Carmela Vircillo Franklin. — Material Restoration. A Fragment from Eleventh-Century Echternach in a Nineteenth-Century Parisian Codex
Carmela Vircillo Franklin, Material Restoration. A Fragment from Eleventh-Century Echternach in a Nineteenth-Century Parisian Codex, Turnhout, Brepols, 2009, XVI-242 pp., 19 ill., 1 carte (Cursor Mundi, 7).
Texte intégral
1Le titre de ce livre présenté sous une belle reliure rouge condense en dix mots l’histoire d’un fragment de manuscrit de l’abbaye d’Echternach au Grand-Duché du Luxembourg, envoyé par les commissaires de la République à la Bibliothèque nationale de Paris le 12 octobre 1802 et passé ensuite dans un recueil de fragments relié en 1818. Cette histoire en apparence très simple est en fait assez complexe en raison du genre de textes copiés sur ce fragment : une charte de donation en faveur de l’abbaye, datée de 996/997, et deux hymnes notées d’un auteur inconnu, qui ont néanmoins une certaine valeur pour l’histoire de la littérature latine du xie s. : c’est précisément la tâche vraiment difficile que C. V. Franklin s’est assignée en reprenant minutieusement l’histoire du fragment, puis la réédition critique des textes et des mélodies et enfin leur analyse littéraire dans le contexte de la patristique et de la littérature latine médiévale.
2Dans l’introduction l’histoire des déplacements du fragment, objet de ce livre, est clairement retracée grâce à une illustration de l’A. : la charte de donation, pliée en deux au xie s. pour être collée sur le plat inférieur de la reliure du manuscrit contenant les ouvrages de Macrobe, Salluste et Calcidius (l’actuel ms. Paris, BnF, lat. 10195), fut détachée de son support en 1817 pour être insérée l’année suivante dans le recueil de fragments du ms. Paris, BnF, lat. 9488, f. 77-78v. Pour étudier de plus près tous les éléments de l’histoire des textes contenus dans ce fragment, la méthode qui s’impose est celle de la « nouvelle philologie », c’est-à-dire la philologie traditionnelle appuyée sur la codicologie et la paléographie, définies comme « philologie matérielle » (p. 6-7).
3Dans la première partie de l’ouvrage, intitulée « Les temps modernes », il est d’abord question dans le premier chapitre de la fragmentation de la recherche, défaut caractérisé par le fait que la seconde hymne du bifolium inséré dans le recueil de fragments du ms. lat. 9488 est restée inédite jusqu’en 2009, alors que plusieurs chercheurs avaient étudié ou publié la première hymne dédiée à un abbé d’Echternach. B. Bischoff, premier éditeur du texte de l’hymne Salve abba mitissime en 1950, puis en 1967, avait intégré ce texte dans la catégorie des Caritas-Lieder ou chants célébrant la distribution de pain et de vin aux moines après le sermon de l’abbé au chapitre les jours de fête : B. Bischoff en attribuait la composition à Régimbert (1051-1081), mais sans replacer les allusions à l’eucharistie dans le contexte des ouvrages de théologie du ixe au xiie s.
4Pour J. Schroeder, l’hymne aurait été composée par Thiofrid, successeur de Régimbert, mais sa confrontation des œuvres de Thiofrid aux citations implicites de la Bible dans les strophes de l’hymne est insuffisante pour entraîner l’adhésion totale à sa proposition. D’autre part, il est évident que les études antérieures centrées sur ce fragment sont parfois restées incomplètes en raison de leur méthode de recherche limitée seulement à un des aspects du problème, par ex., l’analyse du texte sans tenir compte de la relation texte-musique dans l’analyse de ces hymnes.
5Le chap. ii examine l’histoire de la bibliothèque d’Echternach, fondée en 698 par saint Willibrord (658-739), originaire de Northumbrie. En 1718, Echternach fut visité par les deux mauristes Dom Edmond Martène et Dom Ursin Durand qui firent remarquer dans leur Voyage littéraire que les guerres de religion du xvie s. n’avaient pas occasionné de pertes dans la bibliothèque. En fait, ce sont les guerres de la Révolution française qui furent déterminantes pour l’enlèvement des livres et œuvres d’art des abbayes de Belgique, du Luxembourg et de Lombardie.
6En 1802, J.-B. Maugérard fut délégué par l’administrateur de la Bibliothèque nationale, J.-A. Capperonnier, pour choisir les manuscrits d’Echternach, d’Orval, de Saint-Maximin de Trèves, de Prüm et d’Himmerod afin de les expédier à Paris : l’opération fut réalisée le 11 octobre 1802 par l’envoi de quatre-vingt-un manuscrits d’Echternach et trois manuscrits d’Orval emballés dans deux caisses confiées à un voiturier de Metz : les deux listes de livres expédiés à Paris, l’une dressée par Maugérard, l’autre par son assistant Ortolany, sont éditées et commentées en appendice à ce chapitre (p. 78-91).
7C’est grâce à ces listes que C. Franklin a pu reconstituer l’histoire des textes qu’elle commentera dans la seconde partie de son livre : en effet, à la fin de la description du manuscrit contenant les ouvrages de Macrobe, Salluste et Calcidius (l’actuel ms. lat. 10195), J.-B. Maugérard a ajouté : « * ad calcem libri habentur laudes alicujus abbatis de Epternach per quemdam hujus abbatis Professum. + », indication précieuse à retenir pour la future discussion au sujet de l’auteur de l’hymne Salve abba mitissime insérée maintenant dans le recueil de fragments liturgiques coté lat. 9488, En 1989, J. Schroeder m’invita à décrire cet intéressant recueil de fragments pour Willibrord (Luxembourg, 1989), édité à l’occasion du 1250e anniversaire de la mort de l’apôtre des Frisons.
8Le 20 novembre 1815, à la Conférence de Paris qui suivit la défaite de Napoléon, les puissances signataires du traité exigèrent la restitution des « prises révolutionnaires » : cependant, comme le Luxembourg n’était pas représenté à cette conférence, les manuscrits d’Echternach demeurèrent donc à Paris, mais avec leur ex-libris soigneusement effacé (p. 65). À partir de 1860, le Luxembourg présenta officiellement à la France plusieurs demandes de restitution des manuscrits d’Echternach, mais ces réclamations restèrent sans réponse.
9En 1862, L. Delisle publiait son inventaire sommaire des manuscrits du nouveau fonds latins nos 8823 à 11503, comprenant seulement la description des textes de chaque unité et la date de son écriture, sans la moindre mention de leur provenance. En comparant cet inventaire à la liste de manuscrits « allemands » de l’Hand-schriftenerbe des deutschen Mittelalters (Munich, 1990) de S. Krämer et M. Bernhard, j’ai constaté que le nouveau fonds latin compte plus de cent quatre-vingts manuscrits enlevés des églises et monastères de la rive gauche du Rhin, y compris ceux d’Echternach, auxquels il faut ajouter douze manuscrits de San Daniele del Friuli rapportés de la campagne d’Italie, mais qui n’ont pas été restitués à l’Italie après la Conférence de Paris.
10Il est aisé de comprendre pourquoi les administrateurs de la Bibliothèque nationale ont toujours ignoré les réclamations du Luxembourg au sujet des manuscrits d’Echternach, dont la restitution aurait occasionné une énorme lacune dans les catalogues et fichiers de la BnF. Il faut ajouter à ces considérations qu’en 1940, à la suite du rattachement du Luxembourg au IIIe Reich, les manuscrits d’Echternach furent secrètement dispersés et cachés sur les rayons des bibliothèques de l’Arsenal et de la Mazarine, afin d’échapper à d’éventuelles réquisitions des nazis.
11À la suite de l’histoire du fragment restauré, la seconde partie de l’ouvrage entame l’analyse des pièces qu’il contient, d’abord la charte des f. 77v-78 (chap. iii), ensuite les deux poèmes notés, dont la mélodie a été transcrite par S. J. Barrett (chap. iv) ; l’hymne Salve abba mitissime, qui célèbre deux catégories d’aliments : le pain et le vin, et les nourritures spirituelles (chap. v). Elle est suivie de l’hymne O sacrata dies, éditée ici pour la première fois (chap. vi), enfin, les gloses ajoutées aux hymnes (chap. vii).
12Dans la charte rééditée au chap. iii (p. 101) d’après le fragment de Paris (fac-similé réduit, p. 100) et d’après la copie du Liber aureus de Gotha, on lit que (le comte) Sigifrithus et (sa noble épouse) Hathawiga ont fait offrande de leur domaine de Monnerich à saint Willibrord reposant à Echternach, en rémission de leurs fautes. Cette copie de charte privée est datée non par les formules usuelles, mais d’après les données internes du texte, entre mai 996 et octobre 997 (p. 103 et 107), soit environ treize ans après le remplacement des chanoines par des moines venus de Saint-Maximin de Trèves (p. 113) : la main d’un de ces moines trévirois a été reconnue par J. Schroeder dans le Catilina de Salluste du ms. Paris, BnF, lat. 10195, qui portait jadis la charte de donation.
13Au verso de la charte collée en partie sur le plat inférieur de la reliure, deux scribes différents ont transcrit deux hymnes avec notation musicale : l’hymne Salve abba mitissime (p. 129-130), éditée par B. Bischoff, et O sacrata dies, publiée pour la première fois par C. Franklin (p. 131-133), avec traduction en anglais. La mélodie des deux hymnes a été transcrite plus loin (p. 139-140). L’analyse de la versification et du contenu littéraire et théologique des textes fait l’objet des deux chapitres suivants.
14Dans le chap. v, intitulé « Two Kinds of Spiritual Food », C. Franklin écarte d’abord le classement de l’hymne dans la catégorie des « parodies en l’honneur du vin » proposée par P. Gasnault, éditeur de la charte de 996/997, et nuance le choix de B. Bischoff rapprochant cette hymne des Caritas-Lieder ou chansons libres composées à l’occasion d’une augmentation de la pitance des moines ou de l’attribution de pain et d’une coupe de vin au cours de la collatio au chapitre le soir des jours de grande fête. Mais ces aliments matériels sont la figure à la fois de la nourriture spirituelle apportée aux moines par l’Écriture sainte commentée par l’abbé et surtout celle de l’eucharistie, transsubstantiation du pain et du vin offerts aux moines par l’abbé. C. Franklin démontre avec érudition comment ces deux sources de la spiritualité monastique sont présentées dans les expressions de l’hymne, pleines d’allusions aux textes des livres saints et conscientes des traités sur l’eucharistie depuis celui de Paschase Radbert, abbé de Corbie, jusqu’au De corpore et sanguine Domini de Lanfranc, abbé du Bec.
15Toutefois, je dois reconnaître qu’ici à la troisième strophe, le mélange de miel au vin des jours de fête fait explicitement allusion à l’usage clunisien du pigmentum, que Pierre le Vénérable († 1156) dut limiter au Jeudi saint (Statutum xi, éd G. Constable, Siegburg, 1975, 50). Il y a là un élément chronologique utile pour dater la composition de l’hymne : les deux noms proposés jusqu’ici pour l’auteur de ces vers s’inscrivent en effet dans le cadre du xie s. : une fois écarté celui de Régimbert († 1081) proposé par B. Bischoff, il reste – selon J. Schroeder – celui de l’érudit Thiofrid, son successeur : mais C. Franklin se montre pour des bonnes raisons de plus en plus réticente à accepter cette candidature (voir p. 165, 167 et 217).
16Un retour à l’examen de la notation musicale va apporter un élément de solution à la question de l’authorship. L’hymne est copiée sur trois colonnes dans le haut du f. 77 : les deux premières strophes transcrites sur la première colonne sont notées en interligne par la notation « dasiane » sans portée. Les signes de cette notation ont été tirés de la table d’Alypius (Boèce, De institutione musica, iv, xvi) par Hoger, cinquième abbé de Werden sur la Ruhr, pour noter avec précision les exemples de son traité Musica enchiriadis. Leur usage était nécessaire ici pour conserver la mélodie des deux premières strophes de Salve abba mitissime. Cependant, la mélodie de la première strophe est différente de celle des strophes suivantes, parce que nous avons affaire ici non pas à une hymne de l’office, mais plutôt à une hymne à refrain ou Versus de procession, tel que, par ex., le Salve festa dies pour la procession du dimanche de Pâques. Le chœur des moines chante la première strophe Salve abba mitissime et reprend ce refrain après chacune des strophes suivantes exécutées par un chantre. Ce genre d’hymnes à refrain était bien connu à Echternach – témoin les Carmina Cantabrigiensia (p. 211) – mais aussi par plusieurs pièces de l’hymnodie hiberno-celtique, avec en particulier l’Oratio sancti Columbani comportant sept strophes d’ïambes rimés (Analecta hymnica 51, p. 283). La mélodie du refrain Salve abba mitissime et celle des strophes est évidemment composée dans le même mode, le Protus, le mode le plus fréquemment employé dans les compositions antérieures à la réforme carolingienne du chant.
17En fonction de ces remarques, il n’est plus possible d’admettre que ces versus adressés à un abbé d’Echternach aient pu être composés par le destinataire de cette expression de reconnaissance versifiée : l’auteur de ces versus n’est donc pas un abbé, mais tout simplement un « profès d’Echternach », comme J.-B. Maugérard, ex-bénédictin de Saint-Arnould de Metz, bien placé pour apprécier la teneur de ce texte, l’avait indiqué en octobre 1802 sur sa liste de manuscrits envoyés à Paris (p. 57 et 79, no 40). Il faut donc renoncer à cher-cher plus loin.
18La seconde hymne O sacrata dies, découverte et publiée par C. Franklin, est écrite sur deux colonnes, juste en dessous de la précédente : elle est commentée au chap. vi, intitulé « Poetry as Lectio divina », c’est-à-dire que la poésie est considérée ici comme le fruit de la lecture méditée de l’Écriture, durant les deux moments de la journée assignés par la règle de saint Benoît (chap. 48) à cette lecture spirituelle, et plus souvent le dimanche et en Carême. C. Franklin étend le terme aux lectures de la Bible durant l’office divin (p. 171), mais il me semble que la fonction de ces lectures publiques ne peut avoir le même impact pour la vie spirituelle que la lectio divina ou lente méditation individuelle d’un simple passage de la Bible.
19Dans cette seconde hymne, également en forme de versus, le refrain évoque le premier jour de la création, d’après le récit de la Genèse, auquel répond dans le Nouveau Testament le dimanche, premier jour de la semaine – prima sabbati – et réplique hebdomadaire du dimanche de la Résurrection. Les strophes suivantes continuent le dyptique entre les figures de l’Ancien Testament annonçant la Résurrection et les événements correspondants de la vie du Christ rapportés dans le Nouveau Testament. Dans la onzième strophe, l’Ascension du Christ est présentée selon l’iconographie orientale, c’est-à-dire Jésus, un bâton cruciforme à la main, gravissant la pente escarpée d’une montagne. Ces parallèles entre les figures de l’Ancien Testament et leur réalisation dans la vie de Jésus Christ semblent conformes à un genre d’exégèse très apprécié par les écrivains des Îles britanniques.
20La mélodie du refrain O sacrata dies est notée en neumes allemands doublés d’une notation alphabétique pour rappeler avec précision la ligne mélodique d’une pièce de chant qui ne bénéficiait pas de l’usage répété des hymnes liturgiques (p. 216). La mélodie de la seconde strophe est notée en notation « dasiane », comme dans les versus précédents : les deux mélodies sont composée dans le mode Deuterus, qui convient surtout à des textes riches de signification spirituelle, comme par exemple l’introït Resurrexi du dimanche de Pâques.
21Il reste à déterminer l’occasion pour laquelle ces versus ont été composés, puisque C. Franklin ne parait pas avoir tenté de donner une réponse à cette question : ces versus semblent en effet convenir parfaitement à la fête de Pâques, et plus précisément à la brève cérémonie de la bénédiction rituelle de l’agneau pascal donnée par l’abbé au réfectoire : les moines d’Echternach ont dû chanter debout ces strophes pendant le long découpage des morceaux d’agneau à servir à chacun d’eux. Ainsi, comme dans les versus précédents, la distribution de l’agneau pascal cuit au feu, rappelle à la fois la prescription de l’Exode (12, 8-10) et le sacrifice de l’Agneau de Dieu (str. 6), suivant la même expression que celle de l’hymne du Temps pascal : « Iam Pascha nostrum Christus est, Qui immolatus agnus est ».
22Le chap. vii et dernier est consacré aux gloses du texte et aux gloses musicales : les gloses ont été ajoutées au texte des classiques latins et parcimonieusement au Commentaire de Calcidius du ms. lat. 10195, mais aussi au texte de l’hymne O sacrata dies (p. 203) : l’usage de gloser les hymnes liturgiques, développé surtout au xie s., d’après S. Boynton (cf. p. 205 et dans Scriptorium, 1999, p. 200-251), s’avérait nécessaire pour l’enseignement des novices qui devaient chanter ces hymnes et en comprendre le sens.
23La notation musicale des deux hymnes est considérée aussi comme des gloses musicales, en ce sens que la mélodie propre à une hymne non empruntée à un timbre usuel met le texte en relief, par ex. en plaçant les mêmes cadences musicales à la fin de chaque vers rimé. Dans la glose au commentaire du Timée de Calcidius empruntée à la Musica enchiriadis, le commentateur explique que la resolutio d’une mélodie est établie par la notation musicale (p. 209), constituée de sons établis sur divers intervalles qui forment les « systèmes » (ou incises) d’une composition. Il est vraiment curieux, comme l’a remarqué J. Chailley (Acta musicologica, 56, 1984, p. 56-69), que le terme resolutio du glossateur pour commenter dissolutio de Calcidius, vient (avec l’al-fa) de l’anagramme formé par la première syllabe des sept incises de l’hymne saphique Ut queant laxis de Paul Diacre du Mont-Cassin, composée pour la saint Jean-Baptiste au solstice d’été. Au xie s., Guy d’Arezzo utilisa ces syllabes pour la « solmisation » des six degrés de l’hexacorde.
24En fin de chapitre, C. Franklin ramasse ses conclusions sur la chronologie des deux hymnes notées : Salva abba mitissime, seconde moitié du xie s., O sacrata dies, peu après, mais avant l’insertion de la notation dasiane et des gloses du texte, dues à l’omniprésent « glossateur de Servius ».
25L’épilogue Habent fata sua libelli fait un dernier retour sur le sort particulier qui est intervenu dans l’histoire de ces manuscrits. Le volume s’achève sur l’abondante bibliographie des sources et ouvrages qui ont été consultés et cités au cours de la minutieuse étude de ce fragment (p. 223-236) ; elle est suivie de la liste des manuscrits consultés et par un index général des noms de lieux et de personnes. La table des figures reproduites placée au début comprend en majorité des fac-similés de manuscrits bien choisis pour soutenir les analyses de leur écriture ou de leur éventuelle notation : ils sont malheureusement trop réduits pour être lisibles.
26Il n’est pas inutile, en terminant cette recension, de faire un bref retour sur les quelques manuscrits qui ont été souvent consultés par C. Franklin au cours de ses analyses, car ils contiennent des pièces ou des indices qui nous reportent vers les îles Britanniques.
27Dans le ms. lat. 10195, auquel la charte de donation était jadis attachée, le diagramme de l’« âme du monde » du Commentaire du Timée au f. 92v (cf. p. 217) a été dessiné en couleurs sous une forme qui rappelle le dolmen des Celtes, exactement comme dans le Timée (avec les gloses de Bernard de Chartres), écrit en littera tonsa du xiie s. (Oxford, Bodl. Library, Auct. F III 15). Dans la seconde moitié du xie s., le notateur des deux versus (voir p. 217) a redessiné en marge à l’encre noire la figure habituelle du lambda.
28Un volume de fragments (Paris, BnF, lat. 10400), qui a recueilli la charte privée de 805 éditée par P. Gasnault en 1963, a sauvé un ternion provenant d’un recueil de grammairiens en écriture irlandaise. L’autre volume de fragments, souvent cité dans cet ouvrage (cf. p. 238), est le ms. Paris, BnF, lat. 9488, qui a recueilli non seulement la charte de donation de 996/997, mais aussi plusieurs fragments en écriture insulaire : un premier fragment de sacramentaire du viiie s., provenant des îles Britanniques (f. 3-4) et un second fragment de sacramentaire écrit dans un centre insulaire du continent (f. 5). Deux fragments de la seconde moitié du viiie s. (f. 75-76) étroitement apparentés à l’antiphonaire de Bangor donnent le texte sans notation de deux hymnes hiberno-celtiques et le texte du Te Deum, dont le plus ancien témoin est encore l’antiphonaire de Bangor : la mélodie du mode Deuterus de cette hymne est attestée pour la première fois par les exemples musicaux de la Musica enchiriadis d’Hoger de Werden.
29Juste après (f. 77v-78), viennent les deux versus notés, qui prennent un jour nouveau dans ce contexte d’échanges entre les deux grands centres insulaires du continent et les îles Britanniques : si Salve abba mitissime comporte tous les aspects d’une œuvre de circonstance composée pour un abbé d’Echternach, ne pourrait-on pas envisager O sacrata dies, comme l’apport tardif d’un usage conservé par la tradition monastique d’Irlande et de Northumbrie ?
Pour citer cet article
Référence papier
Michel Huglo, « Carmela Vircillo Franklin. — Material Restoration. A Fragment from Eleventh-Century Echternach in a Nineteenth-Century Parisian Codex », Cahiers de civilisation médiévale, 216 bis | 2011, 508-512.
Référence électronique
Michel Huglo, « Carmela Vircillo Franklin. — Material Restoration. A Fragment from Eleventh-Century Echternach in a Nineteenth-Century Parisian Codex », Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 216 bis | 2011, mis en ligne le 01 juillet 2024, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/18562 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/128t5
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