L’utilisation des lettres dans la Vita de Grégoire le Grand par Jean Diacre
Résumés
La Vita de saint Grégoire le Grand écrite par Jean Diacre entre 873 et 875 (BHL 3642) est constituée pour une grande partie de citations de lettres du pape, comme l’auteur lui-même l’explique dans sa praefatio. Ces lettres sont insérées parfois intégralement, mot à mot, parfois partialement, coupées ou abrégées par les procédés de « condensation » et d’« excision ». Le pourcentage des lettres originales utilisées est élevé et les différentes techniques d’utilisation ne se trouvent pas ailleurs dans les textes hagiographiques de son époque. Tout ceci contribue à rassembler cette Vita avec la biographie et l’historiographie romaines. Les lettres sont insérées comme le sont les documents authentiques et réalisent une « biographie documentaire » très originale (un exemple de « Life and letters genre ») ; elles sont regroupées en de véritables « dossiers » thématiques et donnent à l’œuvre un caractère normatif très net. La comparaison avec trois textes hagiographiques des XIe-XIIe siècles (écrits par Pierre Damien, André de Strumi, Paul de Bernried) indique les trois conditions nécessaires pour réaliser une « biographie documentaire » : existence de lettres, modalité de conservation et attitude personnelle de l’écrivain.
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Mots-clés :
Grégoire le Grand, Jean Diacre, hagiographie, lettres, genre épistolaire, historiographie, archives, haut Moyen Âge, papauté, biographieKeywords:
Gregory the Great, John the Deacon, hagiography, letters, epistolary genre, historiography, archives, early Middle Ages, papacy, biographyPlan
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- 1 La présence de lettres fausses dans l’hagiographie martyriale d’Italie a été signalée par Francesco (...)
- 2 Helmut Goll, Die Vita Gregorii des Johannes Diaconus. Studien zum Fortleben Gregors des Großen und (...)
- 3 Vita (éd. cit. n. 2), en attendant l’édition critique de L. Castaldi, on peut lire la Vita dans l’ (...)
1L’hagiographie de l’Italie centrale au Moyen Âge offre nombreux exemples d’insertion de lettres, authentiques ou fausses1, entières ou morcelées, mais citées mot à mot. L’un des cas plus intéressants est la Vita de saint Grégoire le Grand écrite par Jean Diacre ou Jean Hymmonides entre 873 et 875 (BHL 3642)2. Ce texte célèbre, qui constitue l’une des œuvres les plus importantes de l’hagiographie pontificale médiévale, est transmis par un nombre considérable de manuscrits : Lucia Castaldi, qui est en train d’en donner l’édition critique, en a recensé tous les témoins connus ; elle en compte 146 complets et 150 abrégés3.
Réflexion de l’hagiographe sur son œuvre : la praefatio
- 4 Sur les formes et les fonctions des préfaces, la bibliographie est ample ; voir les œuvres capitale (...)
- 5 PL 75, col. 61-62.
- 6 H. Goll (op. cit. n. 2), p. 16, note l’utilisation par Jean, dans la préface (PL 75, col. 62C), de (...)
- 7 Vita, praefatio : « Praeceperas, ut vitam ipsius de scrinio Sanctae Sedis Apostolicae tanto pleniu (...)
- 8 Le terme plus utilisé est « epistolae », mais une fois (Vita IV 7, col. 176) l’hagiographe utilise (...)
- 9 « Si cui tamen, ut assolet, visum fuerit aliter, ad plenitudinem scrinii vestri recurrens, tot char (...)
- 10 Sur le registre de Grégoire le Grand voir Robert Godding, Bibliografia di Gregorio Magno, 1890-1989(...)
- 11 « Ex quorum multitudine primi Hadriani papae temporibus quaedam epistolae decretales per singulas i (...)
- 12 Voir P. Ewald (art. cit. n. 10), p. 537 ; L. Castaldi (art. cit. n. 10), p. 87-89.
2La praefatio est le lieu privilégié par les auteurs médiévaux pour exprimer leurs réflexions méta-textuelles4. La préface de la Vita5, qui se présente avant tout – selon Helmut Goll – comme une défense préventive contre d’hypothétiques critiques des détracteurs6, est riche d’informations sur la genèse de l’œuvre et la méthode suivie par son auteur. L’œuvre, dit Jean, a été écrite à la demande du pape Jean VIII (872-882)7, principalement à partir des lettres grégoriennes, nommées epistolae ou apices8, qui étaient conservées à son époque en 14 volumes dans les archives (scrinium) du Latran, un volume pour chaque année du pontificat9. En réalité, la critique a établi que Jean n’utilise pas les 14 volumes originaux mais l’un des recueils qui circulaient déjà au viiie siècle, en particulier la collection désignée par les éditeurs modernes par la lettre R, dite collection « hadrienne » puisqu’elle remonte au temps du pape Hadrien Ier10 ; Jean en parle une fois dans la Vita11. Elle rassemble 686 lettres du pape sur un total d’environ 850 connues. Elle fournit à l’hagiographe toutes les lettres citées dans la Vita sauf cinq12.
- 13 « Quorum summam […] ego transferre diffugio, meique lectoris oculum ad illius venerandi scrinii ple (...)
- 14 Voir Ep. IX 136 (conservation dans le scrinium des actes du concile d’Éphèse) ; Ep. XII 6 (exemplai (...)
- 15 Gabriella Braga, « Epitomi », dans Enciclopedia gregoriana (op. cit. n. 2), p. 112-118 ; Fabiana Bo (...)
- 16 Sur le scrinium du Latran voir D. Norberg (op. cit. n. 10), II, p. 1-6 ; Leonard E. Boyle, A Survey (...)
- 17 « Job, Ezechiel, Evangelia et Pastoralem exposuit, et multa alia […] sicut reliqua ipsius opera qua (...)
- 18 Paul Diacre, Historia Langobardorum, III 20, Hanovre, (MGH, Scriptores rerum Langobardicarum et It (...)
- 19 « Si quis plenius nosse desiderat, epistolas antecessoris sui papae Pelagii ad eum super multimodi (...)
- 20 Par exemple, quant au « chartaceum praegrande volumen » qui réunit les noms des pauvres bénéficiair (...)
3L’importance du scrinium en tant que lieu de conservation et d’organisation de l’énorme production littéraire du saint pape ne doit cependant pas être oubliée. L’hagiographe lui-même en parle comme d’un lieu qui donne autorité aux pièces qu’il conserve13. Le scrinium est bien organisé dès le temps de Grégoire, comme un lieu de conservation de tous les documents pontificaux, lettres et œuvres littéraires du pape, soit des archives doublées d’une bibliothèque14. Dans le scrinium, les textes grégoriens pouvaient être consultés, comme ils le furent au début du viie siècle par Paterius et, à la fin du même siècle, par Taio de Saragosse, tous les deux compilateurs actifs de florilèges des œuvres du pape15. La séparation entre chancellerie et archive remonte au temps du sacellarius Grégoire, futur pape Grégoire II (715-751). L’archive est séparée de la bibliothèque à la fin du ixe siècle, notamment avec Anastase bibliothecarius, l’un des collaborateurs de Jean Diacre et du pape Jean VIII, acteur de la « renaissance » des lettres dans le milieu de la curie pontificale16. Il est toutefois sûr que les œuvres de Grégoire étaient encore conservées dans le scrinium au temps de Jean Diacre, près des autres documents17. Avec les lettres de Grégoire étaient aussi conservés les registres d’autres pontifes. La présence d’un recueil des lettres de son prédécesseur, le pape Pélage II (579-590), est assurée par le témoignage de Jean Diacre : il tire de ce recueil une lettre – écrite par Grégoire au temps de son diaconat selon Paul Diacre18 – et l’insère à côté de celles de Grégoire devenu pape – c’est le seul cas de ce genre19. Enfin, l’hagiographe renvoie au scrinium le lecteur curieux de lire les documents authentiques du pontificat de Grégoire20.
- 21 « Eaedemque nonnullis integrae, quibusdam vero parte aliqua deminutae, pro personarum, locorum, siv (...)
- 22 « Sicut in suis litteris, quas ego studio brevitatis omisi, poterit inveniri », Vita II 54, col. 11 (...)
- 23 « Pauca de multis […] colligens », Vita, praefatio, col. 61 ; « Breviter indicabo », Vita III 12, c (...)
- 24 « Sollicitus deflorare curavi », Vita, praefatio, col. 62 ; « At ego hic a deflorationis opere paul (...)
- 25 « Paterium aeque notarium, qui […] ex libris ipsius aliqua utillima defloravit », Vita II 11, col. (...)
- 26 Paterius, Expositio Veteris ac Novi Testamenti, proœmium, PL 79, col. 684A.
- 27 Sur l’usage du terme « deflorare » voir Thesaurus Linguae Latinae (op. cit. n. 8), V/1, 1909-1934, (...)
4Les lettres du pape, continue la praefatio, sont utilisées de deux façons différentes. Parfois, le texte est inséré intégralement, parfois en partie, selon son utilité pour la construction du discours21. Il faudra vérifier la réalité de cette assertion à partir du pourcentage d’utilisation des lettres et des techniques d’abrégement utilisées. D’autres lettres grégoriennes, écrit l’hagiographe, restent exclues de la Vita pour des raisons de brièveté22. La brevitas – terme qui rapproche cette écriture de la méthode historiographique – est le caractère principal du style revendiqué par l’œuvre, avec des incidences sur sa structure narrative23. L’opération que l’hagiographe effectue sur le corpus des lettres est appelée par lui-même defloratio, c’est-à-dire, collecte de pièces sélectionnées à partir d’un recueil majeur24. Le même terme est aussi employé par Jean à propos du Liber testimoniorum de Paterius25 – même si ce dernier utilise plutôt les synonymes « decerpere » et « colligere in unum »26 : c’est un terme commun pour désigner la composition de florilèges, c’est-à-dire d’œuvres dont l’« auteur » est celui qui opère la sélection et rassemble des morceaux d’origine différente, mais ce terme est utilisé aussi dans la littérature patristique et altomédiévale pour indiquer la composition d’œuvres dont l’auteur dissimule l’originalité27. L’originalité – on le sait – est une valeur de l’esthétique romantique qui ne se rapporte pas bien aux œuvres du Moyen Âge.
- 28 Vita, praefatio, col. 61-62 ; sur la quadripartition de la Règle Pastorale voir aussi Vita IV 73, (...)
- 29 « Neque magnopere tempora temporibus contuli, sed rebus similibus similia coaptavi, quoniam revera (...)
5Quant à la structure de l’œuvre de Jean Diacre, il dispose son matériau en quatre livres thématiques (autant que dans la Règle Pastorale de Grégoire lui-même), la carrière jusqu’au pontificat, les vertus, le magistère, les maladies et la mort28. Dans cette disposition, l’auteur ne suit pas l’ordre chronologique mais l’analogie des contenus, selon le critère qu’il énonce en ces termes : « Non tantum quando […] sed quantum29 ».
Une approche quantitative
- 30 Voir P. Ewald (art. cit. n. 10), p. 537, 540-542 ; H. Goll (op. cit. n. 2), p. 36-39.
- 31 P. Ewald (art. cit. n. 10), p. 536 : « Eine Gewebe von Brieffragmenten ».
- 32 Sancti Gregorii Papae I cognomento Magni, Opera Omnia…, Paris, Rigaud 1705, Registrum… (éd. cit. n (...)
- 33 Cf. le schéma proposé par P. Ewald (art. cit. n. 10), p. 537-538.
6Quel est le poids des lettres grégoriennes dans la composition de la Vita ? Par rapport à ses nombreuses sources narratives (Bède, Paul Diacre, Grégoire de Tours, Jean Moscus, etc.30), les lettres forment certainement sa source principale, au point que la Vita a été définie comme un « entrelacement d’extraits de lettres »31. Leur présence massive avait déjà été notée par les Mauristes : quand ils ont publié la Vita et le registre de Grégoire le Grand en 170532, ils ont identifié les citations directes de lettres dans la Vita. Je les ai relevées à nouveau à partir du texte critique du Registrum publié par Dag Norberg en 1982 (CCSL 140-140A), en opérant quelques corrections par rapport aux identifications mauristes – mais l’analyse complète des sources attend d’être confirmée par l’édition de L. Castaldi. Les résultats de ma recherche sont les suivants33 :
Vita | Ep. | utilisation (% à la lettre) |
I 45 | I 3 | 84 % |
I 46 | I 4 | 76 % |
I 47 | I 5 | 100 % |
I 48 | I 6 | 51 % |
I 49 | I 25 | 77 % |
I 50 | I 29 | 61 % |
I 51 | I 30 | 72 % |
I 52 | I 41 | 33 % |
I 54 | I 26 I 31 | 46 % 79 % |
II 3-4 | I 24 | 13 % |
II 11 | XII 6 | condensée |
II 15 | III 61 | condensée + 3 % |
II 21 | IX 26 | 84 % |
II 27 | VII 23 | 3 % |
II 34 | VI 53 | 79 % |
II 37-39 | XI 39 XI 56 | condensée |
II 39 | VIII 29 | 23 % |
II 40 | XI 36 | 7 % |
II 46 | VI 10 | 93 % |
II 47 | IV 26 | 25 % |
II 48 | V 7 | 49 % |
II 49 | VIII 23 VIII 1 | 83 % 7 % |
II 50 | I 17 II 2 | 67 % 100 % |
II 51 | XI 17 | 100 % |
II 53 | IX 205 | 28 % |
II 54 | XI 53 V 1 VII 40 IV 11 | 27 % 83 % 87 % 19 % |
II 55 | I 37 I 23 I 57 I 18 II 1 I 44 III 55 VI 4 II 30 IV 28 IV 43 V 25 IX 110 X 12 XIII 26 | 100 %100 % 100 % 42 % 100 % 100 % 100 % 100 % 14 % 100 % 100 % 21 % 100 % 100 % 50 % |
II 56 | V 35 | 25 % |
II 57 | XIII 21 | 100 % |
II 58 | XIII 35 I 42 | 100 % 100 % |
II 59 | I 70 | 37 % |
III 2 | IX 214 IX 216 | 41 % 60 % |
III 2-3 | IX 219 | 69 % |
III 4 | XII 9 | 7 % |
III 6 | V 62 | 12 % |
III 8 | III 15 | 60 % |
III 9 | II 19 | 91 % |
III 10 | III 32 III 52 | 62 % 17 % |
III 11 | III 30 | 100 % |
III 12 | II 21 V 20 X 6 XII 4 XIII 12 XIV 11 | 73 % 87 % 100 % 79 %10 % 88 % |
III 13 | V 40 | 35 % |
III 14 | I 8 II 37 | 100 %100 % |
III 15 | I 77 II 31 II 42 III 20 III 13 | 83 % 46 % 75 % condensée 22 % |
III 16 | I 43 | 43 % |
III 17 | II 13 | 100 % |
III 18 | II 2-3 II 8-9 II 23 | condensée |
III 19 | V 35 | 16 % |
III 20 | IV 14 VI 11 VI 20 | 55 % 25 % 67 % |
III 21 | I 81 | 78 % |
III 22 | II 32 II 33 | 100 % 100 % |
III 23 | IV 11 | 31 % |
III 24 | I 64 V 16 | 100 % 10 % |
III 25 | II 5 VII 19 | condensée 21 % |
III 26 | VIII 28 | 28 % |
III 27 | XIV 15 XI 3 | 100 % 47 % |
III 29 | VI 33 | 48 % |
III 30 | XI 10 | 34 % |
III 31 | II 41 | 52 % |
III 32 | IX 1 | 76 % |
III 33 | XI 34 | 80 % |
III 34 | II 17 | 17 % |
III 35 | II 44 | 43 % |
III 36 | X 4 | 100 % |
III 37 | VI 23 | 100 % |
III 39 | VIII 8 | 46 % |
III 40 | VIII 9 | 33 % |
III 41 | XIII 27 | 100 % |
III 42 | XIII 29 V 4 | 100 % 14 % |
III 43 | III 44 | 44 % |
III 44 | I 33 III 52I X 1 IX 155 | 13 % 17 % 28 % 45 % |
III 45 | XI 10 | 25 % |
III 46 | X 5 | 63 % |
III 47 | XI 4 | 33 % |
III 48 | V 19 | 63 % |
III 49 | II 38 V 40 VIII 2 XI 1 | 8 % 26 % 4 % 11 % |
III 50 | III 61 III 64 | 24 % 35 % |
III 51-52 | V 39 | 61 % |
III 53 | V 37 | 43 % |
III 54 | V 44 III 52 | 30 % 17 % |
III 55 | V 45 | 100 % |
III 56 | IV 30 | 93 % |
III 58 | - | - |
III 59 | III 3 | 18 % |
III 60 | VIII 29 | 34 % |
IV 1 | II 40 V 41 | 11 % 4 % |
IV 2 | III 54 | 23 % |
IV 3 | V 11 | 100 % |
IV 4 | V 15 | 82 % |
IV 5 | V 61 | 53 % |
IV 6 | VI 31 | 70 % |
IV 7 | IX 168 | 100 % |
IV 8 | VIII 27 | 100 % |
IV 10 | V 39 | 29 % |
IV 11 | VIII 11 | 30 % |
IV 12 | IX 150 | 72 % |
IV 13 | IX 178 | 95 % |
IV 14 | IX 179 | 65 % |
IV 15 | IX 177 = IX 231 | 100 % |
IV 16 | V 36 | 100 % |
IV 20 | XIII 32 | 82 % |
IV 21 | XIII 39 | 94 % |
IV 22 | XIII 40 | 46 % |
IV 23 | IX 148 VI 65 | 2 % 12 % |
IV 24 | III 30 XI 6 | 100 % 37 % |
IV 25 | I 25I 7 V 42 | 13 % 22 % 9 % |
IV 26 | III 7 III 6 | 26 % 37 % |
IV 27 | III 45 | 26 % |
IV 28 | III 8 X 11 XIII 46 | 100 % 90 %18 % |
IV 29 | IX 27 | 15 % |
IV 30 | XI 24 | 62 % |
IV 31 | XI 53 | 57 % |
IV 32 | III 38 V 57 | 100 % 51 % |
IV 33 | II 7 | 87 % |
IV 34 | XIII 45I V 11 | 100 %21 % |
IV 35 | II 26 | 37 % |
IV 36 | VI 15 VI 16 VI 14 VI 65 | 82 % 35 % 8 %90 % |
IV 37 | V 56 | 100 % |
IV 38 | I 16 XIII 34 | 100 %40 % |
IV 39 | XI 29 IX 139 XIII 6 | 100 % 71 % 72 % |
IV 40 | III 42 | 75 % |
IV 41 | XI 30 | 100 % |
IV 42 | I 45 VIII 25 | 81 % 18 % |
IV 43 | III 37 IV 21 | 76 % 48 % |
IV 44 | VII 21 | 100 % |
IV 45 | IV 9 | 13 % |
IV 46 | VI 29 | 69 % |
IV 47 | VIII 21 | 91 % |
IV 48 | VI 30 | 100 % |
IV 49 | IX 229 | 13 % |
IX 51 | XIII 1 | 90 % |
IV 52 | II 25 III 24 III 25 XIII 43 XIII 24 XI 21 | 54 % 33 % 50 %17 % 27 % 58 % |
IV 53 | XI 31 | 43 % |
IV 54 | IV 12 | 16 % |
IV 55 | X 15 | 76 % |
IV 56 | IX 80 | 100 % |
IV 57 | X 17 | 42 % |
IV 58 | XI 26 | 8 % |
IV 59 | III 10 | 100 % |
IV 60 | VII 22 | 16 % |
IV 61 | VII 29 | 28 % |
IV 62 | VII 8 | 22 % |
IV 64 | V 6 | 24 % |
IV 66-67 | II 38 | 17 % |
IV 67 | IX 232 X 14 IX 176 XIII 43 XI 20 XI 26 XIII 24 VIII 2 | 67 % 33 % 23 % 12 % 74 % 8 % 20 % 5 % |
IV 70 | XII 6 | 15 % |
IV 75 | III 50 | 100 % |
IV 78 | X 16 VII 9 XII 6 | 17 %33 %11 % |
IV 81 | XI 55 | 47 % |
- 34 P. Ewald (art. cit. n. 10), p. 536, en dénombre environ 230, car il compte aussi les allusions et (...)
- 35 Les colonnes blanches représentent la longueur de chaque livre, mesurée empiriquement à partir des (...)
7On voit qu’une bonne partie des lettres du pape trouve place dans la Vita, avec 210 lettres sur les 686 de la collection Hadrienne, soit un tiers34. On peut schématiser le pourcentage d’utilisation des lettres dans chacun des quatre livres de la Vita de la façon suivante35 :
Représentation de l’utilisation des lettres dans chacun des quatre livres de la Vita, en gris, la partie de chaque livre constituée des lettres.

cl. Pierluigi Licciardello.
- 36 Le pourcentage relativement faible du premier livre s’explique par son sujet : il concerne la jeune (...)
8Les lettres représentent 22,5 % du premier livre36, pourcentage qui monte à 53,5 % pour le deuxième, 73,3 % pour le troisième, puis descend à 50,6 % pour le quatrième ; au total, la moitié du texte de la Vita est constituée par des citations des lettres du pape – sans compter les extraits assez fréquents d’autres œuvres grégoriennes comme les Dialogues, les Moralia in Job ou la Règle Pastorale. C’est un pourcentage très élevé, surtout compte tenu de la longueur de l’œuvre, et qui ne trouve pas d’équivalent ailleurs.
Techniques d’utilisation des lettres
- 37 Par exemple Vita III 54, col. 165 : « Aut easdem personas [Iohannem Chalcedonensem et Athanasium, I (...)
- 38 Vita III 2, col. 131.
- 39 Vita III 10, col. 135 ; Vita III 24, col. 144.
- 40 Vita III 13, col. 138 ; Vita III 28, col. 146.
- 41 Vita III 30, col. 146.
- 42 Vita III 49, col. 160.
- 43 Par exemple division en Vita III 48 de l’Ep. V 19 en deux parties (26 % et 6 % du total), séparées (...)
- 44 Exemples de variation : en Vita III 53, col. 162 : « Ecce claves regni coelestis haud dubium est qu (...)
9Plusieurs techniques sont utilisées pour insérer les lettres grégoriennes dans la Vita. La plus fréquente est l’insertion de la lettre mot à mot, entièrement ou partiellement. L’hagiographe intervient seulement par l’ajout d’une brève cheville. Le nom du destinataire, qui se trouvait dans l’inscriptio de la lettre originale, ne manque jamais ; s’il est coupé avec le fragment de lettre qui le contenait, il est restitué plus loin par l’hagiographe37 ; le nom permet en effet de repérer de quelle lettre il s’agit, en l’absence d’une division moderne avec numérotation du registre. Les chevilles permettent à la citation de s’insérer aisément dans la Vita. D’autres indications sont ajoutées pour aider le lecteur à repérer le passage exact de la lettre quand le texte original est très long, comme « et post pauca38 », « item […] post multa39 », « inter caetera40 », « post aliqua41 », « post plurima42 ». Ces indications sont répétitives mais toujours correctes et utiles pour repérer le passage cité. Elles démontrent l’habileté de l’hagiographe dans la sélection des passages, sa profonde connaissance de l’œuvre grégorienne et le soin qu’il prend pour la présenter aux lecteurs. S’il arrive que la même lettre soit morcelée en plusieurs parties, chaque partie est introduite par une indication de position43. Il est très rare que les additions introduisent de véritables variations par rapport à la lettre originale44.
- 45 J’ai exclu de mon calcul les parties formulaires initiales (inscriptio, intitulatio, titulus).
- 46 La lettre a été très étudiée dans le domaine de l’histoire agraire et sociale du haut Moyen Âge ita (...)
- 47 Vita I 3, col. 89 : « Et caetera quae post in Libro Pastorali prosequitur » : voir Règle pastorale(...)
10Pour une bonne partie d’entre elles (58 cas sur 210), les lettres sont insérées intégralement : c’est-à-dire qu’au moins 90 % de la lettre est passé dans la Vie45. Quelques-unes frappent à cause de leur longueur. En Vita I 47 par exemple, une longue lettre à Théocista, sœur de l’empereur Maurice (Ep. I 5) s’insère dans le thème de la défense de Grégoire contre l’accusation, portée par des Lombards perfides, qu’il ait voulu se hisser au sommet de l’Église pour des raisons de prestige alors qu’il est certain – dit l’hagiographe – qu’il a toujours répugné à cette charge pour garder la paix de la contemplation céleste. La Vita reprend tout, depuis le nom de la destinataire, les formules initiales de salutation, jusqu’à la défense du pape contre l’accusation de vanité – la citation est parfaitement cohérente jusqu’à ce moment avec le thème biographique énoncé. Mais l’hagiographe continue ensuite avec les réflexions de Grégoire, qui passe du dissidium privé à cette question de portée générale qu’est la difficile conciliation de la vie contemplative avec la vie active, du plaisir privé et du service public. Les réflexions morales s’appuient sur plusieurs citations bibliques, répétées elles aussi mot à mot par l’hagiographe. Très longue aussi est la lettre I 42 au sous-diacre Pierre, qui est pourtant insérée intégralement en Vita II 58 ; la lettre est assez cohérente avec le thème annoncé de la générosité (liberalitas) du pape, mais Grégoire y parle aussi de questions mineures et personnelles sans rapport avec le thème. Cette lettre témoigne plutôt de la multiplicité des centres d’intérêt du pape et de son activité particulière dans le domaine de l’administration temporelle à travers ses agents en Italie46. Cette incohérence thématique est le prix que l’hagiographe doit payer pour insérer intégralement la lettre. Enfin, la célèbre lettre I 24 (epistola synodica), adressée par Grégoire aux quatre patriarches de l’Orient chrétien peu après son élévation à la charge pontificale, est insérée très partiellement (l’incipit avec la première partie, l’explicit avec la dernière) ; mais tout en coupant le texte, Jean signale que la partie manquante se lit dans la Règle pastorale47, comme s’il voulait compléter sa citation.
- 48 Voir Monique Goullet, Écriture et réécriture hagiographiques. Essai sur les réécritures de Vies de (...)
- 49 Le pape les invite à accompagner l’empereur et ses fils dans la voie du salut ; il décrit deux espè (...)
- 50 Cf. Vita II 11, col. 92 : « […] simulque Claudium, Classitanae civitatis abbatem, qui de Proverbiis (...)
- 51 Vita III 7, col. 133 : « Nam, ut pauca de multis contingam, ex presbyteris cardinalibus Ecclesiae (...)
11Plus fréquemment, les lettres sont coupées et l’hagiographe insère seulement les morceaux utiles pour illustrer le thème dont il traite. Selon la terminologie proposée par Monique Goullet48, il utilise deux techniques d’abréviation, l’excision (ou amputation) et la condensation. Ces opérations sont souvent nécessaires à cause de la tendance de Grégoire à traiter des thèmes différents dans une même lettre, comme on l’a dit à propos de la lettre I 42. Jean Diacre privilégie de loin l’excision, de l’excision minimale dont il a déjà été question, jusqu’à l’excision presque totale. Pour se limiter à deux exemples d’excision massive, en Vita III 4 (col. 131-132), une seule phrase est utilisée à propos de la simonie : elle a été tirée de l’Ep. XII 9, une lettre adressée à l’évêque Victor de Numidie pour lui ordonner une enquête contre l’évêque Paulin de Tegesis ; de la même façon, en Vita II 27 (col. 97), une seule phrase relative à la violence des envahisseurs lombards est tirée de l’Ep. VII 23, une longue lettre adressée à Théocista et au légat André49. Dans ce cas, c’est la sélection d’un thème qui prévaut. L’aboutissement extrême de cette méthode est l’utilisation de quelques mots seulement, comme en Vita II 11 (col. 92) à propos de l’activité littéraire de Grégoire : l’hagiographe cite la collaboration de l’abbé Claude à la composition de certaines œuvres du pape, en utilisant des mots isolés tirés de l’Ep. XII 650. Enfin, en Vita III 7 (col. 133), les noms de personnages consacrés évêques par Grégoire sont tirés de plusieurs lettres grégoriennes51.
- 52 P. Ewald (art. cit. n. 10), p. 537. Deux fois : Ep. I 25 (Vita I 49, IV 25) ; Ep. II 38 (Vita III (...)
- 53 Trois fois : Ep. III 52 (Vita III 10, III 44, III 54) ; Ep. IV 11 (Vita II 54, III 23, IV 34) et Ep(...)
12Quant au reste de la lettre excisée, il n’est pas nécessairement inutile : il peut être utilisé dans un autre contexte, à l’occasion d’un thème différent. Ainsi quelques lettres (22 au total selon Paul Ewald) se trouvent-elles utilisées deux fois (15 cas selon mon analyse)52 ou, extraordinairement, trois fois (3 cas)53, dans des chapitres différents de la Vita.
- 54 Sur la sacralité du texte-canon voir Jan Assmann, Das kulturelle Gedächtnis. Schrift, Erinnerung un (...)
- 55 P. Ewald (art. cit. n. 10), p. 536.
- 56 Cf. Vita II 15, col. 93 : « Quorum tergiversationi Mauricius imperator prudenter occurrens, data pe (...)
- 57 Ep. II 42, dans Vita III 15, col. 140AB : « Postquam hostilis impietas […] nostra permissione lice (...)
13À côté de l’excision, Jean utilise aussi la technique de la condensation, ce qui implique une élaboration majeure du texte, une « reformulation globale » (M. Goullet). Jean utilise cette solution plus rarement : il démontre une bonne capacité de synthèse, mais préfère respecter le texte, soit par choix méthodologique – conservant la lettre comme document authentique –, soit du fait d’une sorte de sacralisation du texte grégorien, qui aurait acquis à ses yeux l’intangibilité de la Sainte Écriture54. « Il laisse les lettres parler d’elles-mêmes » (P. Ewald)55. Un exemple de condensation assez complexe se lit néanmoins en Vita III 18 (col. 141) : l’hagiographe synthétise en un seul paragraphe les lettres II 2-3, II 8-9 et II 23 à propos de l’affaire de la déposition de l’évêque Demetrius de Naples et de la visite de l’église par l’évêque Paul de Nepi. Souvent, la condensation accompagne l’excision. Par exemple, en Vita II 15 (col. 93), à propos de la séparation entre carrière séculière et ecclésiastique, la première partie du paragraphe condense l’Ep. III 61 tandis qu’après une brève phrase de raccord originale, la deuxième partie cite la lettre mot à mot56. Un cas particulier de condensation se lit en Vita III 15 (col. 140), à propos de l’unification de plusieurs sièges épiscopaux sous un même évêque en absence de l’évêque titulaire : ici l’hagiographe insère mot à mot – en pourcentage variable – le texte de quatre lettres, tandis qu’il utilise en extrême synthèse une cinquième lettre (Ep. II 20) fortement condensée ; l’absence de citation littérale dans ce dernier cas s’explique facilement, le texte de la lettre étant presque identique à celui de la lettre copiée peu avant au même paragraphe57. L’hagiographe évite donc, par la condensation du contenu, une répétition inutile.
Thèmes et fonctions des lettres présentes dans la Vita
- 58 Une bonne analyse du contenu de la Vita – bien que synthétique – se lit dans W. Berschin (op. cit. (...)
14Comme on le lit dans le prologue, l’ordre de présentation des lettres n’est pas chronologique : les lettres constituent de véritables dossiers thématiques, d’où une concaténation de lettres en dossiers, avec des transitions entre lettres qui ne sont pas toujours claires ni cohérentes aux yeux du lecteur moderne. Décrire tous les dossiers de la Vita signifierait déterminer les macro-séquences qui constituent la structure narrative de l’œuvre, ce qui dépasse nos objectifs58 ; il suffit pour le but que nous nous sommes proposé de donner quelques exemples significatifs, c’est-à-dire de présenter quelques dossiers où les lettres constituent une grande partie du texte.
- 59 Les sources de ce livre sont surtout l’Histoire ecclésiastique de Bède, les Decem Libri Historiae d (...)
- 60 Le dossier sur l’évangélisation des Angles utilise aussi le : Das register Gregors VII (Gregorii VI (...)
- 61 Sur ces célèbres dossiers, voir Bruno Judic, « Grégoire le grand et les Juifs. Pratique juridique e (...)
- 62 Le dossier sur l’hérésie simoniaque utilise plusieurs lettres grégoriennes, dont la très longue Ep. (...)
- 63 Sur les dossiers sur les reliques des saints voir Sofia Boesch Gajano, « La memoria della santità: (...)
- 64 Sur ce grand thème de la pensée grégorienne voir Bruno Judic, « II vescovo secondo Gregorio Magno » (...)
- 65 Voir E. Pitz (op. cit. n. 10), p. 141-145.
- 66 Ibid., p. 159-161, 164-171.
- 67 Ibid., p. 160-162, 213-215.
- 68 Voir Cristina Ricci, « Profezia e prospettive escatologiche in Gregorio Magno », dans Gregorio Magn (...)
15Le premier livre est le plus pauvre en lettres grégoriennes59. Ses deux seuls dossiers thématiques sont celui sur le refus du pontificat (Vita I 45-52) et celui, plus bref, sur la discretio du pape (Vita I 53). Dans le deuxième livre, on trouve le célèbre dossier sur l’évangélisation des Angles (Vita II 39-40)60, un dossier sur la conversion des Juifs (Vita II 48-49 ; un deuxième dossier sur les Juifs se trouve dans le livre IV)61 et un dossier sur les officiers de l’Église (Vita II 53-55). Dans le troisième livre, il faut signaler le dossier sur la simonie (Vita III 2-6)62 et ceux sur les devoirs des évêques (Vita III 7-37), la correction des fonctionnaires ecclésiastiques comme laïques (Vita III 44-55) et les reliques des saints (Vita III 56-59)63. Dans ce troisième livre, le dossier sur les évêques, qui constitue un véritable traité sur leurs qualités, leurs limites et leurs devoirs, est remarquable : il s’agit d’un traité au ton juridique qui renvoie en miroir au traité spirituel de Grégoire sur l’épiscopat qu’est la Règle Pastorale64. Dans le quatrième livre, les dossiers les plus significatifs sont ceux sur l’usage du pallium par l’archevêque Jean de Ravenne (IV 2-7)65, sur l’évêque Maximus de Salone (IV 10-15)66, sur les empereurs Maurice et Phocas (IV 16-22)67, sur le comportement du pape envers les évêques (contrôle, création et déposition, IV 25-29), sur les Juifs (IV 42-51). Tous ces dossiers sont construits en grande partie par des extraits de lettres grégoriennes. Au contraire, quelques dossiers comme celui sur les derniers temps (IV 65-66)68, sont constitués de citations d’autres œuvres grégoriennes (Homiliae in Evangelia, Homiliae in Hiezechielem, Dialogorum libri) sans présence significative des lettres.
- 69 C’est-à-dire, Vita III 55 (Ep. V 45 : « Item Sabiniano, diacono Constantinopolitano : « De causa fr (...)
16Ces dossiers ne sont pas toujours faciles à distinguer les uns des autres, bien que les passages de l’un à l’autre soient signalés par des arguments introductifs, parce que les thèmes se développent et se suivent de façon linéaire, ou ne constituent que des nuances sur un même thème. Il arrive aussi que les connexions soient faibles d’un point de vue thématique, mais qu’on passe d’une lettre à l’autre autour d’un nom de personne. Par exemple la connexion entre le long dossier sur la correction des fonctionnaires (Vita III 44-55) et celui sur les reliques des saints (Vita III 56-5) est assurée par le nom de l’évêque Jean de Constantinople, sujet de la dernière lettre du dossier précédent et destinataire de la première du suivant69. La citation de lettres qui abordent souvent plusieurs arguments différents contribue à créer une sensation de continuum narratif et l’hagiographe laisse les thèmes se lier et s’entremêler.
- 70 Vita II 58, col. 117 : « Duas hic Gregorii epistolas insero, quibus liberalitatis eius innocentia (...)
- 71 W. Berschin (op. cit. n. 2), p. 372 : « Dokumentarische Biographie ». Voir aussi C. Leonardi, « L’ (...)
- 72 Vita III 12, col. 137 : « Uno exemplo videtur esse docendum » (suit un extrait tiré de la lettre XI (...)
- 73 Voir, en général, Gerard Fransen, Les collections canoniques, Turnhout, Brepols (Typologie des sour (...)
- 74 Gilbert Dahan, L’exégèse chrétienne de la Bible en Occident médiéval, xiie-xive siècle, Paris, Cerf (...)
17La première et principale fonction des lettres dans ce contexte est d’ordre documentaire, au sens que les historiens contemporains donnent à ce mot : l’hagiographe en parle comme de témoignages (testimonium) et les insère dans le texte pour « mettre en lumière » (« ut… elucescat ») ou pour « enseigner » au lecteur (« quibus… doceatur ») des exemples des vertus et comportement du saint70. D’où la définition de W. Berschin de la Vita comme une « biographie documentaire »71. Les lettres ont aussi une fonction qu’on dira « démonstrative » : elles sont utilisées pour justifier une proposition de l’auteur. Le développement narratif est le suivant : la proposition est donnée sous la forme d’un thème – c’est une vertu, un comportement ou une pensée du saint pape, énoncé parfois de façon très synthétique ; suivent les passages des lettres qui peuvent la justifier. En réalité, le parcours mental accompli par l’hagiographe est inverse : partant de la lecture de plusieurs lettres-documents, il en extrait un thème commun qui, à ses yeux, les tient ensemble suivant une méthode inductive (des cas pluriels vers un thème singulier). Il met ensuite en scène le mouvement contraire, énonçant le thème qui devient une espèce de proposition dialectique à démontrer, puis le faisant suivre des pièces justificatives. Un exemple clair de ce procédé se lit en Vita III 12 (col. 136-137) : l’hagiographe veut démontrer (indicare) le soin du pape dans le choix d’un personnel ecclésiastique adapté à la cura animarum ; il cite donc de brefs extraits de quatre lettres grégoriennes, en les introduisant, chaque fois, par la formule item ; plus avant, à propos du même sujet, il utilise le verbe docere et le mot exemplum : il expliquera au lecteur le thème « grégorien » par un exemple tiré des lettres72. L’usage de formules de transition (item) pour introduire d’autres citations tirées de différentes lettres sur le même sujet est commun à d’autres types textuels, telles que les compilations canoniques73 ou, mieux encore, l’exégèse biblique « par accumulation » – ou « micro-structure » – dont parle Gilbert Dahan74.
- 75 L. Castaldi (art. cit. n. 10), p. 87.
- 76 W. Berschin (op. cit. n. 2), p. 377 : « Zur dieser Thema [la vie épiscopale] findet Johannes reich (...)
- 77 G. Arnaldi (art. cit. n. 2), 1956 p. 73 : « Giovanni Immonide insiste sul valore normativo-ecclesi (...)
- 78 Conrad Leyser, « Charisma in the Archive: Roman Monasteries and the Memory of Gregory the Great, c. (...)
18On pourrait s’arrêter ici, parce qu’il n’y a pas pour Jean Diacre d’autre fonction propre aux lettres grégoriennes dans la Vita que la documentation ou la démonstration. Mais si, suivant l’« esthétique de la réception », on passe des intentions de l’auteur à la perception du lecteur selon une perspective critique où tous les deux contribuent à la construction du sens de l’œuvre en multipliant la pluralité des sens possibles, on peut déterminer d’autres fonctions réelles. Avant tout, les lettres sont si nombreuses qu’elles constituent un recueil du recueil, une anthologie de la collection épistolaire grégorienne qui, organisée suivant la biographie du pape, aborde tous les thèmes principaux de son œuvre. Ce caractère fut noté déjà par quelques copistes puisque, comme l’a découvert L. Castaldi, dans sept témoins la Vita est intitulée Registrum75 : la présence massive des lettres conduit le lecteur-copiste à méconnaître ou sous-évaluer le caractère hagiographique du texte pour valoriser au contraire sa dimension épistolaire. W. Berschin en arrive à dire que la Vita pourrait être appelée une sorte d’introduction générale au registre grégorien76. Il ouvre ainsi la question du genre à propos d’une œuvre si originale par sa méthode d’écriture et par le message qu’elle véhicule, et de son rapport avec les autres œuvres grégoriennes dont elle conserve plusieurs extraits : l’œuvre oscille sensiblement entre Vita, Registrum et Regula pastoralis. Avant tout, l’insertion d’un grand nombre de lettres dans la Vita confère au texte un caractère normatif très net, qui dépasse largement la fonction de transmission de comportements exemplaires propre à l’hagiographie. La Vita, comme le registre – mais peut-être plus que le registre, à cause de la sélection du matériel opérée par l’hagiographe qui choisit les lettres les plus utiles pour illustrer ses thèmes – devient alors un recueil de documents efficaces pour transmettre des normes de comportement, ainsi que des procédures à suivre dans les domaines de l’éthique personnelle et collective, de la doctrine, de l’organisation de l’Église et des prérogatives du pontife romain. Autrement dit, la Vita reçoit un caractère normatif par la présence des pièces authentiques et pleines de toute l’autorité du pape. En retour, les lettres elles-mêmes reçoivent une sanction sacrale à travers le texte hagiographique, puisqu’elles sont insérées dans la biographie d’un saint : non seulement l’hagiographe les utilise pour documenter la vie du saint, mais la sainteté de leur auteur confirme leur caractère de textes magistraux77. Hagiographie et lettres se soutiennent réciproquement dans un processus de sacralisation de la figure et de l’œuvre de Grégoire le Grand. Ce qui ressort consolidé par cette opération, c’est le rôle fondamentalement juridique du pape, exprimé à la fois à travers ses actions personnelles exemplaires mais surtout dans ses documents publics. Peut-être est-il exagéré de définir la Vita comme « a canonical collection, extracting case law in papal government from Gregory’s Register78 » ; mais il est vrai qu’il y a dans cette œuvre un croisement étonnant entre hagiographie et collection épistolaire canonique ou proto-canonique, et cette réciprocité fonctionnelle confond leurs caractères spécifiques.
- 79 H. Goll (op. cit. n. 2), p. 59-65 ; C. Leonardi, « L’agiografia romana… » (art. cit. n. 2), p. 483
- 80 C. Leonardi, « Pienezza ecclesiale… » (art. cit. n. 2), p. 65 : « Il papa è posto a vertice della t (...)
19La Vita assume par conséquent une forte fonction idéologique et théologique, puisqu’elle propose un modèle de papauté qui ne répond pas seulement aux conditions historiques du vie siècle mais doit aussi être suivi par les successeurs de Grégoire du ixe siècle : un modèle où le saint pape est le centre de commandement de l’Église, la source de son droit et la garantie de son application dans tout le monde chrétien79. La vie de Grégoire est un modèle de gouvernement de l’Église et d’exercice du ministère pastoral, qui consolide le rôle de la papauté par le modèle de sainteté du pape saint ; celui-ci n’est plus simplement moine ou prêtre, mais les deux choses ensemble, sublimées dans une figure de sainteté nouvelle80.
Sources et fortune de la méthode de Jean Diacre (quelques exemples aux xie-xiie siècles)
- 81 C. Leyser (op. cit. n. 78), p. 211, n. 21.
20Au moment où Jean décida de se mettre à l’œuvre pour écrire la Vita de saint Grégoire, il n’y avait pas d’exemples similaires d’utilisation de lettres en contexte hagiographique. Les biographies précédentes de saint Grégoire – en admettant que Jean les eût connues – ne lui auraient donné que des exemples d’utilisation très partielle des œuvres grégoriennes. Sa méthode est donc originale, au point que la Vita pourrait être présentée, selon Conrad Leyser, comme un antécédent du genre moderne dit « Life and Letters genre », un genre littéraire hybride qui trouve au xvie siècle en Érasme son auteur plus représentatif81.
- 82 Voir Vita Ambrosii 19, 23, 27, 31, 36, 49 ; Vita di Cipriano, Vita di Ambrogio, Vita di Agostino, C (...)
- 83 Vita Ambrosii 19, Bastiaensen, (Ibid.), p. 76 : « Qui voluit cognoscere, ipsius legationis epistula (...)
- 84 Vita Ambrosii 27, A. A. R. Bastiaensen (op. cit. n. 82), p. 88 : « Epistulam ad eundem dedit […] d (...)
21Il était nécessaire de satisfaire à trois conditions pour réaliser ce « Life and Letters genre » ou, plus simplement, cette « biographie documentaire » : l’existence de lettres écrites par le saint, leur conservation dans un lieu accessible du type archives publiques et un projet littéraire personnel de l’auteur. En effet, il existe des exemples de lettres de saint connues par leurs hagiographes mais pas ou peu utilisées : par exemple, quand il écrit sa Vita de saint Ambroise (BHL 377), ca. 411-422, son secrétaire Paulin renvoie ainsi aux lettres du saint, qui étaient conservées dans les archives de l’Église milanaise et qu’il connaissait bien ; mais il n’insère pas de lettres complètes82. Il justifie même son choix de ne pas citer une lettre du saint à cause de sa longueur83 et accepte une seule fois d’insérer de brefs passages d’une lettre84.
- 85 W. Berschin (op. cit. n. 2), p. 386. Sur la diffusion de Suétone au Moyen Âge voir Franz Brunhölzl(...)
- 86 Cornélius Népos, De viris illustribus, P. K. Marshall (éd.), Stuttgart/Leipzig, Teuber, 1991, Paus (...)
- 87 Cassiodori Epiphanii historia ecclesiastica tripartita, W. Jacob et R. Hanslik (éd.), Vindobonae, H (...)
- 88 Agnelli Ravennatis, Liber Pontificalis Ecclesiae Ravennatis, D. Mauskopf Deliyannis (éd.), Turnhout (...)
- 89 Édition de la préface dans : Epistolae Karolini Aevi V, E. Perels (éd.), Berlin, (MGH, Epistolae, 7 (...)
- 90 « Ex diversis Latinorum conscriptionibus quae historiae tuae inseras diffloravi […] Ex his duobus i (...)
22Pour identifier les possibles sources de la méthode suivie par Jean Diacre, il faut donc sortir de l’hagiographie : W. Berschin suggère que la biographie et l’historiographie romaine et patristique aient servi d’inspirations, notamment les trois œuvres célèbres riches de citations épistolaires que sont les Vies des Douze Césars de Suétone, l’Historia Augusta et l’Histoire Ecclésiastique d’Eusèbe de Cesarée85. Il faut noter que les auteurs de ces trois œuvres appartenaient au personnel impérial ou ecclésiastique de haut niveau (des chanceliers, un évêque) et avaient accès aux archives qui conservaient les lettres et les documents de leurs héros – archives impériales romaines pour Suétone et les scriptores Historiae Augustae, archives de l’Église de Césarée pour Eusèbe. On pourrait ajouter à ces exemples célèbres d’autres œuvres : des lettres se trouvent insérées dans le De viris illustribus de Cornélius Népos et dans les Noctes Atticae d’Aulu-Gelle86 ; quant à l’historiographie du haut Moyen Âge, l’insertion de lettres est très fréquente dans la continuation de l’Histoire Ecclésiastique d’Eusèbe connue comme Historia tripartita de Socrate, Sozomène et Théodoret ; traduite en latin par Cassiodore au vie siècle, elle connut une grande fortune au Moyen Âge87 ; même cas de figure dans le Liber pontificalis Ecclesiae Ravennatis d’Agnellus de Ravenne88. C’est donc dans l’historiographie classique et patristique qu’on retrouve une maîtrise des lettres et autres documents analogue à celle de Jean Diacre. Il ne faut pas oublier que ce dernier avait une vraie attitude historiographique : on connaît son projet d’écrire une histoire ecclésiastique, des temps patristiques jusqu’à son époque, grâce à la préface qu’Anastase le Bibliothécaire a donnée à sa traduction latine de la Chronographia Tripartita grecque de Théophane, Nicéphore et Georges le Syncelle, écrite entre 871 et 87489. Dans cette préface, Anastase utilise, en parlant du travail historiographique, quelques termes intéressants que l’on retrouve dans la Vita Gregorii, notamment « excerpere » et « deflorare »90.
- 91 J’ai déjà synthétiquement évoqué cet argument dans Pierluigi Licciardello, « La fonction normative (...)
23Reste à savoir si la méthode de Jean Diacre a été suivie ou non par les hagiographes postérieurs. J’analyserai trois textes des xie-xiie siècles très intéressants à ce propos91.
- 92 Stephan Freund, Studien zur literarischen Wirksamkeit des Petrus Damiani, Hanovre, (MGH, Studien un (...)
- 93 Sur cet auteur, voir en particulier Giovanni Lucchesi, « Giovanni da Lodi “il discepolo” », dans Sa (...)
- 94 Die Briefe des Petrus Damiani, K. Reindel (éd.), Munich, (MGH, Die Briefe der deutschen Kaiserzeit, (...)
- 95 Édité dans PL 145, col. 891-910, 985-1184 ; le prologue se lit aussi dans Giovanni Lucchesi, « Per (...)
- 96 S. Freund (op. cit. n. 92), p. 186 : « Die Briefe, Predigten und die von ihm verfaßten Viten bilde (...)
- 97 « Vita Petri Damiani XVI », S. Freund (op. cit. n. 92), p. 245-248 ; cf. Ep. 65, K. Reindel (éd. c (...)
24Le premier est la Vita de saint Pierre Damien (BHL 6706), ermite prieur de Fonte Avellana et cardinal évêque d’Ostie (m. 1072), écrite par son disciple Jean de Lodi, entre 1076 et 108492. L’hagiographe connut vraisemblablement son maître à l’occasion d’une mission apostolique du saint à Milan entre 1059 et 1060, et le suivit dans l’ermitage de Fonte Avellana, au mont Catria dans les Marches, où il fut élu prieur entre 1082 et 108493. Pierre Damien écrivit au cours de sa vie de nombreuses lettres – 180 selon leur dernier éditeur94 – par lesquelles il cherchait à diffuser les idéaux de la réforme monastique et grégorienne et à diriger dans la vie spirituelle hommes religieux et laïques ; ces lettres, avec les autres œuvres du saint (sermons, poésies, pièces hagiographiques et liturgiques) furent recueillies après sa mort par Jean de Lodi dans un monumental codex de parchemin – une véritable édition médiévale –, le manuscrit aujourd’hui conservé au Vatican, Vat. lat. 3797, et dans deux autres manuscrits (Urbin. lat. 503 et Vat. lat. 4930). Ces trois codices furent conservés dans les archives de l’ermitage. Dans le dernier codex, Jean ajouta aussi une compilation de sa main, les Collectanea, soit un recueil d’extraits exégétiques tirés des œuvres du saint, organisé selon l’ordre des livres de la Bible95 ; ce texte original – bien que compilatif – indique la profonde connaissance que Jean de Lodi avait des œuvres de Pierre Damien et sa possibilité de les utiliser à son aise, en tant que responsable des archives de l’ermitage. Toutefois, au moment d’écrire la Vita de son maître, Jean renonça à insérer dans le texte, mot à mot, quelques-unes de ses nombreuses lettres, bien qu’il les connaisse très bien et qu’il les utilise souvent comme sources d’information96. L’unique cas d’insertion documentaire est la copie partielle du discours tenu par le saint devant le clergé de Milan à l’occasion de sa mission de 1059/1061, discours que Jean pouvait lire dans la lettre 65 de Pierre Damien et appelée par lui Actus Mediolani97. Ici Jean de Lodi ne suit pas l’exemple de Jean Diacre : son choix traduit une attitude intellectuelle différente, tandis que les conditions concrètes de rédaction sont très voisines. Jean de Lodi veut toujours retravailler ses sources et les cacher sous un discours original, plutôt que les présenter directement comme le fait Jean Diacre.
- 98 Vita BHL 4397, dans Acta Sanctorum Iulii III, Anvèrse, 1723, p. 343-365 ; repris par PL 146, col. 7 (...)
- 99 Paolo Lamma, « Andrea da Parma (da Strumi) », dans Dizionario Biografico… (op. n. 2), 3, p. 110-112
- 100 La réflexion de l’historiographie italienne sur ces thèmes est riche ; voir au moins Giovani Miccol (...)
- 101 G. Miccoli (op. cit. supra), p. 139-157 (avec édition de la lettre).
25Le deuxième texte est la Vita du saint fondateur de Vallombreuse, Jean Gualbert (m. 1073), écrite par André de Parme (ou de Strumi, m. 1100/1106)98. André, qui avait participé à Milan au mouvement populaire réformateur de la pataria, connut les Vallombrosains à Milan et les suivit en Toscane, où il devint abbé du monastère de Strumi99. Il y écrivit vers 1075 la biographie de Jean Gualbert, qui dépend alors encore de la tradition orale. Le saint ne semble pas avoir été un homme lettré comme Pierre Damien, mais André retrouva deux de ses lettres et les inséra entièrement dans sa Vita : la première est adressée à Hermann, évêque de Volterra, à propos de la condamnation de la simonie (Vita 67) ; la deuxième est destinée par le saint, sur son lit de mort, à ses confrères ; elle dessine l’image idéale d’une communauté chrétienne fondée sur un « lien d’amour » (vinculum caritatis, Vita 80). Enfin, une lettre adressée par le peuple de Florence au pape Alexandre II est insérée dans la Vita : le peuple raconte l’« épreuve du feu » soutenue par le moine vallombrosain Pierre (d’où son nom, Petrus Igneus) contre l’évêque simoniaque de Florence, Pierre Mezzabarba, et lui demande d’intervenir dans la « guerre sainte » menée contre le clergé simoniaque (Vita 75, catalogué aussi comme BHL 6714). Ces trois lettres ont été très bien étudiées à cause de leur dimension idéologique, comme des témoignages sur la réforme grégorienne dans sa déclination vallombrosaine et l’image idéelle que la future congrégation monastique se faisait d’elle-même100. On ne peut malheureusement pas savoir si André de Parme a choisi d’insérer dans son œuvre toutes les lettres du saint conservées (accumulation exhaustive) ou seulement celles qui lui semblaient préférables (sélection) : elles ne sont pas connues en dehors de leur tradition hagiographique. La lettre au pape pour sa part fut insérée dans le registre des lettres pontificales, et fut copiée dans cinq manuscrits aux xiie et xiiie siècles101. De toute façon, c’est la densité idéologique de ces lettres qui a décidé de leur conservation et de leur sauvegarde par l’insertion dans le texte hagiographique, un texte qui sacralise et préserve les lettres comme des expressions authentiques et originales de la pensée du milieu réformateur vallombrosain des origines.
- 102 Dernière édition dans : Pontificum Romanorum qui fuerunt inde ab exeunte sæculo ixusque ad finem sæ (...)
- 103 Sur l’utilisation des lettres de Grégoire VII dans la Vita voir Horst Fuhrmann, « Zur Benutzung des (...)
26Le troisième texte est la Vita de Grégoire VII (m. 1075), écrite en 1128 par Paul de Bernried (BHL 3652)102. C’est un cas de « biographie documentaire » comparable à celui de la Vita de Grégoire le Grand. Paul était un chanoine régulier allemand converti aux idéaux de la réforme grégorienne, qui posait des questions encore très actuelles en Allemagne au début du xiie siècle. Il écrivit son œuvre à la suite d’un voyage à Rome en 1122, où il était venu demander un privilège au pape Calixte II ; à l’occasion de ce voyage, il repéra dans les archives romaines une collection de lettres grégoriennes, qui n’était pas le célèbre Registrum de Grégoire VII, mais une autre collection particulière103. Il en tira environ 20 lettres du pape, dont une bonne partie se trouvent insérées mot à mot dans la Vita, en leur qualité de documents sur l’action pastorale et politique en faveur de la réforme de l’Église. Dans ce cas donc, comme pour celui de Jean Diacre, l’hagiographe a trouvé toutes les conditions favorables à l’élaboration d’une « biographie documentaire ».
27La Vita Gregorii Magni de Jean Diacre reste cependant presque un unicum dans l’hagiographie médiévale, parce que l’ampleur du matériau utilisé et la rigueur méthodologique de l’hagiographe sont exceptionnelles et signalent une attitude personnelle, de type historiographique, propre à un écrivain soucieux de la documentation originale et respectueux de sa textualité. L’auteur est aussi capable de dominer un matériel énorme, de le sélectionner et d’en tirer les éléments utiles grâce à des techniques d’abréviation pour réaliser un projet hagiographique et idéologique complexe. Quant à la fortune de cette méthode, les textes que nous avons analysés (les Vitae des saints Pierre Damien, Jean Gualbert, Grégoire VII), témoignent chacun une solution différente, selon les différentes combinaisons des trois conditions nécessaires pour réaliser une « biographie documentaire » : existence de lettres, modalité de conservation et attitude personnelle de l’écrivain.
Notes
1 La présence de lettres fausses dans l’hagiographie martyriale d’Italie a été signalée par Francesco Lanzoni, Le origini delle diocesi antiche d’Italia, Rome, Tipografia poliglotta vaticana (Studi e Testi, 35), 1923, p. 36, mais ce thème reste à étudier. Sur les lettres fausses voir Paolo Cammarosano, Lettere fittizie e lettere autentiche nel medioevo italiano (secoli xii-xiv), dans Medieval Letters: between Fiction and Document, C. Høgel et E. Bartolini (éd.), Turnhout, Brepols (Utrecht Studies in Medieval Literacy, 33), 2015, p. 63-72.
2 Helmut Goll, Die Vita Gregorii des Johannes Diaconus. Studien zum Fortleben Gregors des Großen und zu der historiographischen Bedeutung der päpstlichen Kanzlei im 9. Jahrhundert, Freiburg im Breisgau, Goldschagg, 1940 ; Girolamo Arnaldi, « Giovanni Immonide e la cultura a Roma al tempo di Giovanni VIII », Bullettino dell’Istituto Storico Italiano per il Medioevo e Archivio Muratoriano, 68, 1956, p. 33-89 ; Paul Devos, « Le mystérieux épisode final de la Vita Gregorii de Jean Diacre. Formose et sa fuite de Rome », Analecta Bollandiana, 82, 1964, p. 355-381 ; Claudio Leonardi, « Pienezza ecclesiale e santità nella Vita Gregorii di Giovanni Diacono », Renovatio, 12, 1977, p. 51-66, repris dans Id., Agiografie medievali, A. Degl’Innocenti et F. Santi (éd.), Florence, Sismel – Edizioni del Galluzzo [désormais : Sismel] (Millennio medievale, 89), 2011, p. 307-322 ; Id., « L’agiografia romana nel secolo ix », dans Hagiographie, cultures et sociétés. ive-xii siècles, actes de colloque (Nanterre, 2-5 mai 1979), Paris, Études augustiniennes (Collection des études augustiniennes, série Antiquité, 87), 1981, p. 471-490 (481-485), repris dans Id., Agiografie medievali (op. cit. supra), p. 195-214 (205-209) ; Walther Berschin, Biographie und Epochenstil im lateinischen Mittelalter, III: Karolingische Biographie, 750-920 n. Chr., Stuttgart, Hiersemann (Quellen und Untersuchungen zur lateinischen Philologie des Mittelalters, 10), 1991, p. 372-387 ; Girolamo Arnaldi, « Giovanni Immonide e la cultura a Roma al tempo di Giovanni VIII: una retractatio », dans Europa medievale e mondo bizantino, G. Arnaldi et G. Cavallo (éd.), Rome, Istituto Storico Italiano per il Medio Evo (Nuovi studi storici, 40), 1997, p. 163-177 ; Ferruccio Bertini, Giovanni Immonide e la cultura a Roma nel secolo ix, dans Roma nell’alto medioevo, (Spolète, 27 avril-1er mai 2000), Spolète, Centro Italiano di Studi sull’Alto Medioevo (Settimane di studio del Centro Italiano di Studi sull’Alto Medioevo, 48), 2001, p. 897-919 ; Paolo Chiesa, « Giovanni Immonide », dans Dizionario Biografico degli Italiani, 56, Rome, Istituto della enciclopedia italiana, 2001, p. 4-7 ; Vita Gregorii I papae [désormais : Vita], BHL 3641-3642, I: La tradizione manoscritta, L. Castaldi (éd.), Florence, Sismel (Archivum Gregorianum, 1), 2004 ; Lucia Castaldi, « Giovanni Immonide, diacono romano », dans Enciclopedia gregoriana, Florence, Sismel (Archivum Gregorianum, 15), 2008, p. 156-157 ; Id., « Le dediche di Giovanni Immonide », Filologia Mediolatina, 17, 2010, p. 39-69.
3 Vita (éd. cit. n. 2), en attendant l’édition critique de L. Castaldi, on peut lire la Vita dans l’édition de J.-P. Migne : Patrologie latine [désormais : PL], 75, Paris, J.-P. Migne, 1862, col. 59-242.
4 Sur les formes et les fonctions des préfaces, la bibliographie est ample ; voir les œuvres capitales de Tore Janson, Latin prose prefaces: Studies in literary conventions, Stockholm/Göteborg/Uppsala, Almquist & Wiksell (Acta Universitatis Stockholmiensis. Studia Latina Stockholmiensia, 13), 1964 ; Gerhard Strunk, Kunst und Glaube in der lateinischen Heiligenlegende: zu ihrem Selbstverständnis in den Prologen, Munich, W. Fink (Medium Aevum. Philologische Studien, 12), 1970 ; Les prologues médiévaux, J. Hamesse (éd.), Turnhout, Brepols (Textes et études du Moyen Âge, 15), 2000.
5 PL 75, col. 61-62.
6 H. Goll (op. cit. n. 2), p. 16, note l’utilisation par Jean, dans la préface (PL 75, col. 62C), des mots « recurrens », « revolvat », « relegendo », ce qui implique un contrôle du détracteur sur les sources employées par l’hagiographe.
7 Vita, praefatio : « Praeceperas, ut vitam ipsius de scrinio Sanctae Sedis Apostolicae tanto plenius quanto et certius carpere studuissem » ; IV 100 : « Ecce, studiose pontificum, iussionis tuae virtute coactus […] virum descripsi rhetoricum scriptor ignarus », PL 75, col. 61, 241.
8 Le terme plus utilisé est « epistolae », mais une fois (Vita IV 7, col. 176) l’hagiographe utilise le mot « apices ». Sur ce dernier terme, qui est déjà employé à la place d’« epistola » ou de « rescriptum » à l’époque tardo-antique, voir Thesaurus Linguae Latinae, 2, Leipzig, Teubner, 1900-1906, col. 227-228 ; « Du Cange 1 », p. 310-311. Quant aux verbes qui indiquent la composition des lettres, Jean utilise une fois « rescribere » (Vita II 21, col. 186) et plus souvent « dictare » (par exemple en Vita IV 71, col. 223). Sur les modalités de composition des lettres grégoriennes et sur le dictamen voir Dag Norberg, « Qui a composé les lettres de saint Grégoire le Grand ? », Studi medievali, 3e s., 21, 1980, p. 1-17 ; Id., « Style personnel et style administratif dans le Registrum epistularum de saint Grégoire le Grand », dans Grégoire le Grand, actes de colloque (Chantilly, 15-19 septembre 1982), J. Fontaine, R. Gillet et S.-M. Pellistrandi (éd.), Paris, Éditions du CNRS (Colloques internationaux du Centre nationale de la recherche scientifique), 1986, p. 489-496, repris dans Id., Au seuil du Moyen Âge, II : Études linguistiques, métriques et littéraires, 1975-1995, D. Norberg, R. Jacobsson et F. Sandgren (éd.), Stockholm, Almquist & Wiksell (Filologiskt arkiv, 40), 1998, p. 35-52 et 161-170.
9 « Si cui tamen, ut assolet, visum fuerit aliter, ad plenitudinem scrinii vestri recurrens, tot charticios libros epistolarum eiusdem patris, quot annos probatur vixisse, revolvat », Praefatio, col. 62 ; « Ab exponendis tamen epistolis, quamdiu vivere potuit, numquam omnino cessavit ; quarum videlicet tot libros in scrinio dereliquit, quot annos advixit. Unde quartum decimum epistolarum librum septimae indictionis imperfectum reliquit, quoniam ad eiusdem indictionis terminum non pertingit », Vita IV 71, col. 223.
10 Sur le registre de Grégoire le Grand voir Robert Godding, Bibliografia di Gregorio Magno, 1890-1989, Rome, Città Nuova (Opere di Gregorio Magno. Complementi, 1), 1990, p. 157-169, n. 1476-1594 ; Francesca Sara D’Imperio, Gregorio Magno: bibliografia per gli anni 1980-2003, Florence, Sismel (Archivum Gregorianum, 4), 2005, p. 150-167, n. 1042-1163 ; les introductions fondamentales aux éditions critiques de Paul Ewald, « Studien zur Ausgabe des Registers Gregors I », Neues Archiv der Gesellschaft für ältere deutsche Geschichtskunde, 3, 1878, p. 429-625 ; Dag Norberg, In Registrum Gregorii Magnii studia critica, I-II, Uppsala, Almquist & Wiksell, 1937. Les éditions sont : Gregorii I papae Registrum epistolarum, Libri I-VII et Libri VIII-XIV, P. Ewald et L. M. Hartmann (éd.), Berlin, (MGH, Epistolae, 1-2), 1887-1899 ; Registrum epistolarum, libri I-XV, D. Norberg (éd.), I-II, Turnhout, Brepols (Corpus christianorum, Series Latina, 140-140A), 1982, auxquelles on peut ajouter les éditions italienne : Lettere, V. Recchia (éd.) et D. Norberg (trad.), I-IV, Rome, Città Nuova (Opere di Gregorio Magno), 1996-1999 et française : Registre des lettres, I-II, P. Minard (éd.), Paris, Cerf (Sources chrétiennes, 370, 371, 520), 1991-2008. Ces œuvres touchent aussi les rapports entre le Registrum et la Vita de Jean Diacre : voir P. Ewald (art. cit. supra), p. 536-542 ; D. Norberg, In Registrum… (op. cit. supra), passim. Voir aussi Wilhelm Maria Peitz, Das Register Gregors I. Beiträge zur Kenntnis des päpstlichen Kanzlei- und Registerwesens bis auf Gregor VII, Freiburg im Breisgau, Herder (Ergänzungshefte zu den Stimmen der zeit), 1917, p. 16-26 ; H. Goll (op. cit. n. 2), fait une synthèse p. 16-18 sur les positions de P. Ewald, W. M. Peitz, Tangl et Posner à propos de la source de Jean Diacre (collection ou registre ?) ; Ernst Pitz, Papstreskripte im frühen Mittelalter. Diplomatische und rechtgeschichtliche Studien zum Brief-Corpus Gregors des Grosses, Sigmaringen, J. Thorbecke (Beiträge zur Geschichte und Quellenkunde des Mittelalters, 14), 1990 ; Bruno Judic, « La production et la diffusion du registre des lettres de Grégoire le Grand », Les échanges culturels au Moyen Âge, XXXIIe congrès de la SHMESP, (Dunkerque, juin 2001), Paris, Publications de la Sorbonne (Publications de la Sorbonne, Série Histoire ancienne et médiévale, 70), p. 71-87 ; Lucia Castaldi, « Il Registrum epistolarum di Gregorio Magno », Filologia Mediolatina, 11, 2004, p. 55-98 ; Marcella Forlin Patrucco, « Registrum Epistularum », dans Scrittura e storia. Per una lettura delle opere di Gregorio Magno, L. Castaldi (éd.), Florence, Sismel (Archivum Gregorianum, 7), 2005, p. 339-356 ; Id., « Registrum epistularum », dans Enciclopedia gregoriana (op. cit. n. 2), p. 292-295.
11 « Ex quorum multitudine primi Hadriani papae temporibus quaedam epistolae decretales per singulas indictiones excerptae sunt, et in duobus voluminibus, sicut modo cernitur, congregatae », Vita IV 71, col. 223. Sur ce passage voir P. Ewald (art. cit. n. 10), p. 440 ; W. M. Peitz (op. cit. n. 10), p. 16-17 ; R. Godding (op. cit. n. 10), I, p. 8.
12 Voir P. Ewald (art. cit. n. 10), p. 537 ; L. Castaldi (art. cit. n. 10), p. 87-89.
13 « Quorum summam […] ego transferre diffugio, meique lectoris oculum ad illius venerandi scrinii plenitudinem, cuius ipse pene in cunctis auctoritatem, papa largiente, secutus sum, transmitto », Vita II 30, col. 98. Sur l’autorité donnée aux documents par la conservation dans le scrinium voir aussi G. Arnaldi (art. cit. n. 2), 1956, p. 46-47.
14 Voir Ep. IX 136 (conservation dans le scrinium des actes du concile d’Éphèse) ; Ep. XII 6 (exemplaire authentique des Moralia in Job) ; préface aux Homiliae in Evangelia (exemplaire authentique de l’œuvre, auquel le pape renvoie pour corriger les copies difformes en circulation). Pour la fréquente mention dans les lettres de documents administratifs conservés dans le scrinium, voir D. Norberg (op. cit. n. 10), II, p. 1, n. 1 ; R. Godding (op. cit. n. 10), V, I, p. 11-12.
15 Gabriella Braga, « Epitomi », dans Enciclopedia gregoriana (op. cit. n. 2), p. 112-118 ; Fabiana Boccini, « Epitomi e florilegi », dans ibid., p. 118-126 ; sur Paterius seul, voir aussi Fabrizio Martello, All’ombra di Gregorio Magno: il notaio Paterio e il « Liber testimoniorum », Rome, Città Nuova (Fundamentis novis, 1), 2012.
16 Sur le scrinium du Latran voir D. Norberg (op. cit. n. 10), II, p. 1-6 ; Leonard E. Boyle, A Survey of the Vatican Archives and of its Medieval Holdings, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies (Subsidia mediaevalia, 1) ; Pierre Toubert, « Scrinium et Palatium : la formation de la bureaucratie romano-pontificale aux viiie-ixe siècles », dans Roma nell’alto medioevo (op. cit. n. 2), p. 57-120 (102-115) ; Victor Saxer, « La Chiesa di Roma dal v al x secolo : amministrazione centrale e organizzazione territoriale », Ibid., p. 493-637.
17 « Job, Ezechiel, Evangelia et Pastoralem exposuit, et multa alia […] sicut reliqua ipsius opera quae nunc in Sancta Romana Ecclesia retinentur adhuc sub custodia », Vita IV 70, col. 223.
18 Paul Diacre, Historia Langobardorum, III 20, Hanovre, (MGH, Scriptores rerum Langobardicarum et Italicarum), 1878, p. 103 : « Hic Pelagius […] epistolam satis utilem misit. Quam beatus Gregorius, cum esset adhuc diaconus, conscripsit ».
19 « Si quis plenius nosse desiderat, epistolas antecessoris sui papae Pelagii ad eum super multimodis Ecclesiae Dei necessitatibus destinatas, quae hactenus in scrinio Sanctae Sedis Apostolicae studiosissime conservantur, percurrat, ex quarum multitudine hic unam intersero », Vita I 32, col. 75-76. Suit une citation partielle, mais mot à mot, de la lettre ; la lettre est éditée dans Gregorii I papae Registrum epistolarum (éd. cit. n. 10), II, Appendix, III 3, p. 449-467 (451).
20 Par exemple, quant au « chartaceum praegrande volumen » qui réunit les noms des pauvres bénéficiaires des aides du pape, il est conservé dans le « sacratissimo Lateranensis palatii scrinio », Vita II 30, col. 98.
21 « Eaedemque nonnullis integrae, quibusdam vero parte aliqua deminutae, pro personarum, locorum, sive temporum dispensatione, videntur », Vita, praefatio, col. 62.
22 « Sicut in suis litteris, quas ego studio brevitatis omisi, poterit inveniri », Vita II 54, col. 111.
23 « Pauca de multis […] colligens », Vita, praefatio, col. 61 ; « Breviter indicabo », Vita III 12, col. 136 ; « Breviter indicandum », Vita I 53, col. 86 ; « Hoc breviter assero », Vita II 56, col. 116 ; « Ut pauca de multis colligam », Vita III 7, col. 133.
24 « Sollicitus deflorare curavi », Vita, praefatio, col. 62 ; « At ego hic a deflorationis opere paululum respiro », Vita I 54, col. 86.
25 « Paterium aeque notarium, qui […] ex libris ipsius aliqua utillima defloravit », Vita II 11, col. 92.
26 Paterius, Expositio Veteris ac Novi Testamenti, proœmium, PL 79, col. 684A.
27 Sur l’usage du terme « deflorare » voir Thesaurus Linguae Latinae (op. cit. n. 8), V/1, 1909-1934, col. 361-362 ; « Du Cange III », p. 42. Le terme devient très fréquent au ixe siècle.
28 Vita, praefatio, col. 61-62 ; sur la quadripartition de la Règle Pastorale voir aussi Vita IV 73, col. 224.
29 « Neque magnopere tempora temporibus contuli, sed rebus similibus similia coaptavi, quoniam revera non tantum quando fecisset, sed quantum fecisset, sollicitus deflorare curavi », Vita, praefatio, col. 62.
30 Voir P. Ewald (art. cit. n. 10), p. 537, 540-542 ; H. Goll (op. cit. n. 2), p. 36-39.
31 P. Ewald (art. cit. n. 10), p. 536 : « Eine Gewebe von Brieffragmenten ».
32 Sancti Gregorii Papae I cognomento Magni, Opera Omnia…, Paris, Rigaud 1705, Registrum… (éd. cit. n. 10), II, col. 477-1317 et Vita IV, col. 19-188, éditions reproduites en PL 77, col. 441-1352 et PL 75, col. 59-242. Sur les éditions des œuvres grégoriennes voir Lucia Castaldi, « Edizioni degli Opera omnia di Gregorio Magno », dans Enciclopedia Gregoriana (op. cit. n. 2), p. 107-111.
33 Cf. le schéma proposé par P. Ewald (art. cit. n. 10), p. 537-538.
34 P. Ewald (art. cit. n. 10), p. 536, en dénombre environ 230, car il compte aussi les allusions et les renvois génériques. Nous nous intéressons aux lettres citées mot à mot.
35 Les colonnes blanches représentent la longueur de chaque livre, mesurée empiriquement à partir des lignes de la PL. En grisé, l’espace occupé par les citations littérales des lettres de Grégoire.
36 Le pourcentage relativement faible du premier livre s’explique par son sujet : il concerne la jeunesse de Grégoire avant qu’il ne devienne pape, donc avant qu’il ne commence à écrire régulièrement des lettres archivées.
37 Par exemple Vita III 54, col. 165 : « Aut easdem personas [Iohannem Chalcedonensem et Athanasium, Isauriae presbyteros] in suis ordinibus suscipe […] » : entre crochets, les noms qui ne figurent pas à cet endroit de la lettre (Ep. III 52) mais dans la partie précédente qui a été coupée par l’hagiographe.
38 Vita III 2, col. 131.
39 Vita III 10, col. 135 ; Vita III 24, col. 144.
40 Vita III 13, col. 138 ; Vita III 28, col. 146.
41 Vita III 30, col. 146.
42 Vita III 49, col. 160.
43 Par exemple division en Vita III 48 de l’Ep. V 19 en deux parties (26 % et 6 % du total), séparées par l’indication « Et post pauca ». La longue Ep. V 44 est coupée en cinq parties, introduites par les indications « Et paulo post […] Item post aliqua […] Item post pauca […] Et infra », Vita III 54, col. 163-165.
44 Exemples de variation : en Vita III 53, col. 162 : « Ecce claves regni coelestis haud dubium est quin Petrus accepit », contre Ep. V 37 : « Ecce claves regni caelestis accipit », mais Petrus était déjà cité dans la phrase précédente coupée ; la seule véritable innovation est « haud dubium est quin » ; en Vita IV 13, col. 179 : « Qualis de causa Maximi fraternitatis vestrae […] », contre Ep. IX 178 : « Quae de causa Maximi sint agenda […] Qualis hac de re fraternitatis vestrae […] » ; en Vita IV 25, col. 188 : « Fraternitati tuae indico […] », contre Ep. I 7 : « Praeterea indico […] ».
45 J’ai exclu de mon calcul les parties formulaires initiales (inscriptio, intitulatio, titulus).
46 La lettre a été très étudiée dans le domaine de l’histoire agraire et sociale du haut Moyen Âge italien : pour la bibliographie voir M. Forlin Patrucco (art. cit. n. 10), p. 294-296.
47 Vita I 3, col. 89 : « Et caetera quae post in Libro Pastorali prosequitur » : voir Règle pastorale, I 10 et II 1-7, 9 ; cf. Antonio Cacciari, « Epistola sinodica », dans Enciclopedia Gregoriana (op. cit. n. 2), p. 111-112.
48 Voir Monique Goullet, Écriture et réécriture hagiographiques. Essai sur les réécritures de Vies de saints dans l’Occident médiéval (viiie-xiiie s.), Turnhout, Brepols (Hagiologia, 4), 2005, surtout les p. 92, 99 et 307.
49 Le pape les invite à accompagner l’empereur et ses fils dans la voie du salut ; il décrit deux espèces de larmes (peur du jugement et componction du cœur) ; il les remercie de lui avoir envoyé 30 livres d’argent, avec lesquelles il a libéré les prisonniers des Lombards à Croton et a acheté des manteaux pour les moniales pauvres de Rome ; enfin il leur envoie les clés de saint Pierre et narre un miracle de punition qui a frappé un voleur qui cherchait à les prendre.
50 Cf. Vita II 11, col. 92 : « […] simulque Claudium, Classitanae civitatis abbatem, qui de Proverbiis, de Canticis canticorum, de Prophetis, de libris Regum, deque Heptateucho, papa disputante multa, licet non eodem sensu, composuit » avec Ep. XII 6 (Corpus Chistianorum, Series Latina, 140A, p. 975) : « Praeterea quia isdem carissimus quondam filius meus Claudius aliqua me loquente de Prouerbiis, de Canticis canticorum, de Prophetis, de libris quoque Rregum et de Eptatico audierat, quae ego scripto tradere prae infirmitate non potui, ipse ea suo sensu dictavit, ne oblivione deperirent, ut apto tempore haec eadem mihi inferret et emendatius dictarentur ».
51 Vita III 7, col. 133 : « Nam, ut pauca de multis contingam, ex presbyteris cardinalibus Ecclesiae suae consecravit episcopos, Bonifacium Rhegii, Habentium Perusii, et Donum Messanae Siciliae. Ex subdiaconibus vero, Gloriosum Istriae, Festum Capuae, Petrum Trecas, et Castorium Arimini. At vero ex monachis monasterii sui, Marinianum Ravennae, Maximianum Syracusis, et Sabinum Callipoli praesules ordinavit ». Voir Boniface de Reggio de Calabre (Ep. III 4, III 43, IV 5, etc.) ; Vénance (et pas Habentius) de Pérouse (Ep. XIV 15) ; Donus de Messine (Ep. VI 8, VI 39, VII 35, etc.) ; Gloriosus de Ostie (et pas de Istrie, Ep. IX 45) ; Festus de Capoue (Ep. III 34, V 13, etc.) ; Pierre de Troecalis (et pas de Trecas, Ep. V 12, IX 21) ; Castorius de Rimini (Ep. II 11, II 25, III 24, etc.) ; Marianus de Ravenne (Ep. VI 1, VI 28, VII 40, etc.) ; Maximien de Syracuse (Ep. II 5, II 15, II 21, etc.) et Sabinus de Gallipoli (Ep. IX 206 Savinus, Ep. IX 207 Savinianus).
52 P. Ewald (art. cit. n. 10), p. 537. Deux fois : Ep. I 25 (Vita I 49, IV 25) ; Ep. II 38 (Vita III 49, IV 66-67) ; Ep. III 30 (Vita III 11, IV 24) ; Ep. III 61 (Vita II 15, III 50) ; Ep. V 35 (Vita II 56, III 19) ; Ep. V 39 (Vita III 51-52, IV 10) ; Ep. V 40 (Vita III 13, III 49) ; Ep. VI 65 (Vita IV 23, IV 36) ; Ep. VIII 2 (Vita III 49, IV 67) ; Ep. VIII 29 (Vita II 39, III 60) ; Ep. IX 1 (Vita III 32, III 44) ; Ep. XI 10 (Vita III 30, III 45) ; Ep. XI 26 (Vita IV 58, IV 67) ; Ep. XIII 24 (Vita IV 52, IV 67) et Ep. XIII 43 (Vita IV 52, IV 67).
53 Trois fois : Ep. III 52 (Vita III 10, III 44, III 54) ; Ep. IV 11 (Vita II 54, III 23, IV 34) et Ep. XII 6 (Vita II 11, IV 70, IV 78).
54 Sur la sacralité du texte-canon voir Jan Assmann, Das kulturelle Gedächtnis. Schrift, Erinnerung und politische Identität in frühen Hochkulturen, Munich, Beck, 1992 (trad. it., Turin, 1997), p. 59-98. Sur la conception sacrée du livre chrétien voir aussi Armando Petrucci, « La concezione cristiana del libro fra vi e vii secolo », Studi Medievali, 3e s., 14, 1973, p. 961-1002, rééd. dans Id., Scrivere e leggere nell’Italia medievale, C. M. Radding (éd.), Milan, S. Bonnard (Il sapere del libro), 2007, p. 43-64.
55 P. Ewald (art. cit. n. 10), p. 536.
56 Cf. Vita II 15, col. 93 : « Quorum tergiversationi Mauricius imperator prudenter occurrens, data per Longinum stratorem lege, praecepit ut quisquis fuisset publicis administrationibus implicatus, ei ad ecclesiasticum venire officium non liceret » et Ep. III 61 : « Longino viro clarissimo stratore veniente, dominorum legem suscepi, ad quam fatigatus tunc aegritudine corporis respondere nil valui. In qua dominorum pietas sanxit ut quisquis publicis administrationibus fuirit implicatus, ei ad ecclesiasticum officium venire non liceat. Quod valde laudavi […] » ; les mots : « Qui saecularem habitum deserens […] relinquere cupit saeculum, sed mutare », sont cités à la lettre.
57 Ep. II 42, dans Vita III 15, col. 140AB : « Postquam hostilis impietas […] nostra permissione licentiam ». Le texte dérive donc d’un formulaire.
58 Une bonne analyse du contenu de la Vita – bien que synthétique – se lit dans W. Berschin (op. cit. n. 2), p. 374-384.
59 Les sources de ce livre sont surtout l’Histoire ecclésiastique de Bède, les Decem Libri Historiae de Grégoire de Tours et les autres œuvres de Grégoire le Grand, telles que les Moralia in Job et surtout les Dialogues. Sur l’importance des Dialogues pour ce livre, voir H. Goll (op. cit. n. 2), p. 35-36 ; W. Berschin (op. cit. n. 2), p. 374-375.
60 Le dossier sur l’évangélisation des Angles utilise aussi le : Das register Gregors VII (Gregorii VII Registrum), II: Buch V-IX, E. Caspar (éd.), Berlin (MGH, Epistolae, 2), 1920/1990, « Libellus responsionum ad Augustinum episcopum », p. 331-343, voir Grégoire le Grand, Registre des lettres, II, SC 371, Appendix XI, p. 490-521. Il est aussi transmis par Bède le Vénérable, Historia ecclesiastica gentis Anglorum, I 27, B. Colgrave et R. A. B. Mynors (trad.), Oxford, Clarendon Press (Oxford medieval texts), 1969, p. 78-103. Voir Pierre Meyvaert, « The Registrum of Gregory the Great and Bede », Revue Bénédictine, 80, 1970, p. 162-166 ; Id., « Bede’s text of the Libellus Responsionum of Gregory the Great to Augustine of Canterbury », dans Id., Benedict, Gregory, Bede and Others. Collected Essays, Londres, Variorum (Variorum reprints, 61), 1977, p. 15-33 ; Id., « Le Libellus responsionum à Augustin de Cantorbéry : une œuvre authentique de saint Grégoire le Grand », dans Grégoire le Grand (op. cit. n. 8), p. 543-550.
61 Sur ces célèbres dossiers, voir Bruno Judic, « Grégoire le grand et les Juifs. Pratique juridique et enjeux théologiques », dans Jews in Early Christian Law: Byzantium and the Latin West, vith-xith Centuries, J. V. Tolan et N. de Lange (éd.), Turnhout, Brepols (Religion and Law in Medieval Christian and Muslim Societies, 2), 2014, p. 95-118, avec la bibliographie antérieure.
62 Le dossier sur l’hérésie simoniaque utilise plusieurs lettres grégoriennes, dont la très longue Ep. IX 219 citée en grande partie (69 % du total), à côté d’autres textes grégoriens (les Homiliae in Evangelia) et les statuts d’un synode romain contemporain de Grégoire (Vita III 5, col. 152 ; PL 77, col. 1336C-1337A en appendice à l’épistolaire grégorien ; PL 130, col. 1131CD avec le titre de Decreta Gregorii papae ; ces statuts sont transmis comme œuvre grégorienne dans plusieurs collections canoniques). Voir Giorgio Picasso, « Gregorio Magno e la condanna della simonia nel medioevo: a proposito della Causa I del ‘Decretum Gratiani’ », dans Id., Sacri canones et monastica regula: disciplina canonica e vita monastica nella società medievale, Milan, Vita e Pensiero (Bibliotheca erudita, 27), 2006, p. 25-34.
63 Sur les dossiers sur les reliques des saints voir Sofia Boesch Gajano, « La memoria della santità: Gregorio Magno autore e oggetto di scritture agiografiche », dans Gregorio Magno nel XIV centenario della morte: convegno internazionale, Roma, 22-25 ottobre 2003, Rome, Accademia nazionale dei Lincei (Atti dei convegni lincei, 209), 2004, p. 321-348 (329-330).
64 Sur ce grand thème de la pensée grégorienne voir Bruno Judic, « II vescovo secondo Gregorio Magno », dans Gregorio Magno e le origini dell’Europa, C. Leonardi (éd.), Florence, Sismel (Millennio medievale, 100), 2014, p. 269-290, avec la bibliographie antérieure.
65 Voir E. Pitz (op. cit. n. 10), p. 141-145.
66 Ibid., p. 159-161, 164-171.
67 Ibid., p. 160-162, 213-215.
68 Voir Cristina Ricci, « Profezia e prospettive escatologiche in Gregorio Magno », dans Gregorio Magno e le origini dell’Europa (op. cit. n. 64), p. 307-326.
69 C’est-à-dire, Vita III 55 (Ep. V 45 : « Item Sabiniano, diacono Constantinopolitano : « De causa fratris nostri viri reverendissimi Joannis, episcopi Constantinopolitani […] ») et III 56 : « At vero Joannes, novae praesumptionis inventor […] ».
70 Vita II 58, col. 117 : « Duas hic Gregorii epistolas insero, quibus liberalitatis eius innocentia mirabiliter doceatur » ; III 28, col. 146 : « Quod ut significantius elucescat, quasdam epistolarum eius adhibebo, quarum testimonio lector meus quorumdam episcoporum vitia reprehensa cognoscat ».
71 W. Berschin (op. cit. n. 2), p. 372 : « Dokumentarische Biographie ». Voir aussi C. Leonardi, « L’agiografia romana… » (art. cit. n. 2), p. 483 : « Per la prima volta nella tradizione occidentale […] una agiografia è concepita come un testo storico-documentario in cui la narrazione è intenzionalmente strutturata come un seguito di fatti, ma i fatti sono narrati dai documenti di archivio semplicemente trascritti ».
72 Vita III 12, col. 137 : « Uno exemplo videtur esse docendum » (suit un extrait tiré de la lettre XIV 11).
73 Voir, en général, Gerard Fransen, Les collections canoniques, Turnhout, Brepols (Typologie des sources du Moyen Âge occidental, 10), 1973, et Id., Les collections canoniques, Mise à jour, Turnhout, Brepols (Typologie des sources du Moyen Âge occidental, 10), 1985 ; désormais, Id., Canones et quaestiones : évolution des doctrines et système du droit canonique, Goldbach, Keip (Bibliotheca eruditorum, 25), 2002.
74 Gilbert Dahan, L’exégèse chrétienne de la Bible en Occident médiéval, xiie-xive siècle, Paris, Cerf (Patrimoines, Christianisme), 1999, p. 140-141.
75 L. Castaldi (art. cit. n. 10), p. 87.
76 W. Berschin (op. cit. n. 2), p. 377 : « Zur dieser Thema [la vie épiscopale] findet Johannes reiches Material in den Briefen Gregors, die er so ausführlich zitiert, daß die Vita fast zur biographischen Einführung in das Registrum Gregorii wird ».
77 G. Arnaldi (art. cit. n. 2), 1956 p. 73 : « Giovanni Immonide insiste sul valore normativo-ecclesiastico delle lettere del registro » ; S. Boesch Gajano (art. cit. n. 63), p. 321-348 (343-345). Les lettres grégoriennes étaient tout de suite entrées dans les collections canoniques : voir Jean Gaudemet, « L’héritage de Grégoire le Grand chez les canonistes médiévaux », dans Gregorio Magno e il suo tempo, XIX incontro di studiosi dellantichità cristiana incollaborazione con l’Ecole française de Rome, (Rome, 9-12 mai 1990), II: Questioni letterarie e dottrinali, Rome, Institutum Patristicum Augustinianum (Studia ephemeridis Augustinianum, 34), 1991, p. 199-221, repris dans Id., La doctrine canonique médiévale, Aldershot, Variorum (Collected studies series, 435), 1994, p. 199-221 ; Detlev Jasper et Horst Fuhrmann, Papal Letters in the Early Middle Ages, Washington, Catholique University of America Press (History of medieval canon law), 2001, p. 70-81.
78 Conrad Leyser, « Charisma in the Archive: Roman Monasteries and the Memory of Gregory the Great, c. 870-c. 940 », dans Le scritture dei monasteri, F. De Rubeis et W. Pohl (éd.), Rome, Institutum Romanum Finlandiae (Acta Instituti Romani Finlandiae, 29), 2003, p. 207-226 (215) ; voir S. Boesch Gajano (art. cit. n. 63), p. 343.
79 H. Goll (op. cit. n. 2), p. 59-65 ; C. Leonardi, « L’agiografia romana… » (art. cit. n. 2), p. 483.
80 C. Leonardi, « Pienezza ecclesiale… » (art. cit. n. 2), p. 65 : « Il papa è posto a vertice della testimonianza cristiana, e i modelli delle vite precedenti sono assorbiti e compresi entro un modello più generale ».
81 C. Leyser (op. cit. n. 78), p. 211, n. 21.
82 Voir Vita Ambrosii 19, 23, 27, 31, 36, 49 ; Vita di Cipriano, Vita di Ambrogio, Vita di Agostino, C. Mohrmann (préf.) et A. A. R. Bastiaensen (éd.), Milan, Mondadori (Vite dei santi, 3), 1997 (1975), p. 76, 84, 88, 92, 100, 116.
83 Vita Ambrosii 19, Bastiaensen, (Ibid.), p. 76 : « Qui voluit cognoscere, ipsius legationis epistulam ad Valentinianum iuniorem datam cum legerit adprobabit ; nobis enim alienum a promissione visum est illam inserere, ne adiunctae epistulae prolixitas fastidium legenti afferret ».
84 Vita Ambrosii 27, A. A. R. Bastiaensen (op. cit. n. 82), p. 88 : « Epistulam ad eundem dedit […] de qua pauca de multis ponenda duxi ».
85 W. Berschin (op. cit. n. 2), p. 386. Sur la diffusion de Suétone au Moyen Âge voir Franz Brunhölzl, « Sueton im Mittelalter », dans Lexikon des Mittelalters, 8, Munich, LexMA Verl, 1996, col. 288-290.
86 Cornélius Népos, De viris illustribus, P. K. Marshall (éd.), Stuttgart/Leipzig, Teuber, 1991, Pausanias, IV 2 ; Aulus Gellius, Noctes Atticae, C. Hosius (éd.), Suttgart, Teubner, 1903, III viii 7-8.
87 Cassiodori Epiphanii historia ecclesiastica tripartita, W. Jacob et R. Hanslik (éd.), Vindobonae, Hoelder/Pichler (Corpus scriptorum ecclesiasticoum latinorum, 71), 1952. Sur la diffusion de l’Historia tripartita au Moyen Âge voir Bernard Guenée, Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval, Paris, Aubier (Collection historique), 1991 (1980), (carte 1).
88 Agnelli Ravennatis, Liber Pontificalis Ecclesiae Ravennatis, D. Mauskopf Deliyannis (éd.), Turnhout, Brepols (Corpus Christianorum Continuatio Mediaevalis, 199), 2006.
89 Édition de la préface dans : Epistolae Karolini Aevi V, E. Perels (éd.), Berlin, (MGH, Epistolae, 7), 1928, n. 7, p. 418-421.
90 « Ex diversis Latinorum conscriptionibus quae historiae tuae inseras diffloravi […] Ex his duobus illustribus viris quaedam difflorare proposui […] Ex civilibus autem gestis quaedam summatim excerpsi ».
91 J’ai déjà synthétiquement évoqué cet argument dans Pierluigi Licciardello, « La fonction normative dans l’hagiographie monastique de l’Italie centrale (xe-xiie siècles) », dans Normes et hagiographie dans l’Occident latin (vie- xvie siècle). Actes du colloque international de Lyon (Lyon, 4-6 octobre 2010), M.-C. Isaïa et T. Granier (éd.), Turnhout, Brepols (Hagiologia, 9), 2014, p. 197-214 (199-200).
92 Stephan Freund, Studien zur literarischen Wirksamkeit des Petrus Damiani, Hanovre, (MGH, Studien und Texte, 13), 1995, p. 177-265 ; bibliographie : je renvoie à Pierluigi Licciardello, « Agiografia latina dell’Italia centrale », 950-1130, dans Hagiographies. Histoire internationale de la littérature hagiographique latine et vernaculaire en Occident des origines à 1550, G. Philippart (dir.), Turnhout, Brepols (Corpus Christianorum, Hagiographies, 5), 2010, V, p. 447-729 (487-495) ; à ajouter Umberto Longo, Come angeli in terra: Pier Damiani, la santità e la riforma del secolo xi, Rome, Viella (Sacro/santo. Nuova serie, 19), 2012, passim.
93 Sur cet auteur, voir en particulier Giovanni Lucchesi, « Giovanni da Lodi “il discepolo” », dans San Pier Damiano. Nel IX centenario della morte (1072-1972), IV, Cesène, Società Tipografica Forlivese, 1978, p. 7-66 ; Alessandro Caretta, S. Giovanni il grammatico, Lodi, (Quaderni del Centro Bassianeum, 3), 1996 ; Stephan Freund, « Giovanni da Lodi, santo », dans Dizionario Biografico… (op. cit. n. 2) p. 72-74.
94 Die Briefe des Petrus Damiani, K. Reindel (éd.), Munich, (MGH, Die Briefe der deutschen Kaiserzeit, 4), 1983-1993. Sur la tradition manuscrite des lettres voir Giovanni Lucchesi, « Clavis S. Petri Damiani », dans Studi su san Pier Damiani in onore del cardinale Amleto Giovanni Cicognani, Faenza, 1961, p. 249-407 ; Kurt Reindel, « Studien zur Überlieferung der Werke des Petrus Damiani », I-III, Deutsches Archiv für Erforschung des Mittelalters, 15, 1959, p. 23-103, 16, 1960 p. 73-154, 18, 1962, p. 317-417 ; Giovanni Lucchesi, « Sull’antica tradizione manoscritta di san Pier Damiani », Benedictina, 24, 1977, p. 209-223.
95 Édité dans PL 145, col. 891-910, 985-1184 ; le prologue se lit aussi dans Giovanni Lucchesi, « Per una Vita di San Pier Damiani. Componenti cronologiche e topografiche », dans San Pier Damiano. Nel IX centenario della morte (1072-1972), I, Cesène, Centro studi e ricerche sulla antica provincia ecclesiastica ravennate, 1972, p. 13-160 (43-44).
96 S. Freund (op. cit. n. 92), p. 186 : « Die Briefe, Predigten und die von ihm verfaßten Viten bildeten, entgegen den Angaben im Prolog, die Hauptinformationsquelle ».
97 « Vita Petri Damiani XVI », S. Freund (op. cit. n. 92), p. 245-248 ; cf. Ep. 65, K. Reindel (éd. cit. n. 94), II, p. 231-246. Jean de Lodi justifie cette insertion comme un exemple des actes du saint : « Haec autem succinte perstringere curavi, ut cetera ipsius gesta, horum inspectione, possint adverti », « Vita Petri Damiani XVI », S. Freund (op. cit. n. 92), p. 248.
98 Vita BHL 4397, dans Acta Sanctorum Iulii III, Anvèrse, 1723, p. 343-365 ; repris par PL 146, col. 765-812 ; nouvelle édition partielle dans Supplementa, 2 : Supplementa tomorum I-XV, F. Baetghen (éd.), Leipzig, (MGH, Scriptores, 30), 1934, p. 1080-1104. Pour une analyse de la Vita voir surtout Antonella Degl’Innocenti, « Le vita antiche di Giovanni Gualberto: cronologia e modelli agiografici », Studi Medievali, 3e s., 25, 1984, p. 31-91 ; Id., « L’agiografia su Giovanni Gualberto fino al secolo XV (da Andrea di Strumi a Sante da Perugia) », dans I Vallombrosani nella società italiana dei secoli xi e xii,. G. Monzio Compagnoni (éd.), Vallombreuse, Edizioni Vallombrosa (Archivio Vallombrosano, 2), 1995, p. 133-157 ; Id., « Santità vallombrosana fra xii e xiii secolo », dans L’Ordo Vallisumbrosae tra xii e xiii secolo. Gli sviluppi isituzionali e culturali e l’espansione geografica (1101-1293), actes de colloque (Vallombreuse, 25-28 août 1996), G. Monzio Compagnoni (éd.), Vallombreuse, Edizioni Vallombrosa (Archivio Vallombrosano, 3-4), 1999, p. 447-481.
99 Paolo Lamma, « Andrea da Parma (da Strumi) », dans Dizionario Biografico… (op. n. 2), 3, p. 110-112.
100 La réflexion de l’historiographie italienne sur ces thèmes est riche ; voir au moins Giovani Miccoli, Pietro Igneo. Studi sull’età gregoriana, Rome, ISIME (Studi storici, 40-41), 1960 ; Sofia Boesch Gajano, « Storia e tradizione vallombrosane », Bullettino dell’Istituto Storico Italiano per il Medio Evo e Archivio Muratoriano, 76, 1964, p. 99-216 ; les actes des colloques I Vallombrosani nella società italiana (op. cit. n. 98) et L’Ordo Vallisumbrosae… (op. cit. n. 98) ; Francesco Salvestrini, Disciplina caritatis. Il monachesimo vallombrosano tra medioevo e prima età moderna, Rome, Viella (I libri di Viella, 78), 2008 ; Id., « La prova del fuoco. Vita religiosa e identità cittadina nella tradizione del monachesimo fiorentino (seconda metà del secolo xi) », Annali di Storia di Firenze, 8, 2013, p. 51-79.
101 G. Miccoli (op. cit. supra), p. 139-157 (avec édition de la lettre).
102 Dernière édition dans : Pontificum Romanorum qui fuerunt inde ab exeunte sæculo ixusque ad finem sæculi xiii Vitæ ab æqualibus conscriptæ, I: Pars I-IV, J. M. Watterich (éd.), Lipsiae, G. Engelmanni, 1862, p. 474-546 ; voir Die deutsche Literatur des Mittelalters: Verfasserlexikon, VII, W. Stammler, K. Langosch et K. Ruh (dir. et éd.), Berlin/New York, De Gruyter 1989, col. 359-364 ; W. Berschin (op. cit. n. 2), p. 452-454.
103 Sur l’utilisation des lettres de Grégoire VII dans la Vita voir Horst Fuhrmann, « Zur Benutzung des Registers Gregors VII. durch Paul von Bernried », Studi Gregoriani, 5, 1956, p. 299-312.
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Titre | Représentation de l’utilisation des lettres dans chacun des quatre livres de la Vita, en gris, la partie de chaque livre constituée des lettres. |
Crédits | cl. Pierluigi Licciardello. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/docannexe/image/1801/img-1.jpg |
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Pour citer cet article
Référence papier
Pierluigi Licciardello, « L’utilisation des lettres dans la Vita de Grégoire le Grand par Jean Diacre », Cahiers de civilisation médiévale, 241 | 2018, 27-42.
Référence électronique
Pierluigi Licciardello, « L’utilisation des lettres dans la Vita de Grégoire le Grand par Jean Diacre », Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 241 | 2018, mis en ligne le 01 janvier 2023, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/1801 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccm.1801
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