melgar, Les Històries troaines de Jaume Conesa. Traducció catalana de la historia destructionis troiae de Guido Delle Colonne, thèse de doctorat dirigée par Rafael Alemany Ferrer, université d'Alicante, 2015) ; du Libro de la historia troyana de Pedro de Chinchilla (María Dolores Peláaz Benítez [éd.], Madrid, Editorial Complutense, 1999) ; de la Crónica troyana éditée par Juan de Burgos (María Sanz Julián [éd.], Saragosse, Institución Fernando el Católico, 2015) et de la Coronica troiana em limguajem purtuguesa (Irene Freire Nunes [éd.], Lisbonne, Edições Colibrí, 1996) entre autres. Toutes les versions manuscrites et imprimées de ces textes sont reprises et mises en perspective dans un tableau synoptique (p. 69 à 71) fort utile. Sollicitant des textes en aragonais, castillan, catalan, galicien et portugais, les deux auteurs rassemblent un corpus permettant d’emblée d’avoir une approche linguistique globale en synchronie des textes de la légende troyenne produits dans les différentes langues romanes de la péninsule. Il convient d’ailleurs de signaler la très grande rigueur des outils et des critères pour le choix des textes du corpus, qui sollicitent plusieurs langues romanes et permettent de dresser un portrait fidèle de la réalité linguistique ibéro-romane – une rigueur mise dans la constitution du corpus qui va jusqu’à délaisser, en tenant compte des erreurs induites par un trop grand écart entre le texte et sa date de copie, des textes de cette tradition textuelle publiés après le xve siècle. Les textes et leurs caractéristiques linguistiques sont ainsi passés au crible pour relever leurs traits saillants (conservation du f- initial ; apocope extrême, hésitations graphiques au regard de l’assourdissement des fricatives, etc.) et les différences qui permettent de matérialiser la fragmentation des langues romanes.

5La troisième partie de l’analyse est consacrée aux unités phraséologiques rencontrées dans quatorze épisodes choisis au sein du corpus pour leur représentativité. L’échantillonnage, grâce à la méthode d’extraction des données qui limite la recherche à deux thèmes centraux de la prose médiévale castillane, l’amour et la guerre (amor et militia) met côte à côte pour mieux les comparer les différentes versions des plus célèbres passions amoureuses de l’histoire troyenne – les amours de Jason et Médée, de Paris et Hélène, d’Achille et Polyxène (etc.) –, ainsi que les épisodes guerriers les plus significatifs du conflit qui oppose les Achéens aux Troyens. Ces épisodes sollicitent en effet les grands topoï de la littérature médiévale, comme les effets provoqués par la passion amoureuse (mourir d’amour, la prison d’amour, l’exacerbation du manque, etc.) ou encore des situations archétypiques propres à la guerre (la déclaration de guerre, les discours, le champ de bataille, etc.) et sont le lieu d’une tradition textuelle qui permet in fine de bien mesurer l’institutionnalisation de certaines compositions phraséologiques. La méthodologie suivie, qui donne à voir, par l’intermédiaire de tableaux, les séquences comparées dans les mêmes épisodes guerriers et amoureux, permet d’offrir une vue d’ensemble de la construction et de la consolidation d’une formulation phraséologique dans les différentes langues romanes présentes en péninsule ibérique à cette période. L’approche contrastive, tout aussi importante aux yeux des deux auteurs, permet quant à elle d’isoler les traits saillants en la matière pour chacune des langues abordées. Des structures diverses sont ainsi analysées dans plusieurs contextes susceptibles par essence de les accueillir. Des unités phraséologiques (prépositionnelles, verbales, adverbiales, etc.) sont rapprochées des grands concepts véhiculés par ces topoï médiévaux de l’amour et de la guerre (la maladie d’amour, la perte de soi, la folie, etc.) et l’expression de la passion en vient à se cristalliser dans des séquences comme morir por + inf ; querer bien ; arder en amor ; en + (posesivo) + poder ; preso de amor, fuera de seso. Et il faut souligner dans cette partie la justesse de l’association amor/militia qui, dans le développement suivant, montre leur très grande affinité. Les compositions phraséologiques recensées dans ces deux domaines sont reprises dans des tableaux synoptiques pour faciliter leur consultation et le maillage des grands réseaux associatifs auxquels elles sont rattachées (p. 140 pour l’amour et p. 223 pour la guerre).

6Les travaux sur la variation linguistique en phraséologie menés avec une telle rigueur doivent être encouragés et salués car ils favorisent un nécessaire développement des travaux de phraséologie en diachronie, par la constitution de corpus permettant de retracer leur formation, leur évolution et leur consolidation (ou leur désuétude) en diachronie et dans une dimension temporelle longue de plusieurs siècles pour certaines compositions. Les auteurs laissent d’ailleurs entrevoir, en fin de volume, la possibilité de poursuivre cette étude en allongeant la période jusqu’au xviiie siècle.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Alexandra Oddo, « Francisco Pedro Pla Colomer, Santiago Vicente Llavata, La materia de Troya en la Edad Media hispánica. Historia textual y codificación fraseológica »Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 267 | 2024, mis en ligne le 15 septembre 2024, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/19232 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12e6r

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Auteur

Alexandra Oddo

Université Paris Nanterre, CRIIA-Études Romanes

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Droits d’auteur

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