Maria Gracia Rios Taboada, Disputas de alta mar, Sir Francis Drake en la polémica española inglesa sobre las Indias
Maria Gracia Rios Taboada, Disputas de alta mar, Sir Francis Drake en la polémica española inglesa sobre las Indias, Tiempo Emulado, Historia de América y España, 80, Iberoamericana-Vervuert, 2021, Madrid-Frankfurt, 261 p.
Texte intégral
1D’emblée, le nom de F. Drake renvoie aux aventures océaniques qui se multiplièrent dans l’Atlantique – mais pas exclusivement – après la mise en place du système impérial élaboré à compter des années 1520 par les Espagnols pour s’assurer le contrôle des espaces américains et surtout la maîtrise de leurs accès maritimes. Si les Français furent sans doute les premiers à contester cette domination – on connaît la formule de François Ier à ce sujet – notamment par le biais des marins protestants, les Anglais ne tardèrent pas à s’inscrire dans cette même controverse. Au gré des tensions diplomatiques qui croissent entre les deux pays au cours de la seconde moitié du xvie siècle, la reine Élisabeth n’hésita pas à recourir à des corsaires chargés de s’attaquer aux flottes espagnoles ramenant les trésors américains. Parmi eux, John Hauwkins et Francis Drake, qui s’initia à ses côtés, occupent une place de choix dans la mémoire collective anglaise.
2C’est cette position que tient Francis Drake dans la mémoire nautique britannique que revisite cet ouvrage. Il le fait en s’organisant autour de 4 chapitres. Le premier reconstitue le contexte général dans lequel s’inscrit le personnage étudié, en signalant les principaux textes qui contribuèrent à la construction du héros. Parmi ceux-ci, signalons l’importance de plusieurs sources du xvie siècle qui servirent de fondement aux revendications anglaises sur la légitimité à posséder, comme d’autres nations européennes, un empire. En contrepoint, la contribution anglaise à la légende noire vient bien sûr renforcer ces prétentions. Enfin, en Europe, le contexte religieux d’affrontements – en lien avec l’affirmation de la Réforme – transforme inévitablement le navigateur anglais en héros protestant.
3Le chapitre 2 étudie les diverses productions anglaises qui, à compter de 1567 – date du premier voyage de Drake aux Amériques – , contribuèrent à la fabrication du héros. Dans cette étude, on soulignera l’utile tableau – p. 116-117 – qui dresse la liste de ces œuvres et leur place, en regard des « exploits » nautiques du marin. L’auteur souligne le décalage entre la rareté des textes du vivant de Drake et, au contraire, leur multiplication au xviie siècle. Elle l’explique par la tardive prise de conscience anglaise de l’utilité du personnage dans la rivalité avec l’Espagne, transformant le corsaire en reflet des conquistadors dont l’Espagne aime à faire l’éloge.
4Le chapitre 3 met en évidence l’impact décisif dans ces combats de plumes que signifia, pour les Anglais comme pour les Espagnols, la circumnavigation par Drake réalisée entre 1577 et 1580. Si cette expédition correspond bien à la troisième circumnavigation de l’histoire – après Magellan et José García Jofré de Loaísa –, Drake est bien le premier à avoir effectivement effectué la totalité du voyage, ses deux prédécesseurs étant morts dans des îles du Pacifique au cours de leur périple. On comprend donc l’écho retentissant d’un tel événement et l’utilisation que put en faire l’Angleterre pour légitimer ses droits de conquête. Dans cette expédition qui permet d’écorner le statut de « lac espagnol » que P. Chaunu attribua en son temps à l’océan Pacifique, les Espagnols prennent conscience du danger que représente cette incursion. De leur côté, les Anglais y voient surtout la possibilité de nouer des alliances avec les indigènes, espérant ainsi mettre à mal la domination espagnole. On comprend alors que la question indienne va occuper une place essentielle dans ces querelles : pour les uns, il est primordial de renforcer la domination sur les masses indiennes afin d’éviter tout risque de révolte. Dans cette véritable obsession espagnole, la question de l’évangélisation dont il faut sans cesse renforcer la réalité va occuper une place centrale. À l’inverse, les auteurs anglais présentent Drake en « libérateur » devant permettre aux masses indiennes de fuir les mauvais traitements relayés par la « légende noire » et subis dans le cadre colonial. À ce titre, l’attention est portée sur les Marrons qui représentent précisément ceux qui ont su mettre à l’œuvre cet objectif d’accès à la liberté.
5Le dernier chapitre est consacré à l’œuvre exemplaire dans ces combats de plumes pour légitimer la présence aux Amériques des uns et des autres. Il s’agit de l’épopée rédigée par Lope de Vega précisément en réponse aux prétentions anglaises. Comme le souligne l’auteure, La Dragoneta illustre une tentative de renouvellement du genre épique en utilisant le monde américain qu’Anglais et Espagnols se disputent par le discours. Dans ce texte, Drake devient inévitablement l’anti-héros, ou l’anti-conquistador, reconnaissant son incapacité à imiter les « vrais » héros que sont les conquistadors.
6Ces querelles littéraires ne se terminent pas au xvie siècle. L’auteure souligne dans sa conclusion qu’on les voit renaître en Espagne dès qu’il s’agit de montrer les méfaits du rival anglais au cours du xviie et même du xviiie siècle. C’est dire la longévité littéraire d’un personnage comme F. Drake, symbole des frayeurs causées aux populations de l’empire espagnol. À l’inverse, pour les Anglais, il reste l’un des exemples parmi les plus utiles et les plus pertinents lorsqu’il s’agit de remettre en question la légitimité des droits espagnols sur le monde américain, et ce quelle qu’en soit l’époque.
Pour citer cet article
Référence papier
Michel Bertrand, « Maria Gracia Rios Taboada, Disputas de alta mar, Sir Francis Drake en la polémica española inglesa sobre las Indias », Caravelle, 120 | 2023, 193-194.
Référence électronique
Michel Bertrand, « Maria Gracia Rios Taboada, Disputas de alta mar, Sir Francis Drake en la polémica española inglesa sobre las Indias », Caravelle [En ligne], 120 | 2023, mis en ligne le 16 juin 2023, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/caravelle/14356 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/caravelle.14356
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