Présentation
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- 1 Voir Anderson, Benedict, L’imaginaire national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalis (...)
- 2 Augé, Marc, Les formes de l’oubli, (1998), Paris, Payot, 2001, p. 18-19.
1Le Paraguay est lié à l’histoire de la revue Caravelle et à celle du latino-américanisme français et pour la seconde fois en un demi-siècle, la revue se focalise sur plusieurs des enjeux que tente de relever ce pays de moins de sept millions d’habitants. Son écrivain le plus connu, Augusto Roa Bastos, exilé à Toulouse entre 1976 et 1996, l’a qualifié à maintes reprises d’« île entourée de terre ». À cette métaphore spatiale de l’insularité vient s’ajouter celle, cette fois temporelle, d’un pays sans mémoire. Et c’est sous le prisme des rapports dialectiques entre oubli et mémoire que cette cartographie a été conçue dans une dimension diachronique et transdisciplinaire. Non seulement, la mémoire et l’oubli ne s’opposent pas, dans leur rapport au passé, mais qui de plus est, tous deux informent le présent. La primauté du présent fait émerger, quant à elle, un paradigme de pensée qui associe destruction et mémoire. La réflexion collective ici proposée, à la fois sociologique, politique, linguistique et poétique, est traversée par le paradoxe bien connu d’une mémoire nationale, collective, issue de la mise en récit de l’histoire, qui vient contrer l’oubli des événements passés et des hommes morts1, face à l’oubli nécessaire, tel que le prônait Renan, pour faire nation. S’inspirant en partie de cette opposition désormais classique, l’anthropologue Marc Augé rappelle combien l’oubli est nécessaire à la société, à l’individu et à la mémoire elle-même et analyse l’oubli sous la forme de trois figures : le retour, le suspens, le recommencement2. Trois figures, trois métaphores temporelles, qui rythment aussi notre questionnement à la fois épistémologique et politique.
- 3 Voir, par exemple, Roa Bastos Augusto, Andreu, Jean L., « Entretien avec Augusto Roa Bastos », Ca (...)
- 4 Il serait long et fastidieux de répertorier dans cette présentation toutes ces publications, que (...)
2En 1970, alors que la politique éditoriale de Caravelle faisait alterner numéros de Mélanges et numéros monographiques, le numéro 14 s’attachait au Paraguay avec plusieurs contributions remarquables dans le domaine linguistique, littéraire et anthropologique, d’auteurs devenus aujourd’hui des « classiques » dans leurs domaines respectifs : León Cadogán, Augusto Roa Bastos, Josefina Plá, Hugo Rodríguez Alcalá, Rubén Bareiro Saguier, entre autres. Depuis lors et jusqu’à aujourd’hui, Caravelle a publié sur le Paraguay des études, des entretiens et des textes de création inédits notamment par le biais de Jean Andreu3, Milagros Ezquerro et à leur suite Jacques Gilard, qui a cherché à perpétuer cette sorte de tradition tant qu’il a dirigé la revue4. Les relations avec Rubén Bareiro Saguier (1930-2014) et surtout Augusto Roa Bastos (1917-2005) ont facilité et nourri ce lien, qui était aussi une des manifestations des liens intellectuels et amicaux entre les américanistes français et les créateurs et intellectuels latino-américains exilés dans l’Hexagone dans le courant des années 60-70. Je souhaite ici faire œuvre de mémoire par rapport à eux et également par rapport à Bartomeu Melià, avec lequel un entretien avait commencé à être élaboré pour accompagner ce dossier. Décédé le 6 décembre 2019 à Asunción, Pa’í Melià, Jésuite, né à Porreras (Majorque) en 1932, installé au Paraguay depuis 1954, avait obtenu en 1969 un doctorat en sciences religieuses de l’université de Strasbourg. Il était le disciple et l’héritier de León Cadogán. En 2011, il recevait le Prix Bartolomé de Las Casas en récompense de son travail et de ses actions infatigables en faveur des peuples indigènes du Paraguay. Il présentait Diálogos de la lengua guaraní en juin 2019, le dernier opus d’une importante production dédiée aux peuples, aux cultures et aux langues guarani.
3Insulaire, mystérieux, silencieux, le Paraguay s’est construit au fil des siècles sur des événements qui ont nourri tout autant son histoire que ses mythes sociaux : conquête, colonisation, réductions jésuitiques, dictature de José Gaspar Rodríguez de Francia, guerre de la Triple Alliance (1865-1870), guerre du Chaco (1932-1935), dictature d’Alfredo Stroessner (1954-1989), transition démocratique dans les années 90. L’évolution et la survivance de la langue guarani, son statut de langue officielle depuis 1992, ses différentes variantes détachées de la présence sur son territoire de peuples indigènes fait partie des spécificités et des paradoxes de cette société complexe. Le pays s’ancre dans le troisième millénaire avec d’inquiétants allers-retours vers ses années les plus sombres. Globalisation et intégration régionale oblige, le Paraguay partage aussi les enjeux de ses voisins latino-américains, sans bénéficier autant que certains d’entre eux, comme l’Argentine ou le Brésil, de l’attention internationale. Phénomènes politiques, mécanismes de réflexion, formes de pensée et de création de cette société séculairement clivée sont analysés dans les contributions de ce dossier à partir de certains de ses acteurs, discours et représentations et à travers le prisme complémentaire de l’oubli et de la mémoire.
- 5 Ricoeur, Paul, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2000, p. 536.
4L’oubli relève de la problématique « de la mémoire et de la fidélité au passé » comme le rappelle Paul Ricœur5. Oubli, mémoire et fidélité au passé vont concerner la période de la dictature d’Alfredo Stroessner (1954-1989), celle de la transition démocratique, qui a suivi la chute de la dictature et trois années du xxe siècle, 1999, 2017 et 2018 que certains événements tragiques lient entre elles. En effet, le 31 mars 2017, le Paraguay sombrait dans une inquiétante crise constitutionnelle. Un mort et une centaine de blessés sont à déplorer parmi les manifestants descendus dans la rue pour montrer leur opposition à un vote du Sénat avalisant une réforme de la Constitution destinée à permettre la réélection du président en exercice. Le Paraguay détient le triste record de la plus longue dictature d’Amérique latine, celle d’Alfredo Stroessner (1954-1989) et la Constitution de 1992, élaborée et approuvée lors du processus de transition démocratique, limite la présidence du pays à un seul exercice pour juguler le risque d’une nouvelle dictature. La fonction de la rue et de la mobilisation citoyenne venait rappeler l’épisode de violence politique, qui est passé à l’histoire comme le « Mars paraguayen », encore un mois de mars mais cette fois de 1999. Le vice-président Luis María Argaña est assassiné et ses partisans entament une marche depuis l’hôpital où se trouve son corps jusqu’au Palais présidentiel. La foule réclame un jugement politique pour le président de la République, Raúl Cubas, et une peine de prison pour le général Lino Oviedo, aussitôt soupçonné d’avoir commandité l’assassinat. Des milliers de Paraguayens, parmi lesquels de très nombreux jeunes, descendent dans la rue pour défendre la démocratie et l’État de droit. Les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre font sept victimes. L’Association Memoria Viva est fondée par certaines familles endeuillées.
- 6 Larrouqué, Damien, « Elecciones en Paraguay: victoria a medias para los Colorados y oposición en (...)
- 7 « Mario Abdo Benitez, un héritier, nouveau président du Paraguay », Le Monde avec AFP Publié le 2 (...)
5Les élections du 22 avril 2018 voient s’affronter divers candidats mais la Constitution ayant été défendue, parmi eux aucun ancien président n’est présent. Les premiers sondages indiquent que 72 % des intentions de vote se portent sur les candidats de l’ANR – Parti Colorado et de l’alliance de gauche, GANAR, constituée autour du parti Libéral. Les candidats du Parti Colorado ont gouverné sans interruption le Paraguay de 1947 à 2008. Le mandat présidentiel de l’ancien évêque Fernando Lugo s’interrompt par destitution en 2012 suite à un jugement politique expéditif. Sur un total de 6,7 millions (chiffre de 2017), 4,2 millions de Paraguayens sont appelés aux urnes pour élire celui qui présidera le pays jusqu’en 2023. Mario Abdo Bénitez, fils de Mario Abdo, le bras droit d’Alfredo Stroessner, candidat de l’ANR-Partido Colorado remporte ces élections6 auxquelles a participé 43 % d’un électorat entre 18 et 34 ans et né après les années de dictature. Alors que le 3 février 2019 est célébré le 30e anniversaire de la « Noche de la Candelaria », qui par un autre coup d’État militaire marqua la fin de la dictature d’Alfredo Stroessner, la presse internationale s’attache à retrouver l’ombre de sa présence dans la vie politique paraguayenne7. Une majorité des sept contributions que composent ce dossier revient sur ces années de dictature, qui pèsent sur la vie sociale et culturelle paraguayenne et constituent une sorte de ligne de partage des eaux.
6Nous avons choisi une organisation relativement chronologique des textes et le dossier débute avec un texte de Ramón Fogel, « Experiencia colonial, memoria y olvido en el Paraguay ». Dans la droite ligne de son œuvre aujourd’hui colossale, il propose un texte engagé, fondé sur des sources documentaires orales. À partir d’une vision croisée de l’expérience de vie des Guaranis monteses et des Guaranis soumis au système des réductions jésuitiques, le sociologue remet en cause la construction hégémonique de la mise en récit de l’histoire débutée à l’époque coloniale. Ce faisant, Ramón Fogel interroge aussi l’articulation entre mémoire et oubli, entre conditions de vie de l’Indien dans le présent et les représentations de son passé exalté et mythifié. Et c’est dans l’hypercontemporain que l’on peut situer la contribution de Manon Naro : « Entre dialogue et conflit : la poésie bilingue en guarani ». À partir d’une immersion linguistique et d’un travail de terrain de plusieurs mois, elle propose à la fois les résultats de sa recherche et une brève anthologie de textes inédits, écrits en guarani, tous genres confondus. Les deux montrent l’évolution linguistique et culturelle que connaît le pays par rapport à cette langue et ses différentes variantes. Même si des dissensions et des divergences persistent par rapport à une norme ou à une forme de guarani considérée comme plus pure que d’autres en usage, il n’en reste pas moins qu’il existe bel et bien aujourd’hui une littérature en guarani – bilingue ou pas – constituée de textes édités et qui s’exportent ne serait-ce que dans le contexte de rencontres internationales où sont mises à l’honneur les langues indigènes. Il y a encore deux décennies, il n’était pas rare d’entendre dans des colloques que la littérature en guarani n’existait pas.
- 8 Ricoeur, Paul, Histoire, mémoire et oubli, op. cit., p. 585.
7Dans la suite de travaux sur la même thématique, avec « Las efemérides como construcción histórica de la memoria nacional en la nomenclatura de Asunción (1942-2007), de la instauración del militarismo nacionalista al fin de la transición », Roberto Céspedes, depuis la perspective de la sociologie historique, s’intéresse à la rue comme espace public de construction de la mémoire nationale. Rôle et fonction d’autant plus importants que la rue est aussi le lieu de la mobilisation et de la résistance populaire. Derrière le nom qui est donné à une rue, il y a toujours une volonté politique : ne s’agit-il pas d’une mémoire « obligée », « commandée8 » ? Lorena Soler, dans « Memorias y actores. Las conmemoraciones en torno a la caída del régimen stronista » s’intéresse, à travers l’analyse d’un corpus de presse issu du journal ABC Color, au conflit mémoriel dans la dynamique sociale des commémorations de la chute du régime stroniste, le 2 et 3 février 1989. Elle dégage quatre cycles historiques au cours de ces trente années et en conclut à un déplacement du discours de la « réconciliation nationale » vers un autre discours dont l’axe est la demande de justice face à la violation des droits de l’homme. Lorena Soler souligne :
Aquí miramos los actores (Gobierno, Iglesias, organismos de derechos humanos, militares, partidos políticos, movimientos sociales, sindicatos) que se ocultaron o se presentaron en el espacio público y los discursos que emanan desde 1989 al 2019. Como todo mito de origen o conmemoración, los días 2 y 3 de febrero irán variando en su significación política y social, y la propuesta es leerlos como parte de una trama de procesos de continuidad y ruptura que atraviesa el orden político a partir de algunos hitos constituidos a lo largo de los treinta años de democracia.
8Les itinéraires de l’oubli et du pardon se croisent. Le pardon « en tant qu’apaisement de la mémoire » est « la dernière étape d’un cheminement de l’oubli » souligne Paul Ricœur.
9Eduardo A. Russo avec « Paz Encina: Voces en la oscuridad. Sonido, cuerpo y presencia en el trabajo sobre los Archivos del Terror » montre la place de Paz Encina dans le cinéma paraguayen actuel, évoque son esthétique particulière, qui au-delà de Hamaca paraguaya, le long métrage qui l’a fait connaître du grand public, touche à la temporalité, à la mémoire et à différentes formes d’arts visuels. Le chercheur argentin analyse l’œuvre de la cinéaste davantage en rapport avec le travail douloureux de recherche qu’elle a effectué dans les Archives de la Terreur, découvertes en 1992 et son rapport aux post-mémoires. Cette immersion dans le passé traumatique de la nation et de sa propre famille semble avoir, pour elle, valeur de dette à l’égard des victimes torturées, des morts ou disparus. Eduardo A. Russo s’intéresse plus particulièrement au rôle et à la fonction des voix, entendues par la cinéaste dans les Archives de la Terreur, et sublimées dans son œuvre en ce qu’il qualifie de « tejido vocal de la memoria » :
Dentro del espectro de la producción de Encina, transversal a distintas expresiones de la creación audiovisual, la voz configura un hilo conductor y se asienta como principal responsable de su consistencia. Es por esa voz instalada en un lugar intersticial, entre uno y otro, entre vida y muerte, lo visible y lo invisible, entre la ausencia y la representación, que se puede conjurar la pérdida y establecer ese lazo que liga la emoción con la comprensión. Y puede hacerlo, como recordaba Vasse, constituyendo ni más ni menos que una travesía. La creación de Paz Encina, con la exploración de sus voces en la oscuridad y su poderosa configuración de efectos de presencia que rehuyen la representación plena para delinearse en lo entre-visto y lo entre-oído, sobre un fondo de ausencias irreparables, se convierte en un punto de referencia crucial para pensar las relaciones entre arte audiovisual contemporáneo, política y memoria en América Latina. Por un lado, comporta una exploración de alcance excepcional en torno a la relación entre arte, historia y memoria. Por otro, forma parte de un ejercicio ineludible en la actualidad del continente, marcando formas posibles de conocimiento y de intervención que articulan poética y política, enfrentando acechanzas que, lejos de haberse disipado en un pasado distante, proyectan ominosas sombras sobre nuestro presente.
10Damien Larrouqué et Julien Demelenne, proposent de « Réévaluer le rôle de la société civile dans la transition démocratique (1989-2019) » et s’approchent de l’actualité politique paraguayenne la plus récente pour faire émerger l’idée d’une société civile paraguayenne, comme acteur politique, engagé dans tous les événements politiques majeurs du pays depuis 1989 jusqu’aux dernières élections de 2018. Les auteurs attirent l’attention sur le fait que
la moitié de la population paraguayenne a aujourd’hui moins de trente ans et n’a pas connu le Stronato. Tout porte à croire que les aspirations au changement vont être confortées par cette nouvelle génération, non seulement plus ouverte sur le monde que ses aînées, mais également moins encline à cautionner des pratiques patrimonialistes héritées d’un régime sous lequel elle n’a pas grandi et auquel elle ne doit rien. Les recherches devront être poursuivies afin de mesurer l’impact que cette jeune génération, ultra-connectée et adepte des réseaux sociaux, est susceptible d’exercer sur le fonctionnement institutionnel et politique du Paraguay contemporain.
11Membre de l’Académie Paraguayenne de la Langue Espagnole, fin connaisseur de la littérature de son pays et romancier lui-même, Bernardo Neri Farina offre une vision désenchantée de la littérature nationale dans son rapport aux politiques culturelles et éducatives de l’État paraguayen. Dans sa contribution, « Literatura paraguaya: un grito en voz baja », il affirme : « El carácter de un país define bastante el carácter de su literatura. Para hablar de literatura es preciso hablar también de la lectura » et établit le questionnement suivant :
¿Cuán importante es la literatura en la vida del Paraguay? ¿Hay una relación entre literatura y sociedad? ¿Existe un Estado que entiende a la literatura como un factor importante en la vida de la comunidad? ¿Hay políticas públicas que permitan difundir el libro y la lectura? ¿Hay políticas públicas capaces de sostener la creación literaria como una producción orgánica?
12Les propositions de réponse sont faites à partir d’une vision diachronique de cette littérature, depuis ses origines jusqu’aux publications les plus récentes. Augusto Roa Bastos y est mentionné en deux lignes et comparé à Borges en ce qu’il est davantage cité que réellement lu. En 2017, le centenaire de la naissance de Roa Bastos, a fait l’objet de nombreuses manifestations publiques gérées en grande partie depuis l’État. En effet, dès le 30 décembre 2016 le Congrès ratifiait la Loi no 5790 et ses six articles. Le premier article précisait : « Declárase “Año del Centenario de Augusto Roa Bastos” el período comprendido entre el 1 de enero al 31 de diciembre de 2017 ». Le second article rentre dans les détails de la création d’une Comisión Nacional de Conmemoración, à la tête de laquelle se trouve la Secretaría de Cultura, et qui inclut aussi :
la Secretaría de Políticas lingüísticas, del Turismo, el Cabildo, Centro Cultural de la República, un representante de la Comisión de Cultura, Educación, Culto y Deportes del Senado, un representante del Ministerio de Educación y de la Cultura, un representante del Ministerio de Asuntos exteriores, un representante de Secretaria Nacional de Deportes y un representante de la Fundación Augusto Roa Bastos
13crée en 2005 par les deux enfants aînés de l’écrivain Carlos et Mirta Roa. La Comission Nationale a, à son tour, nommé un comité constitué par cinq personnalités « de reconocida y pública solvencia intelectual ». Les objectifs qu’énumère l’article quatre sont les suivants :
- 9 [http://www.cultura.gov.py/2017/01/ley-n-5790-que-declara-ano-del-centenario-de-augusto-roa-basto (...)
a) Planificar, coordinar e implementar el programa de eventos nacionales e internacionales y llevar adelante los festejos conmemorativos del Centenario del Nacimiento de nuestro genio literario; b) Elaborar programas específicos a ser implementados en los ministerios y secretarias ejecutivas integrantes de la Comisión Nacional; y, c) Promover concursos literarios en todos los géneros”. El quinto artículo precisa que los gastos corren a cargo de la Secretaría de Cultura9.
- 10 Fernandes, Carla, « Introduction », Un siglo de Augusto Roa Bastos (1917-201), Madrid, Alcalá de (...)
- 11 Ibid.
14Dans un moment de grand désarroi politique, un usage officiel a été fait de l’image de cet écrivain, « paraguayo y famoso » – comme le précisait une campagne publicitaire dans la presse et les médias au début des années 90 – par le pouvoir en place10 : « asociadas en el imaginario colectivo, la vida y la obra confluyen y hacen de Augusto Roa Bastos un símbolo político civil de la democracia paraguaya11 ». Des trois figures de l’oubli empruntées à Marc Augé au début de cette présentation, celle du « recommencement » s’adapte aux circonstances paraguayennes.
15La pandémie liée au Coronavirus est venue croiser la route de ce dossier consacré par Caravelle au Paraguay. Au moment de sa préparation, ici comme ailleurs, l’heure du confinement puis du déconfinement a sonné engendrant son lot de difficultés personnelles et collectives, matérielles et intellectuelles. La menace du virus conduit les États à fermer leurs frontières, à stopper – ou du moins réduire drastiquement – les mobilités à l’international. Notre espace se réduit, nous sommes frappés d’immobilité mais vivons simultanément dans plusieurs temps, chacun démultiplié par les contacts sociaux et professionnels devenus majoritairement numériques et virtuels. Nos actions et nos mobilités quotidiennes, restreintes et reportées, nous obligent à une réflexion plus large sur notre rapport au passé et à l’avenir. Un changement de paradigme est en cours dans la relation espace-temps et dans notre rapport à eux. L’isolement, la solitude, le silence, l’insularité, tous ces termes qui ont servi à caractériser de façon stéréotypée le Paraguay, à travers son histoire, semblent désormais pouvoir être partagés par une grande partie de l’humanité. L’oubli – le fait de ne pas garder en mémoire – et la mémoire entrent aussi en résonance avec l’espace-temps depuis lequel ce dossier est bouclé.
Notes
1 Voir Anderson, Benedict, L’imaginaire national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, Paris, la Découverte, 2002, p. 198-199.
2 Augé, Marc, Les formes de l’oubli, (1998), Paris, Payot, 2001, p. 18-19.
3 Voir, par exemple, Roa Bastos Augusto, Andreu, Jean L., « Entretien avec Augusto Roa Bastos », Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien, no 17, 1971, p. 207-218 [DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3406/carav.1971.1835 www.persee.fr/doc/carav_0008-0152_1971_num_17_1_1835]. Cet entretien a été réalisé alors que Roa Bastos vit en Argentine et est en pleine écriture du roman Yo el Supremo (1974).
4 Il serait long et fastidieux de répertorier dans cette présentation toutes ces publications, que les outils bibliographiques actuels permettent de retrouver facilement.
5 Ricoeur, Paul, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2000, p. 536.
6 Larrouqué, Damien, « Elecciones en Paraguay: victoria a medias para los Colorados y oposición en emboscada », Les études du CERI, no 239-240, OPALC, janvier 2019, p. 68-69.
7 « Mario Abdo Benitez, un héritier, nouveau président du Paraguay », Le Monde avec AFP Publié le 23 avril 2018 [https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2018/04/23/la-droite-conserve-le-pouvoir-au-paraguay-avec-l-election-de-mario-abdo-benitez_5289115_3222.html].
8 Ricoeur, Paul, Histoire, mémoire et oubli, op. cit., p. 585.
9 [http://www.cultura.gov.py/2017/01/ley-n-5790-que-declara-ano-del-centenario-de-augusto-roa-bastos-6/] « Esta Comisión tendrá por objetivo, además de la agenda de conmemoración de los 100 años del nacimiento del genio literario, la promoción de los concursos literarios entre otros. Gaceta Oficial de la República » [http://www.gacetaoficial.gov.py/index/getDocumento/40826].
10 Fernandes, Carla, « Introduction », Un siglo de Augusto Roa Bastos (1917-201), Madrid, Alcalá de Henares, 2017, [https://www.unebook.es/es/ebook/un-siglo-de-augusto-roa-bastos-1917-2017_E0002650386].
11 Ibid.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Carla Fernandes, « Présentation », Caravelle, 114 | 2020, 7-14.
Référence électronique
Carla Fernandes, « Présentation », Caravelle [En ligne], 114 | 2020, mis en ligne le 01 septembre 2020, consulté le 15 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/caravelle/7096 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/caravelle.7096
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