Écrire les sons. Création des premières notations musicales
Résumés
Quand un mode de notation musicale totalement nouveau – et qui s’avérera finalement à l’origine des notations occidentales modernes – fut inventé à la fin du viiie s. ou au début du ixe s. dans l’Europe carolingienne, comment fut-il conçu ? Quelles informations cette notation était-elle censée enregistrer par écrit ? et avec quels effets sur la pratique du chant ? Partant d’un fragment annoté datant des environs de 900, cet article s’attache à l’étude des notations musicales du ixe s. en considérant ce à quoi elles semblaient servir et ce à quoi elles ne servaient pas. La façon dont ces notations transcrivaient certains sons et non d’autres, ainsi que la variabilité de ce qu’elles transcrivaient, peuvent ainsi être expliquées d’une manière plus satisfaisante comme l’aboutissement d’un modèle plus contemporain – une interaction entre la mémoire et la lecture.
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chant (liturgique), notation musicale - Empire carolingien, liturgie, musique, Aldhelm (évêque de Sherborne) - De metris, manuscrit - Graz (Universitätsbibliothek : 748), Empire carolingien – musiqueKeywords:
chant (liturgical), musical notation - in Carolingian empire, liturgy, music, Aldhelm (bishop of Sherborne) – De metris, manuscript - Graz (Universitätsbibliothek : 748), Carolingian empire – musicPlan
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Cet article est la version française remaniée de l’article « Capturing Sounds : The Notation of Language », dans Cantus scriptus : Technologies of Medieval Song, éd. L. Ransom et E. Dillon, Piscataway (n.J.), Gorgias Press, 2012 (sous presse). Je souhaite remercier Eduardo Henrik Aubert et Monique Goullet qui ont traduit cet article en français.
Texte intégral
Écrire les sons naturels
- 1 Transcription du ms. Zofingen, Stadtbibliothek, PA 32, f. Ir. Certaines de ces expressions latines (...)
Nam apes ambizant uel bombizant…
asini oncant uel rudunt… boues mugiunt uel reboant… cicadae fretinniunt…
elefanti barriunt uel stridunt…
equi hinniunt…
galline cacillant…
galli cantant uel cucurriunt…
meruli zinzitant… oves balant… porci grundiunt…
ranae coaxant1
[Car les abeilles vrombissent ou bourdonnent… / les ânes braient ou braillent… / les bœufs mugissent ou beuglent… / les éléphants barrissent ou stridulent… / les chevaux hennissent… / les poules caquettent… / les coqs chantent ou coqueriquent… / les merles trillent… / les moutons bêlent… / les cochons grognent… / les grenouilles coassent…]
1Dans des mots comme « ambizant » (pour les abeilles), « stridunt » (pour les éléphants), « hiniunt » (pour les chevaux), « coaxant » (pour les grenouilles), « balant » (pour les moutons), la perception sensible des bruits produits par des animaux est exprimée au moyen de l’onomatopée : ces verbes imitent simplement, en les rendant langagiers, les sons qu’ils décrivent. Les mots exprimant les bruits des animaux présentent l’une des formes les plus communes d’onomatopées à travers toutes les langues, même si les sons qu’elles saisissent diffèrent souvent. Les sons animaliers ne sont qu’une des catégories de mots qui imitent directement le son : d’autres concernent fréquemment des sons forts – « boum boum » en français, « crash », « bang » en anglais, « Donner und Blitzen » en allemand. Dans ces cas, c’est encore le son même qui est imité et ainsi décrit par les mots. Cette catégorie de sons produits par des choses inanimées et par d’autres forces de la nature était aussi reconnue et interpolée dans la liste des voix des animaux :
arma crepant…
aes tinnit…
amfora profusa bilibit…
citharae sonant…
Juppiter tonat ut fabulae fingunt…
[les armes cliquètent… / le métal tinte… / l’amphore gargouille quand elle déborde… / les cithares résonnent… / Jupiter tonne, comme le racontent les fables…]
2Enfin, il y a un point où ce splendide catalogue tardo-antique des sons se clôt : « Item homines loquuntur. rustici jubilant » (« Et les hommes parlent, les paysans crient »). Bien évidemment, l’essentiel du langage exprime les significations par des moyens plus complexes que par la simple imitation. Mais ce catalogue des sons attire l’attention sur la qualité du langage en tant que son et sur la part essentielle jouée, dans la communication, non par le fait du son, mais par son caractère.
- 2 La première étude moderne est celle de Carl Heinrich Wilhelm Wackernagel, Voces Variae Animantium, (...)
- 3 Aldhelm, De metris et enigmatibus ac pedum regulis, éd. Rudolf Ehwald dans Monumenta Germaniae hist (...)
3Ce catalogue de mots qui décrivent les sons produits par les animaux – voix d’animaux (voces animantium) – remonte au moins jusqu’au milieu du ve siècle et survit dans des nombreuses traditions textuelles2 : les phrases que j’ai citées viennent d’une version rapportée dans une étude du mètre par Aldhelm3. Mélangeant des voix d’animaux, des sons naturels, des sons produits par des objets inanimés et par des êtres humains, cette version contient soixante-seize entrées, dont plusieurs contiennent deux mots ou plus pour exprimer le son « aves minuriunt vel vernant vel vernicant » ; « ciconiae gratulant vel glottorant vel critilant » ; « canes baubantur vel latrant vel ganniunt » ; « grues gruddant vel gruunt vel grugulant » ; « venti flant vel tremunt vel sibilant » et ainsi de suite. Si tous les mots employés pour la grue commencent par gru-, et peuvent représenter des particularités régionales dans l’expression du même son-sens, les mots exprimant le bruit du vent suggèrent trois effets distincts : ils soufflent (« flant »), ils tremblent (« tremunt »), ils sifflent (« sibilant »). Il s’agit là d’un catalogue extensif des différentes textures et volumes phoniques.
- 4 Pour les sources, voir Aldhelm, De metris… (éd. cit supra) ; sur la datation des sources carolingie (...)
- 5 Sur ms. Zofingen, Stadtbibliothek, PA 32, voir Charlotte Bretscher-Gisiger et Rudolf Gamper, Katalo (...)
4La version des voces animarum due à Aldhelm a connu une large diffusion dans l’Europe carolingienne4 : la copie dont sont extraites les citations ci-dessus provient d’une main insulaire de la fin du viiie siècle et survit comme feuillet unique relié avec une copie sangallienne des Étymologies d’Isidore du ixe siècle5. Vers la fin du ixe siècle, les moines de Saint-Gall préféraient en effet ne pas lire les écritures insulaires et se sont probablement débarrassés de cette copie – mais il est aisé de voir pourquoi c’est bien cette page que le relieur a voulu préserver et mettre à côté du texte encyclopédique d’Isidore.
5Revenons à Aldhelm : comment et pourquoi a-t-il inséré ce catalogue de sons dans une étude autrement ardue du mètre ? Le catalogue apparaît dans un passage qui traite du mètre ionique mineur ; voici comment Aldhelm l’introduit :
DE IONICO MINORI
Quae nomina seu verba ionico minori competunt ?
[L’IONIQUE MINEUR
Quels noms et verbes conviennent à l’ionique mineur ?]
6Aldhelm donne alors des exemples de mots adaptés à ce type de vers, et il finit par en arriver à :
[…] rudibundi, id est rudentes et boantes ; nam ruditus proprie asellorum est, ut poeta : « linguaque rudenti
Edidit humanas animal pecuale loquelas. »
[brayants, c’est-à-dire qui braient et beuglent ; car le « braiment » est propre aux ânes, comme dit le poète : / « et avec une langue brayante, / la bête de basse-cour a proféré un discours humain. »]
- 6 Sedulius Scotus, Carmen paschale, I, v. 161-162.
7Ces vers portant sur une bête de basse-cour qui proféra un discours humain sont repris d’un long poème, le Carmen paschale de Sedulius6 : il contient 2 000 hexamètres divisés en cinq livres, qui versifient librement le récit de l’Évangile dans le contexte de la typologie de l’Ancien Testament. Aldhelm s’était servi de l’association chrétienne et de l’autorité de ce texte bien connu pour justifier l’introduction, dans son étude sur le mètre, d’un mot qui ne s’applique qu’aux sons produits par les ânes. Ce lien manifeste entre les qualités du discours humain, rationnel, et le son produit par un animal, lui permettait d’aborder un sujet plus large, celui d’un monde phonique ouvert à tous, lettrés et illettrés.
8En vérité son esprit était bien fixé sur les animaux, comme nous le découvrons très vite :
Et quia apta se vocis occasio praebuit, non modo propter structuram pedum et rationem metrorum, verum etiam ob differentiam vocum et discretionem sonorum non absurdum arbitror quadripedum et volucrum et reptilium voces cum generalitate pluralitatis et specialitate singularitatis subtiliter dirimere.
9L’opposition phoniquement et rhétoriquement marquante de « generalitate pluralitatis et specialitate singularitatis » souligne l’union de la variété et de la distinction des sons dans le monde naturel, idée-phare de cette introduction d’Aldhelm à son étude métrique.
- 7 Aldhelm, De metris… : « siquidem vocis qualitatem quadripertitam, tam philosophorum quam grammatico (...)
10Mais, avant le catalogue des voix d’animaux, Aldhelm avait inclus un passage sur la catégorisation des types de voix par les grammairiens, qui divisent les voix entre « articulées » et « inarticulées », ou entre « lettrées » et « illettrées », en expliquant que la voix articulée peut être écrite et peut être associée aux humains, tandis que la voix illettrée est, par définition, celle qui ne peut pas être écrite7. Ainsi, ayant proposé un modèle conceptuel pour penser les types de voix, Aldhelm pouvait insérer la vieille liste des voix des animaux – chose qui a dû amuser les écoliers pendant des siècles et, dans ce contexte, adoucir un peu l’étude ardue du mètre.
11Les voix d’animaux d’Aldhelm nous ont servi d’introduction au concept tardo-antique de vox (« voix »), avec la division bipartite de vox en « articulée » et « confuse » qui était courante chez les grammairiens latins du ive siècle. Il ne s’agissait pas du tout du monde post-darwinien où l’on peut montrer, par exemple, que les baleines emploient le son pour communiquer de manière intelligente sur de longues distances : pour les grammairiens tardo-antiques, les sons animaux appartenaient de façon certaine à la catégorie des sons « confus » parce qu’ils n’étaient pas produits par la voix humaine rationnelle. Mais ce qui est particulièrement intéressant dans l’approche que ces grammairiens faisaient de la vox/voix et du sonus/ son est que leur rapport ait été conceptualisé en termes de scripturalité. Aldhelm avait repris cette manière de définir les voix « articulées » et « confuses » au travail d’un des grammairiens tardo-antiques les plus connus, Donat, qui écrivait :
- 8 Donat, Ars Maior, I, 1, 2, éd. Louis Holtz, dans Donat et la tradition de l’enseignement grammatica (...)
DE VOCE. Vox est aer ictus, sensibilis auditu, quantum in ipso est. Omnis vox aut articulata est aut confusa. Articulata est, quae litteris conprehendi potest ; confusa, quae scribi non potest8.
[DE LA VOIX. La voix est de l’air percuté, perceptible à l’oreille, dans les limites de ses capacités. Toute voix est soit articulée soit confuse. La voix articulée est celle qui peut être exprimée par des lettres ; la voix confuse est celle qui ne peut pas être écrite.]
- 9 Françoise Desbordes, Idées romaines sur l’écriture, Lille, Presses universitaires de Lille, 1990, p (...)
- 10 Priscien, Institutiones grammaticae, I, 1 : « Vocis autem differentiae sunt quattuor : articulata, (...)
- 11 Le tableau est repris de F. Desbordes, Idées romaines… (op. cit. n. 9), p. 106 ; voir aussi Anne Gr (...)
12Cependant, ce degré de sursimplification du concept de son n’était pas toléré par tous, et des modèles plus sophistiqués des catégories de la vox peuvent être repérés9. Priscien a démontré comment les catégories « articulé » et « inarticulé » interféraient avec la capacité d’être écrites. Ainsi, ce modèle contenait – en plus de la voix humaine articulée (Énéide I, 1) et de la voix inarticulée qui ne peut pas être écrite – des voix humaines « articulées mais impossibles à écrire », comme le sifflement, et des voix « inarticulées mais possibles à écrire » comme le coassement des grenouilles (certainement une référence au chœur d’Aristophane) et le croassement des corneilles10. Cette extension du schéma bipartite, avec la production de deux catégories à l’intérieur de chacune des deux catégories précédentes, a effectivement rompu le lien entre, d’une part, la division « voix articulée/voix confuse » et, d’autre part, la possibilité d’une mise par écrit, ainsi que le montre ce tableau11 :
articulée (qui vient de la pensée ; qui a une signification) |
Inarticulée (qui n’a pas de signification) |
|
qu’on peut écrire |
« Arma virumque cano » (Énéide, I,1) |
« coax », « cra » (« coasser » « croasser ») |
qu’on ne peut pas écrire |
sifflement, gémissement |
ébranlement, bourdonnement |
- 12 Alcuin, Grammatica, éd. Patrologie latine 101, col. 854-902, en part. col. 854. Le passage d’Alcuin (...)
- 13 David Ganz, « The Liber Glossarum : A Carolingian Encyclopedia », dans Science in Western and Easte (...)
13Ce sont les quatre catégories de Priscien qui sont citées par Aldhelm et par la suite reprises dans le travail grammatical du maître carolingien Alcuin12, ainsi que dans l’encyclopédique Liber glossarum, fait à Corbie entre 780 et 81413. Ce modèle quadripartite était ainsi le modèle conceptuel hérité par les carolingiens pour penser les sons, leur production et leur capacité à être écrits. Introduit dans la grammaire de Priscien, il allait être lu très largement et utilisé dans les écoles.
- 14 Martianus Capella, De nuptiis Philologiae et Mercurii, III, 230 : « Officium vero meum tunc fuerat (...)
14Mais les voix animales d’Aldhelm ont tourné leurs lecteurs aussi dans une autre direction, à savoir une réflexion sur les sons eux-mêmes. Encore une fois, son intention pédagogique était purement de nature grammaticale (il ne s’agissait pas d’histoire naturelle). Car la raison pour laquelle la plupart des grammairiens tardo-antiques ont traité du son, et donc de la voix, tenait aux besoins de l’enseignement et donc à la nécessité de réguler le rapport entre le langage (qui pouvait être écrit comme une série de lettres) et le son. Si la voix n’était pas articulée d’une manière compréhensible aux autres, elle n’aurait pas de sens. Si le lecteur d’un texte écrit ne pouvait pas rapporter la forme de signes écrits à des sons audibles, il ne pouvait pas lire. Si une personne qui écrivait ne pouvait pas traduire les sons qu’elle entendait dans la forme des lettres, des syllabes et des mots, alors elle ne pouvait pas écrire. Dans un texte composé par Martianus Capella au début du ve siècle – Les Noces de Philologie et de Mercure – la Grammaire personnifiée déclare : « au début, ma fonction était de lire et d’écrire correctement ; mais maintenant il s’en ajoute une autre : celle de comprendre et d’argumenter doctement »14. Pour aider à accomplir correctement la démarche de lecture et d’écriture, et pour rendre ensuite capable de comprendre et d’argumenter, Martianus présentait une étude des lettres, classées par ordre alphabétique, et considérait comment elles pouvaient être placées les unes par rapport aux autres, les sons qu’elles produisaient, avec une explication de la façon dont chaque lettre devait être produite physiquement :
- 16 Claudio Leonardi, « I Codici di Marziano Capella », Aevum, 33, 1959, p. 443-89, en part. p. 468.
15... et ainsi de suite. Malgré la faible influence de Martianus dans l’enseignement de la grammaire, ce passage sur la prononciation des lettres de l’alphabet avait été extrait et copié de façon indépendante dès le ixe siècle, puis plusieurs fois dans les périodes suivantes du Moyen Âge16.
16Parallèlement à cet intérêt pour la correction du son physique des lettres, nous trouvons des études grammaticales qui traitent du bon assemblage des lettres dans l’écriture, y compris des textes de Cassiodore et Bède, suivis, à la fin du viiie siècle, par le De orthographia d’Alcuin. Dans une recension du texte, Alcuin commence par un distique :
- 17 Alcuin, De Orthographia, éd. Sandra Bruni, Florence, SISMEL – Ed. del Galluzzo, 1997.
Me legat antiquas cupiat qui scire loquelas
me spernens loquitur mox sine lege patrum17.
- 18 A. Carlotta Dionisotti, « On Bede, Grammars, and Greek », Revue bénédictine, 92, 1982, p. 111-141, (...)
17Ce distique est à mettre directement en relation avec un autre, que l’on trouvait dans certaines recensions des Institutiones de Priscien copiées au ixe siècle18 :
Me legat antiquas vult qui proferre loquelas
Qui me non sequitur, vult sine lege loqui.
- 19 Sur ce spectre et sur les manières de comprendre plus spécifiquement le mot, voir Calvin Bower, « S (...)
18Ces deux distiques introductifs débouchent sur le verbe « parler » (loquor), qui ici doit désigner l’expression verbale, que cette expression soit écrite ou orale. Comme chez Martianus Capella, le lecteur est dirigé vers les deux formes de communication écrite et phonique que sont la lecture et la parole – même si dans un ouvrage sur l’orthographe l’accent est forcément mis sur l’expression écrite des lettres et des mots. Dans cette brève considération des manières dont les savants de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge ont abordé l’idée du son, nous sommes passés de la multitude des sons du monde naturel à l’articulation raffinée des textes littéraires ou bibliques. Sonus/son avait cet éventail de signification et pouvait être divisé dans des catégories plus spécifiques à l’intérieur de ce spectre19.
19Pour un savant du haut Moyen Âge, le son du langage humain, rationnel, était conçu comme ce qui était produit par une vox articulée et susceptible d’être écrite : une telle voix était perceptible dans le son du discours articulé ou dans le texte écrit. Et chacun de ces modes d’expression était sujet à tout un complexe de règles accumulées au long des siècles.
Écrire les sons musicaux
- 20 Il existe une très grosse bibliographie sur les notations musicales du haut Moyen Âge. Parmi les pu (...)
- 21 Ms. Munich, Bayerische Staatsbibliothek, 9543, f. 199v, et ms. Oxford, Bodleian Library, Auct. F.4. (...)
20La notation musicale a été inventée à la fin du viiie ou au début du ixe siècle20. Il a pu y avoir des systèmes d’écriture qui représentaient des éléments musicaux dans les livres grecs et romains, mais ce sont les signes détaillés représentant les sons musicaux écrits pour la première fois au ixe siècle qui ont fourni la base des notations occidentales modernes. Les deux plus anciens exemples de notations musicales datables datent du deuxième quart du ixe siècle, l’un écrit dans le sud de l’Allemagne, l’autre en France occidentale21. Mais quand quelqu’un s’est assis à sa table de travail pour créer une manière d’enregistrer la musique par écrit, par où a-t-il commencé ? Quels sont ses modèles ? Et quels éléments du son a-t-il voulu enregistrer par écrit ? Dans ces remarques introductives, j’ai voulu construire un contexte contemporain pour penser le phénomène du son, pour penser les manières de percevoir les sons et de les contrôler. Mais il faut à présent passer aux notations musicales elles-mêmes.
Les fragments de Graz, Saint-Gall et l’invention de la notation musicale
- 22 Ms. Graz, Universitätsbibliothek, 748, folios collés sur les deux plats intérieurs de reliure (B. B (...)
21Je vais commencer par une source qui est typique du genre de matériel que les musicologues spécialistes du haut Moyen Âge doivent essayer de lire. Il s’agit des fragments de deux feuillets d’un graduel, le livre qui contient les chants de la messe. Ils sont maintenant attachés aux plats de reliures d’un manuscrit actuellement conservé à Graz [fig. 1]. Ces fragments ont été repérés et inclus par Bernhard Bischoff dans son catalogue de manuscrits du ixe siècle, où leur origine mentionnée est la Francie occidentale, c’est-à-dire la France actuelle, et ils sont datés d’environ 90022. En inversant l’image numériquement, on peut lire sur les plats eux-mêmes une grande partie de l’empreinte du verso des deux feuillets. Et, sur un écran particulièrement clair, une grande partie du texte peut être récupérée. Même s’il est très difficile de lire tout le texte, beaucoup peut être reconstruit à partir des éléments lisibles.
Fig. 1. – Ms Graz Universitätsbibliothek 748, dos de reliure décollé. (Cliché Graz Universitätsbibliothek.)
22Un résultat important de cette reconstruction peut donner une piste sur le lieu d’origine de ces feuillets. La période de l’année liturgique ici représentée est une série des dimanches après la Pentecôte, avec des parties de la liturgie du seizième au vingt-troisième dimanche. Les alleluias chantés ces jours-là peuvent être récupérés :
Dimanche après Pentecôte |
Verset d’Alleluia |
|
Empreinte supérieure, recto |
16 |
Qui posuit |
Empreinte supérieure, recto |
17 |
Paratum cor meum |
Empreinte inférieure, recto |
20 |
Domine Deus salutis meae |
Empreinte inférieure, recto |
21 |
Deus iudex |
- 23 Pour une base de données complète des versets d’Alleluia, compilée par David Hiley à partir de donn (...)
23La série des alleluias chantés aux dimanches après la Pentecôte est un de ces aspects de la pratique liturgique qui était spécifique à chaque église, et elle a souvent été employée par les spécialistes du chant grégorien pour mieux localiser l’origine des livres de chant du Moyen Âge. En suivant une série psalmique non numérique, cette source de Graz est typique des premiers témoins conservés ; en effet, l’information des séries d’alleluias pour les environs de 900 est extrêmement limitée : ces fragments sont en fait le plus ancien exemple conservé de cette série particulière. Mais une comparaison avec des matériaux plus tardifs suggère au moins un substrat français, en concordance avec la proposition d’une origine « franque occidentale » avancée en 199823.
- 24 Louis Lambillotte, Antiphonaire de Saint Grégoire, Bruxelles, Greuse, 1851 ; le manuscrit est aussi (...)
- 25 Pour la datation du matériel musical ajouté au manuscrit, voir B. Bischoff, Katalog… (op. cit. n. 9 (...)
24Cette confirmation d’une origine franque occidentale est significative, car ce genre de notation musicale a été étroitement associé dans les travaux académiques à Saint-Gall, notamment à partir d’un livre fameux, noté dans le premier quart du xe siècle, le premier manuscrit de chant médiéval à avoir été intégralement reproduit, déjà en 185124. En raison de l’importance majeure de cette source de Saint-Gall, ainsi que de la qualité de l’écriture sangallienne, les détails de ce type de notation ont été presque exclusivement étudiés à partir des livres de Saint-Gall – et l’on a présupposé (plutôt ex silentio) qu’elle avait été créée à Saint-Gall. Mais ce type de notation musicale, écrit avec des traits ascendants et plusieurs lignes longues, ondulées et continues, apparaît dans des sources datées bien avant leur apparition à Saint-Gall vers la fin du ixe siècle. Les séquences dans le ms. Autun S28, copiées au milieu du ixe siècle et écrites probablement à Autun ou dans son voisinage, en sont le meilleur exemple25. La principale caractéristique distinctive des notations d’Autun, de celle des fragments de Graz et de celle écrite postérieurement à Saint-Gall est l’angle d’écriture des neumes : plus vertical à Autun et dans les fragments de Graz, plus incliné à Saint-Gall.
- 26 Musikgeschichte Österreichs, t. I : Von den Anfängen zum Barock, éd. R. Flotzinger et G. Gruber, Gr (...)
25C’est là le type fondamental à la base des notations de Graz. La force de l’influence que Saint-Gall a exercée sur la connaissance des premières notations musicales et sur la manière de les comprendre peut être mesurée au fait que la seule mention musicologique publiée sur ces fragments de Graz (si l’on excepte une brève apparition dans le catalogue des sources du ixe siècle de B. Bischoff) se trouve dans un manuel publié en 1995 sur la Musikgeschichte Österreichs, l’histoire de la musique en Autriche26 ! La notation y est décrite comme originaire de Seckau et de « type sangallois ». Cependant l’origine indubitablement française occidentale des fragments est simplement l’une des nombreuses preuves que Saint-Gall ne devait pas occuper une place de premier plan dans l’histoire des débuts de la création des notations neumatiques. En revanche il apparaît qu’à Saint-Gall un pas fut franchi ensuite dans l’activité de la calligraphie musicale : grâce au perfectionnement des signes graphiques on trouva des moyens pour modifier les anciens procédés d’écriture, afin d’en étendre la compréhension.
L’agencement d’une notation neumatique complexe
- 27 Cette version sur lignes est fondée sur des versions très anciennes, dont le ms. Bénévent, Bibl. ca (...)
26Nous avons associé la notation du répons-graduel Domine refugium du fragment de Graz à une notation moderne sur portée27 :
27Même si le premier mot est perdu, le reste du répons-graduel est là. Mais alors, quelle information communique cette notation du ixe siècle ? La première qualité, et la plus évidente, est que le nombre de notes chantées pour chaque syllabe, que ce soit une ou plusieurs, est rendu de manière tout à fait claire. Ainsi, sur la deuxième syllabe de « refugium », le scribe écrit des neumes qui indiquent neuf tons, et sur la première syllabe de « factus », il écrit des neumes pour cinq tons.
- 28 Sur la métaphore de la hauteur, voir Marie-Élisabeth Duchez, « La représentation spatio-verticale d (...)
28En même temps, les neumes ne déterminent pas des hauteurs précises ni la distance entre les notes : les formes neumatiques montrent des mouvements ascendants et descendants, mais ne contiennent pas d’information intervallique. Le modus operandi de ce système d’écriture était le rappel : le lecteur doit avoir en tête la mémoire du dessin mélodique. À ce moment-là, les formes neumatiques doivent lui rappeler cette mémoire et l’aider à faire émerger la mélodie. Ce sur quoi je veux insister, cependant, n’est pas le manque d’informations – très important quand cette notation est mise à côté de la pratique moderne – mais ce que le scribe essayait effectivement de faire. Nous pouvons commencer par réfléchir au fait que l’espace entre les lignes de texte était évidemment pensé selon la « métaphore de la hauteur » : le mouvement ascendant de la plume indiquait un mouvement musical vers une note plus aiguë, tandis que le mouvement descendant de la plume indiquait un mouvement musical vers une note plus grave. La métaphore par laquelle des tons musicaux stridents (ou « aigus ») pouvaient être décrits comme « plus hauts » et ainsi représentés physiquement plus haut, tandis que des tons lourds (ou « graves ») pouvaient être décrits comme « plus bas » et ainsi physiquement représentés comme plus bas, était déjà fermement implantée dans la tête des créateurs de ce type de notation28. Mais ils ne travaillaient pas selon un critère d’exactitude du placement des signes écrits – celle-ci ne paraît pas avoir été leur préoccupation. Ainsi, un signe écrit plus bas peut représenter une note plus aiguë. Dans le dessin mélodique marqué par deux astérisques au-dessus de [generati]o[ne], une série de cinq signes dessine clairement la place de chaque ton particulier dans un schéma ascendant et descendant. Et pourtant l’espace compris entre les lignes du texte n’est pas mesuré de manière comparable aux notations sur les portées. Si l’on y regarde de plus près, on voit que deux dessins de neumes tout à fait similaires sont écrits au-dessus de fac[tus] et [no]bis, mais le niveau des tons auxquels ils renvoient diffère de l’écart d’une tierce ; suivent alors les deux groupes de trois notes tombant au-dessus de [fac]tus et es, qui sont écrites au même niveau sur le parchemin, mais qui sont chantées avec l’écart d’un ton. Plus bizarrement, il y a une rupture entre la fin des neumes pour une syllabe et le début de ceux pour la syllabe suivante : le trait au-dessus de [re]fu[gium] indique un a, et le trait suivant, descendant, sur la syllabe suivante, b – un ton plus haut.
29Qu’elle s’explique ou non par le rappel, cette qualité des notations neumatiques a été pensée par les savants modernes dans des termes négatifs. Écrivant en 1889, dom André Mocquereau (de Solesmes) l’a formulé dans les termes suivants :
- 29 Le Codex 339 de la Bibliothèque de Saint-Gall (xe siècle). Antiphonale missarum sancti Gregorii, in (...)
La notation par les accents n’était pas encore consciente du principe fertile de placer les notes au-dessus les unes des autres. […] ces notations-accents sont devenues la matière sur laquelle les copistes liturgiques travaillèrent pendant une longue période, ce qui a fini par les conduire, au moyen de plusieurs transformations successives, à la parfaite expression de l’échelle des tons de la musique29.
30Pour A. Mocquereau, l’attente était que la notation devait contenir une information intervallique précise : pour cette raison, les neumes étaient en quelque sorte rudimentaires et « sous-developpés ». Mon argument est que cette manière d’écrire les neumes était tout à fait intentionnelle et fonctionnait de manière bien distincte des notations postérieures ; la lire comme si elle excluait l’idée d’une indication intervallique précise revient à la méconnaître. Et dans les traités du ixe siècle il y a plus d’un exemple de notation précise de hauteur, ce qui témoigne d’une réelle connaissance de divers moyens permettant d’arriver à ce résultat.
- 30 Pour une discussion plus détaillée de cette façon d’écrire, voir S. Rankin, « On the Treatment of P (...)
31Si nous observons comment les neumes sont effectivement disposés sur cet espace ouvert, il devient vite évident qu’il y a un système d’agencement. Quand il y a plus d’un groupe de neumes pour une seule syllabe de texte, ces neumes suivent une direction diagonale ascendante ; s’il y a plusieurs neumes, ils auront tendance à finir près de la ligne de texte au-dessus. Et on ne voit jamais une telle ligne de neumes descendre au milieu d’une syllabe. À cette observation nous voyons qu’une règle graphique simple est suivie : au début des syllabes du texte, tous les neumes commencent à un niveau bas – indépendamment de la hauteur musicale : dans la première phrase de Domine refugium, le scribe maintient un niveau horizontal plus ou moins constant, sur lequel il commence les neumes30. Si l’on compare cette notation avec le même chant dans le Cantatorium fait à Saint-Gall au début du xe siècle, on peut constater qu’il procède exactement de la même manière, en recommençant les dessins de neumes à un niveau spécifique au-dessus du texte, sauf quand d’autres circonstances imposent un changement.
32La question que je veux poser n’est donc pas : « pourquoi l’espace n’a-t-il pas été employé pour indiquer des hauteurs précises ? », mais plutôt : « quel but atteignait-on en traitant ainsi les signes écrits ? ». Je crois qu’il y a pour cette question une réponse simple : ce que cet agencement des neumes produisait sur la page était une image visuelle extrêmement claire du rapport entre les parties d’un texte et les parties de la mélodie. Au-delà de l’élément fondamental du dessin qui associait des éléments mélodiques spécifiques à des syllabes individuelles de texte, ce type particulier de notation a une deuxième stratégie pour renforcer l’impact visuel du registre musical. L’œil, en voyant une nouvelle syllabe de texte, voit aussi, immédiatement au-dessus – et commençant toujours au même endroit – le début d’un signe musical.
Plusieurs catégories d’information
33À part ce système construit d’agencement de l’espace au-dessus du texte, ces neumes possèdent une autre qualité proéminente – une attention à l’articulation : l’assemblage ou la séparation de signes pour des tons individuels, la division des passages mélismatiques en groupes, la mise en relief de certaines notes. J’essaie de clarifier immédiatement avec un exemple : les neumes pour le mot « et (progenie) » disposent un dessin mélodique en sept tons. Dans ces neumes, le dessin de sept notes est écrit en deux groupes de notes : d’abord trois notes qui montent, puis trois notes qui descendent avec un dernier mouvement ascendant. Mais pourquoi pas quatre notes ascendantes pour commencer, suivies de trois ? Ces possibilités donneraient des rendus sonores distincts.
- 31 Eugène Cardine, « Sémiologie grégorienne », Études grégoriennes, 11, 1970, p. 1-158.
34L’argument est que la manière dont les tons sont groupés dans les neumes est significative en soi : même s’il est impossible d’être tout à fait sûr des modes d’exécution à la fin du ixe siècle, le travail des moines de Solesmes dans les derniers 150 ans, et surtout celui de dom Eugène Cardine, nous a appris à respecter le groupement des notes. E. Cardine a écrit sur le phénomène de la « coupure » et a souligné l’importance de rendre compte de la façon dont les neumes articulent la mélodie31. Dans la notation de Saint-Gall, pour le même passage, on trouve la même division en un groupe de trois et en un groupe de quatre notes, avec un petit trait traversant le haut d’un neume à la fin du premier groupe (episema) pour indiquer l’emphase. Détailler la façon de lire une notation musicale afin de comprendre ce genre de nuance donnerait matière à un long exposé sur le chant grégorien, que nous n’avons évidemment pas le temps de faire ici.
- 32 Jacques Froger, « L’épitre de Notker sur les “lettres significatives” : édition critique », Études (...)
35En parlant d’articulation, je n’ai démontré que l’allongement et l’abrègement, et j’ai mentionné le concept de « coupure » entre les neumes, avancé par E. Cardine. Il y a beaucoup plus de phénomènes de ce genre dans ce type de notation. Pour donner une idée de l’ampleur des qualités du son musical qui intéressaient les notateurs du ixe siècle, il n’y a pas de source plus intéressante qu’un texte associé au nom du moine Notker Balbulus, qui indique la signification des lettres employées dans la notation32. Notker travaillait et enseignait à Saint-Gall entre 870 et 910. Ses présentations des lettres individuelles incorporées à la notation musicale en contiennent plusieurs qui concernent la hauteur ou le rythme, par exemple :
a . Ut altius elevetur admonet
[la lettre a avertit qu’il faut monter]
36et
c. Ut cito vel celeriter dicatur certificat
[la lettre c certifie qu’il doit être dit rapidement ou brièvement]
37Mais il y a aussi des indications concernant d’autres qualités du son : plusieurs lettres traitent de la production de la voix. Voici le « f » :
ut cum fragore seu frendore feriatur efflagitat
[demande qu’on attaque avec écrasement ou grincement]
38et « g »
ut in gutture gradatim garruletur genuine gratulatur
[se rejouit franchement qu’il soit graduellement glouglouté dans la gorge]
39et la très suggestive lettre « k »
chlenche id est clange clamitat
- 33 Ceci veut sûrement dire que la note doit retentir, et non que la voix doive imiter une cloche.
[crie chlenche, c’est-à-dire clange, claironne33]
40Et il y a ensuite des lettres qui concernent le placement d’une note, comme « x », qui « demande qu’on attende » (« tamen expectare expetit »), c’est-à-dire qu’on attende avant de commencer la note suivante.
41Tandis que ce texte sangallois montre comment la notation neumatique peut être rendue plus utile à l’égard des indications écrites du dessin musical et du rythme, il révèle en outre dans la notation un rapport avec les éléments du son qui le rendent intéressant pour l’oreille et lui font exprimer des sensations : ainsi les notes peuvent être chantées avec « fracas ou grincement », « sonnerie » ou « gargouillis » – sans oublier cette performance technique absolument essentielle qui consiste à faire attendre les auditeurs grâce à la lettre « x » puisée dans cet alphabet de lettres spécifiques.
42À ce stade, j’espère avoir permis de dépasser l’impression initiale de n’avoir devant les yeux qu’une suite de gribouillages, et avoir souligné un type d’écriture où il y a essentiellement deux niveaux de lecture : une fois les signes de base compris, le lecteur les utilise comme un aide-mémoire qui lui rappelle un dessin mélodique déjà connu, et il se remémore visuellement comment ce dessin mélodique s’adapte à ce groupe de mots. Alors, à un second niveau dans le processus de lecture, la notation fournit une grande quantité de détails sur la façon dont la mélodie doit être phrasée : quand elle doit aller plus vite, ralentir, s’arrêter, être légèrement accentuée, ou résonner de manière claire, etc. Ce que je suis en train d’essayer de décrire, c’est un modèle d’enregistrement par l’écrit d’une mélodie très différent de celui que nous nous sommes habitués à attendre dans le monde occidental moderne. Dans la notation musicale, nous cherchons des instructions élémentaires pour l’interprétation. Même s’il nous faut la connaissance des pratiques d’ornementation ou des différentes façons dont certains compositeurs donnent sens à des signes particuliers, la page écrite est cependant souvent un point de départ suffisant, et elle est considérée comme une représentation écrite d’un morceau de musique. Une page comportant une notation musicale du ixe siècle est tout autre chose. Ici, le lecteur doit avoir le dessin mélodique en mémoire : c’est là le point de départ pour la lecture ; sinon il n’a aucun sens. Et ensuite la notation apprend au lecteur comment chanter chacune de ces parties, en étant extrêmement claire sur le rapport entre les syllabes du texte et les éléments du dessin mélodique, ainsi que sur l’articulation des parties de la mélodie. Là où, de temps en temps, le lecteur aurait pu faire une erreur de hauteur en chantant les notes, une lettre soigneusement placée l’aidera dans le processus de remémoration. Le point important est que les signes écrits ne sont pas la notation d’une mélodie, mais un ensemble d’instructions sur comment chanter une mélodie mémorisée.
- 34 Isidore de Séville, Étymologies, II, 1 : « Rhetorica est bene dicendi scientia in civilibus quaesti (...)
43Dans cette tentative de brosser à grand traits les mentalités et les approches mises en jeu dans les notations musicales ici présentées, je souhaite faire un dernier pas en essayant d’expliquer comment les inventeurs des notations musicales réfléchissaient sur ce qu’ils voulaient écrire. L’art libéral de la rhétorique, tel qu’il était présenté dans les livres tardo-antiques, était primitivement destiné à l’argumentation judiciaire, à apprendre à l’orateur à construire et exprimer ses arguments. Selon Isidore, quand il introduit la rhétorique dans ses Étymologies, « la rhétorique est l’art de bien parler dans les causes civiles, afin de persuader le peuple de ce qui est juste et bien »34. Mais une grande partie de l’apprentissage de la rhétorique était avantageuse aussi pour ceux qui n’auraient jamais affaire à la pratique judiciaire : la rhétorique avait affaire avec la stylistique textuelle, les figures du langage, l’argumentation, l’éloquence et la fluidité de l’expression. Comme Isidore continue :
- 35 Ibid. : « Conjuncta est autem Grammaticae arti Rhetorica. In Grammatica enim scientiam recta loquen (...)
La rhétorique est liée à la grammaire. En effet dans la grammaire nous apprenons l’art de parler correctement, tandis que dans la rhétorique nous comprenons comment exprimer ce que nous avons appris35.
- 36 Ibid., II, 3. Cf. Cicéron, Rhetorica ad Herennium, I, ii, 3, éd. et trad. Guy Achard [1re éd. 1989] (...)
44L’enseignement de la rhétorique était divisé en cinq parties, toujours les mêmes dans tous les manuels tardo-antiques : ainsi, l’éloquence bien conçue contenait l’inventio (« la création du matériel »), la dispositio (« la disposition du matériel »), l’elocutio (ce que nous traduisons comme « style »), la memoria (« l’art de la mémoire ») et « pronunciatio » (« l’exécution du discours déjà préparé »)36.
45Ma caractérisation des notations neumatiques comme des représentations visuelles de la façon correcte dont il fallait articuler les textes chantés musicalement – littéralement « comment chanter des textes » –, peut être associée à cette dernière catégorie rhétorique, la pronunciatio, « l’exécution ». Si j’ai raison d’avancer que ce fut là un point de départ significatif pour les inventeurs de la notation neumatique – et donc une influence majeure sur le graphisme de la notation musicale –, alors nous arrivons quelque part au-delà de la « musique » envisagée de façon abstraite. Car la musique peut certes être conçue comme la fabrique d’un son que l’on perçoit comme distinct du langage en même temps que lié à lui, mais les signes de la notation neumatique soutiennent la pronunciatio des textes bibliques chantés dans le medium du chant liturgique. Cela signifie que ces signes n’ont pas pour objet de consigner le débit de quelque chose qui ne serait pas le langage, mais le débit du langage lui-même. La polarisation des signes graphiques sur une association avec des syllabes précises du texte et sur le détail de la performance est preuve d’une préoccupation vis-à-vis de l’élocution dans le medium sonore – comme les textes sur l’orthographe ont essayé de contrôler l’expression du langage dans le medium des lettres.
Conclusion : le son du langage
46Au début de mon article, j’ai parlé du traitement du son dans le langage et du traitement du langage en tant que son : parmi les sujets sur lesquels les grammairiens de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge ont écrit, on retrouve la question de la production physique des sons du langage. Les attitudes tardo-antiques et haut-médiévales concernant l’expression dans le discours ou dans l’écriture soulignaient le rapport entre règles grammaticales, intelligibilité et compréhension.
47Le lien entre les premières notations musicales et ces manières de rationaliser des idées sur le langage et son expression repose non seulement sur leur parallélisme évident, mais aussi sur leurs façons de répondre à des circonstances historiques plus générales. Sous Charlemagne, le besoin qu’avait le peuple chrétien de pouvoir employer le langage de manière efficace pour s’adresser au Dieu chrétien était effectivement au cœur de la politique impériale. Même si plusieurs des textes que j’ai cités ont été composés bien avant, il y avait, à l’époque carolingienne – vis-à-vis de la bonne expression – un effort et une motivation particuliers pour y parvenir : la présentation d’un texte par le medium sonore devait guider l’auditeur ou le lecteur vers une compréhension spirituelle plus entière – et non vers les mauvaises significations. Un groupe d’oraisons récitées au moment de bénir chaque endroit significatif d’un monastère date probablement d’avant les réformes liturgiques carolingiennes, puisqu’il apparaît déjà dans les sacramentaires gélasiens (puis dans les sacramentaires grégoriens et dans les sacramentaires mixtes gélasiens-grégoriens). Parmi ces oraisons, celle qui est destinée à bénir un scriptorium est brève et va directement à l’essentiel. Dans une version du sacramentaire gélasien datant de la fin du viiie siècle, probablement originaire de Coire (Chur), elle se présente ainsi :
- 37 Jean Deshusses, Le sacramentaire grégorien, t. I, Fribourg, Éditions universitaires, 1971, p. 481.
ORACIO IN ESCRIPTORIUM. Benedicere digneris domine hoc scriptorium famulorum tuorum et omnes habitantes in eo . ut quicquid hic divinis scripturis ab eis lectum vel scriptum fuerit . sensu capiant opere perficiant . per [Christum dominum nostrum]37.
[ORAISON DANS LE SCRIPTORIUM. Daignez bénir, Seigneur, ce scriptorium de vos serviteurs ainsi que tous ceux qui y habitent : que tout ce qui aura été ici écrit ou copié par eux des Saintes Écritures, qu’ils puissent le comprendre par leur intelligence et l’accomplir par leurs œuvres. Par le Christ notre Seigneur.]
- 38 Isidore de Séville, Étymologies, III, xv (éd. cit. n. 34).
48Ce qui est attendu des scribes travaillant dans ce scriptorium est qu’ils copient les mots des saintes écritures de sorte à en rendre le sens clair pour les personnes qui viendront lire les livres qu’ils ont faits. Et, comme un scribe doit mettre des mots par écrit avec du sens, de même le chanteur doit comprendre le sens des textes quand il les chante. Pour chanter avec sens et intelligence, un chanteur doit s’occuper exactement de ces qualités de performance que les signes musicaux de la notation neumatique s’avèrent privilégier : bonne association entre syllabes du texte et phrases mélodiques, mise en forme de la ligne mélodique au moyen de la différenciation des sons, et articulation appropriée des parties individuelles de l’ensemble. La conception de ces premières notations musicales reflète les préoccupations typiques du haut Moyen Âge à propos de la clarté de l’expression, et suggère que ces notations n’avaient pas pour but de remplacer la mémoire, mais de compléter et contrôler le processus de rappel (on pourrait dire aussi processus de « remémorisation »). Les scribes et les chanteurs savaient depuis Isidore qu’ils ne pouvaient pas « saisir », « capturer » et « enfermer » le son dans l’écriture38, mais ils savaient aussi qu’il y a des moyens de contrôler le son – et c’est cela que ces gribouillis étranges semblent avoir accompli – discipliner le son du langage en musique.
Notes
1 Transcription du ms. Zofingen, Stadtbibliothek, PA 32, f. Ir. Certaines de ces expressions latines ont des équivalents étymologiques dans les langues vulgaires et dans les langues modernes, mais beaucoup en sont dépourvues, comme dans le cas très suggestif de « zinzitant ».
2 La première étude moderne est celle de Carl Heinrich Wilhelm Wackernagel, Voces Variae Animantium, Bâle, s. n., 1867 ; plusieurs listes ont été éditées dans Augustus Reifferscheid, C. Suetonii Tranquilli praeter Caesarum libros reliquiae, Leipzig, Teubner, 1860, p. 247-254. Sur ces listes, voir aussi Miroslav Marcovich, « Voces animantium und Suetonius », Ziva Antika : Antiquité vivante, 21, 1971, p. 399-416 ; Manuel C. Díaz y Díaz, « Sobre las series de voces de animals », dans Latin Script and Letters A.D. 400-900. Festschrift presented to Ludwig Bieler, éd. J. J. O’meara et B. Naumann, Leyde, Brill, 1976, p. 148-55 ; D. Thomas Benediktson, « A Survey of Suetonius Scholarship, 1938-1987 », The Classical World, 86, 1993, p. 377-447 ; Id., « Polemius Silvius’ Voces varie animantium and related Catalogues of Animal Sounds », Mnemosyne, 53, 2000, p. 71-77. Sur les vers en rapport avec ce catalogue, voir Jan Ziolkowski, Talking Animals : Medieval Latin Beast Poetry 750-1150, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1993, p. 36-38 ; sur la façon dont les sons animaux, et tout particulièrement ceux des oiseaux, entrèrent dans le discours de la théorie musicale, voir Elizabeth E. Leach, Sung Birds : Music, Nature and Poetry in the later Middle Ages, Ithaca, Cornell University Press, 2007.
3 Aldhelm, De metris et enigmatibus ac pedum regulis, éd. Rudolf Ehwald dans Monumenta Germaniae historica. Auctores antiquissimi, t. XV : Aldhelmi Opera, Berlin, Weidmann, 1919, p. 179-180. Sur les sources d’Aldhelm dans son paragraphe concernant les voces animantium, voir Max Manitius, « Zu Aldhelm und Baeda », Sitzungsberichte der Österreichischen Akademie der Wissenschaften in Wien, 112, 1886, p. 535-634, en part. p. 606-610.
4 Pour les sources, voir Aldhelm, De metris… (éd. cit supra) ; sur la datation des sources carolingiennes, voir Bernhard Bischoff, « Die Bibliothek im Dienste der Schule », dans Id., Mittelalterliche Studien, t. III, Stuttgart, A. Hiersemann, 1981, p. 213-233, n. 54, ainsi que Id., Katalog der festländischen Handschriften des neunten Jahrhunderts (mit Ausnahme der wisigotischen), t. I : Aachen-Lambach, t. II : Laon-Paderborn, Wiesbaden, Harrassowitz, 1998-2004.
5 Sur ms. Zofingen, Stadtbibliothek, PA 32, voir Charlotte Bretscher-Gisiger et Rudolf Gamper, Katalog der mittelalterlichen Handschriften des Klosters Wettingen (Aarau, Laufenburg, Lenzburg, Rheinfelden und Zofingen), Dietikon/Zurich, U. Graf, 2009, p. 230-232.
6 Sedulius Scotus, Carmen paschale, I, v. 161-162.
7 Aldhelm, De metris… : « siquidem vocis qualitatem quadripertitam, tam philosophorum quam grammaticorum auctoritas propalavit : articulatam, inarticulatam, litteratam, illiteratam, quamvis alii duas esse vocis species attestentur, hoc est articulatam et confusam ; nam articulata hominum tantummodo dicta est, quod articulo scribenti comprehendi possit, confusa est, quae scribi non potest » (éd. cit n. 3).
8 Donat, Ars Maior, I, 1, 2, éd. Louis Holtz, dans Donat et la tradition de l’enseignement grammatical. Étude et édition critique, Paris, CNRS, 1981, p. 603.
9 Françoise Desbordes, Idées romaines sur l’écriture, Lille, Presses universitaires de Lille, 1990, p. 101-12 ; Martin Irvine, The Making of Textual Culture. « Grammatica » and Literary Theory 350-1100, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, p. 91-97.
10 Priscien, Institutiones grammaticae, I, 1 : « Vocis autem differentiae sunt quattuor : articulata, inarticulata, literata, illiterata. articulata est, quae coartata, hoc est copulata cum aliquo sensu mentis ejus, qui loquitur, profertur. inarticulata est contraria, quae a nullo affectu proficiscitur mentis. literata est, quae scribi potest, illiterata, quae scribi non potest. Inveniuntur igitur quaedam voces articulatae, quae possunt scribi et intellegi, ut : Arma virumque cano, quaedam, quae non possunt scribi, intelleguntur tamen, ut sibili hominum et gemitus : hae enim voces, quamvis sensum aliquem significent proferentis eas, scribi tamen non possunt. aliae autem sunt, quae, quamvis scribantur, tamen inarticulatae dicuntur, cum nihil significent, ut “coax”, “cra”. aliae vero sunt inarticulatae et illiteratae, quae nec scribi possunt nec intellegi, ut crepitus, mugitus et similia », éd. Martin Hertz dans Prisciani grammatici Caesariensis Institutionum Grammaticarum Libri XVIII, Leipzig, Teubner, 1855 (Grammatici Latini, 2), I, 1.
11 Le tableau est repris de F. Desbordes, Idées romaines… (op. cit. n. 9), p. 106 ; voir aussi Anne Grondeux, « L’entrée uox du Liber Glossarum. Les sources et leur mise en œuvre », dans Encyclopédire : essor de l’ambition encyclopédique dans l’antiquité et au Moyen Âge, éd. I. Vedrenne-Fajolles et A. Zucker, Turnhout, Brepols, 2012 (à paraître).
12 Alcuin, Grammatica, éd. Patrologie latine 101, col. 854-902, en part. col. 854. Le passage d’Alcuin sur vox commence avec les quatre catégories de Priscien ; les explications ont subi une réduction drastique, et il ne reste que deux exemples, ce qui ramène au schéma bipartite familier de Donat.
13 David Ganz, « The Liber Glossarum : A Carolingian Encyclopedia », dans Science in Western and Eastern Civilization in Carolingian Times, éd. D. Lohrmann et P. L. Butzer, Bâle/Boston/Berlin, Birkhäuser, 1993, p. 127-138.
14 Martianus Capella, De nuptiis Philologiae et Mercurii, III, 230 : « Officium vero meum tunc fuerat docte scribere legereque ; nunc etiam illud accessit, ut meum sit erudite intellegere probareque… », éd. James Willis, Martianus Capella, Leipzig, Teubner, 1983.
15 Ibid., III, 261 : « Namque A sub hiatu oris congruo solo spiritu memoramus ; B labris per spiritus impetum reclusis edicimus… » (éd. cit. supra).
16 Claudio Leonardi, « I Codici di Marziano Capella », Aevum, 33, 1959, p. 443-89, en part. p. 468.
17 Alcuin, De Orthographia, éd. Sandra Bruni, Florence, SISMEL – Ed. del Galluzzo, 1997.
18 A. Carlotta Dionisotti, « On Bede, Grammars, and Greek », Revue bénédictine, 92, 1982, p. 111-141, en part. p. 131, qui fait référence à Marina Passalacqua, I Codici di Prisciano, Rome, Ed. di storia e letteratura, 1978.
19 Sur ce spectre et sur les manières de comprendre plus spécifiquement le mot, voir Calvin Bower, « Sonus, Vox, Chorda, Nota : Thing, Name, and Sign in Early Medieval Theory », dans Quellen und Studien zur Musiktheorie des Mittelalters, t. III, éd. Michael Bernhard, Munich, Verlag der Bayerischen Akademie der Wissenschaften, 2001, p. 47-61.
20 Il existe une très grosse bibliographie sur les notations musicales du haut Moyen Âge. Parmi les publications importantes de ces cinquante dernières années, accompagnées d’une bibliographie, voir Bruno Stäblein, Schriftbild der einstimmigen Musik, Leipzig, Deutscher Verlag für Musik, 1975 Musikgeschichte in Bildern, III/4) ; Solange Corbin, Die Neumen, Cologne, A. Volk/H. Gerig, 1977 (Palaeographie der Musik, 3) ; Leo Treitler, « Reading and Singing : On the Genesis of Occidental Music Writing », Early Music History, 4 1984, p. 135-208 ; Kenneth Levy, « On the Origin of Neumes », Early Music History, 7, 1987, p. 59-90 ; Michel Huglo, « Bilan de 50 années de recherches (1939-1989) sur les notations musicales de 850 à 1300 », Acta musicologica, 62, 1990, p. 224-259 ; Marie-Noël Colette, « Élaboration des notations musicales, ixe-xiie siècle », dans M.-N. Colette, Marielle Popin et Philippe Vendrix, Histoire de la notation du Moyen Âge à la Renaissance, Paris, Minerve, p. 11-89.
21 Ms. Munich, Bayerische Staatsbibliothek, 9543, f. 199v, et ms. Oxford, Bodleian Library, Auct. F.4.26 ; sur la datation de ces sources, voir B. Bischoff, Katalog… (op. cit. n. 4), t. II, nos 3108 et 3773.
22 Ms. Graz, Universitätsbibliothek, 748, folios collés sur les deux plats intérieurs de reliure (B. Bischoff, Katalog…[op. cit. n. 4], t. I, no 1457).
23 Pour une base de données complète des versets d’Alleluia, compilée par David Hiley à partir de données publiées et inédites, voir la section « Post Pentecost Alleluias » de la rubrique « Databases » sur le site web Cantus Planus de Ratisbonne en ligne [consulté le 14 octobre 2012].
24 Louis Lambillotte, Antiphonaire de Saint Grégoire, Bruxelles, Greuse, 1851 ; le manuscrit est aussi reproduit dans Cantatorium, ixe siècle, No 359 de la Bibliothèque de St. Gall, introd. André Mocquereau, Tournai, Desclée & Cie, 1924 (Paléographie musicale, 2e s., 2).
25 Pour la datation du matériel musical ajouté au manuscrit, voir B. Bischoff, Katalog… (op. cit. n. 9), t. I, no 158a ; Claire Maître, Catalogue des manuscrits d’Autun : Bibliothèque municipale et Société éduenne, Turnhout, Brepols, 2004 ; Barbara Haggh et M. Huglo, « Les notations musicales en usage dans l’église d’Autun », dans « Lingua mea calamus scribae ». Mélanges offerts à Madame Marie-Noël Colette, éd. D. Saulnier, K. Livljanic et Ch. Cazaux-Kowalski, Solesmes, Froidfontaine, 2009, p. 131-45, en part. p. 138-139.
26 Musikgeschichte Österreichs, t. I : Von den Anfängen zum Barock, éd. R. Flotzinger et G. Gruber, Graz/Vienne, Styria, 1977, p. 65 et pl. 9.
27 Cette version sur lignes est fondée sur des versions très anciennes, dont le ms. Bénévent, Bibl. capitulaire, VI.34, f. 262 (voir Le Codex VI.34 de la Bibliothèque capitulaire de Bénévent, introd. J. Gajard et al., Solesmes, Abbaye Saint-Pierre, 1937 [Paléographie musicale, 15]), et ms. Paris, BnF, lat. 776, f. 132.
28 Sur la métaphore de la hauteur, voir Marie-Élisabeth Duchez, « La représentation spatio-verticale du caractère musical grave-aigu et l’élaboration de la notion de hauteur de son dans la conscience musicale occidentale », Acta musicologica, 51, 1979, p. 54-73 ; L. Treitler, « The Early History of Music Writing in the West », Journal of the American Musicological Society, 35, 1982, p. 333-372 ; Susan Rankin, « On the Treatment of Pitch in Early Music Writing », Early Music History, 30, 2011, p. 105-173.
29 Le Codex 339 de la Bibliothèque de Saint-Gall (xe siècle). Antiphonale missarum sancti Gregorii, introd. A. Mocquereau, Solesmes, Abbaye Saint-Pierre, 1889 (Paléographie musicale, 1), p. 99 et 123.
30 Pour une discussion plus détaillée de cette façon d’écrire, voir S. Rankin, « On the Treatment of Pitch » (art. cit. n. 29).
31 Eugène Cardine, « Sémiologie grégorienne », Études grégoriennes, 11, 1970, p. 1-158.
32 Jacques Froger, « L’épitre de Notker sur les “lettres significatives” : édition critique », Études grégoriennes, 5, 1962, p. 23-71. La source la plus ancienne est dans le ms. Saint-Gall, Stiftsbibliothek 381, p. 6-9, suivie immédiatement par l’alphabet de Martianus, p. 10-12.
33 Ceci veut sûrement dire que la note doit retentir, et non que la voix doive imiter une cloche.
34 Isidore de Séville, Étymologies, II, 1 : « Rhetorica est bene dicendi scientia in civilibus quaestionibus ad persuadendum justa et bona », éd. Wallace M. Lindsay, Isidori Hispalensis Episcopi Etymologiarum sive Originum Libri XX, Oxford, Clarendon, 1911.
35 Ibid. : « Conjuncta est autem Grammaticae arti Rhetorica. In Grammatica enim scientiam recta loquendi discimus ; in Rhetorica vero percipimus qualiter ea, quae didicimus, proferamus » (éd. cit. supra).
36 Ibid., II, 3. Cf. Cicéron, Rhetorica ad Herennium, I, ii, 3, éd. et trad. Guy Achard [1re éd. 1989], Paris, Belles Lettres, 2003.
37 Jean Deshusses, Le sacramentaire grégorien, t. I, Fribourg, Éditions universitaires, 1971, p. 481.
38 Isidore de Séville, Étymologies, III, xv (éd. cit. n. 34).
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Titre | Fig. 1. – Ms Graz Universitätsbibliothek 748, dos de reliure décollé. (Cliché Graz Universitätsbibliothek.) |
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Pour citer cet article
Référence papier
Susan Rankin, « Écrire les sons. Création des premières notations musicales », Cahiers de civilisation médiévale, 220 | 2012, 379-392.
Référence électronique
Susan Rankin, « Écrire les sons. Création des premières notations musicales », Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 220 | 2012, mis en ligne le 01 janvier 2023, consulté le 02 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/10994 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccm.10994
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