Alexandre Fernandez, L’Amérique latine du XIXe siècle au XXIe siècle. États et mondialisation(s)
Alexandre Fernandez, L’Amérique latine du XIXe siècle au XXIe siècle. États et mondialisation(s), Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, Collection « Parcours universitaires - Histoire », 2019, 305 p.
Texte intégral
1Professeur d’histoire contemporaine à l’Université Michel de Montaigne-Bordeaux et directeur adjoint du CEMMC-Centre d’études des mondes moderne et contemporain, Alexandre Fernandez offre ici, en qualité de spécialiste de l’histoire des mondes ibériques aux xixe et xxe siècles, un manuel universitaire rédigé à partir d’un cours dispensé aux étudiants de la Licence d’histoire de son université. L’auteur signale aussi dans l’introduction que son approche est multi-scalaire (du local au mondial, en passant par le régional et le niveau étatique) et géoéconomique (place et rôle de l’Amérique latine dans le marché mondial, au gré de son évolution), et qu’elle offre un regard à double sens, porté aussi bien sur la mondialisation de l’Amérique latine que sur l’Amérique latine dans la mondialisation. Le géographe, intéressé par la profondeur historique des processus contemporains et par la fertilisation croisée entre le local et le mondial, apprécie ces entrées, d’autant qu’elles donnent l’occasion d’interroger les évolutions de l’État-nation et des sociétés de la région, leur fragilité inhérente à la période confuse des Indépendances (xixe siècle) ayant laissé la place, après une période de type national-populaire, aux velléités actuelles d’autonomie quant à la gestion des économies nationales et des demandes sociales afférentes.
2Sur 305 pages, c’est donc un vaste panorama des évolutions de l’aire socio-culturelle latino-américaine qui est proposé, au moyen de trois parties pédagogiquement efficaces dans leur découpage : la première, composée de trois chapitres, aborde le passage du xixe siècle au xxe et ses conséquences pour la zone étudiée ; la deuxième, elle-aussi construite en trois chapitres, traite des crises et révolutions caractéristiques du cœur du xxe siècle ; la troisième, avec ses deux chapitres, décrit l’Amérique latine des années 1990 aux années 2010, prise au double défi, d’une part, de la mondialisation néo-libérale et, d’autre part, du renforcement du poids des États nations dans chaque pays, à la fois sur le continent et vis-à-vis du système-monde actuel. Au début de chacune d’entre elles, une introduction dense (jusqu’à cinq pages pour la Partie 2) pose les éléments saillants de chaque période. Ensuite, les chapitres réunissent une grande quantité d’informations circonstanciées, avec une profusion bienvenue de faits, de noms, d’évènements explicités et mis en relation, des données statistiques économiques et commerciales, une vingtaine de tableaux étant répartis sur l’ensemble des huit chapitres, et des représentations spatialisées, quatre cartes complétant le tout. Enfin, les repères chronologiques, répertoriés des pages 276 à 289, sont précieux pour tout lecteur ou étudiant désireux d’identifier des dates et des faits importants, tout comme la liste de références bibliographiques classiquement placée en dernière partie d’ouvrage.
3Situé à la croisée entre histoire économique et géographie économique, entre géopolitique et analyse en relations internationales, le manuel est focalisé sur une « histoire connectée, celle des rapports entre États et mondialisation(s) » (page 9), détaillant les influences réciproques et les interconnexions, tout en analysant les processus de mutation des États-nations. L’auteur approfondit, notamment, les expériences de gouvernance inédites du début des années 2000, leurs orientations sociales (avec la remarquable diminution de la pauvreté dans un certain nombre de pays, dont le Brésil) avec des politiques de redistribution basées sur les recettes tirées des exportations accrues de matières premières et la nouvelle insertion géopolitique de l’Amérique latine dans le système-monde. Il termine par les revirements politiques et économiques des années 2010, la plupart des gouvernements récemment portés au pouvoir étant moins enclins à poursuivre sur cette voie de l’émancipation et du progressisme, et le contexte international tendant vers la remise en cause des traités commerciaux, sous l’impulsion d’une administration Trump affairée à revoir les accords multilatéraux passés.
4Ce manuel est donc le bienvenu étant donné le peu d’ouvrages universitaires récemment parus sur l’Amérique latine et les Caraïbes (certains portant spécifiquement sur des pays comme le Brésil ou le Mexique). Il arrive en effet à point nommé après le temps fort du milieu des années 2000, quand l’inscription de la question « Amérique latine » aux programmes du Capes d’histoire-géographie et de l’Agrégation de géographie avait été l’occasion de nombreuses publications, destinées au public des concours mais aussi de la Licence en géographie et des autres formations qui intègrent la discipline dans leurs enseignements. L’ouvrage de 374 pages Géographies de l’Amérique latine, rédigé par Françoise Dureau, Vincent Gouëset et Evelyne Mesclier, paru en 2006 aux Presses universitaires de Rennes, est l’un des plus remarquables de ce moment-là. À la même période, avec la question de la mondialisation contemporaine au programme des classes préparatoires aux grandes écoles, les différentes aires socio-culturelles du monde ont été traitées par des éditeurs. Ainsi, les Éditions Nathan ont plusieurs fois réédité (la dernière fois en 2017) la série de manuels parus dans la Collection « Nouveaux continents », dont Géographie des Amériques coordonné par Alain Musset et Jean-Yves Piboubès (397 pages). Indépendamment de ces publications, d’autres parutions ont été régulièrement actualisées ; il en est ainsi de « Atlas de l’Amérique latine » d’Olivier Dabène (Paris, Éditions Autrement, 96 pages), réédité pour la cinquième fois en 2019, ou, toujours du même auteur, L’Amérique latine à l’époque contemporaine, de 2011 (septième édition, Paris, Éditions Armand Colin, 272 pages). Par ailleurs, le manuel d’Alexandre Fernandez suscite la (re)lecture de Les économies émergentes latino-américaines - Entre cigales et fourmis écrit par Pierre Salama (2012, Paris, Éditions Armand Colin, 225 pages). Évidemment, il appelle à relire les deux essais rédigés par deux éminents spécialistes de l’Amérique latine et des Caraïbes : celui d’Alain Rouquié, de 2016, intitulé Le siècle de Perón. Essai sur les démocraties hégémoniques (Paris, Éditions Le Seuil, 408 pages) et celui de Georges Couffignal, de 2013, La nouvelle Amérique latine. Laboratoire politique de l’Occident (Paris, Presses de Sciences Po, Collection « Nouveaux débats », 207 pages). Enfin, il fait penser au grand classique d’Alain Rouquié Amérique latine : introduction à l’Extrême-Occident (Paris, Éditions Le Seuil, Collection Points, 491 pages), publié en 1987 et réédité en 1998, et au non moins indispensable Tome 2 de la Géographie universelle, Amérique latine, sorti en 1991 et dirigé par Claude Bataillon, Jean-Paul Deler et Hervé Théry (Paris, Éditions Reclus/Belin, 480 pages).
Pour citer cet article
Référence papier
Martine Guibert, « Alexandre Fernandez, L’Amérique latine du XIXe siècle au XXIe siècle. États et mondialisation(s) », Caravelle, 115 | 2020, 206-208.
Référence électronique
Martine Guibert, « Alexandre Fernandez, L’Amérique latine du XIXe siècle au XXIe siècle. États et mondialisation(s) », Caravelle [En ligne], 115 | 2020, mis en ligne le 09 février 2021, consulté le 26 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/caravelle/9277 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/caravelle.9277
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