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Comptes rendus

Leonid S. Chekin. — Northern Eurasia in Medieval Cartography. Inventory, Texts, Translation and Commentary

Anna-Dorothée Von den Brincken
p. 408-409
Référence(s) :

Leonid S. Chekin, Northern Eurasia in Medieval Cartography. Inventory, Texts, Translation and Commentary, Turnhout, Brepols, 2006, 498 pp., 48 h.-t. (Terrarum Orbis, 4).

Texte intégral

1Le quatrième tome de la collection d’histoire des représentations de l’espace « Terrarum Orbis », est consacré à un espace tout à fait original. L’Eurasie septentrionale comprend l’Europe du Nord, la Scandinavie, l’Europe de l’Est, la Russie, mais inclut aussi l’Asie septentrionale, le tout conçu comme un ensemble. L’A. a bénéficié d’une situation particulièrement propice à aborder cette question. En tant qu’ancien étudiant d’E. Melnikova à Moscou, la géographie et la cartographie de la Scandinavie lui sont familières. En embrassant l’Eurasie, l’ouvrage englobe systématiquement toute la moitié septentrionale du double continent. Tandis que les cartographes de l’Antiquité et du Moyen Âge avaient en vue surtout le monde méditerranéen, cette étude s’occupe de tout l’espace jusqu’à l’Océan mondial qui entoure l’Écoumène. Le Nord était le grand inconnu pour les Anciens, qui laissaient sur leurs cartes géographiques des espaces blancs. L’arpentage exact étant inconnu dans l’Antiquité et au Moyen Âge, l’espace était représenté comprimé, indépendamment du respect des proportions. L. S. Chekin, boursier de la Fondation Alexander von Humboldt (1995-1996), a commencé par réunir les cartes latines dans le cadre du projet North of Danube, qui fit l’objet d’une première publication moins volumineuse en langue russe : Картография христианского средневековья, viii-xii вв. (Moscou, 1999), présentée très simplement avec des illustrations en noir et blanc. C’est à P. Gautier-Dalché que revient le mérite d’avoir accueilli dans la collection qu’il dirige une adaptation du volume accessible en Europe occidentale.

2Toutes les mappemondes du Moyen Âge chrétien sont ici réunies et présentées jusqu’à 1300. Les cartes sont successivement inventoriées. Pour chacune sont précisés la datation, la provenance, le format, la mise en forme et l’orientation, les caractères formels et le lieu de conservation ; sont aussi donnés le texte latin des légendes inédites ou la référence de leur publication, avec une traduction en anglais et un commentaire enrichi d’une bibliographie. Le corpus traité dans le volume s’achève avant que l’invasion mongole et la connaissance de l’Extrême-Orient ne puissent exercer une influence sur la conception du monde des peuples européens. Ce n’est que plus tard qu’on se servira des portulans et de la boussole, avec des effets sur la mappemonde d’Ebstorf.

3L’Eurasie correspond à la Scandinavie, avec la Scandza Insula, patrie légendaire des Goths, la Russie, les pays de la mer Noire, de la mer Caspienne, la Scythie, l’Hyrcanie, et les confins inconnus (Sibérie), peuplés d’habitants mystérieux, monstrueux – ou du moins très dangereux – comme les cynocéphales et les cannibales. Ces territoires étaient « connus » : Solin, dans l’Antiquité tardive, s’était occupé de décrire dans ses Memorabilia les périphéries du monde peuplées d’Amazones ou de créatures monstrueuses, et l’Écriture mentionnait les peuples de Gog et Magog, annonciateurs de la Fin des Temps, qui selon Ézéchiel, étaient des envahisseurs venus du Nord ou de l’Est et représentaient la barbarie et le chaos ; s’ils faisaient peur, c’est aussi parce qu’on avait peu de connaissances de la réalité de ces régions.

4Le volume contient la description de plus de deux cents mappemondes, dont cent-soixante sont représentées en cent soixante-huit reproductions, ce qui constitue une collection raisonnable de ce type de document du Moyen Âge chrétien. L’organisation et la rédaction de la matière suivent les classifications usuelles (K. Miller, Mappae Mundi, Stuttgart, 1895-1898 ; M. C. Andrews, « The Study and Classification of Medieval Mappae Mundi », Archaeologia, 75, 1926 ; M. Destombes, Mappemondes A. D. 1200-1500, Amsterdam, 1964), tout en étant structurées à partir des témoignages sur les périphéries de l’Eurasie.

5L’A. débute son étude par les cartes schématiques (Lucain et Salluste). Parmi les mappae de Salluste, il met en évidences celles de l’abbaye Saint-Emmeran, où au xiie s. les Gades Varacis, les frontières avec les Varangues, sont soulignées à l’extrême nord-est. Dans la section des mappemondes simples en schéma T-O, il décrit surtout celles qui représentent les marais Méotides de l’Antiquité, dont la mappamundi palimpseste isidorienne de la bibliothèque de Saint-Gall (viiie s.) à l’intérêt particulier, puisque c’est une des plus anciennes à être encore conservée. Le Danube aussi attire l’attention, et la localisation du royaume des Khazars pose des problèmes.

6Grâce à L. Chekin, nous connaissons désormais huit exemples de mappemondes qui tentent de donner une représentation sphérique du monde, donnant une forme à l’Écoumène qui accentue la position des Riphaei Montes à l’extrême-nord. L’importance de ces cartes est capitale tant pour comprendre la manière dont était conçue l’Eurasie que comme preuve de la connaissance de la sphéricité de la Terre au Moyen Âge.

7Les mappemondes sont tantôt sphériques, tantôt hémisphériques. Les géographes grecs présocratiques enseignaient déjà que l’Océan mondial se prolongeait dans quatre golfes, pénétrant les terres : les mers Méditerranée, Rouge, Caspienne, et le golfe persique. Ce système se retrouve dans les mappemondes de Macrobe – qui reprend la division du monde en zones établie par Cratès de Mallos – qui tenta de représenter, outre l’Écoumène, la terre entière. Ainsi le système des quatre golfes se retrouve-t-il à la fois dans les mappemondes « zonales » et les cartes T-O. Cosmas Indicopleustès, qui écrivit en grec à Alexandrie au vie s., avait aussi connaissance de ce système.

8Dans le chapitre consacré aux mappemondes ne présentant qu’un seul littoral, comme la mappemonde d’Ebstorf, L. Chekin s’attarde sur les représentations œcuméniques, telles que celle du pseudo-Isidore de la bibliothèque vaticane (env. 775), celle de la Bibliotheca Cottoniana, celle de Sawley, celle du psautier de Londres et celles des grandes peintures de Vercelli, Ebstorf et Hereford. Les mappemondes de grandes dimensions sont examinées en part. pour l’Asie du nord et de l’est. La mappemonde d’Ebstorf est l’objet d’observations – par ailleurs discutables – concernant la partie européenne de l’Eurasie. Spécialiste de l’Europe orientale et de l’Asie septentrionale, L. Chekin commente ensuite des mappemondes hémisphériques et des cartes représentant les climats. Il souligne ainsi l’importance des Khazares sur la mappemonde d’Ebstorf ou la place des Kumanes chez Jean de Wallingford, et revient sur l’emplacement du fleuve Eusis, qui se jette dans la mer Noire, chez Beatus. Chacune de ses notes est en tout cas mûrement réfléchie.

9Cet ouvrage, fruit d’un travail de longue haleine, met à la disposition des lecteurs une information abondante sur des sujets peu communément traités en Europe occidentale. Il est complété d’un glossaire « Onomasticon scythique », récapitulant les termes géographiques, ethniques de cet espace, ainsi que ses singularités, suivi d’un bestiaire. Une bibliographie détaillée, une liste des manuscrits cités et un index géographique général parachèvent le volume. L’étude de L. Chekin sur l’Eurasie septentrionale permettra aux étudiants travaillant sur la cartographie médiévale d’aborder un dossier quelque peu délaissé en Europe centrale et occidentale, et l’A. apporte des éclairages originaux venus de tout le nord de l’Eurasie jusqu’à la mer Noire et la mer Caspienne.

10En dépit de quelques bévues comme la reproduction latéralement inversée de la carte de Beatus (p. 470) ou les inscriptions confuses concernant la carte de Matthieu Paris (p. 493/494), il s’agit d’un travail réalisé avec soin et intelligence, qui enrichit considérablement notre connaissance des mappemondes médiévales.

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Pour citer cet article

Référence papier

Anna-Dorothée Von den Brincken, « Leonid S. Chekin. — Northern Eurasia in Medieval Cartography. Inventory, Texts, Translation and Commentary »Cahiers de civilisation médiévale, 216 | 2011, 408-409.

Référence électronique

Anna-Dorothée Von den Brincken, « Leonid S. Chekin. — Northern Eurasia in Medieval Cartography. Inventory, Texts, Translation and Commentary »Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 216 | 2011, mis en ligne le 01 juillet 2024, consulté le 19 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/18062 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/128rx

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