Massimo Oldoni et Umberto Caperna, éd. trad. et introd. — Ignoto Monaco Cistercense. « Cronaca Santa Maria della Ferraria »
Massimo Oldoni et Umberto Caperna, Ignoto Monaco Cistercense. « Cronaca Santa Maria della Ferraria », Cassino, Francesco Ciolfi, 2008, 304 pp. (Collana di Studi Storici Medioevali, 14).
Texte intégral
1L’éditeur Ciolfi, dans la ville de Cassino, antique San Germano et illustre par son chroniqueur – le notaire Richard –, a l’audace et le mérite de donner une édition de poche de cette chronique anonyme du monastère de Santa Maria della Ferraria, publiée en 1888 par A. Gaudenzi et de l’accompagner d’une traduction italienne, ainsi que d’une courte présentation (p. 5-16) et d’une étude assez longue (p. 217-270) de l’histoire du monastère et de son patrimoine, d’index et d’un glossaire. Fondée en 1171 et dotée par le comte Richard de Sangro, fille de Fossanova aux portes de la terre de Saint-Benoît, l’abbaye cistercienne est, de 1190 à 1228, fidèle à la monarchie sicilienne, de la dynastie normande d’abord contre les impériaux, puis de Frédéric II, légitime successeur de Guillaume II, sans rompre cependant avec Rome.
2Les sources de la Chronique, analysées en 1906 par Schmeidler dans Neues Archiv, montrent un panachage entre les chroniques locales de Bénévent, de Saint-Vincent au Volturne, de Farfa et du Cassin, et celle de Romuald de Salerne, écrite de l’intérieur du palais des Normands. Cette alliance de matériaux divers explique la multiplicité des intérêts que reflète le texte : le moine anonyme manifeste d’abord un patriotisme lombard, centré sur la principauté de Capoue ; il souligne la férocité des princes normands avant la fondation légitime de la monarchie, quand la reconnaissance réciproque de Roger II et d’Innocent II efface l’épisode du couronnement du Normand par le pape Anaclet, qualifié de corrupteur. La mutation de Roger éclaire aussi la position morale de l’auteur : la réconciliation avec l’Église transforme le tyran cruel et avide en un roi pacifique, doux et juste. Un épisode remarquable, souligné par M. Oldoni, est l’assassinat de Thomas Becket : l’écho que lui donne la Chronique rappelle la popularité immédiate de l’archevêque en Sicile, où l’on donne son nom à une mosquée de Catane transformée en église et où l’on place son image parmi les mosaïques de la cathédrale dynastique de Monreale.
3Le récit historique est enfin placé sous le patronage de Cîteaux, modèle indépassable : Bernard de Clairvaux intervient en Italie du Sud et sa présence est décisive pour assurer la défaite des forces du mal (Anaclet, Roger II avant sa conversion) ; plus tard, c’est la réforme de l’Église mise en œuvre par Innocent II qui se modèle sur l’austérité et sur la prédication cisterciennes. La Chronique témoigne au demeurant de la circulation des informations et des idées à travers les chapitres de l’ordre : une moisson de miracles encadre la croisade des albigeois, appelés « patarins » et localisés en « Yspania » (Septimanie), tandis que des pèlerins de passage, de retour d’Arménie, relatent au chapitre de l’abbaye la rencontre avec le Juif errant.
4Le très riche matériel que contient la Chronique de Ferraria est disponible donc, en latin, à un large public (avec quelques bévues, cependant, comme conservos pour conversos, « convers », p. 192), mais la traduction italienne n’est pas sûre : « bannières » pour fanones, les « farons » qui annoncent les galères ennemies, p. 121, « préfet du palais » pour admiratus, « émir », « sceau à fermeture hermétique » pour scripturam signatam, « lettre codée », p. 137, « captura » pour vicit, p. 163, etc. Les noms latins des villes et des monastères ne sont pas toujours identifiés : « Monte sarculo » pour Montesarchio, « Monte-Virgilio » pour Montevergine. L’annotation est en effet très pauvre, ne s’intéresse qu’à la papauté et ignore presque complètement l’histoire du royaume méridional ; elle n’éclaire pas suffisamment un texte dont la publication est méritoire, mais dont l’intérêt aurait exigé des clarifications.
Pour citer cet article
Référence papier
Henri Bresc, « Massimo Oldoni et Umberto Caperna, éd. trad. et introd. — Ignoto Monaco Cistercense. « Cronaca Santa Maria della Ferraria » », Cahiers de civilisation médiévale, 216 bis | 2011, 484-485.
Référence électronique
Henri Bresc, « Massimo Oldoni et Umberto Caperna, éd. trad. et introd. — Ignoto Monaco Cistercense. « Cronaca Santa Maria della Ferraria » », Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 216 bis | 2011, mis en ligne le 01 juillet 2024, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/18435 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/128sx
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