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L’abbatiale romane Saint-Pierre de Mozac et l’héritage de l’Antiquité. Un projet monumental au service des prétentions d’une communauté monastique

The Romanesque Saint-Pierre Mozac Abbey and the Legacy of Antiquity. A Monumental Project Serving a Monastic Community's Claims
Denis Hénault
p. 57-84

Résumés

À partir du ixe siècle, date à laquelle l’abbaye reçoit les reliques de saint Austremoine, les sources écrites, aussi bien hagiographiques que diplomatiques, témoignent d’une volonté constante de la part des moines de rehausser le prestige de leur monastère. Tandis que dans plusieurs récits ils revendiquent le titre « d’abbaye royale » et font de Pépin le Bref le protecteur de leur établissement au viiie siècle, dans d’autres textes ils exaltent l’ancienneté de leur monastère, qu’ils prétendent avoir été fondé par un descendant de l’aristocratie romaine. En parallèle, l’abbatiale se caractérise par des références à l’Antiquité beaucoup plus fortes qu’ailleurs dans le diocèse, à travers les formes architecturales, la surabondance de thèmes figurés antiquisants dans la sculpture, mais aussi par la quantité étonnante de remplois gallo-romains monumentaux dans ses murs. Si des rapprochements ont été faits entre les remplois et les protecteurs légendaires de l’abbaye, les textes relatifs à saint Austremoine ainsi que les données archéologiques doivent aussi être pris en compte. Ainsi l’étude renouvelée à la fois du contexte historique et du bâti de l’abbatiale révèle l’existence de plusieurs campagnes de remploi de matériaux antiques mais aussi de conservation de parties anciennes, chacune répondant à des motivations et à des prétentions différentes parfois liées aux faits marquants de l’histoire de l’abbaye. Au-delà des remplois, le programme iconographique sculpté, mais aussi l’édification de la crypte et du chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes, participent d’une même dynamique générale montrant l’élaboration de véritables programmes symboliques destinés à prolonger dans la pierre les discours écrits et les prétentions de la communauté.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Sur cette approche renouvelée du monument, voir Hélène Toubert, Un art dirigé. Réforme grégorienne (...)
  • 2 Sur cet aspect, voir Didier Méhu, « Au-delà de l’archéologie, de l’histoire des textes et de l’hist (...)

1Si dans le domaine de l’art monumental, l’étude des campagnes de construction et leur datation, celle des matériaux et des techniques ou bien celle des formes et de leur évolution constituent autant d’approches essentielles et complémentaires, l’analyse des intentions et des motivations qui ont prévalu lors de l’élaboration d’un édifice l’est tout autant. Ainsi peut-on s’autoriser à retrouver dans les partis architecturaux ou bien dans la répartition des images au sein d’un édifice, des mobiles et des motivations autres que fonctionnels ou formels1. Plusieurs études récentes montrent dans le cas de certains édifices, des concordances et même de véritables continuités entre les constructions mémorielles écrites, les constructions architecturales, et les œuvres figurées dans la sculpture monumentale2. Les études renouvelées à la fois en histoire de l’art et en archéologie menées ces dernières années sur le site de l’abbatiale Saint-Pierre de Mozac permettent de prolonger ces réflexions, en abordant le monument à travers une approche et des problématiques nouvelles.

  • 3 Recueil des actes de Pépin Ier et de Pépin II, rois d’Aquitaine (814-848), éd. Léon Levillain, Pari (...)
  • 4 L’acte daté de 864 témoignant d’échanges de terres entre l’abbé Lanfred et Bernard, comte de Brioud (...)
  • 5 L’acte de l’évêque Durand est édité par Alexandre Bruel dans Recueil des chartes de l’abbaye de Clu (...)
  • 6 Selon A. Dierkens, ces textes auraient plutôt été produits dans le courant du xiie s., après la Vie (...)
  • 7 La Visio Lanfredi est éditée par Bruno Krusch, « Aufzeichnung des Abtes Lamfred von Mozac, über Kôn (...)

2D’après une fausse charte de Pépin le Bref élaborée vers 1095 à partir d’un acte authentique de 848 – aujourd’hui perdu – du roi Pépin II d’Aquitaine, l’abbaye aurait été fondée par un sénateur romain nommé Calmin et sa femme Numadia sous le règne du roi Thierry III (673-691)3. Si la date de fondation n’a pas de raison d’être suspectée, les premières mentions assurées de l’abbaye ne datent cependant que du milieu du ixe siècle. Outre la charte de Pépin II d’Aquitaine, l’abbaye est citée dans un acte de 864 tiré du cartulaire de Brioude, ainsi que dans un recueil de miracles accompagnant la Vita prima de saint Austremoine rédigé sous l’abbatiat de l’abbé Lanfred4. L’histoire de l’abbaye est d’abord marquée par le transfert des reliques de saint Austremoine en l’an 848, depuis le monastère voisin de Volvic vers celui de Mozac. C’est dans ce contexte que furent rédigés un récit de la translation et un recueil des miracles du saint, à la suite d’une Vita prima sancti Austremonii mérovingienne. L’autre événement marquant est la donation en 1095 du monastère de Mozac par le comte d’Auvergne Robert et son fils Guillaume VI, à l’abbaye de Cluny. Cette donation est connue à la fois par une charte épiscopale de Durand, évêque de Clermont, un diplôme royal de Philippe Ier, et une bulle pontificale d’Urbain II5. Pour la plupart des historiens, c’est dans ce contexte que furent produits la fausse charte de Pépin le Bref et la Vita tertia de saint Austremoine6. Enfin, dans les années 1120, l’abbaye fut occupée par les troupes du comte d’Auvergne Guillaume VI lors du conflit qui l’opposait à l’évêque de Clermont Aimeri. C’est durant cette période que furent rédigées une Vision attribuée à l’ancien abbé Lanfred, ainsi qu’une Vita sancti Calminii rapportant l’intervention du roi Louis VI pour défaire les troupes comtales à la demande de l’évêque7.

  • 8 Denis Hénault, Rapport de synthèse sur les études d’élévations de l’église Saint-Pierre de Mozac (P (...)
  • 9 Ainsi les volumes architecturaux et une partie des décors de l’abbatiale romane ont pu être restitu (...)

3Du point de vue architectural, l’église Saint-Pierre se présente aujourd’hui sous la forme d’un édifice composite, résultat des nombreux remaniements subis au cours de son histoire. En raison même de ces transformations et des difficultés à dater certaines parties de l’édifice, une vaste étude archéologique du bâti fut menée de 2004 à 2011, afin de pouvoir retracer l’évolution architecturale du monument8. Le relevé pierre à pierre systématique des élévations et l’analyse détaillée du bâti a ainsi permis d’établir une chronologie relative sur de nouvelles bases, tout en apportant une meilleure compréhension des dispositions originelles de l’abbatiale romane9. L’édifice actuel est d’abord composé à l’ouest d’une tour-porche du xe siècle conservée sur deux niveaux et couronnée par un clocher de la fin du xve siècle [fig. 1]. À l’est, l’ancien chevet roman a été remplacé à la fin du xve siècle par un chevet gothique à pans coupés reposant sur les massifs de fondations de la crypte romane. Datable de la seconde moitié du xie siècle, la crypte est composée d’un espace central conservé en élévation, séparé par un mur très épais d’un déambulatoire à quatre chapelles rayonnantes aujourd’hui en ruines. De l’église romane (xiie siècle) surmontant cette crypte ne subsistent plus que les parties basses du transept et de la nef, les bas-côtés, le porche septentrional et une partie de la façade ouest. Au sud, le mur gouttereau a été repris et trois chapelles ont été ajoutées à diverses époques.

Fig. 1. — Plan général de l'église Saint-Pierre, proposition de phasage. (Dessin Denis Hénault.)

Fig. 1. — Plan général de l'église Saint-Pierre, proposition de phasage. (Dessin Denis Hénault.)
  • 10 Nous ne reprendrons pas ici toutes les références bibliographiques, et renvoyons aux articles suiva (...)
  • 11 D. Hénault, La crypte de l’abbatiale romane… (op. cit. n. 8), p. 91-146.

4Si l’analyse de la sculpture et l’étude de la chronologie des chantiers de l’église Saint-Pierre ont donné lieu de longue date à plusieurs notices et articles10, la question de leurs fonctions tant pratiques que symboliques n’a été étudiée que plus récemment11.

  • 12 Amy G. Remensnyder, Remembering Kings Past. Monastic Foundation. Legends in Medieval Southern Franc (...)
  • 13 Ibid.; sur Mozac: p. 55, 77-78, 90-91, 104-106, 114, 144, 243-247.
  • 14 Ibid., p. 104-106.
  • 15 Nous reviendrons naturellement sur ces textes et leur contenu dans la seconde partie de cet article
  • 16 Ibid., p. 140-141, 246-247.

5Une première lecture des fonctions symboliques qui ont pu prévaloir lors de l’élaboration du projet monumental fut faite en 1995 par Amy Remensnyder, dans le cadre d’une étude plus générale portant sur le Sud-Ouest de la France, autour de certains textes et des nombreux blocs antiques monumentaux remployés dans l’abbatiale12. L’historienne a su montrer, à partir de la notion d’Imaginative memory, l’importance des récits et des reconstructions mémorielles produits notamment par les moines de Mozac à travers la légende du fondateur Calmin et l’action présumée du roi Pépin le Bref13. Cette mémoire fut réinventée lorsque la figure de Calmin, apparue tardivement dans les textes (fin xie-xiie siècle), se trouva éclipsée par celle de Pépin le Bref qui s’imposa comme le nouveau fondateur de l’abbaye, au moment où la communauté revendiqua le titre de monastère royal14. Or, un texte du xiie siècle rapporte une vision d’un ancien abbé, selon laquelle le roi Pépin le Bref aurait fait reconstruire l’église avec de grandes pierres taillées provenant de l’antique cité de Clermont, ruinée par son armée lors du conflit contre le duc d’Aquitaine Waïfre15. À partir de ce récit évoquant les remplois de l’église, l’auteur développe alors l’idée de leur valeur triomphale, sans pour autant les montrer ni étudier leur quantité et leur répartition16.

  • 17 Laura Foulquier, Dépôts lapidaires, réutilisations et remplois (Antiquité-haut Moyen Âge). Pour une (...)
  • 18 Christian Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges (Velay, Gévaudan) du viiie au xie siècle : la f (...)
  • 19 L. Foulquier, Dépôts lapidaires, réutilisations et remplois… (op. cit. n. 17), vol. 1, p. 24, 343, (...)
  • 20 Ibid., p. 291-293, 321-326.

6Il revient à Laura Foulquier d’avoir brillamment démontré les liens subtils et les corrélations qui pouvaient exister entre les remplois des édifices médiévaux et les constructions mémorielles au sein de l’ancien diocèse de Clermont17. Dans le prolongement de la thèse de Christian Lauranson-Rosaz soulignant la prégnance de la romanité dans l’Auvergne du haut Moyen Âge18, L. Foulquier a su mettre en évidence que les établissements revendiquant une grande ancienneté comportaient tous, en grand nombre, des remplois dont l’insertion n’était pas fortuite mais répondait au contraire à une sélection réfléchie19. Dans le cas de Mozac, elle insiste sur l’importance du fondateur Calmin dont la romanité est exaltée dans les textes. Les nombreux remplois de l’abbatiale peuvent alors être perçus comme autant de preuves tangibles venant étayer l’antiquité de la fondation et la romanité du fondateur20.

7Si A. Remensnyder et L. Foulquier ont bien saisi dans les textes certaines connotations ou motivations pouvant justifier la présence des remplois, il faut cependant préciser que celles-ci n’apparaissent qu’à une période postérieure aux pratiques de réutilisation elles-mêmes. Dès le milieu du xe siècle, de nombreux remplois étaient ainsi montrés dans l’ancienne tour-porche occidentale. Les réécritures de la fin du xie et du xiie siècle s’appuyèrent donc sur une réalité tangible préexistante. Autrement dit, il convient de prolonger leur hypothèse en tenant compte davantage des réalités archéologiques, et notamment des différentes phases de construction et de reconstruction de l’abbatiale entre le xe et le xiie siècle. Le problème alors soulevé est de savoir quelles pouvaient être les motivations initiales qui poussèrent les commanditaires à réutiliser ces matériaux, à une période où il n’est question dans les textes ni de Calmin ni de Pépin le Bref.

  • 21 Beat Brenk, « Les églises de pèlerinage et le concept de prétention », dans Art, cérémonial et litu (...)

8L’objectif de cet article est de proposer une analyse d’un discours « antiquisant » tenu par cette communauté en articulant textes, formes architecturales et motifs sculptés. Dans une première partie, nous montrerons le caractère spécifique du site de Mozac, en pointant les particularités monumentales de l’ancienne abbatiale Saint-Pierre par rapport aux édifices comparables au sein du diocèse de Clermont. Dans une seconde partie, nous tâcherons de démontrer que plusieurs pratiques de réutilisation de matériaux antiques mais aussi de conservation d’éléments antérieurs ont été mises en œuvre à différents moments de l’histoire de l’abbaye, sans négliger la variété des motivations qui ont prévalu. Nous prolongerons enfin ces réflexions dans une troisième partie, en replaçant à la fois les remplois, les sculptures, et les formes architecturales dans une dynamique générale, dont la cohérence peut être perçue à travers la notion de « prétention monumentale »21.

Les particularités monumentales de l’abbatiale

Les remplois antiques

9L’une des particularités architecturales de l’ancienne abbatiale Saint-Pierre réside dans la présence de très nombreux blocs antiques monumentaux, remployés à la fois dans les murs de la tour-porche préromane, dans la crypte, mais aussi sous les piliers de la nef romane. En arkose pour la plupart et de grandes dimensions [fig. 2], ces blocs ont le plus souvent été taillés au pic, au marteau taillant et quelquefois au marteau têtu. Tandis que certains remplois comportent encore des ciselures périmétriques effectuées au ciseau plat, d’autres conservent des trous destinés à des attaches métalliques. D’autres encore gardent l’empreinte des trous destinés à l’emploi d’engins de levage de deux types différents : les uns pour l’usage de griffes, les autres pour celui de pinces métalliques auto-serrantes.

Fig. 2. — Remplois antiques monumentaux de la crypte (a) et de la tour-porche (b). (Clichés Denis Hénault.)

Fig. 2. — Remplois antiques monumentaux de la crypte (a) et de la tour-porche (b). (Clichés Denis Hénault.)

10Concernant leur répartition dans l’abbatiale, de nombreux remplois prennent d’abord place dans les murs de la tour-porche préromane [fig. 3]. Ainsi les faces internes nord et sud de l’ancien porche sont presque entièrement constituées de blocs antiques monumentaux, depuis le sol jusqu’à la corniche située à 4 m d’altitude. Depuis l’extérieur, au premier niveau de la tour-porche, ces blocs viennent jusqu’à la baie des faces nord et sud et forment un chaînage vertical s’étendant jusqu’à la corniche [fig. 3]. Le reste du mur est alors fait de moellons et de blocs plus petits. Au second niveau, les remplois antiques se raréfient, laissant place, au-delà de 9 m d’altitude, à des blocs au gabarit beaucoup plus modeste et aux dimensions très variables. Il faut préciser que contrairement à la crypte où les remplois des murs porteurs sont disposés de manière à obtenir des joints bien alignés, ces blocs monumentaux sont empilés dans la tour-porche sans grand souci de rationalisation. Associés à des blocs plus petits et à des moellons en certains endroits, ils forment des assises irrégulières créant parfois d’importants décalages.

Fig. 3. — Répartition des remplois antiques dans la tour-porche. (Dessin Denis Hénault.)

Fig. 3. — Répartition des remplois antiques dans la tour-porche. (Dessin Denis Hénault.)
  • 22 Le chiffre peut être porté à 252 « témoins » si l’on ajoute trois blocs (dont deux éléments d’archi (...)

11Dans la crypte, ces blocs constituent de manière quasi-systématique les deux premières assises de chaque mur porteur [fig. 4]. Ils sont également présents dans le déambulatoire et constituent aussi les départs des chapelles rayonnantes les plus au sud. Dans ce cas, ils ont été retaillés pour s’adapter au départ des chapelles. Fait remarquable, à l’exception de quelques-uns, tous ces blocs ont été remployés dans leurs dimensions intégrales (90 × 62 × 100 cm ; 88 × 51 × 98 cm, etc.), ce qui traduit sans doute une intention particulière autre que le simple souci de stabilité, même si cet aspect est également important. Enfin, d’autres remplois antiques ont pu être identifiés au niveau des fondations des piles de la nef romane, tous reconnaissables par leurs grandes dimensions, leurs traces de taille et leurs trous d’agrafes et/ou d’outils de levage. Au final, on dénombre à Mozac 83 remplois antiques dans la crypte, 36 au niveau des fondations de la nef et des bas-côtés et 130 dans la tour-porche, soit un total de 249 blocs réutilisés dans l’abbatiale22.

Fig. 4. — Répartition des remplois antiques dans Ia crypte. (Dessin Denis Hénault.)

Fig. 4. — Répartition des remplois antiques dans Ia crypte. (Dessin Denis Hénault.)
  • 23 Voir la liste et les notices dans L. Foulquier, Dépôts lapidaires, réutilisations et remplois… (op. (...)
  • 24 Ibid., vol. 1, p. 400-401, 419-421.
  • 25 Des blocs masqués par du crépi ou placés en fondations peuvent ainsi échapper à nos observations.

12Loin d’être marginale, cette pratique du remploi de matériaux antiques est attestée dans plusieurs églises romanes du diocèse. Ainsi en avons-nous recensé à la cathédrale de Clermont, à Notre-Dame-du-Port, Notre-Dame de Chamalières, Saint-Pierre de Beaumont, Saint-Léger de Royat, Sainte-Martine de Pont-du-Château, Saint-Cerneuf de Billom, Saint-Martin d’Artonne, Saint-Sébastien de Manglieu, Saint-Julien de Brioude, auxquels s’ajoutent tous ceux inventoriés par L. Foulquier23. De natures variées (chapiteaux, éléments d’architrave, etc.), les remplois inventoriés dans ces sanctuaires sont pour l’essentiel de simples blocs de construction, en arkose pour la plupart. Dans leur immense majorité ces blocs ont été retaillés plusieurs fois, ce qui constitue une pratique sensiblement différente de celle connue à Mozac. On en rencontre aussi bien en fondations qu’au niveau des chevets, des nefs ou des façades occidentales, et ce, à tous les niveaux de la construction. Selon les sites, ces remplois peuvent être concentrés sur une partie de l’édifice, comme au chevet (haut Moyen Âge) de Saint-Sébastien de Manglieu ou dans le massif occidental de Sainte-Martine de Pont-du-Château24. Enfin, leur quantité reste très variable d’un site à l’autre et est en partie dépendante des méthodes d’observation mises en œuvre25.

  • 26 C’est ce qui ressort d’une enquête comparant la quantité de remplois antiques recensés dans une diz (...)
  • 27 Remarquons que le Libellus de ecclesiis Claromontanis (ms. Clermont-Ferrand, bibl. mun., 147, f. 14 (...)

13De manière très nette, on constate une première concentration des remplois dans plusieurs grands sanctuaires situés le long du val d’Allier et des grands axes routiers, et une seconde concentration dans la cité de Clermont et dans ses proches environs26. Ainsi la cité de Clermont totalise à elle seule près de 30 % des remplois, chiffre porté à 44 % si l’on inclut Chamalières aux abords immédiats27. Mais ce qui apparaît très nettement dans cette enquête, c’est la quantité de remplois antiques bien supérieure à Mozac par rapport aux autres sites, avec près de 250 témoins présents dans l’abbatiale Saint-Pierre (contre 15 à 20 en moyenne dans les autres sites), qui totalise à elle seule 40 % des remplois recensés. Ainsi le site de Mozac compte les remplois les plus imposants et les plus nombreux au sein du diocèse. Même si ce constat et ces chiffres doivent être relativisés en raison du nombre limité de sites étudiés et des méthodes d’identification mises en œuvre, ils soulèvent néanmoins une interrogation sur les raisons qui conduisirent à la réutilisation d’une telle quantité de matériaux antiques.

Les volumes architecturaux de l’abbatiale romane

  • 28 Sur tout ce qui précède quant aux témoins permettant une telle restitution, voir supra n. 9.

14En se reportant aux vestiges romans conservés en élévation et ceux déposés au musée lapidaire de Mozac ainsi qu’à la vue de l’Armorial de Guillaume Revel [fig. 5], il devient possible de restituer les volumes et l’aspect de l’abbatiale et de les comparer à ceux d’autres édifices. En plan, l’abbatiale romane Saint-Pierre de Mozac comprenait une tour-porche de plan carré, suivie d’une nef longue de six travées flanquée de bas-côtés, d’un transept saillant à chapelles orientées, et d’un déambulatoire à quatre chapelles rayonnantes semi-circulaires reprenant le tracé adopté dans la crypte [fig. 6]. Ajoutons qu’un porche flanque encore la troisième travée du bas-côté nord. En élévation, la nef était voûtée d’un berceau plein cintre tandis que les bas-côtés voûtés d’arêtes étaient surmontés de tribunes voûtées en demi-berceau. Comme à Issoire, Notre-Dame-du-Port à Clermont ou Notre-Dame d’Orcival, les tribunes donnaient sur la nef par plusieurs baies géminées ou triples, à colonnettes à chapiteau et base. Depuis l’extérieur, les façades latérales comportaient chacune de grandes arcades surmontées en niveau de tribunes d’arcatures ouvrant rythmiquement sur une baie. Au niveau du transept, la hauteur des chapiteaux des deux colonnes engagées conservées des anciennes piles de la croisée, combinée à la vue de l’Armorial, ne laisse aucun doute sur l’existence d’un massif barlong comparable à celui d’Issoire ou d’Orcival. Quant à la tour de croisée, de plan octogonal, elle était composée de deux niveaux rythmés par une baie géminée dans chaque face si l’on en croit la vue de l’Armorial. En parties orientales, le chevet reprenait le plan semi-circulaire des chapelles de la crypte. De plus, des vestiges de marqueterie remployés dans les maçonneries du chevet actuel laissent entendre que l’ancien chevet roman était sans doute proche de ceux de Saint-Priest de Volvic ou de Notre-Dame-du-Port, avec un soin tout particulier apporté à cette partie de l’édifice28.

Fig. 5. — Le monastère de Mozac et son abbatiale vers 1450, vue tirée de l’Armorial de Guillaume Revel (ms. Paris, BnF, 22297, f. 120).

Fig. 5. — Le monastère de Mozac et son abbatiale vers 1450, vue tirée de l’Armorial de Guillaume Revel (ms. Paris, BnF, 22297, f. 120).

Fig. 6. — Plans comparés des cryptes et des parties hautes des abbatiales romanes d’Issoire et de Mozac, à la même échelle. (Dessin Denis Hénault.)

Fig. 6. — Plans comparés des cryptes et des parties hautes des abbatiales romanes d’Issoire et de Mozac, à la même échelle. (Dessin Denis Hénault.)

15L’abbatiale Saint-Pierre présentait donc un plan et des élévations similaires à ceux d’autres édifices romans de la région comme à Orcival, Notre-Dame-du-Port à Clermont ou Saint-Nectaire. Néanmoins elle se distinguait de ces édifices, d’abord par la présence d’un imposant porche ouvrant sur le bas-côté nord. L’abbatiale conserve aussi une ancienne tour-porche carolingienne qui constitue pour l’Auvergne l’un des rares vestiges antérieurs à l’an mil conservés en élévations, contrastant ainsi avec les imposants massifs occidentaux romans des églises de Saint-Nectaire, Saint-Austremoine d’Issoire, Saint-Sébastien de Manglieu ou encore de Notre-Dame-du-Port à Clermont. Enfin, une autre différence importante réside dans l’existence d’une crypte comportant une salle centrale séparée du déambulatoire et dont les murs comptent de nombreux remplois d’origine antique.

Les thèmes iconographiques antiquisants dans la sculpture

  • 29 Plusieurs auteurs ont étudié les sculptures de l’abbatiale romane, et nous n’aborderons que les élé (...)
  • 30 Les cinq premières corbeilles du gouttereau sud datent de l’extrême fin du xve s., au moment des tr (...)
  • 31 La première corbeille est celle des Vents de l’Apocalypse, extraite en 1983 du chevet gothique. La (...)
  • 32 Le linteau de l’ancien portail sud représente la Vierge à l’Enfant accompagnée des saints Pierre et (...)

16Si l’on s’intéresse de plus près à l’œuvre sculptée de l’abbatiale de Mozac29, on remarque que sur les 48 corbeilles encore en place dans la nef et les bas-côtés, 43 sont romanes30. À celles-là s’ajoutent deux corbeilles en place dans l’ancienne croisée du transept, plus cinq corbeilles déposées et provenant de l’ancien rond-point du chœur : une se trouve dans le chœur gothique, deux dans la première travée de la nef, une est conservée au musée lapidaire de Mozac, et une au Victoria and Albert Museum de Londres31. En outre, il faut tenir compte d’un linteau encore en place au niveau du mur ouest du bras sud du transept et d’un second linteau déposé au musée Mandet de Riom32. Enfin, de nombreuses corbeilles provenant de l’abbatiale sont aujourd’hui conservées au musée lapidaire de Mozac.

  • 33 Ainsi peut-on voir dans l’église les thèmes de Jonas, de Tobie et de Samson et le lion (même corbei (...)
  • 34 D’une manière générale sur la filiation de ces scènes avec celles de l’art antique : Z. Swiechowski(...)
  • 35 Voir les nombreux exemples romains dans Émile Espérandieu, Recueil général des bas-reliefs, statues (...)
  • 36 Précisons enfin qu’une corbeille figurant des sirènes est remployée au niveau des anciens bâtiments (...)

17Dans la nef et les bas-côtés, on décompte 17 corbeilles à décor végétal (dont deux comportant de petits protomes humains ou zoomorphes), 3 corbeilles à masques humains associés à des feuillages et reprenant un modèle antique, et 23 corbeilles figurées. Parmi les corbeilles figurées, deux sont consacrées à des thèmes vétérotestamentaires, une à un sujet puisant sa source dans la littérature médiévale, et six à des thèmes contemporains33. Les autres thèmes figurés reprennent tous des formes de représentations issues de l’art de l’Antiquité prise dans son sens le plus large. Ainsi la nef et les bas-côtés conservent deux scènes représentant des griffons encadrant un calice, deux scènes figurant des « victoires » ou génies ailés montrant des boucliers, deux scènes consacrées au thème des centaures, auxquelles s’ajoutent deux représentations du thème des hommes chevauchant des boucs34. Il faut aussi ajouter une scène montrant des éphèbes nus dans des feuillages, une scène offrant des aigles aux ailes déployées dans une composition proche de modèles antiques, et trois corbeilles consacrées à des oiseaux picorant proches de certains chapiteaux antiques romains de la région. Doivent également être comptabilisées trois corbeilles à masques humains dans des feuillages reproduisant manifestement un modèle antique local35. Enfin, aux corbeilles en place dans l’église s’ajoutent cinq corbeilles déposées provenant de l’abbatiale et conservées au musée lapidaire : deux scènes représentant des aigles aux ailes déployées, une corbeille aux masques humains dans des feuillages, une corbeille figurant des griffons encadrant un calice, et une corbeille provenant de l’ancien rond-point du chœur et montrant des éphèbes nus dans des feuillages (considérés par certains comme des « atlantes »). De plus, une corbeille similaire à cette dernière, mais mieux conservée, est déposée dans la première travée de la nef36.

  • 37 L. Cabrero-Ravel, « Saint-Pierre de Mozac : l’abbatiale romane… » (art. cit. n. 29), p. 322-323.

18À l’issue de ce rapide inventaire, nous pouvons retenir que l’abbatiale comptait au moins 22 corbeilles figurées inspirées de l’art de l’Antiquité, dont 14 sont en place dans la nef et les bas-côtés sur un total de 23 corbeilles figurées dans ces mêmes parties. Par comparaison, la nef et les bas-côtés de Saint-Austremoine à Issoire comptent 9 corbeilles figurées, contre 7 à Notre-Dame-du-Port à Clermont et 5 à Saint-Nectaire pour ces mêmes espaces. Seul Saint-Julien de Brioude offre une équivalence avec Mozac, avec 22 corbeilles figurées. Le gonflement du nombre de corbeilles figurées à Mozac comme à Saint-Julien de Brioude s’explique en grande partie par la très forte présence de thèmes antiquisants, lesquels existent en double voir en triple exemplaires. Ainsi à Mozac la nef (et ses collatéraux) compte 14 scènes antiquisantes (pour 8 thèmes), contre seulement 5 à Issoire, 4 à Notre-Dame-du-Port ou encore 2 à Saint-Nectaire. Seuls la nef et les bas-côtés de Saint-Julien de Brioude comptent autant, et même plus, de scènes antiquisantes, avec 16 scènes. Outre les corbeilles figurées, il s’agit également de prendre en considération les corbeilles corinthiennes ou dérivant du corinthien. Sur cette question, Laurence Cabrero-Ravel a souligné la richesse et la diversité de cet ensemble, avec des corbeilles reproduisant la complexité des œuvres canoniques de l’Antiquité romaine, et d’autres aux compositions libres mais toujours d’une grande qualité formelle37.

  • 38 Selon la classification établie par Marie-Laure Bertolino – et sans oublier deux thèmes vétérotesta (...)

19En considérant que près de 90 corbeilles manquent pour les seules parties internes de l’abbatiale, le programme iconographique sculpté de Mozac apparaît alors comme l’un des plus riches du diocèse. Malgré les nombreuses corbeilles manquantes, Mozac arrive en troisième position au sein du diocèse quant au nombre de scènes religieuses, après Notre-Dame-du-Port (21) et Saint-Nectaire (17), avec 12 scènes comme à Saint-Austremoine d’Issoire38. À Mozac les nombreux thèmes dérivant de modèles antiques doivent attirer notre attention. Certes, les animaux merveilleux tels les griffons ou les centaures appartenaient également au bestiaire médiéval, et le fait que les motifs de l’Antiquité puissent se perpétuer dans l’art ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit d’une référence. Néanmoins, l’abondance de ce type de motifs à Mozac, surtout en comparaison avec les autres édifices du diocèse, peut légitimement soulever des interrogations.

20Or, la possibilité d’une référence délibérée à l’Antiquité prend du sens si on la met en perspective avec la quantité étonnante de remplois antiques ainsi que la conservation de l’ancienne tour-porche (aux nombreux remplois) en façade occidentale. Il y aurait là un véritable programme idéologique mis en place à Mozac dont la spécificité doit être mise en lumière dans un contexte plus vaste.

Entre hagiographie et architecture : les monuments de Mozac en leur contexte

  • 39 Visio Lanfredi (éd. cit. n. 7), p. 25 : « Nam hic basilica est a te edificanda, sciasque hunc locum (...)
  • 40 Ibid. : « Qui postquam ad exercitum rediit, multa paria boum con plaustris, honeratis ex lapidibus (...)
  • 41 D. Méhu, « Au-delà de l’archéologie… » (art. cit. n. 2).

21La présence des blocs antiques de l’abbatiale est, on l’a signalé en introduction, évoquée dans la Vision de Lanfred. Il s’agit d’un texte court, rédigé vers 1120 et relatant l’édification d’une église à Mozac peu après l’an 761, à la suite d’une double vision de l’abbé Lanfred et du roi Pépin le Bref. L’aspect essentiel du texte réside dans l’insistance du scribe à valoriser l’action du roi, lequel aurait fait bâtir une nouvelle église en ce lieu que lui aurait confié Dieu, et pour laquelle il aurait donné de grandes quantités d’or et d’argent39. La fin du récit est particulièrement intéressante puisqu’il est dit que le généreux souverain fit construire la nouvelle abbatiale à l’aide de grandes pierres taillées, amenées dans des chariots tirés par plusieurs paires de bœufs et provenant de la cité de Clermont ruinée par son armée40. À travers ces mots, le scribe désigne sans aucune ambiguïté les remplois antiques qu’il a alors sous les yeux au niveau de la crypte et de la tour-porche. Mieux encore, il fournit plusieurs détails sur la façon dont ces pierres furent transportées, afin de donner plus de vraisemblance au récit. En écho aux travaux de Didier Méhu sur la cathédrale de Maguelonne41 et afin de mieux comprendre le sens d’une telle mention de remplois dans ce texte, et finalement mieux saisir les motivations qui poussèrent les moines de Mozac à réutiliser ces blocs dans leur abbatiale, il convient de prolonger l’enquête en approfondissant l’analyse de l’articulation entre la production textuelle et la production architecturale, en s’arrêtant dans un premier temps sur la manière dont les moines ont cherché à apporter sa légitimité à leur monastère.

Les tensions avec les moines d’Issoire

  • 42 Pierre-François Fournier, « Recherches sur l’histoire de l’Auvergne. Saint Austremoine, premier évê (...)
  • 43 À partir du milieu du xiie s., l’importance des reliques de saint Austremoine à Mozac décroît et le (...)

22À l’instar de nombreux autres monastères, l’abbaye de Mozac fondait son prestige sur les reliques de saints qu’elle détenait. Ainsi conservait-elle des reliques de saint Pierre, de saint Caprais et de saint Austremoine, auxquelles il faut ajouter celles des fondateurs présumés : saint Calmin et sainte Namadie. De plus, Adebert, évêque de Clermont au viiie siècle, passait pour avoir été inhumé dans ce monastère42. Parmi toutes ces reliques, celles de saint Austremoine, premier évêque et évangélisateur de l’Auvergne au iiie siècle si l’on en croit le témoignage de Grégoire de Tours, étaient sans conteste les plus précieuses, à tel point, que les moines de Mozac et ceux du monastère d’Issoire se les disputèrent pendant près de quatre siècles43. Trois Vitae rédigées entre le viie et le xie siècle témoignent des tensions entre ces deux communautés dans la longue durée.

Mozac et les vitae de saint Austremoine

  • 44 Faux diplôme de Pépin le Bref (éd. cit. n. 3), p. 238-242 ; la Vita prima sancti Austremonii (éd. c (...)
  • 45 P.-F. Fournier, « Recherches sur l’histoire de l’Auvergne... » (art. cit. n. 42), p. 429.
  • 46 Ibid., p. 427 : « […] quand il est question de Mozac, le ton devient publicitaire, comme nous dirio (...)
  • 47 À propos des différences entre les deux parties de la Vita, Pierre-François Fournier dit ceci « […] (...)

23C’est à partir du ixe siècle que les premières tensions entre les deux monastères apparurent, à la suite de la translation des reliques du saint depuis le monastère de Volvic (où elles demeuraient depuis le viie siècle) vers celui de Mozac en 848. Le récit de cette translation est rapporté par le faux diplôme de Pépin le Bref mais aussi par la première Vita du saint44. Selon Pierre-François Fournier, qui a consacré une étude détaillée aux Vies de saint Austremoine, la Vita prima se compose de deux parties45, la première partie relatant la Vie et la Passion d’Austremoine puis la Révélation de sa tombe, la seconde concernant exclusivement les deux translations des reliques du saint et les miracles qui ont suivi. Du point de vue formel, la première partie se caractérise par la sobriété du récit de la vie du saint en grande partie inspiré par Grégoire de Tours, tandis que la seconde est marquée par l’emphase quand il s’agit du monastère de Mozac46. Ainsi les bienfaits du saint à Issoire narrés dans la première partie sont contenus dans une phrase de neuf mots, quand la seconde dresse une litanie de vingt-quatre miracles accomplis à Mozac disposée sur trois colonnes. L’une, reposant sur la connaissance des récits de Grégoire de Tours, a pu être composée dès le viie siècle alors que les reliques du saint étaient encore à Issoire. L’autre a probablement été composée peu après 848 et avant 864, du vivant de l’abbé Lanfred à l’intention du monastère de Mozac47.

  • 48 Cette Vita secunda sancti Austremonii est connue par un manuscrit conservé à la Bibliothèque royale (...)
  • 49 Ibid., p. 59 et 61 : « Haec ergo ducentium manibus Mauziacensis basilicae atria ingressa, ante beat (...)

24La seconde Vita, rédigée à la fin du ixe ou au début du xe siècle, est une amplification de la première Vita et a manifestement été rédigée à l’intention du monastère de Mozac48. Mozac y est précisément décrit comme un locus antiqua nobilitate et l’action d’Austremoine est associée à celle des saints Martial et Saturnin. Notons que les reliques de saint Austremoine sont alors placées selon le texte dans une construction voûtée entourée d’un chancel49.

  • 50 Chacun des trois manuscrits compte soit la totalité soit partiellement les deux versions. Le premie (...)
  • 51 Vita III, éd Ph. Labbe (éd. cit. supra), p. 482-505, ici p. 503.

25Un siècle et demi plus tard, la Vita tertia est encore plus développée que les précédentes et est aussi la plus complexe car elle comprend deux versions comportant chacune plusieurs chapitres qui nous sont parvenus par trois manuscrits50. La première version accorde une place prépondérante à Issoire où Austremoine a fondé un monastère et accompli plusieurs miracles. Tous les récits de la passion du saint se déroulent à Issoire et à aucun moment il n’est question de Mozac. À l’inverse, la seconde version, qui a été composée peu après celle d’Issoire, met en valeur les moines de Mozac. Elle relate la translation des reliques du saint d’Issoire à Volvic par l’évêque Avit II (676-691) puis de Volvic à Mozac : l’abbé Lanfred aurait en effet demandé au roi Pépin le Bref les reliques d’un saint pour son monastère ; le roi aurait alors fait exhumer et transporter le corps un matin, par temps de neige, en l’an 764 au monastère de Mozac qu’il aurait placé sous sa protection conformément à une vision qu’il aurait eue, selon laquelle Austremoine lui aurait révélé avoir reçu cet ordre de Dieu51. Cette version de la troisième Vie, qui contredit totalement celles des Vies précédentes, repose très clairement sur la connaissance du faux diplôme de Pépin le Bref, l’auteur ayant introduit une fausse date (764 au lieu de 848) et transformé le roi d’Aquitaine Pépin II en Pépin le Bref.

  • 52 Charte interpolée de Pépin II d’Aquitaine (éd. cit. n. 3), p. 238-242 : « […] dominatione sancti Au (...)
  • 53 Confirmation du pape Urbain II (éd. cit. n. 5) : « Ad haec adjicimus ut monasterium S. Stremonii de (...)

26Si les trois Vitae mozacoises témoignent des rivalités avec Issoire, elles eurent également des effets sur la dédicace même du monastère de Mozac. En effet, l’abbaye était primitivement dédiée à saint Pierre et saint Caprais, auxquels est venu s’ajouter saint Austremoine, mentionné en 848 puis dans une charte de 864 et dans la Vita secunda52. Mais en 1095, la bulle du pape Urbain II ne mentionne plus que saint Austremoine comme dédicace, démontrant ainsi les effets de la propagande organisée par les moines de Mozac53.

  • 54 P.-F. Fournier, « Recherches sur l’histoire de l’Auvergne… » (art. cit. n. 42), p. 454, 455 et 461.
  • 55 Voir le certificat d’authentification des reliques du saint à Mozac, daté de 1197 : Vérification de (...)

27Un ultime acte daté de 1197 mit un terme à ces querelles, lors d’une vérification de l’authenticité des reliques détenues par les moines de Mozac. D’après cet acte, Gaubert, abbé du monastère d’Issoire, aurait fait courir le bruit selon lequel le chef de saint Austremoine serait revenu à Issoire, rumeur propagée dès la fin du xie siècle dans la première version de la Vita tertia54. En réaction, Guillaume, abbé de Mozac, et toute sa congrégation firent ouvrir la châsse pour en vérifier le contenu en présence de l’évêque, du prévôt du chapitre cathédral et d’une foule nombreuse composée d’abbés, de clercs et de laïcs. Ils découvrirent à cette occasion que les reliques du saint étaient enveloppées dans une étoffe de soie liée par des courroies comportant trois sceaux, parmi lesquels les moines identifièrent celui d’un roi Pépin55. Les moines de Mozac mirent alors un terme à ces tensions en reconnaissant la propriété du chef à leurs rivaux, ce qui revenait à limiter leurs prétentions en définissant ainsi leurs reliques.

  • 56 Pierre-André Sigal, L’homme et le miracle dans la France médiévale : xie-xiie siècle, Paris, Cerf, (...)
  • 57 Aaron J. Gourevitch, La culture populaire au Moyen Âge, « simplices et docti », Paris, Aubier, 1996 (...)
  • 58 On retrouve le même réflexe à l’abbaye Saint-Remi de Reims, où les moines rédigèrent une Vita dress (...)

28Cette abondante production hagiographique confirme l’importance d’un saint aux yeux des communautés monastiques et des clercs. Certaines reliques insignes comme celles des premiers évêques ou évangélisateurs étaient susceptibles d’attirer de nombreux fidèles, qui par leurs offrandes concourraient à la prospérité et au prestige du sanctuaire dans lequel ils se rendaient56. Dans une société régie par le principe du « donnant-donnant », la renommée d’un saint et par conséquent celle d’un sanctuaire dépendaient presque exclusivement des miracles accomplis par le saint lui-même ou par ses reliques. Les miracles constituaient en effet le seul critère valable de la sainteté d’un saint aux yeux des fidèles57. On comprend alors aisément pourquoi les moines de Mozac ont dressé une liste de miracles dès la rédaction de la première Vie de saint Austremoine, après la translation de ses reliques en leur monastère58. L’occasion d’écrire pour défendre l’authenticité ou les droits de détenir les reliques d’un saint était chose fréquente ; dans le cas des reliques d’Austremoine, les Vitae soutiennent les prétentions de Mozac, en particulier contre Issoire, en insistant de manière récurrente et de plus en plus affirmée sur l’ancienneté de leur monastère et l’antiquité de sa fondation.

  • 59 Nous reprenons ci-dessous l’analyse faite par P.-F., « Recherches sur l’histoire de l’Auvergne… » ( (...)
  • 60 Dans la Vie de saint Martial de Limoges, écrite dans les premières décennies du xie s., nous retrou (...)
  • 61 Voir aussi Dom Pierre de Monsabert, Chartes et documents pour servir à l’histoire de l’abbaye de Ch (...)
  • 62 Les détails du récit du retour du chef d’Austremoine à Issoire sont par ailleurs relatés dans Vérif (...)

29Quant à la version issoirienne de la Vita tertia (A), tout en dérivant des deux premières Vies du saint, elle ajoute de sérieuses innovations59. Ainsi Austremoine devient l’un des soixante-douze disciples désignés par le Christ lui-même pour enseigner la foi et est envoyé en Gaule par saint Pierre60. Outre sa transformation en martyr (la fête du saint fut fixée au 1er novembre), le récit accorde une place prépondérante à Issoire. C’est là qu’il fonde un monastère et que se déroule le miracle du bûcheron sauvé de la noyade. C’est enfin près du monastère d’Issoire qu’a lieu son martyre pour avoir baptisé un jeune juif auquel il avait donné le nom de Lucius. Le père de Lucius et son escorte se saisissent alors d’Austremoine, le décapitent et jettent sa tête dans le puits où était déjà le corps de Lucius. Les chrétiens d’Issoire retrouvent le corps du saint et l’inhument, puis la tête est ensuite retirée du puits. Le rappel de cette décollation constitue un élément essentiel pour les moines d’Issoire, lesquels dans le chapitre Revelatio et Translationes inventent une fausse relique du saint qui serait revenue en leur monastère par une voie détournée. Sans aller dans des détails qui nous éloigneraient de notre propos, rappelons que le faux diplôme de Pépin le Bref permettait de reporter la translation à Mozac à une période à laquelle vécut le comte Roger, fondateur du monastère de Charroux avec lequel l’abbaye d’Issoire entretenait d’étroites relations61. Lors de la translation, la tête d’Austremoine aurait alors été découverte et donnée au comte Roger, qui à son tour en aurait fait don aux moines de Charroux pour finalement revenir au monastère d’Issoire. Décrite avec insistance, la découverte du chef d’Austremoine s’accompagne de faits miraculeux qui marquent la fin de la version issoirienne de la Vita tertia62.

  • 63 Pour P.-F. Fournier, « Recherches sur l’histoire de l’Auvergne… » (art. cit. n. 42), p. 463, ce pas (...)
  • 64 Vita III : « Est igitur locus antiqua nobilitate valde eximius, et religione praeclarissimus, ab Ar (...)

30La version mozacoise de la Vita tertia (B) comprend le chapitre Revelatio et Translationes, ainsi qu’un recueil de miracles. Elle relate la découverte par l’évêque Cautin (vie siècle) des restes du saint négligés à Issoire, puis la translation à Volvic par l’évêque Avit II (viie siècle). Le passage suivant évoque les nonnes d’un monastère non nommé – mais situé peut-être près d’Issoire – qui sont vilipendées pour avoir contesté l’authenticité des reliques déplacées63. Succède alors le récit de la seconde translation de Volvic à Mozac. Reposant clairement sur la connaissance du faux diplôme de Pépin le Bref, le récit rapporte que le roi aurait fait exhumer et transporter le corps du saint en l’abbaye de Mozac en 764, à la demande de l’abbé Lanfred. La version mozacoise de la Vita tertia s’achève ensuite par une litanie de miracles reprenant celle de la Vita secunda. Comme dans la seconde partie de la Vita prima, ainsi que dans la Vita secunda, la version mozacoise de la Vita tertia insiste à plusieurs reprises sur l’antique noblesse de l’abbaye64. Outre les termes évoquant l’ancienneté du monastère, le fondateur Calmin est cette fois-ci mentionné dans des termes proches de ceux du faux diplôme de Pépin le Bref (Romulae urbis senator).

31Il ressort de cette production hagiographique deux types de discours. Reprenant en partie le témoignage de Grégoire de Tours, les moines d’Issoire insistent d’une part (Vita I et III-A) sur le fait que la vie, les miracles et le martyre du saint se déroulèrent à Issoire, et même près du monastère qu’il fonda. De plus, la rédaction du chapitre Revelatio et Translationes de la Vita III n’a d’autre but que d’expliquer le prétendu retour du chef de saint Austremoine à Issoire et d’affirmer qu’il est bien en leur possession. À l’inverse, les moines de Mozac insistent d’une part sur les nombreux miracles qui se déroulèrent après la translation des reliques du saint en leur monastère, et d’autre part sur son ancienneté en attribuant (dans la Vita III-B) sa fondation à un sénateur romain nommé Calmin.

Une concurrence textuelle et monumentale

32La concurrence entre Mozac et Issoire concernant la possession des reliques de Saint-Austremoine permet d’envisager sous un nouveau jour les partis pris monumentaux qui ont prévalu pour la construction de l’ancienne abbatiale Saint-Pierre. Si elle présentait dans les grandes lignes des caractères communs avec Issoire (nef et bas-côtés surmontés de tribunes, massif barlong, chevet développé, etc.) et d’autres grands sanctuaires concentrés autour de Clermont et dans le Val d’Allier (Volvic, Ennezat, Orcival, Saint-Nectaire, etc.), en revanche le projet architectural différait sensiblement sur plusieurs points.

  • 65 Voir sur ce point D. Hénault, « La crypte de l’abbatiale romane Saint-Pierre de Mozac » (art. cit.  (...)

33Précisons ainsi que si les cryptes des abbatiales respectives présentent plusieurs divergences importantes, celles-ci résultent du fait que celle d’Issoire (xiie siècle) est bien postérieure à celle de Mozac (xie siècle)65. En ce qui concerne les remplois de la crypte de Mozac, il n’est pas certain qu’ils aient tous été destinés à être vus puisqu’un enduit recouvrait une bonne partie des surfaces murales. Néanmoins, plusieurs d’entre eux étaient reconnaissables à leurs trous de louve et d’agrafes présentés en face de parement. De grandes dimensions, ces blocs constituaient près des trois quarts de la hauteur des murs de l’espace central. Or on sait qu’au xiie siècle et sans doute dès le début de ce siècle, les reliques de saint Austremoine reposaient dans cette partie de l’abbatiale. En disposant les remplois de cette manière, les moines édifièrent un espace conçu comme un mausolée, dont les pierres entouraient les reliques du saint et renvoyaient directement à l’époque à laquelle il vécut et évangélisa l’Auvergne.

34Quant aux élévations, on constate toute une série de principes radicalement différents entre les deux chantiers : il en va du chevet à 4 chapelles rayonnantes à Mozac [fig. 1] contre 5 à Issoire [fig. 6] ; une nef de 6 travées à Mozac contre 7 à Issoire ; du petit appareil irrégulier et pierres de taille en parties portantes à Mozac (ancienneté, tradition) à l’inverse du moyen appareil régulier en pierre de taille généralisé à Issoire (modernité) ; ou bien encore de l’égale importance du maçon et du tailleur de pierre à Mozac contre la prédominance des tailleurs de pierre à Issoire. Autre point important, la forte concentration de remplois antiques à Mozac est sans équivalence à Issoire où nous n’en n’avons relevé aucun. Enfin, il convient de noter le choix mozacois de conserver l’ancienne tour-porche (xe siècle) de l’abbatiale Saint-Pierre, contre l’adoption d’un imposant massif occidental à Issoire. En faisant bâtir un tel massif de façade, les moines d’Issoire reprenaient un principe adopté dans d’autres édifices contemporains comme Saint-Nectaire, Saint-Sébastien de Manglieu ou Notre-Dame-du-Port à Clermont. En définitive, l’abbatiale d’Issoire offrait l’image d’un édifice plus long et plus imposant que celui de Mozac, tandis que Mozac faisait valoir un édifice plus vénérable de par l’antiquité de ses origines.

  • 66 Vita I (éd. cit. n. 4, p. 53, 14) : « Postmodum vero a regulari iterum Mausiacense cœnobio placuit (...)

35La réutilisation massive à Mozac de matériaux gallo-romains, associée aux formes architecturales (mais aussi sculptées) adoptées en parties hautes, a conduit à envisager le programme artistique monumental de l’abbatiale Saint-Pierre comme un projet faisant très fortement référence à l’Antiquité. Déjà dans la Vita prima sancti Austremonii les moines de Mozac affirmaient que leur monastère était le seul digne de recevoir les reliques du premier évêque et évangélisateur de la province arverne, n’hésitant pas à faire intervenir la volonté divine pour justifier la seconde translation66. Dans les Vitae suivantes et dans d’autres textes plus tardifs, les moines de Mozac insistèrent de manière récurrente sur « l’ancienneté » (« antiquis ») de leur établissement pour appuyer cette prétention. Ainsi l’on rencontre, entre autres, les expressions locus antiqua nobilitate (Vita II et III) et locum antiquis (Vita III), ou bien encore « nostri monasterii quod antiquitus novimus constructum » (faux diplôme de Pépin le Bref). Dans l’architecture, cette tendance s’est manifestée par une volonté farouche et constante de conservation de vestiges anciens (tour-porche) et une vaste politique de remploi de matériaux antiques, destinées à appuyer ce discours par des preuves tangibles montrées ostensiblement.

  • 67 D. Hénault, La crypte de l’abbatiale romane Saint-Pierre de Mozac. Bilan… (op. cit. n. 8), p. 47-53

36Si d’autres édifices affichent des références fortes à l’art antique, paléochrétien et carolingien, l’abbatiale Saint-Pierre et sa crypte se distinguent des autres sanctuaires par la propension à valoriser beaucoup plus qu’ailleurs (même par rapport aux chanoines du Port à Clermont) l’héritage d’un lointain passé, tant dans son architecture (remplois de la crypte et de la tour-porche) que dans son programme iconographique sculpté. Jamais on ne rencontre dans les édifices pourtant très proches (Riom, Ennezat, Volvic, mais aussi à Royat plus au sud ou bien encore à Artonne plus au nord) une telle proportion de remplois. À ce jour, aucun site gallo-romain n’est attesté à Mozac et, si l’on se réfère à la Vision de Lanfred, ces blocs pourraient provenir de l’antique cité de Clermont (Augustonemetum). Si nous avions dans un premier temps formulé quelques doutes sur cette provenance, l’étude détaillée des remplois semble aujourd’hui plaider plutôt en faveur de cette solution67. Sans compter les blocs non observables du tiers oriental de la tour-porche, c’est plus d’une centaine de tonnes de matériaux antiques que les moines auraient fait rapporter. Cela démontre encore une fois la volonté délibérée de bâtir leur église à l’aide des témoins d’un lointain passé, valorisé par ailleurs dans les récits hagiographiques.

37Précisément, nous pensons que cette tendance très forte a été motivée dans un premier temps par la concurrence avec les moines d’Issoire dans la définition de projets architecturaux dignes de recevoir les reliques du saint. On l’a vu, au sein d’un ensemble de références communes émergent des particularités signifiantes, notamment l’adoption du massif occidental à Issoire, à l’inverse de la conservation de la tour-porche de l’édifice du haut Moyen Âge à Mozac. Tandis qu’à Issoire les moines respectèrent un schéma (avec ses variantes) adopté dans plusieurs grands sanctuaires et répondant à un programme monumental bien défini, à Mozac les moines ignorèrent ce choix. Mieux encore, la tour-porche fut intégrée dans le projet de l’abbatiale romane des xie-xiie siècles, telle une sorte de gigantesque remploi venant appuyer le discours des moines. Celle-ci constitue d’ailleurs le plus ancien témoin de cette politique de réutilisation (seconde moitié du xe siècle), non concomitante cependant de la rédaction de la Vita II (début xe siècle).

  • 68 Sur ce sujet, voir les articles d’auteurs français et étrangers dans Remploi, citation, plagiat. Co (...)

38Un dernier aspect important à souligner est l’existence à Mozac d’une double pratique de remploi de natures différentes. Nous pouvons en effet établir un véritable parallèle entre les remplois dans l’architecture et les remplois dans les textes, plus exactement dans les vitae de saint Austremoine. Ainsi des passages entiers du recueil des miracles contenu dans la Vita I du saint sont repris dans la Vita II, elle-même reprise et amplifiée dans la Vita III. Dans le cas présent, il est plus juste de parler de « remploi » à propos de ces textes plutôt que de « citation », dans le sens où ces passages ne sont pas mis en exergue mais bien assimilés par le scribe. Si ces pratiques concernant des sources écrites sont attestées par ailleurs68, à Mozac il est intéressant de constater que les moines ont eu recours à ces procédés à la fois sur le plan monumental et scripturaire, et ce, pendant plusieurs siècles et dans un climat de concurrence avec Issoire.

39On le voit donc, s’il a existé une véritable compétition entre ces deux communautés, celle-ci s’est traduite à la fois dans les textes autour de saint Austremoine et sur le plan monumental. Entendons-nous bien : il ne s’agit nullement de « querelles de clochers » mais d’une émulation véritable entre deux communautés désireuses de servir le souvenir et le culte de saint Austremoine dont elles détenaient des reliques. Au-delà de cette émulation, ce sont bien les reliques elles-mêmes qui devaient constituer la motivation première des discours écrits, mais aussi monumentaux à travers les pratiques de réutilisation de matériaux antiques. D’autres raisons doivent cependant être prises en compte pour tenter de saisir les connotations données aux nombreux remplois à Mozac. Ainsi des événements historiques intervenus successivement en 1095 puis dans les années 1120 furent l’occasion pour les moines de Mozac d’ajouter du sens à ces vestiges remployés dans leur abbatiale.

Les événements de 1095 et de 1120 ou l’invention d’une origine prestigieuse

La figure du légendaire fondateur Calmin et le rôle du présumé bienfaiteur Pépin le Bref

  • 69 Pour plus de détails sur Calmin, sa Vie, sa légende, son identité réelle et la période à laquelle i (...)
  • 70 Voir à ce sujet ce qu’en dit L. Levillain dans le Recueil des actes de Pépin… (éd. cit. n. 3), p. 2 (...)
  • 71 Acte de Durand édité dans Recueil des chartes de l’abbaye de Cluny… (éd. cit. n. 5), no 3697, p. 45 (...)
  • 72 PL (loc. cit. n. 5).
  • 73 Recueil des actes de Pépin… (éd. cit. n. 3), p. 236.
  • 74 Recueil des actes de Philippe Ier(éd. cit. n. 5), no CXXXV, p. 342-343.
  • 75 Arlette Maquet, Cluny en Auvergne (910-1156), thèse de doctorat [dactyl.], Université Paris I – Pan (...)
  • 76 Par ex. le témoignage de Gilon, qui dans la Vie d’Hugues de Semur dénonce l’attitude de certains de (...)

40Comme l’ont remarqué plusieurs historiens, l’invention du fondateur Calmin69 intervint précisément au moment où le monastère passa entre les mains de la puissante abbaye de Cluny en 109570. Les faits peuvent être résumés ainsi. Avec l’accord de ses chanoines, Durand, évêque de Clermont, fit don du monastère de Mozac à Hugues de Semur, abbé de Cluny, par l’entremise de Robert, comte d’Auvergne, duquel l’abbaye dépendait71. L’acte, non daté, doit être antérieur au 16 mars 1095 puisque à cette date une bulle du pape Urbain II confirma le monastère de Mozac parmi les biens de l’abbaye de Cluny relevant du Saint-Siège72. Mais les moines tentèrent de se soustraire à cette décision73. Pour régler le conflit, et à la demande du comte Robert et de son fils Guillaume, le roi de France Philippe Ier se rendit au monastère de Mozac où il aurait constaté que la Règle n’était plus observée. Il confirma alors, avec l’approbation de l’archevêque de Bourges, la donation dudit monastère faite par le comte susdit et l’évêque Durand à Hugues de Semur, afin que la discipline soit respectée à nouveau74. Cluny connaissait alors une période d’expansion en Occident et de nombreux monastères et prieurés passèrent sous l’autorité de la prestigieuse abbaye sous prétexte d’y rétablir la discipline monastique75 et le cas mozacois tel qu’il est évoqué dans le diplôme de Philippe Ier n’est certainement pas différent. Certains moines, en tous cas, s’opposèrent farouchement à ce rattachement76.

  • 77 A. G. Remensnyder, Remembering Kings Past(op. cit. n. 12), p. 114.
  • 78 A.. Fayard, « Aux origines du Monastier… » (art. cit. n. 69), p. 32-33.
  • 79 Ibid. p. 33, l’auteur rappelle la manière dont est désigné le monastère dans la seconde Vie : « […] (...)
  • 80 Vita III éd. Ph. Labbe (éd. cit. n. 50), p. 502 : « Est igitur locus antiqua nobilitate valde eximi (...)
  • 81 Ibid., p. 502-503 : « Anno ab Incarnationis Domini nostri Iesu Christi DCCLXIIII. Indictione II. re (...)

41Comme ils l’avaient fait pour les reliques d’Austremoine vis-à-vis des moines d’Issoire, les moines de Mozac réaffirmèrent alors l’ancienneté de leur établissement en s’inventant une origine prestigieuse, incarnée à la fois par la figure d’un généreux fondateur descendant de l’aristocratie romaine (Calmin) et par celle du père de la dynastie carolingienne, lequel aurait lui aussi dispensé ses bienfaits à l’abbaye. La première mention de Calmin apparaît en effet dans le faux diplôme de Pépin le Bref, dans lequel on remarquera l’expression « nobilissimo senatore Romanorum » qui insiste fortement sur la romanité de Calmin. En parallèle, l’acte souligne aussi l’ancienneté du monastère, lequel devient « noster monasterium » dans la bouche de Pépin, c’est-à-dire un « monastère royal ». De cette manière les moines plaçaient leur abbaye sous la seule autorité du roi. La mention des rois mérovingiens Thierry et Clovis ainsi que la transformation du roi Pépin II en Pépin le Bref suffisaient à justifier du titre « d’abbaye royale », qui par définition ne pouvait alors être aliénée que par le roi de France, Philippe Ier, auquel l’acte fut probablement présenté. Comme le remarque Amy Remensnyder, le fondateur et le roi Pépin restent intimement liés dans les textes, les actions de Calmin introduisant en quelque sorte celles de Pépin le Bref selon les dires des moines77. De son côté, Auguste Fayard fit remarquer à juste titre qu’il n’était fait mention nulle part de Calmin et de Namadie dans les deux plus anciennes Vies de saint Austremoine78. Il est étrange en effet qu’aucun de ces textes ne contiennent la moindre allusion à Calmin, en particulier la Vita II qui exalte l’ancienneté du monastère79. Au contraire, la seconde mention assurée du fondateur Calmin est tirée de la Vita III de saint Austremoine – datée de peu après 1095 au plus tôt –, dans laquelle il est associé à l’ancienneté des lieux80. Reposant de manière évidente sur la connaissance du faux diplôme, la Vita III substitue Pépin le Bref à Pépin II d’Aquitaine mentionné dans les deux précédentes Vies et une fausse date (764) est clairement précisée cette fois-ci81. Par ce procédé, le scribe effaçait définitivement la date authentique de la translation des reliques d’Austremoine ainsi que le souvenir de Pépin II, entérinant la figure de Pépin le Bref comme le véritable bienfaiteur de l’abbaye.

  • 82 Voir sur cet aspect L. Foulquier, Dépôts lapidaires… (op. cit. n. 17), vol. 1, p. 428 et vol. 2 p.  (...)
  • 83 Cette distinction fut sans doute la seule conséquence positive immédiate de cette activité littérai (...)

42En s’inventant un titre d’abbaye royale et en se plaçant sous la protection symbolique de deux hauts dignitaires, les moines pouvaient ainsi justifier une certaine prééminence de leur monastère par rapport aux autres établissements. En outre, la figure de Calmin et l’insistance sur ses origines romaines permettaient d’étayer les discours sur l’antiquité de la fondation. Dans ce cas, les témoins monumentaux remployés dans leur sanctuaire constituaient autant de preuves utiles à cette prétention82. En définitive, et malgré les protestations et les efforts produits par certains membres de cette communauté, le monastère passa sous la tutelle clunisienne, mais obtint cependant de garder son rang abbatial en tant qu’abbaye d’obédience83. Quelques décennies plus tard, le fondateur Calmin et le père de Charlemagne furent une nouvelle fois mis à l’honneur, dans la Vision de Lanfred (vers 1130), écrite dans un contexte historique différent et dans laquelle les remplois antiques de l’abbatiale sont clairement désignés.

Les remplois comme symbole de la victoire du roi

  • 84 A. G. Remensnyder, Remembering Kings Past(op. cit. n. 12), p. 140-141, 246-247 ; A. Dierkens, « U (...)
  • 85 Pour reprendre l’idée théorisée par A. G. Remensnyder, Remembering Kings Past… (op. cit. n. 12), p. (...)

43À la suite d’Amy Remensnyder et d’Alain Dierkens, il nous paraît évident que la rédaction de la Vision de Lanfred ne se comprend que dans un climat de construction durant la première moitié du xiiee siècle, soit avant les tensions entre l’évêque de Clermont et le comte Guillaume VI, soit après84. Les allusions à la construction d’une nouvelle église (à l’emplacement de l’église actuelle) au nord d’un édifice plus ancien laissent entendre que des vestiges d’anciens bâtiments furent mis au jour, peut-être lors de l’édification des bâtiments conventuels liés à l’abbatiale romane, et qu’ils furent alors interprétés comme étant ceux d’avant la translation des reliques de saint Austremoine. La fin du récit est particulièrement intéressante pour notre propos puisque c’est à cet endroit que les remplois de l’abbatiale sont explicitement mentionnés. Même si la rédaction de ce texte est postérieure à l’édification de la crypte et de la tour-porche, ce récit démontre clairement l’importance des remplois, désignés comme des « témoins tangibles » du triomphe de Pépin85.

  • 86 Vie de Calmin, AA SS, août, III, p. 759-762.
  • 87 Ibid., p. 759-762, ici p. 761, 16 : « Qui cum in virtute animi et potentia militari hostes circa se (...)
  • 88 Suger, Vie de Louis le Gros, éd. Auguste Molinier, Paris, Picard, 1887, p. 107-108.
  • 89 La mention d’une récupération de pierres provenant d’une nécropole ou d’une cité antiques voisines (...)
  • 90 Sur la valeur triomphale des remplois dans l’architecture médiévale, voir l’ouvrage riche de réflex (...)

44À travers cette Vision, les moines de Mozac affirment une fois encore le rang de monasterium regale de leur établissement, dans les mêmes termes que ceux employés dans la Vita sancti Calminii, datant probablement des années 113086. Par certains aspects, la Vision de Lanfred peut être rapprochée de cette Vita, dans laquelle le scribe accuse le comte d’Auvergne Guillaume VI d’avoir installé ses troupes et fait fortifier l’abbatiale87. En conflit avec l’évêque à propos de la souveraineté sur la cité de Clermont, le comte fut défait par les troupes de Louis VI qui intervint en 1121 puis en 1126 à la demande de l’évêque Aimeri88. Tandis que dans la Vita sancti Calminii, les moines célèbrent le roi Louis VI pour avoir libéré leur monasterium regale des troupes comtales, dans le même temps ils encensent dans la Visio Lanfredi le roi Pépin le Bref pour avoir fait reconstruire leur sanctuaire avec les pierres de l’antique cité de Clermont89. Les remplois de l’abbatiale, clairement désignés, en même temps qu’ils témoignent de l’ancienneté du site, prennent ainsi une valeur symbolique en célébrant la victoire du roi Pépin sur Clermont, comme un écho aux événements contemporains90. Le but de ces deux textes est évident : mettre un terme définitif aux agissements du comte en se plaçant sous la protection exclusive du roi, lequel se doit d’agir conformément à ses prédécesseurs.

  • 91 Sur cette façon de valoriser les remplois dans l’architecture, voir l’exemple du chevet de la cathé (...)

45Du point de vue architectural, il n’y eut pas cette fois-ci une véritable politique de remploi de matériaux antiques dans les élévations de l’abbatiale romane, mais plutôt la conservation et la mise en avant de parties plus anciennes. C’est le rôle joué par la tour-porche. Par leurs dimensions, leur répartition et leurs trous de louves volontairement disposés en face de parement pour être reconnaissables91, les remplois de la tour-porche témoignaient ainsi d’un passé prestigieux, relaté dans les différents récits produits par cette communauté.

  • 92 Acte de Louis VII connu par une copie datée du 20 septembre 1684, conservée aux archives départemen (...)

46En fin de compte, les moines obtinrent dans le second tiers du xiie siècle bien plus que leurs prédécesseurs à la fin du xie siècle. Outre le titre d’abbaye royale, le monastère se vit confirmer dans un acte de Louis VII daté de 1169 divers privilèges ainsi que de nombreuses possessions mentionnées quelques années auparavant dans la bulle du pape Alexandre III92.

  • 93 Voir la mise au point concernant le contresens fait par L. Foulquier, Dépôts lapidaires… (op. cit. (...)

47Ainsi, les motivations initiales pouvant justifier la présence de nombreux remplois dans l’abbatiale se sont vues enrichies d’autres significations lors des événements marquants de l’histoire de l’abbaye à la fin du xie siècle et au xiie siècle. Textes et architecture furent probablement « édifiés » successivement au xe siècle (Vita II Austremonii puis la tour-porche) et au xie siècle (crypte puis Vita III Austremonii). Puis, les textes seuls au xiie siècle vinrent s’appuyer sur le monument et ses remplois et non l’inverse, avec l’invention de Calmin et de Pépin le Bref comme bienfaiteurs de l’abbaye93.

Les formes architecturales et sculptées au service des prétentions du monastère

  • 94 B. Brenk, « Les églises de pèlerinage… » (art. cit. n. 21), p. 125-139.

48Dans cette partie nous tâcherons de démontrer que les discours écrits, monumentaux ou figurés sont autant d’éléments pouvant être articulés entre eux par le biais du concept de « prétention » développé par Beat Brenk à propos des églises dites de pèlerinage94. Ainsi à Mozac les remplois, les volumes architecturaux mais aussi la sculpture peuvent trouver leur cohérence en les mettant en relation avec les prétentions affichées par la communauté.

L’affirmation de la romanité

  • 95 Entre autres L. Cabrero-Ravel, « Saint-Pierre de Mozac : l’abbatiale romane… » (art. cit. n. 29), p (...)

49L’une des particularités du programme iconographique de l’abbatiale Saint-Pierre de Mozac réside dans le nombre important de scènes figurées puisant au répertoire de l’Antiquité. Si cet aspect a été souligné par plusieurs auteurs95, il mérite néanmoins d’être réexaminé en replaçant cette singularité dans une dynamique plus vaste, en lien avec les prétentions des moines. Nous avons vu dans la première partie que même si certains thèmes figurés appartenaient à la fois à l’art antique et à l’art médiéval, la proportion bien supérieure de motifs antiquisants à Mozac par rapport aux autres édifices du diocèse devait soulever quelques questions.

  • 96 Bruno Phalip, Art roman, culture et société en Auvergne. La sculpture à l’épreuve de la dévotion po (...)

50Ainsi la nef et les bas-côtés de l’abbatiale Saint-Pierre offrent un décor particulièrement riche, où abondent les thèmes figurés antiquisants aux côtés des compositions végétales corinthiennes et « corinthisantes », servi par une extrême qualité plastique. À la suite de Bruno Phalip, nous pouvons distinguer le chœur des moines où prennent place les thèmes bibliques, et la nef dévolue aux fidèles et dans laquelle sont rejetés les thèmes profanes96. Ainsi dans la nef sont rejetés de nombreux chapiteaux à feuillages symbolisant la nature et dans laquelle apparaissent des thèmes profanes (cultivateurs, vendangeurs) et moralisateurs (singe cordé, largesse et avarice), associés à d’anciennes divinités païennes tels les centaures. À l’inverse, le chœur architectural est le lieu où prennent place les thèmes bibliques, mais aussi le monde urbain et ordonné (Prison de saint Pierre, cité de Ninive, Saint-Sépulcre), les figures célestes (anges, Saintes Femmes) et la culture écrite (phylactères).

  • 97 Cf. supra p. 68. Selon Marie-Laure Bertolino et Bruno Phalip, ces deux corbeilles représenteraient (...)

51Les deux corbeilles de l’ancien rond-point du chœur de Mozac figurant des éphèbes nus97 aux côtés des thèmes néotestamentaires constituent donc une nouvelle fois une spécificité en comparaison avec les hémicycles de Notre-Dame-du-Port, Saint-Austremoine à Issoire et Saint-Nectaire qui concentrent uniquement des thèmes bibliques et savants. La signification de ces corbeilles dans ce contexte monumental et iconographique s’éclaire dans la perspective des prétentions de cette communauté autour de la romanité et de l’ancienneté de la fondation de leur abbaye : la surabondance de thèmes figurés antiquisants apparaît comme l’expression d’une volonté d’étayer certains discours par l’adoption du plus grand nombre possible de formes issues de l’art antique. Aussi cette politique délibérée s’est-elle manifestée dans l’architecture par la réutilisation massive de remplois gallo-romains, mais aussi dans la sculpture par l’abondance de thèmes figurés antiquisants, lesquels prenaient place jusque dans le rond-point du chœur. Il ne s’agit en définitive pas seulement d’une simple affinité avec les formes d’un lointain passé – celui des premiers évêques et évangélisateurs, comme saint Austremoine –, mais de la traduction bien tangible d’une intention au service des prétentions du monastère : celle d’entretenir dans la pierre la filiation avec l’Antiquité et Rome, que les moines ne cessèrent de rappeler et de valoriser dans leurs discours écrits à travers la figure du noble sénateur romain Calmin ou bien encore dans les Vitae de saint Austremoine.

52Les prétentions que la communauté mozacoise exprime dans les textes sont au nombre de trois, qui peuvent être résumées de la manière suivante. À travers plusieurs textes, les moines de Mozac prétendent que leur établissement est :

  • le seul lieu « digne de recevoir les reliques de saint Austremoine » (Vita I sancti Austremonii) ;

  • un « monastère royal » ayant bénéficié des largesses du roi Pépin le Bref (Vita sancti Calminii ; Visio Lanfredi ; Faux diplôme de Pépin le Bref) ;

  • une abbaye insigne par son antique fondation, due à un « noble sénateur romain nommé Calminius » (Faux diplôme de Pépin le Bref ; Vita III sancti Austremonii ; Certificat d’authentification des reliques de saint Austremoine).

  • 98 L. Foulquier, Dépôts lapidaires… (op. cit. n. 17), vol. 1, p. 371-379.
  • 99 Michel Rouche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes (418-781) : naissance d’une région, Paris, éd. (...)
  • 100 Ch. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges… (op. cit. n. 18).
  • 101 Ibid., p. 461.
  • 102 Sidoine Apollinaire, Poèmes, vii, v. 139, éd. et trad. André Loyen, Paris, Belles Lettres, 2003, p. (...)
  • 103 Suger, Vie de Louis VI le Gros…, xxviii (éd. cit. n. 88), p. 106 : « Ea etiam tempestatis temperie, (...)
  • 104 Sur la pratique du remploi valorisé, depuis l’Antiquité tardive à la fin du Moyen Âge, voir Lucilla (...)
  • 105 L. Foulquier, Dépôts lapidaires… (op. cit. n. 17), vol. 1, p. 374-375 et 428 ; voir aussi les réfle (...)

53Si nous laissons de côté la seconde prétention relative au titre d’abbaye royale, force est de constater que l’abbatiale romane, aux volumes et aux formes architecturales très élaborés, fournissait de fait un cadre tout à fait digne d’abriter les précieuses reliques détenues par la communauté. De même, par sa sculpture, l’abbatiale donnait aussi l’image d’un édifice magnifié par son décor figuré et ornemental, dans lequel pouvait s’exprimer toute la culture savante des moines. Mais c’est autour de l’idée de « romanité », mise en avant par les moines, que peut être établi un lien plus profond entre formes architecturales, remplois et sculpture. Étudiant les remplois des édifices médiévaux du diocèse de Clermont, Laura Foulquier a montré que les pratiques de récupération faisaient partie intégrante d’un processus réfléchi, destiné à entretenir la romanité que revendiquait l’Église arverne98. À la suite des travaux de Michel Rouche sur l’Aquitaine99 – dont faisait partie le diocèse de Clermont –, Christian Lauranson-Rosaz a bien montré la permanence en Auvergne d’un « sentiment romain » qui perdura au moins jusqu’au xe siècle100. Ainsi la romanité, entendue comme une « rémanence consciente de mentalités romanisantes », était une composante essentielle de la définition de l’identité de l’Auvergne au haut Moyen Âge, laquelle se manifestait dans les noms, les institutions, la conscience des familles nobles, les traditions et les croyances de la société101. Si au ve siècle Sidoine Apollinaire exaltait la filiation de l’Auvergne avec Rome en qualifiant cette région de « terre qui s’enorgueillit d’être de même sang que les Latins »102, cette filiation perdura semble-t-il encore longtemps même au-delà du xe siècle puisqu’elle était raillée par Suger au xiie siècle encore103. Comme on l’a vu à Mozac, et l’on pourrait citer d’autres exemples, la romanité du fondateur Calmin appuyait l’une des prétentions de la communauté, qui l’affirma dans les discours écrits mais aussi par la présence des remplois104. En ce sens, Laura Foulquier a démontré qu’à travers les remplois se manifestait un même sentiment d’appartenance des communautés religieuses du diocèse, fédéré par l’Église arverne105. On a déjà noté que l’abondance de thèmes figurés antiquisants prenant place jusque dans le rond-point du chœur invite à considérer les remplois – mais aussi la sculpture – comme un phénomène intégré à une dynamique plus large d’élaboration de véritables programmes symboliques. Discours écrits, discours architecturaux ou discours figurés participent en fait d’une même volonté de légitimer les prétentions de la communauté et de renforcer la dignité de l’abbaye, en donnant l’image d’un édifice conservant d’antiques vestiges et reproduisant les splendeurs de Rome telle qu’elle était perçue en Auvergne.

Les formes architecturales et les reliques des premiers évêques

  • 106 B. Phalip, « L’historien de l’Art médiéviste face à la géographie des œuvres », dans L’historien en (...)

54Loin de constituer une expérience isolée, l’abbatiale Saint-Pierre de Mozac et sa crypte s’insèrent dans un ensemble de sanctuaires présentant de nombreuses similitudes entre eux, tant en ce qui concerne le plan que les formes architecturales et sculptées. Au sein de ce groupe d’édifices, six d’entre eux, concentrés autour de la cité épiscopale et le long de la vallée de l’Allier, possèdent une crypte et un chevet superposés à déambulatoire et chapelles rayonnantes. Si des comparaisons ont maintes fois été formulées entre ces édifices, peu de chercheurs ont en revanche proposé une lecture pouvant justifier ces choix répétés dans les grands projets monumentaux autour de Clermont et dans le Val d’Allier. Les recherches menées récemment par Bruno Phalip rejoignent le constat fait à Mozac et à Issoire quant au rôle de la mémoire autour des reliques des premiers évêques du diocèse106. Ainsi ces sanctuaires conservaient tous des reliques ou le souvenir des saints évêques du diocèse, à l’image du monastère de Mozac. À partir de ce constat peut être soulevé la question du lien entre ces reliques et les formes architecturales adoptées dans ces églises. En particulier, il s’agit de savoir en quoi la crypte et le chevet développés de l’abbatiale Saint-Pierre de Mozac pouvaient répondre à certaines prétentions de la communauté.

  • 107 B. Phalip, Des terres médiévales en friche... (op. cit. n. 29), vol. 1, p. 98-100, 112-116.
  • 108 B. Phalip, « L’historien de l’art médiéviste… » (art. cit. n. 106), p. 67.

55B. Phalip a montré à travers un vaste corpus la diversité des productions artistiques et des techniques de construction au sein de l’ancien diocèse de Clermont107. Au sein de ce vaste diocèse, il s’est notamment essayé à démontrer que les formes architecturales et sculptées adoptées à Mozac et dans d’autres églises romanes similaires pouvaient être justifiées par l’existence d’une politique épiscopale visant à entretenir et à porter le plus loin possible la mémoire des premiers évêques. Dans leur majorité, les édifices concernés sont répartis en Grande Limagne et dans le Val d’Allier, autour des anciennes terres fiscales et des zones de pénétration de la réforme carolingienne, mais aussi des terres les plus anciennement romanisées puis christianisées. Depuis les plaines urbanisées, les évêques successifs auraient alors tenté de créer une nébuleuse de sanctuaires conservant les reliques ou le souvenir des premiers évêques, grâce aux églises de Volvic (reliques des saints Priest, Avit, Austremoine), Mozac et Issoire (Austremoine), Manglieu (Genès, Bonnet), Cournon (Gal), Coudes (Genès), Orcival (Sidoine, Quintien) ou encore Saint-Nectaire (compagnon d’Austremoine) ; ainsi qu’un ensemble plus lâche d’églises de taille modeste et destinées à porter plus loin le souvenir des saints évêques du diocèse ou de leurs compagnons : Saint-Mary-le-Plain, Saint-Mary-le-Cros, Saint-Avit, Saint-Alyre-ès-Montagnes, Saint-Gal, Saint-Genès-du-Retz, Saint-Priest-d’Auvergne, ou Saint-Quintin-sur-Sioule (Quintien)108. Concrètement, une politique de construction aurait alors été entreprise au xiie siècle autour des principaux sanctuaires dédiés à la mémoire des premiers évêques du diocèse, selon un schéma épiscopal classique réunissant toutes les formes architecturales et les décors issus de l’Antiquité revisités aux époques mérovingienne et surtout carolingienne.

La crypte et le chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes et le concept de « prétention »

  • 109 Nous laissons de côté la crypte de la priorale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Souvigny, dont la part (...)
  • 110 À Billom la collégiale était primitivement dédiée à la Vierge, avant de changer de titulature à la (...)
  • 111 Au xe s., les chanoines du Port héritèrent des reliques de trois saints évêques prestigieux, Avit ( (...)

56Dans l’ancien diocèse de Clermont, deux types de chevets à déambulatoire coexistent au xiie siècle : le premier avec chapelles rayonnantes, le second sans chapelles. Le second type de chevet existe bien, mais en nombre limité, avec les sites de Saint-Saturnin, Veauce, Cournon et peut-être Chauriat, tandis que le premier type, avec chapelles rayonnantes, l’emporte très largement avec les sites de Clermont (cathédrale et collégiale du Port), Chamalières, Billom, Volvic, Mozac, Saint-Myon, Artonne, Maringues, Ennezat ( ?), Gannat, Châtel-Montagne, Souvigny, Saint-Nectaire, Orcival, Issoire, Brioude et Saint-Urcize. Au sein de ce groupe, une cathédrale, trois collégiales (Notre-Dame-du-Port, Orcival, Billom) et deux abbatiales (Mozac, Issoire), possèdent une crypte et un chevet superposés à déambulatoire et chapelles rayonnantes109. Dans le cas des collégiales, le parallèle avec la cathédrale de Clermont est évident puisqu’elles reprennent la dédicace à Notre-Dame et le même nombre de chapelles rayonnantes110. Tandis que Notre-Dame-du-Port abritait les restes précieux des saints évêques Avit, Gall et Sigon, Notre-Dame d’Orcival conservait ceux des évêques Sidoine et Quintien111. Dans le cas des abbatiales, celle de Mozac reproduisait le même nombre de chapelles qu’à la cathédrale, tandis qu’à Issoire les moines ont opté pour une chapelle de plus, dans l’axe, dédiée à la Vierge, selon un plan que l’on ne retrouve dans le diocèse qu’à Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Souvigny, au nord. Le fait que les deux seules abbatiales de ce groupe restreint d’édifices comportant crypte et chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes se soient disputé les reliques du premier évêque n’est sans doute pas pour rien dans l’adoption de ce type de plan sur deux niveaux. On l’a vu, ces deux communautés avaient de fortes prétentions, et l’édification d’un sanctuaire magnifié par la combinaison de multiples références antiquisantes et classiques représentait un moyen d’expression très puissant pour défendre les intérêts de chaque communauté.

  • 112 B. Brenk, « Les églises de pèlerinage… » (art. cit. n. 21), p. 125-139.
  • 113 Par exemple Saint-Guilhem-le-Désert : B. Brenk, « Les églises de pèlerinage… » (art. cit. n. 21), p (...)
  • 114 Ibid., p. 126-127, 133-134.

57Si la question de l’accès aux reliques et des circulations a pu motiver les choix des commanditaires, l’aspect symbolique des constructions monumentales était tout aussi essentiel. Le choix d’édifier un chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes reposant sur un socle signifiant et valorisant ainsi cette partie du sanctuaire, nous paraît révélateur de l’image que se faisaient d’elles-mêmes les communautés et celle qu’elles voulaient donner à voir. Sur ce point, le concept de « prétention » tel que l’a développé Beat Brenk nous paraît tout à fait pertinent dans le cas de Mozac et d’autres grands sites du diocèse112. Comme le fait remarquer cet auteur, bon nombre d’églises possédant ce type de chevet développé, théoriquement conçu pour la circulation de nombreux fidèles, n’étaient cependant pas réputées pour leur pèlerinage. À l’inverse, des édifices sans déambulatoire et chapelles rayonnantes et sans doubles collatéraux et autres espaces qui auraient pu faciliter les circulations étaient pourtant des lieux très fréquentés113. À partir d’exemples précis (Toulouse, Rouen, Pise, etc.), Beat Brenk démontre qu’en choisissant d’édifier une église aux formes architecturales les plus sophistiquées et les plus prestigieuses possibles, les commanditaires pratiquaient ainsi une véritable « propagande monumentale », destinée à la fois à servir la mémoire du saint et à satisfaire les espoirs des fidèles114.

58Même si cette idée de « propagande monumentale » peut paraître excessive en général, elle s’avère pourtant très juste dans le cas de Mozac, où la crypte toute entière et tous les autres espaces de l’abbatiale répondent à la notion de « prétention ». À une politique de remploi massive, les moines joignirent une activité scripturaire très intense avec entre autres d’impressionnants catalogues de miracles destinés à soutenir l’action des reliques de saint Austremoine. Surélevé par une crypte développée, les chevets de Mozac, d’Issoire et d’Orcival étaient de cette façon mis en valeur. L’équilibre harmonieux des volumes et la structure pyramidale de ces chevets étaient en plus magnifiés par les décors de marqueterie, cordons de billettes et autres colonnettes à chapiteau sculpté, contrastant ainsi avec la nudité des façades occidentales. Si certains de ces sanctuaires comme Notre-Dame d’Orcival étaient des lieux de pèlerinages assez importants, il n’en était pas de même pour bon nombre d’autres sanctuaires reprenant ce type de chevet. L’adoption à Mozac et dans d’autres églises d’une crypte et d’un chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes apparaît également comme la traduction d’une prétention, celle d’annoncer et de médiatiser le culte des reliques du saint détenues par les principales communautés monastiques et canoniales du diocèse.

  • 115 E. Sparhubert, Les commandes artistiques des chapitres… (op. cit. n. 2). Voir aussi sur le rôle des (...)
  • 116 Ainsi « […] en 1083 sont miraculeusement retrouvées les reliques de saint Amand, mentor de saint Ju (...)
  • 117 Ibid., p. 143-144.
  • 118 Ibid., p. 162-187.
  • 119 Ibid., p. 199-233.

59Dans ce sens, Éric Sparhubert a montré à travers les exemples des collégiales de Saint-Junien, du Dorat ou encore de Saint-Léonard-de-Noblat, dans le diocèse de Limoges, les parallélismes et les concordances qui existaient entre construction monumentale et construction hagiographique autour des reliques détenues par plusieurs communautés canoniales115. Ainsi à Saint-Junien, la construction de la collégiale dans la seconde moitié du xie siècle et sa consécration en 1100 furent l’occasion pour le chapitre d’instituer de nouveaux cultes autour de saints personnages liés à l’histoire de saint Junien. Leurs reliques furent alors miraculeusement retrouvées lors de travaux de fondations et leur culte ravivé lors de la cérémonie de 1100116. En outre, le nouveau chœur architectural de la collégiale romane enveloppait et reposait en partie sur les murs de l’oratoire primitif correspondant à l’emplacement originel du tombeau de saint Junien ; de cette façon le fondateur était associé métaphoriquement aux fondations de l’église117. Au Dorat, le processus est inversé puisque le projet monumental précéda le culte des reliques. La crypte et le chevet superposés, à déambulatoire et chapelles rayonnantes, mais aussi les sarcophages-reliquaires précédèrent les reliques des saints chanoines Israël et Théobald alors déposées dans la crypte en 1130 lors de la consécration des parties orientales de la collégiale. Peu de temps après ces événements, de nombreux miracles eurent lieu et furent alors consignés dans un recueil destiné à instituer (tout comme le projet monumental) ce nouveau culte118. Dernier exemple, à Saint-Léonard-de-Noblat, le culte de Léonard, longtemps demeuré confidentiel, prit soudain une ampleur considérable à partir des années 1020-1030 tandis que la collégiale s’embellit au gré des reconstructions et agrandissements aux xie et xiie siècles. En particulier, l’imposant chevet du xiie siècle à déambulatoire et chapelles rayonnantes (au nombre de sept) apparaît comme une manifestation évidente de la volonté du clergé de signaler l’importance du culte et le prestige des reliques détenues en ce lieu119.

  • 120 Conrad Rudolph, The « Things of Greater Importance ». Bernard of Clairvaux’s « Apologia » and the M (...)

60Par cette double construction, monumentale et hagiographique, les chanoines pratiquaient ainsi une forme de « propagande monumentale » ou plutôt « d’investissement monastique », un principe observé chez les moines clunisiens et dénoncé par saint Bernard en 1125120. L’adoption à Mozac et dans d’autres sites d’une crypte et d’un chevet développés représentait un moyen d’offrir un cadre à la fois digne d’abriter les reliques de saints évêques et susceptible d’en rehausser l’importance. En définitive, la crypte et le chevet de l’abbatiale Saint-Pierre de Mozac participaient d’une même dynamique générale, destinée à prolonger dans la pierre les discours et les prétentions de la communauté.

Conclusion

61Le renouvellement des connaissances archéologiques concernant l’église abbatiale de Mozac, mais aussi la mise en comparaison avec les récits produits au sein de la communauté monastique, permettent de proposer une analyse articulée des discours écrits, architecturaux et figurés mettant en lumière la manière dont le thème de l’Antiquité est mis au service des prétentions de l’abbaye. De même que les constructions textuelles, véritables monuments au service de la mémoire du monastère, recouvrent plusieurs types de sources écrites échelonnées sur plusieurs siècles, de même l’abbatiale est composée de différentes parties plus ou moins anciennes et dont chacune possède sa symbolique propre. Ainsi la tour-porche, la crypte ou bien encore les sculptures de la nef ou celles de l’hémicycle constituent autant de « discours monumentaux » ayant leur signification particulière, mais aussi un sens plus large en rapport avec les autres espaces dans l’édifice. Les deux types de discours coïncident parfois, mais peuvent aussi se répondre successivement. L’exemple des remplois illustre très bien ces décalages et les ajouts successifs quant aux significations données à ces témoins d’un passé réinventé. Autant de reconstructions mémorielles qui nous invitent à ne pas voir dans ces « monuments » de pierre et de parchemin un sens univoque, mais bien une pluralité de sens, dont la compréhension est difficile pour nous à saisir. Au-delà de cette étude de cas, de ces quelques pistes et de cette approche par laquelle peut être perçue une certaine cohérence entre des éléments disparates, il sera nécessaire d’élargir la réflexion à d’autres édifices, en tenant compte des aspects liés à la liturgie, afin de pouvoir examiner les rapports qui pouvaient exister entre fonctions pratiques et fonctions symboliques.

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Notes

1 Sur cette approche renouvelée du monument, voir Hélène Toubert, Un art dirigé. Réforme grégorienne et iconographie, Paris, Cerf, 1990 ; L’image : fonctions et usages des images dans l’Occident médiéval. Actes du 6e International Workshop on Medieval Societies », Centre Ettore Majorana (Erice, Sicile, 17-23 octobre 1992), dir. J. Baschet et J.-C. Schmitt, Paris, Léopard d’or, 1996 ; L’artiste et le commanditaire aux derniers siècles du Moyen Âge (xiiie-xvie siècles), dir. F. Joubert, Paris, Presses de l’université de Paris-Sorbonne, 2001 ; Art, cérémonial et liturgie au Moyen Âge. Actes du colloque de 3e cycle romand de Lettres, Lausanne-Fribourg, 24-25 mars, 14-15 avril, 12-13 mai 2000, éd. N. Bock, P. Kurmann et s. Romano, Rome, Viella, 2002 ; Dominique Iogna-Prat, La Maison Dieu. Une histoire monumentale de l’Église au Moyen Âge, Paris, Seuil, 2006.

2 Sur cet aspect, voir Didier Méhu, « Au-delà de l’archéologie, de l’histoire des textes et de l’histoire de l’art. Les discours des “monuments’’ de la cathédrale de Maguelone du XIIe au XIVe siècle », Cahiers de civilisation médiévale, 53/1, 2010, p. 23-52. Sur le parallèle entre constructions hagiographiques et constructions monumentales, voir Éric Sparhubert, Les commandes artistiques des chapitres de chanoines séculiers et leurs enjeux. Édifier et célébrer à Saint-Junien (xie-xiiie siècle), thèse de doctorat [dactyl.], Université de Poitiers, 2008, 2 vol. 

3 Recueil des actes de Pépin Ier et de Pépin II, rois d’Aquitaine (814-848), éd. Léon Levillain, Paris, Imprimerie nationale, 1926, p. 227-242 dont p. 238-242.

4 L’acte daté de 864 témoignant d’échanges de terres entre l’abbé Lanfred et Bernard, comte de Brioude et sa femme Ermengarde, est tiré d’un manuscrit du xviie s. élaboré à partir du cartulaire de Brioude, perdu, édité par Henri Doniol dans Cartulaire de Brioude. Liber de honoribus sancto Juliano collatis, Paris/Clermont-Ferrand, Académie des sciences, belles lettres et arts de Clermont-Ferrand, 1863, no 176, p. 187-189 ; la Vita prima sancti Austremonii [désormais Vita I] a été éditée par Guillaume van Hooff, dans les Acta sanctorum [désormais AA SS], novembre, I, p. 49-54.

5 L’acte de l’évêque Durand est édité par Alexandre Bruel dans Recueil des chartes de l’abbaye de Cluny, t. V,1091-1210, Paris, Imprimerie nationale, 1894, no 3697 p. 45-46 ; le diplôme de Philippe Ier est édité par Maurice Prou dans le Recueil des actes de Philippe Ier roi de France (1059-1108), Paris, Imprimerie nationale, 1908, no cxxxv, p. 342-343, d’après l’original de la BnF, collection de Bourgogne, vol. 79, no 162 ; pour la mention dans la bulle du pape Urbain II cf. Patrologie latine 151, no cxxxvii, col. 410-412.

6 Selon A. Dierkens, ces textes auraient plutôt été produits dans le courant du xiie s., après la Vie de saint Calmin (datée de vers 1130) pour la fausse charte de Pépin le Bref, et peut-être tard dans le xiie s. pour la troisième Vie de saint Austremoine : Alain Dierkens, « Une abbaye médiévale face à son passé. Saint-Pierre de Mozac du ixe au xiie siècle », dans Écrire son histoire. Les communautés régulières face à leur passé. Actes du 5e colloque international du CERCOR, Saint-Étienne 6-8 novembre 2002, Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2005 p. 71-105 dont p. 103-104. Pour la bibliographie portant sur l’histoire de l’abbaye, nous renvoyons également le lecteur à cet article très concis et riche de réflexions.

7 La Visio Lanfredi est éditée par Bruno Krusch, « Aufzeichnung des Abtes Lamfred von Mozac, über Kônig Pippins Beziehungen zu seinem Kloster », Neues Archiv der Gesellschaft für ältere deutsche Geschichtskunde, 19, 1894, p. 17-25, d’après le texte original conservé à la bibliothèque municipale de Clermont-Ferrand, ms. 147, f. 147v ; La Vie de saint Calmin est connue uniquement par l’édition qu’en a fait Christophe Pasturel dit Thomas d’Aquin de Saint-Joseph, d’après un auteur anonyme, dans son Histoire de la vie de sainct Calmine, Tulle, 1646, col. 337-354 ; édition reprise dans AA SS, août, III, Paris, 1867, p. 759-762.

8 Denis Hénault, Rapport de synthèse sur les études d’élévations de l’église Saint-Pierre de Mozac (Puy-de-Dôme) menées de 2007 à 2011, dernière année d’étude (15 septembre - 15 octobre 2011), SRA/DRAC Auvergne, 2012 ; Id., Mozac (Puy-de-Dôme), étude archéologique du bâti de la tour-porche de l’église Saint-Pierre. Rapport d’intervention (1er-30 septembre 2010), SRA/DRAC Auvergne, 2010 ; Id., La crypte de l’abbatiale romane Saint-Pierre de Mozac. Bilan des recherches menées sur trois ans en histoire, histoire de l’art et archéologie du bâti (2004-2006 et 2007-2008), rapport [dactyl.], Clermont-Ferrand, 2008, 217 pages.

9 Ainsi les volumes architecturaux et une partie des décors de l’abbatiale romane ont pu être restitués. Voir les restitutions dans D. Hénault, Rapport de synthèse sur les études d’élévations… (op. cit. supra), documents et annexes.

10 Nous ne reprendrons pas ici toutes les références bibliographiques, et renvoyons aux articles suivants qui récapitulent toutes les références et les différentes propositions sur l’ancienne abbatiale et sa crypte. Sur l’abbatiale toute entière : Laurence Cabrero-Ravel, « Saint-Pierre de Mozac », dans Cluny 910-2010, onze siècles de rayonnement, dir. N. Stratford, Paris, Éd. du Patrimoine, 2010, p. 220-229. Sur la tour-porche, voir Denis Hénault, « Saint-Pierre de Mozac, la tour-porche et l’abbatiale du haut Moyen Âge », Bulletin historique et scientifique de l’Auvergne [désormais BHSA], 110 (fasc. 780-781), 2009, p. 47-82 ; sur la crypte : Id., « La crypte de l’abbatiale romane Saint-Pierre de Mozac. Les acquis de l’étude archéologique du bâti » dans BHSA, 108 (fasc. 774-775), 2007, p. 25-64.

11 D. Hénault, La crypte de l’abbatiale romane… (op. cit. n. 8), p. 91-146.

12 Amy G. Remensnyder, Remembering Kings Past. Monastic Foundation. Legends in Medieval Southern France, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 1995.

13 Ibid.; sur Mozac: p. 55, 77-78, 90-91, 104-106, 114, 144, 243-247.

14 Ibid., p. 104-106.

15 Nous reviendrons naturellement sur ces textes et leur contenu dans la seconde partie de cet article.

16 Ibid., p. 140-141, 246-247.

17 Laura Foulquier, Dépôts lapidaires, réutilisations et remplois (Antiquité-haut Moyen Âge). Pour une nouvelle approche de la christianisation et des sanctuaires de l’ancien diocèse de Clermont au Moyen Âge, thèse de doctorat [dactyl.], Université Blaise Pascal – Clermont II, 2008, 4 vol. 

18 Christian Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges (Velay, Gévaudan) du viiie au xie siècle : la fin du monde antique ?, Le Puy-en-Velay, Éd. des Cahiers de la Haute-Loire, 1987.

19 L. Foulquier, Dépôts lapidaires, réutilisations et remplois… (op. cit. n. 17), vol. 1, p. 24, 343, 375-381.

20 Ibid., p. 291-293, 321-326.

21 Beat Brenk, « Les églises de pèlerinage et le concept de prétention », dans Art, cérémonial et liturgie au Moyen Âge… (op. cit. n. 1), p. 125-139.

22 Le chiffre peut être porté à 252 « témoins » si l’on ajoute trois blocs (dont deux éléments d’architrave) dispersés près de l’église. Voir l’inventaire des remplois (situation, nature, matériau, dimensions, traces d’outils, particularités) dans D. Hénault, La crypte de l’abbatiale romane Saint-Pierre de Mozac. Bilan… (op. cit. n. 8), annexe 2, p. 196-198.

23 Voir la liste et les notices dans L. Foulquier, Dépôts lapidaires, réutilisations et remplois… (op. cit. n. 17), vol. 2.

24 Ibid., vol. 1, p. 400-401, 419-421.

25 Des blocs masqués par du crépi ou placés en fondations peuvent ainsi échapper à nos observations.

26 C’est ce qui ressort d’une enquête comparant la quantité de remplois antiques recensés dans une dizaine d’églises du diocèse : D. Hénault, La crypte de l’abbatiale romane Saint-Pierre de Mozac. Bilan… (op. cit. n. 8), p. 99. Le même constat quant à cette géographie des remplois est fait par L. Foulquier, Dépôts lapidaires… (op. cit. n. 17), vol. 1, p. 428. Par ailleurs un phénomène similaire est observable dans le diocèse voisin du Puy, avec une forte concentration de remplois antiques dans la cité épiscopale (cathédrale, baptistère Saint-Jean), à Saint-Michel d’Aiguilhe ou un peu plus loin à Saint-Germain-Laprade.

27 Remarquons que le Libellus de ecclesiis Claromontanis (ms. Clermont-Ferrand, bibl. mun., 147, f. 149-150v) inclut les églises de Chamalières dans la liste des églises de Clermont dans la seconde moitié du xe s., évoquant ainsi l’imbrication étroite des territoires des deux actuelles communes : Jean-Luc Fray, « Clermont en 1095 », dans Le concile de Clermont de 1095 et l’appel à la croisade. Actes du colloque universitaire international de Clermont-Ferrand (23-25 juin 1995), Rome, École française de Rome, 1997 (Collection de l’École française de Rome, 236), p. 9-21 dont p. 15.

28 Sur tout ce qui précède quant aux témoins permettant une telle restitution, voir supra n. 9.

29 Plusieurs auteurs ont étudié les sculptures de l’abbatiale romane, et nous n’aborderons que les éléments intéressant notre problématique en dressant un rapide inventaire chiffré. Sur la sculpture à Mozac, cf. Bernard Craplet, L’Auvergne romane [5e éd.], Saint-Léger-Vauban, Zodiaque, 1978, p. 122-129 ; Zygmunt Swiechowski, Sculpture romane d’Auvergne, Clermont-Ferrand, De Bussac, 1973, p. 35-37, 221-225, 332-348, 357-360 ; Laurence Cabrero-Ravel, « Saint-Pierre de Mozac : l’abbatiale romane », dans Congrès archéologique de France, Basse-Auvergne – Grande Limagne, 158e session, 2000, Paris, Société française d’archéologie, 2003, p. 313-324 ; Bruno Phalip, Des terres médiévales en friche. Pour une étude des techniques de construction et des productions artistiques montagnardes : l’exemple du diocèse de Clermont. Face aux élites, une approche des « simples » et de leurs œuvres, dossier HDR [dactyl.], Université Blaise Pascal – Clermont II, 2001, 15 vol., vol. 5, p. 298-299 ; Jean Wirth, L’image à l’époque romane, Paris, Cerf, 1999, p. 154-172 ; Id., La datation de la sculpture médiévale, Genève, Droz, 2004, p. 242-256.

30 Les cinq premières corbeilles du gouttereau sud datent de l’extrême fin du xve s., au moment des transformations gothiques de l’abbatiale.

31 La première corbeille est celle des Vents de l’Apocalypse, extraite en 1983 du chevet gothique. La seconde et la troisième, représentant respectivement les Saintes Femmes au tombeau et des éphèbes nus dans des feuillages, furent découvertes dans la partie centrale de la crypte par l’architecte Mallay en 1849. Les deux corbeilles suivantes furent découvertes par l’abbé Luzuy en 1903 dans la partie sud de la crypte. L’une, figurant des éphèbes nus dans des feuillages, a été déposée au musée lapidaire. L’autre, représentant des anges brandissant les Incipit des Évangiles, est aujourd’hui à Londres.

32 Le linteau de l’ancien portail sud représente la Vierge à l’Enfant accompagnée des saints Pierre et Jean et d’un cortège de clercs. Le linteau conservé au musée Mandet à Riom est consacré à la Cène.

33 Ainsi peut-on voir dans l’église les thèmes de Jonas, de Tobie et de Samson et le lion (même corbeille), de la Cupidité et de la Largesse, des dragons (2 scènes), des vendangeurs, et des cultivateurs (2 scènes).

34 D’une manière générale sur la filiation de ces scènes avec celles de l’art antique : Z. Swiechowski, Sculpture romane d’Auvergne… (op. cit. n. 29), p. 190-193, 257-326.

35 Voir les nombreux exemples romains dans Émile Espérandieu, Recueil général des bas-reliefs, statues et bustes de la Gaule romaine, Paris, Imprimerie nationale/PUF, 15 tomes, 1931-1955, fig. 2944, 3334, 3746, 3839, 4090, 4425, 4875, 5437, 5520, 5897, 6159, 8466.

36 Précisons enfin qu’une corbeille figurant des sirènes est remployée au niveau des anciens bâtiments conventuels (salle capitulaire). Nous ne pouvons la compter avec les sculptures de l’abbatiale, puisqu’elle peut très bien provenir du cloître ou des bâtiments disparus du monastère roman.

37 L. Cabrero-Ravel, « Saint-Pierre de Mozac : l’abbatiale romane… » (art. cit. n. 29), p. 322-323.

38 Selon la classification établie par Marie-Laure Bertolino – et sans oublier deux thèmes vétérotestamentaires – : Marie-Laure Bertolino, Répartition des thèmes iconographiques romans dans l’ancien diocèse de Clermont : une cartographie des programmes à l’échelle diocésaine, mémoire de master 2 [dactyl.], Université Blaise Pascal – Clermont II, 2005, 4 vol., vol. 1, p. 68.

39 Visio Lanfredi (éd. cit. n. 7), p. 25 : « Nam hic basilica est a te edificanda, sciasque hunc locum tibi commissum a Deo renovandum ac in proprio honore, ut olim iam fuerat, reparandum […]. Que vestigia clementissimus rex conspiciens, iussit, ut basilica mire magnitudinis construeretur in eodem loco, deditque inmensum pondus auri et argenti ad construendum templum et monasterii necessaria cunta ».

40 Ibid. : « Qui postquam ad exercitum rediit, multa paria boum con plaustris, honeratis ex lapidibus quadris, quos ex civitatis parte magna exercitus destruxerat, iussit adduci ».

41 D. Méhu, « Au-delà de l’archéologie… » (art. cit. n. 2).

42 Pierre-François Fournier, « Recherches sur l’histoire de l’Auvergne. Saint Austremoine, premier évêque de Clermont. Son épiscopat, ses reliques, ses légendes », BHSA, 89, 1979, p. 417-471 dont p. 440.

43 À partir du milieu du xiie s., l’importance des reliques de saint Austremoine à Mozac décroît et le culte de saint Calmin prend progressivement le relais. Cependant on constate encore un vif attachement aux restes de ce premier saint, puisque ses reliques font l’objet d’une authentification en 1197. Sur cet aspect, voir P.-F. Fournier, « Recherches sur l’histoire de l’Auvergne… » (art. cit. supra), p. 446-455.

44 Faux diplôme de Pépin le Bref (éd. cit. n. 3), p. 238-242 ; la Vita prima sancti Austremonii (éd. cit. n. 4) est connue par deux manuscrits, l’un daté du xie s. et l’autre du xiiie s., tous deux conservés à la Bibliothèque municipale de Clermont-Ferrand (ms. 147, f. 1-8 et ms. 148, f. 195-202).

45 P.-F. Fournier, « Recherches sur l’histoire de l’Auvergne... » (art. cit. n. 42), p. 429.

46 Ibid., p. 427 : « […] quand il est question de Mozac, le ton devient publicitaire, comme nous dirions aujourd’hui : l’auteur ne craint pas de faire intervenir la volonté divine pour justifier la seconde translation, et il proclame que seul le monastère de Mozat était capable d’honorer convenablement les reliques de saint Austremoine […]. La première partie relate ce qui s’est passé à Issoire sans en prendre prétexte pour louer la ville ni son monastère, la seconde, au contraire, est un panégyrique de Mozat ».

47 À propos des différences entre les deux parties de la Vita, Pierre-François Fournier dit ceci « […] ou bien un moine de Mozat, écrivant une Vie du saint, aurait résumé d’abord sèchement les événements qui l’intéressaient peu, car ils ne concernaient pas son monastère, et donné ensuite libre cours à son enthousiasme à partir de la deuxième translation ; ou bien une Vie existant avant cette deuxième translation a été reprise et complétée par un moine de Mozat, en y ajoutant la relation des événements postérieurs au départ des reliques d’Issoire » (P.-F. Fournier [art. cit. n. 42], p. 428).

48 Cette Vita secunda sancti Austremonii est connue par un manuscrit conservé à la Bibliothèque royale de Bruxelles, 8550, f. 11-17 v. Elle a été éditée par Guillaume van Hooff, AA SS, novembre, I, p. 55-61.

49 Ibid., p. 59 et 61 : « Haec ergo ducentium manibus Mauziacensis basilicae atria ingressa, ante beati martyris Austremonii mausoleum se poni debere rogavit. In sinistra itaque parte canceli, quod curvatura maceriae tegitur… ».

50 Chacun des trois manuscrits compte soit la totalité soit partiellement les deux versions. Le premier manuscrit, daté du xie s., est conservé à la bibliothèque du Vatican sous la cote 486 de la collection de la reine Christine de Suède, f. 1-39. Il est le seul des trois manuscrits à contenir les quatre chapitres et a été édité par Philippe Labbe, Novae Bibliothecae manuscriptorum librorum, t. II : Rerum aquitanicarum praesertim bituricensium, Paris, 1657, p. 482-505, et Guillaume van Hooff AA SS, novembre, I, p. 61-80 reprenant à la fois le manuscrit et l’édition LABBE. Le second manuscrit, daté du xiie s., est conservé à Clermont-Ferrand, bibl. mun., 732, f. 57-72, et ne contient que la Revelatio et les Miracula. Le troisième manuscrit, du xiie s., est conservé à la BnF à Paris, ms. lat. 5365 et comprend le Prologue, la Vita et la Passio. Pour plus de détails sur la tradition des versions de la Vita III, voir P.-F. Fournier, « Recherches sur l’histoire de l’Auvergne… » (art. cit. n. 42).

51 Vita III, éd Ph. Labbe (éd. cit. supra), p. 482-505, ici p. 503.

52 Charte interpolée de Pépin II d’Aquitaine (éd. cit. n. 3), p. 238-242 : « […] dominatione sancti Austremonii, primi presulis Arvernorum, et sancti Petri apostoli et sancti Caprasii martyris jure proprietario cenobitis… » ; charte de 864 (éd. cit. n. 4) : « […] constructum in honorem beati Petri apostolorum principis et sancti Caprasii martyris, ubi moderno tempore beatus Stremonius martyr, primus Arvernorum episcopus et praedicator, corpore requiescit, una per consensum monachorum ibi consistentium… ».

53 Confirmation du pape Urbain II (éd. cit. n. 5) : « Ad haec adjicimus ut monasterium S. Stremonii de Mauzaca… ».

54 P.-F. Fournier, « Recherches sur l’histoire de l’Auvergne… » (art. cit. n. 42), p. 454, 455 et 461.

55 Voir le certificat d’authentification des reliques du saint à Mozac, daté de 1197 : Vérification des reliques de saint Austremoine à Mozac, dans P. Labbe, Novae Bibliothecae… (op. cit. n. 50), p. 505-507.

56 Pierre-André Sigal, L’homme et le miracle dans la France médiévale : xie-xiie siècle, Paris, Cerf, 1985, p. 106 et 316 ; Edina Bozóky, La politique des reliques de Constantin à saint Louis. Protection collective et légitimation du pouvoir, Paris, Beauchesne, 2006, p. 23 et ss. ; voir aussi l’exemple de la Bourgogne dans l’introduction rédigée par Vincent Tabbagh à l’ouvrage collectif Les clercs, les fidèles et les saints en Bourgogne médiévale (xie-xve siècle), éd. V. Tabbagh, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2005, p. 7-10.

57 Aaron J. Gourevitch, La culture populaire au Moyen Âge, « simplices et docti », Paris, Aubier, 1996, p. 81-83 ; André Vauchez, La spiritualité du Moyen Âge occidental, viiie-xiie siècles, Paris, PUF, 1975, p. 147 ; Joseph-Claude Poulin, L’idéal de sainteté dans l’Aquitaine carolingienne d’après les sources hagiographiques : 750-950, Québec, Presses de l’université Laval, 1975, p. 56 et 109.

58 On retrouve le même réflexe à l’abbaye Saint-Remi de Reims, où les moines rédigèrent une Vita dressant la liste des miracles qui ont suivi la translation des reliques de saint Gibrien, le 16 avril 1145, laquelle se déroula avec la même solennité qu’à Mozac, en présence de tout le clergé et d’une immense foule : P.-A. Sigal, L’homme et le miracle… (op. cit. n. 56), p. 179-180.

59 Nous reprenons ci-dessous l’analyse faite par P.-F., « Recherches sur l’histoire de l’Auvergne… » (art. cit. n. 42), p. 456-464.

60 Dans la Vie de saint Martial de Limoges, écrite dans les premières décennies du xie s., nous retrouvons la même volonté du scribe de vouloir mettre l’emphase sur les origines lointaines du saint, en l’associant aux actions de saint Pierre. Voir la Vie de Saint-Martial, éd. AA SS, juin, VII, p. 490-525.

61 Voir aussi Dom Pierre de Monsabert, Chartes et documents pour servir à l’histoire de l’abbaye de Charroux, Poitiers, Société française d’imprimerie et de librairie, 1910.

62 Les détails du récit du retour du chef d’Austremoine à Issoire sont par ailleurs relatés dans Vérification des reliques de saint Austremoine… (op. cit. n. 55), p. 505-507, qui reprend la légende des moines d’Issoire.

63 Pour P.-F. Fournier, « Recherches sur l’histoire de l’Auvergne… » (art. cit. n. 42), p. 463, ce passage pourrait correspondre à une critique, par personne fictive interposée, du monastère d’Issoire « devenu rival de celui de Mozac ».

64 Vita III : « Est igitur locus antiqua nobilitate valde eximius, et religione praeclarissimus, ab Arvernica urbe decem discans millibus, vocabulo Mausiacus », éd. P. Labbe (éd. cit. n. 50), p. 502.

65 Voir sur ce point D. Hénault, « La crypte de l’abbatiale romane Saint-Pierre de Mozac » (art. cit. n. 10), p. 25-64.

66 Vita I (éd. cit. n. 4, p. 53, 14) : « Postmodum vero a regulari iterum Mausiacense cœnobio placuit transferri, in qui loco quantas per ill[um] Dominus dignatus est operari virtutes, miracula, signa, non est virium mearum exponere. Sed ne in futurum fabulosa credantur quae hadhuc nova cernuntur panea de miraculis quae per illum in eodem monasterio Dominus fecit adgrediamur. Nam isdem locus sub tanta debilitate erat adtritus, quia inter omnia opulentia sublimis habebatur, ut jam vix propter oppressionem pravorum hominum ibidem servientium monachi esuriem valerent adquiri. Sed postea Domino annuente, ejus intercedentibus meritis et precibus, ad tantum recuperatus est honorem ut sublimiter majoribus exaequaret locis et nil frugi haberet in cunctis. »

67 D. Hénault, La crypte de l’abbatiale romane Saint-Pierre de Mozac. Bilan… (op. cit. n. 8), p. 47-53.

68 Sur ce sujet, voir les articles d’auteurs français et étrangers dans Remploi, citation, plagiat. Conduites et pratiques médiévales (xe-xiie siècle), éd. P. Toubert et P. Moret, Madrid, Casa de Velázquez, 2009. En particulier voir l’article de Michel Zink, « Le remploi, marque du temps perdu et du temps retrouvé », p. 1-8.

69 Pour plus de détails sur Calmin, sa Vie, sa légende, son identité réelle et la période à laquelle il vécut, voir D. Hénault, Le site monastique de Mozac au Moyen Âge (viie-xve siècle), étude historique, archéologique et spatiale, mémoire de master 2 [dactyl.], Université Blaise Pascal – Clermont II/C.H.E.C, 2005, 2 vol., vol. 1, p. 148-153 faisant le point sur les différentes théories et exposant les nôtres ; P.-F. Fournier, « Recherches sur l’histoire de l’Auvergne… » (art. cit. n. 42), p. 442-450 ; Ch. Lauranson-Rosaz et Pierre Ganivet, « Saint-Chaffre des origines aux lendemains de l’an Mil : une abbaye en marge », dans Les bénédictins de Saint-Chaffre du Monastier. Histoire et archéologie d’une congrégation. Actes du colloque des 7, 8 et 9 novembre 1997 tenu au Monastier-sur-Gazeille, éd. B. Sanial et al., Le Puy, Éd. des Cahiers de la Haute-Loire, 1998, p. 27-43 ; Auguste Fayard, « Aux origines du Monastier », Bulletin historique et scientifique de la Société académique du Puy et de la Haute-Loire, 47, 1971, p. 13-69 ; Id., « Saint-Théofrède du Monastier », ibid., 49, 1973, p. 47-107.

70 Voir à ce sujet ce qu’en dit L. Levillain dans le Recueil des actes de Pépin… (éd. cit. n. 3), p. 238-242, repris en grande partie par P.-F. Fournier, « Recherches sur l’histoire de l’Auvergne… » (art. cit. n. 42), p. 442-450 ; voir aussi A. G. Remensnyder, Remembering Kings Past… (op. cit. n. 12), p. 306-308.

71 Acte de Durand édité dans Recueil des chartes de l’abbaye de Cluny… (éd. cit. n. 5), no 3697, p. 45-46.

72 PL (loc. cit. n. 5).

73 Recueil des actes de Pépin… (éd. cit. n. 3), p. 236.

74 Recueil des actes de Philippe Ier(éd. cit. n. 5), no CXXXV, p. 342-343.

75 Arlette Maquet, Cluny en Auvergne (910-1156), thèse de doctorat [dactyl.], Université Paris I – Panthéon-Sorbonne, 2006, vol. 2, p. 468-471 ; A. Dierkens, « Une abbaye médiévale face à son passé… » (art. cit. n. 6), p. 102 ; Marcel Pacaut, Les ordres monastiques et religieux au Moyen Âge, Paris, Nathan, 1993, p. 86-88 et p. 104-107.

76 Par ex. le témoignage de Gilon, qui dans la Vie d’Hugues de Semur dénonce l’attitude de certains des moines de Mozac, lesquels protestèrent violemment contre ce qu’ils considéraient alors comme une ingérence de l’abbé clunisien ; Gilo, Vita sancti Hugonis abbatis, éd. H. E. J. Cowdrey, « Memorials of Abbot Hugh of Cluny (1049-1109) », Studi Gregoriani, 11, 1978, p. 85-86.

77 A. G. Remensnyder, Remembering Kings Past(op. cit. n. 12), p. 114.

78 A.. Fayard, « Aux origines du Monastier… » (art. cit. n. 69), p. 32-33.

79 Ibid. p. 33, l’auteur rappelle la manière dont est désigné le monastère dans la seconde Vie : « […] insigne par son antique noblesse, situé à dix milles de la ville d’Arverne […] illustre par les noms de saint Pierre apôtre et de saint Caprais martyr, […] à quoi saint Austremoine a encore joint la gloire de son nom ». Auguste Fayard remarque aussi que l’on ne sait presque rien sur Namadie – laquelle aurait fondé le prieuré de Marsat –, et que le faussaire aurait ajouté dans le préambule du faux diplôme de Pépin en s’inspirant d’un fait avéré par ailleurs.

80 Vita III éd. Ph. Labbe (éd. cit. n. 50), p. 502 : « Est igitur locus antiqua nobilitate valde eximius, et religione praeclarissimus, ab Arvernica urbe decem discans millibus, vocabulo Mausiacus : quem locum antiquis in temporibus Calminius construxit, Romuleae urbis Senator egregius… »

81 Ibid., p. 502-503 : « Anno ab Incarnationis Domini nostri Iesu Christi DCCLXIIII. Indictione II. regnante vero domno Pipino anno XXIIII acta est haec translatio. Eodem tempore imperabat Romanis Constantinus filius Leonis Imperatoris. ».

82 Voir sur cet aspect L. Foulquier, Dépôts lapidaires… (op. cit. n. 17), vol. 1, p. 428 et vol. 2 p. 325-326. Voir aussi A. Maquet, Cluny en Auvergne (910-1156)… (op. cit. n. 75), vol. 2, p. 491 et 583.

83 Cette distinction fut sans doute la seule conséquence positive immédiate de cette activité littéraire. Jusqu’à la fin de l’ancien Régime, l’abbé de Mozac bénéficia d’une place fort honorable dans les listes de préséance clunisienne : A. Dierkens, « Une abbaye médiévale face à son passé… » (art. cit. n. 6), n. 50, p. 82.

84 A. G. Remensnyder, Remembering Kings Past(op. cit. n. 12), p. 140-141, 246-247 ; A. Dierkens, « Une abbaye médiévale face à son passé… » (art. cit. n. 6), p. 96.

85 Pour reprendre l’idée théorisée par A. G. Remensnyder, Remembering Kings Past… (op. cit. n. 12), p. 140-141.

86 Vie de Calmin, AA SS, août, III, p. 759-762.

87 Ibid., p. 759-762, ici p. 761, 16 : « Qui cum in virtute animi et potentia militari hostes circa se positos domuisset, Arvernicam gentem, consueta perfidia contra se rebellantem, in manu potenti violenter invadens, prima fronte Mosiacensem ecclesiam, quam adversus eum Arvernicus comes munierat, fortissimus expugnator obtinuit. ».

88 Suger, Vie de Louis le Gros, éd. Auguste Molinier, Paris, Picard, 1887, p. 107-108.

89 La mention d’une récupération de pierres provenant d’une nécropole ou d’une cité antiques voisines se retrouve par exemple dans un texte du xiiie siècle relatant la construction de la cathédrale de Modène un siècle plus tôt : Philippe Bernardi et Daniela Esposito, « Recyclage, récupération, remploi. Les diverses formes d’usage de l’“ancien’’ dans l’architecture du xe au xiiie siècle », dans Remploi, citation, plagiat… (op. cit. n. 68), p. 191-210.

90 Sur la valeur triomphale des remplois dans l’architecture médiévale, voir l’ouvrage riche de réflexions et d’exemples de Michael Greenhalgh, Marble Past, Monumental Present. Building with Antiquities in the Mediaeval Mediterranean, Leyde/Boston, Brill, 2009 p. 141-145 ; voir aussi les pages consacrées aux différents types de remplois en marbre p. 182-212.

91 Sur cette façon de valoriser les remplois dans l’architecture, voir l’exemple du chevet de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste à Lyon : Nicolas Reveyron, « Exploitation des pierres dans leurs potentialités techniques et esthétiques : l’exemple de Lyon au Moyen Âge », dans Pierres du patrimoine européen. Économie de la pierre de l’Antiquité à la fin des Temps modernes, actes du colloque de Château-Thierry, 18-21 octobre 2005, éd. F. Blary, J.-P. Gély, J. Lorenz, Paris, CTHS, 2008, p. 167-183.

92 Acte de Louis VII connu par une copie datée du 20 septembre 1684, conservée aux archives départementales du Puy-de-Dôme (désormais A.D.P.D.D.), série 5 H 27. Le roi déclare qu’à l’exemple de ses prédécesseurs, il met le monastère sous sa protection et sauvegarde, ce que ses successeurs feront aussi en émettant des lettres portant confirmation des droits et des biens de l’abbaye de Mozac : Philippe Auguste en 1217, Louis VIII en 1224, Louis IX en 1269, Charles VII en 1460 et Charles VIII en 1490. La bulle d’Alexandre III mentionne aussi le droit de sépulture dans l’enceinte monastique et le droit de libre élection de l’abbé. Elle est également connue par une copie du xviie s. (A.D.P.D.D., série 5 H 27). Tous ces documents ont été édités et traduits par Anne Joly, Temporel d’une abbaye auvergnate au Moyen Âge : Mozac (1095-1560), mémoire de maîtrise [dactyl.], Université Blaise Pascal – Clermont II, 2001, p. 195-198.

93 Voir la mise au point concernant le contresens fait par L. Foulquier, Dépôts lapidaires… (op. cit. n. 17), vol. 1, p. 292-293, à propos de l’importance présumée de saint Calmin par rapport à saint Austremoine, et l’anachronisme qui découle de ce raisonnement quant à l’utilisation des remplois, dans D. Hénault, La crypte de l’abbatiale romane Saint-Pierre de Mozac. Bilan… (op. cit. n. 8), p. 108-109.

94 B. Brenk, « Les églises de pèlerinage… » (art. cit. n. 21), p. 125-139.

95 Entre autres L. Cabrero-Ravel, « Saint-Pierre de Mozac : l’abbatiale romane… » (art. cit. n. 29), p. 320 ; J. Wirth, L’image à l’époque romane… (op. cit. n. 29), p. 163-169.

96 Bruno Phalip, Art roman, culture et société en Auvergne. La sculpture à l’épreuve de la dévotion populaire et des interprétations savantes, Clermont-Ferrand, Publications de la faculté des Lettres et Sciences humaines de Clermont-Ferrand, 1997, consacre tout un chapitre à cette question : « Espace sacré, espace divisé » p. 179-218. À Mozac la répartition des thèmes n’est pas fortuite, et nous avons démontré dans une réflexion portant sur les circulations internes en rapport avec la crypte, qu’il existait un parcours symbolique entre d’un côté les moines venant du cloître au sud, et de l’autre les pèlerins arrivant du bourg au nord : D. Hénault, La crypte de l’abbatiale romane Saint-Pierre de Mozac. Bilan… (op. cit. n. 8), p. 133-144.

97 Cf. supra p. 68. Selon Marie-Laure Bertolino et Bruno Phalip, ces deux corbeilles représenteraient plutôt des acrobates. Néanmoins les auteurs reconnaissent que ce thème apparaît comme un intrus dans le rond-point du chœur, et ne savent comment le justifier. Il nous semble au contraire qu’il ne peut s’agir du thème des acrobates car ceux-ci se tiennent toujours les jambes, comme en témoignent les exemples de Mentières, Vebret, Laval-sur-Doulon, Clermont, Issoire, ou bien encore Pont-du-Château. À Mozac, il s’agit probablement de figures tirées de représentations d’un cortège bachique, comme on peut en voir sur des bas-reliefs antiques. Dans ce sens, remarquons qu’à Mozac les éphèbes tiennent des grappes de raisins et offrent des expressions très variées comme peut en provoquer l’ivresse (joie, colère). De plus, il convient de noter la très forte parenté entre les hommes nus accroupis dans des feuillages de l’église Saint-Marcellin de Chanteuges et ceux de Mozac. Sur les références évoquées dans cette note : M.-L. Bertolino, Répartition des thèmes iconographiques romans… (op. cit. n. 38), vol. 1, p. 130 ; B. Phalip, Des terres médiévales en friche... (op. cit. n. 29), vol. 5, p. 299.

98 L. Foulquier, Dépôts lapidaires… (op. cit. n. 17), vol. 1, p. 371-379.

99 Michel Rouche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes (418-781) : naissance d’une région, Paris, éd. de l’EHESS, 1979 ; cf. aussi la version dactylographiée : L’Aquitaine des wisigoths aux arabes (418-781), 2 vol., thèse de doctorat d’État, Université Paris I – Panthéon Sorbonne, 1977.

100 Ch. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges… (op. cit. n. 18).

101 Ibid., p. 461.

102 Sidoine Apollinaire, Poèmes, vii, v. 139, éd. et trad. André Loyen, Paris, Belles Lettres, 2003, p. 59.

103 Suger, Vie de Louis VI le Gros…, xxviii (éd. cit. n. 88), p. 106 : « Ea etiam tempestatis temperie, Alvernorum pontifex Claromontensis, vir honeste vite et defensor ecclesie illustris, et pulsatus et pulsus Alvernorum superbia nova et antiqua, que eis titulatur : Alvernique ausi Lacios se fingere fratres […] ».

104 Sur la pratique du remploi valorisé, depuis l’Antiquité tardive à la fin du Moyen Âge, voir Lucilla de Lachenal, Spolia. Uso e reimpiego dell’antico dal III al XIV secolo, Milan, Longaseni, 1995 ; Joseph Alchermes, « Spolia in Roman Cities of the Late Empire : Legislative Rationales and Architectural Reuse », Dumbarton Oaks Papers, 48, 1994, p. 167-178 ; voir aussi les exemples de Saint-Denis, Auxerre, Flavigny, Jouarre, Vienne, Magdebourg ou encore de Volturno : Antike Spolien in der Architektur des Mittelalters und der Renaissance, dir. J. Poeschke, Munich, Hirmer, 1996.

105 L. Foulquier, Dépôts lapidaires… (op. cit. n. 17), vol. 1, p. 374-375 et 428 ; voir aussi les réflexions sur les notions d’« identité », de « tradition » et de « transmission », ibid., p. 371-381.

106 B. Phalip, « L’historien de l’Art médiéviste face à la géographie des œuvres », dans L’historien en quête d’espaces : actes du colloque, Printemps 2002, dir. J.-L. Fray et C. Pérol, Clermont-Ferrand, Presses de l’université Blaise Pascal, 2004, p. 53-73.

107 B. Phalip, Des terres médiévales en friche... (op. cit. n. 29), vol. 1, p. 98-100, 112-116.

108 B. Phalip, « L’historien de l’art médiéviste… » (art. cit. n. 106), p. 67.

109 Nous laissons de côté la crypte de la priorale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Souvigny, dont la partie centrale semble toujours avoir été un simple terre-plein.

110 À Billom la collégiale était primitivement dédiée à la Vierge, avant de changer de titulature à la suite du transfert des reliques de saint Cerneuf : Gabriel Fournier, Le peuplement rural en Basse-Auvergne durant le haut Moyen Âge, Paris, Presses universitaires de France, 1962, p. 181. À l’image de la cathédrale, on peut penser que les deux vocables aient pu coexister pendant un temps.

111 Au xe s., les chanoines du Port héritèrent des reliques de trois saints évêques prestigieux, Avit (v. 571/580-v. 590/594), Gall (525-551), et Sigon (ixe s.) : Émmanuel Grélois, Territorium civitatis. L’empire de l’Église sur l’espace d’une cité et de ses environs : Clermont au xiiie siècle, thèse de doctorat [dactyl.], Université Paris I – Panthéon-Sorbonne, 2003, p. 215-222. Notre-Dame d’Orcival conservait les reliques des évêques Sidoine (v. 470-479) et Quintien (v. 515-525).

112 B. Brenk, « Les églises de pèlerinage… » (art. cit. n. 21), p. 125-139.

113 Par exemple Saint-Guilhem-le-Désert : B. Brenk, « Les églises de pèlerinage… » (art. cit. n. 21), p. 131 et ss.

114 Ibid., p. 126-127, 133-134.

115 E. Sparhubert, Les commandes artistiques des chapitres… (op. cit. n. 2). Voir aussi sur le rôle des chapitres dans la création artistique : Claude Andrault-Schmitt et al., « Orgueil et préjugés : le Limousin et l’invention artistique au Moyen Âge (xie-xiiie siècles) », dans Le Limousin, pays et identités. Enquêtes d’Histoire (de l’Antiquité au xxie siècle), Limoges, PULIM, 2006, p. 175-209.

116 Ainsi « […] en 1083 sont miraculeusement retrouvées les reliques de saint Amand, mentor de saint Junien, sur le site réputé être celui de l’ermitage primitif, à l’endroit où le chapitre avait projeté de construire une église en son honneur ». De même les reliques de l’évêque Rorice sont retrouvées lors des travaux de fondations de la nouvelle collégiale de Saint-Junien : E. Sparhubert, Les commandes artistiques des chapitres… (op. cit. n. 2), p. 30 et p. 126-145.

117 Ibid., p. 143-144.

118 Ibid., p. 162-187.

119 Ibid., p. 199-233.

120 Conrad Rudolph, The « Things of Greater Importance ». Bernard of Clairvaux’s « Apologia » and the Medieval Attitude Toward Art, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1990 ; voir aussi E. Sparhubert, Les commandes artistiques des chapitres… (op. cit. n. 2), p. 155 et 253.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. — Plan général de l'église Saint-Pierre, proposition de phasage. (Dessin Denis Hénault.)
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Titre Fig. 2. — Remplois antiques monumentaux de la crypte (a) et de la tour-porche (b). (Clichés Denis Hénault.)
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Titre Fig. 3. — Répartition des remplois antiques dans la tour-porche. (Dessin Denis Hénault.)
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Titre Fig. 4. — Répartition des remplois antiques dans Ia crypte. (Dessin Denis Hénault.)
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Titre Fig. 5. — Le monastère de Mozac et son abbatiale vers 1450, vue tirée de l’Armorial de Guillaume Revel (ms. Paris, BnF, 22297, f. 120).
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Titre Fig. 6. — Plans comparés des cryptes et des parties hautes des abbatiales romanes d’Issoire et de Mozac, à la même échelle. (Dessin Denis Hénault.)
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Pour citer cet article

Référence papier

Denis Hénault, « L’abbatiale romane Saint-Pierre de Mozac et l’héritage de l’Antiquité. Un projet monumental au service des prétentions d’une communauté monastique »Cahiers de civilisation médiévale, 217 | 2012, 57-84.

Référence électronique

Denis Hénault, « L’abbatiale romane Saint-Pierre de Mozac et l’héritage de l’Antiquité. Un projet monumental au service des prétentions d’une communauté monastique »Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 217 | 2012, mis en ligne le 01 juillet 2024, consulté le 12 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/19052 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/128rq

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Auteur

Denis Hénault

Historien de l’art diplômé de l’université Blaise Pascal/Clermont II C.H.E.C. (Centre d’Histoire, espaces et cultures), Maison des sciences de l’Homme, 4 rue Ledru, 63000 Clermont-Ferrand

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