1Depuis les années 1970, les recherches sur l’histoire des femmes, sous des angles et avec des présupposés théoriques variés et surtout renouvelés, ont constitué sans doute un des aspects les plus remarquables de la production historiographique, en particulier avec l’apparition de réflexions non plus sur le sexe, mais sur le genre. Ce mouvement apparu aux États-Unis a gagné l’Amérique latine, d’abord le Mexique, pour des raisons évidentes, puis la plupart des autres pays du sous-continent. La bibliographie qu’il a produite est énorme, d’une grande diversité, souvent d’excellente qualité et novatrice.

2Cela est aussi vrai au Pérou pour des secteurs comme ceux des femmes esclaves, des religieuses, des beatas, ou certaines époques, surtout les xviii^e et xix^e siècles, et plus récemment les luttes réunies sous le qualificatif de féministes. Que l’on pense aux livres parus à la fin de la dernière décennie de Maribel Arrelucea, Luis Bustamante, María Emma Mannarelli, Karen Poulsen, Amelia Almorza Hidalgo et Marinés Valdivia, par exemple.

3Le présent volume, impressionnant avec ses plus de six cents pages de texte et ses vingt-sept contributions, est articulé autour d’une thématique essentielle, à double face : d’un côté les processus d’accès des femmes à l’espace public, compliqués, lents et parfois contradictoires, en dépit des forts tropismes qu’impliquait la subalternité multiforme où le vieux patriarcat triomphant entendait les confiner ; d’autre côté, les effets de cet accès dans les espaces publics, le monde du droit, de la reconnaissance sociale et même de l’exercice d’un pouvoir réel. La plupart des textes ici réunis furent présentés lors du premier Simposio de Historia de las Mujeres y del Género qui s’est tenu à Lima en novembre 2013, d’autres sont venus s’adjoindre par la suite. Les autrices, c’est à signaler, sont de loin les plus nombreuses puisqu’elles ont donné environ les trois quarts des textes de cet ouvrage.

4Le livre a été organisé en cinq parties grosso modo chronologiques et en général axées autour d’un thème dominant, par exemple la question du pouvoir des femmes dans la société préhispanique, les discours et les modèles de féminité, de masculinité et d’homosexualité aux xvii^e et xix^e siècles, le féminisme péruvien et les femmes agents de l’histoire (xix^e et xx^e siècles), genre, ethnicité, travail et honneur du xix^e au xxi^e siècles.

5Les travaux présentés sont tous d’un excellent niveau, souvent très neufs, parfois heureusement inattendus et à l’évidence parties ou avances de recherches de plus grande envergure qui dans un avenir proche devraient voir le jour sous leur forme définitive et développée. L’ensemble a aussi un autre mérite. Il montre les expressions péruviennes de processus, de pratiques, d’aspirations, de combats et de résistances que l’on rencontre dans d’autres régions du sous-continent, à la même époque ou avec un certain déphasage chronologique, sous des formes identiques ou des variantes plus ou moins affirmées dont les raisons mériteraient d’être étudiées et évaluées.

6Ajoutons qu’une fois réunies, les bibliographies de cette vingtaine de travaux, plus une longue et excellente introduction théorique de l’éditrice proposent une bibliographie très complète qui est désormais de toute façon une référence obligée sur les études de genre au Pérou.