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Comptes rendus

Eugène Volsky. — Vladimir Monomaque. Bréviaire du Prince

Jean-Pierre Arrignon
p. 512-513
Référence(s) :

Eugène Volsky, Vladimir Monomaque. Bréviaire du Prince, Montpellier, Sources russes, 2007, 232 pp., 1 tabl., 1 carte.

Texte intégral

1En guise d’introduction, l’A. précise que « le contact avec les sources doit être une occasion de joie et que le rôle du traducteur est de rendre l’esprit de l’original » (p. 3) ; nous ne pouvons que souscrire à ces déclarations d’intention. D’autres assertions sont plus discutables : ainsi, bannir toute forme d’introduction et prétendre que le contact avec le texte suffit à donner une intelligence suffisante de l’œuvre. D’autres sont regrettables : ne pas donner le texte original en regard de la traduction pour éviter toute confusion ! Ce sont là, à mon sens, des prises de position théoriques tout-à-fait regrettables pour une bonne compréhension des textes anciens.

2La première partie présente trois traductions, l’Épitre à Oleg Sviatoslavitch (p. 5-8), le Bréviaire du prince (p. 9-23) et le Portrait de Vladimir Monomaque (1053-1125) par le métropolite Nicéphore (p. 25) ; la seconde partie nous donne les textes vieux-russes (p. 29-51) ; la troisième partie est consacrée aux commentaires (p. 35-201) ; enfin en annexe est fourni une chronologie couvrant la période 1053-1125 ; la bibliographie (p. 221-226) un tableau généalogique simplifié (p. 227-228) enfin une carte de la Russie au temps de Vladimir Monomaque (p. 229). Telle est l’économie générale de l’ouvrage.

3Les traductions proposées sont bonnes, même si le texte n’est pas nécessairement respecté. Il cite : « Si quelqu’un dit j’aime Dieu et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur » (p. 5). Or le texte use du même verbe « ljublju ». Haïr, n’est pas synonyme de ne pas aimer ! « Nous te donnerions aussi une province [ = volost’] » (p. 7-8), le volost’ est « une unité territoriale et administrative » (D. Eeckaute, Thesaurus des institutions de l’ancienne Russie (xie-xviiie s.), Paris, 1986, p. 122-123, que l’on traduit généralement par « canton rural » (A. Eck, Le Moyen Âge russe, Paris, 1968, p. 108) et non par province. Dans ce même article « Dieu m’est témoin de la sainte [ = čestnyi] Croix » cet adjectif correspond exactement à glorieuse comme dans le Psaume, croix glorieuse et vivifiante.

4Le second volet de l’ouvrage est consacré au « bréviaire » du prince (p. 9-23). Une première remarque nous semble s’imposer : pourquoi avoir traduit le vocable vieux russe poučen’e par bréviaire, alors qu’il s’agit plutôt d’un « enseignement » ? Ainsi il eût été facile de le comparer aux célèbres « Enseignements de saint Louis à ses fils ».

5Le texte est bien traduit même si l’on peut contester quelques choix, par exemple p. 18-35 « nous leur enlevâmes nos vassaux/zem’či (p. 4[-35]) ainsi que nos prisonniers ». Il est toujours risqué d’employer un terme emprunté à une autre civilisation, ici la société féodale occidentale, nous croyons qu’il eût été préférable d’employé l’expression « gens de service » ; de même pour la traduction de smerd par manant (p. 19-37 et 45-37) ou de čadi (p. 46-38) par « vassaux » (p. 19-38).

6Le troisième volet est le Portrait de Vladimir Monomaque extrait de la lettre du métropolite Nicéphore (p. 25 et 51) dont la traduction n’appelle pas de remarques particulières.

7La dernière partie de l’ouvrage est consacrée aux commentaires des trois œuvres données en édition et traduction. L’A. procède à une analyse précise de chacun des paragraphes. Il justifie de commencer par l’Épitre à Svjatoslav dont il estime la rédaction en 1096 avant celle du Bréviaire (p. 55) ; Les commentaires sont précis mais comportent parfois des erreurs, par ex. l’usage du titre de tsar (p. 56 par les princes des xie et xiie s. est réservé aux princes décédés comme l’a bien montré V. Vodoff. Nous regrettons surtout le recours à la Geste du Prince Igor (p. 60, dont chacun admet aujourd’hui qu’il s’agit d’un faux !).

8Les commentaires du Bréviaire (p. 85-200) sont menés avec la même précision, même si nous déplorons les élucubrations curieuses, sans fondement et sans intérêt concernant un article de I. U. Budovnits (p. 87). En règle générale, l’A. utilise avec pertinence ses commentaires pour apporter d’intéressantes précisions, par ex. concernant les traineaux mortuaires (p. 94-95) ou l’hésychasme (p. 131-132), ou encore la pratique de la chasse (p. 150 et 196-197). Comme nous le voyons, les commentaires constituent un précieux et utile complément pour les lecteurs.

9Enfin, il ne faut pas douter que l’autobiographie de Monomaque vise à se présenter comme le modèle du bon prince (p. 148) dont tous les actes sont inspirés par Dieu et dont la mission est d’assumer la justice du Prince, dans la fermeté, mais dans la clémence inhérente aux chrétiens. À ce titre, nous regrettons que l’A. n’ait pas fait la moindre allusion aux Enseignements de saint Louis. C’eût été utile !

10En conclusion, nous tenons à féliciter la démarche de l’A. de mettre à la portée des non-slavisants des textes majeurs de la culture russe médiévale ; nous souhaitons longue vie à la collection « sources russes » et considérons que ce travail a naturellement sa place dans toutes les bibliothèques des universités.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Pierre Arrignon, « Eugène Volsky. — Vladimir Monomaque. Bréviaire du Prince »Cahiers de civilisation médiévale, 216 bis | 2011, 512-513.

Référence électronique

Jean-Pierre Arrignon, « Eugène Volsky. — Vladimir Monomaque. Bréviaire du Prince »Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 216 bis | 2011, mis en ligne le 01 juillet 2024, consulté le 22 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/18573 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/128t6

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