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La mine hier et aujourd'hui en Amérique latine

Le regard de Sebastião Salgado sur les -travailleurs de la mine de Serra Pelada (1986) : esthétique d’une servitude moderne

Marion Gautreau
p. 111-126

Résumés

Dans ce texte, nous analysons l’un des reportages célèbres du photographe brésilien Sebastião Salgado : « La mine d’or de Serra Pelada. État du Pará. Brésil ». Réalisées en 1986, ces photographies font partie d’un projet plus vaste, intitulé « la main de l’homme », cherchant à représenter différentes façons de travailler sur la planète. Le reportage sur la mine d’or interroge sur le rapport de l’homme au profit, la frontière entre humanité et animalité ainsi que la persistance des rapports de domination en Amérique latine à la fin du XXe siècle.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Salgado, Sebastião, La main de l’homme. Une archéologie de l’ère industrielle, Paris, Éditions de (...)
  • 2 Salgado, Sebastião, Serra Pelada, Arles, Actes Sud, 1999, 144 p. (coll. Photo Poche Société n°4).

1Le reportage effectué en 1986 par le désormais célèbre photographe brésilien Sebastião Salgado sur la mine d’or à ciel ouvert de Serra Pelada occupe une place privilégiée dans son œuvre. La plupart des projets de photographie documentaire de S. Salgado, réalisés sur de nombreux mois ou années sont publiés dans des ouvrages qui regroupent des séries photographiques effectuées dans plusieurs pays. C’est le cas du reportage qui nous intéresse ici, puisqu’il fait partie du livre intitulé La main de l’homme. Une archéologie de l’ère industrielle1. Mais les quelques dizaines de photographies de la mine d’or ont également bénéficié d’une publication particulière ; elles sont regroupées dans un Photo poche qui leur est exclusivement dédié2 et qui véhicule l’idée d’un travail voué à dénoncer les conditions misérables dans lesquelles évoluent ces travailleurs de la boue et de l’or.

2La renommée de ce reportage est très certainement due à la conjonction de deux mythes qui se rejoignent dans les photographies : le mythe de la ruée vers l’or et le mythe de Sisyphe, ce dernier anéantissant immédiatement l’imaginaire véhiculé par le premier. Par le nombre d’individus présents sur le site dans la mine, on mesure le pouvoir qu’exerce encore sur nos contemporains les plus défavorisés l’attrait du précieux métal ; mais les images proposées par S. Salgado soulignent bien davantage le caractère vain de cette quête et les conditions de travail qu’un homme est capable d’endurer dans l’espoir de subvenir à ses besoins et, éventuellement, de s’enrichir.

3Le Brésilien n’est pas le seul photographe à s’être intéressé à Serra Pelada3. Son compatriote Miguel Rio Branco s’est également rendu sur place en 1986. Fidèle à sa prédilection pour la couleur, il a produit une série dans des tons rouges et ocres. L’artiste chilien Alfredo Jaar les avait précédés en 1985. Il a réalisé à Serra Pelada un travail photographique intitulé « Gold in the Morning4 » dont les tonalités ocre et sépia rappellent constamment la couleur et les reflets de l’or. Il a monté par la suite une installation dans la station Spring Street du métro new-yorkais dans laquelle ses propres photographies étaient mises en parallèle d’affiches annonçant le cours de l’or dans différentes places boursières ; son objectif était alors de faire réfléchir le spectateur éphémère du métro sur la chaîne invisible qui lie ceux qui extraient avec leurs mains le minerai à ceux qui le vendent sans jamais le toucher ni le voir.

  • 5 Il n’a pas été possible d’obtenir les droits de publication des photographies de Sebastião Salgad (...)

4Bien que les trois séries photographiques présentent de grandes similitudes, nous avons choisi de nous concentrer exclusivement sur le reportage de S. Salgado, afin de donner une cohérence à notre propos et en raison des questions qu’il soulève. En effet, l’œuvre de S. Salgado dans son ensemble est sujette à controverse et il n’est pas possible d’interroger ses images sans tenir compte du caractère polémique de son travail. Notre objectif est donc de replacer le travail de Serra Pelada dans la généalogie de l’œuvre « salgadienne » et de nous demander dans quelle mesure il conserve des qualités documentaires permettant d’informer un lecteur/observateur contemporain sur les conditions de travail au xxe siècle dans une mine d’or du continent sud-américain5. Nous travaillerons à partir de la définition du documentaire photographique proposée par Jean Kempf :

  • 6 Kempf, Jean, « La photographie documentaire contemporaine aux États-Unis », Transatlantica, 2, 20 (...)

Le documentaire procède d’abord d’une idée critique du monde et espère tirer des images des résultats, des effets sur ce monde ; le documentaire est outil de critique sociale […] et ses valeurs sont le plus souvent celles de l’humanisme militant. Il veut non seulement comprendre mais expliquer, non seulement témoigner mais mobiliser ; il fonctionne sur l’affirmation de notre humanité commune6.

I- Photographier la mine et ses travailleurs au xxe siècle

5Avant le xxe siècle, la photographie est rarement considérée comme sociale ou engagée. Au cours du xixe siècle, les photographes portraiturent, documentent, commencent à informer et cherchent parfois à se faire une place aux côtés des Beaux-Arts ; mais ce n’est qu’avec l’avènement de la presse illustrée par la photographie, du courant humaniste et du style documentaire – tous consolidés dans la période de l’entre-deux-guerres – que la photographie va être résolument utilisée à des fins de constatation puis de dénonciation à travers une pratique qui se veut engagée, voire militante. La situation des mineurs va alors devenir un sujet photographique à part entière suscitant l’intérêt de nombreux photographes.

6Lewis Hine est l’un des premiers à s’attaquer aux conditions de travail des mineurs, notamment en se focalisant sur le travail des enfants dans les mines, lors d’une collaboration avec le National Child Labor Committee qui lutte contre l’emploi des enfants dans l’industrie lourde.

  • 7 Brandt, Bill, Ombre de lumière, Paris, Éditions Chêne, 1977, p. 36-48.

7Deux décennies plus tard, Bill Brandt photographie les travailleurs dans les mines de charbon au Nord de l’Angleterre dans un contexte de post-crise de 19297. L’esthétique fortement contrastée de ses photographies avec une omniprésence des noirs soutenus souligne la tragique existence des mineurs qui ne font que survivre dans un quotidien désenchanté.

  • 8 Goldblatt, David, Gordimer, Nadine, On the Mines, Göttingen, Steidl, [1973] 2012.

8La mine devient un sujet récurrent à partir des années 1960 avec de nombreux reportages sur différents types de mines en de multiples endroits de la planète. Le Sud-africain David Goldblatt s’intéresse par exemple aux mines d’or dans le Witwatersrand et offre une série de clichés pris entre 1965 et 1971 montrant les paysages miniers, les mineurs au travail ainsi que leurs habitations8.

  • 9 Tous ces reportages peuvent être consultés à travers le catalogue numérique de l’Agence Magnum Ph (...)

9De nombreux photographes de l’Agence Magnum se sont ensuite emparés du sujet : Bruce Davidson et les mines de charbon en Galles du Sud (vers 1965), Ian Berry et les mines d’or en Ouganda (2016), Ferdinando Scianna observant la vie des mineurs dans le village de Kami en Bolivie (vers 1987) ou Moisés Saman photographiant une mine d’or à La Rinconada dans les Andes péruviennes (2015)9. Pour ce qui est du sous-continent latino-américain, les reportages miniers ne manquent pas. L’un d’entre eux, incontournable, est celui réalisé par Jean-Claude Wicky sur les mineurs boliviens entre 1984 et 2000.

  • 10 Son travail est visible à travers un livre et un film documentaire : Wicky, Jean-Claude, Mineros. (...)

10Ce photographe suisse autodidacte s’est rendu pendant une quinzaine d’années dans ce petit pays d’Amérique du Sud afin de mettre en images le travail dans les profondeurs de la terre10. Avec des photographies en noir et blanc, il montre des mineurs dans leur vie quotidienne familiale, sociale ou de labeur. La longue durée du reportage est palpable dans ces portraits où l’on ressent une grande empathie du photographe envers les hommes qu’il fige sur la pellicule. Leurs visages, même sales, semblent toujours lumineux dans l’obscurité de la mine qui constitue l’arrière-plan des portraits. La fatigue et la dignité des mineurs cohabitent sur ces images qui retracent un monde nocturne et souterrain visuellement méconnu.

11Le reportage de Wicky offre de longs textes sur la politique minière bolivienne et les conditions de travail des mineurs. Ses images, par leur diversité thématique et les choix de cadrage – notamment –, permettent une contextualisation de la problématique minière en Bolivie à la fin du xxe siècle. À l’inverse, le reportage de S. Salgado sur la mine d’or à ciel ouvert de Serra Pelada, de plus courte durée, est exclusivement centré sur la fosse et les colonnes d’hommes escaladant inlassablement ses pentes. Les choix de cadrage de S. Salgado et l’absence de diversité thématique dans ses photographies de Serra Pelada offrent un regard très différent de celui de Wicky sur la mine en Amérique latine.

II- L’engagement et l’esthétique controversés de Sebastião Salgado

12Il est difficile de proposer une étude du travail du photographe brésilien sans revenir, au préalable, sur plusieurs décennies de controverses autour de l’esthétique de ses images en noir et blanc et de sa stratégie entrepreneuriale de commercialisation des images. En raison de ces polémiques, certains auteurs remettent même en cause la valeur documentaire des clichés du Brésilien.

  • 11 Ces données proviennent de la biographie officielle de S. Salgado, fournie par l’Agence Amazonas  (...)
  • 12 Bouveresse, Clara, Histoire de l’agence Magnum. L’art d’être photographe, Paris, Flammarion, 2016 (...)
  • 13 Ibid., p. 308.

13S. Salgado devient photographe après avoir réalisé des études d’économie et avoir occupé pendant quelques années des fonctions d’économiste auprès du ministère des Finances brésilien et de l’Organisation mondiale du café basée à Londres11. En 1973, il entre en tant que freelance à l’agence Sygma où il reste deux ans. Puis il rejoint Raymond Depardon, alors à la tête de l’agence Gamma, de 1975 à 197912 et en repart avec lui à Magnum où il reste de 1979 à 1993. S. Salgado ne réussit pas à mettre en œuvre ses projets de réformes au sein de l’agence (volonté de valorisation des archives et de la photothèque) et se sent contraint par l’appartenance à ce « club »13 . Suite à sa démission, il fonde avec sa femme et collaboratrice de toujours, Lélia Wanick Salgado, Amazonas Images en 1994, une « agence exclusivement vouée au travail du photographe Sebastião Salgado », comme cela est indiqué sur la page d’accueil du site web. À partir de cette date-là, la diffusion et la commercialisation de ses photographies va s’intensifier. Il se convertit progressivement en une sorte de « vedette » de la photographie documentaire à l’heure où cette dernière commence à entrer dans les musées et les galeries par la grande porte. À la controverse déjà existante sur son esthétisation de la misère – soulevée notamment par les images de la famine au Sahel – s’ajoute la critique de l’ « entreprise Salgado », assez éloignée de l’apparent désintérêt des photographes documentaires pour l’enrichissement personnel :

  • 14 Ibid., p. 315.

Les nombreuses expositions du travail de S. Salgado […] suscitent toujours des éloges et des critiques. Son travail magnifie la souffrance. Ses images noir et blanc de réfugiés soudanais, par exemple, sont transpercées par une lumière dramatique rappelant les gloires de la peinture religieuse. Accusé à plusieurs reprises d’exploiter la misère à des fins esthétiques, il demeure, comme James Nachtwey ou Donald McCullin, un photographe renommé. Tous exercent une fascination ambivalente.
Le doute subsiste quant aux motivations et aux effets de leur travail : sont-ils vraiment animés par une volonté de témoignage, pour mobiliser l’opinion ? Ou ne font-ils que satisfaire leur propre désir voyeuriste, et celui du public, au passage ? Ne sont-ils pas avant tout mus par la quête de la sensation et du succès14 ?

  • 15 Mraz, John, « Sebastião Salgado: Ways of Seeing Latin America », Third Text, 16:1, Londres, 2010, (...)

14Le fondement des critiques à l’encontre de S. Salgado est à trouver dans des choix esthétiques tranchés, reconnaissables comme une « marque d’auteur » et jouant notamment sur les contrastes et les lumières rapprochant ses photographies de la peinture. Le soin extrême que son agence apporte ensuite à l’exécution de livres de grande qualité mais coûteux, renforce cette impression de commerce réalisé grâce au regard porté sur les souffrances et les injustices de la planète Terre. John Mraz parle par exemple de « fine art photojournalism » pour décrire le travail du Brésilien ; il le différencie du « traditional photojournalism » où l’esthétique des images et le soin apporté à leur mise en page importerait moins15.

  • 16 Bourcier, Nicolas, Stevan, Caroline, Guillot, Claire, « Sebastião Salgado, liaisons dangereuses » (...)

15En ce qui concerne son dernier projet de grande envergure, Genesis, la controverse s’est également construite autour des financements obtenus par Sebastião Salgado auprès du groupe privé Vale pour mener à bien ce travail. Ce groupe, qui provient de la même région que S. Salgado – Rio Doce – est la deuxième entreprise minière du monde et a reçu de nombreuses amendes de l’Institut brésilien de l’environnement pour différentes atteintes d’ordre écologique16. Or, sur le site de l’Agence Amazonas Images, Genesis est défini ainsi :

Ce nouveau projet est sur le thème de notre planète, la nature, sa grande beauté, et ce qu’il en reste encore, à côté des nombreuses destructions causées par les activités humaines. Il s’agit de tenter d’en faire le portrait, de montrer la beauté et la grandeur des endroits encore intouchés, les paysages, la vie animale, et bien entendu les communautés humaines qui continuent à vivre selon de très anciennes cultures et traditions. Il s’agit de voir, de s’émerveiller et de comprendre la nécessité de préserver tout cela ; et enfin, d’inspirer à l’action pour cette préservation17.

  • 18 Voir Sontag, Susan, Devant la douleur des autres, Paris, Christian Bourgeois Éditeur, 2003, p. 85 (...)
  • 19 Salgado, Sebastião (avec Isabelle Francq), De ma terre à la terre, Paris, Presses de la Renaissan (...)
  • 20 Au Brésil, le « garimpeiro » est un travailleur de la mine, qui prospecte souvent de façon indépe (...)

16Cette vision à la fois idyllique et militante du couple Salgado sur le sort de la planète – parfois considérée comme trop moralisatrice par certains critiques18 – ne semblerait pas pouvoir s’accommoder d’un sponsor aux caractéristiques du groupe Vale. Le photographe n’a d’ailleurs pas toujours défendu l’industrie minière – et ce groupe en particulier – comme il paraît le faire aujourd’hui sans doute pour des raisons plus strictement commerciales qu’idéologiques. Il relate lui-même que lors de son arrivée à Serra Pelada, et après avoir répondu à un mineur qui lui demandait s’il venait du Rio Doce (nom de sa vallée natale), « la rumeur s’est aussitôt propagée dans la mine selon laquelle j’étais envoyé par l’entreprise Vale do Rio Doce, légalement la propriétaire de la concession »19. Le photographe ne remet pas alors en question la colère des mineurs le prenant pour un espion de l’entreprise en charge de l’exploitation de la mine, comme s’ils l’exerçaient de plein droit. Cependant, il est nécessaire de souligner que dans le projet « La main de l’homme » – dont fait partie le reportage à Serra Pelada – son auteur précise qu’il ne prétend pas dénoncer les formes de production ou l’exploitation du travailleur, mais plutôt rendre hommage aux savoirs ancestraux et aux formes artisanales du travail encore présentes à la fin du xxe siècle. Néanmoins, la lecture des photographies de cet ouvrage induit souvent un regard critique, voire de dénonciation. « Serra Pelada » occupe d’ailleurs une place à part – nouvelle peut-être – dans la première décennie de pratique photographique « salgadienne ». John Mraz – pourtant très critique à l’égard des premiers travaux de S. Salgado sur l’Amérique latine figurant dans le recueil Other Americas – considère d’un autre œil la série sur les garimpeiros20 brésiliens :

  • 21 Mraz, John, op. cit., p. 23.

This reportage could well serve as a metonym for the infinite aberrations of a world with so little hope. It represents a significant advance over Other Americas, for here estrangement is not mysterious; rather it derives directly from the manifestly horrible conditions in which these poor devils live and work. That is not the case with Other Americas, whose images contain little visual information because they were taken predominantly in a way so as to eliminate social, political and economic contexts. The garimpeiro images are capable of generating metaphors with little text because the sharply delimited situation requires little verbal explanation21.

17Après avoir fait un bref tour d’horizon des reportages documentaires autour de la mine dans le monde et après avoir rappelé que toute analyse des photographies de Sebastião Salgado ne peut se faire en méconnaissant l’ambivalence de la critique et du monde de la photographie à son égard, il est temps de se pencher de façon détaillée sur le reportage de Serra Pelada.

III- La mine d’or de Serra Pelada à travers l’objectif de S. Salgado

3.1- Le projet « La main de l’homme »

  • 22 Ce reportage est publié dans le recueil Other Americas.
  • 23 Salgado, Sebastião, Sahel. L’homme en détresse, Paris, Prisma Presse, 1986, 106 p.

18« La main de l’homme » est le troisième projet de grande envergure de Salgado. Après un premier reportage au long cours sur l’Amérique latine entre les années 1977 et 198422, le photographe se rend en 1984 et 1985 dans différents pays du Sahel (Tchad, Ethiopie, Mali, Soudan, Erythrée) où il accompagne les équipes de Médecins sans frontières. Ce travail est ensuite publié en 1986 dans un livre intitulé Sahel, L’homme en détresse23, qui a beaucoup contribué à la renommée de Sebastião Salgado.

  • 24 L’échelle de la planète sera par la suite conservée pour ses projets sur la migration, Exodes, et (...)
  • 25 Salgado, La main de l’homme, op. cit. L’analyse des photographies mentionnées dans cet article a (...)
  • 26 Ibid., p. 7.

19S. Salgado entreprend ensuite pour la première fois un projet à l’échelle planétaire24. La publication issue du travail réalisé entre 1986 et 1991 s’intitule La main de l’homme. Une archéologie de l’ère industrielle25. Le livre s’ouvre sur une épigraphe qui résume les intentions de son auteur : « Ce livre est un hommage aux travailleurs, l’adieu à tout un monde qui est en train de disparaître lentement, un tribut à ces hommes et à ces femmes qui travaillent encore avec leurs mains, comme ils l’ont fait pendant des siècles26. » La notion d’hommage est centrale dans l’ouvrage qui ne se place pas explicitement du côté de la dénonciation des conditions de travail. Il y a pourtant de nombreuses images qui mettent en lumière la précarité de ces travailleurs, la dangerosité des tâches effectuées, des produits manipulés ou des lieux dans lesquels ils évoluent.

  • 27 La division en chapitres n’est pas explicitée et semble relativement arbitraire.
  • 28 Le format du livre est très grand : 25 x 3,6 x 31,1 cm. Les photographies dépliées sur les double (...)

20Le livre est divisé en six chapitres27 et 28 reportages. Le regard du photographe s’est posé sur les plantations de thé au Rwanda, sur la pêche en Galice, l’extraction de pétrole en Azerbaïdjan, la construction du tunnel sous la Manche ou encore les mines de plomb du Kazakhstan. C’est un voyage éclectique sur quatre continents (l’Océanie manque à l’appel) qui est proposé au lecteur. Ce lecteur est d’ailleurs avant tout un observateur, confronté à des photographies grand format, occupant soit une page entière (lorsqu’il s’agit de formats verticaux), soit une double page (pour les formats horizontaux)28. Les titres des reportages et les légendes des images ne sont pas présents au fil de la lecture, mais apparaissent dans un fascicule volant de 23 pages inséré dans chaque exemplaire du livre. Chacun des reportages y est introduit par un texte assez détaillé retraçant une sorte de généalogie du type de travail mis en avant, la culture séculaire du tabac à Cuba par exemple. Puis un court texte donne des informations sur le contenu de chacune des photographies dont la prise est localisée géographiquement et datée. Les êtres humains, présents sur la quasi-totalité des photographies, ne sont jamais nommés. Ils sont donc photographiés pour leur appartenance à un type de métier, d’artisanat, de labeur et non pas en raison de leur identité individuelle. Cette absence d’individuation des personnes photographiées, récurrente chez S. Salgado, est dénoncée par Susan Sontag dans son ouvrage célèbre au titre éloquent Devant la douleur des autres :

  • 29 Sontag, op. cit., p. 86.

Mais le fond du problème concerne les photographies elles-mêmes, et non les circonstances ou le lieu de leur exposition : il est dans l’intérêt exclusif de ces images pour les impuissants, réduits à leur impuissance. Un portrait qui refuse de nommer son sujet se fait complice, même par inadvertance, du culte de la célébrité qui alimente l’appétit insatiable du public pour l’autre forme, adverse, de photographie : en ne concédant de nom qu’aux plus illustres, on ravale les autres au simple rang de représentants de leur profession, de leur ethnicité, de leur triste état29.

21Les titres des reportages n’étant pas inscrits au début de chaque corpus de photographies, le lecteur a parfois des difficultés à savoir à quel moment l’on passe d’un travail à un autre, d’un pays à un autre. Cette confusion – qui semble voulue par les concepteurs du livre – renforce la sensation d’être en présence d’une fresque de grande ampleur et rapproche toutes les nationalités de travailleurs vers un espace commun : celui de l’engagement des corps dans l’effort réalisé pour subvenir à ses besoins. Néanmoins, le lecteur désireux d’en apprendre davantage utilisera le fascicule qui, par sa lecture attentive, oblige à s’attarder sur les images une à une, et redonne de la spécificité à chacune des activités humaines enregistrées. Le choix de séparer les textes des photographies semble, à la réflexion, assez pertinent, car il offre donc deux chemins pour parcourir le travail de S. Salgado : un chemin exclusivement visuel qui rapproche l’ensemble des travailleurs de la planète dans un effort commun, et un chemin plus lent qui – grâce à une contextualisation à travers les mots – approfondit le regard posé sur la spécificité de chaque femme et de chaque homme au travail.

3.2- Le reportage de S. Salgado sur la mine de Serra Pelada

  • 30 Becker, Bertha, « Gestion du territoire et territorialité en Amazonie brésilienne : entreprise d’ (...)

22La mine de Serra Pelada se trouve dans l’état du Pará, au nord-est du Brésil. Elle a été découverte par hasard à la fin des années 1970. Une fois que la présence possible d’or en grande quantité a été déterminée, une véritable ruée vers l’or s’est produite au début des années 1980. Le chiffre avancé par S. Salgado sur le nombre de travailleurs descendant dans la mine chaque jour est celui de 50 000 ; ce qui en ferait l’une des plus grandes exploitations du xxe siècle en termes de nombre de travailleurs. La mine a été exploitée manuellement, sans équipement mécanique, jusqu’à atteindre la nappe phréatique. La question du mode d’exploitation (manuel ou à l’aide de machinerie industrielle) a longtemps opposé les garimpeiros à l’État brésilien. Ce dernier prônait l’exploitation mécanique mais a dû plier face à la force numérique des garimpeiros défendant le travail dont ils s’étaient emparés de façon spontanée avant toute réglementation30. En raison de l’impossibilité de continuer à l’exploiter sans une machinerie de pointe et de façon souterraine, la mine a été fermée en 1992.

  • 31 Les sept photographies mentionnées sont publiées de la page 300 à la page 311.
  • 32 Ces 19 photographies au petit format ne sont pas légendées.

23Le reportage « Or, Serra Pelada, Brésil » fait partie du chapitre iv de La main de l’homme. Il est constitué de 27 photographies réparties sur 20 pages. Il s’ouvre sur sept photographies au format horizontal, chacune d’entre elles déployée sur une double page, que nous allons analyser en détail31. Viennent ensuite deux photographies horizontales qui se font visuellement écho et fonctionnent comme les deux pans d’une fenêtre que l’on ouvre et qui donne sur un quadriptyque où 19 photographies32 de plus petit format viennent clore le reportage.

  • 33 Légende de la photographie : « Pages 300-301 : Vue générale de la mine à ciel ouvert de Serra Pel (...)

24La première double page33 offre un saisissant plan d’ensemble de la fosse au fond de laquelle grouillent des milliers de petits personnages ; sur les pentes de la fosse, ils descendent ou remontent en file indienne, par des chemins creusés à même la terre ou accrochés à de longues échelles de bois qui paraissent bien frêles pour soutenir le poids de centaines d’hommes chargés de sacs de terre pesant chacun entre 35 et 65 kilos. La première image qui vient à l’esprit est celle de la fourmilière. Dans un chaos apparent, chacun connaît le chemin qu’il doit suivre et la tâche qu’il doit accomplir. Ceux qui descendent ont les mains vides, ceux qui remontent portent un sac sur l’épaule. Très peu nombreux sont ceux qui semblent se reposer. Avec les trois photographies suivantes, toujours déployées sur des doubles pages, S. Salgado opère un zoom vers les hommes qui animent la fosse. La deuxième image, grâce à un angle en plongée, montre les échelles vertigineuses qui constituent le passage obligé des « chercheurs d’or » :

  • 34 Ibid., p. 19 du fascicule.

Les mains humides déchirées par les cordes, courbés sous le poids de la terre, les ouvriers forment une chaîne humaine depuis la concession, au fond de la mine, jusqu’à l’aire de déchargement en haut de celle-ci. Ils touchent pour ce travail 20 cents américains par sac34.

  • 35 Légende de la photographie : « Pages 304-305 : Remonter 65 kilos nécessite des efforts considérab (...)

25Puis la troisième35, en contreplongée cette fois-ci, s’attarde sur les jambes dénudées (les travailleurs portent des shorts pour la plupart) et luisantes de boue, dont les muscles bandés propulsent les hommes et leur chargement vers le haut. Dans le coin supérieur gauche de la photographie, au bout de la ligne de fuite de l’image, apparaît d’ailleurs une lueur entre les jambes écartées d’un homme et un halo sur l’épaule d’un autre, encourageant une lecture de la photographie selon laquelle l’effort fourni conduira inévitablement vers un avenir meilleur. Le cadrage ne laisse voir que les jambes et les troncs, enserrés dans des T-shirts collants de sueur et de boue. L’absence de visages contribue à déshumaniser les porteurs et à les réduire à leur animalité.

26Ce n’est qu’au bout de la quatrième image qu’apparaissent enfin deux visages, en gros plan, l’un de profil et l’autre de face, le regard fixant l’objectif de S. Salgado. Leurs mains soutiennent les sacs remplis de terre retenus à leur front par une sangle de fortune. L’homme de face, légèrement flou, a le regard intense mais le reste du visage inexpressif. Il semble ne s’être détourné qu’un court instant de son effort pour regarder l’objectif de l’appareil photo. C’est à la fois la pénibilité de la tâche accomplie et la concentration qui transparaissent sur ce double portrait.

27Les premières images révèlent déjà plusieurs aspects du travail effectué dans la mine d’or à ciel ouvert de Serra Pelada : un engouement des hommes pour un travail peu rémunéré (mais où le facteur chance fait espérer un miracle), une organisation minutieuse du chaos et un engagement physique de ces hommes qui n’ont que la force de leurs corps à offrir. Nous ne sommes pas ici en présence de mineurs à proprement parler. Il s’agit d’orpailleurs – garimpeiros en portugais – qui vont récolter leur possible butin dans les entrailles de la terre et remontent sur les hauteurs pour tamiser leurs sacs à la recherche de pépites d’or. Seules trois qualités sont requises pour ces ouvriers non spécialisés : force, endurance et capacité à repérer le métal brillant au milieu des cailloux et de la terre. Ils sont corvéables à merci et leur servitude, apparemment volontaire, ressemble bien davantage à une forme d’esclavage moderne, conséquence de l’absence de débouchés professionnels viables pour une grande partie de la population brésilienne dans les années 1980.

  • 36 L’État brésilien a « accordé des concessions à plusieurs centaines de personnes en fonction de le (...)
  • 37 Ibid., p. 19 du fascicule.
  • 38 Le qualificatif de « citadelle » pour faire référence à Serra Pelada est employé par Becker, Bert (...)

28Sur la cinquième double page, un homme vêtu d’un simple short, un sac vide jeté sur l’épaule, attrape par le canon le fusil d’un des gardes de la mine et l’interpelle en le regardant droit dans les yeux. Le garde, vêtu d’un uniforme, de bottes et portant des cartouches à la ceinture, de bien plus petite taille, semble vulnérable au milieu de ces corps musclés et salis par le travail. S. Salgado introduit ici le thème de la violence inévitable dans un lieu où se côtoient des hommes attirés par l’appât du gain. L’ensemble de la concession de Serra Pelada est sous contrôle de l’État, mais chaque parcelle exploitée est la propriété d’un petit concessionnaire qui s’assure que seuls les hommes qu’il emploie creusent la superficie de la parcelle qu’il détient36. Les gardes sont des gardes civils de l’État et gagnent moins que les porteurs, d’où les fréquentes rivalités : « Les gardes en uniforme sont fiers de leur statut mais ne veulent pas être déconsidérés par rapport aux travailleurs de la mine37. » Les altercations, les suspicions de vol, l’échauffement des esprits et des corps dans ce lieu où fatigue et promiscuité sont omniprésentes, semblent inévitables. Dans le quadriptyque des pages 315 à 318, une autre photographie montre un homme fermement tenu par les bras et les cheveux par d’autres travailleurs qui l’exposent à l’objectif de S. Salgado. L’un d’entre eux montre un pistolet, comme si le délit dont ils l’accusaient était d’avoir porté une arme. Les 19 photographies du quadriptyque n’étant pas légendées, rien ne permet de confirmer cette hypothèse. Cependant, ces deux images soulignent le climat de violence et de suspicion inhérent à cette ruée vers l’or brésilienne à la fin du xxe siècle et au huis clos de cette citadelle de l’or38.

29La sixième et la septième doubles pages mettent en scène un personnage central, au premier plan, qui surplombe la fosse. Sur la première on observe un homme, les bras croisés, le dos appuyé sur un poteau en bois qui soutient le départ d’une échelle. Son corps fait face à l’objectif, mais son regard est tourné vers le côté ; il observe d’autres hommes qui descendent à la recherche de leur part de terre. Derrière lui, le monde grouillant de la mine constitue un fond visuel dans lequel l’observateur se perd à la recherche d’informations sur le fonctionnement labyrinthique de la fosse. Sur la deuxième, telle une bête de somme, un homme à l’échine courbée sous le poids d’un sac de terre surgit du gouffre qui se profile à l’arrière-plan. Appuyé sur les deux poteaux qui marquent la fin de l’échelle, il est en pleine ascension. À la gauche de l’image, une main en gros plan – celle de celui qui le précède dans la montée – semble vouloir lui venir en aide. Des références religieuses viennent immédiatement à l’esprit en observant ces deux portraits : l’homme appuyé sur un poteau fait penser à la crucifixion. Il y a une sorte de résignation et de calme qui émane de son attitude de repos au milieu d’un monde qui bouillonne ; le deuxième homme semble porter sa croix et souffrir sous le poids de cette dernière, bien qu’il donne également une impression de puissance, mû sans doute par l’espoir de s’enrichir au bout du chemin qui le mène vers les hauteurs. Ces parallélismes visuels soulignent l’idée de sacrifice, certes en vue d’un profit individuel et non d’un salut de l’âme ; mais on décèle dans l’accent qui est mis sur la souffrance endurée par ces hommes et leur courage l’hommage que S. Salgado veut leur rendre.

30Enfin, deux photographies verticales opèrent comme des fenêtres donnant sur le quadriptyque. Deux plans larges focalisent l’attention de l’observateur sur les pentes de la fosse et les mouvements descendants et ascendants des travailleurs. S. Salgado illustre ainsi le mythe de Sisyphe ; inlassablement, les hommes descendent les mains vides, remplissent leur sac de terre, remontent à la surface pour le tamiser, puis redescendent jour après jour. Sans la mentionner jamais dans son texte, ni la souligner de façon évidente dans un portrait, c’est la misère dans laquelle vivent la plupart des hommes venus chercher fortune dans la mine qui est ici soulignée. Comment comprendre l’attraction exercée par ce qui ressemble à un enfer de boue, de chaleur, de souffrance, de mains, de pieds et de fronts lacérés ? L’engouement de ces travailleurs pour la mine dans le Nord-Est brésilien n’est que le reflet de la précarité de leurs conditions de vie par ailleurs.

  • 39 « La mine d’or de Serra Pelada, dans l’État du Pará, au nord du Brésil, a été découverte en 1980. (...)

31C’est d’ailleurs cela que l’on pourrait reprocher à Sebastião Salgado dans son reportage : l’absence de contextualisation. Il donne certes dans son texte quelques informations sur le nombre de travailleurs, leur rémunération, la charge qu’ils portent, etc. Mais il ne s’attarde ni dans le texte, ni dans les images, sur la provenance des concessionnaires et des travailleurs, leurs motivations, la durée moyenne qu’ils passent à la recherche des pépites, leurs conditions de logement et d’alimentation, le temps de ce travail saisonnier (la mine est fermée pendant la saison des pluies). Le parti-pris du livre La main de l’homme est de se concentrer exclusivement sur le « moment » du travail. Les femmes et les hommes ne sont photographiés qu’en activité ou du moins, sur le lieu de leur activité. À la différence d’un travail comme celui de Jean-Claude Wicky – et malgré le fait que S. Salgado a côtoyé ces hommes pendant plusieurs semaines39 – aucune image n’a été retenue des à-côtés de la mine, images qui permettraient sans doute de mieux cerner le quotidien des travailleurs dans son intégralité.

Conclusion

32L’étude du reportage réalisé par le photographe brésilien sur la mine de Serra Pelada permet de tirer diverses conclusions sur le mode opératoire du photographe et l’apport de son travail à une réflexion autour de la représentation en images du monde de la mine.

33En raison du gigantisme géographique et temporel des projets que S. Salgado mène à bien sur plusieurs continents et souvent pendant plusieurs années, il est impossible que chaque sujet photographié soit ensuite offert de façon exhaustive aux lecteurs et aux observateurs. Nous supposons donc que S. Salgado opère une sélection drastique au sein de chacun de ses corpus photographiques pour ne retenir que quelques dizaines d’images par sujet. Afin de nous en assurer, nous avons contacté l’Agence Amazonas Images qui a refusé de nous donner accès à l’ensemble des négatifs réalisés par S. Salgado à Serra Pelada. Avec cette demande, nous souhaitions pouvoir approcher au plus près de la démarche du photographe et peut-être prendre connaissance de photographies prises dans les abords de la mine et sur la vie quotidienne des garimpeiros. Mais la politique avant tout commerciale de l’Agence ne s’accorde pas avec des travaux de recherche et c’est ainsi que nous avons dû nous contenter des images publiées.

34Or ces dernières, comme nous l’avons montré, se focalisent – en accord avec le propos général de La main de l’homme – uniquement sur les travailleurs en activité. Cette unicité dans le thème du sujet empêche l’observateur de confronter le travail de la mine aux conditions de vie de ceux qui y travaillent. La dénonciation, qui n’est pas explicitée par l’auteur, ne résulte donc que des métaphores engendrées par les images : le chemin de croix, Sisyphe, l’animal dans la boue. Malgré tout, et en dépit de cette absence de contextualisation, de l’anonymat des personnes photographiées et de la grandiloquence esthétique de certaines photographies, elles conservent néanmoins une valeur documentaire ; en effet, selon la définition que nous avons retenue pour parler du documentaire photographique, l’agencement des images de S. Salgado prises à Serra Pelada est percutant dans le sens où il construit, même sans l’écrire, une critique de cette servitude et de l’inhumanité des conditions de travail des garimpeiros. Il y a bien dans le portrait de cette fourmilière humaine une accusation à charge envers l’exploitation de l’homme par l’homme et le désengagement de l’État qui pousse ses hommes les plus vigoureux dans un cratère boueux et dangereux à la recherche, le plus souvent, seulement de quelques reais pour subvenir aux besoins les plus élémentaires de leurs familles.

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Bibliographie

Becker, Bertha, « Gestion du territoire et territorialité en Amazonie brésilienne : entreprise d’État et garimpeiros à Carajàs », Espace géographique, tome 18, n° 3, 1989, p. 209-217.

Brandt, Bill, Ombre de lumière, Paris, Éditions Chêne, 1977, 144 p.

Bourcier, Nicolas, Stevan, Caroline, Guillot, Claire, « Sebastião Salgado, liaisons dangereuses », Le Monde, 6 décembre 2013 [http://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2013/12/06/salgado-liaisons-dangereuses_3526555_3208.html (consulté le 13 novembre 2017)].

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Goldblatt, David, Gordimer, Nadine, On the Mines, Göttingen, Steidl, [1973] 2012.

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Mraz, John, « Sebastião Salgado: Ways of Seeing Latin America », Third Text, 16:1, Londres, 2010, p. 15-30.

Salgado, Sebastião, Sahel. L’homme en détresse, Paris, Prisma Presse, 1986, 106 p.

Salgado, Sebastião, La main de l’homme. Une archéologie de l’ère industrielle, Paris, Éditions de La Martinière, 1992, 399 p.

Salgado, Sebastião, Serra Pelada, Arles, Actes Sud, 1999, 144 p. (coll. Photo Poche Société n° 4).

Salgado, Sebastião (avec Isabelle Francq), De ma terre à la terre, Paris, Presses de la Renaissance, 2013, 178 p.

Sontag, Susan, Devant la douleur des autres, Paris, Christian Bourgeois Éditeur, 2003, 138 p.

Wicky, Jean-Claude, Mineros. Mineurs de Bolivie, Arles, Actes Sud, 2002, 147 p.

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Notes

1 Salgado, Sebastião, La main de l’homme. Une archéologie de l’ère industrielle, Paris, Éditions de La Martinière, 1992, 399 p.

2 Salgado, Sebastião, Serra Pelada, Arles, Actes Sud, 1999, 144 p. (coll. Photo Poche Société n°4).

3 L’ouverture de la mine de Serra Pelada et la ruée vers l’or qui en a découlé ont également fait l’objet de différents films : Meirelles, F. et M. Tas, Varela em Serra Pelada (documentaire, Brésil, 1984, 15 min) ; Lopes, Victor, Serra Pelada. A lenda da montanha de ouro (documentaire, Brésil, 2013, 105 min) ; Dhalia, Heitor, Serra Pelada (fiction, Brésil, 2013, 120 min).

4 Le travail d’Alfredo Jaar est visible à l’adresse suivante : [http://www.goodman-gallery.com/exhibitions/303 (consulté le 14/11/2017)].

5 Il n’a pas été possible d’obtenir les droits de publication des photographies de Sebastião Salgado pour cet article. Les images sont visibles dans les livres mentionnés ainsi que, de façon partielle, sur les sites suivants : Agence Amazonas Images, Rubrique « Travaux », Section « La main de l’homme », chapitre iv. [https://www.amazonasimages.com/travaux-main-homme (consulté le 14/11/2017)] Galerie Bettles and Huxley, Londres [http://www.beetlesandhuxley.com/exhibitions/sebastiao-salgado-serra-pelada.html (consulté le 14/11/2017)].Galerie Petter Fetterman, Santa Monica, (États-Unis) [http://www.peterfetterman.com/series/the-gold-mine-portfolio (consulté le 14/11/2017)].

6 Kempf, Jean, « La photographie documentaire contemporaine aux États-Unis », Transatlantica, 2, 2014, [http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transatlantica/712 (consulté le 11 juin 2018)].

7 Brandt, Bill, Ombre de lumière, Paris, Éditions Chêne, 1977, p. 36-48.

8 Goldblatt, David, Gordimer, Nadine, On the Mines, Göttingen, Steidl, [1973] 2012.

9 Tous ces reportages peuvent être consultés à travers le catalogue numérique de l’Agence Magnum Photos  [http://www.pro.magnumphotos.com/]

10 Son travail est visible à travers un livre et un film documentaire : Wicky, Jean-Claude, Mineros. Mineurs de Bolivie, Arles, Actes Sud, 2002, 147 p. et Wicky, Jean-Claude, Tous les jours la nuit (Suisse, 2010, 60 min).

11 Ces données proviennent de la biographie officielle de S. Salgado, fournie par l’Agence Amazonas Images.

12 Bouveresse, Clara, Histoire de l’agence Magnum. L’art d’être photographe, Paris, Flammarion, 2016, p.132.

13 Ibid., p. 308.

14 Ibid., p. 315.

15 Mraz, John, « Sebastião Salgado: Ways of Seeing Latin America », Third Text, 16:1, Londres, 2010, p. 22 : « fine art photojournalism such as Salgado’s leans more toward the expressive pole, and its images are often symbols that can fail to adequately present the particularity of specific situations, because they lack the information with which it could be constructed ».

16 Bourcier, Nicolas, Stevan, Caroline, Guillot, Claire, « Sebastião Salgado, liaisons dangereuses », Le Monde, 6 décembre 2013 [http://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2013/12/06/salgado-liaisons-dangereuses_3526555_3208.html (consulté le 13 novembre 2017)].

17 [https://www.amazonasimages.com/grands-travaux (consulté le 6 juin 2018)].

18 Voir Sontag, Susan, Devant la douleur des autres, Paris, Christian Bourgeois Éditeur, 2003, p. 85 : « La rhétorique moralisatrice dont se parent les expositions et les livres de S. Salgado – elle a l’accent des bons sentiments prônés par Edward Steichen dans son exposition de 1955, The Family of Man – œuvre au détriment des images, aussi injuste que la chose puisse paraître. »

19 Salgado, Sebastião (avec Isabelle Francq), De ma terre à la terre, Paris, Presses de la Renaissance, 2013, p. 80.

20 Au Brésil, le « garimpeiro » est un travailleur de la mine, qui prospecte souvent de façon indépendante, illégalement ou dans des conditions de travail extrêmement précaires.

21 Mraz, John, op. cit., p. 23.

22 Ce reportage est publié dans le recueil Other Americas.

23 Salgado, Sebastião, Sahel. L’homme en détresse, Paris, Prisma Presse, 1986, 106 p.

24 L’échelle de la planète sera par la suite conservée pour ses projets sur la migration, Exodes, et sur l’état de la planète Terre, Genesis.

25 Salgado, La main de l’homme, op. cit. L’analyse des photographies mentionnées dans cet article a été réalisée exclusivement à partir de cet ouvrage.

26 Ibid., p. 7.

27 La division en chapitres n’est pas explicitée et semble relativement arbitraire.

28 Le format du livre est très grand : 25 x 3,6 x 31,1 cm. Les photographies dépliées sur les doubles pages sont donc imposantes.

29 Sontag, op. cit., p. 86.

30 Becker, Bertha, « Gestion du territoire et territorialité en Amazonie brésilienne : entreprise d’État et garimpeiros à Carajàs », L’Espace géographique, tome 18, n° 3, 1989, p. 215-216 : « Un conflit technologique et social s’est alors dessiné. D’un côté, se trouve la technocratie de l’État – la Docegeo et le ministère des Mines et de l’Énergie – qui défend la mécanisation de l’exploitation; de l’autre, le nouveau pouvoir économique né de l’exploitation de l’or – les propriétaires des machines artisanales et les commerçants associés à l’entreprise – et les travailleurs, dont l’expression la plus importante est le député Curiô, élu en 1983 sous un nouveau drapeau, celui de la défense des garimpeiros et de l’exploitation manuelle ». Cet article permet de cerner le contexte tendu et les conditions très précaires de l’exploitation minière au Brésil dans les années 1980.

31 Les sept photographies mentionnées sont publiées de la page 300 à la page 311.

32 Ces 19 photographies au petit format ne sont pas légendées.

33 Légende de la photographie : « Pages 300-301 : Vue générale de la mine à ciel ouvert de Serra Pelada. Les bulldozers de la coopérative dessinent des terrasses ; la terre est transportée par des milliers d’hommes vers une aire de déchargement située en hauteur. Etat de Pará, Brésil, 1986. » Salgado, La main de l’homme, op. cit., p. 19 du fascicule.

34 Ibid., p. 19 du fascicule.

35 Légende de la photographie : « Pages 304-305 : Remonter 65 kilos nécessite des efforts considérables ; les jambes se tendent sur les pentes glissantes et les échelles de bois pour arriver jusqu’en haut, l’aire de déchargement se trouvent à quelque 2 kilomètres de la parcelle. Serra Pelada, État de Pará, Brésil, 1986. » Ibid., p. 19 du fascicule.

36 L’État brésilien a « accordé des concessions à plusieurs centaines de personnes en fonction de leur ordre d’arrivée. Chaque concession est appelée barranco ; ce sont de petites parcelles de terres qui ne mesurent pas plus de 6 m2 et forment un lopin de terre. Les propriétaires ne sont autorisés à creuser qu’à la verticale ; en raison de l’activité intense qui règne sur chaque parcelle, la concession est soigneusement mesurée tous les jours afin de vérifier si le voisin n’a pas annexé de territoire ». Ibid., p. 19 du fascicule.

37 Ibid., p. 19 du fascicule.

38 Le qualificatif de « citadelle » pour faire référence à Serra Pelada est employé par Becker, Bertha, op. cit., p. 210.

39 « La mine d’or de Serra Pelada, dans l’État du Pará, au nord du Brésil, a été découverte en 1980. Une ruée vers l’or s’est alors produite. J’ai voulu y assister […] En 1986, lorsque l’administration de la mine est passée à la Coopérative des mineurs, j’ai enfin obtenu l’autorisation de m’y rendre. J’ai été introduit par un vieux copain de mon père, l’un des milliers de propriétaires. […] J’ai vécu pendant plusieurs semaines avec les mineurs, dans le baraquement de ce vieux copain de mon père qui me connaissait depuis l’enfance. » Ibid., p. 79-81.

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Pour citer cet article

Référence papier

Marion Gautreau, « Le regard de Sebastião Salgado sur les -travailleurs de la mine de Serra Pelada (1986) : esthétique d’une servitude moderne  »Caravelle, 111 | 2018, 111-126.

Référence électronique

Marion Gautreau, « Le regard de Sebastião Salgado sur les -travailleurs de la mine de Serra Pelada (1986) : esthétique d’une servitude moderne  »Caravelle [En ligne], 111 | 2018, mis en ligne le 01 mai 2019, consulté le 22 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/caravelle/3850 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/caravelle.3850

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Auteur

Marion Gautreau

Université Toulouse 2 – Jean Jaurès

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