Pierre-François Fournier, Étude sur l’administration d’Alfonse de Poitiers dans la Terre d’Auvergne. Édition critique de la thèse soutenue par l’auteur à l’École nationale des chartes en janvier 1911
Pierre-François Fournier, Étude sur l’administration d’Alfonse de Poitiers dans la Terre d’Auvergne. Édition critique de la thèse soutenue par l’auteur à l’École nationale des chartes en janvier 1911, R. Roques, G. Fournier et B. Fizellier-Sauget (dir. ), Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal (Études sur le Massif central), 2017.
Texte intégral
12017 a été une année faste pour le frère cadet de Louis IX, Alphonse de Poitiers. Après la publication de l’excellente thèse de Gaël Chenard consacrée à son administration en Poitou et en Saintonge (L’administration d’Alphonse de Poitiers [1241-1271], Paris, Classiques Garnier [Bibliothèque d’histoire médiévale, 18], 2017), les Presses universitaires Blaise Pascal nous offrent une édition de la thèse, restée inédite depuis 1911, de Pierre-François Fournier portant sur le même sujet mais dans un espace voisin, l’Auvergne. Il s’agissait du seul travail consacré à l’administration du frère et plus puissant des vassaux de Louis IX depuis la grande étude d’Edgard Boutaric (Saint Louis et Alphonse de Poitiers : étude sur la réunion des provinces du Midi et de l’Ouest à la Couronne et sur les origines de la centralisation administrative, Paris, Plon, 1870), jusqu’à celle de G. Chenard.
2Après son passage à l’École nationale des chartes, où il présente la thèse en question, P.-F. Fournier a occupé successivement les postes de directeur des Archives départementales de la Haute-Loire de 1922 à 1924, puis de celles du Puy-de-Dôme jusqu’en 1949. De 1942 à 1964, il a également été directeur de la troisième circonscription des Antiquités historiques d’Auvergne et, de 1947 à 1955, conservateur du musée Bargoin de Clermont-Ferrand. Parallèlement, il poursuit son travail sur l’administration alphonsine dont il publie les enquêtes restées inédites (Enquêtes administratives d’Alphonse de Poitiers, arrêts de son parlement tenu à Toulouse et textes annexes, 1249-1271, P.-F. Fournier et P. Guebin [éd.], Paris, Imprimerie nationale, 1959). Le manuscrit de sa thèse, qui nous est parvenu grâce à son fils, comporte de multiples ajouts, remaniements et compléments, effectués par l’a. pendant sa longue carrière, sans doute en vue d’une publication. En concrétisant celle-ci, les éditeurs précisent avoir voulu rendre hommage au chercheur que fut P.-F. Fournier, apporter aux historiens et au lectorat les nombreuses informations compilées par le défunt chartiste et, enfin, éclairer la manière dont celui-ci avait pu travailler au début du xxe s. L’ouvrage tient donc autant de la publication de thèse que d’une édition de source destinée aux historiens de la période contemporaine.
3Afin de mieux appréhender le travail de P.-F. Fournier, les éditeurs ont ajouté une riche introduction (p. 8-28) comprenant un certain nombre d’éléments biographiques afin de le restituer dans son contexte intellectuel, méthodologique et historiographique. Ils présentent ensuite les principaux jalons de l’évolution jusqu’à nos jours de la recherche sur les problématiques abordées par le travail de l’a. : histoire de l’Auvergne médiévale, des pouvoirs et des institutions, ainsi que du rattachement des principautés au domaine royal. Enfin elle présente les choix éditoriaux destinés à rendre compte au mieux, du travail respectif de l’a. et des éditeurs. Le texte originel est présenté en caractères noirs, les adjonctions de P.-F. Fournier à sa première rédaction en caractères verts et les corrections de détail ou mises à jour grâce aux acquis de la recherche réalisés par Rémy Roques, Bernadette Fizellier-Sauget, Gabriel Fournier et Johan Picot sont en caractères rouges. L’informatique a permis de respecter le travail original de l’a., tout en fournissant au lectorat des informations plus complètes et corrigées en adéquation avec les résultats les plus récents de la recherche. Le dilemme entre ces deux préoccupations étant le plus souvent difficile à trancher, le souci des éditeurs est particulièrement louable et la solution employée, très heureuse.
4Le texte de l’a., à proprement parler, commence par un commentaire des sources utilisées (p. 33-44) que les éditeurs ont été contraints, en raison de l’état du manuscrit, de refondre et qu’ils ont complété. S’ensuit une longue introduction destinée à poser le contexte dans lequel s’exerce le pouvoir du prince capétien sur l’Auvergne. Son premier chapitre (p. 49-62) effectue une mise au point événementielle sur le passage de l’Auvergne de la mouvance des ducs d’Aquitaine à celle des rois de France, parallèlement à l’affaiblissement de la puissance des comtes d’Auvergne et à la scission de leur lignage en deux. Le deuxième (p. 63-70) s’intéresse à l’administration royale antérieure à l’avènement d’Alphonse en Auvergne, se focalisant surtout sur la fonction de « connétable d’Auvergne » et ses titulaires successifs. Le troisième s’attache à déterminer la nature exacte des droits juridiques d’Alphonse de Poitiers en Auvergne (p. 71-73).
5Le développement commence par une première partie décomposant la structure hiérarchique de l’administration d’Alphonse de Poitiers pour en décrire les composantes. Elles s’inscrivent dans la continuité de l’héritage administratif mis en place dans cette région par les Capétiens au début du xiiie s. Sont ainsi passés en revue les titulaires, les traitements, les fonctions et les abus du connétable d’Auvergne (p. 77-92), des baillis, affermées chaque année aux élites locales (p. 93-106), les châtelains, sergents, fermiers et forestiers (p. 107-110). La section consacrée aux baillis comprend aussi une restitution du ressort de chaque bailliage, cartographiée en annexe 1 et une estimation de leur revenu annuel. Un dernier chapitre est consacré aux agents temporaires (p. 111-121) missionnés pour traiter des affaires particulières, envoyés pour des questions financières extraordinaires ou bien pour enquêter au nom du prince.
6La deuxième partie se focalise sur les interactions entre Alphonse de Poitiers et les autres principaux acteurs politiques d’Auvergne. Le premier traité (p. 125-132) est son royal frère, Louis IX et ses représentants. L’a. rappelle que le souverain a conservé des droits en Auvergne, notamment la garde et protection de l’évêché de Clermont, de la collégiale de Brioude, des abbayes de La Chaise-Dieu, Mozac et Cusset et peut-être de Saint-Flour, avec leurs prieurés. Plusieurs sergents royaux dépendant du bailli de Bourges résidaient dans des villes auvergnates. La définition des droits respectifs du roi et d’Alphonse de Poitiers a ainsi généré plusieurs conflits entre les deux frères. Un deuxième chapitre (p. 133-138) se penche sur les rapports d’Alphonse de Poitiers avec le clergé dont une bonne partie avait préféré rester sous la dépendance directe du roi de France. Le comte de Poitiers accorde périodiquement l’appui de son autorité aux établissements ecclésiastiques mais demeure pointilleux sur ses propres droits, d’où un long conflit avec l’évêque de Clermont. S’ensuit une description (p. 139-162) des rapports d’Alphonse avec la noblesse auvergnate abordés sous l’angle du service vassalique et détaillant les seigneuries et les familles de ses principaux vassaux. Le dernier chapitre (p. 163-184), très remanié par les éditeurs concerne les franchises accordées aux villes auvergnates, faisant un état de la situation antérieure à l’avènement d’Alphonse puis examinant sa politique urbaine et les chartes qu’il a octroyées. Il revient ensuite sur les questions de fiscalité, notamment à l’occasion de sa participation active aux croisades de son frère et sur leur retentissement dans l’opinion.
7Une troisième partie (p. 185-201), sans subdivisions, revient de manière plus spécifique sur le bailliage des Montagnes d’Auvergne créé par Alphonse de Poitiers pour rassembler les archiprêtrés de Saint-Flour, Aurillac et Mauriac, détaille ses biens et ses vassaux et les informations dont nous disposons sur l’administration de ce territoire particulier. La publication s’arrête sur ce point, l’a. n’ayant pas fait de conclusion à son travail. Elle est complétée par six annexes (p. 203-241) comprenant la carte des baillies d’Auvergne réalisée par l’a. pour son édition des enquêtes administratives d’Alphonse de Poitiers, une carte simplifiée proposée par les éditeurs, le fac-similé de 32 p. du manuscrit de la thèse, des tableaux de filiation simplifiés des comtes d’Auvergne, des évêques de Clermont et des seigneurs de Beaujeu.
8L’ouvrage est susceptible d’intéresser les chercheurs à plus d’un titre. Parfait témoin du travail d’un chartiste issu de l’école méthodique, repris tout au long d’une vie de chercheur nourrie par la fréquentation assidue des archives, l’ouvrage présente l’immense avantage d’avoir vu ses informations remises à jour par les éditeurs. Il met à disposition du public une foule d’informations érudites sur l’Auvergne du xiiie s., d’autant plus bienvenues que, si les travaux universitaires inédits et les articles consacrés à cette région ont été nombreux, les synthèses sont rares. Enfin, cette publication focalise l’attention sur les domaines auvergnats d’Alphonse de Poitiers, souvent laissés dans l’ombre au profit de ses territoires poitevins ou languedociens et vient judicieusement compléter le travail remarquable de G. Chenard, nous laissant espérer un travail d’ensemble sur le frère cadet de Louis IX qui ferait le bilan de tous ces acquis historiographiques.
Pour citer cet article
Référence papier
Clément de Vasselot de Régné, « Pierre-François Fournier, Étude sur l’administration d’Alfonse de Poitiers dans la Terre d’Auvergne. Édition critique de la thèse soutenue par l’auteur à l’École nationale des chartes en janvier 1911 », Cahiers de civilisation médiévale, 245 | 2019, 82-84.
Référence électronique
Clément de Vasselot de Régné, « Pierre-François Fournier, Étude sur l’administration d’Alfonse de Poitiers dans la Terre d’Auvergne. Édition critique de la thèse soutenue par l’auteur à l’École nationale des chartes en janvier 1911 », Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 245 | 2019, mis en ligne le 01 mars 2019, consulté le 10 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/1621 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccm.1621
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