Cynthia White. — From the Ark to the Pulpit : an Edition and Translation of the « Transitional » Northumberland Bestiary (13th century)
Cynthia White, From the Ark to the Pulpit : an Edition and Translation of the « Transitional » Northumberland Bestiary (13th century), Louvain-la-Neuve, Université catholique de Louvain, 2009, XXIX-436 pp., 29 h.-t. (Textes, Études, Congrès, 24).
Texte intégral
1Avec ce titre évocateur – « De l’arche au pupitre » – C. White, professeur à l’université d’Arizona (Tucson), donne le ton à l’édition et à la traduction en anglais du NorthumberlandBestiary (auparavant Alnwick Bestiary). Ce bestiaire, rédigé en Angleterre vers 1250, a été acquis par le musée J. Paul Getty en 2007 (ms. 100) et est un des bestiaires latins du Moyen Âge parmi les plus développés et les plus riches grâce à ses cent douze miniatures.
2Ce livre, qui honore la riche collection des publications de l’Institut d’études médiévales de l’université catholique de Louvain, s’inscrit dans la lignée des travaux pionniers conduits par M. R. James à qui l’on doit le premier système de classification par « familles » des bestiaires médiévaux (Bestiary : Being A Reproduction in Full of Ms. Ii 4. 26 in the University Library, Cambridge, with supplementary plates from other manuscripts of English origin, and a preliminary study of the Latin bestiary as current in England, Oxford, 1928) puis par F. McCulloch (Medieval Latin and French Bestiaries, Chapel Hill, 1962). Il participe surtout à un mouvement – entamé il y a une vingtaine d’années – de mise en valeur des grands bestiaires latins des xiie et xiiie s. avec l’édition de l’Aviarium d’Hugues de Fouilloy (Willene B. Clark, The Medieval Book of Birds, Hugh of Fouilloy’s Aviarum, Binghamton/New York, 1992), puis celle du bestiaire de la « seconde famille » (Id., A Medieval Book of Beasts, The Second-Family Bestiary. Commentary, Art, Text & Translation, Woodbridge, 2006).
3À présent, C. White nous offre l’édition et la traduction longtemps attendue du Northum-berland Bestiary, version dite « de transition », qui se situe entre les familles I et II du bestiaire latin. Cet ouvrage est particulièrement précieux car, contrairement à l’édition de W. B. Clark qui n’avait pas retenu les parties consacrées aux végétaux pour ne s’en tenir qu’au « bestiaire » proprement dit, C. White a choisi de livrer toutes les composantes du texte qui allie les divers règnes naturels. Ainsi, on dispose pour la première fois des sections consacrées à l’homme (âme, esprit, corps, les cinq sens…), à son anatomie (tête, membres, organes, sang…) et ses âges (les six étapes de la vie, la mort…) ainsi qu’aux arbres (parties, variétés, gomme, résine…), le tout largement inspiré d’Isidore de Séville et de ses Étymologies. Ces connaissances sont regroupées dans les quatre dernières sections (sur quatorze) : chap. xi, De natura hominis/On the Nature of Man ; chap. xii, De partibis corporis/On the Parts of the Body ; chap. xiii, De aetatibus hominum/ On the Ages of Man ; chap. xiv, De arboribus/ On Trees). Il faut aussi retenir la brève section dédiée à l’eau (chap. viii, De aqua/On Water) et en particulier à ses vertus curatives. La première section (chap. i, Creatio mundi/Creation of the World) s’intéresse à « la Création du monde » avec les cinq modes, les six âges et les six jours de la Création ainsi qu’à Adam et Ève.
4Mais comme tout bestiaire qui mérite son nom, c’est aux animaux que s’attache la plus grande part du Northumberland Bestiary. La deuxième section (chap. ii, Nomina animalium/Naming the Animals) porte sur la nomination des animaux par Adam tandis que la troisième – très brève – est consacrée aux oiseaux et à leur nom (chap. iii, Aves/Birds), les différentes espèces d’oiseaux (31 en tout : vautour, cygne, grue, perroquet, halcyon, perdrix, pie…) étant présentées dans la sixième section (chap. vi, De avibus/On Birds). La cinquième – et la plus longue – concerne le « Livre des bêtes » (chap. v, Liber bestiarum/ The Book of Beasts) qui étudie en premier le roi des animaux, le lion, puis, pêle-mêle, l’antilope, l’onocentaure, le hérisson, le renard, l’unicorne, le castor, la hyène, l’hydre, le crocodile, la sirène, la chèvre, l’onagre, le singe, la panthère, en tout 57 « bêtes ». La septième section se penche sur les poissons (chap. vii, De piscibus/On fishes), la neuvième sur les serpents (chap. ix, De serpentibus/On Serpents) et la dixième sur les vers (chap. x, De vermibus/On Worms). Il faut saluer, en sa qualité d’éminente latiniste, la bonne tenue de la traduction de C. White qui rend enfin accessible à un large public cette vaste encyclopédie du savoir médiéval.
5Par son titre (From the Ark to the Pulpit) et dans son introduction, C. White choisit de mettre l’accent sur le caractère d’aide à la prédication qu’assume le texte, ce qui se marque, entre autres, par l’inclusion de matériaux de sermons. Cela est particulièrement visible avec le chapitre iv intitulé Sermo/Sermon et placé entre le iii (Aves) et le v (Liber bestiarum). Ce sermon « au pécheur qui veut plaire à Dieu » explique comment il doit suivre trois guides spirituels (l’amour de Dieu, la bonne volonté, le travail sérieux) pour obtenir les trois dons spirituels (lamentation du cœur, vraie confession, vraie pénitence). Ce sermon ne fait aucune référence directe au bestiaire et par sa position (au milieu de sections consacrées aux animaux) il semble tomber « comme un cheveu sur la soupe ». Pourtant, grâce aux « potions de l’âme » qui permettent au pécheur d’accomplir pleinement « le voyage de la vie » afin d’atteindre « l’innocence dans la simplicité, l’harmonie dans la charité, la modestie dans l’humilité, la pitié dans le soin au pauvre » (p. 66), c’est en fait tout le monde animal, minutieusement décrit dans les sections encadrant le sermon, qui offre à l’homme une multitude d’exemples salutaires. La prédication (en liaison avec l’essor des ordres mendiants) se retrouve au centre du bestiaire tout comme la nature et l’animal se situent au cœur de la Création. Ainsi C. White rappelle que le Northumberland Bestiary « peut être relié au corpus des artes predicandi » (p. ix) et les nombreuses anecdotes animalières deviennent autant d’outils pour le prédicateur, insérés comme exempla dans les sermons. Alors que W. Clark, dans son édition de 2006, insistait sur la fonction des grands bestiaires comme textes d’école, C. White prend ici position dans un débat qui n’est sans doute pas encore clos, et dont la solution demanderait un examen approfondi de tous les manuscrits de ces textes.
6L’ouvrage propose l’édition du texte latin avec un apparat critique des variantes en pied de page et, en regard, la traduction anglaise avec notes en fin de section, relatives aux sources et parallèles. On pourrait peut-être regretter que l’A. ne procède pas réellement à une étude de sources, se contentant d’avancer les parallèles possibles dans les textes antérieurs au Northumberland Bestiary, sans trancher. Mais c’est une récolte qui, par ailleurs, s’avère utile. On appréciera l’inclusion en fin de volume d’une généreuse iconographie, sur une trentaine de planches qui offrent la reproduction en noir et blanc de cinquante-deux miniatures (sur les cent douze que compte le manuscrit). Les historiens de l’art y trouveront de précieux matériaux de comparaison. Notons enfin la présence de divers index (références bibliques et index général) qui complètent un ouvrage dont il faut louer la qualité et l’intérêt.
7Le Northumberland Bestiary permet de mieux comprendre comment les grands bestiaires latins des xiie et xiiie s. constituent à la fois une sorte de synthèse « scientifique », aboutissement d’une longue tradition quelque peu « fossilisée » et dépendante d’Isidore de Séville, et un outil pédagogique mis au service d’une préoccupation « moderne », incarnée par les ordres mendiants, celle de la prédication. Le liber naturae ne renvoie plus seulement au liber scripturae, il soutient dorénavant la Parole divine exprimée avec force par les prédicateurs, une libération en quelque sorte.
Pour citer cet article
Référence papier
Jacques Voisenet, « Cynthia White. — From the Ark to the Pulpit : an Edition and Translation of the « Transitional » Northumberland Bestiary (13th century) », Cahiers de civilisation médiévale, 216 bis | 2011, 513-514.
Référence électronique
Jacques Voisenet, « Cynthia White. — From the Ark to the Pulpit : an Edition and Translation of the « Transitional » Northumberland Bestiary (13th century) », Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 216 bis | 2011, mis en ligne le 01 juillet 2024, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/18588 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/128t7
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