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Comptes rendus

Felix Hinz, Xavier López-Medellín (ed.), Hernan Cortés revisado, 500 años de la conquista española de México (1521-2021)

Michel Bertrand
p. 181-183
Référence(s) :

Felix Hinz, Xavier López-Medellín (ed.), Hernan Cortés revisado, 500 años de la conquista española de México (1521-2021), Iberoamericana-Vervuert, Madrid-Francfurt, 2021, 336 p.

Texte intégral

1Avouons-le d’emblée : ce n’est pas sans une certaine appréhension qu’on se saisit d’un ouvrage qui se fixe comme objectif de « revisiter » l’histoire de Cortés et de sa conquête. Syndrome peut-être de l’ultime révision historiographique dont le conquistador a fait l’objet il y a une dizaine d’années… Pourtant, l’idée de reprendre l’étude d’un sujet, aussi rebattu soit-il, fait pleinement partie de la démarche historique. D’autant que, comme le rappellent les coordinateurs dans leur introduction, la production historique n’hésite pas à suivre le rythme des commémorations en se proposant d’éclairer les événements passés à partir des nouvelles questions surgies souvent du présent. À cette aune, le cinquième centenaire de la chute de Tenochtitlán sous les coups de boutoirs des troupes cortésiennes et de ses alliés indigènes offrait l’occasion d’un retour sur un sujet ayant donné déjà lieu à de nombreuses publications, dont certaines relativement récentes. Mais, à l’inverse de la commémoration de 1492, la conquête d’H. Cortès n’a que peu donné lieu, tant en France qu’en Espagne ou même au Mexique, à rencontres ou publications. À ce titre, l’ouvrage coordonné par Felix Hinz et Xavier López-Medellín vient combler un vide dans un paysage éditorial plus que clairsemé. Ne serait-ce qu’à ce titre, il mérite indéniablement d’être distingué, d’autant que l’approche mobilisée par les coordinateurs ouvre en effet la voie à de nouveaux questionnements.

2L’ouvrage est en partie le produit d’un colloque pluridisciplinaire tenu en 2019 à Stuttgart. De cette rencontre, huit textes ont été sélectionnés auxquels les coordinateurs ont ajouté cinq autres textes commandés pour leur intégration dans le volume à venir. Le résultat se lit dans la table des matières qui témoigne de la grande cohérence de l’ensemble.

3L’ouvrage est structuré en deux parties : une première aborde une approche historique de l’époque considérée, la seconde étant, elle, consacrée à l’étude des « discours » sur le phénomène étudié. Dans la partie consacrée à l’histoire de Cortès et de son époque, quatre textes s’inscrivent pleinement dans le propos de l’ouvrage. Cette partie s’ouvre avec un texte de B. Grunberg fort bienvenu compte tenu des débats suscités par l’ouvrage de C. Duverger paru en 2012. Avec la minutie qu’on lui connaît, B. Grunberg opère une confrontation attentive entre les textes de Cortès et ceux de Díaz del Castillo, démontrant de manière convaincante la spécificité de chacun de ces auteurs que l’on ne saurait confondre. Sa conclusion est un utile rappel à la méthode historique afin de tirer tout le parti des sources disponibles, notamment manuscrites, dont il souligne à la fois le nombre et la faible consultation.

4Le texte de M. del Carmen Martínez Martínez ouvre une piste de recherche peu fréquentée à propos de Cortès en soulignant l’intérêt des sources judiciaires pour étudier le personnage. L’auteure compte en effet plus de 200 procès auquel Cortès aurait été mêlé dont, selon elle, beaucoup n’ont pas été réellement exploités. Or, cette documentation offre du conquistador un autre visage que celui dessiné par le reste de la documentation disponible. Surtout, comme toute source judiciaire, elle permet de reconstruire avec précision l’environnement relationnel de Cortès ainsi que celui de ses adversaires ou ennemis. Enfin, cette documentation encore trop souvent négligée permet notamment de confronter la reconstitution des événements de la conquête fondée pour l’essentiel sur des sources narratives, qu’il s’agisse de Cortès lui-même, de López de Gómara ou encore de Díaz del Castillo.

5Deux autres contributions de cette première partie répondent également à l’objectif des coordinateurs puisqu’ils abordent la question étudiée à partir d’un prisme jusqu’alors négligé par les historiens, à savoir l’écologie. Or, l’impact de la conquête dans ce domaine a été immédiat et profond, ne serait-ce que par les circulations animales et végétales qu’elle signifia. Les textes de E. Ezcurra et de X. López-Medellín dialoguent ainsi fort utilement, le premier analysant l’écosystème rencontré par les Européens au moment de leur arrivée sur le plateau de l’Anahuac alors que le second étudie l’impact écologique des innovations agricoles introduites par H. Cortès, tout spécialement dans la région de Morelos.

6La seconde partie de l’ouvrage quitte le strict champ de l’analyse historique pour aborder celui des discours. Le parti-pris des coordinateurs est d’aborder cette question dans la longue durée, ouvrant la possibilité à d’utiles comparaisons. Le premier de ces textes applique cette analyse à des discours de l’époque coloniale (contribution de Anne Kraume) alors que le dernier s’attache à l’analyse du discours actuel des autorités mexicaines sur la conquête (contribution de Felix Hinz). Dans cet ensemble constitué de sept textes, deux d’entre eux retiennent plus particulièrement l’attention du lecteur. Le premier concerne la progressive appropriation du personnage de Cortès par les élites nationales mexicaines du xixe siècle (contribution de Guadalupe C. Gómez-Aguado). L’auteure analyse les divers regards, le plus souvent positifs, portés sur la conquête et son héros par les historiens tout au long du xixe siècle, et même parmi les libéraux. Il est vrai que la publication au cours de ce siècle d’une grande partie des sources progressivement redécouvertes alimenta cette « passion cortésienne » de nombre des intellectuels de l’époque. Le Porfiriat ne corrige pas fondamentalement cette représentation même s’il contribue à la politiser. Si les conservateurs tendirent presque à faire de Cortès un « Père de la Patrie », les libéraux s’en éloignèrent progressivement, lui préférant Cuauhtémoc, le rival indigène de Cortès et dernier des Tlatoani de Tenochtitlán. À la fin du siècle, cette contradiction finit par se résoudre dans l’exaltation du métissage devenu le fondement et l’expression de la nation mexicaine. Par contre, avec la Révolution de 1910, Cortès et ses hommes retournent aux oubliettes de l’histoire mexicaine, redevenant le symbole négatif qu’ils avaient incarné au moment de l’Indépendance comme en témoignent notamment les fresques des muralistes mexicains de cette époque.

7Le second texte, qui vient clôturer cette deuxième partie, se saisit des deux lettres adressées en mars 2019 par A. M. Lopez Obrador, président du Mexique, au roi d’Espagne et au pape François. Il y exigeait de leur part des excuses officielles pour les innombrables abus commis lors de la conquête de l’empire mexica suivie de la christianisation forcée de ses populations. L’auteur s’attache dans un premier temps une reconstruction méticuleuse, fort utile, des réponses – et des silences… – que la démarche suscite. Dans un second temps il se saisit de cette initiative, révélatrice à ses yeux du climat de repentance dont on retrouve des manifestations depuis les années 70 dans le monde occidental, pour s’interroger sur le sens et le contenu de telles excuses dans le cadre post-colonial dans lequel s’inscrit A. M. Lopez Obrador. On souscrit ici à ses observations de bon sens mais aussi à son raisonnement historien qui montrent tous deux la faible pertinence des revendications présidentielles ramenées au rang d’illustrations d’une instrumentalisation politique de l’histoire. De la même manière, on adhère à son souhait d’une « écriture de l’histoire » confiée aux seuls historiens, retrouvant ainsi les attentes formulées, dans les années 2000 en France, par l’association « Liberté pour l’histoire »… À charge pour eux de se saisir de nouvelles questions surgies du présent et susceptibles de revisiter le passé. Se situant dans la perspective d’une réécriture de l’histoire cortsésienne et de son époque à laquelle les coordinateurs s’attellent, l’ouvrage présenté vient utilement illustrer ce que peuvent être tant le rôle que la démarche des historiens.

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Pour citer cet article

Référence papier

Michel Bertrand, « Felix Hinz, Xavier López-Medellín (ed.), Hernan Cortés revisado, 500 años de la conquista española de México (1521-2021) »Caravelle, 119 | -1, 181-183.

Référence électronique

Michel Bertrand, « Felix Hinz, Xavier López-Medellín (ed.), Hernan Cortés revisado, 500 años de la conquista española de México (1521-2021) »Caravelle [En ligne], 119 | 2022, mis en ligne le 01 janvier 2023, consulté le 13 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/caravelle/13357 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/caravelle.13357

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