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L’invention de Léocade : reliques et figures d’auteur dans les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci

The Leocade’s Invention:Relics and Author’s Figures in Gautier de Coinci’s Miracles de Nostre Dame
Brigitte Roux et Marion Uhlig
p. 19-40

Résumés

Sainte Léocade domine la composition et l’architecture des Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci. Elle fournit notamment le sujet des deux imposants miracles qui encadrent le premier livre – D’un archevesque qui fu a Tholete (I Mir 11) et Comment sainte Leochade fu perdue (I Mir 44) – et qui, complétés de trois chansons, forment le « cycle de Léocade », recueil à l’intérieur du recueil, dont la constitution a donné au poète l’allant nécessaire à l’écriture du second livre des Miracles. Or le rôle déterminant de Léocade dans le recueil ne rend que plus frappant le flou délibéré qui règne sur la nature de ses reliques : s’agit-il d’un fragment d’étoffe, d’ossements ou d’autre chose ? Face au silence du texte, les images apportent des réponses aussi variées que signifiantes. Leur étude nourrit ainsi l’interprétation littéraire autant qu’elle découvre ce qu’il en est de la réception, ou des réceptions, de l’œuvre de Gautier. Que choisit-on de montrer ? La question est cruciale, s’agissant de représenter des reliques par essence invisibles, destinées à être enfouies dans une châsse ou un trésor. Cet article à deux mains, par une historienne de l’art et une spécialiste de la littérature, se propose d’examiner la question centrale des reliques de sainte Léocade dans les Miracles de Nostre Dame, à travers le double prisme du texte et des images préservées dans différents manuscrits. Cette double approche, littérature et histoire de l’art, trouve dans le recueil lui-même sa meilleure motivation : dans l’Épilogue, Gautier désigne la confection des Miracles comme le fruit d’une étroite collaboration avec Robert de Dive qui les fait enluminer.

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Texte intégral

  • 1 Gautier de Coinci, « D’un archevesque qui fu a Tholete », dans Id., Les Miracles de Nostre Dame, V. (...)
  • 2 Le transfert historique des reliques de Tolède au Soissonnais a été étudié par : André Moreau-Néret(...)
  • 3 Gautier de Coinci, « D’un archevesque qui fu a Tholete » (éd. cit. n. 1), « Comment sainte Leochade (...)
  • 4 Ibid., « Las ! Las ! Las ! Par grant delit », I Ch 45, t. 3, p. 249-253 ; « Sour cest rivage, a ces (...)

1Dans le second miracle de la collection des Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci (I Mir 11), l’archevêque de Tolède, Ildefonse, préside dans sa cathédrale à une célébration auréolée par l’apparition de Léocade, patronne de la ville1. Désireux de conserver une trace de l’élévation de la sainte hors du tombeau, l’archevêque requiert un couteau, que lui tend aussitôt le roi d’Espagne, pour prélever sur sa révérée amie « ce qu’en peut avoir » afin de l’enchâsser « en or et en argent » (I Mir 11, v. 173 et 159). Suite à leur invention, les reliques de Léocade connaissent deux translations successives, la première à l’époque carolingienne de la cathédrale de Tolède à Saint-Médard de Soissons (I Mir 11, v. 1746-1784), la seconde de Soissons à la chapelle de Vic-sur-Aisne, deux générations avant que Gautier de Coinci n’en devienne le prieur (I Mir 11, v. 1967-2889)2. À ce miracle en répond un autre (I Mir 44), « Comment sainte Leochade fu perdue », qui clôt le premier des deux livres des Miracles de Nostre Dame et rapporte le vol des reliques de Léocade par trois larrons, puis leur redécouverte miraculeuse dans l’Aisne, du vivant du poète3. Ce dernier miracle est complété par trois chansons qui le suivent et en reprennent la matière, la première pour déplorer la perte des reliques (I Ch 45), la seconde pour en célébrer la redécouverte (I Ch 46) et la troisième pour louer la sainte (I Ch 47)4.

  • 5 Cette désignation, relativement commune chez les critiques, figure notamment dans le titre de l’art (...)
  • 6 À ce sujet, voir notamment Tony Hunt, Miraculous Rhymes: the Writing of Gautier de Coinci, Cambridg (...)

2Cette présence pour le moins imposante de Léocade dans le premier livre des Miracles n’a pas manqué d’attirer l’attention des critiques, soulevant des questions relatives à la fonction structurante de ce « cycle de Léocade5 » au sein de l’architecture d’ensemble, à la tonalité autobiographique du Miracle de Léocade et aux possibilités d’établir une datation à partir du vol des reliques à Vic-sur-Aisne. Or si les études consacrées à la collection de Gautier de Coinci ont fourni des réponses aussi précises que convaincantes à ces questions, on n’a pas jusqu’à présent relevé l’extrême singularité de ces pièces à l’intérieur de la plus importante compilation mariale que nous a léguée le Moyen Âge. Que fait Léocade dans une somme miraculaire entièrement dévolue à la Vierge ? Et quel rôle y jouent ses reliques ? Répondre à ces interrogations paraît d’autant plus crucial à la compréhension du recueil que Gautier choisit précisément les Miracles d’Ildefonse et de Léocade pour se représenter en écrivain exclusivement occupé par la louange de Notre Dame, son seul sujet d’inspiration et sa seule récompense6.

3Le présent article entend se pencher sur le « cycle de Léocade » en vue de déterminer les rapports qu’il entretient avec les Miracles de la Vierge. Notre hypothèse est que la Vie de Léocade possède une vocation réflexive au sein de l’œuvre miraculaire de Gautier. Persuadées qu’un lien doit être fait entre ces corps saints qu’on « me[t] en or et en argent » et le livre des Miracles dans ses « beaux fermaux d’argent » (II Mir 29, v. 57), nous souhaitons revenir sur ces pièces pour les examiner au prisme des reliques de la sainte. Dans le même mouvement, nous interrogerons le rapport de substitution et de subordination de Léocade à la Vierge, héroïne et récipiendaire des Miracles, qui s’apparente à la relation de la demoiselle à la dame, autrement dit de la violette à la rose. Les étapes structurantes de l’invention, de la translation et de la restauration des reliques, telles qu’elles sont articulées par les deux miracles et les trois chansons consacrés à Léocade, vont informer notre propos.

  • 7 Sur Robert de Dive, nous renvoyons notamment à T. Hunt (op. cit. n. 6), p. 13-14.

4Cet article à deux plumes, par une historienne de l’art et une spécialiste de la littérature, envisagera tout à la fois le texte des Miracles et ses images préservées dans différents manuscrits. La démarche tire sa légitimité du projet miraculaire tel qu’il a été conçu par Gautier de Coinci, c’est-à-dire suivant un plan architectural au sein duquel Léocade occupe une place déterminante, mais aussi comme une collection d’emblée prévue pour allier texte et illustrations. L’épilogue du Livre II, qui explicite la méthode de travail du poète, mentionne Robert de Dive, prieur de Saint-Blaise et abbé de Saint-Éloi-de Noyon. Il se trouve que cet ami cher auquel le poète fait parvenir son œuvre n’est pas seulement chargé de la lire et de la copier ; il lui faut aussi l’« atorner, / Flourir ne paindre n’aourner », en d’autres termes la faire enluminer (2 Ép 33, v. 103-1047).

Léocade et le « grant livre » de Gautier de Coinci8

  • 8 C’est le terme employé à plusieurs reprises par Gautier de Coinci pour désigner son recueil miracul (...)
  • 9 Alison Stones, « Notes on the Artistic Context of Some Gautier de Coinci Manuscripts », dans Gautie (...)

5Comme l’ont relevé récemment quelques critiques9, cette mention explicite invitant non seulement à la copie du texte, mais aussi à son ornementation, constitue une attestation exceptionnelle et précoce montrant le soin que Gautier de Coinci prête à construire ce que l’on pourrait nommer anachroniquement une œuvre d’art totale, où texte, chant et peinture concourent à un seul et même édifice artistique. À cette époque, la demande de joindre des images au texte se rencontre à notre connaissance uniquement dans le contexte encyclopédique, chez Gossuin de Metz dans son Image du monde, un contexte où les images apparaissent avant tout dans un but didactique, alors que les vers de Gautier insistent sur leur potentiel esthétique et poétique.

  • 10 Appendix III, dans Gautier de Coinci: Miracles, Music… (op. cit. n. 5).
  • 11 Il s’agit de deux manuscrits réalisés à Soissons, vers 1260-70, l’un conservé à la Bibliothèque nat (...)

6Dans le cas des Miracles de Nostre Dame, la demande de peindre le texte n’est-elle qu’un souhait rhétorique ? Sur l’ensemble de la tradition manuscrite, dont on conserve à ce jour plus d’une centaine d’exemplaires, complets ou fragmentaires, Alison Stones a recensé 31 copies illustrées, ce qui représente donc bien moins que la majorité des cas10. Aucun de ces manuscrits ne date du vivant de Gautier, ce qui nous prive d’un témoin situé à l’orée de la tradition iconographique du texte. Si ce manuscrit a bel et bien existé, il n’a en aucun cas déterminé un cycle iconographique invariable et régulier. Il est en effet frappant de relever que, comme pour le texte d’ailleurs, aucune copie n’est semblable à l’autre, sauf deux exemplaires jumeaux11.

  • 12 Anna Russakoff, « Collaborative Illuminations: Jean Pucelle and the Visual Program of Gautier de Co (...)
  • 13 Nous laissons de côté les 18 manuscrits enluminés qui contiennent le texte incomplet des Miracles d (...)
  • 14 Appendix I, dans Gautier de Coinci: Miracles, Music… (op. cit. n. 5).

7Parmi les manuscrits enluminés, seules treize copies contiennent le texte complet des Miracles. Datant de la deuxième moitié du xiiie siècle – à l’exception de la copie à destination royale réalisée par Jean Pucelle à la fin des années 1320 (Paris, BnF, na. fr. 2454112) – elles ont été réalisées pour la plupart dans des centres d’enluminures du Nord de la France, comme Arras et Soissons, ou à Paris13. Elles sont très inégalement illustrées. En effet le nombre d’enluminures, tout comme leur format, varie fortement : oscillant d’une seule peinture en pleine page (par ex. Paris, BnF, fr. 986 ; fr. 1530) à presque 200 initiales historiées pour l’exemplaire le plus abondamment peint (Besançon, BM, 551). En ce qui concerne les manuscrits les plus copieusement illustrés – qui présentent plus d’une cinquantaine d’enluminures –, ils comprennent tous l’épilogue invitant à copier ainsi qu’à orner le manuscrit (II Épi 33), ce qui suggère que l’injonction de Gautier a été suivie. En se fiant à la liste fournie par Kathryn Duys, Kathy Krause et Alison Stones14, il apparaît que les autres Miracles de Nostre Dame complets, mais non illustrés, ne contiennent justement pas l’épilogue, à l’exception d’un exemplaire conservé à la Bibliothèque municipale de Blois (ms. 34). Ce que l’on pouvait prendre pour un souhait rhétorique semble donc au contraire avoir bel et bien été suivi d’effets. Enfin, si les emplacements des miniatures se ressemblent – elles sont systématiquement situées en tête du miracle – leurs mises en images diffèrent considérablement comme nous le verrons avec les Miracles de Ildefonse et de Léocade. Cette forte hétérogénéité de la tradition iconographique fragilise bien entendu tout essai de généralisation sur les images, qu’il faudra donc envisager le plus souvent au cas par cas. Elle rend aussi compte de la diversité et de la variabilité des interprétations d’un même matériau textuel, chaque solution représentant un aspect de sa réception à part entière.

  • 15 Masami Okubo, « La formation de la collection des Miracles de Gautier de Coinci I », Romania, 123, (...)
  • 16 Pour des indications biographiques sur Gautier de Coinci, nous renvoyons à l’introduction de Victor (...)

8En ce qui concerne le texte, on doit rappeler pour commencer la position cruciale des pièces relatives à Léocade à l’intérieur des Miracles de Nostre Dame. Différents travaux menés ces dix dernières années sur la composition du recueil de Gautier de Coinci, et en particulier ceux de Masami Okubo, Gérard Gros et Tony Hunt, ont révélé la minutie architecturale de cet édifice artistique et spirituel15. Fruit d’un arrangement soigneux, le recueil miraculaire se caractérise par son évolution, puisqu’il s’est vu à plusieurs reprises révisé, réorganisé et augmenté par l’auteur. La tradition manuscrite permet de détecter plusieurs strates successives. Gautier aurait en effet commencé à composer des miracles sans doute indépendants les uns des autres à partir de 1214, soit au moment où il est devenu prieur à Vic-sur-Aisne. Il aurait ensuite élaboré la collection en deux phases majeures – d’abord en un, puis en deux livres – jusqu’en 1222-1224, puis aurait continué à la réviser après son ordination comme Grand Prieur de Saint-Médard de Soissons en 1233 et jusqu’à sa mort en 123616.

  • 17 Si l’édition proposée par V. F. Koenig présente le grand avantage d’avoir mis à la disposition du p (...)

9Or ces travaux – et c’est là leur intérêt pour la perspective qui nous occupe – s’entendent pour accorder aux pièces relatives à sainte Léocade une importance déterminante dans la constitution du recueil en deux livres, à savoir dans son état de perfection le plus achevé qui ne correspond que d’assez loin au texte édité par Victor Frederic Koenig dans la collection des « Textes littéraires français17 ». Rappelons en la simplifiant très largement cette évolution qui a été minutieusement étudiée par M. Okubo. Elle comporte trois étapes principales :

  • 18 Par souci de simplification, nous incluons également dans ce premier stade la deuxième phase identi (...)

101. La première, autour de 1218, rassemble des miracles sans doute composés de façon indépendante à l’intérieur d’un seul livre dépourvu de chansons. Il n’y est fait aucune allusion à Léocade, puisque, des deux miracles qui la chantent, I Mir 11 et I Mir 44, seul existe I Mir 11 dans une première rédaction de 116 vers qui omet toute référence à la sainte et à ses reliques. Cette étape se clôt sur la décision de Gautier de ne pas poursuivre son entreprise pour cause de migraines perpétuelles18.

  • 19 On trouve un développement similaire dans le prologue du Livre II (II Pr 1, v. 40-45).

112. C’est lors de la deuxième étape, vers 1222-1224, que Gautier étend sa collection sur deux livres distincts, assortis chacun de prologues et d’épilogues et agrémentés de chansons. L’apparition de Léocade est indissociable de cette évolution en deux livres, peut-être inspirée par l’événement de la disparition et de la réapparition de ses reliques à Vic-sur-Aisne, daté par le poète de 1219. Le Miracle d’Ildefonse, I Mir 11, se trouve à cette occasion augmenté de 116 à 1 256 vers qui font la part belle à l’apparition de la sainte et à l’invention puis à la translation de ses reliques de Tolède à Soissons, puis de Soissons à Vic-sur-Aisne. Comme en écho, le poète introduit un second miracle entièrement dédié à Léocade, I Mir 44, suivi de trois chansons en son honneur (I Ch 45-47). Le nouvel épilogue du Livre I, qui émet le souhait de poursuivre par un deuxième livre, s’insère à l’intérieur du Miracle de Léocade, comme pour suggérer que la restauration des reliques de cette sainte connue pour ses vertus thérapeutiques entraîne le rétablissement de Gautier, désormais soulagé de ses maux de tête et prêt à poursuivre son entreprise (I Mir 44, v. 857-88219). Certains manuscrits témoignent d’une cohésion supplémentaire en introduisant dans les chansons une double symétrie mélodique qui renforce les rappels et les parallélismes formels et thématiques entre le premier et le second livre. Ainsi, une même mélodie relie d’une part, la première (I Ch 3) et l’avant-dernière chanson du Livre I (I Ch 46), et d’autre part, la dernière chanson du Livre I (I Ch 47) et la dernière du Livre II (II Ch 36). Aux trois chansons de Léocade qui achèvent le Livre I répondent encore trois prières à la fin du Livre II (II Prières 37-39). L’équilibre de l’ensemble s’en trouve renforcé et sa structuration en recueil achevée. Il s’agit là du point culminant de cette œuvre en perpétuel mouvement, et de l’état du texte qui est représenté par la grande majorité des manuscrits, soit une vingtaine.

123. La dernière étape, inachevée en raison de la mort de l’auteur, est préservée par quelques manuscrits. Elle se distingue par la disparition des chansons et certains déplacements qui attestent la volonté de réorganiser entièrement l’ensemble.

  • 20 Voir M. Okubo (art. cit. n. 15), p. 435 et T. Hunt (op. cit. n. 6), p. 23.
  • 21 Il s’agit du miracle de l’évêque Bon qui, comme Ildefonse, reçoit une chasuble de la Vierge en réco (...)
  • 22 Cette parité numérique n’apparaît pas au premier abord, étant donné que le nombre de miracles et de (...)
  • 23 Kathryn A. Duys considère pour cette raison les chansons dédiées à Léocade comme le « pivotal point (...)

13La fonction structurante des miracles et des chansons relatifs à Léocade est donc patente dans la deuxième étape, qui reflète l’état du texte tel qu’il nous intéresse ici. Véritables piliers du Livre I, ces pièces forment les deux cadres, narratif et lyrique, qui soutiennent l’édifice miraculaire. Comme le relève T. Hunt, le cadre narratif est constitué des deux miracles de Léocade, à l’ouverture et à la clôture du Livre I (I Mir 11 et I Mir 44), tandis que le cadre lyrique comporte les sept chansons introductives (I Ch 3-9) et les trois conclusives dédiées à Léocade (I Ch 45-47). En ouverture, à la suite des deux prologues et des sept chansons préliminaires trône le Miracle de Théophile long de 2 092 vers, qui proclame le rôle central de Notre Dame au sein de la collection – il s’agit, pour M. Okubo, de la « façade de la cathédrale » ou, pour T. Hunt, de l’« opening drama20 ». Juste après intervient le Miracle d’Ildefonse, dont la longueur dépasse encore celle du Miracle Théophile en raison de l’amplification en l’honneur de Léocade. Si, dans sa première version, I Mir 11 était sans doute destiné à contraster avec le récit du clerc voué au diable (I Mir 10) par sa brièveté et le caractère non-problématique de la piété de l’archevêque, il en vient à former après son amplification la pièce inaugurale de la série de 33 miracles qui se clôt à la fin du premier livre avec le retour à l’histoire de Léocade (I Mir 44). Cette importance architecturale des récits liés à Léocade, qui à la fois encadrent le Livre I et projettent le Livre II, se trouve encore renforcée par de nombreux rappels et jeux d’échos dans l’ensemble de la collection, notamment par l’intermédiaire du Miracle de l’évêque de Clermont (I Mir 36) qui partage la même trame narrative21. Le Livre II, dont G. Gros a démontré qu’il reproduisait presque au nombre de vers près la structure du Livre I22, entre à plusieurs reprises en résonance avec l’histoire de Léocade, par l’intermédiaire du long Miracle de l’impératrice de Rome (II Mir 9) et des chansons qui recyclent les thèmes musicaux et les lexèmes de celles de Léocade23, mais aussi à travers les miracles de Soissons (II Mir 22 et II Mir 23) et ceux qui traitent d’autres corps saints (II Mir 14 et II Mir 16).

  • 24 La possibilité de consacrer un « grant livre » à Léocade est d’ailleurs évoquée aux vers 748 à 751 (...)
  • 25 « Le miracle de Sainte Leochade clôt le livre I. Cette disposition n’a rien de fortuit ; elle est c (...)

14L’importance des pièces liées à Léocade ne fait donc aucun doute au sein du projet global des Miracles de Nostre Dame. Mais comment justifier l’attention dont bénéficient ses reliques dans le recueil marial ? T. Hunt admet qu’on doit y voir davantage que l’expression de la pure joie inspirée par leur restauration à Vic-sur-Aisne. Il en donne pour première raison l’identification de Gautier de Coinci à Ildefonse de Tolède. L’éloge d’Ildefonse, tel que le propose le poète, est en effet destiné à ériger l’archevêque en modèle auctorial, justifiant l’emplacement stratégique et l’extension de son miracle. Écrivain infatigable, homme d’église incomparable, Ildefonse incarne la figure tutélaire à l’aune de laquelle Gautier se mesure. Si l’écriture des miracles et des chansons se trouve légitimée par le parallèle, les satires morales et autres vitupérations des Juifs et des mécréants dont les Miracles Nostre Dame regorgent s’expliquent elles aussi par l’imitation de l’archevêque, fervent pourfendeur de l’hérésie. Cette explication, au demeurant correcte, échoue cependant à justifier l’amplificatio en faveur de Léocade. Si Gautier l’aimait tant, pourquoi ne lui a-t-il pas consacré un livre à part, comme il l’a fait pour sainte Christine, au lieu de lui aménager cette place prépondérante dans les Miracles de la Vierge24 ? Si T. Hunt ne se prononce pas, M. Okubo se contente d’expliquer la présence de Léocade au regard de l’apparition du diable qui préside au vol de ses reliques et permet de relier I Mir 44 à la vision de la Vierge par Ildefonse et à la présence de l’Ennemi dans le Miracle Théophile25. Quant à G. Gros, qui relève la dimension largement réflexive des pièces associées à Léocade, il légitime la présence des deux miracles par la nécessité de tracer une temporalité complète du christianisme primitif jusqu’au temps présent. La valeur des miracles, dit-il à raison, tient dans leur caractère inépuisable et dans le fait que la vigilance intacte de la Vierge se vérifie dans l’actualité. Néanmoins, cela ne résout pas la nécessité narrative qu’il y a, dans ces deux miracles, à ajouter aux manifestations de Notre Dame les reliques de sainte Léocade. C’est en se penchant sur ces reliques elles-mêmes qu’on espère le déterminer.

L’invention des reliques de Léocade

  • 26 K. A. Duys (art. cit. n. 23).

15Dans un article éclairant, Kathryn Duys met en évidence la trajectoire autobiographique qu’esquissent les Miracles de Nostre Dame en représentant Gautier en héros, en miraculé, en poète et en récitant26. Les pièces dédiées à Léocade bénéficient d’une attention particulière dans son étude en raison de leur rôle central dans cette mise en scène auctoriale. I Mir 44, point médian de l’œuvre, seul récit inventé par l’auteur sur la base d’événements qui le mettent en scène, justifie en outre la reprise du projet d’écriture par la composition d’un deuxième livre grâce aux reliques retrouvées de la sainte. Ainsi la persona de Gautier, poète et miraculé, est-elle formée et informée par Léocade et ses reliques qui donnent en outre son impulsion à la poursuite de l’œuvre.

  • 27 Ibid., p. 46. Dans l’introduction de son édition du Miracle de Léocade, Eva Vilamo-Pentti décrit au (...)
  • 28 Elle fonde en outre sur ce parallèle la continuité narrative qu’elle perçoit entre le Miracle de Lé (...)
  • 29 « Ildefonsus cut off a bit of her robe before the tomb closed over her. That snippet became his per (...)
  • 30 « It is through this tiny gift of clothing – the snippet of Leocadia’s robe – that our poet works m (...)

16Pour convaincante qu’elle soit, la démonstration de K. Duys achoppe cependant sur un problème de lecture. Ce problème concerne la nature des reliques de Léocade dont elle soutient qu’il s’agit d’un morceau de tissu, prélevé par Ildefonse sur la robe de la sainte lors de son apparition dans la cathédrale. Il s’agirait, selon la critique américaine, d’un « tiny gift of clothing » – un petit morceau d’étoffe – ou d’un « snippet of Leocadia’s robe » – un fragment du vêtement de Léocade27. Le parallèle qu’elle dresse sur cette base vise à assimiler la robe de Léocade à l’aube inconsutile donnée par la Vierge à Ildefonse en récompense du livre écrit pour sa défense28. Toujours selon K. Duys, le même fragment de tissu ressurgirait encore dans I Mir 44 par l’intermédiaire de la chemise de la sainte, immergée dans l’Aisne avec ses reliques. Un réseau d’analogies se tisserait alors entre l’un et l’autre miracle, entre la Vierge et Léocade, entre Ildefonse et Gautier, tout entier fondé sur la résurgence de l’étoffe29. Pour K. Duys, l’archevêque de Tolède et le prieur de Vic sont tous deux bénéficiaires d’un miracle où Léocade et la Vierge font équipe, et tous deux récipiendaires de vêtements donnés par la Vierge : à Ildefonse l’aube tissée dans les nues, à Gautier le fragment de robe jadis prélevé sur la sainte par son alter ego tolédan. La critique américaine rapporte alors les deux tissus au manteau du ménestrel, repoussoir sur lequel Gautier fonde sa maîtrise poétique, et surtout à l’habit noir du bénédictin qui enrobe sa persona d’auteur30.

17Cette hypothèse paraît toutefois à nuancer pour deux raisons : d’une part, l’identification des reliques contraste par sa précision avec le flou délibéré qui règne dans le récit ; de l’autre, rien n’indique que les reliques de Léocade fussent en tissu. Examinons le passage. L’invention des reliques se produit lorsque l’archevêque voit la sainte échapper à son étreinte pour regagner son tombeau. Il s’adresse alors à l’auditoire pour demander un couteau que lui tend le roi d’Espagne, seul à entendre sa requête. L’intention d’Ildefonse est décrite dans les termes suivants :

Car, s’estre puet, il ne vielt mie
Qu’ainsi s’en voist la Dieu amie
Ne que la fosse soit reclose
Qu’il n’en detiengne aucune chose
Por metre en or et en argent.
(I Mir 11, v. 155-159)

18On admettra que les deux derniers vers de l’extrait sont pour le moins imprécis quant à ce qui est prélevé. Or cette imprécision se trouve réitérée dans le passage qui décrit le geste effectif de l’archevêque : « plus tost qu’il peut / En trencha ce qu’en peut avoir » (I Mir 11, v. 172-173, nous soulignons). Le principe synecdochique à l’œuvre est loin d’envisager la relique comme une partie singulière et bien déterminée prélevée sur un ensemble plus vaste ; bien plutôt, il la traite comme une partie indéterminée dont on s’empare comme si c’était le tout. C’est ce que confirme le geste de l’archevêque au moment d’enserrer dans une châsse « ce qu’il avoit de s’amie » (I Mir 11, v. 187, nous soulignons). La suite de l’histoire renforce notre interprétation. Lors de la translation des reliques de Soissons à Vic-sur-Aisne, le poète précise qu’un bras de Léocade a été arraché. L’incident n’est cependant pas envisagé en termes d’altération ni de perte d’intégrité de la sainte (I Mir 11, v. 2056-2057). Il en va de même lorsque sa tête est montrée aux fidèles lors de la procession célébrant son arrivée à Vic-sur-Aisne. Qu’un quidam s’empare de ses « saintes dents » (I Mir 44, v. 668) n’entame en rien la complétude de l’ensemble qui n’est jamais présenté que comme Léocade elle-même, venue honorer la chapelle de Vic de sa sade présence. Tout se passe comme si les reliques, quelles qu’elles soient, étaient la sainte en vertu de leur caractère foncièrement synecdochique.

  • 31 « When Leocadia’s stolen relics were recovered on the banks of the river Aisne, among them was a fr (...)

19Quant à la nature même des reliques, le texte n’évoque jamais un morceau d’étoffe. K. Duys voit dans la chemise de Léocade évoquée dans I Mir 44 la résurgence du fragment de robe prélevé par Ildefonse31. Or si le texte fait mention de cette chemise, ce n’est que pour en déplorer l’absence lors de la restauration des reliques après leur vol par des larrons :

Haute pucele de haut pris,
De roial sanc nee et estraite,
Trop laidement t’avoient traite
Ta chemise li malfaiteur,
Li mal larron, li traïteur,
Li foymentie, li parjure.
(I Mir 44, v. 324-329)

  • 32 « Pour ce qu’estre ne voloit soie, / Son bliaut, ses chiers dras de soie / Sovent li faisoit despoi (...)

20On ne saurait donc identifier la robe de Léocade dans I Mir 11 à sa chemise dans I Mir 44. Dans ce contexte, d’ailleurs, l’allusion à la chemise vise sans doute plutôt à réactualiser le martyre jadis infligé à la sainte. Comme le rappelle Gautier en bon hagiographe (v. 695-814), Dacien a « dépouillé la sainte de son bliaut et de ses draps de soie » avant de l’enfermer dans une prison où elle est morte de faim, de soif et de froid32. Il y a dès lors lieu de penser qu’en prêtant aux larrons le même geste, le poète les place subtilement dans le sillage du tyran.

21Non seulement, donc, les reliques de Léocade semblent être des corps saints plutôt que des reliques de contact en tissu, mais encore le texte, loin d’en attester le caractère fragmentaire, envisage à travers elles la sainte en personne. Comment dire mieux que Gautier l’essence même des reliques, qui échappent à la corruption des choses mortes du fait même qu’elles sont la sainte elle-même ?

  • 33 Valeriano Yarza Urquiola, « La “Vita vel Gesta Sancti Ildefonsi” de ps. Eladio. Estudio, edición cr (...)
  • 34 David S. Raizman, « A Rediscovered Illuminated Manuscript of St Ildefonsus’s De Virginitate Beatae (...)
  • 35 De fait, cette enluminure rend littéralement compte du contenu de la rubrique inscrite au recto de (...)

22Si le texte, on vient de le voir, reste volontairement vague sur la nature des reliques de Léocade, voyons comment cette inventio se traduit dans les images. Pour ce faire, nous passerons rapidement par deux exemples antérieurs de cette iconographie issus de la Vie de saint Ildefonse. Cette vie, rédigée au xie siècle par un moine de Cluny, le Pseudo-Éladius33 (PL 96, 43c-48b), est probablement connue de Gautier de Coinci qui paraît s’en inspirer pour les miracles se rapportant à Ildefonse. Deux copies réalisées en Espagne et datant du début du xiiie siècle, contiennent chacune une enluminure illustrant l’invention de la relique de Léocade (Madrid, BN, ms. 21546, fol. 49 et ms. 10087, fol. 108v34) : Ildefonse, vêtu dans l’une comme un moine, dans l’autre comme un évêque, s’agenouille devant le tombeau de la sainte d’où elle émerge à mi-corps. Dans l’une, Léocade tient d’une main un drap blanc, retenu de l’autre côté par l’évêque qui le tranche d’un coup de couteau ; dans l’autre, elle tend à Ildefonse un pan de son propre vêtement, que ce dernier coupe avec un couteau35. La relique prélevée du tombeau de Léocade est bien textile dans les deux cas, soit un fragment de son vêtement, soit une étoffe trouvée dans son tombeau.

  • 36 La localisation de ce manuscrit demeure très problématique. Alison Stones rappelle qu’il a été tant (...)

23Dans les Miracles de Nostre Dame, seules deux enluminures sont aussi explicites que leurs homologues ibériques. Premièrement, dans un manuscrit de la Bibliothèque municipale de Besançon, le roi tend son couteau à Ildefonse qui s’est saisi d’un pan du suaire blanc de Léocade (fig. 136). Deuxièmement, dans le manuscrit royal de Paris, l’évêque accompagné du roi et de sa suite est agenouillé au pied de la sainte martyre et il prélève un morceau de son manteau rouge juste avant qu’elle ne disparaisse à nouveau dans son tombeau (fig. 2). Ce sont donc les deux seuls cas où l’invention même de la relique, tout comme sa nature, sont aussi explicitement figurées. Le reste de la tradition manuscrite est en effet bien plus allusif, se limitant à représenter le caractère miraculeux de l’apparition : lorsque le couvercle du tombeau ne lévite pas au-dessus de la sainte, c’est le tombeau lui-même auquel il arrive de flotter. On peut y voir la jeune sainte martyre en prière, comme si elle était toujours vivante (fig. 3). L’unique allusion au prélèvement ultérieur d’une relique se résume à la présence du couteau dans les mains du roi.

Fig. 1 – Besançon, Bibl. mun., ms. 551, fol. 20.

Fig. 1 – Besançon, Bibl. mun., ms. 551, fol. 20.

Cl. IRHT-CNRS, Bibliothèque municipale de Besançon.

Fig. 2 – Paris, BnF, na. fr. 24541, fol. 21.

Fig. 2 – Paris, BnF, na. fr. 24541, fol. 21.

Cl. Paris, Bnf.

Fig. 3 – Paris, BnF, fr. 25532, fol. 22.

Fig. 3 – Paris, BnF, fr. 25532, fol. 22.

Cl. Paris, Bnf.

24Que retenir de la mise en image de l’invention des reliques de Léocade à travers cette brève énumération de miniatures ? La sainte est toujours représentée entière, intacte, belle, jeune et vivante. Si fragmentation il y a, comme dans les enluminures des manuscrits de Besançon et de Paris, et c’est bien de cela qu’il s’agit lorsqu’on prélève une relique d’un corps saint, elle a lieu tel un euphémisme visuel, sur son vêtement plutôt que sur son corps. Dans les autres cas, la fragmentation n’est même pas représentée, l’accent étant porté au contraire sur l’intégrité du corps de la sainte, un corps glorieux et ressuscité dont la pose et la gestuelle évoquent sans ambages l’ascension.

Translations : des reliques au livre

  • 37 Il s’agit des figures 8 et 9 commentées plus loin.

25Les reliques de Léocade réapparaissent à l’occasion de leur vol à Vic-sur-Aisne (I Mir 44), comme en témoignent quelques enluminures qui présentent toutes des interprétations originales. Enchâssées dans un reliquaire, elles ne sont visibles qu’à travers leur contenant : une châsse en or ou en argent. Le manuscrit de Besançon37, conformément à son mode de mise en images, développe abondamment ce miracle en multipliant les miniatures (douze au total : ms. 551, fol. 81, 82v, 83, 83v, 84, 84v, 85, 85v, 86, 87 et 87v). La série débute par la représentation de Gautier au travail, ce qui constitue un signal fort dans le déroulement du manuscrit. Il s’agit en effet du seul miracle qui soit introduit par son portrait, mettant ainsi en valeur son caractère autobiographique, d’autant plus qu’il reproduit l’iconographie liminaire de cet exemplaire où les deux prologues sont eux aussi introduits par un portrait d’auteur (ms. 551, fol. 1 et 2v). Par ce jeu d’écho visuel, l’identification de l’auteur du recueil des Miracles avec l’acteur du miracle de Léocade s’affiche pleinement. Le cycle de Besançon se poursuit par la représentation détaillée et rapide – au moins une peinture par folio – des différentes péripéties liées au vol et à la redécouverte des reliques, dissimulées dans une châsse, et de la statue de la Vierge, dérobée en même temps que celles-ci.

  • 38 Dans le manuscrit jumeau de Saint-Pétersbourg, la séquence est absolument identique (BN, fr. F.v.XI (...)
  • 39 D’après Barbara Morel, il s’agit du châtiment réservé aux voleurs : Barbara Morel, Une iconographie (...)

26Alors que ce manuscrit étend sa narration sur plusieurs folios, d’autres copies résument plus succinctement ce miracle en une unique composition, à l’instar de cette grande enluminure divisée en six compartiments (fig. 438) : la châsse de Léocade et une statue de la Vierge à l’Enfant sont emportées par trois voleurs ; Gautier et des fidèles implorent l’aide de Notre Dame devant une autre de ses statues ; le reliquaire est retrouvé au fond de la rivière ; une procession emmenée par Gautier se met en route ; les trois voleurs aux bras coupés sont pendus39 ; la statue de la Vierge à l’Enfant retrouvée est portée en procession par les clercs. Comme pour le reste du cycle enluminé, cette miniature s’inspire, tout en l’amplifiant, d’une copie légèrement antérieure où ce miracle est introduit par une initiale historiée (fig. 5). Dans la partie supérieure de l’initiale Q, trois voleurs emportent la statue de la Vierge ainsi que la châsse en argent de Léocade, tandis que dans la partie inférieure, les clercs et les fidèles défilent en procession. Par la mise en regard des deux événements, l’un sur l’autre, une analogie se dessine entre la châsse portée sur un brancard, et le livre porté par celui qui est vraisemblablement Gautier lui-même. Ce parallèle semble trouver confirmation dans l’enluminure du manuscrit conservé à Paris, où le livre partage avec la châsse la forme ainsi que le revêtement d’or. En rapprochant par ce parallèle visuel les reliques de Léocade et le livre, les enlumineurs suggèrent leur équivalence comme le fait Gautier dans le texte.

27Si dans ces exemples, on n’aperçoit rien des reliques de Léocade, le manuscrit enluminé par Jean Pucelle propose une narration très particulière où l’identité des reliques se trouve dévoilée à la fin de la série de miniatures consacrées à cet épisode. Le miracle débute par le vol de la châsse, un reliquaire en forme d’église, tout doré, qui paraît peser lourd au moment de son embarquement (Paris, BnF, na. fr. 24541, fol. 105). Quelques feuillets plus loin, en tête du premier chant suivant le Miracle de Léocade (I Ch 45), Gautier pleure la perte du corps de la sainte, prostré sur son siège, alors qu’un moine quitte la pièce un livre à la main, marquant ainsi la fin du premier livre en une sortie de scène mélancolique (Paris, BnF, na. fr. 24541, fol. 110). Le chant suivant s’ouvre par la représentation de l’auteur à genoux sur la berge de l’Aisne qui récupère la châsse intacte (Paris, BnF, na. fr. 24541, fol. 111). Enfin, en tête du dernier chant, il prie Léocade la sade, la sainte retrouvée (fig. 6). À travers cette succession d’enluminures, on passe donc de la représentation du reliquaire opaque à la figuration de la sainte elle-même, comme vivante, tenant la palme de sa virginité. On ne peut être que frappées par la ressemblance qui se dessine entre cette figure et celles de la Vierge dans ce manuscrit, avec laquelle elle partage l’élégant maintien, les vêtements bleu et rose et l’insigne beauté. Un tel rapprochement n’est absolument pas incongru, a fortiori dans ce contexte où Gautier se plaît à accorder à l’une les épithètes de l’autre, comme en témoignent, parmi d’autres, les vers suivants :

Ceste virge, ceste pucele,
Qui tant est gente et tant est bele,
A non la virge Léocade.
Elle est tant douce, elle est tant sade
Et en toz biens tant emmielee
Que plus douce est que mielz en ree.
[…]
Ele est tant bele, ele est tant clere
Qu’ausi luist cler com li solaus
A mÿedi quant est plus haus.
Mais sa biauté ne prent je mie
A ma dame sainte Marie.
(I Mir 44, v. 11-16 et 24-28)

Fig. 4 – Paris, BnF, fr. 22928, fol. 147v.

Fig. 4 – Paris, BnF, fr. 22928, fol. 147v.

Cl. Paris, Bnf.

Fig. 5 – Paris, BnF, fr. 22532, fol. 97v.

Fig. 5 – Paris, BnF, fr. 22532, fol. 97v.

Cl. Paris, Bnf.

Fig. 6 – Paris, BnF, na. fr. 24541, fol. 111v.

Fig. 6 – Paris, BnF, na. fr. 24541, fol. 111v.

Cl. Paris, Bnf.

  • 40 François-Jérôme Beaussart, « Visionnaires et apparitions dans les Miracles de Nostre Dame de Gautie (...)
  • 41 D’après les Miracles de Nostre Dame, Gautier était le commanditaire de la statue de la Vierge qui e (...)

28Hormis cet exemple où la présence de la Vierge ne s’exprime qu’à travers la figure ressemblante de sa servante Léocade, les autres manuscrits introduisent systématiquement une représentation de la statue de la Vierge aux côtés des reliques de la sainte. Dans le double vol à Vic-sur-Aisne se reflète une préoccupation de l’époque relativement à la concurrence entre culte des reliques et culte des images, qui traverse en profondeur l’ensemble des Miracles de Nostre Dame40. Ce miracle en particulier entremêle résolument les deux : pour faire revenir les reliques, c’est devant une image, une deuxième statue de la Vierge à l’Enfant, restée sur l’autel de Vic que Gautier et les fidèles prient. Impossible toutefois à l’aune de cet exemple de décider qui de la relique ou de l’image aurait les faveurs de l’auteur41.

  • 42 Le terme matere apparaît de façon très récurrente dans un sens réflexif sous la plume de Gautier de (...)
  • 43 « Si douz myracle enseveli / Dedens la letre ont trop esté ; / Mais, se vivre puis un esté, / Des p (...)

29Comment concilier alors la présence de Léocade avec l’omniprésence de Notre Dame ? La Vierge, d’une part, tout à la fois inspiratrice, héroïne et dédicataire de chaque pièce, occupe le cœur du monument miraculaire édifié en son honneur. Or cette totalité mariale est mise en valeur par l’analogie qui rapproche Notre Dame de la « matere » du livre42. En effet, le parallèle est patent entre le prologue du Livre I qui se propose d’exhumer par la traduction les miracles « trop longtemps enseveli[s] dans la lettre43 » et le geste par lequel, dans I Mir 44, un jeune laboureur « désenfouit » de terre la statue de la Vierge que les larrons avaient « enfouie » (I Mir 44, v. 465-509). L’image fait retour, dans ses emplois figuré d’abord, puis propre, entre le prologue du Livre I et le Miracle de Léocade qui sert d’épilogue au même livre, encadrant le premier volume pour établir une forme d’équivalence entre la Vierge et la matere du livre.

30Qu’en est-il, d’autre part, de Léocade ? En réalité, la sainte est le support de cette matere mariale, comme le suggère le parallèle visuel entre la châsse et le livre dans les deux manuscrits de Paris (fig. 4 et 5). Le monument livresque dont Gautier parfait l’achèvement à la lime, selon la splendide annominatio qui clôt le premier prologue (I Pr 1, v. 325-330), est maintenu par les clés de voûte que sont les pièces du « cycle de Léocade ». Le chef-d’œuvre lyrico-narratif est indissociable des reliques de la sainte de Tolède qui – seule matere non pas « désenfouie » du latin mais inventée ad hoc – en assurent la cohésion. Ainsi les reliques de cette sainte figurent-elles le livre prêt à accueillir les miracles de la Vierge. L’analogie devient claire dans I Mir 44, dont l’intrigue se noue autour de la visite du diable à Gautier, en pleine nuit, pour se plaindre du tort que l’écriture des Miracles lui cause :

Et disoit : « Faus moignes provez !
Jor et nuit mout vos esprovez
A biau trouver de cele dame
Qui m’a tolu et tolt mainte ame.
En li losengier et flater
Et en moy honnir et mater
Subtilïez et jor et nuit ;
Mais, cui qu’il griet ne cui qu’anuit,
Le cuer dou ventre vos trairai,
Quar duel et honte et contraire ai
Quant tant la loez et prisiez
Et moy gabez et despisiez. »
(I Mir 44, v. 143-154)

  • 44 Les jeux de mots sur trouver dans I Ch 46 suggère cette ambiguïté délibérée entre la nécessité de ( (...)

31Si le réveil brutal du clerc détourne in extremis le diable de son fatal dessein, ce n’est que partie remise. Car la vengeance du cornu se porte en seconde instance sur les reliques de Léocade dont il orchestre le vol en guise de représailles : « Par son barat et par sa guille / Mauvaises gens fist assambler, / Si me fist ravir et embler / Le cors la sainte damoysele » (I Mir 44, v. 184-187). Pour mettre un terme à l’écriture des Miracles de Nostre Dame, le diable tente d’en assassiner l’auteur ; à défaut, il se rabat sur les reliques de Léocade qui en sont l’équivalent, escomptant parvenir au même résultat. La trouvaille est ingénieuse de la part du poète, qui fonde un réseau d’analogies sur lequel s’étaye la cohérence du recueil. Car l’entrevue du clerc et du Malin ne manque pas d’associer Gautier à Théophile, rapportant le dernier miracle du Livre I au premier, I Mir 10, sans pour autant négliger l’autre parallèle structurant entre le poète et Ildefonse, lui-même auteur de louanges mariales dans le second miracle, I Mir 11. Mais encore, l’impulsion que les reliques retrouvées de Léocade donnent à la composition du Livre II trouve une motivation supplémentaire dans cette aventure avec le diable qui entendait interrompre l’écriture : au même titre que la découverte des reliques dans la rivière, la poursuite de l’entreprise miraculaire forme le miracle du récit44.

32Si donc Léocade est à la Vierge ce que le grant livre de Gautier de Coinci (I Prol II, v. 1) est à la matere mariale, on saisit mieux l’importance que revêtent les différentes translations dont ses reliques font l’objet à l’intérieur du « cycle de Léocade ». Car à l’âge où le trafic de faux corps saints bat son plein, il est impératif d’écarter tout soupçon d’escroquerie pour attester l’authenticité des reliques de Léocade sur laquelle repose, de fait, celle des Miracles de Nostre Dame.

Reliques et auctoritates : l’authentification des Miracles de Nostre Dame

33I Mir 11 et I Mir 44 sont structurés par les déplacements successifs des reliques de Léocade, ensuite rappelés par les chansons dédiées à la sainte. On entrevoit à travers ces translations le reflet d’une réalité socio-économique et historique que transmettent également certains miracles du Livre II, notamment celui des reliques de Laon (II Mir 14) : suite à l’incendie de la cathédrale, on déplace la châsse contenant le cheveu de la Vierge en France et en Angleterre afin de récolter les fonds nécessaires pour rebâtir l’édifice. Les reliques, en effet, font l’objet de déplacements qui en attestent ou en ravivent la valeur à la fois symbolique et marchande. On relève dans le « cycle de Léocade » trois translations : tout d’abord, I Mir 11 rapporte la translation des reliques de la cathédrale de Tolède à l’abbaye Saint-Médard de Soissons, à l’époque carolingienne, par les soins de Louis le Pieux (I Mir 11, v. 1746-1784). En second lieu, toujours dans I Mir 11, Gautier rappelle les circonstances dans lesquelles les reliques ont été transportées de Soissons à Vic-sur-Aisne, par un clerc de Vic nommé Raoul, à une époque assez récente pour qu’il subsiste des témoins indirects (I Mir 11, v. 2061-2063). Enfin, I Mir 44 s’organise autour d’un troisième déplacement, à savoir le vol orchestré par le diable pour se venger de Gautier, suivi par le miracle des reliques retrouvées au fond de l’Aisne.

  • 45 L’effet de va-et-vient de ces processions se perçoit immédiatement dans les images de la copie de B (...)

34Il suffit de lire à la suite ces trois épisodes pour constater leurs traits communs : chaque translation procède d’un vol. Le texte ne dit pas comment Louis le Pieux s’est emparé des reliques de Léocade à Tolède, mais souligne combien leur retour dans la cathédrale est depuis revendiqué comme un droit : « Cil de Tholete par leur gille / Dïent qu’encore la raront » (I Mir 11, v. 2038-2039) et « Ançoit fevriers devenra mais / Qu’a Tholete la raient mais. / Ja por toute leur nigromance / Ne l’aront mais, bien leur mant ce. » (I Mir 11, v. 2043-2046). C’est encore plus clair en ce qui concerne la translation de Soissons à Vic. À cette occasion, les reliques ont été ravies avec une violence telle que le bras de Léocade a été arraché : « N’en rira mais a Saint Maart. / Quant ele en vint, si fort l’aart / C’un de ses bras li esraia » (I Mir 11, v. 2055-2057). Le parallèle devient dès lors évident entre les « trois larrons » commandités pour ce vol et leurs homologues donnés pour responsables du larcin ultérieur à Vic-sur-Aisne. Preuve en est la description de leur châtiment qui varie peu de celle de leurs successeurs, puisque les premiers ont été énucléés et dénervés (I Mir 11, v. 2064-2067) et les seconds pendus (I Mir 44, v. 333-334). Surtout, la croix érigée pour commémorer l’arrivée des reliques à Vic-sur-Aisne sert plus tard de repère au miracle de leur redécouverte, au pied de la même croix, dans la rivière (I Mir 44, v. 420-421). Ainsi les translations de Tolède à Soissons, puis de Soissons à Vic, ressemblent-elles bien plus qu’il n’y paraissait au vol des reliques à Vic-sur-Aisne45.

  • 46 Voir notamment Hubert Silvestre, « Commerce et vol de reliques au Moyen Âge », Revue belge de philo (...)

35On aurait toutefois tort d’identifier pour autant ces translations. Car à la subtile assimilation des trois larcins correspond un mouvement de dissimilation qui distingue les deux premières translations de la troisième. Tout est question de légitimité dans ce jeu de comparaison où il s’agit de distinguer la pieuse rapine du pur brigandage. À lire les travaux de Silvestre et de Geary sur le vol des reliques, on constate que les détails convoqués par Gautier pour décrire ces entreprises correspondent aux stratégies de légitimation mises en œuvre par le registre des furta sacra46. Afin d’assurer le prestige de la communauté qui accueille les reliques, il est impératif de faire de leur acquisition le fruit d’un vol inspiré par la piété. Deux raisons principales justifient le pillage : d’une part, l’inestimable valeur des reliques dont nul n’accepte de se séparer sous peine de nier leur pouvoir apotropaïque, d’autre part, la nécessité d’assurer la conservation des reliques et de mettre en valeur leur potentiel thaumaturge. Or en ce qui concerne les deux premiers vols, le texte de Gautier convoque l’arsenal de justifications typiques des furta sacra : à Tolède, c’est Louis le Pieux qui s’empare des reliques pour éviter leur désécration par les Infidèles. Quant aux intentions qui président au pillage, elles n’ont rien que de vertueux puisqu’il s’agit de les abriter dans l’abbaye de Saint-Médard qu’on réédifie après sa destruction par les Vandales. Il en va de même du passage des reliques de Léocade de Soissons à Vic : de façon topique, Gautier énumère le foisonnement des reliques qui rend la présence de Léocade inaperçue et superflue à Saint-Médard (I Mir 11, v. 1854-1877). Il convient peu à une pucelle de passer son temps avec de vieux barbons érudits qui l’ennuient, aussi entend-il la soustraire à leur poussiéreuse présence (« Laienz avec ces vielz provoires / Ne veil je plus laissier m’amie », I Mir 11, v. 1960-1961). L’insistance sur le désir propre de la sainte de quitter Soissons est également patente : comme le texte le répète à l’envi, celle-ci préférerait infiniment être à Vic pour en être la châtelaine et y soigner les malades qui l’implorent : « Le liu de Vi mout aimme et l’estre ; / Bien a moustré qu’ele i vielt estre. » (I Mir 11, v. 2059-2060).

36L’intelligence du parallèle entre les translations et le vol commandité par le diable s’éclaire sous cet angle : la légitimité des furta sacra s’étaye sur la dénonciation de l’exaction diabolique. Toutes les stratégies rhétoriques qui nourrissent les deux premiers déplacements s’inversent au moment de condamner le troisième. De fait, ce n’est plus Louis le Pieux ni le bon Raoul, mais bien le diable qui en est le commanditaire. En outre, Léocade échappe aux larrons en se précipitant d’elle-même dans la rivière pour qu’on l’y retrouve :

La douce virge Leochade,
Mais en Aisne, qui mout est rade,
Trovee fu la Dieu amie
En trois samis ensevelie.
Glacie iert et eschapee
A cialz qui l’avoient hapee.
(I Mir 44, v. 237-242)

37De même, les trois chansons qui concluent le « cycle de Léocade » attestent le bien-fondé de la présence de la sainte à Vic, en insistant d’abord sur le désespoir de la communauté à l’annonce de sa disparition (I Ch 45), puis sur sa félicité retrouvée (I Ch 46). Ainsi le vol diabolique a-t-il fonction de surenchère, qui souligne la valeur à la fois miraculaire et commerciale des reliques de Léocade, dérobée par des larrons et pleurée par tous les habitants avant d’être retrouvée. De plus, la distinction entre les furta sacra et le vol impie se fait jour lorsque, au moment d’asseoir la véracité de son récit en livrant la date de l’événement, 1219 (I Mir 44, v. 619), Gautier emprunte un vers pour le moins éloquent de la séquence liturgique pascale Fulgens praeclara, fréquente dans les bréviaires : « Dic, impie Zebule, quid est nunc fraus tua ? » (I Mir 44, v. 614). La fraude, cela ne fait aucun doute, est cette fois d’origine diabolique.

38L’insistance sur les déplacements de Léocade et sur l’entente réciproque de la sainte et des habitants de Vic-sur-Aisne entend authentifier les reliques autant que nimber la chapelle dont Gautier est le prieur. Tel est l’enjeu de ces translations qui rappellent le passé prestigieux des corps saints, soulignent leur valeur économique et témoignent de leur pouvoir miraculeux. Il n’y aurait en ce sens rien de surprenant à ce que I Mir 11 et surtout I Mir 44 constituent des exhortations, en somme assez explicites, au pèlerinage de Vic-sur-Aisne. Or de façon métaphorique, l’entreprise d’authentification et de légitimation touche aussi, et peut-être surtout, l’édifice des Miracles de Nostre Dame que ces reliques symbolisent. La parenté spirituelle d’Ildefonse de Tolède et de Gautier de Coinci, maintes fois relevée dans ces miracles, entend fonder la légitimité de cet héritage. Ildefonse et Gautier sont les dépositaires privilégiés de Léocade, comme le prouve la volonté même de la sainte. À travers l’authentification des reliques, le « cycle de Léocade » procède de la meilleure des façons à la louange de Notre Dame : il fonde l’autorité du livre.

39L’effet de légitimation qu’opère Léocade au niveau textuel, trouve des expressions similaires dans la mise en image des Miracles, en premier lieu dans la représentation de l’auteur. Voyons-en quelques exemples en guise d’épilogue. Ces portraits sont placés non seulement en tête du recueil, mais aussi au début du deuxième livre, dans le Miracle de Léocade, à l’épilogue, et plus rarement dans les chansons et les prières. Cette longue énumération signale d’emblée la part importante dévolue à la représentation du poète, ce qui est bien loin d’être la règle à cette époque. L’exemple le plus éloquent à ce titre est le manuscrit peint par Jean Pucelle qui ne comporte pas moins de dix représentations de Gautier (Paris, BnF, na. fr. 24541, fol. 2, 4, 96v, 110, 111, 111v, 143, 214v, 215v et 231v). Sa présence répétée, aux principales articulations du texte, martèle son autorité, le représentant dans différentes postures telles que la méditation, le travail, ou la dévotion. En tête du prologue, le bénédictin est assis pensif dans sa cathèdre, un livre ouvert devant lui, tandis qu’un jeune copiste travaille de son côté (fig. 7). La scène se déroule sous les yeux de la Vierge apparaissant à mi-corps dans une nuée d’anges dorés. Auréolée et couronnée, elle se tient de face, une palme dans une main, un livre dans l’autre, deux attributs peu courants dans son cas, qui visent à mettre en valeur sa virginité et sa clergie. Cette représentation mariale s’avère en outre très inhabituelle en ce qu’elle emprunte les traits iconographiques réservés traditionnellement aux théophanies du Christ ou de Dieu le père. Objet de la méditation mélancolique et amoureuse de Gautier, la Vierge incarne de plus le sujet du livre à venir. Elle place sous sa protection immédiate l’auteur auquel elle inspire ses vers comme le ferait une muse, et en garantit ainsi l’origine.

Fig. 7 – Paris, BnF, na. fr. 24541, fol. 2.

Fig. 7 – Paris, BnF, na. fr. 24541, fol. 2.

Cl. Paris, Bnf.

Fig. 8 – Besançon, Bibl. mun., ms. 551, fol. 1.

Fig. 8 – Besançon, Bibl. mun., ms. 551, fol. 1.

Cl. IRHT-CNRS, Bibliothèque municipale de Besançon.

40C’est en substance ce que montre aussi l’enluminure d’ouverture du manuscrit de Besançon, qui paraît plus orthodoxe à première vue, puisque c’est Dieu surgissant des nuées qui bénit leur rencontre (fig. 8). Depuis le haut d’un autel, la Vierge – sans son Enfant – se penche vers Gautier agenouillé à ses pieds dont elle touche les lèvres d’un doigt. Le sens de ce geste s’éclaire à la lecture du phylactère où l’on déchiffre avec peine : « La mere dieu me doint matere ». La Vierge est non seulement la matière du livre, mais elle en est aussi l’inspiratrice immédiate. L’effleurement des lèvres du poète, tout à fait unique dans la tradition iconographique médiévale, rappelle irrésistiblement une série d’images poétiques et sensuelles développées par ce dernier dès le prologue :

Mais tant est dous et enmielez
Li nons de la douce Marie
Que toz li cors m’en rasazie
Quant l’oi nommer ou quant le nom.
El siecle n’a nul si doz nom.
Tant douces sont ces trois sillabes
Qu’il m’est avis que se sis labes
Deseur le col me trebuchoient,
Anui ne mal ne me feroient
Puisque Marie eüsse en bouche.
Si tost com ma langue i atouche
M’en chiet li mielz aval les levres
(I Pr I, v. 158-169)

  • 47 Sur la seule inscription qui n’est pas entièrement effacée on peut lire « zachiel », pour Ézéchiel.

41En tête du deuxième prologue de cette copie, la Vierge a disparu, laissant l’auteur seul à son travail, assis devant son lutrin, dans la partie haute de l’initiale historiée (fig. 9). Au-dessous de lui se tiennent debout cinq prophètes qui portent une banderole à la main. On décèle dans cette lettrine la volonté d’inscrire Gautier dans une chaîne d’autorités, ici des prophètes – probablement ceux qui ont annoncé l’incarnation du Christ47 –, et la constitution d’une hiérarchie. En effet, Gautier domine ses prédécesseurs du fait de sa place dans la partie supérieure de l’initiale, de sa position assise, et parce qu’il écrit un livre. Cette utilisation différenciée du phylactère et du livre, très courante dans l’iconographie religieuse, sert à signaler l’opposition entre Ancien et Nouveau Testaments, entre prophétie et écriture, entre ce qui est dit et ce qui est écrit. Le bénédictin semble de fait avoir été promu ici à la place de l’évangéliste, ce qui dévoile le processus de légitimation dont son œuvre poétique est l’objet.

Fig. 9 – Besançon, Bibl. mun., ms. 551, fol. 2v.

Fig. 9 – Besançon, Bibl. mun., ms. 551, fol. 2v.

Cl. IRHT-CNRS, Bibliothèque municipale de Besançon.

  • 48 A. Stones (art. cit. n. 9), p. 67.
  • 49 À ce titre, l’ouverture d’une copie des Miracles de Nostre Dame (Paris, Arsenal, ms. 3517, fol. 7) (...)

42Les trois enluminures que nous venons d’analyser participent d’une même stratégie visant à asseoir l’autorité du poète, au même titre qu’un dernier exemple tout aussi exceptionnel : il s’agit des deux pleines pages enluminées de l’unique copie datée des Miracles de Nostre Dame. Réalisée à Morigny (dans le diocèse d’Orléans) en 1266, elle s’ouvre par une double page montrant à gauche la représentation d’une Vierge à l’Enfant entourée de quatre anges, et à droite le Christ en majesté dans une mandorle, entouré des symboles du tétramorphe, au pied duquel on aperçoit un moine en prière, vraisemblablement notre auteur (Paris, BnF, fr. 2163, fol. 1v-2). A. Stones rapproche cette double page enluminée de celles ouvrant des manuscrits légaux servant de support aux serments des magistrats48 et suggère de façon très convaincante que les pleines pages ouvrant la copie de Morigny authentifient la collection de miracles à suivre, comme les pages juratoires valident les lois et les coutumes qu’elles introduisent. Cette double page pourrait aussi être comparée avec celles ornant le canon de la messe où sont généralement opposées la crucifixion et la maiestas domini. La représentation de la Vierge à l’Enfant remplace ici la crucifixion, mettant d’entrée de jeu en valeur la première. En situant en préface des Miracles de Nostre Dame une mise en page et des thèmes empruntés à des ouvrages liturgiques, on peut se demander si l’enlumineur ne cherche pas à inscrire ainsi le texte dans cette lignée sacrée49. Dans le même ordre d’idée, il glisse une représentation de l’auteur aux pieds mêmes de la maiestas domini. Que Gautier soit mis sous la protection de Dieu comme dans le manuscrit de Morigny ou inspiré directement par la Vierge comme dans le manuscrit de Besançon, ces enluminures insistent toutes sur le fait que l’auteur a reçu l’approbation divine pour se lancer dans son entreprise, un imprimatur divin pourrait-on dire. Par de telles ouvertures solennelles, la sainteté, et par conséquent la véracité, de son écrit semblent ainsi entièrement assurées. Ce discours de légitimation que construisent les portraits d’auteurs ne diffère en rien dans ses intentions du « cycle de Léocade ». Au gré des parallèles qu’il établit entre Ildefonse de Tolède et Gautier de Coinci, ce double miracle fonde leur équivalence poétique sur les reliques de la sade Léocade.

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Notes

1 Gautier de Coinci, « D’un archevesque qui fu a Tholete », dans Id., Les Miracles de Nostre Dame, V. F. Koenig (éd.), Genève/Paris, Droz (Textes littéraires français), 1955-1970, 4 vol., t. 2 « Du I Mir. 11 au I Mir 30 », 1961, I Mir 11, p. 5-94. Toutes les références qui suivent aux Miracles de Gautier de Coinci, ainsi que la numérotation des pièces, proviennent de cette édition.

2 Le transfert historique des reliques de Tolède au Soissonnais a été étudié par : André Moreau-Néret, « Le culte de sainte Léocadie en France et dans le Soissonnais », Bulletin philologique et historique du comité des travaux historiques et scientifiques, 1, 1969, p. 319-323. La châsse des reliques de sainte Léocade est aujourd’hui conservée en l’église d’Haramont, dans l’Aisne. Saint Médard : trésors d’une abbaye royale, D. Defente [dir.], Paris, Somogy, 1997, p. 58.

3 Gautier de Coinci, « D’un archevesque qui fu a Tholete » (éd. cit. n. 1), « Comment sainte Leochade fu perdue », t. 3, 1966, I Mir 44, p. 214-248.

4 Ibid., « Las ! Las ! Las ! Par grant delit », I Ch 45, t. 3, p. 249-253 ; « Sour cest rivage, a ceste crois », I Ch 46, t. 3, p. 254-257 et « De sainte Léocade », I Ch 47, t. 3, p. 258-261.

5 Cette désignation, relativement commune chez les critiques, figure notamment dans le titre de l’article de Claire Chamiyé Couderc, « L’interprétation musicale du Cycle de sainte Léocade », dans Gautier de Coinci: Miracles, Music, and Manuscripts, K. M. Krause et A. Stones (dir.), Turnhout, Brepols (Medieval Texts and Cultures of Northern Europe, 13), 2006, p. 149-165.

6 À ce sujet, voir notamment Tony Hunt, Miraculous Rhymes: the Writing of Gautier de Coinci, Cambridge, D. S. Brewer (Gallica, 8), 2007, p. 21-27.

7 Sur Robert de Dive, nous renvoyons notamment à T. Hunt (op. cit. n. 6), p. 13-14.

8 C’est le terme employé à plusieurs reprises par Gautier de Coinci pour désigner son recueil miraculaire. Voir par exemple I Prol. II, v. 1.

9 Alison Stones, « Notes on the Artistic Context of Some Gautier de Coinci Manuscripts », dans Gautier de Coinci: Miracles, Music… (op. cit. n. 5), p. 65-98 ; Anna Russakoff, « The Role of the Image in an Illustrated Manuscript of Les Miracles de Notre Dame by Gautier de Coinci: Besançon, Bibliothèque municipale 551 », Manuscripta, 47/48, 2003-2004, p. 136-145.

10 Appendix III, dans Gautier de Coinci: Miracles, Music… (op. cit. n. 5).

11 Il s’agit de deux manuscrits réalisés à Soissons, vers 1260-70, l’un conservé à la Bibliothèque nationale de Saint-Pétersbourg (fr. F.v. XIV. 9), l’autre à la BnF, Paris, fr. 25532.

12 Anna Russakoff, « Collaborative Illuminations: Jean Pucelle and the Visual Program of Gautier de Coinci’s Les Miracles de Nostre Dame (Paris, BnF, MS. nouv. acq. fr. 24541) », dans Jean Pucelle: Innovation and Collaboration in Manuscript Painting, K. Pyun et al. (dir.), Londres, Harvey Miller, 2013, p. 65-89.

13 Nous laissons de côté les 18 manuscrits enluminés qui contiennent le texte incomplet des Miracles de Nostre Dame.

14 Appendix I, dans Gautier de Coinci: Miracles, Music… (op. cit. n. 5).

15 Masami Okubo, « La formation de la collection des Miracles de Gautier de Coinci I », Romania, 123, 2005, p. 141-212 et Id., « La formation de la collection des Miracles de Gautier de Coinci II », Romania, 123, 2005, p. 406-458 ; Gérard Gros, « Gautier architecte : étude sur la disposition des récits dans les deux Livres des Miracles », Babel, 16, « La mise en recueil des textes médiévaux », 2007, p. 123-154, en ligne, DOI : 10.4000/babel.699, et T. Hunt (op. cit. n. 6), en particulier p. 21-47.

16 Pour des indications biographiques sur Gautier de Coinci, nous renvoyons à l’introduction de Victor Frederic Koenig dans son édition citée des Miracles : Gautier de Coinci (éd. cit. n. 1), p. XVIII-XXX et au livre cité de T. Hunt (op. cit. n. 6), p. 5-6.

17 Si l’édition proposée par V. F. Koenig présente le grand avantage d’avoir mis à la disposition du public l’imposant corpus miraculaire de Gautier de Coinci, elle a néanmoins fait l’objet de nombreuses critiques concernant ses options éditoriales. En effet, le texte édité ne correspond à aucun des 80 manuscrits préservés, pas même au manuscrit de base (Paris, BnF, fr. 22928, soit L selon les sigles d’Arlette P. Ducrot-Granderye, dans : Arlette P. Ducrot-Granderye, Études sur les Miracles Nostre Dame de Gautier de Coinci, Helsinki, s. n. [Annales academiae scientiarum fennicae], 1932, repris par V. F. Koenig [éd. cit. n. 1]). On trouvera des exposés détaillés de cette édition et des critiques qu’elle a suscitées dans les ouvrages suivants : Olivier Collet, Glossaire et index critiques des œuvres d’attribution certaine de Gautier de Coinci, Genève, Droz (Publications romanes et françaises, 227), 2000, p. X-XI et en particulier la note 2, de T. Hunt (op. cit. n. 6, p. 16-19) et de M. Okubo (art. cit. n. 15).

18 Par souci de simplification, nous incluons également dans ce premier stade la deuxième phase identifiée par Masami Okubo, elle aussi en un seul livre, dans laquelle certaines chansons font leur apparition.

19 On trouve un développement similaire dans le prologue du Livre II (II Pr 1, v. 40-45).

20 Voir M. Okubo (art. cit. n. 15), p. 435 et T. Hunt (op. cit. n. 6), p. 23.

21 Il s’agit du miracle de l’évêque Bon qui, comme Ildefonse, reçoit une chasuble de la Vierge en récompense de sa dévotion.

22 Cette parité numérique n’apparaît pas au premier abord, étant donné que le nombre de miracles et de pièces introductives et conclusives varie considérablement, voir G. Gros (art. cit. n. 15).

23 Kathryn A. Duys considère pour cette raison les chansons dédiées à Léocade comme le « pivotal point in the structure of the Miracles Nostre Dame » : Kathryn A. Duys, « Minstrel’s Mantle and Monk’s Hood: the Authorial Persona of Gautier de Coinci in his Poetry and Illuminations », dans Gautier de Coinci: Miracles, Music… (op. cit. n. 5), p. 37-63, ici p. 48.

24 La possibilité de consacrer un « grant livre » à Léocade est d’ailleurs évoquée aux vers 748 à 751 du Miracle de Léocade : « Se je n’avoie si grant haste / De traire a finement ceste evre, / Si grant matere en li m’aoevre / C’un grant livre em porroie faire ».

25 « Le miracle de Sainte Leochade clôt le livre I. Cette disposition n’a rien de fortuit ; elle est calculée par l’auteur comme le sont les symétries. L’apparition du diable dans Sainte Leochade fait partie de ce jeu architectural des Miracles. De plus, elle est la seule justification à la présence de ce miracle au sein d’un recueil marial », M. Okubo (art. cit. n. 15), p. 435.

26 K. A. Duys (art. cit. n. 23).

27 Ibid., p. 46. Dans l’introduction de son édition du Miracle de Léocade, Eva Vilamo-Pentti décrit aussi Ildefonse qui « coupe un morceau de sa robe » : Gautier de Coinci, De Sainte Léocade au tans que sainz Hyldefons estoit arcevesques, etc., Miracle versifié, E. Vilamo-Pentti (éd.), Helsinki, Pekka Katara (Annales Academiae scientiarum Fennicae, série B, t. LXVII, 2), 1950, p. 8.

28 Elle fonde en outre sur ce parallèle la continuité narrative qu’elle perçoit entre le Miracle de Léocade et celui de l’évêque de Clermont, récipiendaire de l’aube de la Vierge (I Mir 36).

29 « Ildefonsus cut off a bit of her robe before the tomb closed over her. That snippet became his personal relic. Ten days later, the Virgin herself appeared to Ildefonsus and presented him with a heavenly alb in thanks for his book about her. Centuries later, when Saint-Médard, Gautier’s mother-house, acquired the relics of Leocadia, Ildefonsus’s snippet of Leocadia’s robes was among them », K. A. Duys (art. cit. n. 23), p. 46.

30 « It is through this tiny gift of clothing – the snippet of Leocadia’s robe – that our poet works minstrelsy into his connection with Ildefonsus, allowing him to create a persona whose expertise rested on writing, a deep attachment to Mary and Leocadia, and devotional song, which he hoped was as enchanting as the sacred psalms of David », ibid. Et, plus loin, elle évoque à nouveau ce « snippet of miraculous clothing, which was stolen, drenched in the river, and finally recovered as the heavenly gift that adorns Gautier’s black Benedictine poet’s mantle », ibid., p. 49.

31 « When Leocadia’s stolen relics were recovered on the banks of the river Aisne, among them was a fragment of the chemise of St Leocadia », ibid., p. 46.

32 « Pour ce qu’estre ne voloit soie, / Son bliaut, ses chiers dras de soie / Sovent li faisoit despoillier », I Mir 44, v. 731-733.

33 Valeriano Yarza Urquiola, « La “Vita vel Gesta Sancti Ildefonsi” de ps. Eladio. Estudio, edición crítica y traducción », Veleia, 23, 2006, p. 279-325, url : https://www.ehu.eus/ojs/index.php/Veleia/article/view/2864/2484, ici p. 282. L’auteur de cette édition retire l’attribution traditionnelle à l’évêque de Tolède Cixila (774-783).

34 David S. Raizman, « A Rediscovered Illuminated Manuscript of St Ildefonsus’s De Virginitate Beatae Mariae in the Biblioteca Nacional in Madrid », Gesta, 26, 1987, p. 37-46.

35 De fait, cette enluminure rend littéralement compte du contenu de la rubrique inscrite au recto de ce feuillet indiquant que c’est une partie du voile qui recouvrait son corps qui est prélevée : « Qualiter dominus viro venerabili hildefonso reliquias beate Leocadae virginis reseravit sepulcro celitus patefacto, et partem veli quo tegebatur corpus ipsa porrigente cultro precidit », Madrid, BN, ms. 10087, fol. 108, nous soulignons.

36 La localisation de ce manuscrit demeure très problématique. Alison Stones rappelle qu’il a été tantôt situé dans le midi, tantôt dans l’est de la France. A. Stones (art. cit. n. 9), p. 93-95, et repris dans Id., Gothic Manuscripts, 1260-1320, Londres, Harvey Miller (A Survey of Manuscripts Illuminated in France, 2), 2014, part 2, vol. 1, cat. VII-0.

37 Il s’agit des figures 8 et 9 commentées plus loin.

38 Dans le manuscrit jumeau de Saint-Pétersbourg, la séquence est absolument identique (BN, fr. F.v.XIV.9, fol. 131).

39 D’après Barbara Morel, il s’agit du châtiment réservé aux voleurs : Barbara Morel, Une iconographie de la répression judiciaire : le châtiment dans l’enluminure en France du xiiie au xive siècle, L. Pressouyre (préf.), Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques (Archéologie et histoire de l’art, 27), 2007, ici p. 36-52.

40 François-Jérôme Beaussart, « Visionnaires et apparitions dans les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci », Romance Philology, 43-2, 1989, p. 241-257, ici p. 246.

41 D’après les Miracles de Nostre Dame, Gautier était le commanditaire de la statue de la Vierge qui est dérobée avec les reliques de Léocade : « Faire entailler l’ymage avoie / Et paindre au mielz que je savoie / En l’onneur de la glorïeuse », I Mir 44, v. 195-197, ce qui constitue un indice d’un égal intérêt de l’auteur pour les reliques et les images.

42 Le terme matere apparaît de façon très récurrente dans un sens réflexif sous la plume de Gautier de Coinci, notamment dans les prologues et épilogues du recueil. En fin de vers, il rime très souvent avec la Dieu mere.

43 « Si douz myracle enseveli / Dedens la letre ont trop esté ; / Mais, se vivre puis un esté, / Des plus biaus en volrai fors metre / Tout mot a mot, si com la letre / Et l’escriture le tesmoigne. », I Pr 1, v. 32-37.

44 Les jeux de mots sur trouver dans I Ch 46 suggère cette ambiguïté délibérée entre la nécessité de (re)trouver les reliques de Léocade et celle de trouver la suite des Miracles Nostre Dame (VI-VII, v. 31-42).

45 L’effet de va-et-vient de ces processions se perçoit immédiatement dans les images de la copie de Besançon où l’on voit, tout d’abord, deux voleurs emportant les reliques ainsi que la statue de la Vierge de l’église de Vic (BM, ms. 551, fol. 83), et quelques folios plus loin, des clercs parcourant exactement le chemin inverse (fol. 85v).

46 Voir notamment Hubert Silvestre, « Commerce et vol de reliques au Moyen Âge », Revue belge de philologie et d’histoire, 30, 1952, p. 721-739 et Patrick J. Geary, Le Vol des reliques au Moyen Âge : Furta sacra, P.-E. Dauzat (trad.), Paris, Aubier (Aubier histoires), 1993 (1re éd. 1978).

47 Sur la seule inscription qui n’est pas entièrement effacée on peut lire « zachiel », pour Ézéchiel.

48 A. Stones (art. cit. n. 9), p. 67.

49 À ce titre, l’ouverture d’une copie des Miracles de Nostre Dame (Paris, Arsenal, ms. 3517, fol. 7) représentant une généalogie de sainte Anne participe de la même volonté d’inscrire dans une lignée sacrée les récits à suivre.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Besançon, Bibl. mun., ms. 551, fol. 20.
Crédits Cl. IRHT-CNRS, Bibliothèque municipale de Besançon.
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Titre Fig. 2 – Paris, BnF, na. fr. 24541, fol. 21.
Crédits Cl. Paris, Bnf.
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Titre Fig. 3 – Paris, BnF, fr. 25532, fol. 22.
Crédits Cl. Paris, Bnf.
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Titre Fig. 4 – Paris, BnF, fr. 22928, fol. 147v.
Crédits Cl. Paris, Bnf.
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Titre Fig. 5 – Paris, BnF, fr. 22532, fol. 97v.
Crédits Cl. Paris, Bnf.
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Titre Fig. 6 – Paris, BnF, na. fr. 24541, fol. 111v.
Crédits Cl. Paris, Bnf.
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Titre Fig. 7 – Paris, BnF, na. fr. 24541, fol. 2.
Crédits Cl. Paris, Bnf.
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Titre Fig. 8 – Besançon, Bibl. mun., ms. 551, fol. 1.
Crédits Cl. IRHT-CNRS, Bibliothèque municipale de Besançon.
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Titre Fig. 9 – Besançon, Bibl. mun., ms. 551, fol. 2v.
Crédits Cl. IRHT-CNRS, Bibliothèque municipale de Besançon.
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Pour citer cet article

Référence papier

Brigitte Roux et Marion Uhlig, « L’invention de Léocade : reliques et figures d’auteur dans les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci »Cahiers de civilisation médiévale, 249 | 2020, 19-40.

Référence électronique

Brigitte Roux et Marion Uhlig, « L’invention de Léocade : reliques et figures d’auteur dans les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci »Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 249 | 2020, mis en ligne le 01 janvier 2023, consulté le 18 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/1911 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccm.1911

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Auteurs

Brigitte Roux

Université de Fribourg

Marion Uhlig

Université de Fribourg

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Droits d’auteur

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