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Saint Jérôme et Jonas à l’époque romane : de l’influence d’un Père de l’Église sur les textes et les images des xie et xiie siècles

Saint Jerome and Jonah in the Romanesque Period: the Influence of a Church Father on xith and xiith Century Texts and Images
Anne-Sophie Traineau-Durozoy
p. 379-406

Résumés

Le commentaire du livre de Jonas par saint Jérôme a influencé de nombreux écrits, dont la Glose ordinaire. Afin de voir dans quelle mesure ce texte du ive siècle a marqué l'iconographie du petit prophète, cet article mène une enquête sur les sources formelles et textuelles de ses représentations figurées. Les épisodes de l'histoire du prophète les plus courants, Jonas jeté dans la gueule du poisson, en sortant, et devant Ninive, sont étudiés successivement. Pour saint Jérôme, Jonas est une figure du Christ, en particulier dans sa mort et sa résurrection. À sa suite, la Glose et d’autres textes insistent sur cette même idée, qui est traduite en image par l’épisode avec le poisson, où Jonas apparaît souvent nu et chauve. Une autre idée est également importante dans la pensée de saint Jérôme, celle de la conversion de Ninive : certaines représentations sont centrées sur la pénitence de la ville elle-même, d’autres s’attachent aux conséquences de cette transformation pour Jonas, alors montré sous la plante. L’influence de saint Jérôme, directe ou non, est incontestable dans le choix des motifs, mais elle est plus difficile à voir dans le traitement graphique et la signification des éléments iconographiques.

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Texte intégral

  • 1 Saint Jérôme, Commentaire sur Jonas. Introduction, texte critique, traduction et commentaire, Y.-M. (...)
  • 2 Dans le livre des Rois (2 Rois XIV, 25), un prophète nommé Jonas annonce à Jéroboam l’agrandissemen (...)
  • 3 Si la recherche exégétique des xixe et xxe siècles a montré que le livre de Jonas est une œuvre de (...)
  • 4 Dans cet article, conformément au texte biblique (qui utilise piscis grandis dans le livre de Jonas (...)

1Dans la préface de son In Jonam1, saint Jérôme précise que, dans la Bible, le prophète Jonas est mentionné non seulement dans le livre qui porte son nom et dans les Évangiles, mais aussi trois autres fois2. Toutefois, seuls trois passages, le livre du prophète dans l’Ancien Testament et le « signe de Jonas » dans les Évangiles de Luc et de Matthieu, sont connus du plus grand nombre à l’époque romane. Le livre3 de Jonas commence par le refus du prophète, qui ne veut obéir à l’ordre de Dieu l’enjoignant d’aller annoncer à Ninive sa destruction. Il fuit dans un bateau, déclenchant une terrible tempête. Jeté à l’eau par les marins, il est englouti par une grosse créature marine4. Après en être sorti, il accepte d’aller à Ninive, qui, tout entière, se convertit rapidement et ainsi échappe à la destruction. Le salut de la grande ville ébranle profondément le prophète, mais Dieu fait supprimer la plante sous laquelle il s’est abrité pour lui faire comprendre sa décision de sauver la cité. Par ailleurs, dans deux des évangiles, le Christ lui-même parle d’un « signe de Jonas » : dans celui de Luc (XI, 29-32), il mentionne les Ninivites, tandis que, dans celui de Matthieu (XII, 38-42), il évoque les habitants de la grande ville, mais revient également sur le séjour dans le poisson.

  • 5 De très nombreux articles et monographies scientifiques ont été consacrés à ce sujet et le sont enc (...)
  • 6 Il est possible que la scène de repos ait été utilisée pour évoquer un état transitoire dans l’atte (...)

2Aux premiers temps du christianisme, cette histoire est bien connue et le prophète est fréquemment représenté, dans toutes les régions romanisées et en particulier dans la péninsule italienne5. Les peintres et les sculpteurs ont, comme pour d’autres épisodes bibliques, rapidement récupéré un modèle antique, qu’ils ont ensuite complété et dont ils ont fait évoluer le sens. Les représentations du sommeil sous une plante d’Endymion, amant de Séléné, semblent alors particulièrement appropriées pour figurer le message principal du livre de Jonas d’abord retenu par l’Antiquité, le salut éternel promis à chaque homme6. Toutefois, cette image n’est pas la seule utilisée pour représenter Jonas ; un cycle se met en place, qui montre, outre la scène du repos, non seulement le prophète jeté dans la gueule du poisson et rejeté par celui-ci, mais également parfois Jonas courroucé. Les Pères de l’Église, parmi lesquels saint Jérôme, ont fait une lecture du livre de Jonas en partie différente de celle des artistes, prenant dans la plupart des passages de ce court livre (quatre chapitres) des arguments utiles dans le cadre de débats théologiques de leur temps comme pour l’édification morale des fidèles. Jonas est pour eux une image de la résurrection du Christ, du salut qu’elle offre aux hommes et de la conversion nécessaire pour être sauvé.

  • 7 Sur la tombe de Meigle en Écosse (viie siècle), l’identification de la scène n’est pas assurée ; en (...)
  • 8 Pour plus de précisions sur les représentations de Jonas pendant ces deux siècles, voir notre thèse (...)
  • 9 Yves-Marie Duval, « Origine et diffusion de la recension de l’In prophetas minores hiéronymien de C (...)
  • 10 Sumi Shimahara, Haymon d’Auxerre, exégète carolingien, Turnhout, Brepols (Haut Moyen Âge, 16), 2013
  • 11 Longtemps attribué à Haimo d’Halberstadt, le Commentaire sur Jonas est considéré aujourd’hui comme (...)
  • 12 Du ixe siècle ont été conservés deux représentations du prophète (Jonas est avalé par le poisson, p (...)

3Aux viie et viiie siècles, les nouvelles représentations figurées de Jonas ne sont pas nombreuses7, dans un contexte où l’image non figurative prend une place importante et où les conditions économiques, assez défavorables, incitent à réutiliser des images antiques plutôt qu’à en créer de nouvelles. Elles se trouvent avant tout sur des objets à usage funéraire ou prophylactique, pour lesquels les artisans ont emprunté au répertoire antique, tout en introduisant de nouveaux éléments8. À la fin du viiie siècle et au début du ixe siècle, les commentaires de saint Jérôme sur les douze petits prophètes, parmi lesquels se trouve Jonas, sont largement diffusés dans les bibliothèques monastiques à partir de l’abbaye de Saint-Denis9. L’époque carolingienne voit le renouveau de l’exégèse, celle-ci s’appuyant sur les écrits des Pères de l’Église alors juste redécouverts10, et certains commentaires, comme celui sur les petits prophètes d’Haymon d’Auxerre11, empruntent beaucoup à saint Jérôme. De plus, des représentations figurées de Jonas12 d’un genre nouveau apparaissent dans la moité nord de l’Europe. Certaines reprennent les traits du cetus antique, mais la mise en image du repos éternel se fait de plus en plus rare et laisse la place aux scènes avec l’animal.

  • 13 On atteint la centaine si l’on inclut les cas où Jonas est sans attribut, qui ne sont pas le sujet (...)
  • 14 Rappelons ici que nous n’avons aucune information sur le nombre d’occurrences disparues, et donc su (...)
  • 15 Il ne s’agit pas de véritables foyers de production, puisque, dans chacune des deux régions, les de (...)
  • 16 Alors que le portail de Ripoll, longtemps daté du xie siècle, est aujourd’hui considéré comme une œ (...)
  • 17 Londres, BL, ms. Add. 28106-7, fol. 221.
  • 18 Tournai, Musée du Grand Séminaire, ms. 1, fol. 266v.
  • 19 André Vauchez, La spiritualité du Moyen Âge occidental : viiie-xiiie siècle [nouv. éd.], Paris, Seu (...)
  • 20 Les bibles du prieuré Saint-Mayeul de Souvigny (Moulins, BM, ms. 1, fol. 196 ; fig. 1) et de Saint- (...)
  • 21 Pierre-Maurice Bogaert, « Les bibles monumentales au xie siècle : autour de la bible de Lobbes (108 (...)
  • 22 On y inclut la France de l’ouest, du centre et du nord, les régions de la Meuse (Liège) et du Rhin (...)
  • 23 La plupart de ces œuvres n’ont pas beaucoup circulé à l’époque romane. Leur aire d’influence corres (...)
  • 24 Il est difficile de mesurer la circulation des œuvres écrites. Nous ne disposons le plus souvent pa (...)
  • 25 Les outils de dépouillement des textes profanes sont moins performants que pour les textes religieu (...)

4Pour les xie et xiie siècles, une centaine13 de représentations figurées au moins a été conservée14. Dans les textes comme dans les images, le xie siècle constitue un siècle de timide renouveau pour Jonas, avec des occurrences encore assez rares, et les manifestations en image les plus notables, assez visiblement marquées par l’Antiquité, se trouvent dans deux régions15, en Catalogne, autour de Roda et Ripoll16, et en Flandre, où elles sont l’œuvre de Goderan dans les bibles de Stavelot17 et de Lobbes18. Le xiie siècle, qui voit le début d’un changement pastoral destiné à répondre aux besoins des laïcs, au moment où se développe une spiritualité propre à ces derniers19, se démarque en revanche très nettement. Les illustrations bibliques en général, et celles avec Jonas en particulier, sont souvent innovantes ; elles sont d’une grande variété, même si on peut mettre en évidence des filiations entre certaines œuvres20. Jonas est figuré uniquement dans un environnement religieux ; il peut être placé sur un grand nombre de supports différents (livres, objets liturgiques, ambons, et, pour l’architecture, dans les églises, sur le sol, sur des chapiteaux ou dans des baies) et a été réalisé avec des techniques très variées (enluminure, mosaïque, sculpture, vitrail, orfèvrerie), mais c’est dans les livres que les occurrences, enluminées, sont les plus nombreuses, notamment dans les très grandes bibles, dont la fonction monumentale est première et qui ont également le plus souvent un rôle liturgique21. Ces représentations figurées ont été réalisées dans une grande moitié nord de l’Europe22, où se trouvent des foyers importants de production artistique ; mais certaines viennent aussi du nord de l’Espagne et du sud de l’Italie : elles s’inscrivent alors dans une filiation antique23. La zone de rédaction des textes est un peu plus resserrée24 ; elle se situe principalement dans la moitié nord de la France et en Angleterre. Les occurrences les plus nombreuses se trouvent dans les textes religieux, commentaires bibliques et sermons, mais Jonas apparaît aussi, à partir de la fin du xie siècle, dans des récits profanes25, notamment des chansons de geste.

  • 26 « typus est Salvatoris » ; « praefiguravit Domini resurrectionem nobis », Saint Jérôme (éd. cit. n. (...)
  • 27 « Dominus, verus Jonas », ibid., p. 266, l. 77.
  • 28 Ibid., ici p. 332, n. 49.

5Dans la tradition écrite autour de Jonas, l’œuvre de saint Jérôme, qui a consacré un commentaire à chacun des douze petits prophètes, occupe une place importante. Il expose le sens littéral, puis le sens spirituel, centré sur la personne du Christ, de chaque verset. Pour lui, Jonas, type du Sauveur, préfigure pour les hommes la résurrection du Christ26 ; le Seigneur est le vrai Jonas27 ; le séjour dans le poisson annonce la résurrection totale des corps. Selon Yves-Marie Duval, la thèse principale de ce commentaire28 est que « la conversion de Ninive annonce le rejet d’Israël ». Ce texte du ive siècle, qui s’est largement répandu, constitue la source principale de nombreux écrits, dont la Glose ordinaire, écrite au début du xiie siècle à Laon, puis largement diffusée et utilisée dans tout l’Occident. La Glose du livre de Jonas accorde une place importante à deux thèmes, le parallèle entre Jonas et le Christ, dans une perspective typologique d’annonce du Nouveau Testament par l’Ancien, et la conversion de Ninive, à laquelle est attachée l’idée de pénitence.

  • 29 On peut l’observer par exemple dans la bible de Saint-Yrieix (Saint-Yrieix, Bibliothèque), où la pl (...)
  • 30 « Tam sermone quam naufragio suo passionem Christi mortemque, et resurrectionem, figurat. », Isidor (...)
  • 31 Raban Maur reprend presque la même formulation (De universo libri viginti duo, PL 111, liv. 3, ch.  (...)
  • 32 « Tam sermone Jonas, quam naufragio, notat illum », Pierre Riga, Aurora, PL 212, col. 41A.

6Dans plusieurs bibles, Jonas fait l’objet d’un soin particulier et se démarque des autres prophètes29. Or, à la suite d’Isidore de Séville30, différents auteurs soulignent que Jonas a annoncé le Christ autant, voire plus, par ses actes que par ses paroles. Selon les textes, la formule est différente et le sens peut alors s’en trouver un peu modifié31, mais, encore au xiie siècle, dans l’Aurora, Pierre Riga reprend cette même idée, mettant à nouveau à égalité le prêche et l’épisode du poisson32. Cette approche, qui met en avant les actions et, de ce fait, le figuratif, souligne la place particulière accordée, à l’époque romane, aux images de Jonas avec le poisson, et, en second lieu, à celles en relation avec la ville de Ninive.

7Dans quelle mesure les écrits de saint Jérôme ont-ils marqué l’iconographie ? Sont-ils à l’origine de cette prédilection pour Jonas ? Une enquête sur les sources formelles et textuelles des représentations figurées est ici nécessaire. Pour la mener, les épisodes de l’histoire du prophète les plus courants, Jonas jeté dans la gueule du poisson, en sortant, et Jonas devant Ninive, seront étudiés successivement.

L’engloutissement par le poisson

8Parmi tous les épisodes du récit biblique, certains, rarement traités que ce soit par l’écrit ou par l’image, ne le sont que lorsque l’ensemble de l’histoire est résumée ou mise en images : celui qui est choisi a alors moins de prix, il n’a pas été sélectionné, mais est placé à côté des autres, dans une série. Parmi ceux-ci se trouvent l’ordre de Dieu et Jonas sur un bateau, étapes importantes avant l’engloutissement par le poisson, que nous analyserons dans un troisième temps.

La fuite de Jonas

  • 33 Jonas, vêtu d’une tunique et d’une cape, nimbé, se trouve face aux mains de Dieu sortant des nuées. (...)
  • 34 Paris, BnF, ms. Lat. 6 (3), fol. 83. Comme dans le manuscrit de Ripoll, antérieur, Jonas porte une (...)
  • 35 Bibl. Vaticane, ms. Vat. Lat. 5729, fol. 242. Un ange, figure de Dieu, se trouve face à Jonas, plac (...)
  • 36 Une autre image pourrait être ajoutée à cette courte liste. Dans une bible du Lyonnais du xiie sièc (...)
  • 37 BM, ms. 108, fol. 144v (fig. 5). Fol. 144v, Jonas, habillé, barbu et chevelu, courbé et s’appuyant (...)
  • 38 UB, ms. I.2.4.15, fol. 170v. Cette bible, tout comme l’autre de Pampelune, a été la propriété du ro (...)

9L’ordre donné par Dieu à Jonas d’aller à Ninive est représenté dans des cycles espagnols, sur le portail de Ripoll (fig. 3)33, ainsi que, quelque temps auparavant, dans la bible de Roda34 et peut-être dans celle de Ripoll35, mais aussi36, un peu plus tard, dans les bibles de Pampelune, conservées à Amiens37 et à Augsbourg38, réalisées vers 1200 en Navarre. Les manuscrits de Ripoll et de Roda montrent le prophète face à Dieu, représenté en entier ou uniquement par sa tête ou par ses mains sortant des nuées. Cette position traduit l’acceptation de Jonas, qui est contraire au propos biblique, mais qui est aussi un moyen pour l’artiste d’atténuer la portée du refus de Jonas en insistant, par un raccourci, sur la docilité finale. À l’inverse, les bibles de Pampelune soulignent toutes les deux la fuite en montrant le prophète tournant le dos à Dieu et sur un bateau.

  • 39 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), ici. p. 338, n. 3.
  • 40 « Paenitentia gentium, ruina sit Judaeorum », ibid., p. 172, l. 38-39.
  • 41 André de Saint-Victor, Super duodecim prophetae, Brepols, en ligne : Library of Latin Texts, Series (...)
  • 42 Saint Jérôme, Commentarii in prophetas minores (CPL 0589), LLT-A, SL 76, In Jonam, ch. 1, l. 63, 11 (...)
  • 43 Cet abbé de Flavigny et de Verdun meurt au milieu du xiie siècle.
  • 44 Hugues de Flavigny, Chronicon, Monumenta Germaniae Historica [désormais : MGH], SS 8, 1846, liv. 1, (...)
  • 45 Le verbe oboedire apparaît une fois seulement (Saint Jérôme, [éd. cit. n. 42], ch. 3, l. 20).
  • 46 Ermite, il se retire dans la propriété familiale de Gembloux (Belgique actuelle) afin d’y fonder un (...)
  • 47 Guibert de Gembloux, Vita sanctae Hildegardis retractata, LLT-A, appendix 14, l. 5.
  • 48 Après avoir étudié en France et à Bologne, il est évêque de Worcester, puis devient archevêque de C (...)
  • 49 Baudouin de Ford, Sermones, LLT-A, sermo 7, l. 24-40.
  • 50 « Item et super Jonam a facie Domini fugientem et tamen haec dicentem, ‘Dominum Deum coeli ego time (...)
  • 51 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 176, l. 80-82, présente dans la forme le propos légèrement différe (...)
  • 52 « cum confiteatur creatorem maris et aridae, cur aridam reliquens arbitratur creatorem terrae, si c (...)
  • 53 Y.-M. Duval (op. cit. n. 5), vol. 1, ici n. 53, p. 23.

10Ces deux approches, tout à fait contradictoires, se retrouvent dans les textes, qui, pour certains, font le choix de l’indulgence vis-à-vis du prophète, et, pour d’autres, insistent sur ses limites. Saint Jérôme porte un regard nuancé sur les errements de Jonas, à qui il trouve des circonstances atténuantes. Pour lui, Jonas n’est pas jaloux, alors que, comme le souligne Y.-M. Duval39, ce sentiment devait être abordé et souligné de manière récurrente par d’autres auteurs dans l’Antiquité. La fuite de Jonas s’explique aisément : il sait que la pénitence des gentils entraînera la ruine des juifs40, une formule que l’on retrouve mot pour mot au xiie siècle chez André de Saint-Victor, dans un contexte similaire41. Mais saint Jérôme qualifie onze fois42 Jonas de fugitivus dans le commentaire du premier chapitre du livre biblique, utilisant dans quelques cas le mot comme un adjectif associé au terme de prophète ou au nom de Jonas (une seule fois), y recourant dans d’autres cas seul, l’allusion semblant suffire. À l’époque romane, ce terme est rarement repris. En Bourgogne, le moine bénédictin Hugues de Flavigny43 souligne toutefois dans son Chronicon la dimension négative de l’attitude de Jonas, fugitivus44. Le terme d’inobediens ou l’insistance sur la désobéissance de Jonas, qui reviennent plusieurs fois, n’ont pas été, eux, empruntés à saint Jérôme45. Guibert de Gembloux46 utilise cet adjectif47 dans une vie de sainte Hildegarde de Bingen. Le cistercien Baudouin de Ford48 raconte dans un sermon les aventures de Jonas après sa fuite, sans toutefois en reprendre les détails. Tous les éléments naturels49, le vent, la mer et le monstre marin lui-même (cetus), de même que le sort, soulignent l’inobedientiam Jone et lui disent : « Erubesce, o Jona ». À la même époque, le Gallois Giraud de Barri, dans un texte composé en 1188, la Topographia Hiberniae, souligne les contradictions de Jonas, qui fuit Dieu tout en disant qu’il le craint50, et convoque saint Jérôme51, pour qui il n’est pas possible de dire à la fois que Dieu est le créateur de la terre et du ciel et d’essayer de le fuir sur la mer52. Enfin, dans l’Antiquité, seul Tertullien, et peut-être saint Jérôme qui se fait l’écho de cette idée dans une lettre, voit la demande de Jonas d’être jeté à l’eau comme un moyen pour échapper à Dieu. Cette analyse apparaît à nouveau plus tard, au xie siècle, chez David Kimchi, qui ne dit pas à qui il la doit53.

11Ainsi, si saint Jérôme, un auteur régulièrement utilisé à l’époque romane pour comprendre la fuite de Jonas, regarde le plus souvent le prophète avec indulgence, les commentateurs ont également pu trouver chez lui une approche critique. Le Père de l’Église souligne les contradictions du prophète et le qualifie à de nombreuses reprises, de manière péjorative, de fugitivus. Le rappel de la désobéissance de Jonas quand Dieu lui ordonne la première fois d’aller à Ninive n’a en revanche pas été emprunté à saint Jérôme. Les rares représentations de cet épisode, qui sont toutes espagnoles, font, elles aussi, deux lectures différentes ; dans une approche assez semblable à celle de saint Jérôme, les bibles de l’est des Pyrénées préfèrent anticiper l’acceptation finale, tandis que celles de l’ouest soulignent par l’image le refus du prophète, qui l’éloigne, et de Dieu, et des Ninivites.

Sur le bateau, la peur des marins et le sort

12Outre la fuite, d’autres moments du récit, cette fois-ci sur le bateau, sont peu représentés.

  • 54 « Sed et hoc dici potest : conscius erat fugae et peccati quo Domini praecepta neglexerat, et tempe (...)
  • 55 « aliis turbatis propheta securus et tranquillus describitur ubi in interioribus navis placido somn (...)
  • 56 Il a voyagé en Afrique du Nord, en Orient (Irak, Égypte, Israël) et en Europe (Italie, France, Angl (...)
  • 57 Abraham ibn Ezra, Vaticinationes Abdiae, Jonae et Sophoniae prophetarum, Paris, Martin Le Jeune, 15 (...)
  • 58 « Excitant discipuli Christum dormientem in puppi. », Pictor in carmine : Ein Handbuch der Typologi (...)
  • 59 Pictor in carmine… (op. cit. supra).
  • 60 « Excitat gubernator Jonam dormientem in navi. / (1) Nauta citat dum dormitat Jonam rate jacta. / C (...)

13Le sommeil du prophète n’est jamais figuré à l’époque romane, mais saint Jérôme54 propose une explication à cet endormissement que l’on retrouve dans la Glose ordinaire55 : comme les apôtres au Jardin des oliviers, Jonas dort, non parce qu’il se sent en sécurité, mais du fait de sa tristesse. Cette idée est ensuite réutilisée par d’autres, notamment par le juif espagnol gyrovague56 Abraham ibn Ezra (1092-1167)57. Enfin, dans le chapitre LIII consacré au sommeil du Christ58 du Pictor in carmine, un « manuel » de typologie peut-être établi par un cistercien anglais vers 1200 pour réaliser des cycles bibliques59, le début du texte commente une partie du livre de Jonas, en rapprochant le prophète du Christ dormant pendant une tempête sur le lac de Galilée60.

  • 61 « Jonas... ad gentium praeconium mittitur, missus contemnit, contemnens fugit, fugiens dormit, prop (...)
  • 62 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 194, l. 268-271.
  • 63 « Exemplo Jonae vel Matthiae non oportet sortibus credi », Decretum magistri Gratiani (Concordia di (...)

14L’utilisation du sort par les marins pour savoir qui est responsable de la tempête qui se déchaîne est un épisode qui n’est à notre connaissance jamais représenté, celui-ci étant difficilement lisible et compréhensible graphiquement. Les occurrences dans les textes sont elles beaucoup moins rares. Au début de la Glose ordinaire sur Jonas, dans le résumé des aventures du prophète61, bien que tous les épisodes de l’histoire ne soient pas rappelés, le sort, qui ne fait l’objet que de quelques mots dans le texte biblique, n’est pas passé sous silence. Saint Jérôme62 le mentionne aussi, soulignant, de manière assez anecdotique et littérale, que, du fait de leur connaissance des flots, les marins n’auraient pas eu recours au sort, cette « rem incertam », si la mer avait eu son aspect habituel. Comme nous l’avons vu plus haut, Baudouin de Ford le cite également, presque théâtralement, quand il convoque les éléments pour juger Jonas. Enfin, le Décret de Gratien utilise le sort à plusieurs reprises ; par deux fois, il rapproche à ce sujet l’apôtre Matthias, qui fut choisi par tirage au sort pour remplacer Judas, et le prophète ; une autre fois, il rappelle seulement rapidement l’épisode63.

  • 64 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 188, l. 205-209.
  • 65 Ibid., p. 202, l. 351.
  • 66 Ibid., p. 212, l. 437-439.
  • 67 Ibid., p. 214, l. 466-467.
  • 68 Au ixe siècle, Haymon d’Auxerre utilise beaucoup les prophètes (S. Shimahara, [op. cit. n. 10]). Se (...)
  • 69 On retrouve beaucoup des idées d’Haymon d’Auxerre dans la Glose ordinaire, mais souvent formulées d (...)
  • 70 Haymon d’Auxerre (op. cit. n. 11), ici p. 2.
  • 71 Ibid., p. 2-3.
  • 72 « Sed et mystice judaeis, qui Dei populus fuerant, Christi mortem expetentibus, gentes etiam eum mo (...)
  • 73 « Nautae qui eum quid facerent interrogabant, apostoli sunt, qui eum in passione deserentes », ibid(...)
  • 74 « Nautarum ista vox Pilati videtur esse confessio, qui accepta aqua lavit manus suas, et dixit : In (...)
  • 75 « Contestantur Deum, ut quod facturi sunt non imputetur eis ad culpam. Quasi dicatur nolumus interf (...)
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  • 79 Il a cours durant la seconde moitié du xiiie siècle. La plupart des bibles montrant les marins pour (...)
  • 80 C’est le cas dans la belle et grande (525 × 360 cm) bible de Manerius conservée à la Bibliothèque S (...)
  • 81 Bordeaux, BM, ms. 1, fol. 240.
  • 82 Sébastien Douchet, « Dans le ventre du grand poisson : mer et parole dans le Livre de Jonas et son (...)
  • 83 Ibid., ici n. 17.
  • 84 Il n’a pas été établi avec certitude que Cyprien de Gaule, auteur du ve siècle, est l’auteur du Car (...)

15Les marins occupent une place beaucoup plus importante dans la réception du texte biblique. Pour saint Jérôme64, ces derniers, bien qu’ils ignorent la vérité et que leur religion soit fausse, ont connaissance de la providence et « sciunt aliquid esse venerandum ». Le Père de l’Église souligne également plus loin qu’ils ont compris que Jonas est saint65. Bien qu’on leur ait donné l’ordre de le tuer, ils font tout pour l’éviter66. Les paroles des marins pourraient être celles de Pilate67. Haymon d’Auxerre68, qui emprunte beaucoup à saint Jérôme69 mais connaît aussi Origène70, présente Jonas comme le Christ71. Il dit que les marins peuvent être les gentils72, les apôtres, qui abandonnent le Christ pendant sa passion73, ou Pilate, qui, au moment de la condamnation du Christ, se lave les mains, une formule presque entièrement empruntée à saint Jérôme74. En un court développement, la Glose, quand il est question des marins, rappelle également le rôle de Pilate au moment de la passion du Christ75. André de Saint-Victor76 dit que les marins comprennent que Jonas est saint, ce qui explique leur peur77, formulation entièrement, à un mot non significatif près, empruntée à saint Jérôme78. On trouve également les marins en image, mais le thème n’est pas très courant79 à l’époque romane. Le plus souvent80, ils sont associés à Jonas, mais ce n’est pas systématique. Dans une bible produite vers 1100 dans l’ouest de la France (fig. 6)81, leur dimension positive est soulignée de manière explicite ; à l’exception de celui qui est le plus proche de Jonas, qui pousse le prophète avec sa rame, les autres détournent le regard ou invoquent Dieu : ils savent que Jonas est saint et ne veulent pas le mettre à mort. Selon Sébastien Douchet82, dans la bible de Manerius de Sainte-Geneviève, les marins et Jonas paraissent prier de la même façon avec leurs banderoles identiques, mais la position de leurs phylactères, tout comme l’opposition entre la voile repliée et la banderole de prières déployée, montre la profondeur de la prière de Jonas, bien supérieure à celle des marins. Il s’agirait de la mise en image de l’idée selon laquelle les marins prient de faux dieux. S. Douchet cite Cyprien de Gaule83 et son Carmen de Jona propheta84. Mais ce texte n’est pas des plus connus à l’époque romane et saint Jérôme, beaucoup plus lu, ne condamne pas aussi fermement, comme nous l’avons vu plus haut, les marins. Par ailleurs, sur l’un des chapiteaux conservés de l’abbaye auvergnate de Saint-Pierre de Mozac (fig. 7 et 8), qui sont contemporains de la rédaction de la Glose, l’un des marins se cache les yeux avec les mains. Faut-il y voir un rapprochement avec Pilate, qui lui non plus ne veut pas être jugé responsable de la mort du Christ ? Ce marin retient le regard, tout comme la Glose ordinaire attire l’attention sur l’attitude des navigateurs, mais cela ne suffit pas à faire d’eux des figures explicites de Ponce Pilate : le geste de l’homme de la mer n’est en effet pas celui du préfet de Judée.

16S’il est aisé de voir la portée, directe ou indirecte, par le biais de ses ré-utilisateurs, de la lecture de saint Jérôme sur la compréhension du premier chapitre du livre de Jonas, on peine à voir son influence sur les images, peu nombreuses à utiliser ce passage biblique.

Jonas jeté à la mer, une scène fréquemment représentée dans les bibles à l’époque romane

  • 85 On ne retrouve du reste pas ce même genre de rapprochement quand Jonas est dans la gueule de la gro (...)
  • 86 Dans la bible de Pampelune d’Augsbourg, Jonas se trouve dans l’eau, sans poisson, tandis que d’autr (...)
  • 87 « Stetit a fervore suo », Jonas, I, 15.
  • 88 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 216, l. 488-493.

17Dans le récit biblique, Jonas est d’abord jeté à la mer et c’est ensuite seulement qu’un grand poisson (piscis grandis) s’approche, puis l’engloutit. Or, dès l’Antiquité, quand le poisson est sur le point de l’avaler, qu’il soit tout près du prophète ou qu’une partie du corps de ce dernier ait déjà disparu à l’intérieur de l’animal, Jonas est presque toujours en présence des marins85, qui même parfois le tiennent encore. À notre connaissance, une seule bible montre Jonas dans l’eau avant l’arrivée du poisson86. Le texte biblique dit que la mer s’arrête87au moment où les marins mettent le prophète à la mer. Le commentaire de saint Jérôme insiste sur ce moment88, mais les images ne le font pas.

18Dans la plupart des représentations du prophète jeté dans la gueule du poisson, Jonas est encore visible, entier, comme dans les bibles de Souvigny (fig. 1) ou de Bourges (fig. 2). Mais il existe des exceptions. Sur l’ambon de Klosterneuburg, réalisé par Nicolas de Verdun entre 1181 et 1192, la tête du prophète a disparu et on ne voit plus de lui que son corps nu, en particulier son postérieur, placé bien au centre de l’image, dont les formes rebondies sont soulignées par les bras du marin qui l’enserrent. Sur cet ambon, l’autre préfigure pour la mise au tombeau, placée au-dessus, est Joseph jeté dans le puits ; les deux mises en image sont proches ; par la composition, la proximité entre les deux préfigures est ainsi soulignée : ce qui prime est cette lecture typologique. Est exceptionnelle également une représentation de Jonas qui apparaît dans la bible de Saint-Yrieix, fabriquée dans le Limousin au début du xiie siècle. Le poisson mord au niveau des jambes le prophète, mais il ne l’avale pas, il ne le fait pas disparaître, même en partie. Dans ce manuscrit, la plupart des initiales sont ornées de végétaux ou d’animaux fantastiques ; l’initiale du livre de Jonas fait partie des rares lettres historiées et le traitement, comme le sens, se démarquent de manière forte des schémas les plus courants, anglais et français.

19Les exemples pris ici montrent que la représentation de Jonas jeté à la mer tout en étant englouti par le poisson n’est pas spécifique à une époque ou à une région. La lecture de l’épisode est le plus souvent littérale et on peine à identifier l’influence éventuelle de saint Jérôme sur les images, que ce soit directement ou par l’intermédiaire de la Glose.

Jonas dans la gueule du poisson

  • 89 Dans le monde byzantin, des représentations de Jonas dans le poisson existent, par exemple dans le (...)
  • 90 « typus orationis dominicae », Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 224, l. 54-55.
  • 91 Biblia latina... (op. cit. n. 55), t. 3, p. 399.
  • 92 L’emploi des attributs commence alors à se codifier (Charlotte Denoël, « L’apparition des attributs (...)

20Le texte biblique dit que Jonas, après avoir été avalé par le poisson, reste trois jours et trois nuits dans celui-ci. Suit, pendant tout le chapitre II, sa prière, assez longue, que saint Jérôme explique abondamment, avant que le Seigneur n’ordonne au poisson de rejeter le prophète sur la terre sèche (arida). Le séjour de Jonas dans le poisson, dans les profondeurs, sa prière, sont très peu commentés. Si l’on cherche à analyser les images, dont le motif le plus courant, pour Jonas, est le prophète dans la gueule du poisson, tête seule sortie ou buste entier visible, avec les bras en avant, plusieurs questions se posent, tandis qu’aucune image n’a été conservée montrant Jonas dans le poisson, contrairement à la tradition orientale89. Le séjour dans le poisson est-il figuré par le prophète dans la gueule ? Est-ce sa sortie qui est ainsi représentée ? À l’époque romane, la position de la prière change peu à peu : les hommes se mettent à joindre les mains, ce qui contamine aussi les représentations de Jonas. Quand le prophète est figuré les mains jointes, est-ce la prière qu’il a prononcée dans le poisson, dont saint Jérôme dit qu’elle annonce la prière du Christ90 ? ou celle de la sortie, que la Glose souligne : « orantem revomuit91 » ? Ne serait-ce pas plutôt une image non littérale, qui réunit autour du prophète des attributs92, afin de proposer une lecture exégétique ? Voyons les différentes composantes de ce motif et la lecture qui en est faite par les commentateurs et qui s’inscrit souvent dans une longue tradition.

La nudité

  • 93 « nudus erat », « expoliatur », Poetae latini aevi carolini, IV, K. Strecker (éd.), MGH 4, 1923, p. (...)
  • 94 Texte écrit probablement en Gaule, que Charles le Chauve fait connaître aux Romains, la Cena Cypria (...)
  • 95 Ce mot est le premier de l’Introït de la fête de Pâques.
  • 96 Baltimore, Walters Art Gallery, ms. W 33.
  • 97 Dijon, BM, ms. 2, fol. 225.
  • 98 Il arrive, mais c’est très rare, que Jonas gagne des vêtements pendant son séjour. C’est le cas dan (...)

21Saint Jérôme n’utilise dans son commentaire du livre de Jonas ni le terme de nudus, ni celui de calvus. Pourtant Jonas est fréquemment associé à la nudité et à la calvitie dans les textes et dans les images de manière précoce. D’où cela vient-il ? La Cena Cypriani, une œuvre du ve siècle pleine de références bibliques qui divertit l’auditoire tout en lui enseignant la Bible, dit de Jonas qu’il est nu et entièrement poli93 ; le verbe expoliatur est une manière d’évoquer tout à la fois la calvitie et la nudité de Jonas, mais celui-ci n’est pas qualifié de calvus. Cette œuvre est très bien diffusée du xe au xiie siècle94 et nous pouvons supposer que ce livre a pu contribuer, du moins en France, à répandre l’idée que Jonas était nu. Toutefois, Jonas, quelle que soit la région, n’est pas toujours représenté sans vêtement. Il l’est le plus souvent après son séjour dans le poisson, comme dans la lettrine R (première lettre du mot resurrexi95) du folio 9 d’un missel réalisé, probablement au xiie siècle, pour la grande abbaye de Melk, ou peut-être pour Seitenstetten96. Il peut être nu aussi au moment où il est englouti par le poisson, comme sur l’ambon de Klosterneuburg. Quand il est figuré avant et après son séjour, il en ressort nu. Dans la bible de Saint-Bénigne (fig. 9)97, réalisée durant le deuxième quart du xiie siècle, Jonas, pendant son séjour dans le poisson, perd ses habits, qui sont bleus comme la mer et la manche dont émerge la main de Dieu ; dans la partie basse de la lettre E du début du livre de Jonas, sa nudité est très visible car son corps blanc se détache sur la mer bleue et sur le fond or de l’image98. Cette nudité n’est pas réservée aux scènes avec le poisson. On la retrouve dans les bibles de Stavelot et de Lobbes, où, après avoir été rejeté par la créature marine, Jonas est sous le ricin : elle est alors plus ou moins cachée par un drapé à l’antique.

La calvitie

  • 99 Y.-M. Duval (op. cit. n. 5), n. 65, p. 26.
  • 100 Dans le même passage, il est aussi dit nu, nudus (Jean le Diacre, De cena Cypriani, MGH, Poetae lat (...)
  • 101 Benzo de Alba, Ad Heinricum IV. imp. Libri VII, MGH, Scriptores rerum germanicarum in usum scholaru (...)
  • 102 « Vomet vatem decalvatum », Die Gedichte des Archipoeta, H. Watenphul et H. Krefeld (éd.), Heidelbe (...)
  • 103 Selon James L. Kugel, le motif de la chaleur dans le ventre de la bête pourrait venir de la traduct (...)
  • 104 « Quia depile erat caput ejus pro fervore coeti », Jean Scot Érigène, Glossemata de Prudentio, L&S, (...)
  • 105 Nous ne reviendrons pas en détail sur la question de la calvitie de Jonas, qui a été étudiée par Jo (...)
  • 106 Reims, BM, ms. 18, fol. 89.
  • 107 De nombreuses possibilités coexistent à l’époque romane : le cas le plus fréquent est celui où il a (...)

22Jean Diacre, dans sa réécriture de la Cena Cypriani, est le premier99 à qualifier Jonas de calvus100, chauve. Au xie siècle, Benzo de Alba dit de Jonas qu’il est decapillatus101, ce qui sous-entend que Jonas a perdu ses cheveux lors d’un événement particulier ; on pense alors immédiatement à son séjour dans le poisson. L’Archipoète de Cologne, au siècle suivant, fait une allusion claire au petit « prophète102 vomi », qui montre que Jonas, tondu, est réputé avoir perdu ses cheveux. Des midrashs juifs disent que la chaleur103 est telle dans le ventre du poisson que Jonas en perd ses vêtements. Jean Scot Érigène, dont les écrits ont connu une certaine diffusion, parle lui aussi de la chaleur, qui rend chauve Jonas104. À la période romane, Jonas n’apparaît pas souvent sans cheveux105. Toutefois, dans la bible de Saint-Rémi (fig. 10)106, réalisée en Champagne entre 1120 et 1140, Jonas est non seulement chauve, mais également imberbe107. Un cas est particulièrement intéressant, celui de la bible de Roda, qui montre Jonas à différents moments de son histoire ; les scènes sont disposées dans un ordre chronologique, de haut en bas. Le prophète a des cheveux lors de son envoi et au moment où il est englouti par l’animal ; il n’en a plus dans les scènes qui suivent son séjour dans le poisson. L’artiste a délibérément fait disparaître ses cheveux suite au séjour dans le poisson.

23Que cherchent à signifier les artistes avec cette calvitie et cette nudité ?

Une image de la pénitence, de la résurrection ou du salut des hommes ?

  • 108 Pierre Abelard, Commentaria super S. Pauli Epistolam ad Romanos, L&S, ACLL D890, liv. 4, ch. XV.
  • 109 Jocelynus of Furness, Vita S. Kantigerni auctore Jocelino, L&S, ACLL, E1018, p. 167.
  • 110 « Vastissimus sinibus ceti », ibid. Cette mention des plis, des courbures (sinus), montre que le ci (...)
  • 111 « Inter marinas voragines illesum servavit. », ibid.
  • 112 « Sed Daniel, sicut et ille prodigus, et sicut Jonas de ventre ceti, suspirans panem de coelo, pane (...)
  • 113 « Quapropter sepe et multi inter eos surgunt et penitentiam agunt, sicut in Jona factum est », Hild (...)

24Pierre Abelard rapproche le séjour dans le ventre du poisson du grain en terre108. C’est le seul à notre connaissance à proposer une telle comparaison. Plus tard, entre 1185 et 1215, l’hagiographe cistercien Jocelyn of Furness109 se montre comme beaucoup d’autres fasciné par le séjour dans le poisson, insistant sur sa taille de manière originale110 et soulignant que le prophète en est sorti intact111. Dans un sermon sur la résurrection du Christ, Pierre de Celle, au xiie siècle, rapproche Daniel nourri par Habacuc de Jonas ; c’est alors la pénitence qui a de l’importance112. Hildegarde de Bingen, elle aussi, associe plusieurs fois dans ses lettres Jonas et cette démarche de conversion113.

  • 114 « Mittit autem nos ad figuram historiae de Jona, qui a maris tempestate demersus et a ceto absorptu (...)
  • 115 « Sicut Jonas ille Historialis fuit in ventre cete tribus diebus et tribus noctibus, ita Filius hom (...)
  • 116 « Nautae enim sunt Judaei, piscis mors. », ibid., col. 1366A.
  • 117 Les Ninivites condamnent les juifs ; ils ne disposent d’aucun pouvoir judiciaire, mais c’est de la (...)
  • 118 « In claustro Jonas in ventre ceti : sicut enim fuit Jonas in ventre ceti… Sic claustralis consepul (...)
  • 119 « Projectio enim Jonae in mare Christi passionem ; susceptio ejus in ventre ceti Christi sepulturam (...)
  • 120 Au sujet du psaume 68, il écrit : « Et est psalmus iste quartus eorum qui latius de passione et res (...)
  • 121 « Quod dixit et oravit Jonas ad Dominum Deum suum de utero piscis et dixit intelligimus eum postqua (...)
  • 122 « Cetus Jonam fugitivum / Veri Jone signativum / Post tres dies reddit vivum / De ventris angustia  (...)
  • 123 Le signe apparaît aussi dans les écrits de l’Anglais Baudouin de Ford ; dans son De Commendatione f (...)
  • 124 « Sed si adhuc generatio prava et adultera signum quaerit, non ei dabitur nisi signum Jonae Prophet (...)
  • 125 Saint Jérôme (op. cit. n. 42), l. 153-154.
  • 126 Id., Commentarii in evangelium Matthaei, LLT-A, liv. 2, l. 559 1671-1674.
  • 127 Id., Commentarii in Isaiam, LLT-A, SL 73, liv. 1, ch. 1, par. 24, l. 16 et Id., Tractatus lix in ps (...)
  • 128 Dans un autre, il montre que la résurrection, qui détruit la mort du Christ et celle des hommes, fo (...)
  • 129 « Quare hoc, nisi quia vidit in spiritu quod, sicut fuit Jonas in ventre ceti tribus diebus et trib (...)
  • 130 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 222-224, l. 22-48.
  • 131 Didier Lett, « Le diable, la jeune fille et le saint ; le suicide de Salerna », Clio, 4, 1996, en l (...)
  • 132 Ce rapprochement entre différents épisodes bibliques pourrait être la simple répétition d’un modèle (...)

25Mais c’est l’approche typologique qui a le plus de poids au xiie siècle. Comme nous l’avons vu plus haut, elle est au cœur de la lecture de saint Jérôme et de celle de la Glose ordinaire, toutes deux sources importantes pour bien des écrits. À la fin du xie siècle, dans son commentaire du psaume 68, qui a été vu tôt comme la prière de Jonas à l’intérieur du gros poisson, ce qui est communément admis à l’époque romane, Bruno, le fondateur des Chartreux, insiste sur le lien qui existe entre la mort et la résurrection du Christ et le séjour de Jonas dans le poisson114. Le disciple de Bruno, Anselme de Laon, esquisse le même parallèle115, mais la comparaison est faite terme à terme : les juifs sont les marins et le poisson est la mort116. Il va plus loin encore en comparant l’ensemble de la vie du Christ au récit sur le petit prophète117. Pierre de Celle présente, dans la partie intitulée Qualiter claustrum institutum sit de son De disciplina claustrali, huit personnages ayant tiré profit de leur enfermement ; parmi eux, se trouve Jonas dans le ventre du poisson, au chapitre VII, qui préfigure la mise au tombeau du Christ, ouvrant à la vie118. Le Poitevin Raoul Ardent met en parallèle, au milieu d’autres citations bibliques qui annoncent la résurrection, trois épisodes de l’histoire du petit prophète et trois moments importants de la passion du Christ : le séjour de Jonas dans le poisson est le passage du Christ par le tombeau119. Pierre Lombard, comme d’autres, emprunte des phrases complètes à la Glose ordinaire, dont il connaît probablement par cœur certains passages. Le rapport entre le Christ (qui s’exprime à certains endroits à la première personne) et Jonas est indéniable120. Et c’est Rupert de Deutz qui propose le plus de rapprochements systématiques entre Jonas et le Christ. On retrouve chez lui les thèmes de la Glose ordinaire, notamment Jonas comme type de la prière du Christ, la pénitence, ou encore la tristesse de Jésus ; il reprend en revanche très fidèlement la pensée de saint Jérôme sur la conversion du petit prophète dans le poisson121. Adam de Saint-Victor fait quant à lui une lecture littérale, implicitement typologique122. Dans une homélie pour la fête de Pâques, Bernard de Clairvaux met explicitement en rapport le signe de Jonas123 et la résurrection124 : saint Jérôme, lui, avait évoqué à plusieurs reprises le signe, non seulement dans son commentaire du livre de Jonas125 et de l’Évangile de Matthieu126, mais aussi au sujet du livre d’Isaïe et des psaumes127. Aelred de Rievaulx, lui aussi, utilise Jonas au sujet de la résurrection du Christ dans plusieurs prêches ; dans l’un128, le cistercien souligne la durée identique (trois jours) des deux séjours, celui de Jonas dans le poisson et celui de la chair du Christ dans la terre129 : il s’agit d’un parallèle que saint Jérôme a également mis en avant, en proposant un calcul bien particulier130. On retrouve aussi la typologie dans les textes profanes : ce n’est plus alors uniquement la résurrection du Christ qui est envisagée, mais le salut des hommes. Ainsi, dans un texte rédigé vers 1173131 par un moine de Cantorbéry, une jeune fille, qui envisage de se suicider, est engloutie trois fois dans un puits avant d’en ressortir. Elle est sauvée par une main, qui a également tiré les fils d’Israël de la servitude d’Égypte, Daniel de la fosse aux lions ou encore Jonas du ventre du poisson132.

  • 133 Erlangen, UB, ms. 1. Die Gumbertusbibel : Goldene Bilderpracht der Romanik. Ausstellung im Germanis (...)

26Ce parallèle typologique peut également être souligné par l’image. Ainsi, au folio 233v de la Gumbertusbibel133, un poisson, complètement immergé dans l’eau (les traits ondulés recouvrent l’animal et l’homme), avec la tête d’un personnage dans sa gueule, est représenté à côté d’un tombeau ouvert, dans lequel on peut apercevoir le Christ, dans l’une des deux vignettes centrales de la page. Sur cette page entièrement enluminée, à chaque petit prophète est associé un passage de la vie du Christ, conformément à la lettre liminaire de saint Jérôme à Paulin de Nole. Alors que tous les petits prophètes sont munis de phylactères explicitant le rapprochement, Jonas n’en a pas ; de même que le Christ a presque disparu dans le tombeau, Jonas est à peine visible. Cette représentation montre que, dans cette région, à la fin du xiie siècle, le lien entre le prophète et la mort et la résurrection (annoncée, même si le Christ est visible, par ce tombeau ouvert) du Christ, est tellement évident qu’il n’est pas nécessaire de l’expliciter avec du texte.

27C’est donc assurément la lecture typologique, fortement marquée par celle de saint Jérôme, qui domine de plus en plus à l’époque romane dans les textes. L’artiste, par un jeu de parallélismes dans la construction et dans la structure de l’image, peut lui aussi insister sur cette annonce du Nouveau Testament par l’Ancien. L’importance de cet événement est également soulignée dans l’image par la calvitie et la nudité de Jonas.

La conversion de Ninive

  • 134 « Dominus autem noster post resurrectionem secundo mittitur ad Niniven, ut qui prius quodammodo fug (...)
  • 135 « Et re vera usque ad praesentem diem Christus plangit Hierusalem et plangit usque ad mortem, non s (...)
  • 136 La première occurrence est peut-être dans l’Évangile de Rabbula (Florence, Bibl. Mediceo Laurenzian (...)
  • 137 M. Perraymond (art. cit. n. 5), dans Il De civitate Dei… (éd. cit. n. 5), p. 611-625, ici p. 624.

28Jérôme commente le second envoi de Jonas à Ninive en comparant le refus du prophète à celui du Christ134 ; il met également en parallèle la tristesse de Jonas et celle du fils de Dieu, sincère, pour son peuple135. Si, dans l’Antiquité, la ville de Ninive et ses habitants n’apparaissent pas dans les images136, ils sont évoqués dans les textes : les auteurs insistent alors avant tout sur le repentir, la conversion et le jeûne des Ninivites, ainsi que sur la miséricorde divine137.

Ninive

29Au Moyen Âge, dans toute l’Europe, la ville apparaît dans une grande variété de textes. Ce sont tour à tour le roi et la ville elle-même qui sont donnés en exemple.

  • 138 « Eesparignas le rei de Niniven », La Chanson de Roland [1re éd. 1837], J. Bédier (éd.), Paris, L’é (...)
  • 139 On reconnaît donc ici la formule de la Commendatio animae, qui rapproche Jonas, Daniel et les enfan (...)

30La place nouvelle prise par Ninive est bien illustrée par la Chanson de Roland, qui s’inscrit dans une longue tradition, revisitée. Dans ce texte rédigé entre 1086 et 1100138, l’empereur invoque Dieu, celui qui a préservé Jonas dans le poisson et épargné le roi de Ninive ; comme dans la Commendatio animae, il est rappelé que Dieu a également protégé Daniel dans la fosse aux lions et les trois Hébreux dans la fournaise139.

  • 140 « Sapiens rex sine mora credidit ignoto prophetae et domina mea michi noto sibi dedignatur credere (...)
  • 141 « Erat autem hic maximus princeps dominus illius antiquissime et famosissime civitatis Ninive, que (...)
  • 142 Le texte biblique dit sacco.
  • 143 « posse salvari », ibid.
  • 144 « acta paenitentia », ibid.
  • 145 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 272-282.
  • 146 Ibid., p 280, l. 230-232.

31L’évêque italien du xie siècle Benzo de Alba prend l’exemple du roi de Ninive dans le texte polémique qu’il adresse vers 1085-1086 à Henri IV, qu’il soutient dans la Querelle des Investitures. Dans sa sagesse, le roi de Ninive accorde au prophète sa confiance sans délai bien qu’il ne le connaisse pas, ce qui est tout le contraire de ce que fait Henri IV avec lui140. Le roi de Ninive est ici convoqué comme une figure positive, à l’écoute ; il est un modèle pour d’autres princes. Au xiie siècle, Guillaume de Tyr, dans une Chronique, rappelle également la conversion du roi, figure de pénitence141 ; le caractère exceptionnel et exemplaire de la démarche du roi est souligné à la fois par les précisions apportées sur la démarche (le roi est dans la cendre, couvert d’un vêtement grossier142) et par les informations données à l’aide de superlatifs sur la ville (qualifiée de très ancienne et de très renommée) et sur le prince (très grand). Dans ces lectures, on ne retrouve rien de celle de saint Jérôme, qui, dans un long commentaire, rappelle que certains ont vu dans le roi le diable, qui à la fin des temps descend de sa superbia, une lecture qu’il rejette, insistant sur la miséricorde divine, car il pense que les hommes ne se convertiront plus s’ils savent que même le diable peut être sauvé143 après avoir fait pénitence144 ; les puissants, les rois de ce monde, qui enseignent le mal, doivent se laisser toucher par la parole de Jonas et, alors, les Ninivites se convertiront145. Saint Jérôme accorde toutefois un rôle important au roi et à sa valeur d’exemple146, une idée que, comme on vient de le voir, l’on retrouve chez les commentateurs médiévaux.

  • 147 Première homélie : Vercelli, Bibl. Capitolare, ms. CXVII, fol. 106v-109v, homélie XIX, 2de moitié d (...)
  • 148 Gautier Map, De nugis curialium, L&S, ACLL, A76, p. 168.
  • 149 « Vereor, quomodo regina Austri, veniens a finibus terrae audire sapientiam Salomonis, judicatura e (...)
  • 150 Il est même rappelé que le Seigneur lui-même les cite.
  • 151 « Ninivitae quoque, quos Dominus in evangelio conmendat, penitenciam egerunt in predicatione Jonae, (...)

32Par ailleurs, plusieurs homélies en ancien anglais, datant des xe, xie et xiie siècles147, utilisent également la conversion de Ninive (mais pas la réaction de Jonas devant celle-ci) pour mettre l’accent sur la pénitence et le pardon divin, à l’occasion de la fête des Rogations. Gautier Map148, dans son De nugis curialium composé entre 1180 et 1193, rappelle quant à lui que seul Dieu peut prévoir « Ninivitarum timorem et erepcionem ex propheta Jonae », qu’il met en parallèle avec le deuil et la joie qui découle des prières d’Élie. Dans le Décret de Gratien, le canon 22, s’appuyant sur l’exemple de la reine de Sabba et des Ninivites qui se sont convertis en présence de Salomon et de Jonas, rappelle que le peuple est en droit de juger un évêque ne remplissant pas ses fonctions149. Dans d’autres parties du Décret, sur la pénitence, l’attitude des Ninivites est montrée en exemple150 car ces derniers attirent sur leur ville la miséricorde divine151. Les différentes parties du Décret de Gratien ont pour la plupart été rédigées par des clercs. Ce texte ne permet donc pas d’approcher la culture hors des cercles d’Église. Mais ces multiples allusions aux Ninivites dans une œuvre dont le contenu n’est pas pastoral ou théologique, même s’il s’inscrit dans un contexte religieux, montrent que cet épisode du livre de Jonas était une référence très connue, souvent utilisée.

  • 152 Cambridge, Corpus Christi College, ms. 3, fol. 262.
  • 153 L’ouvrage mesure 547 × 372 mm.
  • 154 Lyon, BM, 411, fol. 165.
  • 155 Jonas accepte, comme le montre la position de ses mains. La présence de la plante au-dessus de Jona (...)
  • 156 Comme dans la bible de Lyon (fig. 4), l’image est structurée en deux parties, Jonas à gauche et la (...)
  • 157 Le texte, illisible de loin, qui accompagne la scène souligne l’importance de la prédication du pro (...)
  • 158 Il a des cheveux.
  • 159 BM, ms. 108, fol. 146v.
  • 160 « Cepit Jonas introire in civitatem diei unius et clamavit et dixit : “Adhuc XL dies et Ninive subv (...)

33Dans les textes, le livre de Jonas permet d’aborder deux moments de conversion et de pénitence, celui de la ville de Ninive et de ses habitants, ainsi que celui de Jonas dans le poisson, présenté plus haut. Mais, dans les images, c’est la pénitence de la ville qui est figurée de la manière la plus claire. Prenons l’exemple de la grande bible de Douvres152, datant de la fin du xiie siècle et probablement réalisée à Cantorbéry. Chacun des douze petits prophètes est représenté sans attribut, avec un phylactère. Jonas fait à ce titre figure d’exception, avec son poisson, qui laisse apparaître dans sa gueule la tête du prophète, dont le reste du corps est caché par celui de l’animal. Représenté en pied, comme les autres prophètes, il est chauve, ce qui permet de signaler sa conversion. La ville n’est pas figurée ici, mais elle est largement évoquée par la banderole, aisément lisible153 : « Adhuc XL dies et Ninive subvertetur ». Si cette bible anglaise ne montre pas la ville, il en va différemment dans d’autres, où ses habitants sont eux aussi figurés. Dans l’une, réalisée dans le Lyonnais à la fin du xiie siècle (fig. 4)154, Jonas est représenté en présence de l’ange, qui l’enjoint d’aller convertir la grande ville155, puis prêchant, juché sur un piédestal, aux Ninivites, murés dans leur enceinte comme s’ils refusaient la parole de Dieu que leur apporte le prophète ; la porte de la grande ville est ouverte et certains de ses habitants ont sorti leur tête ; leur conversion imminente est ainsi annoncée... Sur l’une des archivoltes du portail de Santa Maria de Ripoll (fig. 3), qui date très probablement du xiie siècle, la prédication aux Ninivites prend plus de place que leur conversion. Dans une composition à certains égards156 similaire à celle de la bible de Lyon (fig. 4), Jonas, couvert d’une cape, peut-être un sac, c’est-à-dire, conformément au texte biblique, en habit de pénitent, se trouve devant Ninive, un bâtiment au-dessus duquel apparaissent deux têtes, qui en sont peut-être la personnification157. Le traitement est différent dans une autre production catalane, probablement antérieure, la bible de Roda : face à Jonas, dans la ville, sous des arcades surmontées de tours et de murailles, trois personnes lèvent la main droite et désignent le prophète des deux mains, soulignant l’importance de son message et mettant en évidence leur propre conversion. Sous la dernière arcade, le roi, que l’on reconnaît à la couronne qu’il a posée à côté de son trône, devant lequel il se trouve, l’ayant déjà abandonné dans sa démarche de conversion, pieds nus, s’apprête à enlever son vêtement, répondant visiblement à un personnage qui n’est pas Jonas158. L’illustration reprend ici strictement le texte biblique : « surrexit de solio suo » et « abjecit vestimentum suum ». Quant à la bible de Pampelune conservée à Amiens (fig. 11)159, elle montre, au-dessus du texte160, Jonas, vêtu de vert et appuyé sur un tau à la manière des prophètes comme dans les scènes de l’envoi et de la fuite, devant un roi couronné, assis, les pieds face aux lecteurs, mais le corps tourné vers le prophète. Cette conversion physique annonce son évolution spirituelle ; la foule de Ninivites est agglutinée dans le dos du roi, qui ainsi à la fois les protège et les invite à le suivre. En revanche, dans la bible de Pampelune d’Augsbourg, au folio 172, le prophète Jonas, appuyé sur son tau, est, comme sur le portail de Ripoll (fig. 3), face à une grande ville forteresse, dont dépassent deux bustes. La conversion de Ninive ne passe pas par celle du roi et elle apparaît comme difficile.

34Les textes comme les images accordent une place importante à la ville de Ninive, et dans certains cas à son roi. Mais la lecture de saint Jérôme, assez complexe, n’est pas traduite en image.

Le lierre

  • 161 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 296-300, l. 122-170.
  • 162 « Non contristatus quod gentium multitudo salvatur sed quod videt gentem suam perire et se de tanto (...)
  • 163 « Non enim sic volui salvare alios ut perirent alii, non sic lucrari alienos ut perderem meos: sic (...)
  • 164 Pour ce dernier, le Christ pleure jusqu’à aujourd’hui, ce qui n’est pas précisé dans la Glose ordin (...)
  • 165 Le Pseudo-Augustin belge et Pierre Damien évoquent le lierre, mais c’est au ver qu’ils s’intéressen (...)
  • 166 « Et sicut letatus et delectatus est typus Domini Jonas super obumbrationem hedere que ludeam signi (...)
  • 167 « Sunt enim qui charitate subito vulnerantur, ut subinde sanentur ; quasi Jonae hedera, quae sub ea (...)
  • 168 « Fuit itaque pene in omne malo, in medio Ecclesiae et Synagogae, qui Ecclesiam cum dolore passioni (...)
  • 169 Rupert de Deutz, Commentaria in duodecim prophetas minores, LLT-A, in Jonam, liv. 2, col. 435-440.
  • 170 Rupert de Deutz qualifie ici l’hedera de levis, évoque sa viriditas (probablement sa vitalité) et r (...)
  • 171 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1) p. 298 et 300, l. 146-147 et 162-164.
  • 172 Rupert de Deutz, Liber de divinis officiis, LLT-A, liv. 5, p. 152, l. 272-276.
  • 173 Il précise également que Ninive, terrifiée par la prédication, est sauvée, de même que le monde l’e (...)
  • 174 « Et sicut edera arborem quam complectitur sepe occidit, ita superbia hominem quem complectitur mor (...)
  • 175 Théologien anglais qui vit au tournant des xiie et xiiie siècles, il étudie en France auprès de Pie (...)
  • 176 « Et preparavit Dominus Deus ederam et ascendit super capud » « ejus » (chez Thomas de Chobham) / « (...)
  • 177 « De umbra, autem, legitur in Jona ultimo quod cum ipse estuaret in fervore solis, solum fecit sibi (...)
  • 178 Après avoir été écolâtre de Tournai, il est devenu cistercien, puis abbé d’Igny, une fondation de C (...)
  • 179 « Etsi cucurbita aruit, Ninive salvata est ; et amissio Judaeorum divitiae facta est mundi et salus (...)

35Dans son commentaire du livre de Jonas, saint Jérôme explique pourquoi il utilise le terme hedera pour traduire le nom hébreu (ciceion) de la plante qui pousse sur l’ordre de Dieu afin d’abriter Jonas161, alors que la Septante préfère courge. Selon lui, ce lierre (ou cette courge, cucurbita, car le terme apparaît à plusieurs reprises dans le passage) représente Israël. Dans la Glose ordinaire, quand la colère le gagne sous le lierre, Jonas ne déplore pas la conversion de Ninive, mais le fait qu’il soit le seul des prophètes à annoncer la ruine de son peuple162. Il est en cela comparable au Christ163, comme dans les écrits de saint Jérôme164. Par la suite, à l’époque romane, le terme est peu commenté165. Mais Théofroy, abbé d’Echternach, dans un traité théologique de 1104, s’intéresse à l’ombre, et à celle du lierre166 en particulier, en esquissant un rapprochement avec Jérémie. Gilbert de Holland, mort en 1172, mentionne plusieurs fois le lierre, dans des lignes sur l’amour de son Tractatus ascetici167 : sa lecture est typologique, mais il ne s’appuie pas sur les mêmes éléments que saint Jérôme. Quant à Pierre de Celle168, il emploie à la fois les termes de lierre et de courge, que Jonas voit disparaître dans la douleur, comme l’Église pour la Synagogue, qui l’a engendrée au moment de la Passion ; mais saint Jérôme, lui, n’évoque pas le Synagogue au sujet de Jonas. Par ailleurs, dans son commentaire détaillé du livre de Jonas très inspiré des écrits de saint Jérôme169, Rupert de Deutz propose des comparaisons entre l’histoire des Hébreux, d’une part, et le lierre et son ombre, d’autre part, qui sont la loi et la religion sacerdotale données par Dieu170. Il donne également des précisions sur l’aspect et la croissance du lierre et de la courge ; tous deux ont de larges feuilles, comme les pampres (pampini), et ne peuvent croître sans support171. Pour l’aspect et la croissance du lierre, il emprunte ses idées à saint Jérôme, en rassemblant en quelques lignes ce qui est disséminé dans le commentaire de cette partie par le Père de l’Église. Mais, dans son Liber de divinis officiis172, il compare le lierre, qui donne de l’ombre à la tête de Jonas, à la Judée, qui brûla le refuge du Christ173. Un sermon174 de Thomas de Chobham175 évoque le lierre, qui étouffe l’arbre qu’il entoure, de même que l’orgueil fait mourir l’homme ; craignant probablement que son auditoire ne connaisse pas bien l’épisode biblique, il en rappelle les éléments. Une autre homélie rappelle de manière plus détaillée, en reprenant les termes exacts de la Bible176 tout en faisant certaines coupes, l’épisode du lierre dans le livre de Jonas ; le lierre, présenté comme les biens temporels, du monde, ne peut être qu’une consolation, une aide, et non une source de joie profonde177. Si beaucoup utilisent le terme de lierre, certains lui préfèrent celui de courge, comme Guerric d’Igny178, dont les sermons marquent beaucoup la spiritualité cistercienne. Il rappelle le salut de Ninive179, qui figure les gentils, tandis que la courge représente les juifs.

  • 180 Supports parmi les plus visibles dans l’église, les ambons ont un rôle liturgique très important en (...)
  • 181 L. Aventin (art. cit. supra) ; Id., « Des images au service de la parole. Le programme iconographiq (...)
  • 182 Vatican, Musei Vaticani, Inv. 31448.
  • 183 Boulogne, BM, ms. 4, fol. 102.
  • 184 De nombreuses autres figures vétérotestamentaires, utilisées comme préfigures du Christ, sont repré (...)

36Des représentations accordent, elles aussi, une place importante à la plante à partir de la seconde moitié du xiie siècle, au sud et dans le nord. Mais elles ne constituent pas la majorité. Sur des ambons180, datant de 1157 et 1159, du sud de l’Italie181, à Santa Maria del Lago de Moscufo (fig. 12) et à Santa Marie in Valle Porclenata de Rosciolo, deux œuvres du même sculpteur, l’artiste a assurément plutôt représenté une cucurbitacée, comme le montre la présence de fruits de forme arrondie, semblables à des courges. La source des fruits est probablement à chercher dans la période antique, même s’ils sont alors souvent plus allongés, comme sur le sarcophage du Musée Pio Cristiano, au Vatican, qui a par ailleurs des feuilles de lierre182. Le plus souvent, de nouvelles formes graphiques sont explorées. Dans une bible de la seconde moitié du xiie siècle (fig. 13)183, la plante tenue par Jonas est constituée d’une longue tige arquée, dont partent quelques branches coupées, et d’une boule de feuilles trilobées. Sur une peinture du Marienchörchen de Sankt Patrokli de Soest, qui date de 1200 environ, la plante porte de gros fruits ronds184. À Roda, Jonas regarde vers la plante, une liane avec des feuilles.

37Ainsi, la plante ne ressemble le plus souvent pas à du lierre, terme de la Vulgate ; elle n’est pas conforme non plus à la description qu’en fait saint Jérôme, reprise par Rupert de Deutz qui fait figure d’exception. Peu diffusée, l’explication antique sur la forme de la plante n’a pas marqué les esprits et n’a pas été traduite en image. Moins citée dans les textes que Ninive, elle est plutôt prise en mauvaise part ; elle est un prétexte pour souligner l’analogie entre le Christ et Jonas.

Le ver

  • 185 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), ici n. 5, p. 427.
  • 186 Ibid., p. 304.
  • 187 Ibid., p. 306, l. 226-228.
  • 188 Pierre Damien, Epistulae CLXXX, LLT-A, vol. 2, epist. 86, p. 475, l. 4-7.
  • 189 Il dit, pour expliquer que le ver apparaît le matin, « qui matutinus exurgens » au lieu de « et par (...)
  • 190 Peter K. Klein, « Date et scriptorium de la bible de Roda : état des recherches », Les cahiers de S (...)
  • 191 Jacqueline Lelercq-Marx, « Les initiales historiées. Quelques hypothèses et apports nouveaux », dan (...)
  • 192 Le terme de vermis correspond à l’une des cinq grandes catégories d’animaux, qui englobe les vers c (...)
  • 193 Don Denny, « The Historiated Initials of the Lobbes Bible », Revue belge d’archéologie et d’histoir (...)

38À la scène de la plante est parfois ajouté le ver, vermis, que le texte biblique évoque dans son chapitre IV. Le petit animal est par exemple visible dans la bible de Pampelune d’Augsbourg ; accompagné de la mention vermis, il ne peut être confondu avec un autre animal. Saint Jérôme ne s’attarde pas longtemps sur la petite bête, mais, s’inscrivant dans une longue tradition185, il utilise le psaume 21 (« Ego sum vermis et non homo ») dans une perspective implicitement christique186. Il rappelle aussi que certains ont rapproché le ver et le vent envoyés par Dieu des généraux romains qui détruisent Israël187. Au xie siècle, dans ses Lettres, l’Italien Pierre Damien188, comme saint Jérôme, cite le psaume 21 pour souligner le lien entre le ver du livre de Jonas et le Christ. Il ne reprend pas exactement les mots du texte biblique, tout en restant conforme au sens de celui-ci189. Il ajoute, pour insister sur la destruction, « dente percussit ». Pourquoi la mention de cette dent ? Peut-on la mettre en relation avec les enluminures, notamment celle de la bible de Roda190, réalisée en Catalogne, ou encore celles de Goderan, un peu plus tard, dans le nord de l’Europe, dans les bibles de Stavelot et de Lobbes, achevée en 1084, qui montrent non pas un ver, mais un rat ? Pour Jacqueline Leclerq-Marx191, l’action du ver est rendue plus visuelle par le choix d’un rat, mais celui-ci n’a aucune signification exégétique ou symbolique. Le rat, en effet, rentre dans la grande catégorie des vers au Moyen Âge192. Cette lecture de l’œuvre de Goderan va dans le sens de celle de D. Denny193, qui insiste sur la dimension littérale des enluminures, perceptible pour les autres livres de cette bible, qui doit de ce fait pouvoir être décelée ici. Les dents n’auraient donc aucune signification particulière, mais, dans les textes comme dans les images, permettraient de rendre plus compréhensible, plus sensible, l’action du ver, et donc du Christ.

  • 194 Pictor in carmine... (op. cit. n. 59) p. 175-176.
  • 195 « Jesus incipit predicare sed occulte, quasi intra domum et paucis », ibid.
  • 196 Il est celui qui dessèche (arefacit) la plante, la moissonne (carpit) : il est alors une figure du (...)
  • 197 « Ideo misit Dominus vermem, id est Christum », Thomas de Chobham, Sermones, LLT-A, sermo 6, l. 221
  • 198 Le pseudo-Augustin belge, Sermones ad fratres in eremo commorantes, LLT-A, sermo 18, col. 1265, l.  (...)
  • 199 « O invide vermis mortifere qui in hedera Jonae quotidie nasceris » et « Legimus etiam vermem ex he (...)
  • 200 Poète et théologien dont on sait qu’il a vécu à Paris et à Montpellier et qu’il est mort à Cîteaux (...)
  • 201 « Qui ex manna nascitur ; hic est vermis quo Jonae hedera desiccatur ; hic est ignitus serpens ». « (...)

39Dans le Pictor in carmine194, au chapitre XXXVII sur la prédication du Christ195, le cinquième extrait biblique, qui vient du dernier chapitre du livre de Jonas, où le ver dévore la plante, est accompagné d’un commentaire. Dans ces quelques lignes, le ver est abondamment cité196. L’approche est là encore avant tout typologique, il est l’image du Christ. Dans la même aire géographique, Thomas de Chobham197 propose une stricte équivalence entre le ver et le fils de Dieu. Mais d’autres soulignent son caractère négatif. Le Pseudo-Augustin belge198, qui rédige des sermons après 1168, évoque le ver à deux reprises199 dans un sermon, le qualifiant d’envieux et de mortel, et rappelant son action dévastatrice sur le lierre. Il le rapproche toutefois du serpent d’airain qui sauve Israël, lui-même mis en parallèle traditionnellement avec le Christ élevé sur la croix. Chez cet auteur, le ver est donc ambivalent ; il est aussi celui qui permet de se convertir. Pour Alain de Lille200, le ver est le serpent d’airain, mais aussi l’envie, qui détruit la plante, ou encore la conscience, censée protéger l’esprit humain, c’est-à-dire Jonas, des vices, symbolisés par le soleil201. Les ambons du sud de l’Italie, quant à eux, explorent plutôt les analogies formelles avec le serpent. Dans les deux cas, l’animal rampe sur le sol et mord le pied de la plante. Ces ressemblances ne vont pas ici jusqu’à permettre un rapprochement avec le serpent de la Genèse, qui s’enroule autour du tronc, ou avec le serpent d’airain.

40On le voit, la lecture typologique de saint Jérôme, très christique, est celle qui l’emporte à l’époque romane quand il est question du ver. Plusieurs auteurs regardent l’animal de manière positive pour une autre raison également : il est pour eux le serpent d’airain. Présent dans les images, le ver ne vient toutefois que rarement souligner l’analogie christique et n’est jamais rapproché graphiquement du serpent d’airain.

  • 202 La dimension merveilleuse de l’épisode reste très sensible pendant toute l’époque romane. Voir à ce (...)
  • 203 Aucun épisode biblique ne s’en rapproche. Les poissons, le plus souvent mis en présence des hommes (...)

41Pour saint Jérôme, Jonas est une figure du Christ, en particulier dans sa mort et sa résurrection. À sa suite, la Glose et d’autres textes insistent sur cette même idée. L’épisode avec le poisson est, dans le livre de Jonas, celui qui est le plus aisé à utiliser pour la traduire en image, et ce pour deux raisons, l’une liée au sens et l’autre à l’efficacité graphique des images. En effet, c’est ce passage même qui est vu comme une préfigure de la mort et de la résurrection du Christ par le fils de Dieu lui-même dans le « signe de Jonas » et c’est, parmi les représentations des aventures de Jonas, celle qui est la plus frappante202 et la plus univoque203. La calvitie et la nudité de Jonas, visibles dans les images et évoquées dans les textes, ne viennent pas des écrits de saint Jérôme, mais elles permettent de traduire graphiquement de manière insistante la transformation de Jonas / la résurrection du Christ soulignée par le Père de l’Église.

42Une autre idée est également importante dans la pensée de saint Jérôme, celle de la conversion de Ninive. Elle marque aussi les commentaires et la Glose ordinaire et fait l’objet de plusieurs types de représentations, moins nombreuses que celles au poisson : certaines sont centrées sur la conversion de la ville elle-même, dont les habitants sont parfois réunis derrière leur roi, d’autres s’attachent aux conséquences de cette transformation pour Jonas, alors montré sous la plante. Dans ce second cas, l’influence de saint Jérôme, directe ou indirecte, par l’intermédiaire de la Glose ou d’autres commentaires bibliques, est perceptible dans l’importance accordée au détail, notamment pour le ver, mais pas pour la plante.

43D’autres épisodes, moins courants, portent aussi la marque de l’influence de la pensée de saint Jérôme. Ainsi, la fuite est très diversement traitée dans les textes et dans les images, certains insistant sur la désobéissance et le refus, d’autres sur les motifs de ceux-ci, ce qui permet de mieux les comprendre et, partant, de les excuser, ce qui est l’approche du Père de l’Église. L’explication donnée par saint Jérôme du sommeil de Jonas dans le bateau est largement reprise dans les textes, mais elle n’est pas traduite en image, chose presque impossible. Les marins, annonçant, entre autres, Ponce Pilate, sont souvent commentés et représentés, mais les images ne reprennent pas le parallèle avec le préfet de Judée présent chez le Père de l’Église.

44Si l’influence de saint Jérôme, directe ou non, est indéniable dans le choix des motifs, elle est plus difficile à déceler dans le traitement graphique des éléments iconographiques et dans la signification de ceux-ci.

Fig. 1 – Initiale E du livre de Jonas, Bible de Souvigny, Moulins, BM, ms. 1, fol. 196v.

Fig. 1 – Initiale E du livre de Jonas, Bible de Souvigny, Moulins, BM, ms. 1, fol. 196v.

Fig. 2 – Initiale E du livre de Jonas, Bible de Saint-Sulpice. Bourges, BM, ms. 3, fol. 246.

Fig. 2 – Initiale E du livre de Jonas, Bible de Saint-Sulpice. Bourges, BM, ms. 3, fol. 246.

Fig. 3 – Archivoltes du Portail du monastère Santa Maria de Ripoll.

Fig. 3 – Archivoltes du Portail du monastère Santa Maria de Ripoll.

cl. José Luis Filpo Cabana – CC BY-SA 3.0.

Fig. 4 – Initiale E du livre de Jonas, Lyon, BM, ms. 411, fol. 165.

Fig. 4 – Initiale E du livre de Jonas, Lyon, BM, ms. 411, fol. 165.

cl. BML.

Fig. 5 – Bibliothèque Amiens-Métropole, ms. 108 C, fol. 144v.

Fig. 5 – Bibliothèque Amiens-Métropole, ms. 108 C, fol. 144v.

cl. CNRS-IRH.

Fig. 6 – Initiale E du livre de Jonas, Bible, Bibliothèque de Bordeaux, ms. 1, fol. 240.

Fig. 6 – Initiale E du livre de Jonas, Bible, Bibliothèque de Bordeaux, ms. 1, fol. 240.

Fig. 7 et 8 – Abbatiale de Mozac.

Fig. 7 et 8 – Abbatiale de Mozac.

source : site La sculpture en son lieu.

Fig. 9 – Initiale E du livre de Jonas, Bible de Saint-Bénigne, Dijon, BM, ms. 2, fol. 225.

Fig. 9 – Initiale E du livre de Jonas, Bible de Saint-Bénigne, Dijon, BM, ms. 2, fol. 225.

Fig. 10 – Initiale E du livre de Jonas, Bible de Saint-Rémi, Reims, BM, ms. 18, fol. 89.

Fig. 10 – Initiale E du livre de Jonas, Bible de Saint-Rémi, Reims, BM, ms. 18, fol. 89.

Fig. 11 – Bibliothèque Amiens-Métropole, ms. 108 C, fol. 146v.

Fig. 11 – Bibliothèque Amiens-Métropole, ms. 108 C, fol. 146v.

cl. CNRS-IRHT.

Fig. 12 – Santa Maria del Lago de Moscufo.

Fig. 12 – Santa Maria del Lago de Moscufo.

Source : RaBoe/Wikipedia ; CC BY-SA 3.0.

Fig. 13 – Initiale E du livre de Jonas, Boulogne-sur-mer, BM, ms. 4, fol. 102.

Fig. 13 – Initiale E du livre de Jonas, Boulogne-sur-mer, BM, ms. 4, fol. 102.
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Notes

1 Saint Jérôme, Commentaire sur Jonas. Introduction, texte critique, traduction et commentaire, Y.-M. Duval (éd.), Paris, Cerf (Sources chrétiennes, 323), 1985, p. 162-166, l. 26-65.

2 Dans le livre des Rois (2 Rois XIV, 25), un prophète nommé Jonas annonce à Jéroboam l’agrandissement de son territoire. Ce Jonas et celui qui va à Ninive sont vus par saint Jérôme comme une seule et même personne. Par ailleurs, selon une tradition hébraïque, le fils de la veuve de Sarepta, que ressuscite Élie, est appelé Jonas, alors que ce jeune homme ne porte pas de nom dans la Bible (1 Rois XVII, 17-24). Saint Jérôme rapporte aussi une allusion au prophète placée dans le livre de Tobie, qui, comme le rappelle le Père de l’Église, ne fait toutefois pas partie du Canon de la Bible.

3 Si la recherche exégétique des xixe et xxe siècles a montré que le livre de Jonas est une œuvre de fiction, les lecteurs de l’époque romane considèrent qu’il s’agit d’un récit véridique. Saint Jérôme, dans sa préface, inscrit Jonas dans le temps historique en essayant de situer la conversion de Ninive par rapport aux règnes des rois des Hébreux (Saint Jérôme, éd. cit. n. 1, p. 164-166, l. 57-65).

4 Dans cet article, conformément au texte biblique (qui utilise piscis grandis dans le livre de Jonas et cetus dans l’Évangile de Matthieu), nous employons le terme de poisson, de préférence à monstre ou à baleine. Il est parfois dit à l’époque romane que Jonas est avalé par une baleine, mais cette dernière n’est alors pas associée aussi systématiquement au prophète qu’elle l’est plus tard, aux époques moderne et contemporaine. Sur la question du poisson, nous renvoyons à notre article : Anne-Sophie Traineau-Durozoy, « Jonas et le poisson », Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, 48, 2017, p. 115-127.

5 De très nombreux articles et monographies scientifiques ont été consacrés à ce sujet et le sont encore. Nous ne cherchons pas à faire œuvre d’exhaustivité et dressons ici seulement la liste des publications les plus importantes que nous avons consultées sur l’iconographie de Jonas à l’époque paléochrétienne. Elles sont présentées par ordre alphabétique (d’auteur), un ordre qui rend plus facile la recherche d’une référence que ne le serait le classement chronologique, qui, lui, aurait mis en évidence les inflexions de l’historiographie : Nicoletta Bonansea, « La variante di Giona vestito nell’iconografia paleocristiana tra iii e vi secolo », Vetera christianorum, 2, 2009, p. 199-222 ; Id., Simbolo e narrazione. Linee di sviluppo formali e ideoligiche dell’iconografia di Giona tra iii e vi secolo, Spolète, Centro italiano di studi sull’alto medioevo, 2013 ; Nenad Cambi, « Il motivo di Giona gettato nel mare », dans Historiam pictura refert : miscellanea in onore di Padre Alejandro Recio Veganzones, Rome, Pontifico istituto di archeologia cristiana (Studi di antichità cristina, 51), 1994, p. 81-96 ; Peter Dronke, « Jonah in Early Medieval Thought: Some Literary and Artistic Testimonies », Studi medievali, 2, 2009, p. 559-581 ; Yves-Marie Duval, Le livre de Jonas dans la littérature chrétienne grecque et latine. Sources et influence du Commentaire sur Jonas de saint Jérôme, Paris, Études augustiniennes, 1973 ; Antonio Ferrua, « Paralipomeni di Giona », Rivista di Archeologia cristiana, 38, 1962, p. 7-69 ; Marion Lawrence, « Ships, Monsters and Jonah », American Journal of Archaeology, 66, 1962, p. 289-296 ; Otto Mitius, Jonas auf den Denkmälern des christlichen Altertums, Fribourg-en-Brisgau / Leipzig / Tübingen, J. C. B. Mohr (Archäologische Studien zum christlichen Altertum und Mittelalter, 4), 1897 ; Bezalel Narkiss, « The Sign of Jonah », Gesta, 1, 1979, p. 63-76 ; Myla Perraymond, « Ninive, la città del profeta Giona. Iconografia, simbolismo, narrazione », dans Il De civitate Dei : l’opera, le interpretazioni, l’influsso, E. Cavalcanti (dir.), Rome / Fribourg / Vienne, Herder, 1996, p. 611-625 ; Jakob Speigl, « Das Bildprogramm des Jonasmotivs in den Malereien der römischen Katakomben », Römische Quartalschrift für christliche Altertumskunde und Kirchengeschichte, 1-2, 1978, p. 1-15 ; Eduard Stommel, « Zum Problem der frühchristlichen Jonasdarstellung », Jahrbuch für Antike und Christentum, 1, 1958, p. 112-115 ; Françoise Thelamon, « Jonas : du décor de la tombe au décor de l’Église », dans Aquileia romana e cristiana fra ii e v secolo (atti della XXX settimana di studi Aquileiesi 19-22 maggio 1999), G. Bandelli et C. Zaccaria (dir.), Trieste, Editreg SRL (Antichità altoadriatiche, 47), 2000, p. 247-271 ; Wolfgang Karl Wischmeyer, « Das Beispiel Jonas. Zur Kirchengeschichtlichen Bedeutung von Denkmälern frühchristlicher Grabeskunst zwischen Theologie und Frömmigkeit », Zeitschrift der Kirchengeschichte Stuttgart, 2-3, 1981, p. 161-179 et Id., « Zur Entstehung und Bedeutung des Jonabildes », dans Actes du Xe congrès international d’archéologie chrétienne : Thessalonique, 28 septembre-4 octobre 1980, Rome, Pontificio istituto di archeologia cristiana, 1984, p. 707-719.

6 Il est possible que la scène de repos ait été utilisée pour évoquer un état transitoire dans l’attente de la résurrection et que celle du poisson, introduite plus tardivement, ait permis ensuite de porter l’idée de résurrection. C’est ce que pense par exemple Alfred Stuiber (Refrigerium interim : die Vorstellungen, Bonn, P. Hanstein [Theophaneia, 11], 1957). Mais d’autres estiment plutôt que la scène du repos aurait changé de sens, comme le rappelle Yves-Marie Duval (Id. [op. cit. supra] vol. 1, ici n. 101 p. 33 et p. 36-37). D’autres encore soulignent la polysémie des images dans un contexte de syncrétisme religieux (Jean Allenbach, « La figure de Jonas dans les textes préconstantiniens ou l’histoire de l’exégèse au secours de l’iconographie », dans La Bible et les Pères, Colloque de Strasbourg [1er-3 octobre 1969], Travaux du centre d’études supérieures spécialisé d’histoire des religions de Strasbourg, Paris, Presses universitaires de France [Bibliothèque des Centres d’études supérieurs spécialisés], 1971, p. 97-112, ici p. 112).

7 Sur la tombe de Meigle en Écosse (viie siècle), l’identification de la scène n’est pas assurée ; en revanche, il est certain qu’une représentation de Jonas orne celle de Chagny, à côté de Châlons-en-Champagne (Die Ausgrabungen in St. Ulrich und Afra in Augsburg 1961-1968, J. Werner [éd.], Munich, C. H. Beck [Münchner Beiträge Vor- und Frühgeschichte, 23], 1977, ici p. 276). Par ailleurs, Jonas a été figuré au viie siècle sur plusieurs plaques-boucles de ceinture ; celles de Saint-Martin de Vevey, Poitiers et Augsbourg ont été conservées. Au sujet de ces objets, voir : Die Ausgrabungen in St. Ulrich… (éd. cit. supra) ; Henri Gaillard de Sémainville, « Décor chrétien des objets de parure. L’exemple des plaques-boucles mérovingiennes de Burgundia », Antiquité tardive, 19, 2011, p. 223-236 ; Laurent Auberson, Max Martin et Christian Simon, « L’église de Saint-Martin à Vevey au haut Moyen Âge et la découverte d’une garniture de ceinture en os gravé. Die beinerne Gürtelschnalle mit Szenen aus der Geschichte des Propheten Jonas : note anthropologique sur les restes humains de la tombe 659 », Archaologie der Schweiz, 14, 1991, p. 274-292. Une crosse datant du viiie siècle retrouvée sur l’île d’Helgö en Suède porte également une représentation du prophète (Joachim Werner, « Jonas in Helgö », Bonner Jahrbücher des Rheinischen Landesmuseums und des Vereins vom Altertumsfreunde im Rheinlands in Bonn [im Landschaftsverband Rheinland], 178, 1978, p. 519-530, ici p. 522).

8 Pour plus de précisions sur les représentations de Jonas pendant ces deux siècles, voir notre thèse : Anne-Sophie Traineau-Durozoy, Le petit prophète Jonas au Moyen Âge. Étude iconographique, thèse de doctorat en études médiévales, sous la direction de M. Pastoureau, École pratique des hautes études, 2011, ici p. 73-79.

9 Yves-Marie Duval, « Origine et diffusion de la recension de l’In prophetas minores hiéronymien de Clairvaux », Revue d’histoire des textes, 11, 1981, p. 277-302 ; Id., « Un triple travail de copie effectué à Saint-Denis au ixe siècle et sa diffusion à travers l’Europe carolingienne et médiévale. À propos de quelques Commentaires sur les Petits prophètes de saint Jérôme », Scriptorium, 38, 1984, p. 3-49 et p. 181-210 ; Hugues de Sainte-Marie, « Le commentaire sur Jonas de Jérôme édité par Yves-Marie Duval », Revue Bénédictine, 99, 1989, p. 221-236.

10 Sumi Shimahara, Haymon d’Auxerre, exégète carolingien, Turnhout, Brepols (Haut Moyen Âge, 16), 2013.

11 Longtemps attribué à Haimo d’Halberstadt, le Commentaire sur Jonas est considéré aujourd’hui comme étant l’œuvre d’Haymon d’Auxerre. Cette attribution suscite encore toutefois quelques réserves (Haymon d’Auxerre, Commentary of the Book of Jonah, D. Everhart [introd et annot.], Kalamazoo, Medieval Institute Publications [Commentary Series], 1993, ici p. 1-2).

12 Du ixe siècle ont été conservés deux représentations du prophète (Jonas est avalé par le poisson, puis rejeté par lui) dans un Carmen Paschale de Sedulius, provenant de Liège (Anvers, Mus. Plantin-Moretus, ms. M. 17.4., fol. 9v et 10), un Jonas jeté dans la gueule de l’animal dans le psautier de Corbie (Amiens, BM, ms. 18, fol. 110), réalisé vers 800, et trois scènes dans un autre psautier (Stuttgart, WLB, ms. Bibl. fol. 23), réalisé vers 830 à Saint-Germain-des-Prés (Jonas jeté par les marins dans la gueule du poisson, fol. 79, Jonas rejeté par celui-ci, fol. 147v, et Jonas à Ninive, fol. 63v). Pour le xe siècle, nous avons identifié deux représentations de Jonas, non accompagné du poisson ou de Ninive, l’un avec les onze autres petits prophètes dans l’Historiarum adversus paganos de Paul Orose (Bibl. Vaticane, ms. Vat. Lat. 1977, fol. 11) et l’autre dans l’Évangéliaire de l’empereur Otton III (Munich, BSB, ms. CLM 4453, fol. 94v), réalisé à la fin du xe siècle à Reichenau.

13 On atteint la centaine si l’on inclut les cas où Jonas est sans attribut, qui ne sont pas le sujet principal de cet article. Il est alors figuré en prophète, avec le plus souvent un phylactère, une barbe et une longue tunique, qui ne permettent pas de l’identifier spécifiquement. Seuls la mention de son nom ou le contexte (sa présence au début du livre biblique de Jonas ou le fait que onze autres petits prophètes, avec parfois également les quatre grands, soient avec lui) permettent de savoir qu’il est figuré. Quand il est au milieu d’autres prophètes, s’il n’y a pas de nom inscrit, il est le plus souvent impossible (et du reste inutile) de savoir lequel est Jonas : ce qui est alors représenté est un groupe de prophètes, le plus souvent pour insister sur la continuité du projet divin et l’annonce du Nouveau Testament par l’Ancien. Si l’on réduit le corpus, comme nous le proposons pour cet article, aux seuls Jonas accompagnés de ce qui devient au xiie siècle un attribut, plante, poisson ou ville de Ninive, on dénombre actuellement une soixantaine d’occurrences.

14 Rappelons ici que nous n’avons aucune information sur le nombre d’occurrences disparues, et donc sur le degré de représentativité des œuvres qui ont été conservées. De plus, certains programmes, en particulier celui de Saint-Martin de Zillis, posent des problèmes importants d’identification pour quelques scènes.

15 Il ne s’agit pas de véritables foyers de production, puisque, dans chacune des deux régions, les deux œuvres ont été réalisées par un même scriptorium ou un même artiste.

16 Alors que le portail de Ripoll, longtemps daté du xie siècle, est aujourd’hui considéré comme une œuvre du xiie siècle, les bibles de Roda et de Ripoll, de grande taille (elles mesurent plus de 50 cm de haut avec la reliure), ont toutes deux été produites au début du xie siècle dans le scriptorium de Ripoll. Wilhelm Neuss, Die katalanische Bibelillustration um die Wende des ersten Jahrtausends und die altspanische Buchmalerei, Bonn / Leipzig, K. Schroeder (Veröffentlichungen des Romanischen Auslandsinstituts der Rheinischen Friedrich Wilhelmsuniversität, 3), 1922 ; Peter K. Klein, « Date et scriptorium de la bible de Roda : état des recherches », Les cahiers de Saint-Michel de Cuxa, 3, 1972, p. 91-102 ; Mathias Delcor, « Le scriptorium de Ripoll et son rayonnement culturel : état de la question », Les cahiers de Saint-Michel de Cuxa, 5, 1974, p. 45-64 ; Walter Cahn, La Bible romane. Chefs-d’œuvre de l’enluminure, Fribourg, Office du Livre / Vilo, 1982 et Anscari M. Mundó, Les Bíblies de Ripoll : estudi dels mss. Vaticà, Lat. 5729 i París, BNF, Lat 6, Cité du Vatican, Biblioteca apostolica vaticana (Studi e testi, 408), 2002.

17 Londres, BL, ms. Add. 28106-7, fol. 221.

18 Tournai, Musée du Grand Séminaire, ms. 1, fol. 266v.

19 André Vauchez, La spiritualité du Moyen Âge occidental : viiie-xiiie siècle [nouv. éd.], Paris, Seuil (Points, Histoire, 184), 1994, ici p. 95-130.

20 Les bibles du prieuré Saint-Mayeul de Souvigny (Moulins, BM, ms. 1, fol. 196 ; fig. 1) et de Saint-Sulpice de la Nef de Bourges (BM, ms. 3, fol. 246 ; fig. 2), toutes deux produites dans le Centre de la France (Bourbonnais à la fin du xiie siècle pour la première et Lyonnais, Berry ou Bourbonnais dans le dernier quart du siècle pour la seconde, de moins bonne facture que la première), présentent certaines parentés dans le traitement. La composition des images, dans les deux cas coupées en deux selon le même dispositif par la barre de la lettre E, est très semblable : l’un des marins est muni d’une rame qui plonge dans l’eau ; la forme du bateau, pourvu d’un mât central et d’une voile en arc, celle du corps de Jonas, qui a la tête prise dans la gueule du poisson, celle de l’animal sont très similaires. Des différences demeurent toutefois, tels la nudité du petit prophète réservée à la bible de Bourges, la présence d’une tête soufflant du vent dans la bible de Souvigny, l’aspect de l’eau ou encore la position (et le nombre) des marins.

21 Pierre-Maurice Bogaert, « Les bibles monumentales au xie siècle : autour de la bible de Lobbes (1084) », dans L’exégèse monastique au Moyen Âge (xie-xive siècle), actes du colloque international, Strasbourg, Palais universitaire, Faculté de théologie protestante, 10-12 septembre 2007, G. Dahan et A. Noblesse-Rocher (dir.), Paris, Institut d’études augustiniennes (Collections des études augustuniennes, Série Moyen Âge et temps modernes, 51), 2014, p. 27-51, ici p. 49.

22 On y inclut la France de l’ouest, du centre et du nord, les régions de la Meuse (Liège) et du Rhin (Cologne), les Flandres et l’Angleterre.

23 La plupart de ces œuvres n’ont pas beaucoup circulé à l’époque romane. Leur aire d’influence correspond de ce fait probablement à celle de leur production.

24 Il est difficile de mesurer la circulation des œuvres écrites. Nous ne disposons le plus souvent pas d’une enquête sérieuse sur la tradition manuscrite des textes. Nous donnerons toutefois, à chaque fois que nous avons pu les obtenir, des précisions sur la circulation des auteurs des textes ; celles-ci nous aident à mieux comprendre comment les textes ont essaimé.

25 Les outils de dépouillement des textes profanes sont moins performants que pour les textes religieux. Il en va de même si l’on compare les bases de données pour le latin à celles pour les autres langues. Notre enquête est tributaire de nos outils principaux, les Corpus de littérature médiévale et narrative pour la langue d’oïl, le Middle English Compendium pour le moyen anglais et, bien sûr, les Monumenta Germaniae Historica pour la zone germanique (en latin toutefois).

26 « typus est Salvatoris » ; « praefiguravit Domini resurrectionem nobis », Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 160, l. 10 et 11-12.

27 « Dominus, verus Jonas », ibid., p. 266, l. 77.

28 Ibid., ici p. 332, n. 49.

29 On peut l’observer par exemple dans la bible de Saint-Yrieix (Saint-Yrieix, Bibliothèque), où la plupart des initiales sont aniconiques, mais où Jonas est représenté en acrobate, avec le poisson. C’est le cas également dans la bible de Lobbes, où seuls deux des douze prophètes, parmi lesquels Jonas, ne sont pas de simples représentations du personnage, sans élément significatif complémentaire.

30 « Tam sermone quam naufragio suo passionem Christi mortemque, et resurrectionem, figurat. », Isidore de Séville, In libros veteri ac novi testamenti proemia, de Jona, Patrologie latine [désormais PL] 83, col. 171A. La consultation de dictionnaires de latin médiéval nous montre que le terme de sermo peut avoir le sens de parole donnée (Albert Blaise, Dictionnaire latin-français des auteurs chrétiens, Turnhout, Brepols, 1967), mais aussi, outre celui de sermon, de conversation, discours, mot (Dictionary of Medieval Latin from British Sources, Londres / Oxford, The British Academy / Oxford University Press, 1975-2013). Ainsi, Isidore de Séville rapproche les prêches, les paroles du prophète et son naufrage, qui annoncent selon lui de la même manière la passion, la mort et la résurrection du Christ.

31 Raban Maur reprend presque la même formulation (De universo libri viginti duo, PL 111, liv. 3, ch. 2, col. 68 et liv. 5, ch. 3, col. 117). Rémi d’Auxerre (841-908) sans insister sur un épisode particulier, met l’accent sur les aventures de Jonas, laissant ainsi de côté ce qu’il a pu dire aux Ninivites (« quod praefiguratum erat in Jona re, non voce », dans Rémi d’Auxerre, Enarrationes in Psalmos, psaume 68, PL 131, col. 493).

32 « Tam sermone Jonas, quam naufragio, notat illum », Pierre Riga, Aurora, PL 212, col. 41A.

33 Jonas, vêtu d’une tunique et d’une cape, nimbé, se trouve face aux mains de Dieu sortant des nuées. Sa main droite est levée en signe d’acceptation.

34 Paris, BnF, ms. Lat. 6 (3), fol. 83. Comme dans le manuscrit de Ripoll, antérieur, Jonas porte une tunique et une cape, tout en étant nimbé. Il est toutefois ici assis, et non debout. Comme à Ripoll également, il semble accepter l’ordre qui lui est donné. Les deux mains ouvertes, il est tourné vers celle de Dieu, une iconographie que déjà la bible de Ripoll avait choisie, pour cette scène, afin de montrer la présence de Dieu.

35 Bibl. Vaticane, ms. Vat. Lat. 5729, fol. 242. Un ange, figure de Dieu, se trouve face à Jonas, placé sous une plante. La présence de la plante incite à lire cette image comme un extrait du livre IV, qui souligne le dépit de Jonas après la conversion de la grande ville. Mais le prophète est présent plus bas dans l’image, sous la même plante, assis : vu la position du prophète, cette seconde scène serait plutôt celle du livre IV. Par ailleurs, la représentation de Jonas placée dans la partie supérieure le montre les bras ouverts, en signe d’acceptation, ce qui ne correspond pas à ce que dit la bible de son attitude après le premier envoi, même si c’est une approche que l’on retrouve dans la bible de Roda. Cette première scène résiste donc à l’analyse ; son identification ne peut être faite avec certitude.

36 Une autre image pourrait être ajoutée à cette courte liste. Dans une bible du Lyonnais du xiie siècle (Lyon, BM, ms. 410-411, fol. 165 ; fig. 4), l’ange en présence de Jonas sous la plante pourrait être Dieu expliquant à Jonas pourquoi il a sauvé la ville. Mais une autre lecture de cette scène est également possible (voir n. 155).

37 BM, ms. 108, fol. 144v (fig. 5). Fol. 144v, Jonas, habillé, barbu et chevelu, courbé et s’appuyant sur un bâton, se trouve face à la tête nimbée de Dieu dans les nuées. On ne le voit pas embarquer à Joppé, mais, au folio d’après (fol. 145), la scène qui suit celle de l’envoi et qui se trouve au-dessus de celle de la navigation sur le bateau le montre toujours courbé et appuyé sur un tau, tournant le dos à un personnage non identifié et le corps orienté dans le sens inverse de celui observé dans la scène de la conversation avec Dieu. Le refus de Jonas est doublement traduit en image : il tourne le dos à Dieu, présent dans une autre vignette, et aux Ninivites, figurés par le personnage. Le roi Sancho el Fuerte de Navarre commande cette bible à Fernando Pérez de Funes, qui l’achève en 1197. Voir María Soledad De Silva y Verastegui, « La Biblia del rey Sancho el Fuerte de Navarra (Amiens, BM, ms. 108), de 1197 », Principe de Viana, 256, 2012, p. 427-469, ici p. 443-444 et François Bucher, The Pamplona Bibles, New Heaven / Londres, Yale University Press, 1970.

38 UB, ms. I.2.4.15, fol. 170v. Cette bible, tout comme l’autre de Pampelune, a été la propriété du roi Sancho el Fuerte. Elle a été copiée sur celle aujourd’hui conservée à Amiens et à cette occasion d’autres scènes ont été ajoutées. Comme dans celle conservée à Amiens, Jonas est appuyé sur un tau face à la tête de Dieu, munie d’un nimbe cruciforme, dans les nuages. Juste au-dessous, la scène suivante, en revanche, diverge et est plus explicite. Jonas tourne le dos à Dieu, toujours dans les nuées et le texte dit : « Surrexit Jonas ut fugeret in Tarsis a facie Domini et descendit in Jopen ». La superposition des deux scènes permet de bien lire le contraste entre elles : la couleur de la tunique a changé (on observe toutefois ce même contraste fol. 172, qui ne paraît pas significatif à cet endroit ; il faut donc peut-être le lire ici plutôt comme un choix esthétique afin de rythmer la lecture), mais Jonas est toujours tourné dans la même direction, pour souligner le fait qu’il n’a pas changé d’avis, tandis que Dieu n’est plus à la même place dans l’image. Le prophète ne s’appuie plus sur son tau, mais le porte sur l’épaule, comme s’il renonçait à son rôle de prophète.

39 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), ici. p. 338, n. 3.

40 « Paenitentia gentium, ruina sit Judaeorum », ibid., p. 172, l. 38-39.

41 André de Saint-Victor, Super duodecim prophetae, Brepols, en ligne : Library of Latin Texts, Series A [Désormais : LLT-A], In Jonam, ch. 1, v. 3, p. 168, l. 21-23.

42 Saint Jérôme, Commentarii in prophetas minores (CPL 0589), LLT-A, SL 76, In Jonam, ch. 1, l. 63, 112, 183, 248, 311, 337, 354, 418, 430, 457 et 461.

43 Cet abbé de Flavigny et de Verdun meurt au milieu du xiie siècle.

44 Hugues de Flavigny, Chronicon, Monumenta Germaniae Historica [désormais : MGH], SS 8, 1846, liv. 1, p. 346, l. 22.

45 Le verbe oboedire apparaît une fois seulement (Saint Jérôme, [éd. cit. n. 42], ch. 3, l. 20).

46 Ermite, il se retire dans la propriété familiale de Gembloux (Belgique actuelle) afin d’y fonder un monastère au xe siècle, pour lequel il fait un voyage à Gorze dont il rapporte la règle de saint Benoît.

47 Guibert de Gembloux, Vita sanctae Hildegardis retractata, LLT-A, appendix 14, l. 5.

48 Après avoir étudié en France et à Bologne, il est évêque de Worcester, puis devient archevêque de Cantorbéry (1185-1190).

49 Baudouin de Ford, Sermones, LLT-A, sermo 7, l. 24-40.

50 « Item et super Jonam a facie Domini fugientem et tamen haec dicentem, ‘Dominum Deum coeli ego timeo, qui fecit mare et aridam’. », Giraud de Barri, Topographia Hiberniae, Dublin / Turnhout, Royal Irish Academy / Brepols, en ligne : Lapidge and Sharpe, Archive of Celtic-Latin Literature [désormais L&S, ACLL] A52, p. 136.

51 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 176, l. 80-82, présente dans la forme le propos légèrement différemment, mais le sens est le même : « Si autem ipse fecit mare et aridam, cur aridam dereliquens arbitraris te conditorem maris in mare posse vitari ? ».

52 « cum confiteatur creatorem maris et aridae, cur aridam reliquens arbitratur creatorem terrae, si conditorem maris, in mari se posse vitare », Giraud de Barri (éd. cit. n. 50), p. 136.

53 Y.-M. Duval (op. cit. n. 5), vol. 1, ici n. 53, p. 23.

54 « Sed et hoc dici potest : conscius erat fugae et peccati quo Domini praecepta neglexerat, et tempestatem, ignorantibus ceteris, contra se saevire cernebat. Ideo descendit ad interiora navis et tristis absconditur, ne quasi Dei vindices fluctus adversum se videret intumescere. Quod autem dormit, non securitatis est, sed maeroris. Nam et apostolos legimus in Domini passione prae ‘tristitiae’ magnitudine somno fuisse depressos. », Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 190, l. 223-230.

55 « aliis turbatis propheta securus et tranquillus describitur ubi in interioribus navis placido somno perfruatur. Vel potest dici quod conscius fuge et peccati aliis ignorantibus causam tempestatis, ipse fluctus contra se intumescentes videre non audet, et dormit non ex securitate, sed ex tristicia, sicut Apostoli in Passione Domini. », Biblia latina cum glossa ordinaria. Introduction to the facsimile reprint of the Editio Princeps Adolph Rusch of Strassburg 1480-1481, K. Fröhlich et M. T. Gibson (introd.), Turnhout, Brepols, 1992, t. 3, p. 399.

56 Il a voyagé en Afrique du Nord, en Orient (Irak, Égypte, Israël) et en Europe (Italie, France, Angleterre).

57 Abraham ibn Ezra, Vaticinationes Abdiae, Jonae et Sophoniae prophetarum, Paris, Martin Le Jeune, 1566, p. 42.

58 « Excitant discipuli Christum dormientem in puppi. », Pictor in carmine : Ein Handbuch der Typologie aus der Zeit um 1200 nach MS 300 des Corpus Christi College in Cambridge, K.-K.-A. Wirth (éd.), Berlin, Gebr. Mann (Veröffentlichungen des Zentralinstituts für Kunstgeschichte, 17), 2006.

59 Pictor in carmine… (op. cit. supra).

60 « Excitat gubernator Jonam dormientem in navi. / (1) Nauta citat dum dormitat Jonam rate jacta. / Christus agi sinit hoc pelagi rabie patefacta. / (2) Jonas abst[a]rahitur a sompno dum mare sevit, / Christus ut excitur in puppi qua requievit. », Pictor in carmine… (op. cit. n. 59), p. 195.

61 « Jonas... ad gentium praeconium mittitur, missus contemnit, contemnens fugit, fugiens dormit, propter quem periclitatur navis. Sed sors latentem repperit, coetus abjectum devoravit et orantem revomuit. Rejectus praedicavit subversionem. Sed contristatur in penitentia urbis et saluti gentium invidet. Gaudet etiam edere virenti umbraculo et dolet subito arescentis. », Biblia latina...(op. cit. n. 55), t. 3, p. 399).

62 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 194, l. 268-271.

63 « Exemplo Jonae vel Matthiae non oportet sortibus credi », Decretum magistri Gratiani (Concordia discordantium canonum), LLT-A, pars 2, causa 26, quaest. 2, canon 2, rubrica, p. 1021, l. 3. « Exemplo Matthiae vel Jonae non est sortibus indifferenter credendum », dans Ibid., canon 4, rubrica, p. 1021, l. 16. « Jonas quoque, cum a facie Domini fugeret, a nautis sorte deprehensus in mari dejectus, et a ceto absorptus est », Ibid., canon 1, dictum ante, p. 1020, l. 31.

64 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 188, l. 205-209.

65 Ibid., p. 202, l. 351.

66 Ibid., p. 212, l. 437-439.

67 Ibid., p. 214, l. 466-467.

68 Au ixe siècle, Haymon d’Auxerre utilise beaucoup les prophètes (S. Shimahara, [op. cit. n. 10]). Ses œuvres ne tombent pas dans l’oubli dans les siècles qui suivent, en particulier à la fin de l’époque romane, nouvelle période d’essor de l’exégèse : on sait que six manuscrits au moins de son commentaire des petits prophètes ont été copiés au xiie siècle, quatre ayant été attribués à Rémi d’Auxerre et deux à lui (Ibid., ici p. 190). Cet auteur est très utilisé, notamment par Anselme de Laon et Pierre Lombard (Joseph de Ghellinck, Patristique et Moyen Âge, Études d’histoire littéraire et doctrinale, 2 : Introduction et compléments à l’étude de la patristique, Bruxelles / Paris, Duculot / De Brouwer [Museum Lessianum, 7], 1947, p. 343-345). Il s’adresse aux étudiants du monastère ou à des personnes connaissant bien les conventions de l’interprétation biblique, passe rapidement d’un niveau d’interprétation à l’autre (il expose pour chacun des versets diverses interprétations, parfois contradictoires) et fait avant tout une lecture typologique.

69 On retrouve beaucoup des idées d’Haymon d’Auxerre dans la Glose ordinaire, mais souvent formulées de façon différente ; la Glose a donc probablement emprunté plutôt à saint Jérôme directement.

70 Haymon d’Auxerre (op. cit. n. 11), ici p. 2.

71 Ibid., p. 2-3.

72 « Sed et mystice judaeis, qui Dei populus fuerant, Christi mortem expetentibus, gentes etiam eum mori nolebant », Haymon d’Auxerre, Enarratio in Jonam, PL 117, col. 132.

73 « Nautae qui eum quid facerent interrogabant, apostoli sunt, qui eum in passione deserentes », ibid.

74 « Nautarum ista vox Pilati videtur esse confessio, qui accepta aqua lavit manus suas, et dixit : Innocens ego sum a sanguine hujus », ibid.

75 « Contestantur Deum, ut quod facturi sunt non imputetur eis ad culpam. Quasi dicatur nolumus interficere tuum prophetam sed ipse confessus est iram tuam, et tempestas tua eum arguit, voluntas tua manibus nostris expletur. Simile quid facit et dicit Pilatus, qui lavans manus ait : Mundus ego sum a sanguine justi hujus. Nolunt gentes perire Christum, innocentem testantur et Judaei dicunt : sanguis ejus super nos et super filios nostros. », Biblia latina... (op. cit. n. 55), 3, p. 400.

76 Il est abbé de Wigmore au pays de Galles à deux reprises et meurt en 1175.

77 « Timent autem timore magno, quia intellegunt sanctum et sancte gentis virum. », André de Saint-Victor (éd. cit. n. 41), ch. 1, v. 10, p. 172, l. 127.

78 « Timent autem timore magno, quod intellegunt sanctum, et sanctae gentis virum. », Saint Jérôme (éd. cit. n. 42), ch. 1, l. 311.

79 Il a cours durant la seconde moitié du xiiie siècle. La plupart des bibles montrant les marins pour illustrer le livre de Jonas sont produites en France, à Paris mais surtout dans le nord, et en Italie. Elles ont donc peut-être été marquées par la production des bibles de Manerius (Paris, BSG, ms. 9, fol. 137v ; Paris, BnF, ms. Lat. 11535, fol. 333). Cependant, quelques-unes, plus tardives (elles datent de la fin du xiiie siècle), proviennent d’Angleterre (Londres, BL, ms. Add. 50000, fol. 101 ; Cambridge, Jesus College, ms. Q.A.II, fol. 143v).

80 C’est le cas dans la belle et grande (525 × 360 cm) bible de Manerius conservée à la Bibliothèque Sainte-Geneviève, qui date de la fin du xiie siècle et a été réalisée en Champagne ou dans le nord de la Bourgogne, peut-être à l’abbaye Saint-Loup de Troyes.

81 Bordeaux, BM, ms. 1, fol. 240.

82 Sébastien Douchet, « Dans le ventre du grand poisson : mer et parole dans le Livre de Jonas et son iconographie biblique », dans Mondes marins du Moyen Âge, C. Connochie-Bourgne (éd.), Aix-en-Provence, Presses de l’Université de Provence (Sénéfiance, 52), 2006, p. 115-130, ici p. 121.

83 Ibid., ici n. 17.

84 Il n’a pas été établi avec certitude que Cyprien de Gaule, auteur du ve siècle, est l’auteur du Carmen de Jona.

85 On ne retrouve du reste pas ce même genre de rapprochement quand Jonas est dans la gueule de la grosse bête. L’Antiquité rassemble la sortie de l’animal et le repos bienheureux sous la plante, mais, à l’époque romane, Jonas fuit la grosse bête ou désigne quelque chose d’autre, Ninive ou la plante. Aucune allusion n’est faite au séjour à l’intérieur du poisson, qui est complètement évacué. Nous reviendrons plus loin sur ce point.

86 Dans la bible de Pampelune d’Augsbourg, Jonas se trouve dans l’eau, sans poisson, tandis que d’autres personnes sont sur un bateau. Le texte au-dessus des marins dit : « Ab his precipitatur Jonas in mari » ; sous l’image, les quelques lignes rappellent que les marins ont recours au sort, puis jettent le prophète à l’eau, qui stoppe tout mouvement.

87 « Stetit a fervore suo », Jonas, I, 15.

88 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 216, l. 488-493.

89 Dans le monde byzantin, des représentations de Jonas dans le poisson existent, par exemple dans le Psautier de Chludoff (Moscou, Mus. historique d’État, ms. Gr. 129, fol. 157).

90 « typus orationis dominicae », Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 224, l. 54-55.

91 Biblia latina... (op. cit. n. 55), t. 3, p. 399.

92 L’emploi des attributs commence alors à se codifier (Charlotte Denoël, « L’apparition des attributs individuels des saints dans l’art médiéval », Cahiers de civilisation médiévale, 198, 2007, p. 149-160).

93 « nudus erat », « expoliatur », Poetae latini aevi carolini, IV, K. Strecker (éd.), MGH 4, 1923, p. 891, l. 200.

94 Texte écrit probablement en Gaule, que Charles le Chauve fait connaître aux Romains, la Cena Cypriani fait l’objet de deux réécritures au ixe siècle (la Cena nuptialis de Raban Maur et la Cena Johannis de Jean Diacre), puis d’une au xie siècle, très probablement conçue pour être chantée ou lue en public, et de deux nouvelles aux xiie et xiiie siècles, ainsi que d’un commentaire d’Hervé de Bourg-Dieu au début du xiie siècle ; il est également très souvent copié, en général dans des scriptoria monastiques, le plus souvent cisterciens ou bénédictins : 60 manuscrits ont été conservés, copiés le plus souvent en France entre le ixe et le xiie siècle ; Andrea Livini, « Étude de la circulation de la Cena Cypriani durant le Moyen Âge », Archives de sciences sociales des religions, 160, 2012, p. 309-358, en ligne : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/assr/24591 (consulté le 20 juin 2015).

95 Ce mot est le premier de l’Introït de la fête de Pâques.

96 Baltimore, Walters Art Gallery, ms. W 33.

97 Dijon, BM, ms. 2, fol. 225.

98 Il arrive, mais c’est très rare, que Jonas gagne des vêtements pendant son séjour. C’est le cas dans le Psautier de Fécamp (La Haye, KB, ms. 76.F.13, fol. 88), réalisé à la fin du xiie siècle. Dans la partie supérieure du S initial du psaume 68, Jonas est déshabillé par une personne, qui pourrait figurer un marin, bien que ni poisson, ni bateau, ni élément maritime ne soit représenté à proximité : il ne reste plus à Jonas que sa culotte, tandis que l’autre personnage fait passer par-dessus la tête du petit prophète son vêtement bleu. Au-dessous de cette scène se trouve Jonas sortant du poisson : ses bras, tendus vers l’avant, montrent qu’il cherche à s’éloigner de ce dernier. Le séjour dans le poisson lui a rendu des vêtements, une tunique verte et une cape rose ; la transformation spirituelle de Jonas provoquée par son séjour dans le poisson est ici figurée par le changement d’habit (transformation de la couleur et ajout d’une cape à la simple tunique).

99 Y.-M. Duval (op. cit. n. 5), n. 65, p. 26.

100 Dans le même passage, il est aussi dit nu, nudus (Jean le Diacre, De cena Cypriani, MGH, Poetae latini aevi carolini, 4, eMGH, num. 152, 2a).

101 Benzo de Alba, Ad Heinricum IV. imp. Libri VII, MGH, Scriptores rerum germanicarum in usum scholarum separatim editi, 65, 1996, eMGH, lib. V, ch. 12 (13), p. 492, l. 6.

102 « Vomet vatem decalvatum », Die Gedichte des Archipoeta, H. Watenphul et H. Krefeld (éd.), Heidelberg, C. Winter, 1958, l. 56. Si, dans l’Antiquité, le terme vates peut être traduit par devin ou prophète, il signifie en principe à l’époque médiévale évêque (Charles Du Cange, et al., Glossarium mediae et infimae latinitatis [éd. augm.], Niort, L. Favre, 1883-1887, t. 8, col. 254c, en ligne : http://ducange.enc.sorbonne.fr/VATES [consulté le 3 janvier 2016]). Ici, toutefois, c’est l’usage antique qui est retenu.

103 Selon James L. Kugel, le motif de la chaleur dans le ventre de la bête pourrait venir de la traduction de Jonas II, 6 : Jan M. Ziolkowski, « Folklore and Learned Lore in Letaldus’s Whale Poem », Viator, 15, 1984, p. 107-118, ici n. 38, p. 115.

104 « Quia depile erat caput ejus pro fervore coeti », Jean Scot Érigène, Glossemata de Prudentio, L&S, ACLL, C713, p. 31.

105 Nous ne reviendrons pas en détail sur la question de la calvitie de Jonas, qui a été étudiée par John Block Friedman : « Bald Jonah and the Exegesis of 4 Kings 2, 23 », Traditio, 44, 1988, p. 125-144.

106 Reims, BM, ms. 18, fol. 89.

107 De nombreuses possibilités coexistent à l’époque romane : le cas le plus fréquent est celui où il a une barbe, mais pas de cheveux (Paris, BnF, ms. Lat. 58 (2), fol. 39) ; il peut aussi avoir cheveux et barbe (Limoges, Bfm, ms. 3, I, fol. 177), ou des cheveux sans la barbe (Londres, BL, ms. Royal 2.A.XXII, fol. 80v).

108 Pierre Abelard, Commentaria super S. Pauli Epistolam ad Romanos, L&S, ACLL D890, liv. 4, ch. XV.

109 Jocelynus of Furness, Vita S. Kantigerni auctore Jocelino, L&S, ACLL, E1018, p. 167.

110 « Vastissimus sinibus ceti », ibid. Cette mention des plis, des courbures (sinus), montre que le cistercien connaît probablement les représentations antiques.

111 « Inter marinas voragines illesum servavit. », ibid.

112 « Sed Daniel, sicut et ille prodigus, et sicut Jonas de ventre ceti, suspirans panem de coelo, panem quem Pater dat penitentibus se, clamat ad illum qui dat escam pullis corvorum. », PL 202, col. 783.

113 « Quapropter sepe et multi inter eos surgunt et penitentiam agunt, sicut in Jona factum est », Hildegarde de Bingen, Epistularium. Pars secunda XCI-CCLr, L. Van Acker (éd.), Turnhout, Brepols (Corpus christianorum, Continuatio mediaevalis, 91A), 1993, classis 2, ep. 223r, p. 492-493, l. 85-86. « Quapropter ignee ultiones ab inimicis super eam venient, nisi per penitentiam, sicut in Jona factum est, deleantur. », ibid., p. 496, l. 203-205.

114 « Mittit autem nos ad figuram historiae de Jona, qui a maris tempestate demersus et a ceto absorptus post tres dies ceto eum supra littus evomente, evasit. Sic et Dominus Jesus per tres dies in potestate Judaeorum existens a quibus est in mortem demersus, post tres dies surrexit. », Expositio in Psalmos, PL 152, col. 969.

115 « Sicut Jonas ille Historialis fuit in ventre cete tribus diebus et tribus noctibus, ita Filius hominis, scilicet Christus verus Jonas [...] fuit in corde terrae. », Anselme de Laon, Enarrationes in Evangelium Matthaei, PL 162, col. 1365D-1366A.

116 « Nautae enim sunt Judaei, piscis mors. », ibid., col. 1366A.

117 Les Ninivites condamnent les juifs ; ils ne disposent d’aucun pouvoir judiciaire, mais c’est de la comparaison entre la situation dans la grande ville et celle des contemporains du Christ que découle le jugement porté sur ces derniers. Ceux qui ne se convertissent pas après la prédication du Christ n’ont pas d’excuse. « Quia generatio ista opera et signa Christi vidit, et tamen credere noluit, idem Ninivitae, qui gentiles sunt, surgent in judicio cum generatione ista, non ut eos judicent potestate, sed comparatione. Ninivitae enim sine signis ad poenitantiam conversi sunt, judaei vero nec per signa voluerunt converti, quam comparationem ponit cum subdit : Quia poenitentiam egerunt in praedicatione Jonae. Et ecce, etc. Hoc est inter judaeos est quidam plus quam Jonas, id est Christus Deus et homo, cujus praedicationi voluerunt credere. », ibid., col. 1366.

118 « In claustro Jonas in ventre ceti : sicut enim fuit Jonas in ventre ceti… Sic claustralis consepultus Christo, cogitatione et operatione moritur peccato, et vivit Deo », PL 202, col. 1111.

119 « Projectio enim Jonae in mare Christi passionem ; susceptio ejus in ventre ceti Christi sepulturam, redditio ejus vivi in littus Christi resurrectionem, aperte praefiguravit », Raoul Ardent, In epistolas et evangelia dominicalia homiliae, PL 155, col. 2028.

120 Au sujet du psaume 68, il écrit : « Et est psalmus iste quartus eorum qui latius de passione et resurrectione Christi agunt. », Pierre Lombard, Commentarium in Psalmos, LLT-A, psalmus 68, introductio, col. 625, l. 26. Plus loin, toujours au sujet du même psaume, on lit : « Id est seditio et transitorius impetus, scilicet voces inclamantium mortem, demersit me in mortem. Ecce Jonas a ceto absorptus, sed tertia die evomitus. », ibid.

121 « Quod dixit et oravit Jonas ad Dominum Deum suum de utero piscis et dixit intelligimus eum postquam in utero piscis sospitem se esse senserit non desperasse de Domini misericordia et totum ad obsecrationem esse conversum. », Rupert de Deutz, Commentaria in duodecim prophetas minores, in Jonam, LLT-A, liv. 1, col. 416, l. 44.

122 « Cetus Jonam fugitivum / Veri Jone signativum / Post tres dies reddit vivum / De ventris angustia », Jean Grosfilier, Les Séquences d’Adam de Saint-Victor : étude littéraire (poétique et rhétorique), textes et traductions, commentaires, Turnhout, Brepols (Bibliotheca Victorina, 20), 2008, XVIII – Zima vetus expurgetur, 11, p. 324.

123 Le signe apparaît aussi dans les écrits de l’Anglais Baudouin de Ford ; dans son De Commendatione fidei, il donne la parole au Christ (Baudouin de Ford, De commendatione fidei, LLT-A, ch. 102, l. 11), qui explique que les juifs sont aveugles et ne connaissent pas l’heure de sa venue, qu’ils demandent un signe et ne peuvent obtenir d’autre réponse que celle qui se trouve dans l’Évangile de Matthieu. Dans son Contra Petrobrusianos hereticos, le clunisien Pierre le Vénérable (Contra Petrobrusianos hereticos, G. Fearns [éd.], Turnhout, Brepols [Corpus christianorum. Continuatio mediaevalis, 10], 1968, ch. 52, l. 1-9) évoque lui aussi le signe. Il présente les différents prophètes et insiste, au sujet de Jonas, sur le signe, comme figure de la résurrection. La mort du Christ est annoncée par le naufrage du prophète, sa résurrection par la sortie du poisson.

124 « Sed si adhuc generatio prava et adultera signum quaerit, non ei dabitur nisi signum Jonae Prophetae : non signum descensionis, sed signum resurrectionis », Bernard de Clairvaux, Sermones in die paschae, LLT-A, sermo 1, par. 5, vol. 5, p. 80, l. 8-9. « Egreditur Jonas de ventri ceti: Christus de corde terrae tertia die procedit. Nisi quod manifeste plus quam Jonas hic, qui semetipsum viriliter et ab ipso utero mortis eduxit. Propterea viri Ninivitae consurgent contra vos in judicio, propterea ipsi judices vestri erunt, quia Prophetae obtemperaverunt, vos nec Domino prophetarum », ibid., par. 12, vol. 5, p. 89, l. 16-17.

125 Saint Jérôme (op. cit. n. 42), l. 153-154.

126 Id., Commentarii in evangelium Matthaei, LLT-A, liv. 2, l. 559 1671-1674.

127 Id., Commentarii in Isaiam, LLT-A, SL 73, liv. 1, ch. 1, par. 24, l. 16 et Id., Tractatus lix in psalmos, LLT-A, psaume 77, l. 137-138.

128 Dans un autre, il montre que la résurrection, qui détruit la mort du Christ et celle des hommes, force le poisson à rejeter le petit prophète. « Mortuus est certe Jesus meus in cruce, sed ejus morte mors nostra consumitur, et vita resurrectione reparatur. Evomuit enim Jonam cete illud maximum die tertia, et quidquid alieni juris invaserat, cogitur virtute resurrectionis emittere. », Aelred de Rievaulx, Sermones XLVII-LXXXIV, G. Raciti (éd.), Turnhout, Brepols (Corpus christianorum. Continuatio mediaevalis, 2B), 2001, sermo 62 in die sancto paschae, partie 22, p. 151, l. 210-213.

129 « Quare hoc, nisi quia vidit in spiritu quod, sicut fuit Jonas in ventre ceti tribus diebus et tribus noctibus, ita fuit caro Christi in terra tribus diebus et tribus noctibus ? », Aelred de Rievaulx, Sermones I-XLVI, G. Raciti (éd.), Turnhout, Brepols (Corpus christianorum. Continuatio mediaevalis, 2A), 1989, sermo 11 in die sancto paschae, partie 32, p. 95-96, l. 262-265.

130 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 222-224, l. 22-48.

131 Didier Lett, « Le diable, la jeune fille et le saint ; le suicide de Salerna », Clio, 4, 1996, en ligne, DOI : 10.4000/clio.442 (consulté le 3 janvier 2016).

132 Ce rapprochement entre différents épisodes bibliques pourrait être la simple répétition d’un modèle ancien, que l’on trouve à la fin de l’Antiquité dans la Commendatio animae. Si la forme actuelle de ce texte, datant du viiie siècle, est tardive, d’autres prières funéraires ont existé auparavant, dès le ive siècle.

133 Erlangen, UB, ms. 1. Die Gumbertusbibel : Goldene Bilderpracht der Romanik. Ausstellung im Germanischen Nationalmuseum, Nurnberg, 1. Mai bis 27. Juli 2014, A. Pawlik et A. Beck (éd.), Nuremberg, Verlag des Germanischen Nationalmuseums, 2014.

134 « Dominus autem noster post resurrectionem secundo mittitur ad Niniven, ut qui prius quodammodo fugerat, dicens : “pater, si possibile est, transeat calix iste a me” ; et noluerat dare “panem filiorum canibus”, nunc quia illi dixerant : “crucifige, crucifige” talem ! », Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 260, l. 16-20.

135 « Et re vera usque ad praesentem diem Christus plangit Hierusalem et plangit usque ad mortem, non suam, sed judaeorum, ut moriantur negantes et resurgant Dei filium confitentes », Ibid., p. 308, l. 247-250.

136 La première occurrence est peut-être dans l’Évangile de Rabbula (Florence, Bibl. Mediceo Laurenziana, ms. Plut. I, 560, fol. 6). Selon B. Narkiss, il existe dans l’Antiquité deux cycles de représentations de Jonas, l’un évoque les épisodes maritimes et est basé sur le Midrash, l’autre, où Jonas prêche à Ninive (auquel appartiendrait le manuscrit de Florence), s’appuie sur la Bible, mais il n’a presque aucun succès (B. Narkiss [art. cit. n. 5], p. 63-76, ici p. 69). Cette analyse expliquerait l’absence d’images antiques conservées montrant Ninive.

137 M. Perraymond (art. cit. n. 5), dans Il De civitate Dei… (éd. cit. n. 5), p. 611-625, ici p. 624.

138 « Eesparignas le rei de Niniven », La Chanson de Roland [1re éd. 1837], J. Bédier (éd.), Paris, L’édition d’art H. Piazza et J. Frazier, 1947, Corpus de la littérature médiévale, Classiques Garnier numérique, p. 258.

139 On reconnaît donc ici la formule de la Commendatio animae, qui rapproche Jonas, Daniel et les enfants, mais celle-ci est enrichie avec Ninive. Saint Jérôme lui-même, quand il souligne qu’il est difficile de croire que Jonas soit sorti sain et sauf des entrailles du poisson, rappelle que l’épisode des trois enfants dans la fournaise ou celui de Daniel, qu’il ne cite que par allusion, ne parlant que des lions, sont encore plus incroyables (Saint Jérôme [éd. cit. n. 1], p. 224-226, l. 60-62).

140 « Sapiens rex sine mora credidit ignoto prophetae et domina mea michi noto sibi dedignatur credere », Benzo de Alba (éd. cit. n. 101), Lib. V, ch. 12 (13), p. 492, l. 6-11.

141 « Erat autem hic maximus princeps dominus illius antiquissime et famosissime civitatis Ninive, que olim Jone prophete exhortationis verbo in cinere et cilicio dicitur egisse penitentiam », Guillaume de Tyr, Chronique, R. B. C. Huygens, H. E. Mayer, G. Rösch (éd.), Turnhout, Brepols (Corpus christianorum, Continuatio mediaevalis, 63A), 1986, liv. 21, ch. 8, l. 9-14.

142 Le texte biblique dit sacco.

143 « posse salvari », ibid.

144 « acta paenitentia », ibid.

145 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 272-282.

146 Ibid., p 280, l. 230-232.

147 Première homélie : Vercelli, Bibl. Capitolare, ms. CXVII, fol. 106v-109v, homélie XIX, 2de moitié du xe siècle (voir aussi Cambridge, Corpus Christi College, ms. 162, p. 403-412, Feria II in Letania majore, déb. xie siècle (probablement à Saint-Augustin de Cantorbéry), et Cambridge, Corpus Christi College, ms. 303, p. 215-219, Sermo in Letania majore) ; deuxième homélie : homélie d’Ælfric In Letania majore (1re moitié du xiie siècle, probablement à Rochester), 18e référence de la première série des Catholic homilies, conservée dans de nombreux manuscrits ; troisième homélie : Londres, BL, ms. Cotton Cleopatra B. xiii, fol. 44-55v, Dominica ante rogationem, 3e quart du xie siècle (certainement à Exeter), qui comprend des passages d’Ælfric (Paul E. Szarmach, « Three Versions of the Jonah Story: an Investigation of Narrative Technique in Old English Homilies », Anglo-Saxon England, 1, 1972, p. 183-193).

148 Gautier Map, De nugis curialium, L&S, ACLL, A76, p. 168.

149 « Vereor, quomodo regina Austri, veniens a finibus terrae audire sapientiam Salomonis, judicatura est homines sui temporis, et viri Ninivitae acta penitentia ad predicationem Jonae condempnabunt eos, qui majorem etiam Jona Salvatorem contempserunt, sic plurimi in populis episcopos judicent subtrahentes se ab ecclesiastico gradu, et ea, que episcopo conveniunt, non exercentes. », Corpus iuris canonici, I : Decretum magistri Gratiani, E. A. Friedberg (éd. ), Leipzig, B. Tauchnitz, 1879, pars 2, causa 8, quaest. 1, canon 22, col. 597, l. 14-20.

150 Il est même rappelé que le Seigneur lui-même les cite.

151 « Ninivitae quoque, quos Dominus in evangelio conmendat, penitenciam egerunt in predicatione Jonae, et ex misericordia Domini indulgentiam consecuti subversionis interitum subterfugere meruerunt », ibid., pars 2,33,3, de paenitentia, dist. 3, canon 29, dictum post, col. 1218, l. 48-50. « Sed cum habitatores Ninivae, Jona interitum civitatis predicante, ne divina ira denunciatum interitum sustinerent, peccatorum et inpietatis penitenciam egissent, accepta Dei misericordia gravioribus se criminibus inplicuerunt », ibid., col. 1219, l. 16-18.

152 Cambridge, Corpus Christi College, ms. 3, fol. 262.

153 L’ouvrage mesure 547 × 372 mm.

154 Lyon, BM, 411, fol. 165.

155 Jonas accepte, comme le montre la position de ses mains. La présence de la plante au-dessus de Jonas dans l’image du haut annonce également la fin du livre de Jonas, quand Dieu, après la conversion de Ninive, fait pousser une plante pour l’abriter.

156 Comme dans la bible de Lyon (fig. 4), l’image est structurée en deux parties, Jonas à gauche et la ville de Ninive à droite, à laquelle il fait face. De la ville émergent des têtes dans les deux cas.

157 Le texte, illisible de loin, qui accompagne la scène souligne l’importance de la prédication du prophète : « hic predicad Ninive » ; mais il ne peut aider les observateurs à identifier la scène.

158 Il a des cheveux.

159 BM, ms. 108, fol. 146v.

160 « Cepit Jonas introire in civitatem diei unius et clamavit et dixit : “Adhuc XL dies et Ninive subvertetur”. », ibid.

161 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), p. 296-300, l. 122-170.

162 « Non contristatus quod gentium multitudo salvatur sed quod videt gentem suam perire et se de tanto numero prophetarum electum qui per salutem aliorum ruinam populi sui nuntiaret. », Biblia latina... (op. cit. n. 55), 3, p. 402.

163 « Non enim sic volui salvare alios ut perirent alii, non sic lucrari alienos ut perderem meos: sic Christus plangit Hierusalem usque ad mortem non suam sed judaeorum, ut moriantur negantes et resurgant Dei filium confitentes. », ibid., 3, p. 403.

164 Pour ce dernier, le Christ pleure jusqu’à aujourd’hui, ce qui n’est pas précisé dans la Glose ordinaire.

165 Le Pseudo-Augustin belge et Pierre Damien évoquent le lierre, mais c’est au ver qu’ils s’intéressent (voir plus bas, la partie sur le ver). Baudouin de Ford ne fait pas de lecture symbolique du lierre : « Jonas, subtracta sibi consolatione umbraculi in arefactione hederae, graviter perdoluit ; quando percussit sol super caput eus et astuabat, et petivit animae suae ut moretur. », Baudouin de Ford, Tractatus de sacramento altaris, Turnhout, Brepols (Sources chrétiennes, 94), LLT-A, pars 3, ch. 3, p. 508, l. 12-14.

166 « Et sicut letatus et delectatus est typus Domini Jonas super obumbrationem hedere que ludeam significat typice », Théofroy d’Echternach, Flores epytaphii sanctorum, LLT-A, liv. 3, ch. 2, l. 41.

167 « Sunt enim qui charitate subito vulnerantur, ut subinde sanentur ; quasi Jonae hedera, quae sub eadem hora qua viruit, aruit » et « Laetatus est Jonas vehementer sub umbra hederae; sed hedera ille aruit, et figura abivit », Gilbert de Holland, Tractatus ascetici, LLT-A, traité 4, partie 2, col. 267, l. 6-8 et 36-37.

168 « Fuit itaque pene in omne malo, in medio Ecclesiae et Synagogae, qui Ecclesiam cum dolore passionis parturiebat, et Synagogam dolens amittebat, sicut Jonas cucurbitam sive hederam », Pierre de Celle, Sermones, LLT-A, sermo 35 (in cena Domini II), col. 746, l. 32-35.

169 Rupert de Deutz, Commentaria in duodecim prophetas minores, LLT-A, in Jonam, liv. 2, col. 435-440.

170 Rupert de Deutz qualifie ici l’hedera de levis, évoque sa viriditas (probablement sa vitalité) et rappelle que certains l’appellent cucurbita.

171 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1) p. 298 et 300, l. 146-147 et 162-164.

172 Rupert de Deutz, Liber de divinis officiis, LLT-A, liv. 5, p. 152, l. 272-276.

173 Il précise également que Ninive, terrifiée par la prédication, est sauvée, de même que le monde l’est par la triple immersion du baptême.

174 « Et sicut edera arborem quam complectitur sepe occidit, ita superbia hominem quem complectitur mortificat. De hac edera legitur in Jona ultimo quod creavit ederam Dominus sub cujus umbra valde letatus est Jonas ; set postea inmisit Dominus ventum urentem in ederam illam et exaruit. », Thomas de Chobham, Sermones, F. Morenzoni (éd.), Turnhout, Brepols (Corpus Christianorum, Continuatio Mediaevalis, 82A), 1993, sermo 7, l. 160-164.

175 Théologien anglais qui vit au tournant des xiie et xiiie siècles, il étudie en France auprès de Pierre le Chantre.

176 « Et preparavit Dominus Deus ederam et ascendit super capud » « ejus » (chez Thomas de Chobham) / « Jonae » (dans la bible) ; « letatus est Jonas super edera leticia magna » ; « misit » (Thomas de Chobham) / « paravit » (dans la bible) « Deus vermem et percussit ederam et exaruit ».

177 « De umbra, autem, legitur in Jona ultimo quod cum ipse estuaret in fervore solis, solum fecit sibimet umbraculum et sedit in umbra illius, et preparavit Dominus Deus ederam et ascendit super capud ejus et letatus est Jonas super edera leticia magna, et misit Deus vermem et percussit ederam et exaruit. Edera significat virorem temporalium quam preparat Deus nobis quandoque ad solatium tantum, non a leticiam magnam », Thomas de Chobham ( éd. cit. n. 174), sermo 6, l. 215-220.

178 Après avoir été écolâtre de Tournai, il est devenu cistercien, puis abbé d’Igny, une fondation de Clairvaux, à laquelle donne un grand rayonnement. Seuls 52 de ses sermons ont été conservés.

179 « Etsi cucurbita aruit, Ninive salvata est ; et amissio Judaeorum divitiae facta est mundi et salus gentium » Guerric d’Igny, Sermons, I, J. Morson et H. Costello (éd.), Paris, Cerf (Sources chrétiennes, 166), 1970, Troisième sermon pour la Nativité, 3, p. 192, l. 94-96.

180 Supports parmi les plus visibles dans l’église, les ambons ont un rôle liturgique très important en Italie, tout particulièrement pour le Samedi Saint (Laurence Aventin, « L’ambon, lieu liturgique de la proclamation de la Parole dans l’Italie du xiie et xiiie siècle », dans Nicole Bériou, Franco Morenzoni [éd.], Prédication et liturgie au Moyen Âge, Turnhout, Brepols [Bibliothèque d’histoire culturelle du Moyen Âge, 5], 2008, p. 127-162, ici p. 128-130).

181 L. Aventin (art. cit. supra) ; Id., « Des images au service de la parole. Le programme iconographique des ambons de Rosciolo, Moscufo et Cugnoli (Abruzzes, 1157-1166) », Cahiers de civilisation médiévale, 184, 2003, p. 301-326 ; Id., Étude iconographique et stylistique des ambons romans des Abruzzes et de Campanie, thèse de doctorat en histoire de l’art et d’archéologie sous la direction de J. Lacoste, Bordeaux III, 1999 ; Francesco Gandolfo, Scultura medievale in Abruzzo : l’età normanno-sveva, Pescara, Carsa, 2004 et Otto Lehmann-Brockhaus, « Die Kanzeln der Abruzzen im 12. und 13. Jahrhundert : Die Ziborien und Kanzelwerkstatt der Meister Robertus und Nikodemus und ihrer Mitarbeiter (1150-1166) », Römisches Jahrbuch für Kunstgeschichte, 6, 1942-1944, p. 257-428, ici p. 271-342.

182 Vatican, Musei Vaticani, Inv. 31448.

183 Boulogne, BM, ms. 4, fol. 102.

184 De nombreuses autres figures vétérotestamentaires, utilisées comme préfigures du Christ, sont représentées à Soest, mais chacune a des caractéristiques particulières : le peintre a donc très probablement cherché à représenter le lierre ou la courge.

185 Saint Jérôme (éd. cit. n. 1), ici n. 5, p. 427.

186 Ibid., p. 304.

187 Ibid., p. 306, l. 226-228.

188 Pierre Damien, Epistulae CLXXX, LLT-A, vol. 2, epist. 86, p. 475, l. 4-7.

189 Il dit, pour expliquer que le ver apparaît le matin, « qui matutinus exurgens » au lieu de « et paravit Deus vermem ascensione diluculi » et, pour souligner l’action du ver, transforme exaruit en une formule plus longue, de deux mots, « arescere compulit ».

190 Peter K. Klein, « Date et scriptorium de la bible de Roda : état des recherches », Les cahiers de Saint-Michel de Cuxa, 3, 1972, p. 91-102. Le texte, coupé en trois morceaux (qui sépare même deux parties d’un mot), ne nous éclaire pas : « tegit vermis umbra », puis « culum Ione », puis « tristari cepit ». Ils insistent sur le rôle du ver dans la tristesse de Jonas, mais ne disent rien de l’aspect de l’animal. L’ombre, umbraculum, n’apparaît pas dans la représentation, elle est remplacée par le lierre ; mais tous les autres protagonistes sont mis en image, le ver, Jonas et sa tristesse.

191 Jacqueline Lelercq-Marx, « Les initiales historiées. Quelques hypothèses et apports nouveaux », dans Autour de la Bible de Lobbes (1084) : les institutions, les hommes, les productions, actes de la journée d’étude organisée au Séminaire épiscopal de Tournai, 30 mars 2007, M. Maillart-Luypaert, J.-M. Cauchies (éd.), Bruxelles, Faculté universitaire Saint-Louis, 2007, p. 169-209, ici p. 174.

192 Le terme de vermis correspond à l’une des cinq grandes catégories d’animaux, qui englobe les vers comme les mille-pattes ou les chenilles.

193 Don Denny, « The Historiated Initials of the Lobbes Bible », Revue belge d’archéologie et d’histoire de l’art, 2, 1976, p. 3-26.

194 Pictor in carmine... (op. cit. n. 59) p. 175-176.

195 « Jesus incipit predicare sed occulte, quasi intra domum et paucis », ibid.

196 Il est celui qui dessèche (arefacit) la plante, la moissonne (carpit) : il est alors une figure du Christ qui fait disparaître l’ombre ancienne pour la remplacer par du nouveau ; le ver mord (mordet) la plante qui se flétrit, comme le fait la loi sous l’action des paroles du Christ ; par l’action de sa dent, il retire, removit, l’ombre sous laquelle est installé Jonas, comme le Christ transforme la loi par sa grâce ; l’action du brevis vermis entraîne le dessèchement de ce qui était florissant ; ce ver, qui touche le lierre, l’écrase, le presse, de même que les anciennes lois cèdent devant le Christ ; il frappe (percussit) le ver et Jonas brûle (ussit) dans la chaleur.

197 « Ideo misit Dominus vermem, id est Christum », Thomas de Chobham, Sermones, LLT-A, sermo 6, l. 221.

198 Le pseudo-Augustin belge, Sermones ad fratres in eremo commorantes, LLT-A, sermo 18, col. 1265, l. 10 et 19.

199 « O invide vermis mortifere qui in hedera Jonae quotidie nasceris » et « Legimus etiam vermem ex hedera natum cujus umbra Jonas a calore defendebatur tandem hedera corruit et funditus devastatur ».

200 Poète et théologien dont on sait qu’il a vécu à Paris et à Montpellier et qu’il est mort à Cîteaux en 1202.

201 « Qui ex manna nascitur ; hic est vermis quo Jonae hedera desiccatur ; hic est ignitus serpens ». « Legimus vermen ex hedera natum, cujus umbra Jonas a caloris insultu defendebatur, hederam funditus corosisse; sic invidia quasi vermis ex nitore virtutis nata, puritatem conscientiae qua se homo contra aestus vitiorum debet defendere, funditus corrodit; et caput Jonae, id est mentem hominis aestibus vitiorum exponit. », Alain de Lille, Summa de arte praedicatoria, ch. 8 « Contra invidiam », PL 210, col. 129.

202 La dimension merveilleuse de l’épisode reste très sensible pendant toute l’époque romane. Voir à ce sujet notre article cité plus haut : A.-S. Traineau-Durozoy (art. cit. n. 4), ici p. 124-127.

203 Aucun épisode biblique ne s’en rapproche. Les poissons, le plus souvent mis en présence des hommes (Tobie, les apôtres, le Christ, etc.), sont nombreux dans la Bible, mais ils sont de petite taille. On trouve également dans l’Ancien Testament une créature marine monstrueuse, le Léviathan, mais celle-ci n’avale personne, bien qu’elle soit menaçante.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Initiale E du livre de Jonas, Bible de Souvigny, Moulins, BM, ms. 1, fol. 196v.
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Titre Fig. 2 – Initiale E du livre de Jonas, Bible de Saint-Sulpice. Bourges, BM, ms. 3, fol. 246.
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Titre Fig. 3 – Archivoltes du Portail du monastère Santa Maria de Ripoll.
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Titre Fig. 4 – Initiale E du livre de Jonas, Lyon, BM, ms. 411, fol. 165.
Crédits cl. BML.
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Titre Fig. 5 – Bibliothèque Amiens-Métropole, ms. 108 C, fol. 144v.
Crédits cl. CNRS-IRH.
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Titre Fig. 6 – Initiale E du livre de Jonas, Bible, Bibliothèque de Bordeaux, ms. 1, fol. 240.
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Titre Fig. 7 et 8 – Abbatiale de Mozac.
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Titre Fig. 9 – Initiale E du livre de Jonas, Bible de Saint-Bénigne, Dijon, BM, ms. 2, fol. 225.
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Titre Fig. 10 – Initiale E du livre de Jonas, Bible de Saint-Rémi, Reims, BM, ms. 18, fol. 89.
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Titre Fig. 11 – Bibliothèque Amiens-Métropole, ms. 108 C, fol. 146v.
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Titre Fig. 12 – Santa Maria del Lago de Moscufo.
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Titre Fig. 13 – Initiale E du livre de Jonas, Boulogne-sur-mer, BM, ms. 4, fol. 102.
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Pour citer cet article

Référence papier

Anne-Sophie Traineau-Durozoy, « Saint Jérôme et Jonas à l’époque romane : de l’influence d’un Père de l’Église sur les textes et les images des xie et xiie siècles »Cahiers de civilisation médiévale, 244 | 2018, 379-406.

Référence électronique

Anne-Sophie Traineau-Durozoy, « Saint Jérôme et Jonas à l’époque romane : de l’influence d’un Père de l’Église sur les textes et les images des xie et xiie siècles »Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 244 | 2018, mis en ligne le 01 janvier 2021, consulté le 10 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/1665 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccm.1665

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Anne-Sophie Traineau-Durozoy

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Université de Poitiers / CNRS

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