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Comptes rendus

Peter Linehan. — Spain, 1157-1300. A partible Inheritance

Thomas Deswarte
p. 200-201
Référence(s) :

Peter Linehan, Spain, 1157-1300. A partible Inheritance. Oxford, Blackwell, 2008, xvi-284 pp., 2 ill., 1 tabl., 1 carte (A History of Spain).

Texte intégral

1L’A., grand spécialiste de l’Église hispanique (par ex. The Spanish Church and the Papacy in the Thirteenth Century, Cambridge, 1971) et de la culture (par ex. History and the Historians of Medieval Spain, Oxford, 1993), vient de publier un nouveau volume de la collection « A History of Spain » chez Blackwell – qui comprend déjà les contributions de R. Collins (Visigothic Spain, 409-711, The Arab Conquest of Spain, 710-797, 2004) et de B. F. Reilly (The Contest of Christian and Muslim Spain, 1031-1157, 1992). Pourvu d’un index nominum et operum, d’une chronologie (p. xii-xiv), d’une généalogie des rois de Castille, de León et d’Aragon (p. xvii), ainsi que d’une carte des grandes régions de la péninsule (p. xviii), il s’inscrit dans la tradition anglaise d’une histoire très littéraire, où l’humour n’est jamais loin – avec, dès la p. 1, le Guide du pèlerin de Saint-Jacques décrit comme un « Guide Michelin ». Les erreurs y sont rarissimes – notons tout de même (p. 153) la référence erronée à cette loi des Siete Partidas qui permettrait au fidèle de manquer la messe le dimanche pour la bonne cause de la procréation (I, v, 36 = « Que los perlados deben ser mesurados en comer et beber ») !

2Le livre est organisé grosso modo en chapitres chronologiques, à l’exception du chap. iv (« Some Permanent Features »), qui montre bien la position ambiguë des musulmans et, surtout, des juifs – bénéficiant de la protection du roi, auquel ils fournissent des administrateurs et des financiers, mais faisant parfois les frais de la colère populaire, même si celle-ci est en fait avant tout dirigée contre le monarque. Le récit commence à la mort de l’empereur Alphonse VII, auquel succèdent des souverains tous apparentés. Au total, cinq royaumes chrétiens se partagent la péninsule : Castille, León, Aragon, Navarre et Portugal (chap. i : « 1157-1179 »). Cette histoire est naturellement celle de la « Reconquête », avec notamment la bataille de Las Navas de Tolosa (1212), dont l’A. relativise l’importance : elle n’est pas le résultat d’une grande alliance pan-chrétienne – à laquelle le roi de León ne participe pas – et laisse les finances castillanes exsangues, alors même que la menace musulmane reste forte ; en fait, la renommée de cette bataille tient d’abord à la présentation qu’en fit peu après Rodrigo Jiménez de Rada (chap. ii : « The Age of Las Navas »).

3La difficile succession d’Alphonse VIII de Castille (1158-1214) permet à Ferdinand III de monter sur le trône (1217), avant de s’emparer du León (1230). Il poursuit la lutte contre al-Andalus et déplace sa capitale à Séville, alors qu’au même moment Jacques d’Aragon soumet Valence et Majorque et oriente déjà son royaume vers la mer (chap. iii : « 1214-1248 »). En 1252, Alphonse X, fils aîné de Ferdinand, lui succède en Castille-León (chap. v : « 1252-1259 » ; chap. vi : « 1259-1274 » et chap. vii : « 1275-1284 »). Son règne est bien connu pour son apogée culturel, auquel participe le souverain, puisqu’il est l’auteur d’une abondante littérature allant des Cantigas de Santa Maria aux ouvrages historiques (General Historia, Estoria de España) – dont l’ambition est aussi politique. Il est aussi un grand législateur, puisqu’il est à l’origine de quatre œuvres juridiques – encore mal connues –, en particulier des Siete Partidas. Sa réglementation dénote un souci de prise en main de l’ensemble de la société et de l’économie.

4Alphonse X a-t-il négligé son gouvernement au profit du mirage impérial ? L’A. souligne que l’obtention de l’Empire n’était pas irréalisable, depuis que quatre Grands Électeurs l’avaient choisi (1257). Il faut en fait attendre la fin du règne pour voir ses ambitions s’évanouir, notamment lorsqu’en 1275 le pape Grégoire X lui interdit de porter le titre de « roi des Romains ». Entre-temps, Alphonse a dû affronter de nombreux périls intérieurs et extérieurs : l’opposition de certains évêques dès 1257 – sous la direction de son frère l’archevêque Sanche – ; une révolte des mudejars dans la région de Murcie, soutenue par l’émir de Grenade (1264) ; une autre révolte des Grands en 1272-1273, encore une fois avec l’aide d’al-Andalus ; et, en 1275, une violente attaque des Mérinides (successeurs des Almohades), ensuite battus par l’infant Sanche (IV). Ce dernier gouverne conjointement avec son père puis, en 1282, entre en conflit avec lui pour la succession au trône – qu’il obtient à sa mort (chap. viii : « The Changed Balanc  »).

5Malgré la grande science de l’A. et les indéniables qualités de l’ouvrage, le lecteur éprouve une certaine déception au terme de sa lecture, non pas en raison d’erreurs ou d’approximations, mais simplement car la nature même du travail n’est pas clairement définie. S’agit-il d’un manuel ? Outre l’absence d’introductions et de conclusions intermédiaires, trop de thèmes sont oubliés (l’économie, l’histoire religieuse, l’histoire sociale, les ordres militaires, les Mozarabes, etc.) – ainsi que le reconnaît volontiers l’A. (p. xi). Peut-on y voir une histoire politique et militaire de la péninsule ? Non point, car de nombreux espaces ne sont guère évoqués (la Navarre, la Catalogne, le Portugal). La bibliographie s’en ressent puisqu’elle omet des références incontournables comme les travaux de M. Zimmermann (Écrire et Lire en Catalogne [ixe-xiie s.], Madrid, 2003), P. Henriet, F. Foronda (Du contrat d’alliance au contrat politique. Cultures et sociétés politiques dans la péninsule ibérique à la fin du Moyen Âge, Toulouse, 2007) et S. Péquignot (Au nom du roi. Pratique diplomatique et pouvoir durant le règne de Jacques II d’Aragon [1291-1327], Madrid, 2009).

6S’agirait-il alors d’un essai, d’une œuvre de maturité, où la réflexion conceptuelle primerait sur l’exposé technique et factuel ? Encore une fois, ce n’est pas le cas, car les quelques pistes proposées par l’A. ne sont pas approfondies. Il dénonce ainsi à juste titre l’utilisation anachronique du terme d’« Espagne », qu’elle soit celle de la Reconquête ou celle de la convivencia, car son sens géographique varie suivant les auteurs et car son contenu politique demeure limité ; cependant, il continue d’utiliser le terme et conclut simplement que, vers 1300, l’Espagne demeure toujours aussi divisée d’un point de vue politique (p. 233). Autre idée intéressante émise par l’A. (p. xi) mais vite oubliée : « La société organisée pour la guerre […] était aussi une société désorganisée par la guerre. » Reste de ce travail une agréable promenade dans l’histoire des royaumes de Castille et de León, à la recherche des grands hommes et des hauts faits.

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Pour citer cet article

Référence papier

Thomas Deswarte, « Peter Linehan. — Spain, 1157-1300. A partible Inheritance »Cahiers de civilisation médiévale, 218 | 2012, 200-201.

Référence électronique

Thomas Deswarte, « Peter Linehan. — Spain, 1157-1300. A partible Inheritance »Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 218 | 2012, mis en ligne le 01 janvier 2023, consulté le 11 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/12510 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccm.12510

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