Andrés de Olmos, Arte de la lengua mexicana, Estudio preliminar
Andrés de Olmos, Arte de la lengua mexicana, Estudio preliminar, edición y notas de Heréndira Nieto, Iberoamericana-Vervuert, Madrid-Frankfurt, 2022, 300 p.
Texte intégral
1L’initiative de publier une nouvelle fois ce grand classique de l’histoire coloniale de la Nouvelle Espagne pourra peut-être surprendre. Certes, depuis sa découverte en 1875 et sa première publication à Paris par l’Imprimerie nationale, sous forme d’une traduction à la charge de Rémi Siméon sous le titre de Grammaire de la langue nahuatl ou mexicaine, composée en 1547, par le Franciscain André de Olmos, on ne compte, sauf erreur, que deux éditions successives de ce précieux manuscrit. Encore faut-il préciser, pour être exhaustif, que toutes deux firent date au moment de leur publication. La première, initiée par Thelma Sullivan et menée à son terme par René Acuña en 1985, proposait en particulier une histoire critique remarquable des six manuscrits dont on connaît à ce jour l’existence, suivie d’une reproduction photographique de celui conservé à la bibliothèque de l’Université de Tulane. La seconde, publiée en 1993 en Espagne et rééditée en 2002 à Mexico, se présente sous la forme de deux volumes : l’un offre un splendide fac-similé du manuscrit dit « Toledo » de la Bibliothèque Nationale de Madrid alors que le second inclut une translittération de ce même manuscrit, précédée d’une riche introduction rédigée par Ascención et Miguel Leon-Portilla. L’accueil réservé à l’édition conçue par ces derniers pouvait d’ailleurs laisser à penser qu’on avait là une édition définitive de ce célébrissime manuscrit colonial qui n’est autre que le premier à fixer les règles grammaticales du nahuatl.
2La nouvelle édition proposée par Heréndira Nieto, sans pouvoir prétendre à proprement parler au rang de première édition critique, vient enrichir significativement le paysage éditorial dont a bénéficié cette source exceptionnelle. Le manuscrit-référence utilisé par l’auteure est celui de la Bibliothèque du Congrès qu’elle confronte systématiquement aux cinq autres, permettant ainsi l’établissement rigoureux du texte final.
3À ce premier apport, étroitement lié à cette nouvelle édition, s’ajoute la rédaction d’un texte introductif dense et structuré en deux chapitres. Le premier, utile synthèse biographique de l’auteur du manuscrit qui est loin d’être le franciscain le plus connu parmi les premiers évangélisateurs en Nouvelle Espagne, narre le parcours de vie de A. de Olmos depuis sa région natale de Burgos jusqu’à son décès à Tampico. À titre de comparaison, les Leon-Portilla n’avaient accordé en tout et pour tout que quatre pages à cette dimension de leur introduction, ce qui revient à souligner l’enrichissement des connaissances dont bénéficie A. de Olmos depuis les années 80 du siècle dernier. Un solide appareil critique éclaire d’ailleurs le texte justifiant de sa solidité et permettant de le considérer à ce stade comme relativement définitif, sauf découverte archivistique d’importance. Le second chapitre est une présentation critique de l’œuvre de A. de Olmos. Il commence par une présentation de la structure de l’œuvre, elle-même reprise du prologue que l’auteur a rédigé à l’intention de son lecteur et dont sont parvenues jusqu’à nous trois versions. C’est l’occasion de souligner que la grammaire de Andrés de Olmos ne suit pas le modèle des grammaires de son époque, lui préférant celui élaboré par Nebrija dans ses Introductions latines, plus particulièrement, celui provenant d’une de ses éditions tardives. Dans le même sens, le texte de A. de Olmos n’aurait absolument pas subi l’influence de la Gramatica castellana.
4Les trois autres livres de cette grammaire abordent chacun une question grammaticale particulière : le pronom (1er livre), le nom (2e livre) et, enfin, le verbe (3e livre). Heréndira Nieto en propose une analyse claire, précise et utile, soulignant le côté novateur de cette structuration.
5Au terme de ce compte-rendu, nous espérons avoir convaincu le lecteur de l’utilité de cette nouvelle édition, tant elle offre de la source une présentation novatrice et surtout complémentaire avec les anciennes éditions à notre disposition. À quoi s’ajoute le fait que les précédentes éditions sont aujourd’hui pratiquement introuvables hors des bibliothèques de recherche ou spécialisées. C’est dire que cette nouvelle édition de la grammaire de A. de Olmos vient offrir à de nouveaux lecteurs – et on pense tout particulièrement aux jeunes chercheurs – la possibilité de découvrir très aisément un manuscrit de la plus grande importance pour aborder l’histoire de la période coloniale du Mexique. N’oublions pas en effet que ce manuscrit de 1547 inaugure, avec ses éditions successives, rien moins qu’un front de recherches grammaticales et linguistiques qu’allaient suivre de nombreux adeptes de la connaissance du nahuatl, ouvrant ainsi la porte à une découverte de l’intérieur du monde mexica. C’est dire la dette qui est la nôtre aujourd’hui à l’égard de A. de Olmos.
Pour citer cet article
Référence papier
Michel Bertrand, « Andrés de Olmos, Arte de la lengua mexicana, Estudio preliminar », Caravelle, 120 | 2023, 191-192.
Référence électronique
Michel Bertrand, « Andrés de Olmos, Arte de la lengua mexicana, Estudio preliminar », Caravelle [En ligne], 120 | 2023, mis en ligne le 16 juin 2023, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/caravelle/14349 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/caravelle.14349
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page