Navigation – Plan du site

AccueilNuméros122Comptes rendusLuis Miguel Glave, Memoria y memo...

Comptes rendus

Luis Miguel Glave, Memoria y memoriales, la creación del programa político de la nación indiana (siglos xvi-xviii)

Bernard Lavallé
p. 153-155
Référence(s) :

Luis Miguel Glave, Memoria y memoriales, la creación del programa político de la nación indiana (siglos xvi-xviii), Cuzco, Centro de Estudios Regionales Andinos Bartolomé de Las Casas, 2023, 456 p.

Texte intégral

1Les travaux de Luis Miguel Glave sur le Pérou colonial sont à la fois variés et depuis longtemps unanimement très appréciés. Le présent volume est une nouvelle pierre à cette importante trajectoire. Il réunit neuf textes déjà parus ici rassemblés. Animés d’une synergie qui leur donne plus de force, ce regroupement inscrit mieux leur sens dans le long terme et accentue la portée que chacun à soi seul n’avait pas forcément.

2Comme le dit Luis Miguel Glave en introduction, ces textes s’inscrivent dans une recherche sur la mémoire en histoire, en l’occurrence la mémoire indienne, recherche devenue systématique au long de deux décennies de travail quotidien aux Archives des Indes de Séville. Il s’est agi pour lui de déceler des pistes permettant de voir et surtout de comprendre comment les populations andines, vaincues par la Conquête, étaient parvenues à se construire une mémoire. Ce processus avait eu pour cadre une lecture particulière de leur histoire se nourrissant d’oublis et de souvenirs et englobait tout à la fois, sans paradoxe, le passé préhispanique et la soumission imposée du monde colonial. Il cherchait à comprendre le présent tout en gardant l’espoir d’un futur, différent et possible, plus conforme aux aspirations les plus profondes et les plus tenaces des dominés.

3Conscient que cette démarche avait dû connaître des étapes, L. M. Glave en est venu à centrer son enquête sur deux moments, la seconde moitié du xvii° siècle (le travail le plus ancien porte sur 1646) surtout avec la découverte d’un ensemble de mémoires rédigés par des caciques (1645-1697) dénonçant les abus dont leur peuple était victime, et la troisième décennie du siècle suivant (les années 1722-1732), où les autorités coloniales rassemblèrent les papiers produits par des leaders indiens qui permettent de mettre au jour l’existence d’une ligue indigène agissant depuis Lima, mais avec des ramifications dans tout le pays et comptant même un agent qui résidait à Madrid, don Vicente Morachimo Capac. D’ailleurs il n’était pas le premier cacique à avoir fait entendre la voix de son peuple dans la capitale de l’empire.

4Au fil des années, l’auteur est parvenu peu à peu à dessiner l’armature de cet ensemble plus prudent dans sa forme d’expression que dans ses objectifs, et il en est venu à reconstruire sur ces bases la gestation, les contours et le contenu d’un véritable « programme politique pour la nation indienne ».

5Cet ensemble de travaux cohérents, qui sur des bases rénovées fait écho aux grandes œuvres d’Alberto Flores Galindo et Manuel Burga et les prolonge, est sur bien des points d’une importance capitale. Sans mettre en cause la recherche qui depuis quelques décennies s’est surtout orientée vers les dépôts d’archives américains permettant une approche régionale ou même locale des processus, il montre par l’exemple que les Archives des Indes de Séville recèlent toujours des trésors pour qui a la patience, la disponibilité et les connaissances préalables permettant de les y trouver et surtout de les faire parler.

6Ce livre est aussi un apport considérable aux travaux antérieurs sur les caciques péruviens qui avaient ouvert la voie à une autre approche et à une autre perspective du questionnement interne de la société coloniale. Pour le seul Pérou on pense, entre autres, à de la Puente Luna, Alaperrine-Bouyer, Zevallos, Adanaqué, et Glave lui-même.

7L’époque traitée dans une partie de l’ouvrage, le premier tiers du xviiie siècle, est aussi innovante, puisqu’il s’agit de décennies de transition entre deux époques, comme l’ont étudié plusieurs ouvrages, individuels ou collectifs, récents. Au cours de ces années, bien des évolutions étaient en train de se concrétiser, souvent à bas bruit et de façon peu visible, parfois sans beaucoup d’écho(s) en haut lieu (à Lima et en Espagne) mais de façon bel et bien réelle. Au cours des décennies suivantes le démontreraient avec plus d’éclat, et même de fracas, les événements et les crises qui allaient survenir tout au long de la seconde moitié du siècle et ses grandes reconsidérations du passé, à la fois sous l’action du pouvoir colonial garant des intérêts péninsulaires mais aussi de celle des victimes de ce statu quo ante, de plus en plus conscientes de leur force et clairement décidées à ne plus l’accepter sans réagir.

8L’autre transition, celle qui conduisit aux grandes déflagrations que l’on sait, n’est pas absente du livre de L. M. Glave. Trois textes se situent à trois moments clés échelonnés sur une quarantaine d’années : lors de l’épisode du Memorial de agravios du Moqueguano Juan Vélez de Córdoba (1739), au cœur de l’épopée de Juan Santos Atahualpa (avec le siège d’Andamarca en 1752), enfin à propos du rôle de Mariano Isidro de la Barrera, qui appartenait au premier cercle des proches de Tupac Amaru.

9Au terme d’une très belle conclusion, l’auteur écrit ces lignes qui montrent bien le sens profond de son propos : « Escribir fue un acto de lucha, un medio para la liberación, una herramienta en la guerra. Fue un proceso colectivo a través del cual se maduró una nación indiana, con una memoria de la que provino un programa de reivindicación y lucha. Por eso fueron peligrosos, perseguidos… ».

10Une dernière remarque. Ce bel ouvrage doit être complété par la lecture de deux autres textes de l’auteur : celui concernant Bartolomé Tupa Hallicalla, curaca d’Asillo, et l’article sur fray Alonso Granero de Ávalos, franciscain fils de la province des Douze Apôtres du Pérou, dont le lascasisme militant n’était sûrement pas destiné à ses seules ouailles créoles.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Bernard Lavallé, « Luis Miguel Glave, Memoria y memoriales, la creación del programa político de la nación indiana (siglos xvi-xviii)
 »
Caravelle, 122 | -1, 153-155.

Référence électronique

Bernard Lavallé, « Luis Miguel Glave, Memoria y memoriales, la creación del programa político de la nación indiana (siglos xvi-xviii)
 »
Caravelle [En ligne], 122 | 2024, mis en ligne le 27 juin 2024, consulté le 26 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/caravelle/15655 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/127h2

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search