Peter Waldmann, Oligarquía en América Latina, redes familiares dominantes en el siglo xix e inicios del xx
Peter Waldmann, Oligarquía en América Latina, redes familiares dominantes en el siglo xix e inicios del xx, Tiempo Emulado, Iberoamericana-Vervuert, Madrid-Frankfurt, 2023, 233 p.
Texte intégral
1Après plusieurs décennies qui ont vu les études sur les élites coloniales et post-coloniales d’Amérique latine se multiplier – pour s’en convaincre, il suffit de consulter les bilans historiographiques de F. Langue (1992) et de P. Ponce Leyva et A. Amadori (2008) que malheureusement l’auteur ne semble pas connaître –, cet ouvrage aborde un terrain de recherche particulièrement fréquenté, tant par les historiens que par les sociologues. C’est dire que Peter Waldmann s’est lancé un véritable défi en envisageant de s’attaquer à cette vaste question d’autant que sa démonstration s’étend à l’échelle de cinq pays du sous-continent, et pas des moindres : Chili, Argentine, Pérou, Brésil et enfin Mexique.
2L’ouvrage, structuré en six chapitres, suit un ordre à la fois thématique et chronologique. Le premier chapitre s’intéresse à la période coloniale comprise comme un antécédent au 19e siècle auquel le reste du livre s’attache. Les deux chapitres suivants sont consacrés à la première moitié du 19e siècle alors que les trois derniers concernent ce que l’auteur qualifie de « Belle Époque ». Le tout est précédé par une solide introduction dans laquelle l’auteur précise à la fois ses fondements théoriques – son étude se fonde sur ce qu’il qualifie de « réseaux familiaux » – et les aspects méthodologiques mobilisés. À ce propos, il revendique une démarche qualitative dont le propos est de reconstituer les modèles de comportements et les stratégies des membres de ces familles de l’élite dans le but d’identifier leurs valeurs et les normes qui en découlent (p. 22).
3La rapide synthèse portant sur la période coloniale s’appuie sur les principaux acquis historiographiques des décennies passées relatives aux groupes familiaux du monde des élites coloniales. Le chapitre suivant s’attache à étudier les groupes dominants durant la période qualifiée comme une « transition » correspondant aux années 1810-1860. L’auteur y fait le choix d’une structuration par pays, le chapitre s’achevant cependant sur un effort de synthèse bienvenu mettant en évidence les principales lignes de force de ce premier 19e siècle latino-américain. Le chapitre suivant aborde enfin, pour la même période, la question de la structuration évolutive des groupes familiaux de ce monde élitiste. Au cœur de ce chapitre, l’auteur discute le modèle établi dans les années 1980 par D. Balmori qu’il reprend tout en en soulignant les limites. Il s’appuie pour cela sur une étude qualitative de cinq groupes familiaux – deux au Mexique, deux en Argentine et un cinquième au Brésil –, tous présents dans de grands centres urbains de ces trois pays et trois autres correspondants à ce qu’il qualifie d’élites provinciales dans ces mêmes pays. Ces diverses présentations mettent en évidence l’importance de la prise compte des contextes locaux ainsi que celle de la diversité des parcours familiaux au moment de prétendre dessiner un quelconque modèle caractérisant les stratégies familiales des élites latino-américaines.
4La dernière partie de l’ouvrage qui s’intéresse aux années 1880-1925 est forte d’une centaine de pages structurées en trois chapitres. Elle constitue indiscutablement le cœur de l’étude menée. Ces années correspondent à l’âge d’or des régimes oligarchiques dans l’ensemble du sous-continent, ce dont le premier des trois chapitres propose une étude des principaux traits qui les caractérisent. À cette fin, l’analyse se réduit quelque peu par rapport à la période antérieure, en excluant dorénavant le Mexique. Pour les pays concernés, l’analyse reconstitue ce que l’auteur qualifie de « porte d’entrée » (p. 137) de ces familles de l’élite dans un appareil d’État en développement continu. Dans cette stratégie commune aux élites considérées, il souligne leur souci partagé du légalisme qui garantit la stabilité et la force du système tout en leur assurant les moyens de leur enrichissement. Dans le même temps, si cela fonctionne effectivement dans les capitales politiques de trois des États considérés, cela est bien moins vrai à l’échelle régionale comme le montre l’étude du cas brésilien où l’auteur établit la distinction entre provinces puissantes et régions faibles.
5Le chapitre suivant s’attache à reconstituer les structures familiales et la vie sociale de ces élites. Parmi les traits dominants mis en avant, on retiendra surtout la force d’attraction qu’exerce sur elles l’Europe, à la fois modèle et référent exclusif de l’excellence sociale comme culturelle et facteur décisif de leur enrichissement en lien avec leur étroite dépendance économique à son égard.
6Le dernier chapitre enfin s’intéresse au devenir de ce modèle social à la chute des régimes oligarchiques autour de la Première Guerre mondiale. Avec la perte de leur domination politique et sociale ainsi qu’en raison de l’effondrement du modèle économique sur lequel reposait leur domination, ces familles dominantes de la Belle Époque tendent partout à devenir marginales sans pour autant disparaître. L’auteur défend en effet l’idée que le modèle construit par ces élites de la Belle Époque pour garantir leur domination reste pour l’essentiel valide. Il permet en particulier aux nouveaux venus d’asseoir leur domination tout en adaptant le système construit au tournant des 19e et 20e siècles aux nouvelles réalités du moment, qu’elles soient politiques, économiques ou encore sociales.
Pour citer cet article
Référence papier
Michel Bertrand, « Peter Waldmann, Oligarquía en América Latina, redes familiares dominantes en el siglo xix e inicios del xx
», Caravelle, 122 | -1, 168-169.
Référence électronique
Michel Bertrand, « Peter Waldmann, Oligarquía en América Latina, redes familiares dominantes en el siglo xix e inicios del xx
», Caravelle [En ligne], 122 | 2024, mis en ligne le 27 juin 2024, consulté le 16 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/caravelle/15715 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/127h8
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