Ednodio Quintero, Le fils de Gengis Khan (édition bilingue français/espagnol)
Ednodio Quintero, Le fils de Gengis Khan (édition bilingue français/espagnol), Lyon, Presses Universitaires de Lyon, Collection « Ida y vuelta/Aller-retour », 2019, 576 p.
Texte intégral
1La collection « Ida y vuelta/Aller-retour », dirigée par Philippe Dessommes, José Carlos de Hoyos et Sylvie Protin, est composée de textes de différents genres littéraires. Sur le site web des Presses de Universitaires de Lyon (PUL, France), on explique que l’objectif de cette collection est de publier des textes qui, malgré leur valeur littéraire, ont été laissés de côté en raison des critères du marché éditorial. En outre, il convient de noter que l’édition bilingue propose un exercice de réflexion sur la traduction (http://presses.univ-lyon2.fr/collection.php?id_collection=151).
2Grâce à cet effort bâti sur des projets universitaires, j’ai entre les mains l’édition bilingue français-espagnol du roman Le fils de Gengis Khan d’Ednodio Quintero (2019), traduit par l’atelier hispanique de l’École Normale Supérieure de Lyon dirigé par Philippe Dessommes. Le projet « Aller-retour », culturellement enrichissant, propose au public francophone ce roman publié en espagnol en 2013 (Seix Barral). Son auteur, Ednodio Quintero, est un auteur reconnu dans le panorama de la littérature vénézuélienne contemporaine. Né à Las Mesitas au Venezuela, en 1947, il est également professeur d’université, photographe et spécialiste de la civilisation japonaise.
3Le fils de Gengis Khan se présente comme une expérience littéraire qui repose sur deux soliloques étendus et insoupçonnés, qui s’harmonisent malgré le fait qu’ils se déroulent à huit siècles d’intervalle. De ce fait, nous pénétrons, dans un premier temps, dans le monologue qu’entreprend, dans le ventre de sa mère, Zozlaya, le fils à naître de Gengis Khan et, dans un deuxième temps, dans les élucubrations d’un cavalier insomniaque qui parcourt les Andes vénézuéliennes en rentrant de voyage. Nous sommes les spectateurs des introspections de ces personnages, qui sillonnent l’Asie et l’Amérique. Dans la première partie Dans les Steppes, le fils affligé dans le ventre maternel observe son procréateur conquérir et semer la désolation avec ses armées. Le fœtus accroché à l’angoisse et aux tremblements de sa mère semble déjà condamné par son despotique père. La deuxième partie intitulée Retour à la maison raconte le parcours d’un cavalier qui sillonne parallèlement les Andes et ses souvenirs ; il songe aux moments de sa vie, s’immergeant dans ses échecs et ses pertes, principalement la perte de son père.
4Le roman est introduit par un prologue indispensable d’un autre écrivain central dans le panorama de la littérature vénézuélienne contemporaine, Luis Moreno Villamediana. Cette présentation propose une piste, ou plusieurs, au lecteur pour le guider au-delà de l’évidence d’un roman divisé en deux parties. L. M. Villamediana y définit le roman comme un « monstre androïde aux physionomies multiples [...] produit par cette prolifération d’histoires pas toujours unies par la logique d’un récit central » (5). En proposant une lecture au-delà de ses deux parties, le prologue annonce l’exigence de décodage de plusieurs histoires divergentes que racontent deux personnages insolites (un bébé à naître et un cavalier dans les Andes d’aujourd’hui) dans deux environnements insaisissables.
5Le contexte des Andes établit des références au Venezuela. On trouve dans le roman des références historiques ainsi que certaines expressions orales. Il est probable que le lecteur devra faire appel aux notes des traducteurs, pour clarifier quelques évocations du contexte vénézuélien contemporain ou de son idiosyncrasie. Cependant, comme l’a déclaré le prestigieux chercheur Carlos Pacheco dans son article « Ednodio Quintero: del microcuento a la novela en miniatura », les fictions d’E. Quintero répètent des allusions à son identité, au contexte andin, sans tomber dans la limitation d’une référence régionale : « En primer lugar, el ámbito de la aldea de la infancia y la montaña andina, pero a menudo universalizada, sin concesiones a localismo alguno, donde el erotismo y la violencia están siempre enzarzados y donde incesto, parricidio y venganza a muerte encuentran su asiento natural, a la manera de Rulfo (Pacheco). »
6Le roman d’E. Quintero propose un regard sur le fantasme qui se construit dans la relation au père, à partir de l’impossibilité de se retrouver face à face, tel qu’il se déroule lors de la gestation et des réminiscences après la mort. Dans le roman, le conflit avec le père est relaté à partir de ces deux personnages en modifiant le temps et l’espace d’un récit nourri d’ellipses.
7Le lecteur sera mis au défi de concilier ces histoires et leur étrangeté, d’entrer dans deux personnages confinés par des vies qui s’imposent à eux et les dévastent. Écrit de main de maître, Le fils de Genghis Khan parvient à relier les souvenirs, les rêves et les peurs des personnages, encadrés dans de lointaines références culturelles et historiques. En outre, l’excellent résultat de l’atelier de traduction hispanique de l’École Normale de Lyon, offre la grande opportunité d’entrer dans un roman inhabituel dans la scène littéraire hispano-américaine.
Pour citer cet article
Référence papier
Carmen Victoria Vivas-Lacour, « Ednodio Quintero, Le fils de Gengis Khan (édition bilingue français/espagnol) », Caravelle, 114 | 2020, 190-191.
Référence électronique
Carmen Victoria Vivas-Lacour, « Ednodio Quintero, Le fils de Gengis Khan (édition bilingue français/espagnol) », Caravelle [En ligne], 114 | 2020, mis en ligne le 01 septembre 2020, consulté le 09 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/caravelle/8511 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/caravelle.8511
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