Expansion hydroélectrique et contrôle de l’eau par l’État au Brésil (1930-1990)
Résumés
Cet article analyse le rôle croissant de l’État brésilien dans le secteur électrique entre 1930 et la fin des années 1980, et, plus particulièrement, les controverses autour de la construction des barrages hydroélectriques de Tucuruí et Sobradinho. En adoptant une approche d’histoire environnementale, il interroge la logique et les ressorts politiques de cette participation croissante de l’État, pour montrer les liens entre les projets de développement, la gestion de l’eau et la modification de la nature du pays.
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L’article a été soumis pour évaluation le 30/03/22 et a été accepté pour publication le 03/09/22.
Texte intégral
- 1 Balanço Energético Nacional, séries historicas [https://www.epe.gov.br/pt/publicacoes-dados-aberto (...)
- 2 Brandi, Paulo et Centro da Memória da Eletricidade no Brasil, Panorama do setor de energia elétric (...)
1L’hydroélectricité, exploitée depuis la fin du xixe siècle au Brésil, a été depuis lors une source d’énergie stratégique pour le pays. Déjà dans les années 1970 et aujourd’hui encore, elle est la deuxième source énergétique, derrière le pétrole, et la principale responsable de la part importante qu’occupent les énergies renouvelables dans le mix énergétique brésilien1. La construction de barrages hydroélectriques a suivi le rythme de l’industrialisation et des politiques de développement. Tout au long du xxe siècle, elle a représenté la plus grande part de la production électrique du pays (souvent plus de 90 %)2.
2Jusqu’aux années 1940, le secteur électrique était contrôlé par l’initiative privée – de la construction d’ouvrages à la production d’énergie et sa distribution – et comptait une majorité des firmes étrangères. L’intérêt de l’État pour la promotion et la gestion de l’expansion hydroélectrique remonte au milieu des années 1930 et se consolide pendant la décennie 1960, lorsqu’il se donne progressivement plus de responsabilités et compétences en la matière, jusqu’à contrôler totalement la planification et la production électriques pendant le régime militaire (1964-1985). Par la suite, la privatisation du secteur électrique, qui débute en 1995, change le rôle de l’État dans la production électrique, ainsi que l’organisation institutionnelle responsable de sa gestion.
3Cet article se concentre sur la période courant des années 1930 aux années 1980, des décennies pendant lesquelles l’État organise progressivement sa structure institutionnelle et ses programmes économiques pour soutenir, dynamiser, stimuler et nationaliser l’expansion hydroélectrique. Ce faisant, cet article interroge les effets des intérêts politiques, stratégiques et idéologiques autour du développement du pays sur la gestion de l’environnement (ici de l’eau). Cette analyse s’appuie sur la documentation institutionnelle produite par l’activité de l’État, tant dans ses organes représentatifs que dans l’activité de construction hydroélectrique et de gestion des eaux. Ce corpus est complété par des articles de presse et d’autres sources imprimées contemporaines.
- 3 Quelques exceptions sont à noter : Acker, Antoine, Volkswagen in the Amazon: The Tragedy of Global (...)
- 4 Acker, Antoine, « A Different Story in the Anthropocene: Brazil’s Post-Colonial Quest for Oil (193 (...)
4Il sera question, tout d’abord, de comprendre comment s’impose cette plus grande participation de l’État dans le secteur et les différentes stratégies politiques qui façonnent cette participation. Ainsi, il est possible de combler une lacune qui reste importante dans l’historiographie sur le projet de développement brésilien, qui a commencé avec Getúlio Vargas (de 1930 à 1945, puis de 1951 à 1954) et s’est prolongé jusqu’au régime militaire (1964-1985). Malgré la diversité des analyses sur les conséquences socio-économiques de ces régimes, la plupart de la bibliographie n’aborde pas (ou peu) son impact sur les représentations politiques de la nature, en particulier l’eau, conçue comme ressource naturelle3. Or, tout comme Antoine Acker l’a montré pour le pétrole, le contrôle de la gestion de l’eau par l’État et son allocation pour la production d’énergie étaient essentiels pour le projet développementiste du pays, visant son industrialisation, sa modernisation et son urbanisation4. De cette manière, la transformation radicale des territoires et des écosystèmes n’est plus un simple effet collatéral mais une dimension centrale des politiques de développement du régime.
- 5 Pour en citer quelques-uns : Fearnside, Philip M., « Environmental Impacts of Brazil’s Tucurui Dam (...)
5Ensuite, cet article propose deux cas d’étude de barrages emblématiques du régime militaire brésilien, Sobradinho, construit entre 1973 et 1978 sur le fleuve São Francisco, dans l’État de Bahia, et Tucuruí, construit entre 1975 et 1984 sur le fleuve Tocantins, dans l’État du Pará. La littérature sur ces barrages hydroélectriques a été prolifique dans l’analyse des nombreux (et bien réels) impacts environnementaux et sociaux qu’ils ont eus5. L’analyse présentée ici souhaite faire un pas de côté par rapport à cette perspective, en ne cherchant pas à quantifier les impacts générés par ces ouvrages, pas plus qu’à les considérer comme un objet d’analyse en soi. Il sera plutôt ici question de comprendre comment la place et l’organisation institutionnelle du secteur électrique à l’intérieur de l’État se traduisent sur le terrain par des politiques d’aménagement fondées sur la prévalence absolue de la production électrique, et ce malgré les contestations et controverses qui découlent de ces constructions.
- 6 Wittfogel, Karl A., Le despotisme oriental : étude comparative du pouvoir total, Paris, Minuit, 19 (...)
6Le développement de l’histoire environnementale a pu mettre en avant que les phénomènes sociaux – objets d’étude de la discipline historique – ne sont pas uniquement le fait de relations sociales, mais aussi le fait des représentations sur l’environnement, ainsi que de relations particulières entre humains et monde naturel. Toutefois, l’environnement n’échappe pas aux cadres politiques et territoriaux des pouvoirs qui le réglementent, le gèrent et le transforment. Cet article explore cette dimension institutionnelle de l’histoire environnementale, en s’intéressant à la gestion de l’eau par l’État. L’action de l’État, en particulier dans les grands projets hydrauliques, suscite depuis longtemps l’intérêt et l’attention des chercheurs en sciences humaines et sociales. De la thèse de Karl Wittfogel sur les sociétés hydrauliques, à partir de l’étude de la relation entre les systèmes d’irrigation à grande échelle dans les régions arides ou semi-arides et la consolidation d’une autorité politique despotique, à ce classique de l’histoire environnementale de Donald Worster sur la mobilisation de l’eau dans le Sud-Ouest étatsunien, les analyses des liens entre le contrôle de l’eau à grande échelle et l’action de l’État sont nombreuses6.
- 7 Scott, James C., Seeing Like State: How Certain Schemes to Improve the Human Condition Have Failed(...)
- 8 Basalla, George, « Some Persistent Energy Myths », in Daniels, George et Mark Rose (dir.), Energy (...)
- 9 Bijker, Wiebe E., « Dikes and Dams, Thick with Politics », Isis, vol. 98, no 1, 2007, p. 109-123.
- 10 Winner, Langdon, « Do artifacts have politics? », Daedalus, vol. 109, no 1, 1980, p. 121-136.
7Plutôt que d’imaginer ces projets hydroélectriques comme le fruit d’un modernisme étatique qui ne tient pas compte des réalités locales, comme l’a souligné James Scott, ou d’adopter une lecture qui n’expliquerait la mise en œuvre de ces projets que du seul fait du caractère autoritaire de l’État, cet article cherche à montrer comment une organisation institutionnelle donnée produit des projets qui incarnent effectivement une idéologie politique7. Le secteur de l’électricité, mais aussi parfois la presse et les politiques ont tendance à présenter les barrages hydroélectriques comme des objets techniques, issus de connaissances spécifiques (ingénierie) et obéissant à une logique sectorielle (de production d’énergie). Cette logique repose sur l’hypothèse que la technologie provient d’une connaissance objective et serait mise en œuvre par des acteurs neutres, selon une logique instrumentale, au service du bien commun8. Comme le souligne Wiebe Bjiker, les barrages et autres ouvrages hydrauliques sont en effet « denses en politique », car ils sont à la fois façonnés par le pouvoir politique et le façonnent en retour9. De plus, ce type d’infrastructure finit également par façonner le monde qui l’entoure par les conséquences (voulues ou non) qu’elles produisent10. Voilà pourquoi la place stratégique accordée à ce type d’énergie dans les plans de développement au Brésil, et singulièrement pendant la dictature militaire, a créé tout d’abord les conditions d’une emprise du secteur électrique sur la gestion de l’eau dans le pays et, de ce fait, celles d’une marginalisation des intérêts locaux au profit des logiques sectorielles.
La gestion de l’eau et de l’électricité par l’État au Brésil
- 11 Décret nº 20.395, du 15 septembre 1931.
- 12 Selon les ordonnances émanant du Royaume du Portugal, les cours d’eau navigables appartenaient à l (...)
- 13 Valladão, Alfredo, Dos rios publicos e particulares, Bello Horizonte, s. e., 1904.
8Avec l’ascension au pouvoir de Getúlio Vargas en 1930 se met en place un projet politique nationaliste d’expansion industrielle et de modernisation du pays qui accorde un grand rôle à l’État. C’est dans le cadre de ce projet, plus tard nommé développementisme, que l’idée de l’État comme le responsable de l’expansion électrique du pays gagne une place importante. Le premier pas franchi pour affirmer la place de l’État dans ce domaine a été pris le 15 septembre 1931, avec l’introduction d’une obligation pour les acteurs privés – qui dominaient la production d’hydroélectricité jusqu’alors – d’obtenir une autorisation gouvernementale pour l’utilisation des cours et des chutes d’eau11. Avec cette obligation, l’État devient l’autorité concédante en matière de production d’énergie électrique, mais plusieurs incertitudes perduraient quant au régime juridique régissant la propriété et les usages de l’eau, qui remontait à la période coloniale12. Pour cette raison, l’avocat Alfredo Valladão avait été chargé dès 1904 par la Présidence de formuler une base juridique pour la gestion de l’eau au Brésil. Dans un contexte d’augmentation de l’exploitation hydroélectrique par un quasi-monopole de sociétés étrangères, il soulignait le besoin d’un nouveau cadre juridique : alors que la loi existante favorisait la navigation, les usages de l’eau à l’époque concernaient surtout la production d’énergie électrique13.
- 14 Au sujet des controverses liées au Code des Eaux de 1934, voir : Corrêa, Maria Letícia, « Contribu (...)
- 15 Décret n° 24.643 du 10 juillet 1934.
9Après de nombreuses controverses entre nationalistes et défenseurs du système privé, un Code des eaux est adopté en 193414. Ce Code lève les ambiguïtés du régime juridique de l’eau et devient une pièce maîtresse pour étendre les compétences de l’État sur la production électrique. Dans son préambule, il indique que l’utilisation de l’eau au Brésil doit faire l’objet d’une « législation adéquate » qui permette « aux autorités publiques de contrôler et d’encourager l’utilisation industrielle de l’eau ; considérant, en particulier, que l’énergie hydroélectrique nécessite des mesures pour faciliter et garantir son utilisation rationnelle […] »15. En étant une législation censée réglementer les droits de propriété et les usages de l’eau, mais guidée principalement par l’expansion de la production hydroélectrique, le Code subordonne la gestion de l’eau aux intérêts énergétiques. Toutefois, comme le précise son article 143, d’autres aspects, tels que la navigation, la protection des poissons ou l’irrigation, devaient aussi être pris en considération, introduisant ainsi un cadre juridique pour le développement d’une gestion intégrée des ressources en eau.
- 16 Valladão, op. cit.
- 17 Loi 9.478/1997, qui instaure la Politique énergétique nationale.
10En assimilant les législations régissant l’eau et l’hydroélectricité, ce Code a été considéré comme la loi qui réglementait le secteur de l’électricité en général, même s’il ne mentionnait aucune autre source électrique, comme les centrales thermiques à charbon. Le vide juridique dans lequel est placée la production thermique suite à ce Code avait été un problème déjà signalé par l’avocat Valladão au début du siècle, pour qui le secteur de l’électricité devait bénéficier d’une réglementation propre16. Cette absence de cadre légal pour les autres sources d’électricité persistera jusqu’en 199717.
11Pendant le gouvernement de Vargas, l’État a aussi cherché à contrôler l’expansion de la production et de la distribution d’électricité par la création de divers organismes d’État. Tout comme le Code des eaux le faisait, ces organismes, tels que le Conseil national de l’eau et de l’énergie électrique (CNAEE) créé en 1939, promeuvent la gestion conjointe de l’eau et d’électricité au sein de l’État. Le CNAEE était par ailleurs directement subordonné à la Présidence, preuve de son importance stratégique.
- 18 Vargas, Getúlio, Mensagem ao Congresso Nacional por ocasião da Sessão Legislativa de 1951, Rio de (...)
- 19 Ibid., p. 159.
- 20 La création d’Eletrobrás a été entravée pendant une décennie par l’action des privatistas, qui déf (...)
12Lorsque Vargas revient au pouvoir dans les années 1950, le rôle accordé à l’énergie dans son projet politique est plus présent que jamais. Dans son message au Congrès national en 1951, il annonce que « la valeur d’une nation se mesure économiquement par le nombre de chevaux-vapeur qu’elle mobilise dans ses turbines, dans ses véhicules et dans ses moteurs »18. La logique de la planification du secteur est par la suite exposée : « Pour que l’électricité soit un élément de progrès et puisse permettre le développement industriel, il ne faut pas seulement qu’elle soit bon marché, il est surtout indispensable qu’elle soit abondante. L’offre énergétique doit stimuler la demande19. » En se lançant dans une politique proactive, il tente de créer une entreprise d’électricité d’État appelée Eletrobrás, et un plan volontariste d’expansion et de nationalisation de l’électricité, le Plan national d’électrification (PNE). Cependant, le PNE n’a pas été approuvé et Eletrobrás n’a pas été créée à ce moment-là20. Il faut attendre 1961 pour que Eletrobrás devienne l’entité publique responsable des études, des projets, de la construction et de l’exploitation des usines de production électrique, ainsi que des lignes de transmission, initiant ainsi la nationalisation de la production d’électricité au Brésil. Les objectifs du PNE ont été partiellement accomplis dix années plus tard, à travers le Plano de Objetivos du gouvernement Juscelino Kubistchek (1956-1961), élu sous le slogan « Énergie et Transport ».
- 21 Sur la stratégie américaine de diffusion de l’expérience de la TVA dans le monde, voir : Ekbladh, (...)
- 22 Cooke, Morris (dir.), A missão Cooke no Brasil, Rio de Janeiro, Centro de Estudos de Problemas Bra (...)
13Une source d’inspiration de ce volontarisme de l’État a été l’expérience de planification et de développement de la Tennessee valley authority (TVA), dans le sud des États-Unis, qui avait séduit les ingénieurs, intellectuels et hommes d’État brésiliens21. La TVA est une agence gouvernementale étatsunienne créée en 1933 pour développer la région du fleuve Tennessee, qui avait été fortement touchée par la crise de 1929. Cette agence prônait le financement public de grands projets hydrauliques multifonctionnels (multipurpose river development), tels que des barrages servant à la fois pour l’irrigation, la production hydroélectrique, la navigation, le tourisme, etc. À l’époque, plusieurs visites à la TVA sont réalisées par des acteurs influents, comme l’ingénieur Catullo Branco en 1941, le ministre de l’agriculture de Getúlio Vargas, Apolônio Salles, en 1944, ou même le président Marechal Dutra (1946-1951) en 1949. Les visites d’ingénieurs étatsuniens au Brésil s’inscrivent également dans cette dynamique, telles celle de l’ingénieur de la TVA Oren Reed en 1946 ou la mission menée par Morris Cooke en 1942, invité par Vargas à planifier l’organisation économique du pays. Le rapport final de la mission Cooke a d’ailleurs identifié le déficit en électricité comme l’un des principaux goulots d’étranglement pour l’expansion industrielle du pays. Il inclut dans ses annexes une monographie dédiée à l’application du modèle TVA dans la région du fleuve São Francisco22. Cela donne lieu à la mise en place de la Companhia hidrelétrica do São Francisco (CHESF) en 1948, la première entreprise publique d’énergie contrôlée par l’État fédéral. L’influence des États-Unis s’explique aussi car le pays était une source potentielle de financement et de technologies pour le Brésil. En retour, les États-Unis ont également investi dans cette relation en cherchant à satisfaire leurs intérêts politiques et commerciaux au Brésil.
- 23 Brose, Markus, « Do Tennessee ao Velho Chico: Viagens de uma ideia », in Brose, Markus (dir. ), TV (...)
14La reproduction de l’expérience de la TVA sur l’expansion électrique brésilienne au cours de ces décennies a été toutefois imparfaite. L’idée de la TVA a suscité la création de plusieurs agences gouvernementales de développement régional au Brésil, comme la Commission de la vallée de São Francisco (CVSF) en 1948, la Commission interétatique du bassin du Paraná et de l’Uruguay (CIBPU) en 1961 et la Commission interrégionale des vallées de l’Araguaia et du Tocantins (CIVAT) en 1962. Comme le montre Markus Brose, la fascination exercée par le modèle TVA au Brésil avait beaucoup à voir avec l’idée que les travaux d’ingénierie pouvaient à eux seuls promouvoir le développement23. Ainsi, ils ont servi de base aux plans de développement qui ont guidé l’action de l’État brésilien, depuis Vargas jusqu’à Kubitschek. Mais ces agences de développement se sont confrontées à un large éventail de problèmes pour appliquer leur modèle dans les différentes régions concernées. De plus, le désir de reproduire l’expérience de la TVA a également été contrarié par les changements de politique dans le secteur électrique au cours des vingt années de régime militaire, entre 1964 et 1985.
15Le coup d’État civil-militaire d’avril 1964 a fait basculer la politique brésilienne dans l’autoritarisme. Toutefois, les militaires au pouvoir ont continué de prôner le développement du pays par une industrialisation soutenue par l’État. En effet, un des motifs de la prise de pouvoir par les militaires était la promotion d’une efficacité économique menant à la croissance, qui dépendait du développement industriel, lequel dépendait, à son tour, d’une offre d’électricité abondante. Pour le secteur électrique, cela signifie que l’État met pleinement en œuvre le projet de Vargas de nationalisation et d’expansion de la production hydroélectrique. D’un côté, la production d’électricité passe sous le contrôle total d’entreprises étatiques sous la houlette de l’Eletrobrás. De l’autre côté, une place et un budget considérables sont donnés au développement et à l’expansion de l’hydroélectricité. Toutefois, à la différence de la période précédente, les agences de développement régional inspirées par la TVA, précédemment en charge des plans électriques au niveau de bassins hydroélectriques, sont supprimées au profit d’une planification étatique centralisée.
- 24 Tendler, Judith, Electric power in Brazil; entrepreneurship in the public sector, Cambridge, Harva (...)
16L’Eletrobrás, responsable de la planification et de l’exécution de la politique nationale en matière d’énergie électrique, et le Département national des eaux et énergie électrique, qui remplace le CNAEE en 1965 comme agence normative et réglementaire du secteur électrique, sont désormais placés sous la responsabilité de l’exécutif fédéral, via le ministère des Mines et de l’Énergie (MME). Pendant cette période se poursuit la tendance déjà observée depuis le début du xxe siècle selon laquelle l’eau et l’énergie sont administrées conjointement au sein de l’appareil d’État. Ce tableau institutionnel est complété par des entreprises publiques gérées au niveau régional, mais subordonnées à l’Eletrobrás et des entreprises privées qui étaient responsables de la distribution de l’énergie électrique. Cette répartition des tâches correspond à un accord tacite lié à la création d’Eletrobrás, où l’État est devenu responsable de la production d’énergie et le secteur privé de sa distribution24. Avec cette nouvelle configuration, la structure de base des services et de la production d’électricité dans le pays a été fixée et reste pratiquement la même jusqu’à la privatisation du secteur, au cours des années 1990.
- 25 Données de l’auteure compilées à partir d’informations disponibles sur la Banque d’informations de (...)
17Pendant la dictature militaire, la capacité hydroélectrique installée a été multipliée par sept, passant de 4 894 MW en 1964 à 37 437 MW en 1985. Cette multiplication de barrages hydroélectriques, essentielle pour la mise en œuvre du projet économique de l’État, n’a été possible qu’en mobilisant des ressources budgétaires par le biais de l’endettement public et au prix de très lourds impacts sociaux et environnementaux. De plus, suite à la fin de l’exceptionnelle période de croissance économique entre 1968 et 1973, que l’on qualifie de « miracle économique brésilien », et de l’exacerbation de la crise économique depuis le choc pétrolier en 1973, l’État se concentre davantage sur des projets qui garantissent l’augmentation du PIB national en intensifiant la production d’électricité pour l’industrie d’exportation et l’extraction minière. Cela explique le renoncement à un type de planification régionale orienté par le développement local ; ce qui, dans le cadre des projets hydroélectriques, signifiait la conception d’aménagements qui pouvaient avoir des usages multiples. Or, des 68 grands barrages construits au cours de la période, seuls 17 étaient, du moins en théorie, multifonctionnels25. Même ainsi, la qualification d’usages multiples n’était souvent que formelle et, dans la pratique, elle n’était pas appliquée efficacement, comme en témoignent les exemples des barrages de Sobradinho et de Tucuruí que nous étudierons ci-après.
Figure 1 – Carte de localisation des barrages de Sobradinho et Tucuruí et projets associés

Source : élaborée par l’auteure.
Le barrage de Sobradinho sur le fleuve São Francisco
18Le barrage de Sobradinho a commencé à être construit en 1973 dans l’État de Bahia, sur le fleuve São Francisco, par la CHESF, à l’époque filiale de l’Eletrobrás. Initialement, la construction du barrage avait été envisagée afin de réguler le débit de ce fleuve et garantir une production continue d’énergie dans les barrages hydroélectriques bénéficiant la région nord-est et sud-est déjà en place sur le São Francisco. Il s’agissait notamment du complexe hydroélectrique Paulo Afonso (cinq barrages inaugurés entre 1954 et 1979), en aval, et Três Marias (inauguré en 1962), en amont.
- 26 Companhia Hidrelétrica do Vale do São Francisco (CHESF), Aspectos sócio-econômicos da implantação (...)
19La conception finale du barrage de Sobradinho, préparée par le cabinet de consultants Hidroservice sous la supervision de la CHESF, était toutefois plus ambitieuse, puisqu’elle aspirait à prendre en compte les défis liés à la crise du pétrole et les demandes régionales. Conçu pour servir à des usages multiples conformément aux pratiques de construction de barrages préconisées à l’époque, outre la régulation du débit du fleuve São Francisco, Sobradinho garantirait aussi la production d’énergie, une meilleure navigabilité grâce à un système d’écluses et l’irrigation de cette région semi-aride26.
- 27 Oliveira, Gabriel Pereira, A corrida pelo rio: projetos de canais para o Rio São Francisco e dispu (...)
- 28 Sigaud, op. cit., p. 12-16.
20Le barrage de Sobradinho n’était pas le premier projet à avoir pour ambition de développer la région Nord-est autour du fleuve São Francisco. Ce mythique fleuve, souvent appelé le fleuve de l’unité nationale, a fait l’objet de divers plans, programmes et actions pour la gestion de ses crues, l’amélioration de sa navigation et l’essor de l’économie des régions qu’il traverse27. Cependant, comme le souligne Lygia Sigaud, la construction du barrage de Sobradinho a représenté une rupture avec la politique de l’État pour la vallée du São Francisco en vigueur depuis les années 194028. Inspirée par la TVA, cette politique régionale menée par la CVSF visait la valorisation économique de la région, la fixation de la population, la prévention des inondations et l’irrigation au bénéfice de l’agriculture locale. Plus tard, sous un gouvernement autoritaire et centralisé, le projet Sobradinho doit répondre aux besoins et aux logiques externes à la région, notamment le besoin d’accroître la production d’électricité dans un contexte d’augmentation des prix du pétrole et d’un projet industriel centralisé visant l’augmentation du PIB national.
21Sobradinho, inauguré en mars 1978, est souvent convoqué comme un exemple emblématique de la conduite autoritaire des projets pendant la dictature, mais aussi de la manière dont le secteur de l’électricité considérait les populations locales, et leurs demandes. Le remplissage du réservoir a créé l’un des plus grands lacs artificiels du monde, avec 4 500 km2. Ce réservoir a entraîné le déplacement de plus de 70 000 personnes, inondé quatre villes et 26 villages, et a submergé des terres très fertiles dans une région marquée par la sécheresse. Le barrage a eu un coût estimé à 800 millions de dollars, financé principalement par des institutions internationales.
22Parmi les nombreux conflits, controverses et échecs liés à la construction de Sobradinho, deux domaines particuliers permettent d’observer comment un projet conçu pour être à usages multiples et profitables au développement local se trouve happé par des objectifs politiques liés à l’idéologie autoritaire du régime militaire et par une structure institutionnelle, qui subordonne la gestion de l’eau au secteur économique de production électrique. Le premier est lié aux conflits avec les familles déplacées de la zone du réservoir et à l’incapacité du projet d’irrigation à améliorer la vie des populations locales. Le deuxième est l’échec de la régulation du débit du fleuve, qui fut pourtant la raison première de la construction de ce barrage.
- 29 Lettre reproduite dans Congresso Nacional/ Câmara dos Deputados, Projeto de Resolução n°331, de 19 (...)
- 30 Cité par Sigaud, op. cit., p. 26.
- 31 Brasil/Congresso Nacional, Diário do Senado Federal n°14, Brasília, Senado Federal, 1973, p. 259.
23Dès le début du projet, la CHESF était consciente de la probabilité d’un conflit avec les populations à déplacer. Une lettre envoyée pendant la phase de planification par le président de la CHESF à Eletrobrás en 1972 l’atteste, fort du constat que le barrage submergerait les terres les plus fertiles de la vallée29. De plus, Hidroservice, la société de conseil responsable du projet, a écrit à la CHESF en 1973 pour l’avertir de la possibilité d’un processus de réinstallation « catastrophique » et de la nécessité de fournir des conditions minimales de relogement à la population locale30. La question du déplacement de la population était même un enjeu politique discuté au Sénat. En critiquant l’action de la CHESF, le sénateur Rui Santos de l’État de Bahia, membre du parti pro-gouvernemental ARENA, souligne par exemple que « […] les gens ne sont pas des meubles que l’on peut transporter. Ce sont des êtres qui ont besoin de s’adapter, qui ont besoin d’être préparés, même psychologiquement, au changement31. »
- 32 Goodland, Robert, Projeto Sobradinho : reconhecimento do impacto ambiental, s. l., CHESF, 1974.
- 33 World Bank Archives, P-1414-BR, Mcnamara, Robert S, Report and Recommendation of the President to (...)
24Malgré les promesses de développement local par la création de pôles agricoles, le déploiement de l’irrigation et la poursuite de la navigation à vapeur, pas grand-chose n’avait été prévu pour la population concernée, au-delà d’une indemnisation financière uniquement destinée aux propriétaires des terres qui seraient inondées32. La population locale n’a pas non plus été informée de la procédure d’expulsion, ni consultée sur son déplacement, et ce jusqu’en 1976, cinq ans après le début de la planification du barrage et trois après le début de la construction. À cette époque, la procédure de consultation et réinstallation de la population affectée, aujourd’hui standardisée dans la construction de grands barrages, en était à ses débuts. Malgré les alertes lancées quant à la procédure de relocalisation, c’est la Banque mondiale (BM), en tant que bailleur de fonds, qui a suggéré (ou plutôt, imposé) la mise en place d’un programme répondant aux besoins de la population locale. Pour que les prêts soient accordés, le gouvernement brésilien a été contraint de mettre en œuvre un plan de développement intégré dans la région du Bas-São Francisco, destiné à prendre en charge la réinstallation de la population touchée par le barrage et à augmenter la production agricole des petits colons. Chose intéressante, la BM a également demandé que des études d’impact environnemental soient menées dans le cadre du projet, une procédure qui n’était pas obligatoire à l’époque33. Cette étude a été l’une des premières de ce type au Brésil.
- 34 Cabral, Ligia Maria Martins et Eliane Rocha Correia de Azevedo, O meio ambiente e o setor de energ (...)
- 35 Santos, Regnaldo Gouveia dos, Impactos sócio-ambientais à margem do rio São Francisco: um estudo d (...)
- 36 Brasil/Congresso Nacional, Diário do Congresso Nacional n°144, Brasília, Congresso Nacional, 17/11 (...)
25Par la suite, le gouvernement a délégué à la CHESF la responsabilité de gérer les mesures imposées par la BM et, à la fin du projet, environ 65 000 personnes ont été relogées dans le cadre de la plus vaste opération de réinstallation jamais mise en œuvre au Brésil34. Comme prévu, ce processus n’a pas été sans controverses, notamment autour de la question de l’irrigation, question sur laquelle différents acteurs se sont disputés pour imposer leur solution. Les familles expulsées ont souhaité rester près du fleuve pour préserver leurs liens historiques. Sauf que les rives du futur réservoir étaient composées de terres arides, impropres à l’agriculture, et n’étaient cultivables qu’à l’aide de systèmes d’irrigation artificielle, une technique qui n’était pas couramment utilisée sur place à l’époque. La CHESF ne souhaitait pas inclure un système d’irrigation dans ses plans initiaux parce que les prix étaient trop élevés. De plus, comme la pratique la plus courante dans la région était celle de l’agriculture de subsistance, la CHESF a estimé que les coûts liés à l’irrigation ne seraient pas économiquement intéressants35. L’organisme public chargé du développement agricole de la région, le Codevasf (Companhia de Desenvolvimento dos Vales do São Francisco e do Parnaíba), souhaitait à son tour affecter les terres irriguées près du fleuve à de grands projets agricoles, plus rentables36.
- 37 Estrela, Ely Souza, Três Felicidades e um desengano: A experiência dos beradeiros de Sobradinho em (...)
- 38 Barros, H., Projeto Sobradinho: avaliação sócio- econômica da relocalização populacional (Relatóri (...)
- 39 Werner, Deborah, « Intervenção regional dos grandes projetos hidrelétricos: os casos de Sobradinho (...)
- 40 Domingues, Rita Alcântara, « Construção Política da disponibilidade hídrica: o caso do sertão semi (...)
26Après de nombreux conflits, près de 70 % de la population locale a finalement été relogée entre 1976 et 1978 dans 25 colonies situées au bord du réservoir et bénéficiant d’un accès à l’irrigation37. Dans les années qui ont suivi l’inauguration du barrage, des conflits fonciers autour de l’accès à l’irrigation ont éclaté entre la population déplacée, les nouveaux colons et les grands propriétaires terriens38. Le barrage a non seulement échoué à mettre en place une irrigation équitable et efficace, mais sa construction a exacerbé les conflits sociaux et l’exode rural dans la région, entraînant de surcroît une transformation radicale des modes de vie des populations39. Aujourd’hui encore, il existe un conflit entre l’irrigation et la production d’hydroélectricité dans la zone, qui est occupée par plusieurs projets agricoles de grande envergure produisant des fruits et du vin40.
- 41 Brasil/ Câmara dos Deputados, Diário do Senado Federal n°6, Brasília, Senado Federal, 8/3/1979, p. (...)
- 42 Les CPI sont des instruments du pouvoir législatif destinés à analyser les dysfonctionnements de l (...)
27Rappelons que le premier objectif de Sobradinho était de réguler le débit du São Francisco. Or, une année seulement après son inauguration, une grande inondation s’est produite, laissant près 300 000 personnes sans-abris41. En général, les inondations représentaient une bonne nouvelle pour l’agriculture de la région, mais après la construction du barrage, au lieu d’un limon fertile, l’eau du fleuve transportait du sable et des débris, endommageant encore plus les terres déjà arides autour du lac. Les inondations se sont reproduites en 1980 et 1981, et une commission parlementaire d’enquête (CPI) a été créée au Congrès national en 1982 pour établir le rôle des barrages et du CHESF dans ces drames42.
- 43 Brasil/ Câmara dos Deputados, Projeto de Resolução n°331..., op. cit., p. 156-163.
- 44 Ibid., p. 155.
28Le CPI a conclu que les barrages étaient responsables des nouvelles crues annuelles du fleuve São Francisco et a blâmé l’entreprise électrique pour la mauvaise gestion du débit de l’eau, l’absence de système de contrôle des crues et une mauvaise coordination entre les barrages43. Interrogé sur les problèmes dans la construction et l’exploitation du Sobradinho, le directeur de la CHESF de l’époque, Eunápio Peletier de Queiroz, a répété l’argument de l’entreprise selon lequel « Le secteur de l’énergie a rempli son obligation [dans l’administration du Sobradinho] » et n’est pas responsable des « omissions » des autres secteurs44. Le message de la CHESF était clair : elle devait fournir de l’énergie et cela fonctionnait ; si la population n’était pas contente ou si le contrôle du débit ne fonctionnait pas, ce n’était pas son problème. Pour la CHESF, le bon débit du fleuve était celui qui produisait le plus d’électricité, quels qu’en soient le coût ou les conséquences.
Le barrage hydroélectrique de Tucuruí sur le fleuve Tocantins
- 45 Pinto, Lúcio Flávio, Amazônia: a fronteira do caos, Belém, Falangola Editora, 1991.
- 46 Becker, Bertha K, Geopolítica da Amazônia: a nova fronteira de recursos, Rio de Janeiro, Zahar, 19 (...)
29La crise du pétrole de 1973 n’a pas seulement entraîné la conversion de certains projets vers la production d’électricité, comme cela a été le cas de Sobradinho, mais a aussi fait émerger de nouveaux projets comme celui du barrage hydroélectrique de Tucuruí. Sa construction sur le fleuve Tocantins a duré près de dix ans, entre 1975 et 1984, et a donné lieu à un méga-barrage produisant aujourd’hui 8 370 MW, soit le sixième plus grand barrage du monde en termes de production électrique. Ce barrage représentait alors le plus grand investissement du secteur public jamais mis en œuvre en Amazonie45. Pendant le régime militaire, la région amazonienne a occupé une place de choix dans l’intervention étatique. Cette intervention visait, d’une part, l’occupation de ce territoire et, d’autre part, son intégration à l’économie nationale, notamment par l’exploitation de ce qui était perçu comme ses « vastes ressources naturelles »46.
- 47 Oliveira, Nathalia Capellini, Historiciser les barrages en Amazonie brésilienne : environnement, c (...)
30Tucuruí est l’un des projets emblématiques d’un tournant de l’action du régime militaire en Amazonie après 1973. Les premiers programmes de développement régional du gouvernement dictatorial brésilien pour l’Amazonie, tels que l’Opération Amazonie (lancée en 1966) ou le Premier programme de développement pour l’Amazonie (lancé en 1971), avaient été axés sur l’ouverture de routes, la colonisation rurale et l’amélioration des infrastructures dans les zones urbaines. Toutefois, après 1973, l’utilisation et l’exploitation des ressources naturelles de l’Amazonie sont devenues plus pressantes et axées sur des activités permettant l’augmentation du PIB du pays, plutôt que sur le développement régional47.
31Tout comme Sobradinho, Tucuruí est emblématique par ses nombreux impacts sociaux et environnementaux. Son réservoir a inondé une zone de 2 850 km2, soit 27 fois la ville de Paris, submergeant 14 localités, déplaçant de force plus de 5 000 familles et les territoires indigènes de deux peuples (les Parakanã et les Gavião da Montanha). Une dimension moins connue de Tucuruí est celle des conflits autour de l’inclusion des écluses dans le barrage, qui permettent d’aborder de manière pertinente les problématiques que nous intéressent dans cet article.
32Le projet d’un barrage a Tucuruí prend forme à la fin de l’année 1973, lorsque le Brésil a commencé à négocier avec le Japon la construction d’un complexe industriel de production d’aluminium à partir des minerais de bauxite exploités en Oriximiná. Ces négociations ont donné naissance à une joint-venture entre la société minière publique brésilienne, la Compania Vale do Rio Doce, et la Nippon Amazon Aluminium Corporation (un consortium entre 33 entreprises japonaises et l’État japonais) pour construire une usine d’alumine (Alunorte) et une usine d’aluminium (Albrás) à Bacarena. Ces usines avaient besoin d’un approvisionnement conséquent et constant en électricité pour fonctionner, et la construction d’une centrale hydroélectrique était essentielle pour la viabilité de la production d’aluminium.
- 48 Oliveira, Nathalia Capellini, « The Tocantins River. Water and Development in the Brazilian Amazon (...)
- 49 Bureau of Reclamation, Reconnaissance appraisal, land and water resources, Araguaia-Tocantins rive (...)
- 50 Les ingénieurs du Bureau avaient des activités d’assistance technique au Brésil et dans plusieurs (...)
33Avant Tucuruí, c’était la question de l’amélioration de la navigation du fleuve Tocantins qui occupait le débat public autour du développement économique de la région ; et ce depuis le xviiie siècle48. Le fleuve Tocantins comporte plusieurs obstacles et chutes d’eau disséminés le long de son cours qui rendent difficile la navigation commerciale. Ce n’est que dans les années 1960 que l’idée de construire des barrages hydroélectriques sur le fleuve Tocantins émerge comme « la possibilité par excellence » de changer l’économie régionale49. En 1964, une mission d’étude coordonnée par l’agence de développement régionale CIVAT et menée par l’USAID – l’Agence étatsunienne pour le développement international – à travers son Bureau of Reclamation, confirme le potentiel hydroélectrique de la zone50. Dans l’esprit de la TVA, le rapport de cette mission recommande des actions axées sur les multiples usages du bassin pour le développement local, comprenant l’agriculture, la production d’énergie électrique, la navigation et le contrôle du débit.
- 51 Le régime militaire brésilien a établi le bipartisme en 1965. L’Aliança Renovadora Nacional (ARENA (...)
34Rapidement, les élites, les politiques et les intellectuels de la région se saisissent de la question hydroélectrique et commencent à faire campagne pour ce projet perçu comme en mesure de sortir la région d’une situation de pauvreté et d’isolement. Plus qu’une simple production d’énergie, la construction d’un barrage était plébiscitée localement parce qu’elle représentait une solution qui rendrait enfin le Tocantins navigable pour les grands bateaux, facilitant et augmentant les échanges de marchandises à travers les États de Goiás, Maranhão et Pará. L’un des grands partisans de ce projet était le célèbre homme politique du Pará, Gabriel Hermes. Député fédéral depuis 1954, il a conservé son mandat après le coup d’État civil-militaire en rejoignant le parti pro-gouvernemental ARENA51. À partir de 1965, il publie plusieurs articles dans les journaux afin de saluer le potentiel énergétique de la région amazonienne. Malgré les aspirations des élites politiques et économiques de cette région pour un projet combinant production d’électricité et navigation, l’inclusion d’écluses de navigation dans le projet de barrage de Tucuruí n’est intervenue qu’en 1979, quatre ans après le début des travaux.
- 52 ENGEVIX et THEMAG, « Eclusas de Tucuruí – Hidrovia Tocantins Araguaia », [Rapport], Ministério dos (...)
35Si rendre la navigation possible sur le Tocantins était un élément central dans les débats sur le développement régional, pourquoi les écluses n’avaient pas été prévues dès le départ ? En effet, le projet hydroélectrique dans le Tocantins décidé par l’État militaire et conçu par l’Eletronorte, la filiale régionale d’Eletrobrás pour l’Amazonie, n’avait plus les mêmes objectifs que le projet de la CIVAT, qui a été démantelée avec l’arrivée des militaires au pouvoir. Les différents rapports et études d’ingénierie menés pendant la construction de Tucuruí montrent que l’inclusion des écluses a été envisagée à différents stades de la planification. Ainsi, une étude de faisabilité effectuée au tout début des travaux, en 1975, pointe des incertitudes quant à la construction d’infrastructures pour la navigation, notamment parce que Eletronorte insistait pour que les écluses n’interfèrent pas avec les travaux du barrage hydroélectrique52. Eletronorte, en charge du barrage de Tucuruí, se percevait uniquement comme une entreprise productrice d’énergie et ne souhaitait pas prendre en charge les travaux liés à la navigation. Si cela ne semble pas surprenant, dans la pratique, le secteur de l’électricité, représenté ici par Eletronorte, avait beaucoup plus de pouvoir et de marche de manœuvre que les autres agences étatiques qui intervenaient dans la zone, ce qui lui permettait d’indiquer où et comment construire une écluse et dans quelles conditions.
- 53 Centro de Memória da Eletricidade no Brasil, Coleção particular Cláudio Judice, caixa 2, Ata da 1a (...)
- 54 Ibid., p. 17.
- 55 Ibid.
- 56 Ibid., p. 3.
36Les dynamiques de pouvoir entre les différentes agences d’État apparaissent clairement dans le groupe de travail chargé d’étudier les usages multiples du fleuve Tocantins, qui a tenu sa première réunion le 19 juillet 1977. Lors de cet événement, organisé et présidé par l’Eletrobrás et l’Eletronorte, un « mariage » a été encouragé entre l’hydroélectricité et la navigation, représentée ici par Portobrás, nouvelle entreprise publique brésilienne en charge des ports et des voies navigables53. Selon le compte-rendu, il est clair que ce « mariage » a suscité des tensions, principalement parce que les barrages destinés à la production d’énergie ou la navigation ont des conceptions très différentes. Au cours des discussions, le coût d’installation des écluses a suscité le débat, les acteurs du secteur électrique accusant les autres de les considérer comme leur « riche cousin »54. Ces tensions ne s’exprimaient pas seulement vis-à-vis de la Portobrás, mais aussi vis-à-vis d’autres secteurs, tels que l’industrie de l’extraction minière, l’agriculture, la planification régionale ou les agences de développement en Amazonie, qui ont également participé à la réunion et dont les besoins sont aussi passés au second plan55. Pendant la rencontre de ce groupe de travail, le secteur électrique a fait valoir que la tenue de cette réunion dépendait de sa bonne volonté, puisque l’Eletronorte se voyait « de par la loi, responsable du développement du bassin du fleuve Tocantins »56, après la suppression de la CIVAT en 1967. Concernant les écluses, la conclusion a été que la Portobrás était la seule responsable pour débloquer des fonds servant à les bâtir.
- 57 Congresso Nacional/ Câmara dos Deputados, Projeto de resolução n°344..., op. cit, p. 120.
37Si le soutien régional aux travaux de navigation avait été important, le soutien fédéral ne survient qu’en 1979, lorsque le général João Figueiredo fait de Tucuruí un projet prioritaire dans sa planification économique et alloue enfin le budget nécessaire pour construire les écluses de navigation. Cet octroi de fonds était sans doute lié à la pression politique régionale et à la situation politique nationale. Le régime militaire vivait une période de transition démocratique, et la possibilité d’élections régionales directes devenait de plus en plus probable. Les écluses étaient la pierre angulaire du soutien des élites du Pará et du Centre-Ouest à la construction du barrage de Tucuruí. Ces élites étaient autant intéressées (sinon plus) par la possibilité d’expédier des marchandises entre le centre du Brésil et le port de Belém – « une véritable révolution productive dans le centre-nord du Brésil » – que par la production d’énergie hydroélectrique57. Le financement des écluses était donc important pour s’assurer du soutien des bases politiques du régime au niveau local.
- 58 Anonyme, « Nada sobre eclusas no Tocantins », Diário do Pará, 03/07/1984, p. 5.
38Toutefois, en 1984, année de l’inauguration du barrage de Tucuruí, le système complet d’écluses du canal n’avait pas été construit. Le mécontentement local est important et s’ajoute à d’autres controverses sociales, politiques et environnementales qui accompagnent alors l’inauguration de Tucuruí. Le sénateur Gabriel Hermes a dénoncé cet « affront » devant la presse et a même menacé de s’allonger dans la zone d’inondation du futur réservoir jusqu’à ce que les écluses soient achevées. La réponse du directeur de Portobrás à cette éventualité ne pouvait être plus claire : « Je ne peux qu’espérer que le sénateur, qui porte le nom d’un ange, se verra pousser des ailes et s’envolera lorsque le réservoir sera rempli58. »
- 59 Llano, Raul Garcia, « A Hidrelétrica do Tocantins e suas Repercussões na Industrialização dos Recu (...)
- 60 World Commission on Dams, Tucuruí hydropower complex (Brazil): WCD evaluation version, Cape Town, (...)
- 61 Borges, André, « Paralisadas por pedras no rio, eclusas de Tucuruí já consumiram R$ 1,6 bilhão », (...)
39La position d’Eletronorte tout au long de la construction du barrage, exprimée par son directeur Raul Garcia Llano, a été que l’entreprise était là pour produire de l’énergie et non pour garantir d’autres utilisations au réservoir, souvent en s’exonérant de la responsabilité de l’inclusion des écluses dans l’ouvrage dont elle était responsable59. Même inachevées, les écluses ont augmenté le prix d’environ 300 millions de dollars60. Après l’inauguration du barrage, la demande locale pour la navigation a persisté jusqu’en 1998, date à laquelle les études ont été reprises. La construction des écluses n’a commencé qu’en 2004, sous la présidence de Luís Inácio « Lula » da Silva, et elles ont été inaugurées en 2010. À l’époque, les estimations de transport étaient de l’ordre de 40 millions de tonnes par an. Aujourd’hui, les écluses de navigation construites pour enjamber les 75 mètres du barrage de Tucuruí ne laissent passer que quelques bateaux, représentant une charge totale de quelque 150 000 tonnes par an, soit moins de 0,5 % de leur potentiel supposé61. Les erreurs techniques de construction et le manque d’entretien sont évoqués, mais ils ne sont pas la seule cause de ce faible trafic, qui est également lié aux maigres capacités d’exportation de la région, mais aussi à l’assèchement du fleuve Tocantins au cours de ces dernières années.
Considérations finales
40Cet article visait à comprendre comment l’expansion du rôle de l’État dans la production électrique entre 1930 et la fin des années 1980 a fini par subordonner la gestion de l’eau à la production électrique, ainsi que le développement local aux intérêts étatiques. Après avoir étudié le processus d’institutionnalisation du secteur électrique à l’intérieur de l’État, il a été ensuite question de la construction de deux barrages pendant le régime militaire, tous deux conçus pour avoir des usages multiples, Tucuruí et Sobradinho. Dans les deux cas, nous avons vu comment, alors même que l’État a délégué des fonctions importantes à son secteur de l’électricité, celui-ci a maintenu sa vision centrée sur la seule production d’énergie, conduisant à des conflits locaux, puisque les autres acteurs attendaient des compagnies d’électricité qu’elles fournissent les autres bénéfices attendus des barrages hydroélectriques à usages multiples. Cela a généré un mode de fonctionnement faussé, car le secteur a acquis beaucoup de pouvoir sur les zones qu’il administrait, tout en niant sans difficulté toute responsabilité en cas de critique, puisque son rôle officiel était de produire de l’électricité, et rien d’autre. Indéniablement, la construction de barrages était l’un des principaux outils du gouvernement militaire pour promouvoir le développement du pays et ses stratégies géopolitiques, notamment après le choc pétrolier de 1973 qui coïncide avec la fin du miracle économique brésilien. Dès lors, la stratégie du régime est devenue plus fortement axée sur la croissance du PIB national, au détriment du développement local des régions où s’implantaient des projets d’aménagement hydriques. Si le projet du régime a fixé l’agenda du secteur de l’électricité, son autonomie a conduit à une logique dans laquelle l’énergie est devenue la principale, voire la seule préoccupation du secteur, pendant la construction de ces structures qui ont coûté des milliards de dollars. Bien que le secteur de l’électricité ait été restructuré depuis les années 1990 suite à sa privatisation, cette logique semble toujours guider les actions du secteur, comme en attestent les récentes controverses autour du barrage de Belo Monte, ou de la gestion de l’eau en cas de sécheresse dans le Sud-est brésilien.
- 62 Vasconcelos, Yuri, « Sob o risco da escassez », Pesquisa Fapesp, n° 310, dez. 2021.
41Cet article a montré que le pouvoir et la politique participent de manière centrale à façonner la nature et, en retour, que la gestion de la nature est une partie centrale de l’histoire politique contemporaine au Brésil. Les barrages hydroélectriques ont façonné et continuent de façonner les écosystèmes brésiliens, mais aussi sa société. Questionner les liens entre politique et système hydroélectrique brésilien peut nous aider à réfléchir à certaines de ses caractéristiques pour mieux comprendre les défis de notre temps. En effet, en 2021, l’importante baisse de pluies a mis en péril la capacité de production hydroélectrique dans le pays, et cette situation est vouée à se répéter en raison du changement climatique62. L’hydroélectricité peut continuer à répondre à la demande énergétique du Brésil, mais les questions sociales, politiques et environnementales qu’elle soulève doivent être discutées, de même que le rôle prépondérant du secteur de l’électricité par rapport aux autres usages de l’eau dans le pays.
Notes
1 Balanço Energético Nacional, séries historicas [https://www.epe.gov.br/pt/publicacoes-dados-abertos/publicacoes/BEN-Series-Historicas-Completas (consulté le 30/03/2022)].
2 Brandi, Paulo et Centro da Memória da Eletricidade no Brasil, Panorama do setor de energia elétrica no Brasil, Rio de Janeiro, Centro da Memória da Eletricidade no Brasil, 2006.
3 Quelques exceptions sont à noter : Acker, Antoine, Volkswagen in the Amazon: The Tragedy of Global Development in Modern Brazil, Cambridge, Cambridge University Press, 2017; Duarte, Regina Horta, « “Turn to pollute”: air pollution and development model during the Brazilian “miracle” (1967-1973) », Tempo, vol. 21, n° 37, 2015, p. 64-87 ; R. de Paulo Andrade, « Conquistar a terra, dominar a água, sujeitar a floresta”: Getúlio Vargas e a revista “Cultura Política” redescobrem a Amazônia (1940-1941) », Boletim do Museu Paraense Emilio Goeldi, vol. 5, n° 2, 2010, p. 453-468.
4 Acker, Antoine, « A Different Story in the Anthropocene: Brazil’s Post-Colonial Quest for Oil (1930–1975) », Past & Present, 2020, vol. 249, no 1, p. 167-211.
5 Pour en citer quelques-uns : Fearnside, Philip M., « Environmental Impacts of Brazil’s Tucurui Dam: Unlearned Lessons for Hydroelectric Development in Amazonia », Environmental Management, vol. 27, no 3, 2001 p. 377-396 ; Fearnside, Philip M., « Social Impacts of Brazil’s Tucuruí Dam », Environmental Management, vol. 24, no 4, 1999, p. 483-495 ; Magalhães, Sônia Barbosa, Lamento e dor: Uma análise sócio-antropológica do deslocamento compulsório provocado pela construção de barragens, Thèse de doctorat, Belém/ Paris, Universidade Federal do Pará / Université Paris 13, 2007 ; Mougeot, Luc, « Aménagements hydro-électriques et réinstallation de populations en Amazonie : les premières leçons de Tucurui, Para », Cahiers de Sciences Humaines, vol. 22, no 3-4, 1986, p. 401-417 ; Sigaud, Lygia, Efeitos sociais de grandes projetos hidrelétricos as barragens de Sobradinho e Machadinho, Rio de Janeiro, Museu Nacional/UFRJ, 1986 ; Silva, Edcarlos Mendes da, Desterritorialização sob as águas de Sobradinho: ganhos e desenganos, Dissertation de Master, Salvador, Universidade Federal da Bahia, 2016 ; Werner, Deborah, « Intervenção regional dos grandes projetos hidrelétricos: os casos de Sobradinho e Itaparica e reflexões sobre o período recente », Leituras de Economia Política, no 18, 2011, p. 45-71 ; Acselrad Henri et Maria das Graças da Silva, « Conflito social e mudança ambiental na barragem de Tucuruí », in Henri Acselrad (dir.), Conflitos ambientais no Brasil, Rio de Janeiro, Fundação Heinrich Böll/ Relume Dumará, 2004, p. 175-194 ; Vainer, Carlos et Frederico B. de Araújo, « Impactos Sócio-Ambientais de Hidrelétricas. Efeitos das hidrelétricas. Movimento dos Atingidos Por Barragens », Caderno de Estudos Básicos, vol. 1, no 1, 1994, p. 4-7.
6 Wittfogel, Karl A., Le despotisme oriental : étude comparative du pouvoir total, Paris, Minuit, 1964 ; Worster, Donald, Rivers of empire: water, aridity, and the growth of the American West, New York, Pantheon Books, 1992.
7 Scott, James C., Seeing Like State: How Certain Schemes to Improve the Human Condition Have Failed, New Haven, Yale University Press, 1998.
8 Basalla, George, « Some Persistent Energy Myths », in Daniels, George et Mark Rose (dir.), Energy and Transport: Historical Perspectives on Policy Issues, Berverly Hills, Sage Publications, 1982, p. 27-38.
9 Bijker, Wiebe E., « Dikes and Dams, Thick with Politics », Isis, vol. 98, no 1, 2007, p. 109-123.
10 Winner, Langdon, « Do artifacts have politics? », Daedalus, vol. 109, no 1, 1980, p. 121-136.
11 Décret nº 20.395, du 15 septembre 1931.
12 Selon les ordonnances émanant du Royaume du Portugal, les cours d’eau navigables appartenaient à la Couronne portugaise et, par conséquent, l’utilisation de ces voies dépendait des licences royales. Par le biais de la licence (Alvará) du 27 novembre 1804, les propriétaires fonciers, ainsi que les villes riveraines ont reçu des droits d’usage de l’eau. Tomanik, Cid, « Regime jurídico da concessão de uso das águas públicas », Revista de Direito Público, no 21, 1972, p. 160-173.
13 Valladão, Alfredo, Dos rios publicos e particulares, Bello Horizonte, s. e., 1904.
14 Au sujet des controverses liées au Code des Eaux de 1934, voir : Corrêa, Maria Letícia, « Contribuição para uma história de regulamentação do setor de energia elétrica no Brasil: o Código de Águas de 1934 e o Conselho Nacional de Águas e Energia Elétrica », Política & Sociedade, vol. 4, no 6, 2005, p. 255-292.
15 Décret n° 24.643 du 10 juillet 1934.
16 Valladão, op. cit.
17 Loi 9.478/1997, qui instaure la Politique énergétique nationale.
18 Vargas, Getúlio, Mensagem ao Congresso Nacional por ocasião da Sessão Legislativa de 1951, Rio de Janeiro, 1951, p. 155.
19 Ibid., p. 159.
20 La création d’Eletrobrás a été entravée pendant une décennie par l’action des privatistas, qui défendaient la participation du capital privé dans le secteur électrique. Sur ce débat, voir : Silva, Marcelo Squinca, Energia Elétrica: Estatização e Desenvolvimento, 1956-1967, São Paulo, Alameda, 2011.
21 Sur la stratégie américaine de diffusion de l’expérience de la TVA dans le monde, voir : Ekbladh, David, The Great American Mission: Modernization and the Construction of an American World Order, Princeton, Princeton University Press, 2010.
22 Cooke, Morris (dir.), A missão Cooke no Brasil, Rio de Janeiro, Centro de Estudos de Problemas Brasileiros da Fundação Getulio Vargas, 1949.
23 Brose, Markus, « Do Tennessee ao Velho Chico: Viagens de uma ideia », in Brose, Markus (dir. ), TVA e instituições de desenvolvimento regional, Santa Cruz do Sul, EDUNISC, 2015.
24 Tendler, Judith, Electric power in Brazil; entrepreneurship in the public sector, Cambridge, Harvard University Press, 1968.
25 Données de l’auteure compilées à partir d’informations disponibles sur la Banque d’informations de production (BIG) de l’Agence nationale de l’énergie électrique (extraites le 30/08/2017), sur le Registre national des barrages organisé et maintenu par le Comité brésilien des grands barrages et sur la publication du Comitê Brasileiro de Grandes Barragens, Dams in Brazil, São Paulo, CBGB, 1982.
26 Companhia Hidrelétrica do Vale do São Francisco (CHESF), Aspectos sócio-econômicos da implantação do reservatório de Sobradinho, Recife, Departamento de Implantação de Reservatórios, 1980.
27 Oliveira, Gabriel Pereira, A corrida pelo rio: projetos de canais para o Rio São Francisco e disputas territoriais no Império brasileiro (1846-1886), Recife, Fundação Joaquim Nabuco/Editora Massangana, 2019 ; Bursztyn, Marcel, O poder dos donos: Planejamento e clientelismo no Nordeste, Rio de Janeiro / Fortaleza, Garamond, 2008.
28 Sigaud, op. cit., p. 12-16.
29 Lettre reproduite dans Congresso Nacional/ Câmara dos Deputados, Projeto de Resolução n°331, de 1982 - CPI das Cheias do São Francisco (relatório e conclusões), Brasília, Centro de Documentação e Informação, Coordenação de Publicações, 1983.
30 Cité par Sigaud, op. cit., p. 26.
31 Brasil/Congresso Nacional, Diário do Senado Federal n°14, Brasília, Senado Federal, 1973, p. 259.
32 Goodland, Robert, Projeto Sobradinho : reconhecimento do impacto ambiental, s. l., CHESF, 1974.
33 World Bank Archives, P-1414-BR, Mcnamara, Robert S, Report and Recommendation of the President to the Executive Direcors on a Proposed Loan to Companhia Hidro Eletrica Do São Francisco (CHESF) with the Guarantee of the Federative Republic of Brazil for the Paulo Afonso IV Hidrelectric Power Project, s. l., International Bank for Reconstruction and Development, 1974.
34 Cabral, Ligia Maria Martins et Eliane Rocha Correia de Azevedo, O meio ambiente e o setor de energia elétrica brasileiro, Rio de Janeiro, Centro da Memória da Eletricidade no Brasil, 2009, p. 57.
35 Santos, Regnaldo Gouveia dos, Impactos sócio-ambientais à margem do rio São Francisco: um estudo de Caso, Dissertation de master, São Paulo, Universidade de São Paulo, 2008.
36 Brasil/Congresso Nacional, Diário do Congresso Nacional n°144, Brasília, Congresso Nacional, 17/11/1977, p. 3160.
37 Estrela, Ely Souza, Três Felicidades e um desengano: A experiência dos beradeiros de Sobradinho em Serra do Ramalho - BA, Thèse (doctorat) en Histoire, Pontifícia Universidade Católica de São Paulo, São Paulo, 2004.
38 Barros, H., Projeto Sobradinho: avaliação sócio- econômica da relocalização populacional (Relatório de pesquisa), Recife, CHESF, Fundação Joaquim Nabuco e Instituto de Pesquisas Sociais, 1983.
39 Werner, Deborah, « Intervenção regional dos grandes projetos hidrelétricos: os casos de Sobradinho e Itaparica e reflexões sobre o período recente », Leituras de Economia Política, no 18, 2011, p. 45-71.
40 Domingues, Rita Alcântara, « Construção Política da disponibilidade hídrica: o caso do sertão semiárido », GEOUSP: Espaço e Tempo, no 33, 2013, p. 153-167.
41 Brasil/ Câmara dos Deputados, Diário do Senado Federal n°6, Brasília, Senado Federal, 8/3/1979, p. 58.
42 Les CPI sont des instruments du pouvoir législatif destinés à analyser les dysfonctionnements de l’action de l’État, à contrôler l’administration publique et à défendre les intérêts de la collectivité.
43 Brasil/ Câmara dos Deputados, Projeto de Resolução n°331..., op. cit., p. 156-163.
44 Ibid., p. 155.
45 Pinto, Lúcio Flávio, Amazônia: a fronteira do caos, Belém, Falangola Editora, 1991.
46 Becker, Bertha K, Geopolítica da Amazônia: a nova fronteira de recursos, Rio de Janeiro, Zahar, 1982.
47 Oliveira, Nathalia Capellini, Historiciser les barrages en Amazonie brésilienne : environnement, conflit et politique dans la planification et la construction de Tucuruí (1960-1985), Thèse de doctorat, Versailles, Université de Versailles SQY, 2019.
48 Oliveira, Nathalia Capellini, « The Tocantins River. Water and Development in the Brazilian Amazon », Contemporanea, vol. 25, no 2, 2022, p. 293-318.
49 Bureau of Reclamation, Reconnaissance appraisal, land and water resources, Araguaia-Tocantins river basin, Brazil: a report to CIVAT, Washington, Bureau of Reclamation, 1964, p. 3.
50 Les ingénieurs du Bureau avaient des activités d’assistance technique au Brésil et dans plusieurs pays du monde. Sur ce processus, voir : Sneddon, Christopher, Concrete revolution: large dams, Cold War geopolitics, and the US Bureau of Reclamation, Chicago, The University of Chicago Press, 2016.
51 Le régime militaire brésilien a établi le bipartisme en 1965. L’Aliança Renovadora Nacional (ARENA) était l’épine dorsale du régime, tandis que le Movimento Democrático Brasileiro (MDB) représentait l’opposition.
52 ENGEVIX et THEMAG, « Eclusas de Tucuruí – Hidrovia Tocantins Araguaia », [Rapport], Ministério dos Transportes/ Portobrás/ DPNV, 1978.
53 Centro de Memória da Eletricidade no Brasil, Coleção particular Cláudio Judice, caixa 2, Ata da 1a « Reunião do grupo de trabalho para estudo do aproveitamento múltiplo do Rio Tocantins », 19/07/1977, p. 26–29. La Portobrás a fonctionné entre 1975 et 1991.
54 Ibid., p. 17.
55 Ibid.
56 Ibid., p. 3.
57 Congresso Nacional/ Câmara dos Deputados, Projeto de resolução n°344..., op. cit, p. 120.
58 Anonyme, « Nada sobre eclusas no Tocantins », Diário do Pará, 03/07/1984, p. 5.
59 Llano, Raul Garcia, « A Hidrelétrica do Tocantins e suas Repercussões na Industrialização dos Recursos Minerais do Pará », in IV Encontro de Estudos e Debates: O II PND e os Programas de Desenvolvimento Regional do Pará, Belém, Senado Federal, 1975, p. 13-31.
60 World Commission on Dams, Tucuruí hydropower complex (Brazil): WCD evaluation version, Cape Town, World Commission on Dams, 2000, p. 105.
61 Borges, André, « Paralisadas por pedras no rio, eclusas de Tucuruí já consumiram R$ 1,6 bilhão », Estadão, 13/11/2017, [en ligne, consulté le 20/07/2021].
62 Vasconcelos, Yuri, « Sob o risco da escassez », Pesquisa Fapesp, n° 310, dez. 2021.
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Titre | Figure 1 – Carte de localisation des barrages de Sobradinho et Tucuruí et projets associés |
Crédits | Source : élaborée par l’auteure. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/caravelle/docannexe/image/13094/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 115k |
Pour citer cet article
Référence papier
Nathalia Capellini, « Expansion hydroélectrique et contrôle de l’eau par l’État au Brésil (1930-1990) », Caravelle, 119 | -1, 71-88.
Référence électronique
Nathalia Capellini, « Expansion hydroélectrique et contrôle de l’eau par l’État au Brésil (1930-1990) », Caravelle [En ligne], 119 | 2022, mis en ligne le 01 janvier 2023, consulté le 06 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/caravelle/13094 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/caravelle.13094
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