Catherine Rider — Magic and Impotence in the Middle Ages
Catherine Rider, Magic and Impotence in the Middle Ages, Oxford, Oxford University Press, 2006, 254 pp.
Texte intégral
1La tentative de Philippe Auguste de divorcer d’avec sa femme – donnant lieu à un procès qui ferma les portes des églises à Paris pendant neuf mois en 1200 – demeure le mieux documenté de tous les cas semblables durant le Moyen Âge. Pour se débarrasser de son épouse non souhaitée, il fit stratégiquement usage de la loi prévoyant l’empêchement pour cause de parenté, une procédure répandue parmi la noblesse – au dire de Pierre le Chantre – de par les facilités à en apporter la preuve. À défaut d’une généalogie fiable, cependant, le roi fut obligé d’avoir recours à une deuxième stratégie, l’empêchement pour cause d’impuissance provoquée par la sorcellerie. Puisque la reine ne cessa d’insister sur le fait que le mariage fut consommé, cette stratégie échoua également. L’impuissance (impotencia) causée par sorcellerie est le sujet de ce livre.
2C. Rider aborde un thème traditionnellement propre aux auteurs mâles célibataires, voire au clergé, pendant l’époque médiévale. L’A. exclut de son propos le phénomène féminin équivalent (frigiditas), sans doute à cause d’un manque de sources. Elle suit le modèle bien établi dans le livre exemplaire de Maaike Van de Lugt, Le ver, le démon et la vierge (2004) qui consiste à suivre un thème en comparant plusieurs discours savants (cinq dans ce cas) de l’Antiquité jusqu’au xve s. Profitant de la richesse de chaque discours, elle établit les dialogues et les croisements qui les relient, mais aussi la contribution spécifique de chacun.
3Le texte fondamental du problème fut formulé par Hincmar, archevêque de Reims, qui s’intéressa au comportement conjugal de la noblesse du ixe s., particulièrement à la séparation des époux pour cause d’impuissance provoquée par sorcellerie. Si cet empêchement reste incurable en dépit des soins ecclésiastiques (c’est-à-dire la confession, les prières, etc.) les partenaires peuvent se séparer légalement. En incluant ce texte (Si per sortiarias) dans son Decretum en 1140, Gratien assura la pérennité à l’opinion d’Hincmar (et sans doute les avocats de Philippe Auguste s’appuyèrent-ils dessus), tout en rassemblant également d’autres textes contradictoires qui initièrent le débat parmi des générations de canonistes.
4Leur objet ultime, cependant, était d’arrêter une formule décisive au mariage chrétien en distinguant, par ex., l’impuissance naturelle et permanente de celle qui était provisoire et guérissable. En général, les canonistes adoptaient une attitude détendue sur l’empêchement pour cause d’impuissance par sorcellerie. Lorsque Pierre Lombard insère le texte d’Hincmar dans ses Libri sententiarum (1155-1157), il le met aussi à la disposition des théologiens qui commencèrent à le commenter à partir de 1220. Avant 1300, ils se préoccupèrent du rôle des démons dans la sorcellerie, et au xiiie s., ils commencèrent à définir la sorcière comme quelqu’un qui vénère le diable. Ainsi préparaient-ils le chemin pour l’influent Malleus maleficiarum de 1487.
5Chemin faisant, leur vaste commentaire prit acte des opinions des canonistes et de la culture populaire. À la différence d’autres historiens de la pensée savante, C. Rider distingue à juste titre les écrivains des manuels de la cure des âmes des canonistes et théologiens spéculatifs. Lancés par l’école de Pierre le Chantre et soutenus par le Concile de Latran en 1215, ces écrivains sont devenus les spécialistes de la pénitence et de la confession, apportant ainsi un témoignage aux croyances populaires et aux pratiques magiques. Tenant compte des canonistes et des théologiens, leur jugement sur la légalité des pratiques se fit plus complexe.
6Les médecins (quatrième discours savant) fondaient leur discussion sur l’autorité du Pantegni, un texte compilé par Constantin l’Africain au xie s. qui proposait des remèdes médicaux contre l’impuissance provoquée par la sorcellerie. En général les discussions des médecins sont marquées par le pragmatisme et la préférence pour les causes physiques, sans exclure les forces spirituelles et magiques.
7Enfin, l’A. traite tout un ensemble de textes, généralement d’origine orientale, en lien avec les amulettes, l’astrologie et d’autres pratiques magiques. Ces textes ne sont pas cités directement, mais les écrivains savants, surtout les médecins, commentent ces coutumes et leur réfutation. À titre d’exemple, l’A. donne l’édition critique d’un texte révélateur, Les Remèdes contre la magie.
8En fin de compte, C. Rider ne se contente pas de rapporter et d’expliquer les textes savants ; elle cherche autant que possible à dégager les croyances et pratiques populaires qui se situent en marge de ces commentaires volumineux. Pour alimenter son propos, elle exhume amulettes, rituels, remèdes pour faciliter l’amour, revient sur l’emploi de femmes sages appelées pour constater les cas d’impuissance, ou sur la coutume de nouer l’aiguillette, qui se manifesta vers 1400. La grande réussite de cette étude se place dans l’articulation entre les discours savants et la pratique populaire.
Pour citer cet article
Référence papier
John W. Baldwin, « Catherine Rider — Magic and Impotence in the Middle Ages », Cahiers de civilisation médiévale, 216 | 2011, 438-439.
Référence électronique
John W. Baldwin, « Catherine Rider — Magic and Impotence in the Middle Ages », Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 216 | 2011, mis en ligne le 01 juillet 2024, consulté le 13 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/18195 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/128sb
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