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Comptes rendus

Jean Dufournet. — Le Théâtre arrageois au xiiie siècle

Jean-Pierre Bordier
p. 461-465
Référence(s) :

Jean Dufournet, Le Théâtre arrageois au xiiie siècle, Orléans, Paradigme, 2008, 197 pp. (Medievalia, 69).

Texte intégral

  • 1 Ces deux ouvrages ont été republiés en un volume : Adam de la Halle à la recherche de lui-même ou l (...)

1Depuis Adam de la Halle à la recherche de lui-même. Le jeu dramatique de la Feuillée (Paris, 1974) et Sur le « Jeu de la Feuillée ». Études complémentaires (Paris, 1977)1, J. Dufournet n’a cessé d’enrichir et d’approfondir sa lecture du théâtre du xiiie s., tandis qu’il éditait, traduisait et annotait les six pièces parvenues jusqu’à nous : le Jeu de la Feuillée (Gand, 1977 ; Paris, 1989 ; Louvain, 1991), Le Garçon et l’Aveugle (Paris, 1982), le Miracle de Théophile (Paris, 1987), le Jeu de Robin et Marion (Paris, 1989), Courtois d’Arras (Courtois d’Arras. L’Enfant prodigue, Paris, 1995) et le Jeu de saint Nicolas de Jean Bodel (Paris, 2005). Le présent volume, consacré aux pièces arrageoises et au Jeu de Robin et Marion, rassemble neuf articles publiés entre 1980 et 2005. Il est introduit, à titre de présentation générale, par les notices consacrées par J. Dufournet aux œuvres théâtrales arrageoises du xiiie dans le Dictionnaire des œuvres littéraires de langue française en 1994 et complété par les comptes rendus de trois ouvrages partiellement relatifs au même corpus.

2En dépit de la dispersion originelle des publications ici rassemblées, l’ensemble se laisse ramener sans trop de schématisme à trois thèses principales : le théâtre arrageois se constitue en tradition littéraire par un réseau de renvois inter-textuels, chaque pièce met en place un système d’oppositions binaires majeures qui se subdivisent à leur tour en oppositions binaires secondaires et d’une pièce à l’autre, au fur et à mesure que le siècle avance, le théâtre arrageois exprime une vision du monde de plus en plus sombre.

3Toutes les pièces reposent sur un « hypotexte » : le Jeu de saint Nicolas sur le récit du miracle de l’image et les drames liturgiques qui s’y rapportent ; Courtois d’Arras sur la parabole évangélique du « Fils prodigue », sa tradition exégétique et iconographique ; Robin et Marion (que J. Dufournet tient pour antérieur au Jeu de la Feuillée) sur la pastourelle et la bergerie d’une part, sur des refrains et des chansons préexistants d’autre part ; le Jeu de la Feuillée sur les œuvres antérieures d’Adam de la Halle, chansons et jeux-partis. Ce théâtre se constitue à son tour en tradition littéraire : après le Jeu de saint Nicolas, chaque pièce fait allusion aux précédentes. L’illustration la plus évidente de cette pratique est la reprise de la scène de taverne : personne n’ose rivaliser avec Jean Bodel en imitant les parties de dés, mais la tromperie, le vin et la dispute sont présents dans Courtois d’Arras et dans le Jeu de la Feuillée. Sont repris aussi des personnages et des noms propres, des attitudes et des gestes, des couples de rimes ou des mots significatifs : le messager Crokesot est un avatar d’Aubéron ; il y a un preudome dans Courtois et un autre dans la Feuillée (maître Henri, père d’Adam) comme dans Saint Nicolas ; de même qu’un preeschieres déclame le prologue de Saint Nicolas, un moine prêche dans le Jeu de la Feuillée ; au sommeil des voleurs dans la taverne répond à deux reprises le sommeil de ce moine, lors de la venue des fées d’abord, puis dans la taverne encore ; le nom de saint Nicolas est prononcé dans les derniers vers de la Feuillée ; Adam de la Halle emprunte à Jean Bodel les rimes couvent : auwen, forche : escorche ainsi que le mot essamples ; le chevalier emporte Marion comme les voleurs emportent le trésor. De plus, Adam de la Halle reprend dans Le Jeu de la Feuillée maint détail du Jeu de Robin et Marion, à commencer par le nom de la femme d’Adam, Maroie, peu différent de Marion. Adam est entouré de trois amis comme Robin de trois paysans, le défilé des fous devant saint Acaire rappelle le défilé des bergers devant saint Côme, et ce ne sont là que quelques exemples parmi beaucoup d’autres.

4De même que le fou furieux du Jeu de la Feuillée brise les pots qu’avait modelés son père, de même les dramaturges d’Arras font éclater les vieux pots de la tradition poétique et inventent une littérature nouvelle. Leurs œuvres se définissent par opposition à des contre-textes : le Jeu de la Feuillée multiplie les allusions ironiques à la chanson de geste (Hesselin et Audigier), au chant courtois (autour du prince du puy) et au roman (dans l’épisode des fées), tandis que Courtois d’Arras et le Jeu de Robin et Marion reprennent le Conte du graal de Chrétien au moyen de renvois verbaux nombreux et précis. J. Dufournet cite à plusieurs reprises R. Dragonetti, qui identifie la taverne à l’atelier poétique, le vin et la folie à la poésie et l’incendie final de la taverne, dans la Feuillée, au feu poétique « où toute littérature est consumée dans l’œuvre nouvelle » (p. 38-39).

5Toutes les pièces présentent une construction binaire. Cela est déjà vrai d’œuvres théâtrales plus anciennes comme le Sponsus et le Jeu d’Adam, mais le trait devient systématique, à telle enseigne qu’il faut en tirer une conclusion tout opposée : le théâtre arrageois est une réflexion sur le thème du double, toute réalité s’y présente sous deux aspects, le monde n’est plus fondé sur la distinction incontestable du bien et du mal. À Arras, la dualité est ambiguïté, doute et vertige.

6Le Jeu de saint Nicolas est encore assez rassurant (« Du double à l’unité : les Sarrasins dans le Jeu de saint Nicolas », p. 41-53). La scène oppose la cour et le palais à la taverne, l’univers des chevaliers à celui des citadins. Entre le palais et la taverne les parallélismes sont nombreux. Deux manières d’entendre le christianisme se distinguent sans se combattre : celle des chevaliers, méprisant tout compromis, va jusqu’au sacrifice suprême tandis que celle du preudome se montre plus conciliante. Mais le monde sarrasin renferme en son sein une taverne chrétienne et arrageoise : l’opposition de l’exotique et du familier n’est pas là où on l’attendait. Le dénouement rétablit l’unité par la conversion des païens, qui résulte de quatre causes : le sacrifice des chevaliers, la foi du preudome, la conciliation de la foi et de la richesse et la valeur personnelle des Sarrasins. Les choses sont moins claires dès Courtois d’Arras. Deux lectures contradictoires peuvent en être proposées : Courtois a tout perdu, son argent et surtout la liberté qu’il avait conquise, et revient vaincu à son point de départ, ou bien il a gagné de revenir à lui-même, il fait son salut en réintégrant l’univers paternel.

7Cette bipartition généralisée intéresse en particulier la ville et la campagne (« La ville et la campagne dans le théâtre arrageois du xiiie siècle », p. 55-66). Dans le Jeu de saint Nicolas, la ville fait pendant à la cour chevaleresque ; dans Courtois, à la campagne laborieuse, frugale et vertueuse fait face une taverne qui est l’image de la ville, « cathédrale de perdition », mais aussi un symbole du monde et de la condition humaine. Dans Robin et Marion, l’espace rural est dévalorisé ; c’est le chevalier, seul étranger à l’univers campagnard, qui a l’avantage sur des bergers grossiers et ridicules : « l’état paysan, le plus proche de la nature, est un succédané de l’état sauvage. » (p. 165). Dans la Feuillée enfin, la ville est le réel tandis que l’espace courtois, celui des fées, est seulement rêvé et pour finir il se fond avec elles dans celui de la ville : « l’auteur n’a fait qu’un beau rêve au milieu des turpitudes, rêve que contaminent vite les turpitudes. L’échec est total, tout le monde se précipite à la taverne où bientôt Adam de la Halle, l’auteur, l’acteur et le personnage, s’enfonce dans le silence » (p. 65). La ville prend donc au fil du siècle une importance toujours plus grande et plus négative.

8En dépit de ses prétentions à la nouveauté et à la jeunesse, le théâtre arrageois évolue vers un désenchantement proche du désespoir. La folie y conquiert une place de plus en plus inquiétante. Dans Le Jeu de saint Nicolas, les chevaliers et le preudome mettent en pratique la folie sainte de la foi, mais il en va autrement dès Courtois d’Arras, où le mot fol et ses synonymes sont employés à maintes reprises ; Courtois exhibe des symboles de la folie comme la bourse enflée, les pois et la massue (v. 542-545) : c’est la folie du péché. Dans Robin, les bergers sont pourvus de la panoplie des fous, fromage, massue et vêtements déchirés, et Robin est qualifié de sot et de soterel ; fol et vilain sont d’ailleurs fréquemment associés et presque synonymes. La folie triomphe enfin dans le Jeu de la Feuillée. Elle règne sans partage sur les habitants d’Arras et atteint son paroxysme dans le personnage du dervé, qui n’est autre que le « double violent et obscur du poète ». Ce fou furieux représente la part sombre d’Adam lui-même, il est le personnage principal de l’œuvre.

9La taverne se dégrade progressivement (« La taverne dans le théâtre arrageois du xiiie siècle », p. 67-86). Jean Bodel l’introduit dans le récit du miracle comme le lieu de l’ivresse et de la tromperie ; Courtois d’Arras y ajoute les femmes ; dans la Feuillée, la taverne signifie l’échec final des aspirations de l’auteur. Les allusions nombreuses au Jeu de saint Nicolas font ressortir, par contraste, l’absence de tout miracle et de toute conversion.

10D’autres éléments confirment cet assombrisse ment. Du Jeu de saint Nicolas à Courtois d’Arras et à la Feuillée, le sens du mot preudome évolue : c’est d’abord un saint homme, puis un propriétaire débonnaire mais peu généreux, enfin maître Henri, encore moins généreux et fort peu hardi. Le moine de la Feuillée prêche comme le prologue de Saint Nicolas, mais après un sermon patelin, il manifeste son avarice, tombe dans le sommeil et jure grossièrement. De saint Nicolas le thaumaturge on passe, chez Adam de la Halle, à saint Côme, qui fait des grimaces devant des bergers, puis à saint Acaire. Les prétentions à la courtoisie échouent pareillement : Courtois d’Arras ne pourra jamais être qu’un vilain, les fées des sorcières.

11C’est une lecture cohérente et forte du théâtre arrageois dans son ensemble que propose J. Dufournet. Il la fonde sur des analyses ponctuelles d’une grande richesse. Aucun détail des textes n’échappe à sa sagacité interprétative : il faudrait mentionner les nombreux jeux de mots qu’il décrypte jusque dans les titres des œuvres. Que ce théâtre appartienne de plein droit à la littérature la plus ambitieuse, les noms de Jean Bodel et d’Adam de la Halle suffisent à le suggérer ; J. Dufournet en apporte, texte en main, la démonstration. Tout travail sur ce corpus doit désormais tenir le plus grand compte de ses observations. L’interprétation qu’il en propose fait autorité. Une autre lecture a néanmoins été développée, si bien que le débat ne peut être tenu pour clos, en particulier à propos des œuvres d’Adam de la Halle.

12S’il est justifié de soumettre le texte de théâtre à l’analyse littéraire, il l’est aussi de s’interroger sur le jeu comme pratique sociale. Une représentation est un événement, elle ne peut être appréhendée sans référence aux circonstances qui la suscitent et à la communauté qu’elle rassemble. Malgré tout ce que nous savons sur Arras et ses habitants, l’ancienneté des œuvres et la tradition textuelle qui nous les a transmises ne nous renseignent guère à ce sujet. R. Berger rattache le théâtre à la Confrérie des Jongleurs et Bourgeois d’Arras, mais aucune preuve décisive n’est venue étayer cette hypothèse. De toute manière, le Jeu de Robin et Marion n’est arrageois que par l’origine de son auteur ; quant au Jeu de la Feuillée, il occupe une place singulière dans l’histoire du théâtre : lié à des personnes et à un moment déterminés, il ne pouvait être joué qu’une fois. Des circonstances qui l’ont suscité, du groupe humain qui l’a commandé et organisé, nous ignorons à peu près tout.

13Dans Robin et Marion, la communauté des paysans prépare le mariage des deux jeunes gens : Entendons a ces autres noches (v. 639). Robin offre des cadeaux dont la signification sexuelle est évidente ; Marion manifeste une réserve de bon aloi, mais elle accepte les dons et les baisers de son prétendant. Après le départ du chevalier, jeux, repas, musique, chants et danses se succèdent en deux temps, d’abord dans l’intimité, puis avec plus d’ampleur quand la communauté s’est réunie. Ce scénario suggère que la pièce devait d’abord entrer dans le programme d’une noce, programme dont elle reprenait « en abyme » les éléments principaux, les acteurs invitant les spectateurs à se joindre à eux dans la tresque finale. La grossièreté des paysans n’aurait alors rien pour surprendre, car même dans les noces princières les plaisanteries sexuelles sont des obligations rituelles. Les bergers de théâtre sont le miroir des invités ; du monde courtois au monde paysan, il y aurait ainsi transposition plutôt qu’opposition. Les épisodes de pastourelle évoquent une sexualité sans loi, indifférente au mariage, que la pièce écarte au profit d’une sexualité réglée et approuvée par la société.

  • 2 « Pourquoi les critiques n’ont-ils ici vu qu’échec, quand tout annonce le salut ? » (Blanchefleur e (...)

14Le Jeu de la Feuillée n’exprime pas les sentiments profonds de l’auteur Adam de la Halle (une lecture autobiographique suscite d’ailleurs les mêmes réserves dans le cas du Miracle de Théophile). L’éditeur allemand O. Gsell (Das Jeu de la Feuillée von Adam de la Halle, Wurtzbourg, 1970) et un peu avant lui G. Lütgemeier (Beiträge zum Verständnis des Jeu de la Feuillée von Adam le Bossu, Bonn, 1969) partaient du fait que le Jeu avait été représenté en présence des Arrageois qu’il critique pour en conclure qu’il n’y avait pas de véritable satire dans la pièce. S’ils ont raison, Arras n’est pas présentée comme le lieu de la médiocrité et de l’échec. Plus récemment, P.-Y. Badel (« Le Jeu de la Feuillée est une fête », Études de langue et de littérature françaises de l’université de Hiroshima, 18, 1999, p. 1-16) a établi qu’Adam de la Halle et plusieurs de ses proches, dont son père, jouaient leur propre rôle dans le spectacle, ce qui interdit de prendre au pied de la lettre le portrait peu flatté que la pièce tire de leurs personnes. Comparée à la taverne du Jeu de saint Nicolas et à celle de Courtois d’Arras, la taverne du Jeu de la Feuillée est sympathique. C’est le lieu où se réunit une « compaignie […] faitiche » (v. 888-889) ; on n’y joue pas, on ne s’y bat pas, on ne s’y prostitue pas, le patron n’est ni un proxénète ni même un commerçant malhonnête. Aucune conversion n’est nécessaire car aucun forfait n’a été commis. Le moine subit certes les moqueries, mais c’est un intrus que l’on finit par chasser comme le fou et son père. La folie n’est pas le dernier mot de la pièce, mais un trouble que les compagnons s’efforcent d’éloigner. Ch. Méla portait lui aussi sur la taverne un regard favorable ; au lendemain de la fête, il voyait pointer l’aube d’une vie nouvelle2. Le geste final des compagnons confirme ces vues. En offrant un cierge à la châsse de Notre-Dame, ils accomplissent un rite à la fois religieux et civique, ce qui justifie le titre que le manuscrit W attribue à la pièce. Parmi les quatre sens possibles du mot fueillie que recense J. Dufournet (p. 7-8), un seul, en effet, est appuyé sur le contexte : c’est la loge de feuillage qui abritait la relique tutélaire sur la place du Petit-Marché. On ne saurait se déclarer plus clairement fidèle à Arras. Il faut certainement accorder à J. Dufournet que la pièce commence par un désordre et se poursuit par une aggravation de ce désordre, mais il se pourrait qu’elle exprime l’effort de redressement et de régénération accompli par la compaignie au bénéfice de toute la ville.

15Les analyses de J. Dufournet mettent en évidence la richesse et le haut degré d’élaboration du théâtre arrageois du xiiie s. Elles montrent sans discussion possible qu’il constitue une tradition littéraire distincte à l’intérieur de la littérature médiévale, avec laquelle il entretient des rapports étroits et qu’il lui arrive de contester. Il demeure possible, en revanche, de percevoir la vision du monde proposée par ce théâtre d’une manière moins grave qu’il ne le fait ; les derniers moments du Jeu de la Feuillée peuvent conduire à juger cette pièce souriante et même, au total, joyeuse plutôt que grinçante et désenchantée.

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Notes

1 Ces deux ouvrages ont été republiés en un volume : Adam de la Halle à la recherche de lui-même ou le jeu dramatique de la Feuillée, suivi de Sur le « Jeu de la Feuillée » Quatre études complémentaires, Paris, Champion, 2008.

2 « Pourquoi les critiques n’ont-ils ici vu qu’échec, quand tout annonce le salut ? » (Blanchefleur et le saint homme ou la semblance des reliques, Paris, 1979, p. 116). Le premier en date de ces critiques fut Normand R. Cartier, Le Bossu désenchanté. Étude sur le Jeu de la Feuillée, Genève, Droz, 1971.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Pierre Bordier, « Jean Dufournet. — Le Théâtre arrageois au xiiie siècle »Cahiers de civilisation médiévale, 216 bis | 2011, 461-465.

Référence électronique

Jean-Pierre Bordier, « Jean Dufournet. — Le Théâtre arrageois au xiiie siècle »Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 216 bis | 2011, mis en ligne le 01 juillet 2024, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/18297 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/128sj

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