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Comptes rendus

Carlos J. Martínez Álava. — Del románico al gótico en la arquitectura de Navarra. Monasterios, iglesias y palacios

Claude Andrault-Schmitt
p. 429-432
Référence(s) :

Carlos J. Martínez Álava, Del románico al gótico en la arquitectura de Navarra. Monasterios, iglesias y palacios, Pampelune, Gobierno de Navarra, 2007, 429 pp., 42 fig., 392 ill.

Texte intégral

1Le sous-titre de ce bel ouvrage, dense et bien illustré (clichés de qualité, plans et coupes à la présentation systématisée), issu d’une thèse soutenue en 1999, révèle une articulation du propos selon le statut des édifices (monastères, églises et palais) qui joue un rôle fondamental et contribue grandement à son intérêt – surtout après la floraison d’inventaires de taille encyclopédique (mais bien utiles) qui ont été menés dans toute l’Espagne avec un découpage en micro régions quelque peu déroutant pour un étranger… En revanche, le titre même est plus convenu en insistant sur « le passage du roman au gothique ».

2En effet le tardoromanico, qui correspond plus ou moins aux années 1165-1235, est, pour des raisons historiques évidentes, une époque d’épanouissement monumental magnifique dans la péninsule : il est dommage de le réduire à une problématique qui a ici moins encore qu’ailleurs d’utilité heuristique. Nous reviendrons sur cet éclairage, mais reconnaissons qu’il était nécessaire, précisément parce que nombre d’ouvrages annoncent par leur titre se limiter à ce qui est « roman » tout en annexant des édifices tardifs moins faciles à classer, généralement entièrement voûtés d’ogives. Il fallait « clarifier l’évolution chrono-constructive » d’un groupe navarrais (dénomination géographique et non stylistique, précise-t-on justement à plusieurs reprises) comportant bien des édifices majeurs, entamé par l’abbatiale cistercienne de La Oliva (1165) et brillamment illustré par la « cathédrale » de Tudela (il est quelque peu déroutant pour un Français de rencontrer des collégiales qui ne sont « cathédrales » que de réputation, surtout chez un historien très scrupuleux quant au contexte).

3L’introduction est courte. L’A. y présente son sujet, en expliquant pourquoi il n’a pas adopté l’expression el protogótico navarro, ce qui montre bien les difficultés rencontrées si on s’évertue à donner une dénomination à l’ensemble : l’alternative rend compte très précisément du débat bien connu outre-Pyrénées entre les professeurs Azcárate et Bango. Il avoue sa dette envers un riche arrière-plan historiographique : les monographies récentes sont nombreuses, et le corpus peut être extrait aussi bien des cinq tomes de Arte Medieval Navarro que des neuf tomes du Catálogo Monumental de Navarra. La période est militairement troublée mais correspond à deux longs règnes (Sanche le Sage et Sanche le Fort, 1150-1234). Spatialement, il faut signaler des noyaux de population liés à la route de Saint-Jacques, dont le développement urbain appelait la construction d’églises.

4Assez curieusement, le chapitre suivant correspond à une synthèse sur les formes employées, alors même que les monuments ne sont pas encore analysés, et au risque de mettre au premier plan des notions délicates comme la genèse du gothique au regard de l’influence bourguignonne véhiculée par les cisterciens, ou encore la recherche de la première occurrence attestée de tel ou tel élément. Au risque aussi de supprimer les nuances dans un parcours rapide (si bien des remarques sont judicieuses, les considérations sur l’usage des arcs plein cintre laissent perplexe). Sont rassemblés ici les types de plans, d’élévation, de voûtes, de supports. L’A. conclut à l’hétérogénéité et reconnaît que les influences ne sont pas unidirectionnelles.

5Le chapitre sur les monastères commence par les quatre sites cisterciens, qui ont donné des monuments majeurs, quasi contemporains, mais différents les uns des autres : ici se révèle la pertinence du cadre choisi, exemplaire plus que régional, car on rencontrera aussi bien un chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes (celui de Fitero, qui évoque implicitement ses voisins de l’est ou de l’ouest, de Poblet à Moreruela en passant par Veruela), des absides en hémicycle simple (La Oliva, Tulebras), un chevet plat (Iranzu). Chaque monastère fait l’objet – c’est le cas de tous les édifices de l’ouvrage – d’une longue monographie, très complète, très référencée, mise en perspective et intégrant toujours l’étude des marques lapidaires aussi bien que les bâtiments conventuels. Relevons quelques points.

6Santa María La Real de Fitero se trouvait autrefois en territoire castillan, dans une enclave proche aussi de l’Aragon. Haute, longue, austère, elle se distingue à la fois par son chevet articulé et par une géométrie rigoureuse ; mais les chapiteaux affichent un décor varié et quelque peu étrange, puisque des feuilles plates emboîtées avoisinent avec des vanneries sculptées en méplat sous des tailloirs décorés. La façade occidentale reflète deux campagnes de construction différentes ; les formes observées dans la nef permettent aussi une distinction, mais seules les comparaisons formelles peuvent étayer un raisonnement archéologique.

7Le chantier a pu commencer dans la seconde moitié de l’abbatiat de Guillén (1150-1182) et se terminer dans les années 30 du siècle suivant. Comme dans de nombreux cas, en raison de particularités historiographiques propres aux cisterciens, la date longtemps acceptée pour la fondation de Santa María La Real de La Oliva (1134) est fausse : désormais, les analyses serrées des historiens et un document nouvellement exhumé conduisent à la rajeunir d’une quinzaine d’années ; le rattachement à L’Escale-Dieu serait encore plus tardif. Bien que ces jalons restent invérifiables, la construction aurait pu se dérouler entre 1164 (donation pour construire) et 1198 (mention indirecte d’une consécration).

8Ici, un plan en T est affirmé grâce aux chapelles alignées le long du transept. De grosses nervures quadrangulaires associent dans les mêmes effets l’abside et le vaisseau central de la nef (dont on nous donne à voir les très intéressantes clefs sculptées : les chantiers ibériques se distinguent vraiment par leur décor surprenant). La salle des moines recèle des qualités de stéréotomie et de mise en œuvre qui ne sont pas surprenantes dans l’Ordre mais méritent d’être soulignées.

9Enclavée dans une région montagneuse, Santa María La Real de Iranzu a davantage souffert de la « désamortisation » et d’un abandon prolongé. La maison-mère de La Cour-Dieu près d’Orléans en fit la première fille ibérique de Cîteaux. Nous sont parvenues deux indications essentielles : en 1193, l’évêque de Pampelune Pedro de París est enterré dans le sanctuaire ; en 1270, une donation testamentaire prévoit la poursuite de la construction du réfectoire. L’église est relativement modeste, les travées sont irrégulières, les supports ne sont pas toujours adaptés aux réceptions, mais l’élévation respecte comme les précédentes la proportion de 2:1. Le portail occidental est élégant. Le cloître est remarquable, et pas seulement parce qu’il s’agit du seul cloître dont la construction soit contemporaine de celle de l’abbatiale.

10Santa María de la Caridad de Tulebras est bien connue des médiévistes pour représenter la plus importante (et la mère) de toutes les fondations féminines de la péninsule ibérique. Le genre de la communauté explique l’adoption d’un vaisseau unique. L’analyse de l’A., qui estime la construction relativement ancienne (années 1170), est brève, ce qui s’explique aussi bien par la disparition des bâtiments conventuels que par un corpus de voûtes d’époque moderne.

11Celle de Leyre étant représentée par des constructions romanes, le groupe des abbayes bénédictines (il faudrait écrire : bénédictines non cisterciennes) est réduit à Santa María La Real de Irache, autre site prestigieux du royaume. Ici bien sûr la fondation et la construction sont éloignées dans le temps. Le plan évoque une articulation traditionnelle, remarquablement cohérente : trois vaisseaux ouvrant sur trois absides semi-circulaires de même largeur, un transept non débordant, des travées centrales amples car de plan carré (jugées « aquitaines » par l’A., qui n’y voit toutefois aucune filiation directe). Le cimborrio a des équivalents dans les cathédrales de Castille du Nord et la salle du premier étage de la tour nord-ouest révèle un système de construction extrêmement original. Mais les voûtes, l’articulation des piles, la conception des clefs, la stéréotomie, ne diffèrent guère de celles du groupe précédent. Faut-il pour autant conclure à un chantier très étiré dans le temps ?

12Le chapitre iv réunit « Églises et autres constructions urbaines », au premier rang desquelles Santa María de Tudela, dont l’histoire est étayée par un exceptionnel dossier documentaire. Après adoption et adaptation d’une ancienne mosquée, le chapitre commence en 1168 à acquérir les terrains nécessaires, ce qui concerne à la fois l’église et le cloître. Les sources font ensuite état de deux consécrations un peu contradictoires, en 1188 et 1204. Les années vingt sont jalonnées par des fondations de chapellenies ; une autre donation testamentaire traite des clochers (1228).

13Architecturalement (mais il est nécessaire d’y « éprouver » l’espace autant que d’en mesurer les proportions), comme pour l’histoire de la sculpture, la collégiale est une œuvre dont l’importance devrait encore être accentuée, notamment au-delà des frontières. Une disposition en T est associée à une nef courte. L’abside semi-circulaire, très élancée, est flanquée de petites chapelles alternativement en hémicycle (au centre : voûtes en cul-de-four) et carrées (à l’extérieur : voûtes d’ogives). Le plan au sol évoque donc des constructions aussi diverses que l’église cistercienne de Mellifont en Irlande ou l’abbatiale de Fontdouce en Saintonge, références que l’A. ne mentionne pas, ce qui est compréhensible, mais du coup son interprétation est celle de la tradition, et non celle d’un renouveau européen de schémas anciens. Certaines parties donneraient l’impression que les voûtes d’ogives n’étaient pas initialement prévues, ce qui est une question presque toujours (et parfois abusivement) posée pour cette génération. De toute façon, les parties hautes de la nef, avec leurs baies à double lancette et oculus, sont postérieures à la consécration de 1204, qui a dû être effectuée avec un couvrement provisoire. L’abside centrale aurait également été reprise. Le décor des chapiteaux sculptés est de facture exceptionnelle, et les portails sont renommés, ainsi celui du bras sud du transept, avec des motifs géométriques (1190-1195) et plus encore celui de l’ouest, avec un relief et une iconographie souvent mis en relation avec Chartres (ce qui montre bien le caractère spécieux des classifications) : les uns et les autres ont été parfaitement étudiés par M. L. Melero Moneo.

14Suivent les monographies d’édifices moins prestigieux, plus petits, souvent composites, dont les études sont donc en quelque sorte plus originales, et donc bienvenues. Souvent paroissiales, ces églises reflètent l’expansion urbaine : il s’agit de La Magdalena de Tudela, de San Pedro de la Rúa, San Miguel, Santo Sepulcro, Santa María Jus del Castillo (qui résulte de la transformation d’une synagogue), San Juan Bautista (centre d’un nouveau quartier fondé peu avant 1187) d’Estella, de Santa María La Real et Santiago de Sanguesa, de San Pedro d’Olite et San Nicolá de Pampelune.

15Située dans le « nouveau bourg », perchée sur le rebord d’une falaise qui empêcha le développement de sa façade occidentale, l’église San Pedro d’Estella fut longtemps la plus grosse paroissiale, qui obtint en 1256 le rang « d’église majeure » de la petite ville. Les trois chapelles ouvrant sur l’abside principale, peu articulées, comme issues de l’épaisseur du mur, surmontées à la fois d’un étage de baies et d’un étage d’ouvertures aménagées dans les reins de l’ample cul-de-four, témoignent d’une recherche de monumentalité qui n’est pas sans exemples (Catalogne, la Seu d’Urgell). Tout comme le portail principal, sur la façade nord. Mais, selon l’A., le développement des absides latérales prolongeant les bas-côtés n’était pas initialement prévu, et les phases constructives successives seraient caractéristiques de plusieurs générations, « du dernier roman au gothique affirmé ».

16Dans la même ville, jalon majeur du chemin de Saint-Jacques, l’église San Miguel présente bien des affinités avec la précédente : une dépendance théorique de San Juan de la Peña, un contexte topographique escarpé qui limite le développement vers l’ouest, un chevet très majestueux (ici, un alignement de cinq chapelles en hémicycle de disposition plus ou moins échelonnée), une construction étirée dans le temps en raison de reprises. Ici toutefois, le portail nord propose un vaste programme iconographique, avec tympan et personnages latéraux en relief. C’est aussi la sculpture, on le sait, qui assure avec la tour de croisée octogonale la renommée de Santa María de Sanguesa, mais nous avons là pour une fois une monographie globale qui révèle bien d’autres caractères intéressants (le portail et ses statues ne bénéficient d’ailleurs que d’un court développement).

17Les « palais » mentionnés dans le titre sont représentés par la chapelle Saint-Georges située dans une tour du palais vieux d’Olite, par l’ancien palais épiscopal de San Jesucristo de Pampelune et son oratoire (avant 1235), enfin par le palais royal, qui est le plus grand édifice civil conservé dans la capitale, aujourd’hui converti en centre des archives. L’ouvrage se termine par une bibliographie classée, mais ce sont surtout les nombreuses notes, souvent circonstanciées, disposées à la suite de chaque chapitre, qui brossent un contexte historiographique large et européen, inspirant des réflexions de portée générale.

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Pour citer cet article

Référence papier

Claude Andrault-Schmitt, « Carlos J. Martínez Álava. — Del románico al gótico en la arquitectura de Navarra. Monasterios, iglesias y palacios »Cahiers de civilisation médiévale, 216 | 2011, 429-432.

Référence électronique

Claude Andrault-Schmitt, « Carlos J. Martínez Álava. — Del románico al gótico en la arquitectura de Navarra. Monasterios, iglesias y palacios »Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 216 | 2011, mis en ligne le 01 juillet 2024, consulté le 13 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/18148 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/128s6

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