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La vue des autres. L’ekphrasis au risque de la littérature médiolatine

The View of Others. The Ekphrasis at the risk of Medieval Latin Literature
Vincent Debiais
p. 393-404

Abstracts

Literary descriptions of works of art should closely resemble the ecphrasis found in classical texts, Greek and Roman. Ecphrasis, which is highly developed in Greek poetry, but considerably less in Latin texts, may be defined broadly (the developed description of an object, whatever its nature), and more precisely (an animated, imagistic description of a work of art, real or imagined). Descriptions of works of art deal as much with the content of such works as with the appreciation of the notion of art itself. It may thus seem counterproductive to approach the sensorial dimension of medieval art through the prism of the text. However, a reading of this abundant literature, more or less well-known, reveals that it is not so much the work of art itself which lies at the heart of that which is written, than the experience of art. This article has two aims. The first analyses, on a theoretical level, ecphrasis in the literary and theological reality of the Middle Ages ; the second looks at these theoretical realities put to the test of artistic objects. In the dialogue between word and image, a number of approaches to the sensorial dimension of the literary experiences of art will be suggested, essentially in the Carolingian period, with a view to providing a more precise definition of what is understood by the term “ecphrasis.”

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Introduction

  • 1 Isabelle Marchesin, « Enjeux et usages de l’Apologia à Guillaume de Saint-Thierry dans la tradition (...)

1La description des œuvres d’art concerne autant le contenu des œuvres que la réflexion sur la notion d’art elle-même ; il est de fait beaucoup plus instructif de lire dans ce sens les textes rapportant des images conservées ou perdues, plutôt que dans la perspective d’une très hypothétique description archéologique. Ce métalangage artistique ne se limite pas à la critique contemporaine, ni aux textes produits par les créateurs d’un art qui ne peut aujourd’hui pratiquement plus se passer de l’écriture pour exister en tant qu’art ; il s’étend aux productions textuelles médiévales qui, comme l’a observé Isabelle Marchesin pour l’Apologie à Guillaume de Saint-Thierry, possèdent sous la patine de l’exhaustivité, du réalisme et de l’érudition, un regard introspectif sur la nature même de l’art1.

  • 2 Sur l’expérience du spectateur, voir Lee James et Ruth Webb, « To understand ultimate things and en (...)
  • 3 On verra pour un aperçu général bien qu’incomplet de cette littérature l’ouvrage fondamental de Gus (...)
  • 4 Les deux types de textes ont été regroupés dans le même ensemble par Julius von Schlosser, La litté (...)

2Il pourrait sembler contreproductif de vouloir ainsi approcher la dimension sensorielle de l’art médiéval (c’est-à-dire sa réception par la vue et l’ouïe essentiellement, plus rarement l’odorat ou le toucher) à travers le prisme du texte ; or, à la lecture de cette littérature foisonnante, plus ou moins bien connue, il apparaît que ce n’est pas tant l’œuvre d’art qui est au cœur de l’écriture, que l’expérience de l’art par un spectateur qui se confond parfois avec le lecteur des textes2. Ceux-ci adoptent des formes littéraires et linguistiques très variées au cours du Moyen Âge et ce n’est pas le lieu de dresser un catalogue exhaustif ou une typologie des textes3. Il convient toutefois de distinguer deux grandes catégories : 1/ le texte ou le groupe de textes en vers ou en prose décrivant une œuvre ou un ensemble d’œuvres ; 2/ l’insertion ekphrasique au cœur d’un texte plus ample dont l’ambition première n’est pas la description d’une œuvre d’art4. Les deux types de textes doivent d’autre part être envisagés en termes d’autonomie ou de dépendance par rapport au texte ou au groupe de textes dans lequel l’œuvre s’inscrit, non seulement sur le plan formel, mais aussi sémantique (les notions de « galeries littéraires » ou de « promenades architecturales » naissent de cette mise en réseau des textes ekphrasiques).

  • 5 Sur l’ekphrasis dans le monde byzantin, on verra l’ouvrage récent de Gilbert Dagron, Décrire et pei (...)

3Les données formulées dans cet article concernent exclusivement l’Occident latin. L’Orient, où la littérature ekphrasique est très présente5, ne peut pas tout à fait être étudié dans les mêmes termes, non pas que les questions se posent de façon radicalement différentes à Byzance, mais plutôt parce que la conception de l’eikon y est trop stricte pour répondre aux considérations auxquelles on soumettra l’imago, considérations qu’a très bien résumées Gilbert Dagron pour l’Orient, notamment en ce qui concerne l’épaisseur et l’opacité des mots, opposées ou mises en relation avec la transparence des images.

4Le propos s’articulera en deux parties. La première, de nature théorique, analysera l’ekphrasis dans la réalité littéraire et théologique du Moyen Âge. La seconde partie verra ces réalités théoriques mises à l’épreuve des objets d’art, avec la description des peintures du palais d’Ingelheim par Ermold le Noir. Dans un dialogue entre l’écrit et le visuel, quelques pistes quant à la dimension sensorielle des expériences littéraires de l’art seront posées, principalement à l’époque carolingienne, pour essayer de définir ce que l’on entend par ekphrasis et si l’application du terme est pertinente pour le Moyen Âge.

Ekphrasis

  • 6 On verra en particulier les références citées par Claire Barbetti, Ekphrastic Medieval Visions. A N (...)

5La description littéraire des œuvres d’art, telle qu’on peut la lire au Moyen Âge, doit être rapprochée de l’ekphrasis des textes antiques, grecs puis romains, sans que l’on puisse pour autant identifier des phénomènes de filiation directe entre l’un et l’autre procédé littéraire. Très développée dans la poésie de langue grecque, moins nettement dans les textes de langue latine, l’ekphrasis possède une définition large (la description développée d’un objet, quel qu’il soit) et une définition restreinte (la description animée et imagée d’une œuvre d’art, réelle ou fictive). Un rapide survol des textes cités dans la bibliographie abondante concernant l’ekphrasis de l’Antiquité à l’époque moderne6, permet de constater la diversité de ces descriptions dans leur forme, leur étendue, leur rôle dans le récit dans lequel elle s’intègre, etc.

6La description du bouclier d’Achille dans l’Iliade constitue l’archétype de ce type de description :

  • 7 On cite ici la traduction de la description du bouclier au chant xviii dans la traduction de René L (...)

Il posa sur un tronc une vaste enclume, et il saisit d’une main le lourd marteau et de l’autre la tenaille. Il commence par fabriquer un bouclier, grand et fort. Il l’ouvre adroitement de tous les côtés. Il met autour une bordure étincelante – une triple bordure au lumineux éclat. Il y attache un baudrier d’argent. Le bouclier comprend cinq couches. Héphaestos y crée un décor multiple, fruit de ses savantes pensées. Il y figure la terre, le ciel et la mer, le soleil infatigable et la lune en son plein, ainsi que tous les astres dont le ciel se couronne, les Pléiades, les Hyades, la Force d’Orion, l’Ourse – à laquelle on donne le nom de Chariot – qui tourne sur place, observant Orion, et qui, seule, ne se baigne jamais dans les eaux d’Océan. Il y figure aussi deux cités humaines – deux belles cités. Dans l’une, ce sont des noces, des festins. Des épousées, au sortir de leur chambre, sont menées par la ville à la clarté des torches, et, sur leurs pas, s’élève, innombrable, le chant d’hyménée7...

  • 8 Paulin de Nole constitue ici une exception qui peut s’expliquer par le fait qu’il est le commandita (...)

7La lyrique antique reprend un certain nombre des recours poétiques transmis à travers les compositions homériques. Plusieurs constantes peuvent ainsi être isolées dans ce type de textes : abondance de détails, animation des figures, interaction avec le lecteur. L’ekphrasis donne de l’objet décrit une image complexe, animée et agissante ; elle transmet la réalité de façon picturale en associant dans un même mouvement littéraire le monument ou le lieu de l’objet, sa forme, sa matière, son décor. L’ekphrasis n’a pas, par ailleurs, l’ambition de gloser ou d’expliquer ; elle n’est pas dans une dynamique d’exégèse8. Sans se poser comme objective ou neutre, la description propose une relation des faits d’image et non leur explication.

  • 9 Ibid., p. 11.

8Une fois posés les fondements de l’ekphrasis, il faut se garder de proposer, à force de généralités, une vision déshistoricisée de cette macro-figure de style ou de ce genre littéraire, de la littérature archaïque au Moyen Âge central. Si les textes évoqués ici reposent sur une même hypertrophie de ce que la rhétorique classique définit par le terme enargeia (à savoir, une description visuellement puissante, recréant de façon vivante quelque chose ou quelqu’un par les mots9), l’ekphrasis classique est aussi différente de la pratique byzantine du haut Moyen Âge que cette dernière l’est des pratiques occidentales, carolingiennes ou postérieures.

9En effet, à mesure que l’on avance dans le temps, l’écriture ekphrasique entretient de moins en moins de rapport avec ce qu’elle décrit pour se lier davantage à l’expérience de la vue de l’objet d’abord, puis à la caractérisation de cette expérience de vision en termes de subjectivité. Ainsi s’opère-t-il un détachement progressif de l’écriture par rapport à son objet et un déplacement vers le lecteur. En d’autres termes, les mots se rattachent d’autant moins à une donnée matérielle qu’ils renvoient à la relation sensorielle et affective du spectateur à l’égard de l’œuvre d’art ou de son contenu. La prise en compte de l’effet produit par l’objet décrit n’est pas complètement absente de la littérature classique, qui ne se limite pas non plus à une description du contenu ; pour exemple on citera le début de La Galerie de tableaux de Philostrate :

  • 10 Nous citons ici le début du livre 1 (description du Scamandre) dans la traduction ancienne d’A. Bou (...)

Tu reconnais, mon enfant, que ce sujet est tiré d’Homère ; mais peut-être n’y as-tu pas songé. En voyant le feu vivre dans l’eau, ton esprit n’aura été occupé que de ce spectacle merveilleux : cherchons ce que cela peut signifier. Mais consens d’abord à détourner tes regards pour te représenter la description d’Homère, dont s’est inspiré l’artiste. Tu te rappelles ce passage de l’Iliade où Homère nous montre Achille s’élançant pour venger Patrocle, où les dieux se préparent à combattre les uns contre les autres. Le peintre n’a point voulu nous mettre sous les yeux tous les événements de cette guerre divine, il n’en a choisi qu’un seul, Héphaestos se précipitant sur le Scamandre avec impétuosité, avec fureur. Considère maintenant le tableau : tout est tiré de là. […] Le feu ne jette point un éclat rougeâtre, n’a point son aspect accoutumé ; mais il brille comme l’or ou les rayons du soleil. Homère n’est pour rien dans ce détail10.

  • 11 Sur ce poème, voir la remarquable interprétation de G. Herbert de la Portbarré-Viard, Descriptions (...)
  • 12 François Cassingena-Trévédy, « Son et lumière, la matière liturgique des carmina de Fortunat : entr (...)

10Dans ce que l’on peut considérer comme une paléo-définition de l’art, l’effet produit par l’œuvre contemplée sur l’auteur, puis éventuellement sur le lecteur, s’affirme toutefois avec plus de force dans la tradition byzantine, pour finalement occuper la place la plus importante, comme dans le poème 28 de Paulin de Nole décrivant le complexe ecclésial dédié à saint Félix par exemple11, ou encore les textes de Venance Fortunat pour Tours, où le poète envisage l’émotion suscitée par les chants des moines, les couleurs des métaux ou les reflets des matériaux employés dans le décor de la basilique Saint-Martin12. Les interpellations au lecteur, telles que « tu le vois », les questions directes qui lui sont adressées (« ne le vois-tu pas » ou « le reconnais-tu ») et la sollicitation du spectateur de l’œuvre ne sont pas des artifices permettant de remplir les espaces de représentations laissés vides par l’incapacité du langage à exprimer l’expérience de l’art ; elles constituent plutôt le moyen pour l’auteur d’amplifier la description par la fixation de l’expérience du lecteur face au réel.

  • 13 Éd. PL 61, col. 331. On verra sur la correspondance de Paulin le bel ouvrage de Dennis E. Trout, Pa (...)
  • 14 Raban Maur, In capella Mauri, éd. Ernest Duemmler dans Monumenta Germaniae historica [désormais MGH(...)

11Les bouleversements qui interviennent dans l’ekphrasis à partir du haut Moyen Âge ne peuvent pas être mis en relation directe, ou du moins exclusive, avec l’iconoclasme ; elles ressortissent davantage d’un changement dans l’esthétique littéraire, avec la création de genres qui déplacent le discours introspectif vers de nouveaux moyens, au premier rang desquels la langue et son écriture. Dans tous les cas, l’insertion ekphrasique induit une extériorité à l’œuvre, celle d’un auteur, d’un lecteur ou d’un spectateur, sous les yeux duquel l’écriture construit un objet selon le principe rhétorique de l’hypotypose ; la description donne ainsi quelque chose à voir. Dans une conscience du corps et des sens de l’autre, les auteurs interpellent leur lecteur et les invitent à regarder la peinture ou la sculpture : « Abluitis quicumque animas et membra lavacris, cernite propositas ad bona facta vias », invite Paulin dans les premiers vers commentant les images de Paul et de Martin13 ; « Flecte genu, qui intras, Christum tu et pronus adora, cujus imago super picta colore micat », déclare Raban Maur aux vers 3-4 du poème dédié à la chapelle Saint-Maur du monastère de Fulda14.

  • 15 Ruth Webb, « The Aesthetics of Sacred Space : Narrative, Metaphor and Motion in “Ekphraseis” of Chu (...)
  • 16 Éd. PL 61, col. 663 et s.

12De telles interpellations ne sont pas limitées à l’ekphrasis et l’ensemble de la littérature antique et du haut Moyen Âge joue de l’interaction avec le lecteur, sous forme d’appels, d’invitations, d’exhortations qui font de lui un acteur pris à partie par l’écriture. Auditeur, spectateur, lecteur, passager du mouvement suggéré par le texte, le récepteur de l’ekphrasis est une figure complexe qui fait l’expérience des sens dans son appréhension du texte et de ce qu’il décrit. L’invitation au déplacement peut être augmentée quand l’ekphrasis prend la forme de la periegesis, du cheminement dans l’œuvre ou autour du monument15. Particulièrement fréquente dans la littérature byzantine du haut Moyen Âge, elle apparaît encore dans les poèmes médiolatins de Paulin de Nole (le poème 28, déjà évoqué ici, est une véritable promenade poétique au sein du complexe de Nole16) ou de Venance Fortunat par exemple, ponctuellement à l’époque carolingienne, et sous forme de traces dans la poésie du Moyen Âge central. Dans le cas de la periegesis, l’action ekphrasique de l’écriture ne peut être réduite à la seule description d’un lieu ou d’un objet ; elle constitue également une construction, une édification de l’œuvre au fur et à mesure du cheminement proposé au lecteur.

  • 17 Lucien Reynhout, Formules latines de colophons, Turnhout, Brepols, 2006.
  • 18 R. Webb (art. cit. n. 15), p. 62.

13L’ekphrasis induit ainsi une conscience du corps, non seulement parce qu’elle suppose, dans le cas de la periegesis, un déplacement physique ou de la vue (l’idée de la contemplation circulaire est très importante), mais aussi une capacité à ressentir. Dans l’établissement d’un modèle de perception, la description empirique concerne également l’expérience sensorielle du lecteur, et donc en puissance une délimitation des contours artistiques de l’élaboration littéraire. Là encore, il ne s’agit pas d’une exclusivité de l’ekphrasis et il faut lire une dimension sensorielle de l’objet créé dans la description poétique de tout résultat artistique ou artisanal – que l’on envisage ici par exemple la belle littérature des colophons17. Dans le cas de l’ekphrasis, le schéma sensoriel est toutefois plus complexe pour certains textes, lus, déclamés, chantés peut-être, en public18, face à une œuvre qu’ils décrivent et construisent simultanément en poésie, notamment dans la tradition byzantine où l’auditoire devait alors mobiliser la vue (ou la mémoire) en même temps que l’ouïe. Dans le cas d’une lecture (réelle ou déléguée) de l’ekphrasis faite en dehors du lieu de l’œuvre, l’auditeur perçoit par l’esprit une image évoquée par le texte, affinée par ses souvenirs, les impressions qu’il associe aux sonorités, aux mots, à la voix du lecteur/auteur. Dans le cas d’une lecture in situ, l’image produite par le texte est confrontée à une autre image, réelle, nécessairement différente.

  • 19 Sur la notion d’œil de l’esprit, voir les deux ouvrages tout à fait fondamentaux de Herbert L. Kess (...)
  • 20 G. Dagron (op. cit. n. 5), p. 88 : « L’ekphrasis se situe après la peinture, non qu’elle se borne t (...)

14L’ekphrasis, en ce qu’elle est une manifestation monumentale de l’enargeia, est toujours un regard posé sur l’objet, une mobilisation de la vue. Le texte n’est pas lui-même un élément de l’œuvre décrite ; il lui est étranger, le lien entre les deux ne relevant que du contenu. D’autre part, le lecteur n’étant généralement pas présent face à l’objet décrit ou dans le lieu évoqué par la periegesis, l’ekphrasis en vient à substituer le monument et remplacer l’œil réel par l’œil de l’esprit19. Quoi qu’il en soit, et pour suivre G. Dagron, le mouvement de la description ekphrasique envisage l’objet ou l’image dans sa réalité picturale20, en ce qu’elle peut être réalisée, représentée, en ce qu’elle possède une existence visuelle possible. Cette particularité littéraire n’annule pas le crédit archéologique que l’on peut ou non accorder aux œuvres ekphrasiques, mais place au centre de la question le lien entre l’existence picturale ou figurale d’un fait et sa capacité à être énoncé par le langage, à être dit, et, plus important encore, à être écrit/décrit.

  • 21 Gregor Vogt-Spira, « Senses, Imagination, and Literature. Some Epistemological Considerations », da (...)
  • 22 C. Barbetti (op. cit. n. 6), p. 4 ; voir également Michel Beaujour, « Some Paradoxes of Description (...)

15Dans la mesure où l’ekphrasis médiévale accorde une place plus importante au percepteur de l’objet dans l’enargeia, la dimension sensorielle de l’expérience n’est plus une option littéraire, mais devient une constante nécessaire. L’ekphrasis est ainsi une formulation programmatique des relations entre les sens et l’œuvre21. Elle contient en puissance, dans les qualités qu’elle décrit, les expériences sensorielles induites par l’objet et déclenche la formulation sensible des imagines et des affects contenus dans le texte. L’œuvre d’art, dans sa dimension ekphrasique, existe dans sa capacité à être ressentie par l’auteur, puis le lecteur ou l’auditeur. Une telle dimension créatrice place ainsi l’ekphrasis dans le champ de la poiesis ; elle n’est pas la traduction en mots d’une image, mais plutôt le produit d’une expérience des sens22.

16L’historiographie oppose, sans doute sans nuance, ces deux positions de l’ekphrasis face à son objet. Un équilibre doit être trouvé entre 1/ ce que constitue l’engagement ekphrasique, à savoir une description littéraire, 2/ ce qu’elle ne peut pas être pour des raisons culturelles évidentes, c’est-à-dire une critique technique de l’œuvre ou une forme redondante d’existence pour celle-ci, et 3/ l’éventail de ce qu’elle peut être grâce à la mobilisation de l’écriture et de son interaction avec le lecteur, à savoir une approche esthétique et poétique d’une réalité dont elle contribue à asseoir la dimension artistique.

  • 23 Un tempio per Giustiniano : Santa Sofia di Constantinopoli e la descrizione di Paolo Silenziaro, éd (...)
  • 24 Sur la poésie, voir Roland Barthes, Le degré zéro de l’écriture, Paris, Seuil, 1953, cité ici dans (...)
  • 25 Jean-Yves Tilliette, Des mots à la Parole. Une lecture de la Poetria nova de Geoffroy de Vinsauf, G (...)

17Ce que transmet l’ekphrasis, ce sont les modalités d’un « voir l’art », et non l’œuvre elle-même23. En Orient, nous pourrions lire une expérience des sens dans laquelle la création artistique est déjà faite, que l’œuvre existe ou non, alors qu’en Occident, cette expérience de l’art est avant tout poétique, l’œuvre étant toujours en processus dans l’agere de la poésie. Le mot « poésie » est pris ici dans toute son épaisseur sémantique, en la considérant à la fois : 1/ comme une technicité syntaxique (le premier niveau, le « degré zéro »24 de l’écriture), un ars relevant de la construction, ne possédant aucune ambition de nature esthétique au-delà d’une ornementation des faits ; 2/ une dimension agissante de la syntaxe, créatrice d’une image de l’esprit basée sur la réminiscence, dans le cas de la création d’une image seconde, ou de la vérité dans le cas d’un sens supérieur25 ; 3/ une dimension affective, la fixation d’un état de l’âme et des émotions. L’ekphrasis médiévale en Occident ressortit à ces trois dimensions de la poésie.

Ekphrasis et littérature médiolatine

18Y a-t-il une spécificité des recours poétiques mis en œuvre pour l’évocation des images médiévales ? En d’autres termes, comment se traduit chez les poètes du Moyen Âge la place de plus en plus marquée de l’image ? Une lecture rapide des pièces ekphrasiques pour le haut Moyen Âge permet de constater que la saturation sensorielle se trouve au centre des poèmes, comme si chaque partie de l’œuvre ou de la scène décrite devenait pictura à son tour, avec des caractères la rendant sensible, en mesure d’être appréhendée par les sens, reconstruite dans l’imagination.

  • 26 Sur cette inscription, voir Robert Favreau, Épigraphie médiévale, Turnhout, Brepols, 1995, p. 64-68 (...)
  • 27 Laissons de côté les inscriptions d’autel, différentes dans leur composition, qui préfèrent décrire (...)

19Arrêtons-nous au seuil du riche corpus des carmina d’Alcuin. On questionne encore aujourd’hui, à raison sans doute, la réalité épigraphique de la plupart des poèmes de l’abbé de Saint-Martin de Tours, parfois très longs, composés autour d’un objet réel, qu’il s’agisse d’une église, d’un monastère, d’un livre, d’une miniature, etc. Les textes sont à dessein très évasifs sur leur destination finale et les éditions contemporaines qui donnent à certaines compositions le titre d’epitaphium ou de versus in pariete scribendum se fondent en général sur des copies fort tardives. Pour Alcuin, la réalisation épigraphique d’aucun poème, en dehors de l’épitaphe d’Hadrien Ier, à Rome, ne peut être assurée26. Considérons donc pour le moment qu’il faut lire la plupart de ces beaux textes comme des compositions ekphrasiques, destinées à construire dans les sens du lecteur le bâtiment décrit, plutôt que comme des tituli réalisés seulement pour être gravés in situ27.

  • 28 Alcuin, Carmen in aecclesia sancti Vedasti in pariete scribendum, éd. Ernest Duemmler dans MGH. Poe (...)

20Parmi les nombreux poèmes associés au monastère Saint-Vaast d’Arras, Alcuin composa un texte pour l’église28 ; en dix-huit vers, il rapporte la reconstruction du sanctuaire par l’abbé Radon, en insistant particulièrement sur les objets mobiliers et leurs propriétés matérielles, bien plus que sur leur forme. De fait, il est tout à fait impossible de reconstruire l’église telle qu’elle est évoquée (et non décrite) par Alcuin.

  • 29 Charles Méla, « Poetria Nova et Homo novus », Littérature, 74, 1989, p. 8.

21Celui-ci offre en réalité au lecteur une série de caractéristiques physiques (le métal, la lumière, le tissu, la douceur) qu’il propose d’associer à la solennité des offices, à la grandeur de saint Vaast ou à la mémoire de Radon. Plus qu’une réalité objectale, Alcuin met en place dans le poème une série d’images sensorielles accompagnées de leur signification spirituelle (la lumière associée à la sacralité, la douceur à l’amour du Christ, la préciosité des matériaux au sacrifice eucharistique, etc.). Le distique sur lequel se conclut le poème montre bien que ce que doit voir le lecteur (« quisque legas »), c’est le poème lui-même en ce qu’il a la capacité de fournir cette matière picturale reçue par les sens intérieurs et potentiellement reconstruite dans l’esprit ou l’imagination. Comme l’écrit Charles Méla, « la poésie médiévale est un art de la proportion juste qui dessine et conçoit le cœur de l’homme intérieur »29.

  • 30 M. Beaujour (art. cit. n. 22), p. 30 ; voir aussi Rensselaer W. Lee, Ut pictura poesis. Humanisme e (...)
  • 31 Saint Augustin, De dialectica, V, éd. et trad. angl. Belford D. Jackson, Boston, Reidel, 1975 (Synt (...)

22Il n’y a plus seulement une évocation par le langage de ce qui se voit (comme c’était le cas dans les textes antiques), mais une mobilisation des sens pour voir ce qui ne se voit pas dans le poème ; dans l’ekphrasis, l’expérience sensible passée au filtre de la langue supplante la description30. Il y a donc dans cette conception poétique médiévale un dépassement de la définition augustinienne de la nature des mots, qui ne sont plus seulement l’indice des choses31 mais le moyen de leur expérience par les sens. Cette poésie n’est pas dans une logique d’imitation de la nature, à la différence de la conception moderne de l’art, mais dans son appréciation par les sens ; plus qu’une observation, il y a un ressenti de l’image ekphrasique. L’évocation crée des réalités poétiques qui prennent la consistance de l’œuvre d’art. Par la convocation des sens du lecteur et du spectateur, le discours médiéval sur l’art constitue ainsi une forme complexe de synesthésie dans laquelle s’ajoute à la convocation des sens celle de l’imagination ; la synesthésie ekphrasique concerne la réunion des sens intérieurs et extérieurs dans l’appréhension d’une image qui acquiert par la poésie la complétude du réel.

  • 32 Sur le parangone ou parallèle des arts, voir l’ouvrage toujours indispensable de R. W. Lee (op. cit (...)

23On le voit, la question ne se pose pas tellement sous le principe du parallèle des arts (en jeu dans la doctrine classique du ut pictura poesis), régi par des relations analogiques32 ; l’ekphrasis permet, peut-être de façon paradoxale, la rencontre des différentes formes d’art et de la littérature, rencontre qui prend la forme d’une friction, plutôt que celle d’un choc frontal ; l’énergie dégagée par cette interrelation est la substance de l’imago créée dans l’enargeia de la mise en langage du visuel ou du scénique.

  • 33 Roland Barthes, « Rhétorique de l’image », Communications, 4, 1964, p. 42.
  • 34 Sur les mécaniques de la mémoire, voir Mary Carruthers, Le livre de la mémoire. La mémoire dans la (...)

24L’imagination, si elle s’appuie sur la mémoire et sur la dimension récapitulative de l’expérience sensible, repose nécessairement sur l’évocation, sur le fait que l’image médiévale libère, dans sa syntaxe, un espace de signification dans lequel le spectateur s’introduit pour développer le sens. Il ne s’agit pas ici d’envisager une polysémie de l’image, au contraire ; cette construction visuelle aérée est très précise et répond à des exigences sémantiques propres à chaque objet, exigences qui excluent les confusions fortuites, les ambivalences impromptues, etc. En revanche, l’image médiévale contient essentiellement un non représenté, un au-delà de la figuration, et la convocation de l’imagination se fait davantage à partir de cet espace libéré de l’image qu’à partir des éléments figurés. Il n’y a rien de subliminal : tout est là, au cœur de l’image, et visible. Il n’y a pas de fugacité, de transitoire. En d’autres termes, une partie du sens échappe à la rhétorique de l’image33. Son interprétation ne relève pas uniquement d’un décodage factuel, dans lequel un signe équivaut à un élément de sens, mais plutôt d’une mise en résonnance de ce que l’on voit avec ce que l’on a vu d’une part, et de ce que l’on voit grâce à ce que l’expérience produit comme image seconde pour le spectateur d’autre part34.

25Il convient de mettre à présent ces considérations à l’épreuve des manifestations artistiques et poétiques. Pour notre propos, cette confrontation revient à s’interroger sur ce que les poètes, notamment à l’époque carolingienne, ont écrit de l’expérience de l’image en particulier, et de l’art en général.

Les poèmes d’Ermold le Noir

  • 35 Ermold le Noir, Poèmes sur Louis le Pieux et épitres au roi Pépin, éd. et trad. Edmond Faral, Paris (...)
  • 36 Sur ce texte, voir Walther Lammers, « Ein karolingisches Bildprogramm in der Aula Regia von Ingelhe (...)

26Parmi les œuvres carolingiennes dont la description nous est parvenue, le décor du palais et de l’église du complexe d’Ingelheim décrit par Ermold le Noir dans le Poème à Louis le Pieux35 occupe une place importante. Pourquoi choisir ce texte en particulier ? D’abord parce qu’Ermold n’est pas le plus grand des poètes carolingiens ; ce n’est pas le jugement de valeur qui importe ici mais le constat selon lequel ses lectures des textes anciens sont limitées. S’il s’engage souvent dans une œuvre de cour dont la validité historique, même si elle existe, n’est pas le premier objectif, Ermold s’affranchit aisément des modèles antiques ou des canons poétiques de son époque. C’est une poésie libérée de carcans formels trop imposants que livre le poète et dans laquelle – c’est la seconde raison de ce choix d’Ermold – on perçoit nettement les différents types d’écriture, dont l’insertion ekphrasique, au cours des presque 2 650 vers36.

  • 37 Poeta Saxo, V, v. 435-475, éd. Paul de Winterfeld dans MGH. Poetae latini aevi carolini, Berlin, We (...)

27Les descriptions sont nombreuses dans le Poème à Louis le Pieux (lieux, personnages, cérémonies, combats) mais les passages concernant le complexe d’Ingelheim sont les plus étendus, si l’on fait exception de la description de l’église de Strasbourg qui, prenant place au sein d’un récit de vision, pose des questions différentes sur lesquelles nous reviendrons. Précisons tout de suite qu’en dehors des quelques vers qu’accorde le Poète saxon à la description des mêmes bâtiments37, les connaissances archéologiques sur cet ensemble sont fort limitées. Le poème d’Ermold permet-il d’en savoir plus réellement sur ces bâtiments ? Et la question sous-jacente : peut-on les considérer comme relevant de l’ekphrasis ?

  • 38 Voir Jean-Yves Tilliette, « La chambre de la comtesse Adèle : savoir scientifique et technique litt (...)

28La description intervient au livre iv, à l’année 826 ; elle situe d’abord Ingelheim dans son contexte géographique puis, de façon très rapide, en quatre vers, décrit le « palais immense » ; la présence des tours poétiques propres à l’ekphrasis peut être entraperçue dans la mention des « demeures innombrables » et dans l’incapacité du poète à décrire réellement ce qu’il voit (la mention du « réduit », quelque chose qui échappe à la vue, est typique ; on la retrouvera encore vers 1100 dans la description que donne de la chambre de la comtesse Adèle de Blois un Baudri de Bourgueil totalement submergé par la quantité de détails à décrire38 !). Empruntant parfois à Virgile et à Ovide, la description du palais et celle de l’église qui la suit dans le poème répondent au genre littéraire de l’ekphrasis, avec la mention des cent colonnes du palais, la multiplication des informations sur les matériaux de construction, les superlatifs vantant la beauté de l’œuvre.

29Plus que l’édifice lui-même, le poème d’Ermold s’attache surtout à décrire précisément le contenu des peintures qui ornaient l’église et le palais. Les cycles de l’Ancien et du Nouveau Testament sont rapportés exclusivement par leur contenu ; il ne s’agit pas d’une expérience visuelle, mais plutôt du catalogue de ce que l’on a reproduit sur les murs de l’église. Ermold est au demeurant limpide à ce sujet : dans les peintures, on peut « relire » les faits de Dieu. Les mots relegenda, gesta et memoranda placent le récit du côté de l’histoire et non de la description des moyens de la représenter. Le lien entre le spectateur n’apparaît qu’à quelques reprises : « pars laeva », « inde pictura refert », « inde pinguntur », « pingitur », « altera pars ». De façon générale, il n’y a pas de démonstratif permettant d’associer le contenu à un lieu (et que le spectateur/lecteur pourrait regarder en même temps qu’il parcourt le texte). L’anaphore de ut (qu’Edmond Faral traduit fort à propos par « comment ») en début de vers produit l’impression d’une accumulation de faits, d’une liste, plutôt que la création d’images par le poème. Il n’y a, dans cette première partie consacrée au récit biblique, aucune donnée de nature sensible ; seule l’expression nitent (v. 2095) traduit une sensation visuelle. La conclusion de cette première partie est d’ailleurs sans appel : « Voilà les peintures qui remplissent le temple de Dieu, exécutées d’une main habile » ; même si la traduction est peut-être ici un peu lisse (« pleniter artifici rite polita manu »), le latin ne propose pas de considérations esthétiques.

  • 39 Ermold le Noir, Poèmes sur Louis le Pieux… (éd. cit. n. 35), v. 2164-2165 : « His aliisque actis cl (...)

30La seconde description concerne les scènes qui ornaient la demeure royale d’Ingelheim ; on ignore s’il s’agit ici de peinture (on sait que le palais était persculpta mais Ermold précise simplement ici que les images existent grâce à l’ingenium). Les exploits des héros anciens sont rapportés de façon différente, avec plus de détails, de vivacité, de tension dramatique ; on pourrait croire qu’Ermold fait ici véritablement œuvre de poète, créant par les mots les tableaux présentés sur les murs du palais royal, comme dans le cas des Imagines de Philostrate. En réalité, Ermold condense ici en quelques vers le contenu des Histoires d’Orose et lui emprunte la plupart des images et des insertions poétiques proprement dites ; ce qu’Ermold décrit, ce ne sont pas tant les images d’Ingelheim que sa propre mise en images d’Orose (son expérience de lecteur, de celui qui a vu par l’esprit). Il y a donc un fonds poétique sous-jacent qui compte plus pour l’écriture d’Ermold que les éventuelles images elles-mêmes. Le changement qui s’opère au moment où le poète quitte les héros classiques pour les ancêtres francs (qui ne bénéficient donc pas d’une même écriture poétique) est flagrant : plus de description imagée, de sensations visuelles ou dynamiques, ni de flux narratif. Les deux vers qui concluent la description des images39 reprennent le ton des vers 2064-2067 qui ouvraient le passage ekphrasique ; il est fait mention de la vue et du charme produit par les œuvres d’art.

  • 40 Voir G. Dagron (op. cit. n. 5), p. 106 et s.
  • 41 Julius Von Schlosser, Quellenbuch zur Kunstgeschichte des abendländischen Mittelalters, Zurich, Olm (...)

31La description du palais d’Ingelheim par Ermold relève donc de l’ekphrasis dans son ambition – celle de donner à voir le contenu d’un décor – davantage que dans les recours poétiques mis en œuvre pour produire l’hypotypose et la création d’images sensorielles reçues par le lecteur. Pour les scènes bibliques comme pour les tableaux des héros francs, la description d’Ermold s’apparente beaucoup plus aux manuels des peintres byzantins dans lesquels on trouve, sous forme de liste, les principales caractéristiques iconiques des sujets devant être représentés40. Deux éléments doivent toutefois retenir notre attention : 1/ pour les sujets antiques, le poème d’Ermold le Noir constitue en soi une création picturale fondée sur la poésie classique (ce sont les mots du poète qui transforment le récit en tableau) ; 2/ la structure de la description crée une galerie de tableaux vivants ; on assiste à la mise en série, au rapprochement dans l’écriture de scènes ou de sujets, rapprochement qui acquiert, dans le mouvement de l’écriture, le statut de « collection » et qui transforme déjà le lecteur en spectateur. Il s’agit de la première composition pour l’Occident du haut Moyen Âge reprenant la notion de « galerie » qui connaîtra par la suite un grand succès – que l’on pense par exemple au long poème d’Eckeart de Saint-Gall pour les peintures de la cathédrale de Mayence41.

  • 42 Éric Palazzo, « Visions and Liturgical Experience in the Early Middle Ages », Looking Beyond. Visio (...)

32Le passage qui pourrait davantage s’apparenter à l’ekphrasis correspond en réalité chez Ermold le Noir à la description faite de l’église Sainte-Marie de Strasbourg à travers le récit de deux visions du prêtre Theutram42. Fondés sur le pouvoir de la lumière, de l’éclat suscité par la vision extatique, les vers décrivent d’abord un oiseau placé sur l’autel qui pourrait très bien être un élément du mobilier liturgique, puis la disposition des autels à l’intérieur de l’espace ecclésial. Certes les renseignements de nature archéologique sont-ils très minces, mais Ermold rapporte avec cette fois un vocabulaire riche et une ampleur poétique réelle la vision de deux œuvres possibles, dans laquelle les sens sont largement sollicités, comme c’est le cas à la fois dans l’ekphrasis et dans la littérature de vision : la vue au premier plan (l’éblouissement, le ravissement), l’ouïe (le chant du coq, l’appel des religieux, le chant des psaumes, le fracas du tonnerre), le toucher (la sensation du vent).

  • 43 Monique Goullet et Dominique Iogna-Prat, « La Vierge en Majesté de Clermont-Ferrand », dans Le cult (...)

33On pourrait rapprocher la vision de Theutram d’un texte un peu plus tardif, composé dans un tout autre contexte littéraire et ecclésiologique, bien connu des spécialistes de l’iconographie, à savoir la Visio monachi Rotberti du diacre Arnaud décrivant la vision de la Vierge en majesté de la cathédrale de Clermont-Ferrand43. Il n’est pas question ici de revenir sur le dossier de l’image de la Vierge proprement dite, mais plutôt de constater à quel point ce récit (en prose), derrière la symbolique ecclésiale et les références apocalyptiques mises en avant par Dominique Iogna-Prat, recourt à l’arsenal littéraire de l’ekphrasis pour présenter au lecteur l’œuvre de l’église et de la statue, cette œuvre qu’il est impossible de décrire par les mots (sans que l’on sache si cette incapacité à décrire l’œuvre est celle du moine Robert qui a eu la vision, ou celle du diacre Arnaud qui la rapporte par écrit). L’extrême précision dans la description des matériaux et des formes s’accompagne d’un report très fin du travail des artistes. Or, le texte de la vision se conclut par un passage capital puisqu’il propose une véritable délimitation des contours de l’art : « Sache, très cher, que les hommes ont beaucoup peiné à cet ouvrage, et c’est avec l’agrément et l’aide de Dieu que, comme tu le vois, il est devenu si admirable ». L’artiste est celui qui grâce au concours de Dieu (ce Dieu créateur des matériaux de l’art et pourvoyeur de l’ingenium) peine et donne à voir la beauté de la Création. L’art est une forme de révélation et l’écriture en est le témoignage.

34Partant, doit-on s’étonner de la banalité de l’ekphrasis chez Ermold le Noir ? Certes il ne s’agit pas du meilleur poète carolingien si on le compare à Alcuin, Raban Maur ou Walafrid Strabon mais, de façon plus générale, comment expliquer le recul généralisé de la description de l’œuvre d’art à l’époque carolingienne ? On pourrait avancer que la réflexion sur l’image (et l’art en général) à l’époque carolingienne favorise le passage d’une imagination reproductive (liée à une conception antique de l’art comme imitation de la nature) qui suppose effectivement de s’appuyer sur une littérature imagée recourant à l’hypotypose, à une imagination créatrice (liée à une conception de l’art comme poiesis) qui peut s’émanciper d’une description empirique pour créer à son tour ses propres images.

35De la poésie à la poiesis, les textes ekphrasiques du Moyen Âge sont le reflet de cette conception active de l’art, d’une écriture qui accomplit, parce qu’elle formule en termes artistiques, une réalité de nature poétique. L’aboutissement de la description ekphrasique au haut Moyen Âge concernerait la vision onirique ou extatique, comme si l’expérience du sensible, du visuel, ne pouvait être plus aboutie que quand il n’y a plus aucune matérialité et aucune objectalité. Elle ne serait alors plus qu’une pure imagination. Elle pourrait également concerner la vision historique qui, dans le poème d’Ermold, est le principal sujet de l’écriture poétique. La description du siège de Barcelone est tout à fait éclairante à ce sujet (v. 494-511 par exemple) ; Ermold, ut pictura poesis, trace avec fougue et tension, par touches successives, le récit en images des événements militaires. Il convoque à maintes reprises les sens du lecteur par l’évocation de la lumière de l’aube, de l’éclat des armes, du vacarme des combats, etc. Comme pour la vision du moine de Strasbourg qu’il rapporte ou celle du moine Robert relatée par Arnaud, Ermold présente une image à partir d’une réalité immatérielle, celle de l’histoire en ce qu’elle est descriptible par la langue du poète. Il ne peut pour cela faire appel qu’à l’imagination du lecteur et – chose tout à fait importante – aux émotions que suscitera sa capacité à rendre visible le contenu de l’histoire.

36Il faudrait, pour affiner cette lecture, articuler le sens plein de l’imago carolingienne avec ce qu’il contient de l’héritage antique de l’eikon et du phantasma – en particulier ce que ces notions impliquent de l’expérience du réel –, mais ce serait sans doute aller trop loin, au moins en partant du texte d’Ermold ! Retenons donc que le cadre théorique et littéraire de l’ekphrasis confronté à l’épreuve des descriptions carolingiennes montre d’une part que la réalité des images est appréhendée dans leur dimension picturale ou figurale, en ce qu’elles peuvent devenir des tableaux ou des visions, et d’autre part que c’est dans la friction entre cette réalité imagée et la mobilisation du langage poétique qu’apparaît l’œuvre d’art dans les sens du lecteur.

Conclusion

  • 44 Daniel Arasse, L’ambition de Vermeer [1re éd. 1993], Paris, Adam Biro, 2001, p. 132-134.

37Dans sa remarquable étude sur Vermeer44, Daniel Arasse consacre de très belles pages à l’analyse de L’art de la peinture, en expliquant particulièrement l’importance de la carte accrochée au mur du fond de l’atelier du peintre, sur laquelle on lit « comme un titre dans le tableau » les mots nova descriptio. D. Arasse analyse avec beaucoup de pertinence les liens qui unissent chez Vermeer, mais également dans toute la théorie artistique du xviie siècle, la peinture en ce qu’elle est fixation d’une réalité dans un langage poétique d’une part, et l’expérience et la connaissance de ces mêmes réalités d’autre part. Si la peinture selon Vermeer est une nouvelle description du monde, c’est dans la friction de ces deux formes d’expérience du réel que se créent les images constitutives du phénomène artistique, qui placent l’artiste et le spectateur face-à-face dans l’expérience du visible.

38L’ekphrasis ne relève pas de la poésie parce qu’elle est littérature mais parce qu’elle prend pour objet des manifestations de ce que le Moyen Âge n’appelle pas encore « art » mais qu’il considère déjà comme une forme particulière de l’expérience du monde qui allie, par l’intermédiaire des sens, les affections de l’âme et l’œuvre de la création. Il est donc vain de séparer ou de rapprocher les différents types d’art dans un parallèle ou une filiation dans le contexte chrétien de l’art comme position du monde, l’ensemble ne formant que l’une des déclinaisons de la conscience de sa perfection accordée aux hommes par Dieu.

39Sous la patine du formalisme, du formulaire ou encore du technicisme, la poésie latine carolingienne n’est pas un art figé ou stérile ; et ce n’est pas rendre justice au talent des poètes que de qualifier leurs œuvres d’« exercice de style » ou de « pure convenance formelle ». Très créatifs dans le vocabulaire utilisé comme dans les images mobilisées pour l’évocation, ces textes placent au centre des poèmes une figure émergente de la littérature médiévale, celle du lecteur, sollicité, interpelé, convoqué, invité par le poète à découvrir les ressorts de son art. L’interaction entre l’auteur et son lecteur est posée dans une conscience du corps du second : c’est parce qu’il dispose d’un corps et qu’il est capable de ressentir que le lecteur est pris à partie par le poète qui l’entraîne dans sa promenade littéraire et qui met son corps à l’épreuve de l’écriture ; un corps limité, mortel mais aussi un corps sensible qui se conçoit dans sa relation avec le monde qui l’entoure et avec l’âme qui l’habite.

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Notes

1 Isabelle Marchesin, « Enjeux et usages de l’Apologia à Guillaume de Saint-Thierry dans la tradition de l’histoire de l’art », dans L’actualité de saint Bernard. Actes du colloque des Bernardins, 2009, éd. A. Guggenheim et A.-M. Ponnou-Delaffon, Paris, Lethielleux, p. 213-240.

2 Sur l’expérience du spectateur, voir Lee James et Ruth Webb, « To understand ultimate things and enter secret places : Ekphrasis and Art in Byzantium », Art History, 14, 1991, p. 12.

3 On verra pour un aperçu général bien qu’incomplet de cette littérature l’ouvrage fondamental de Gustav Bernt, Das lateinische Epigramm im Übergang von der Spätantike zum frühen Mittelalter, Munich, Arbeo-Gesellschaft, 1968 (Müncherer Beiträge zur mediävistik und Renaissance Forschung) ; voir également Arwed Arnulf, Versus ad picturas. Studien zur Titulusdichtung als Quellengattung der Kunstgeschichte von der Antike bis zum Hochmittelalter, Berlin, Deutscher Kunstverlag, 1997. Pour une bibliographie très complète et une première synthèse, voir Armand Strubel, « Lisible/Visible. Ekphrasis et allégorie. Au Moyen Âge », Histoire de la France littéraire, t. I : Naissances. Renaissances, éd. F. Lestringant et M. Zink, Paris, PUF, 2006, p. 291-315.

4 Les deux types de textes ont été regroupés dans le même ensemble par Julius von Schlosser, La littérature artistique. Manuel des sources de l’histoire de l’art moderne, Paris, Flammarion, 1996 (pour une version actualisée de la bibliographie de l’ouvrage d’abord paru à Vienne en 1896) ; du même auteur, on verra toujours les références fondamentales rassemblées dans Schriftquellen zur Geschichte des karolingischen Kunst [1re éd. 1892], New York, Olms, 1988.

5 Sur l’ekphrasis dans le monde byzantin, on verra l’ouvrage récent de Gilbert Dagron, Décrire et peindre. Essai sur le portrait iconique, Paris, Gallimard, 2007. Voir aussi pour l’Orient, Henry Maguire, Icons and their Bodies. Saints and their Image in Byzantium, Princeton, Princeton University Press, 1996.

6 On verra en particulier les références citées par Claire Barbetti, Ekphrastic Medieval Visions. A New Discussion in Interarts Theory, New York, Palgrave Macmillan, 2011 ; voir aussi la bibliographie rassemblée par Sophie Schaller, « Ekphrasis et lumière », Pris-ma. Recherches sur la littérature d’imagination au Moyen Âge, 17/1, 2001, p. 123-141.

7 On cite ici la traduction de la description du bouclier au chant xviii dans la traduction de René Langumier : Homère, Iliade, éd. et trad. R. Langumier, Paris, Belles Lettres, 1938, t. III. Sur cet objet, voir le bel article de Sylvie Vilatte, « Art et polis : le bouclier d’Achille », Dialogues d’histoire ancienne, 14, 1988, p. 89-107.

8 Paulin de Nole constitue ici une exception qui peut s’expliquer par le fait qu’il est le commanditaire et le promoteur des œuvres qu’il décrit pour Nole. Gaëlle Herbert de la Portbarré-Viard, « Le discours sur les édifices religieux dans les carmina de Venance Fortunat : entre création poétique originale et héritage de Paulin de Nole », Camenae, 11, 2012, p. 4.

9 Ibid., p. 11.

10 Nous citons ici le début du livre 1 (description du Scamandre) dans la traduction ancienne d’A. Bougot (Paris, 1891) revue par F. Lissarrague : Philostrate, La Galerie de tableaux, trad. A. Bougot [1re éd. Paris, 1891] rev. par F. Lissarrague, Paris, Belles Lettres, 1991.

11 Sur ce poème, voir la remarquable interprétation de G. Herbert de la Portbarré-Viard, Descriptions monumentales et discours sur l’édification chez Paulin de Nole. Le regard et la lumière (epist. 32 et carm. 27 et 28), Leyde/Boston, Brill, 2006.

12 François Cassingena-Trévédy, « Son et lumière, la matière liturgique des carmina de Fortunat : entre l’adventus de la Croix et l’icône de Martin de Tours », Camenae, 11, 2012.

13 Éd. PL 61, col. 331. On verra sur la correspondance de Paulin le bel ouvrage de Dennis E. Trout, Paulinus of Nola : Life, Letters, and Poems, Los Angeles, University of California Press, 1999.

14 Raban Maur, In capella Mauri, éd. Ernest Duemmler dans Monumenta Germaniae historica [désormais MGH]. Poetae latini aevi carolini, t. II, Berlin, Weidmann, 1884, p. 222, no°lxi.

15 Ruth Webb, « The Aesthetics of Sacred Space : Narrative, Metaphor and Motion in “Ekphraseis” of Church Buildings », Dumbarton Oaks Papers, 53, 1999, p. 59-74.

16 Éd. PL 61, col. 663 et s.

17 Lucien Reynhout, Formules latines de colophons, Turnhout, Brepols, 2006.

18 R. Webb (art. cit. n. 15), p. 62.

19 Sur la notion d’œil de l’esprit, voir les deux ouvrages tout à fait fondamentaux de Herbert L. Kessler, Spiritual Seeing. Picturing God’s Invisibility in Medieval Art, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2000 et Seeing Medieval Art, Peterborough, Broadview Press, 2004.

20 G. Dagron (op. cit. n. 5), p. 88 : « L’ekphrasis se situe après la peinture, non qu’elle se borne toujours à raconter une image peinte (c’est seulement l’un de ses sujets de prédilection), mais parce qu’elle n’envisage la réalité que comme picturale et impose au rhéteur de se mesurer à un peintre réel ou fictif. »

21 Gregor Vogt-Spira, « Senses, Imagination, and Literature. Some Epistemological Considerations », dans Rethinking the Medieval Senses : heritage, Fascinations, frames, éd. S. Nichols, A. Kablitz et A. Calhoun, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 2008, p. 51 : « With the purpose of surpassing the visual by means of the linguistic medium, it claims to include potentially all the senses. It is precisely in this sense that Philostratus introduces the description of a painting with the remark that mere optical perception would not yet convey the fragrance of the garden, that though the use of words, however, even the smell of apples would reach the audience (Eikones I, 6, 1) ».

22 C. Barbetti (op. cit. n. 6), p. 4 ; voir également Michel Beaujour, « Some Paradoxes of Description », Yale French Studies, 61, 1981, p. 32-34.

23 Un tempio per Giustiniano : Santa Sofia di Constantinopoli e la descrizione di Paolo Silenziaro, éd. M. L. Fobelli, Rome, Viella, 2005, p. 16 ; l’intérêt des textes de Paul le Silentiaire avait déjà été souligné par Dominique Iogna-Prat, La Maison Dieu. Une histoire monumentale de l’Église au Moyen Âge, Paris, Seuil, 2006, p. 74.

24 Sur la poésie, voir Roland Barthes, Le degré zéro de l’écriture, Paris, Seuil, 1953, cité ici dans Œuvres complètes, Paris, Seuil, 1993, t. I, p. 162 : « La poésie classique n’était sentie que comme une variation ornementale de la Prose, le fruit d’un art (c’est-à-dire d’une technique), jamais comme un langage différent ou comme le produit d’une sensibilité particulière. Toute poésie n’est alors que l’équation décorative, allusive ou chargée, d’une prose virtuelle qui gît en essence et en puissance dans n’importe quelle façon de s’exprimer. “Poétiqueˮ, aux temps classiques, ne désigne aucune étendue, aucune épaisseur particulière du sentiment, aucune cohérence, aucun univers séparé, mais seulement l’inflexion d’une technique verbale, celle de “s’exprimerˮ selon des règles plus belles, donc plus sociales que celles de la conversation, c’est-à-dire de projeter hors d’une pensée intérieure issue tout armée de l’Esprit, une parole socialisée par l’évidence même de sa convention. »

25 Jean-Yves Tilliette, Des mots à la Parole. Une lecture de la Poetria nova de Geoffroy de Vinsauf, Genève, Droz, 2000, p. 178 : « Une telle valorisation de l’image est étrangère à la tradition rhétorique classique. Il ne s’agit plus seulement d’éclaircir, mais de renouveler, de créer : le lien entre image et thème peut devenir à ce point organique qu’il approche de l’union parfaite entre forme et substance qui caractérise l’œuvre vivante de nature. »

26 Sur cette inscription, voir Robert Favreau, Épigraphie médiévale, Turnhout, Brepols, 1995, p. 64-68 ; Jean Baptiste de Rossi, « L’inscription du tombeau d’Hadrien Ier composée et gravée en France par ordre de Charlemagne », Mélanges d’archéologie et d’histoire de l’École française de Rome, 8, 1988, p. 478-501, pl. xiii.

27 Laissons de côté les inscriptions d’autel, différentes dans leur composition, qui préfèrent décrire les saints et leurs mérites plutôt que l’endroit où on a placé leurs reliques, et qui ne font aucun cas quant à eux usages des tours de l’ekphrasis.

28 Alcuin, Carmen in aecclesia sancti Vedasti in pariete scribendum, éd. Ernest Duemmler dans MGH. Poetae latini aevi carolini, t. I, Berlin, Weidmann, 1881, p. 308-309.

29 Charles Méla, « Poetria Nova et Homo novus », Littérature, 74, 1989, p. 8.

30 M. Beaujour (art. cit. n. 22), p. 30 ; voir aussi Rensselaer W. Lee, Ut pictura poesis. Humanisme et Théorie de la peinture (xve-xviiie siècles) [éd. orig. New York, 1967], Paris, Macula, 1991, p. 10.

31 Saint Augustin, De dialectica, V, éd. et trad. angl. Belford D. Jackson, Boston, Reidel, 1975 (Synthese Historical Library, 16), p. 8.

32 Sur le parangone ou parallèle des arts, voir l’ouvrage toujours indispensable de R. W. Lee (op. cit. n. 30) ; voir également Jens Wollesen, « Pictures as Texts versus Pictures and Texts around 1300 », dans Textus im Mittelalter. Komponenten und Situationen des Wortgebrauchs im schriftsemantischen Feld, éd. L. Kuchenbuch et U. Kleine, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2006, p. 399-412.

33 Roland Barthes, « Rhétorique de l’image », Communications, 4, 1964, p. 42.

34 Sur les mécaniques de la mémoire, voir Mary Carruthers, Le livre de la mémoire. La mémoire dans la culture médiévale, Paris, Macula, 2002. Voir aussi les réflexions de Georges Didi-Huberman, Devant l’image. Question posée aux fins d’une histoire de l’art, Paris, Éd. de Minuit, 1990, p. 174 et s. ; Louis Marin, Des pouvoirs de l’image : gloses, Paris, Seuil, 1993.

35 Ermold le Noir, Poèmes sur Louis le Pieux et épitres au roi Pépin, éd. et trad. Edmond Faral, Paris, Champion, 1932, p. 158-167.

36 Sur ce texte, voir Walther Lammers, « Ein karolingisches Bildprogramm in der Aula Regia von Ingelheim », dans Festschrift für H. Heimpel 3, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1972, p. 226-274 et Christine Ratkowitsch, « Die Fresken im Palast Ludwigs des Frommen in Ingelheim : Realität oder Poetische Fiktion », Wiener Studien, 107-108, 1994-1995, p. 553-581, mais surtout, en dernier lieu, Alain Dubreucq, « Les peintures murales du palais carolingien d’Ingelheim et l’idéologie impériale carolingienne », Hortus Artium Medievalium, 16, 2010, p. 27-38 et Id., « Poésie d’éloge et image de l’empereur à l’époque carolingienne : l’exemple d’Ermold le Noir », Hortus Artium Medievalium, 8, 2002, p. 193-203.

37 Poeta Saxo, V, v. 435-475, éd. Paul de Winterfeld dans MGH. Poetae latini aevi carolini, Berlin, Weidmann, 1899, t. IV/1, p. 65-66.

38 Voir Jean-Yves Tilliette, « La chambre de la comtesse Adèle : savoir scientifique et technique littéraire dans le ccxcvi de Baudri de Bourgueil », Romania, 102, 1981 ; voir également Vincent Debiais, « The Poem of Baudri for the Countess Adèle. A Starting Point for Broad Reading of Medieval Latin Ekphrasis », Viator, 2012 (à paraître).

39 Ermold le Noir, Poèmes sur Louis le Pieux… (éd. cit. n. 35), v. 2164-2165 : « His aliisque actis clare locus ille nitescit, pascitur et visu, cernere quosque juvat. »

40 Voir G. Dagron (op. cit. n. 5), p. 106 et s.

41 Julius Von Schlosser, Quellenbuch zur Kunstgeschichte des abendländischen Mittelalters, Zurich, Olms, 1986, no 26 ; V. Debiais, « Le décor par le vers : à propos des poèmes d’Eckeart IV pour les images monumentales de Saint-Gall et Mayence », dans Culture manuscrite et épigraphie médiévale. Actes du troisième congrès international d’épigraphie médiévale (Poitiers, septembre 2009), éd. V. Debiais et C. Treffort, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012 (à paraître).

42 Éric Palazzo, « Visions and Liturgical Experience in the Early Middle Ages », Looking Beyond. Visions, Dreams and Insights in Medieval Art and History, éd. C. Hourihane, Princeton, Index of Christian Art, 2010, p. 15-29 ; voir dans le même volume le bel article de Jacqueline Jung, « The Tactile and the Visionary : Notes on the Place of Sculpture in the Medieval Religious Imagination », p. 203-240.

43 Monique Goullet et Dominique Iogna-Prat, « La Vierge en Majesté de Clermont-Ferrand », dans Le culte de la Vierge dans la société médiévale, éd. D. Russo, E. Palazzo et D. Iogna-Prat, Paris, Beauchesne, 1996, p. 383-405.

44 Daniel Arasse, L’ambition de Vermeer [1re éd. 1993], Paris, Adam Biro, 2001, p. 132-134.

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References

Bibliographical reference

Vincent Debiais, “La vue des autres. L’ekphrasis au risque de la littérature médiolatine”Cahiers de civilisation médiévale, 220 | 2012, 393-404.

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Vincent Debiais, “La vue des autres. L’ekphrasis au risque de la littérature médiolatine”Cahiers de civilisation médiévale [Online], 220 | 2012, Online since 01 January 2023, connection on 03 October 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/11070; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccm.11070

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Vincent Debiais

CESCM – UMR 6223, CNRS – Université de Poitiers, 24 rue de la Chaîne, BP 603, 86022 Poitiers Cedex

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