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Dossier - L’Amérique latine face à la transition énergétique

Hydrocarbures, production agroalimentaire et transition énergétique en Amérique latine : éléments théoriques de débat

Luis Orozco, Arnoldo Pirela, Denis Requier-Desjardins et Martine Guibert
p. 11-24

Résumés

Le changement climatique représente pour l’Amérique latine un double défi pour le secteur agricole et pour l’exploitation de son principal avantage comparatif : les ressources fossiles. L’objectif de cet article est d’apporter des éléments théoriques de débat, à partir de la littérature existante, sur les convergences/divergences technologiques en Amérique latine entre les chaînes de valeur des hydrocarbures et celles du secteur agroalimentaire, dans un contexte de transition énergétique.

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Notes de la rédaction

L’article a été soumis pour évaluation le 9 juillet 2020 et a été accepté pour publication le 1er octobre 2020.

Texte intégral

Introduction

1Région parmi les mieux dotées en ressources fossiles, l’Amérique latine abrite environ 23 % des réserves mondiales connues d’hydrocarbures, ce qui la place au deuxième rang après le Moyen-Orient (OLADE, 2016). Parallèlement, elle est le premier exportateur net au monde de denrées alimentaires de base (FAO, 2017). Si l’agriculture familiale y est encore numériquement dominante, les exportations reposent en majeure partie sur l’agriculture entrepreneuriale qui exerce de fortes pressions sur l’environnement et les réalités socio-économiques locaux. Ces deux secteurs contribuent au changement climatique qui, en retour, représente pour eux une double menace : sur la production et sur les ménages agricoles et les moyens d’existence de la population rurale (Castells-Quintana et al., 2018).

2Par ailleurs, si les chaînes de valeur des hydrocarbures jouent un rôle crucial, en amont et en aval, dans le secteur agro-alimentaire de l’Amérique latine, il existe toutefois un déficit de connaissances sur les processus de co-évolution entre les deux secteurs productifs en matière d’innovation et d’apprentissage (Arvanitis et Villavicencio, 1998  ; Kuhlmann et Rip, 2018), en particulier dans les régions agricoles où la convergence technologique est forte et constitue un facteur déterminant de la compétitivité. Toutefois, récemment, les interrelations entre énergies fossiles, production alimentaire et usages du foncier et de l’eau ont été mises en avant (Yuan et al., 2018). Il en ressort que c’est d’abord à l’échelle territoriale et à l’échelle micro (dans la transformation permanente des formes d’organisation de la production agricole) que la nature de cette « trajectoire technologique » (Nelson, 1959), peut être appréhendée précisément. Les trajectoires technologiques apparaissent de ce point de vue très diverses entre la progression actuelle des agricultures entrepreneuriales, dans le but, notamment, de renforcer les capacités exportatrices, et celle de l’agro-écologie en lien avec l’agriculture familiale (Sabourin et al., 2017) et la sécurité alimentaire des populations.

3L’objectif de cet article, de nature interdisciplinaire et théorique, est d’examiner, d’une part, les convergences/divergences technologiques en Amérique latine entre les filières de production d’hydrocarbures et celles du secteur agro-alimentaire, et, d’autre part, les voies identifiées pour une transition énergétique effective dans le cadre du processus de gouvernance mondiale du climat. Des considérations théoriques précèdent (section 1) des éléments plus factuels sur les deux chaînes de valeur des hydrocarbures et des biens agro-alimentaires (section 2). La dernière partie pose les premières réflexions issues de ces deux catégories de considération (section 3).

Innovations technologiques et transition énergétique

4Les travaux de Solow (1956) et de Nelson (1959) ont contribué à l’inclusion de la technologie et de l’innovation dans l’analyse économique. Le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel a même été attribué en 2018 à William Nordhaus et Paul Romer, le Comité scientifique signalant que « they have brought knowledge and nature into the realm of economic analysis and made them an integral part of the endeavor » et parce que « both laureates draw on and overlap with other sciences ». Par ailleurs, les solutions au changement climatique ne reposent pas uniquement sur un engagement planétaire de réduction des émissions de gaz à effet de serre, comme l’ont réaffirmé 195 chefs d’État lors de la COP-21 de 2015. Elles s’appuient aussi sur la diffusion accélérée d’innovations et de changements techniques. Comme le suggère Aykut (2015), il est impossible d’isoler la gouvernance mondiale du climat des autres dynamiques (économique surtout), ni du niveau de transition énergétique de chaque pays.

5Notre contribution se place à l’intersection de ces deux thématiques : l’innovation et le climat. Nous supposons que la transition énergétique ne supprime pas la possibilité de développement de systèmes locaux ou nationaux d’innovation et d’adaptation, comme l’indique le volet néo-schumpétérien de l’analyse du développement local et du rôle de l’innovation et de l’entrepreneuriat. La notion de « glocalisation » est aussi utile pour identifier les limites de la mondialisation qui, en principe, porte atteinte à tous les déterminants locaux (tensions sur les avantages comparatifs, effets des politiques industrielles promues par des intérêts locaux, etc.).

6Selon Folchi et Rubio (2006), la transition énergétique, du charbon au pétrole :

no responde a una ley universal del progreso o del cambio técnico, sino que es el resultado de un conjunto de determinantes históricas, entre las que destacan las condiciones estructurales de cada país (ubicación geográfica, dotación de recursos, estructura económica, dependencia tecnológica, marco institucional, etc.) y las coyunturas y evolución a largo plazo del mercado internacional de la energía y los combustibles (p. 27).

7La transition vers un modèle moins dépendant des énergies fossiles passe donc par un changement dans les systèmes sociotechniques, notamment agro-alimentaires, énergétiques et des transports (Geels et al., 2017), ce qui implique des mutations dans les technologies employées, les politiques publiques, la mise en marché, les infrastructures, les pratiques de consommation, les aspects culturels, les connaissances scientifiques, etc. Cependant, les technologies de niche ne peuvent entrer dans les régimes sociotechniques dominants que lorsque des changements exogènes créent des fenêtres d’opportunités (le changement climatique, par exemple, ou la COP-21) (Geels et al., 2017). La transition énergétique converge avec une nouvelle vague de technologies liées aux ordinateurs de haute performance, la téléphonie mobile, l’Internet à haut débit et les flux de données en temps réel, réalisés par satellite et par drone. Ces technologies sont, par exemple, à l’origine d’importantes innovations organisationnelles dans les chaînes de valeur agro-alimentaires.

8Promouvant innovations et nouvelles technologies, ces changements demandent le dépassement de mécanismes de verrouillage, entendus comme le patron (ou régime sociotechnique) dominant, qui ferme ou établit une trajectoire. Ainsi, le verrouillage des systèmes énergétiques en faveur du carbone (carbon lock-in) empêcherait le développement et le décollage des technologies alternatives (Unruh, 2000). De plus, ce dépassement doit assurer un niveau acceptable de croissance économique tout en restant dans des « limites écologiques », c’est-à-dire, en évitant l’épuisement des ressources naturelles (Foxon, 2011). Selon cet auteur, qui établit que deux systèmes co-évoluent quand l’évolution de l’un a une influence causale sur l’évolution de l’autre, seul un processus de coévolution entre de nouvelles technologies, institutions et stratégies d’entreprise, peut assurer une transition vers une économie moins dépendante du carbone.

9L’approche de l’innovation en agro-alimentaire est également marquée, comme dans d’autres secteurs, par le courant néo-schumpétérien qui a mis en évidence les notions de paradigme et de trajectoire technologique. La question de la rétroaction, dans ces dynamiques, entre les concepteurs et les utilisateurs, a été posée d’entrée de jeu et on la retrouve à la fois dans les notions de système sectoriel d’innovation (Malerba, 2002) et de régime sociotechnique (Geels et al., 2017), ainsi que dans l’analyse quantitative des réseaux d’innovation (Crespo et al., 2014). Ces approches rendent compte de l’adoption des innovations par les utilisateurs.

10En outre, la relation entre agriculture et développement est une composante principale du changement structurel. Les voies de développement agricole divergent entre les pays des Suds, l’Amérique latine étant plus « lewisienne » que les autres : en effet, elle est la plus proche du modèle proposé par Lewis (1954) selon lequel la population active agricole diminue relativement aux autres secteurs, alors que la productivité augmente (Dorin et al., 2013, Requier-Desjardins, 2018), ce qui est constaté dans les pays des Nords. En Amérique latine, l’agriculture familiale représente la majorité des exploitations et de la population active agricole  ; en revanche, la part de superficie qu’elle détient est l’une des plus faibles des sous-régions du monde (Graeub et al., 2016). La pluriactivité, notamment à travers le développement de l’emploi rural non agricole, est aujourd’hui considérée comme l’une des conditions de sa survie (Ellis, 1998 ; Dirven, 2011  ; Schneider, 2016). Dans le même temps, les agricultures de type entrepreneurial, et certaines grandes et moyennes exploitations familiales, intègrent les chaînes globalisées de valeur, affichent une croissance de la production (et de la quantité de foncier exploité) et sont responsables de la plus grande part des exportations. Leur utilisation intensive de produits phytosanitaires de synthèse et de machines nécessitant de l’énergie fossile, les place, de fait, en situation de convergence technologique avec le secteur des hydrocarbures. Or, l’interaction entre production agricole et changement climatique est aujourd’hui un enjeu majeur (FAO, 2017), car l’agriculture est considérée comme étant à la fois responsable (déforestation, émissions de dioxyde de carbone, dégradation de la biodiversité, etc.) et victime (désertification, érosion des sols, inondation ou sécheresse…). En conséquence, le processus de la transition énergétique en Amérique latine invite à réfléchir à l’évolution de la production des hydrocarbures et des biens agroalimentaires, au développement de la compétitivité et à la convergence, ou divergence, technologique entre ces deux chaînes de valeur.

Quelles convergences ou divergences technologiques entre les deux chaînes de valeur  ?

11La dépendance aux hydrocarbures va s’expliquer par un processus de convergence technologique entre plusieurs secteurs qui trouvent dans le pétrole une source d’énergie efficace. Le secteur agro-alimentaire va de son côté tisser des relations étroites avec les hydrocarbures comme sources, entre autres, d’énergie et d’intrants agro-chimiques.

La chaîne de valeur des hydrocarbures : au cœur des processus productifs

12Il est estimé que l’Anthropocène a commencé avec la révolution thermo-industrielle et, symboliquement, son origine est fixée en 1784, avec l’amélioration de la machine à vapeur. Débute alors le premier cycle du modèle économique et technologique à forte intensité de capital et d’énergie. Ce premier cycle est basé sur l’acier et sur l’utilisation de ressources énergétiques nouvelles et plus efficaces qui se succèdent (d’abord le charbon, puis le pétrole et l’électricité) et qui remplacent rapidement la main-d’œuvre et les énergies tirées des animaux et des plantes. Autrement dit, le problème d’une source d’énergie peu coûteuse et efficace a été résolu. Le pétrole devient la base d’une convergence technologique avec d’autres secteurs : production massive d’acier et d’électricité, moteur à combustion interne appliqué aux transports. C’est ainsi qu’à partir de 1913, avec le début de la production massive d’automobiles, l’acier, l’essence et les voitures bon marché se combinent et constituent une preuve historique puissante de la force d’expansion du capitalisme industriel.

13Au tournant du xxe siècle, l’Amérique latine commence à exploiter son pétrole, en répondant aux circonstances et en empruntant des trajectoires différentes. Le Mexique de Porfirio Diaz (1876-1911) a été le premier à ouvrir son territoire national, sur les côtes du Golfe du Mexique, aux pétroliers nord-américains (Kuntz Ficker, 2010), qui, de l’autre côté du Golfe, faisaient alors le miracle économique du Texas et organisaient la première fiducie pétrolière mondiale : le Standard Oil of New Jersey. Ensuite, en 1907, dans le sud de l’Argentine, des agents publics en quête d’eau ont accidentellement découvert du pétrole à Comodoro Rivadavia. Yacimientos Petrolíferos Fiscales (YPF), première compagnie pétrolière d’État en Amérique latine, est créée. En 1914, le premier gisement de pétrole à valeur commerciale est découvert au Venezuela par la General Asphalt Company, compagnie américaine sans aucune expérience pétrolière, et ce à la suite d’une combinaison de facteurs hasardeux. En 1918, la Tropical Oil Company, propriété de Standard Oil, trouve du pétrole à La Cira-Infantas près de Barrancabermeja, en Colombie, toujours exploité aujourd’hui. Enfin, en 1921, dans la péninsule de Santa Elena, en Équateur, la société Anglo Ecuadorian Oilfields s’installe à Guayaquil, avec une productivité modeste de 30 barils par jour.

14L’Amérique latine a contribué donc, avec sa production d’hydrocarbures, à la construction du modèle énergétique mondial, qui a bouleversé l’organisation d’un grand nombre d’activités et participé à l’augmentation des rendements miniers, industriels, agricoles ou, encore, de l’offre de transport. Les innovations liées aux énergies fossiles ont, de plus, simplifié et massifié la production, la distribution et la consommation d’énergie, et le fonctionnement des industries et machines de toutes sortes. La révolution du plastique est en route (voir le livre « Plastics » publié en 1941 par Couzens et Yarsley).

15Or, du milieu du xixe siècle jusqu’en 1970 environ, le taux de rendement énergétique a été d’un baril de pétrole consommé pour en extraire 100. La qualité de cette source d’énergie, mesurée par sa performance, son abondance, son prix faible, son contenu énergétique élevé en volume, ses bas coûts de stockage et de transport, explique pourquoi elle est devenue la première option pour remplacer le travail des hommes et des animaux, et augmenter la productivité du travail et du capital. Actuellement, aucune autre source d’énergie n’est aussi rentable (si le coût environnemental n’est pas considéré) alors qu’il n’y a jamais eu autant de pétrole léger et facilement extractible, transportable et transformable dans les raffineries.

16Après la Seconde Guerre mondiale, le rôle géoéconomique des hydrocarbures est consolidé (Aftalio, 2001). La pétrochimie moderne et la production en série de matières premières dérivées des hydrocarbures sont développées, avec des applications dans tous les secteurs de production et de services. L’industrie pétrolière et gazière, et la pétrochimie, avec leurs dérivés, sont devenues le domaine d’excellence de l’expérimentation et du développement de l’automatisation des processus. Elles sont liées à la révolution technologique déployée à partir des années 1970, avec la microélectronique et les Technologies de l’Information et de la Communication.

17En synthèse, les compagnies pétrolières sont devenues de grands complexes de production industrielle, intégrés et ramifiés en aval vers la pétrochimie et ses nombreuses chaînes de valeur en chimie intermédiaire (plastiques, pharmacie, agrochimie, colorants, matériaux de construction et intrants  ; fluides pour la corrosion, lubrifiants, conservation des aliments  ; dérivés vers la chimie fine par les catalyseurs et autres industries). Plus globalement, l’industrie des hydrocarbures a engendré la création d’un grand nombre d’entreprises. Elles constituent un réseau mondial de services et de production avec des entreprises de toute taille et des liens commerciaux avec les industries de transformation : pétrochimie, chimie, pharmacie, alimentation et boissons, eau, électricité, télécommunications, transports, construction, mobilier et décoration, mode, tourisme…

La chaîne de valeur agro-alimentaire : vers moins de dépendance vis-à-vis du secteur pétrochimique  ?

18Historiquement, la problématique de l’innovation en agro-alimentaire dans les pays en développement a été marquée d’abord par la « Révolution Verte » (Patel, 2013) et, ensuite, par l’impact des biotechnologies et des formes nouvelles de distribution avec domination des filières par l’aval. Caractérisée, à partir des années 1960, par l’introduction de semences hybrides sélectionnées (céréales) et par leur association avec des intrants agro-chimiques (engrais de synthèse et produits phytosanitaires) ainsi que par la progression de la mécanisation, elle a débouché dans un certain nombre de pays, sur une augmentation des rendements agricoles. En Amérique latine, elle a surtout concerné les exploitations d’une superficie importante, orientées vers un marché, et a laissé de côté une grande part des exploitations familiales. Cette phase a été marquée par un lien fort entre l’évolution des structures de production agricole et la disponibilité d’intrants fournis par la chaîne de valeur des hydrocarbures au sens large (énergie et agrochimie). Parallèlement, le secteur développe la transformation agro-industrielle et le commerce international des produits standardisés  ; la grande distribution alimentaire émerge, à travers la multiplication des hyper et supermarchés. Ces changements touchent les pays développés et, ensuite, les pays du Sud dont, singulièrement, l’Amérique latine.

19À partir du milieu des années 1990, une deuxième vague d’innovations, centrée sur la diffusion d’un « paquet technologique » qui associe semences génétiquement modifiées, herbicides à base de glyphosate et semis direct, est adoptée, notamment dans les régions agricoles intensives des plaines et plateaux d’Amérique du Sud. Cet itinéraire technique simplifié est accompagné par une réorganisation de la production assumant le coût des innovations en matériel agricole de dernière génération. Des entreprises prestataires de service se chargent des travaux agricoles (semis, récolte, traitement, transport, conditionnement, etc.) et un gestionnaire est responsable du retour sur investissement de chaque actif confié au consortium (foncier en location, informations agronomiques, capitaux, etc.). Les différentes formes organisationnelles de ce modèle ont comme point commun la délégation du projet productif à un gestionnaire, l’optimisation de l’échelle de production, l’utilisation des technologies de l’information et la massification des informations numériques (Bühler et al., 2016). Il y a toujours une articulation avec le secteur des hydrocarbures, à travers la mécanisation, l’utilisation d’intrants agro-chimiques mais sa spécificité est très corrélée à son mode organisationnel et à la gestion de l’information qu’il suppose. Il s’agit d’une recomposition sectorielle qui reconfigure le système d’innovation, associant les industries des intrants, des semences et des biotechnologies, le secteur financier et le marché foncier.

20Dans la même période, dans les pays des Suds et en particulier en Amérique latine, les filières agro-alimentaires, non seulement à l’exportation mais également pour le marché national, sont transformées par la domination croissante des grands groupes de la distribution qui imposent les super et hypermarchés comme lieux d’approvisionnements en biens alimentaires standardisés, diffusant ainsi des normes de consommation homogénéisées à une échelle internationale (Reardon et Timmer, 2007). Cet allongement des chaînes de production est en lien avec une augmentation des distances de transport et des coûts. Ces transformations sont associées à des modifications organisationnelles en agriculture traduisant la domination de ce maillon aval dans la gouvernance des filières : c’est par exemple le cas de l’expansion de l’agriculture contractuelle dans le secteur des fruits et légumes : des exploitants agricoles (agriculteurs familiaux éventuellement) produisent dans le cadre d’un contrat qui les lie à des firmes de l’aval (transformation ou grande distribution) et qui fixe les normes que doit respecter le processus de production.

21Ces vagues d’innovation sont ainsi associées à une consommation plus importante d’intrants de synthèse et d’énergies fossiles. Cependant, pour les deux dernières d’entre elles, on ne saurait réduire l’innovation à cet aspect. En effet, dans la mesure où elles renvoient à des modifications organisationnelles à la fois en agriculture et dans le domaine de la production alimentaire, elles font émerger l’importance du recours aux technologies de l’information et de la numérisation des activités, qui permet de structurer les relations réticulaires qui lient les différents maillons des filières.

22Actuellement, dans un contexte marqué par le poids des injonctions environnementales et des impératifs de sécurité alimentaire, deux tendances nouvelles se détachent en matière d’innovation dans le secteur agricole et alimentaire :

  • Les propositions les plus susceptibles de transformer le secteur (Dutta et al., 2017) portent sur les biotechnologies et les semences génétiquement modifiées, tout en allant, par ailleurs, vers des plantes moins gourmandes en eau ou en intrants dérivés de la pétrochimie. En outre, l’accent est mis sur les technologies de l’information (big data, informations spatialisées, agriculture de précision, robots, drones), articulées avec une prise en compte des contraintes environnementales (FAO, 2018).

  • L’innovation agro-écologique avec la diffusion de pratiques qui se défont de l’impératif agro-chimique et qui comptent sur une plus grande synergie entre écosystèmes et modes de production. Elle est souvent liée aux circuits courts et à la responsabilisation du consommateur. En Amérique latine, cette référence à l’agro-écologie est associée à la prise en compte du changement climatique.

23Finalement, les systèmes alimentaires recouvrent une série de facteurs et de secteurs qui vont bien au-delà de la production agricole. Il s’agit d’abord d’un ensemble d’agents, services et institutions qui, par leurs interrelations, rendent possible la production, la distribution, l’accès, la consommation et le stockage des aliments (FAO, 2017). En plus, l’activité agricole est liée à la ruralité : au sein des territoires, elle peut s’articuler à d’autres activités qui lui sont liées, productivement ou non, pour constituer les systèmes de moyens d’existence des ménages ruraux. Or, au plan des unités de production, une dualité existe entre les agricultures familiales et les agricultures entrepreneuriales, à la fois dans leur diversité (modalités de production) et dans leur considération par les politiques publiques : les premières apparaissent plus enracinées dans le territoire, la pluriactivité étant un élément structurel de cet ancrage local (Dirven, 2011 ; Schneider, 2016)  ; les formes les plus extrêmes des secondes, dans ce cas très financiarisées, sont assez souvent peu liées aux milieux ruraux et aux réalités locales. Cette dualité ne définit pas une séparation stricte entre les deux types, leur co-présence est flagrante dans certaines régions rurales (en Uruguay ou en Argentine, par exemple, mais aussi au Brésil).

24Cette dualité peut être mise en relation avec les types d’innovation et de systèmes d’innovation déjà mentionnés. Dans la production de masse de commodities pour les industries agro-alimentaires, tournées vers le marché national, et pour l’exportation, la question porte sur l’évolution des innovations biotechnologiques, de l’automatisation et de la réorganisation du secteur autour des nouvelles technologies de l’information et de la numérisation. Dans le cas des agricultures familiales, la qualité des produits passe par la valorisation de ressources patrimoniales territorialisées, les pratiques agro-écologiques et l’innovation organisationnelle. La création de marchés de niche ou nested markets pour des produits qualifiés, sur un plan territorial et/ou ou sur un plan environnemental, se traduit par des systèmes de commercialisation privilégiant les circuits courts et le marché national urbain. Dans cette polarité des modèles, l’agriculture familiale est considérée comme plus menacée par le changement climatique (vulnérabilité économique mais aussi géographique, compte tenu des zones où elle est dominante). Néanmoins, elle est vue comme potentiellement porteuse d’un modèle alternatif susceptible de favoriser la transition écologique.

L’Amérique latine au défi de l’abondance en ressources naturelles

25Depuis la fin des années 2010, et après une douzaine d’années de croissance, l’Amérique latine vit à nouveau des crises politiques, sociales et économiques. L’histoire se répète : pendant la seconde moitié du xixe siècle, pendant et après les deux grands conflits du xxsiècle, et durant le boom des matières premières dans la première décennie du xxie siècle, les pays de la région ont réussi, à des degrés divers, à stimuler leurs économies en tant que fournisseurs de l’Europe, des États-Unis et de l’Asie, principalement. Les crises récurrentes engendrées par ce processus ont alimenté la thèse du resource curse (Sachs et Warner, 2001) selon laquelle la croissance soutenue et le développement durable seraient victimes d’une malédiction liée à la dotation en ressources naturelles. Les obstacles au développement résideraient donc dans la difficulté à dépasser la seule exploitation directe des avantages comparatifs.

26Chaque crise majeure actuelle dans la région déclenche une controverse interne, à la fois académique et politique, autour de la réduction de la dépendance à l’égard des exportations de matières premières. La nécessité d’accroître la valeur nationale des exportations est mise en avant, la construction d’un tissu productif intégré et compétitif, encouragée. L’histoire même de la CEPAL et sa contribution au débat sur le développement depuis sa fondation en 1948, illustre ces échanges. Le point de départ de cette « École latino-américaine de pensée économique et sociale » (Pirela, 1991) est l’approche de la détérioration séculaire de la relation entre les prix des produits d’échange entre les « pays centraux » et les pays « périphériques », entre les pays industrialisés d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie, et l’Amérique latine. L’effort pour réduire la dépendance à l’égard de la production primaire pour l’exportation se ferait par le biais d’un processus d’industrialisation protégé à travers les politiques de substitution des importations. Toutefois, si le modèle de la CEPAL pourrait être pertinent, par exemple, pour l’Argentine et le Brésil, dotés d’avantages comparatifs dans l’agriculture et de leur développement relativement soutenu depuis la seconde moitié du xxe siècle (par-delà des périodes majeures de crise), sa validité pour les autres pays de la région est très discutable. Par exemple, pour les zones tropicales, les îles des Caraïbes, ou des pays comme le Venezuela, pratiquement sans terres agricoles de qualité, il est difficile de parler d’une tradition agricole ou d’un modèle agro-exportateur, pas même avant le pétrole. À cela s’ajoute une diversité de processus politiques, économiques, culturels et institutionnels qui, avant et pendant la colonisation, pendant l’indépendance et après la constitution des États-nations, a mené vers des sociétés de plus en plus complexes et d’une grande variété.

27En outre, les réserves mondiales d’hydrocarbures de l’Amérique latine ne sont pas uniformément réparties entre les pays. Le commerce intra-régional a néanmoins construit des mécanismes d’intégration et de complémentarité. Il inclut parfois les pays les plus petits et les plus pauvres : par exemple, les pays d’Amérique centrale et des Caraïbes, peu dotés en hydrocarbures, ont bénéficié d’accords successifs d’intégration énergétique régionale (San José-1975 et Petrocaribe-2005), promus par le Mexique et le Venezuela. Trinité-et-Tobago, important fournisseur de gaz naturel liquéfié (GNL) des États-Unis, vend du gaz en bouteille à une grande partie des Caraïbes orientales, et propose un projet de gazoduc pour desservir l’arc des petites Antilles jusqu’à Porto Rico. Sinon, les matrices énergétiques de l’Uruguay et du Paraguay, seuls pays sans production d’hydrocarbures, dépendent principalement de l’hydroélectricité. Les autres membres du Mercosur (Argentine, Brésil) leur fournissent des hydrocarbures, le Venezuela leur en vendant aussi, au moins jusqu’à l’effondrement de son économie à partir de 2014.

28En bref, alors que 15 pays latino-américains sont des producteurs plutôt importants d’énergie primaire (pétrole et gaz), environ 90 % de la population actuelle de l’Amérique latine (environ 648 millions d’habitants : voir CEPAL, 2019, p. 163) est, de fait, concernée directement et indirectement par cet avantage comparatif. Trois groupes existent (CEPAL, 2015) : les principaux producteurs (Mexique, Venezuela et Brésil), représentent 68 % de la production régionale  ; ceux de taille moyenne (Colombie, Argentine, Équateur, Pérou, Bolivie, Trinité-et-Tobago,), 31 %  ; les petits producteurs (Cuba, Chili, Surinam, Guatemala, Belize et Barbade), 1 %. Les pays qui dépendent fortement des recettes pétrolières et gazières sont la Bolivie, la Colombie, l’Équateur, le Mexique, le Pérou, le Venezuela et Trinité-et-Tobago. L’Argentine intensifie l’exploitation de grands gisements comme Vaca Muerta au nord de la Patagonie (pétrole et gaz de schiste). L’Amérique latine et les Caraïbes comptent donc sur la carte mondiale des hydrocarbures  ; avec des pays qui sont exportateurs nets : Venezuela, Colombie, Mexique, Trinité-et-Tobago, Équateur, Bolivie, Pérou.

Réflexions finales

29Munis de ces éléments conceptuels et factuels au niveau macro (mondial, national), nous avons pu identifier, en Amérique latine, trois tendances riches d’enseignement sur les convergences/divergences technologiques entre les chaînes de valeur des hydrocarbures et celles du secteur agroalimentaire, sur fond de changements climatiques et de transition énergétique. Tout d’abord, les acteurs des deux chaînes de valeur ont déjà engagé des innovations et des changements dans l’organisation/gestion de la production. Mais ils le font davantage dans le cadre d’une évolution de la convergence technologique séculaire entre les deux secteurs, que dans celui d’une substitution des combustibles fossiles et des produits obtenus par le secteur pétrochimique. Ensuite, l’évolution de l’agriculture familiale, de plus en plus orientée vers des marchés sensibles aux questions environnementales, conduit davantage à des divergences technologiques relativement au secteur des hydrocarbures. Celle de l’agriculture entrepreneuriale amène encore à des convergences technologiques fortes. Enfin, une troisième tendance, à une échelle micro, rend compte d’une coexistence dans les territoires entre les deux mondes productifs. Elle est faite d’arrangements locaux entre les acteurs de l’exploitation des hydrocarbures et ceux du monde agricole, voire même d’intérêts partagés, avec des situations de synergie (agro-combustibles ou biomasse), qui bénéficient de financements publics et privés. Elle soulève des questions de nature différente que celles portant sur la convergence/divergence des chaînes considérées séparément, hydrocarbures et agro-alimentaire. Des recherches empiriques sont nécessaires pour dessiner des modèles de développement qui donneraient une plus grande valeur aux exportations des pays d’Amérique latine et qui favoriseraient la construction de tissus productifs mieux intégrés à l’échelle locale et nationale.

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Bibliographie

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Pour citer cet article

Référence papier

Luis Orozco, Arnoldo Pirela, Denis Requier-Desjardins et Martine Guibert, « Hydrocarbures, production agroalimentaire et transition énergétique en Amérique latine : éléments théoriques de débat »Caravelle, 115 | 2020, 11-24.

Référence électronique

Luis Orozco, Arnoldo Pirela, Denis Requier-Desjardins et Martine Guibert, « Hydrocarbures, production agroalimentaire et transition énergétique en Amérique latine : éléments théoriques de débat »Caravelle [En ligne], 115 | 2020, mis en ligne le 08 février 2021, consulté le 25 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/caravelle/8556 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/caravelle.8556

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Auteurs

Luis Orozco

LEREPS, Université Toulouse 2 – Jean Jaurès
luis.orozco[at]univ-tlse2.fr

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Arnoldo Pirela

CEPED, Institut de Recherche pour le Développement
CENDES, Universidad Central de Venezuela
arnoldo.pirela[at]gmail.com

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Denis Requier-Desjardins

LEREPS, Sciences-Po Toulouse
denis.requier-desjardins[at]ut-capitole.fr

Martine Guibert

UMR CNRS LISST/Dynamiques rurales, Université Toulouse 2 – Jean Jaurès
martine.guibert[at]univ-tlse2.fr

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