La commémoration du Ve centenaire de la conquête du Mexique : premières approches sur la mémoire contemporaine d’un évènement lointain
Résumés
Cet article examine le sens de la mémoire et les politiques mémorielles qui ont émergé au Mexique avec l’administration d’Andrés Manuel López Obrador depuis 2018. À partir du concept de régime mémoriel, nous verrons qu’une des singularités de la politique actuelle est la fondation d’une culture publique de la repentance et la mise en place des institutions de mémoire concernant aussi bien la mémoire du passé colonial que l’histoire nationale mexicaine.
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L’article a été soumis pour évaluation le 29/09/21 et a été accepté pour publication le 22/12/21.
Texte intégral
- 1 Rousso, Henry et Éric Conan, Vichy, un passé qui ne passe pas, Paris, Fayard, 1994.
- 2 Rousso, Henry, Face au passé. Essais sur la mémoire contemporaine, Paris, Belin, 2016.
- 3 Michel, Johann, Devenir descendant d’esclave. Enquête sur les régimes mémoriels, Rennes, PUR, 2015
1De nos jours, les passés coloniaux soulèvent de fortes émotions dans l’espace public, s’avérant être des « passés qui ne passent pas », pour emprunter la célèbre formule d’Henry Rousso et Éric Conan1. Toutefois, s’il est vrai que ces passés constituent des plaies ouvertes, leur sens est le fruit de réinterprétations faites depuis le temps présent. Or, dans plusieurs débats académiques et scientifiques, ce sens est celui d’un traumatisme. De plus, les notions de génocide, des préjudices, des violations des droits humains sont mobilisées pour qualifier des faits bien éloignés de nous par plusieurs siècles. Cette vision de l’histoire prédomine lorsqu’il est question de dénoncer la colonialité des sociétés actuelles ou le racisme structurel, termes forgés par la pensée décoloniale contemporaine, véritable vecteur d’une lecture mémorielle du passé qui appelle à exercer des actions sur l’histoire : notamment celles liées à la reconnaissance, la repentance et à la réparation. Comme souligne également H. Rousso, cette mémoire est « essentiellement victimaire »2 et est fondée sur un discours militant. Il s’agit également d’une mémoire publique à travers laquelle des acteurs variés cherchent transformer leurs revendications en politiques mémorielles3.
2Récemment, cette forme de mémoire des passés coloniaux s’est mondialisée, notamment après l’assassinat de George Floyd aux États-Unis, fait qui a donné lieu à un renforcement du mouvement Black Lives Matter. À partir de là, des questions sur le racisme ont fortement émergé, reliées à un débat (sans fin) sur les dettes historiques et le poids des passés lointains. En Amérique latine, les passés coloniaux font débat depuis même le dernier quart du xxe siècle, ayant atteint en 1992 un point d’orgue lors du Ve Centenaire de la Découverte des Amériques, qualifiée à cette occasion de génocide et de destruction identitaire. À cette époque, le déboulonnage de statues, la circulation des manifestes des mouvements indigènes et noirs et la question des droits associées à l’identité et la condition historique constituaient des phénomènes qui prenaient d’assaut les gouvernements de la région.
- 4 « López Obrador pide al rey de España una disculpa por los abusos de la Conquista » [https://www.y (...)
3Aujourd’hui au Mexique, des débats acharnés sur le passé colonial resurgissent à l’heure d’une conjoncture majeure : le Ve centenaire de la conquête du Mexique survenue en 1521. Depuis 2019, une mémoire victimaire s’exprime dans les préparatifs de cet événement. Ainsi, en 2019, le président Andrés Manuel López Obrador a exigé à l’Espagne et au Vatican la présentation d’excuses auprès des « peuples originaires » au titre des violations de ce que nous connaissons comme « les droits humains » lors des évènements de la conquête4. D’autres actions, auxquelles nous nous intéresserons ici, ont suivi cette demande. Depuis, la mémoire sur la conquête semble osciller entre une mémoire indigène, et donc identitaire et particulière, et une mémoire nationale anticoloniale. En effet, quel sens prend la mémoire de la conquête dans l’histoire du temps présent mexicaine ? Quels sont les vecteurs et les acteurs de cette mémoire ?
4Pour répondre à ces questions, j’examinerai des premiers éléments sur la commémoration du Ve centenaire de la conquête. D’abord, je reviendrai sur mes recherches à propos de ce que j’appelle le régime mémoriel du pluralisme culturel. Ensuite, j’analyserai le discours de l’administration mexicaine actuelle à propos du passé colonial depuis une réflexion sur une nouvelle mémoire anticoloniale. Finalement, j’aborderai le surgissement des institutions mémorielles et le sens du passé qu’elles diffusent. C’est au sein de ces institutions que nous observerons comment une oscillation entre mémoire identitaire et histoire nationale se remet en place.
Le régime mémoriel du pluralisme culturel : réinterprétations contemporaines du passé indigène
- 5 Michel, Johann, op. cit.
5Les régimes mémoriels sont des configurations du sens du passé structurées à des moments précis. Ils se transforment et peuvent être observés à partir de plusieurs variables : changement de majorité politique, mobilisation des acteurs sociaux, contexte international, circulation des idées, etc. 5. à présent, dans le contexte international, un régime de mémoire victimaire prime dans les revendications identitaires et dans les discours sur les histoires coloniales. Toutefois, ce régime émerge et évolue selon le contexte. Examinons ici quelques éléments historiques du régime mémoriel du pluralisme culturel au Mexique.
- 6 Doremus, Anne, « Indigenism, Mestizaje, and National Identity in Mexico during the 1940s and the 1 (...)
6En 2001, le parlement mexicain approuvait la réforme de l’article 2 de la Constitution qui reconnaît le caractère pluriculturel de la nation « fondé dans les peuples originaires ». Cet article (inspiré d’une première réforme faite à l’article 4 en 1992) a été, d’une part, le fruit des négociations entre le gouvernement et les mouvements indigènes, notamment l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) ; et d’autre part, il est la suite de l’intégration dans la loi mexicaine des dispositions internationales sur les droits fondamentaux des peuples autochtones. Ce qui était nécessaire pour renforcer l’image du Mexique comme un pays soucieux de respecter la « pluralité culturelle ». Or, l’article 2 entraînait une modification du récit national, en continuité de la réforme faite en 1992. Longtemps dans le pays, avait perduré le paradigme de la nation homogène prônant pour une intégration des indigènes à une seule culture. Durant la période 1920-1960 s’est forgée l’idée de bâtir une « nation métisse », résultat d’une fusion raciale, culturelle et sociale de la racine espagnole et celle indigène. L’utopie politique du métissage était soutenue par une interprétation de l’histoire qui accordait aux indigènes le statut des ancêtres nationaux en leur attribuant une origine précolombienne. Toutefois, les indigènes contemporains étaient perçus comme un secteur social en retard par rapport à la modernité et à l’unité nationale. Cette conception était reliée à une idéologie précise : l’indigénisme. Fondée sur l’anthropologie et l’archéologie, l’indigénisme était un courant scientifique et une forme d’intervention sociale pour « civiliser les indigènes » et les fondre dans « le métis »6. Pour y parvenir, un vaste programme des politiques publiques a été destiné aux indigènes : politiques sanitaires, éducatives, linguistiques, d’infrastructure, entre autres…
- 7 Jaulin, Robert, La décivilisation. Politique et pratique de l’ethnocide, Bruxelles, Complexe, 1974
- 8 Hernández Reyna, Miriam, D’ancêtres de la nation à victimes ancestrales. Les indigènes du Mexique (...)
7À la fin des années 1960, l’indigénisme a été contesté par une nouvelle génération d’anthropologues critiques qui ont qualifié l’intégration des indigènes latino-américains d’ethnocide ou de décivilisation7. Il faut rappeler que depuis la fondation de l’Institut Indigéniste Interaméricain (1940), l’indigénisme était devenu une pratique adoptée par plusieurs pays de l’Amérique Latine. La contestation de cette politique lors de nombreuses réunions internationales identifiait l’indigénisme en continuité au colonialisme initié en 1492. Aux années 1970, cette interprétation a fait émerger la figure des indigènes en tant que « victimes ancestrales »8. Un nouveau projet est ainsi apparu : la dénonciation des coupables de la souffrance historique des indigènes et la quête d’une solution. Dans la période 1970-1980, les organisations indigènes ont diffusé une nouvelle idéologie qui relisait l’histoire pour pointer du doigt les erreurs du passé colonial. Dans la lame de ce « réveil indigène » ou « pensée indianiste », ces acteurs exprimaient le besoin de « prendre la parole » et de « récupérer leur histoire » en remettant en cause l’indigénisme. Dans plusieurs documents de cette époque, le concept de mémoire émergeait comme nouvelle clé d’interprétation du passé. Il s’agissait d’une mémoire ancestrale, de souffrance, mais de résistance, opposée aux histoires nationales entendues comme histoires officielles.
- 9 Ribeiro, Darcy, « Os protagonistas do drama indígena » Actes du XLII Congrès des Américanistes, So (...)
8Au Mexique, l’anthropologie critique et l’indianisme ont été cultivés et diffusés, mais sans contester complètement la politique indigéniste. Plusieurs anthropologues critiques ont rejoint l’Institut National Indigéniste (fondé en 1948). Par l’action de ces intellectuels et des organisations indigènes, l’indigénisme a été modifié vers la moitié des années 1970, devenant un « indigénisme de participation ». Ce réagencement proposait une politique soucieuse de la diversité culturelle et linguistique, et des attentes des communautés indigènes par rapport à leur avenir. Ce fut le début des politiques en accord à plusieurs revendications qui avaient été exprimées à l’international. Afin de voir la portée que cette l’idée avait dans le contexte mondial, rappelons ce que Darcy Ribeiro exprimait lors du 42e Congrès des Américanistes en 1976 : pour lui, la solution à l’ethnocide était la reconnaissance de la multiethnicité des sociétés latinoaméricaines9. Ainsi, les anthropologues critiques et les organisations indigènes ont-ils été des entrepreneurs de mémoire définissant le passé comme un problème auquel il fallait faire face. Ils ont donc posé des nouveaux termes pour interpréter l’histoire : ethnocide, continuité du colonialisme, mémoire de la souffrance historique et le besoin de reconnaissance. Au Mexique, ces idées connaîtraient une intégration au discours officiel jusqu’à devenir le paradigme principal sur le passé indigène.
9Au début des années 1980, et avec la confrontation du Mexique aux crises économiques internes et externes, le besoin de moderniser le pays dans le discours et la pratique s’imposait. C’est ainsi que les premiers gouvernements néolibéraux ont commencé à promouvoir l’idée de la pluralité culturelle comme une nouvelle valeur démocratique. Cependant, ce fut vers la fin des années 1980 que cette idée a commencé à orienter la lecture officielle du passé. Lors du mandat du président Carlos Salinas de Gortari (1988-1994), la notion de « dette historique » envers les indigènes est apparue pur exprimer la volonté de mettre une solution à la souffrance ancestrale des indigènes. Cette idée était en syntonie avec l’avènement du Ve centenaire de la Découverte des Amériques en 1992, date à laquelle a été conduite la première réforme constitutionnelle pour reconnaître la multiethnicité de la nation mexicaine.
- 10 Baschet, Jérôme, « La rebelión de la memoria. Temporalidad e historia en el movimiento zapatista » (...)
10Or, la reconnaissance de la multiethnicité nationale est venue de pair, paradoxalement, avec la réforme de l’article 27 de la Constitution qui protégeait depuis la fin de la Révolution mexicaine, les formes à propriété collective désormais susceptibles de devenir propriété privée. Ce fut une des causes de la rébellion de l’Armée Zapatiste de Libération nationale en 1994 au Chiapas. Ce mouvement s’est présenté comme une lutte de la mémoire ancestrale contre l’oubli pratiqué par les pouvoirs mexicains10. Les négociations avec le gouvernement se sont effectuées dans la toile de fond qui affirmait la mémoire indigène comme un retour à un passé douloureux, mais aussi comme un mécanisme pour réimaginer la nation et son avenir. Les Accords de San Andrés Larrainzar, signés en 1996, ont établi le besoin de relier la reconnaissance de la pluralité culturelle, incarnée par les indigènes oubliés depuis des siècles, avec l’autonomie et de l’autogestion territoriale. La mémoire victimaire était donc mobilisée non seulement comme un rapport symbolique au passé, mais aussi en raison d’une question matérielle.
- 11 « Discours de la prise de pouvoir de V. Fox Quesada, 1 décembre 2000 » [http://www.biblioteca.tv/a (...)
- 12 Una nueva relación con los pueblos indígenas. Memoria política pública para el desarrollo de los p (...)
- 13 « Exposición de motivos para la iniciativa de creación de la Ley general de derechos lingüistas de (...)
11Au début du xxie siècle, la mémoire indigène s’est transformée en rhétorique officielle. En 2000, avec le triomphe du candidat de la droite, Vicente Fox Quesada, le sens de cette mémoire a été intégré aux documents officiels qui faisaient sienne l’idée de la reconnaissance de la pluralité culturelle et de la réparation du passé. Une expression de ce changement est le discours de la prise de pouvoir de Fox Quesada où il affirmait : « plus jamais un Mexique sans vous »11, s’adressant aux indigènes de Chiapas, qu’il appelait aussi « ses amis ». Lors de son mandat (2000-2006), l’Institut National Indigéniste disparaissait aussi, laissant sa place à la Commission nationale de Développement des Peuples Indigènes et à des nouvelles institutions régies par le principe de l’interculturalité. Ce terme renvoie à l’utopie de forger une nation plurielle avec des relations harmonieuses entre les indigènes et la société métisse après des siècles de conflit. Pendant l’administration Fox Quesada, l’interculturalité est donc devenue un concept politique clé associé à la réparation du passé par la suppression des formes ancestrales d’inégalité et de discrimination12. Ainsi, attirons l’attention sur la création des institutions dont leur objectif est la guérison identitaire à travers la récupération des traditions indigènes (et non la concession de l’autonomie et l’autodétermination demandées en 1994). Évoquons notamment la création de l’Institut National des Langues Indigènes en 2003 et d’un ensemble d’universités interculturelles depuis 2004 dans plusieurs régions du Mexique. Dans les documents fondateurs de ces institutions, il est régulièrement affirmé qu’elles constituent un mécanisme qui permettrait à la nation de faire marche en arrière et de solder la dette historique ouverte depuis la conquête de 152113.
12Ainsi, la lecture du passé en tant que trauma ancestral, et l’horizon d’attente de la réparation à travers les politiques interculturelles, ont fait cristalliser le régime mémoriel du pluralisme culturel. Au cœur de ce régime, demeure la figure de l’indigène victime ancestrale et l’idée selon laquelle la réparation de l’identité (blessé par des siècles d’ethnocide) est responsabilité de l’État mexicain.
Les indices d’une mémoire anticoloniale : retour sur l’administration López Obrador
13La mise en place des politiques de l’interculturalité lors de l’administration Fox Quesada a démantelé l’indigénisme. Bien que l’indigénisme demeure une des bases idéologiques des nouvelles politiques, des transformations importantes ont eu lieu. C’est le cas de l’adoption de la mémoire comme clé de lecture propre à la rhétorique officielle. Lors des deux administrations suivantes, celles de Felipe Calderon Hinojosa (2006-2012) et Enrique Peña Nieto (2012-2018), le développement des politiques de l’interculturalité a continué. La mise en valeur des cultures et des traditions indigènes a été promue par des programmes qui ont été renforcés au fil des années. Le tout restant cohérent avec le discours établi depuis la réforme de 2001. Bien évidemment, des points de controverse existent, notamment à propos de la différence entre le pluralisme culturel (centré dans la reconnaissance identitaire) et le pluralisme juridique (plaidant pour l’autonomie et l’autodétermination territoriale, culturelle et des us et coutumes). Ce qui nous intéresse concerne le premier point, car c’est celui qui a été adopté comme rhétorique officielle au cœur de laquelle s’expriment les enjeux mémoriels quant au passé indigène. Or, c’est à propos de ces enjeux que des changements (mais aussi des continuités) sont survenus avec le triomphe d’un candidat de gauche au Mexique. Rappelons que pour la période 1920-2000 un seul parti a tenu le pouvoir au Mexique, le Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI). Le développement historique de l’indigénisme répond à cette même périodisation y compris dans toutes ses évolutions. Mais lors de l’arrivée au pouvoir du parti de droite, Parti Action National (PAN), le discours sur la diversité culturelle et l’interculturalité a remplacé l’indigénisme.
- 14 Martínez Espinoza, Manuel I, « La política social de la cuarta transformación en México. Un balanc (...)
- 15 Une analyse des préférences politiques lors des présidentielles de 2018 es présenté ici : [https:/ (...)
14En 2018, Andrés Manuel López Obrador, leader du Parti MORENA (Mouvement pour la régénération nationale) remporte les élections après deux tentatives. Doté d’une majorité parlementaire et de gouvernance d‘états fédérés mexicains, López Obrador fonde son discours dans l’idée d’une nouvelle justice sociale pour les classes les plus démunies14. Cela inclut les populations indigènes, identifiées comme un des secteurs le plus pauvres. Rappelons que lors de son triomphe, López Obrador a organisé, le 1er décembre 2018, une cérémonie au centre de la ville de Mexico afin que des leaders et des activistes indigènes lui accordent le bâton de commandement et leur reconnaissance comme président du Mexique. Cette mise en scène a compté avec la présence de 130 000 personnes et a déployé des contenus assez traditionnels sur la place que les indigènes occupent dans l’imaginaire mexicain : des individus ou des groupes censés représenter une identité précolombienne à travers des danses, des habits « typiques », des rituels. Cette exotisation des indigènes traduit les intentions de la nouvelle administration : la volonté d’alliance avec les secteurs les plus marginalisés. Cependant, les populations indigènes ne sont pas un tout homogène, y compris dans leurs préférences électorales15. Malgré une idée répandue après le soulèvement de l’EZLN, ils ne sont pas tous à gauche ni révolutionnaires.
- 16 Cet essentialisme est un des principaux angles morts de la politique interculturelle menée par l’É (...)
- 17 Olvera, Alberto J., « De la elección plebiscitaria al populismo nostálgico. López Obrador y la “Cu (...)
15Dans le discours officiel actuel, nous constatons la continuité d’une conception essentialiste de l’identité des indigènes qui les place comme une altérité déterminée par une double condition : l’ancestralité préhispanique et, plus récemment la victimisation ancestrale16. L’oscillation entre ces deux identités reste intouchée avec la nouvelle administration, prise au piège aussi bien de l’indigénisme que de la rhétorique de la pluralité culturelle. Nonobstant, López Obrador exprime plus une conception nationaliste de l’identité indigène, proche de l’indigénisme d’antan. Cela coïncide avec son retour général au nationalisme dont fait partie l’appel à la nationalisation de l’économie (notamment le pétrole, privatisé lors de l’administration Peña Nieto), les évocations récurrentes à l’identité nationale et la diminution des références à la politique extérieure. L’administration López Obrador met aussi en valeur le label « Quatrième transformation » pour qualifier le nouveau gouvernement. La « 4T » serait la suite des « trois grandes transformations » dans l’histoire du Mexique : l’Indépendance (1810), la Réforme Libérale (1855) et la Révolution (1910). L’histoire est donc un élément essentiel du discours. Nous pouvons y ajouter l’identification que López Obrador promeut de sa personne avec l’ancien président libéral Benito Juárez qui, dans l’histoire nationale, apparaît comme le grand défenseur de la patrie face à l’invasion des puissances étrangères au xixe siècle, notamment les États-Unis et la France. La mobilisation du récit national, de ses périodisations, des héros patriotiques et de l’idée même de « patrie » est au service d’une restauration du sentiment nationaliste, propre aux administrations mexicaines jusqu’à la fin des années 197017.
- 18 Requête que l’Espagne a refusée, donnant lieu à de nombreuses controverses des deux côtés de l’Atl (...)
16C’est dans ce contexte qu’il faut replacer les indices d’une mémoire anticoloniale dans le Mexique du temps présent. Je définis cette mémoire comme un renforcement du rejet du passé colonial, mais accompagné, pour la première fois, de la création des politiques mémorielles. Dans ce prisme, la conquête et la colonisation ne constituent pas des évènements fondateurs. Si l’on suit les « grandes transformations historiques du Mexique », elles ne commenceraient qu’à partir de l’Indépendance. Or, un élément de la mémoire anticoloniale est ancré aussi dans la continuité du régime mémoriel du pluralisme culturel dans le sens où le passé des indigènes est perçu comme un traumatisme. Toutefois, si le discours de la pluralité culturelle affirmait la seule responsabilité de l’État mexicain quant à la reconnaissance et la réparation, avec la nouvelle administration, une dimension différente vient s’y ajouter. Cette nouvelle dimension a commencé à s’exprimer en 2018. Dans le discours officiel actuel, l’État mexicain est toujours considéré responsable, toutefois, comme on a évoqué au début, l’Espagne et le Vatican sont également saisis à travers l’exigence des excuses historiques qui devraient être présentées auprès des « peuples originaires »18. Notons ici que cette demande ne concerne pas la nation mexicaine ni tous les Mexicains, mais les populations indigènes. De cette manière, et en quelque sorte, la nation mexicaine est paradoxalement identifiée comme héritière de l’ancienne puissance coloniale. Cependant, la nation, entendue comme une entité indépendante avec une histoire propre après la colonisation, est également considérée responsable des violences infligées aux indigènes lors des périodes ne faisant pas partie des trois auparavant mentionnées. Prenons un exemple. En 2020, le président s’est déplacé avec des membres de son équipe vers la Péninsule de Yucatán afin de demander pardon aux mayas pour leur persécution lors de la Guerre de Castes du xixe siècle. Ce conflit a eu lieu entre le gouvernement du dictateur Porfirio Díaz et des rebelles mayas de la péninsule lors du début de la construction de l’État-nation mexicain et de l’unification des territoires. La cérémonie du pardon s’est déroulée à Tihosuco, Quintana Roo, le 3 mai 2020, jour de fin de ladite guerre. Lors de la cérémonie, López Obrador a affirmé :
- 19 Discours du président Andrés Manuel López Obrador, Tihosuco, Quintana Roo, 3 mai 2021 : [https://l (...)
Ici, par un impératif éthique du gouvernement, mais aussi par conviction propre, nous présentons nos plus sincères excuses auprès du peuple maya pour les terribles abus que des personnes et des autorités nationales et étrangères ont commis pendant la conquête, durant les trois siècles de domination coloniale et pendant les deux siècles du Mexique indépendant19.
17En mettant donc en valeur ce continuum de violence, il a aussi souligné que
- 20 Ibid.
[…] tous les peuples originaires du Mexique, tous les peuples jusqu’à nos jours, ont souffert l’exploitation, le dépouillement, la répression, le racisme, l’exclusion, les massacres. Tous les peuples, mais les yaquis [indigènes du nord du Mexique] et les mayas ont été, pour la honte de nous tous, ceux qui ont été traités le pire, ils ont été les victimes de la plus grade cruauté. Ces deux ethnies ont résisté et survécu à l’extermination20.
18Ce sens du passé correspond au régime mémoriel que j’ai décrit, pour lequel la figure de l’indigène victime est centrale dans la lecture de l’histoire. Cependant, la singularité du moment réside dans la mise en place d’une culture politique de la repentance. Ainsi, le nouveau discours ne met plus l’accent dans l’utopie de l’interculturalité comme nouveau pacte social, mais dans l’attribution de culpabilités : d’un côté, celle de l’Espagne, et de l’autre, celle de l’État mexicain dans des périodes historiques précédant la 4T. La narration historique actuelle cherche ainsi à se présenter comme une rupture avec le colonialisme et comme un moment pour régler définitivement des comptes ancestraux. Il s’agit donc d’un passé clivé, servant à la légitimation du pouvoir en place qui se veut une « régénération » du Mexique.
- 21 Rappelons que l’Organisation des Nations Unies, lors de la Conférence de Durban I (2001) a fait un (...)
- 22 Garapon, Antoine, Peut-on réparer l’Histoire ? Colonisation, esclavage, Shoah. Paris, Odile Jacob, (...)
19Arrivés à ce point, mettons en perspective ces actions mémorielles de l’administration López Obrador. Si l’on élargit l’angle de vision, nous constatons que dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis et en Europe, une mémoire négative sur le passé de l’esclavage et les passés coloniaux s’exprime avec force à travers une nouvelle culture de la repentance et par une politique du pardon21. Rappelons que la mort de George Floyd aux États-Unis a réveillé des débats mondiaux et brûlants quant à la traite esclavagiste. Dans plusieurs pays, des groupes d’activistes et des manifestants ont exigé la suppression des « symboles du colonialisme », notamment des statues. Ainsi, des pays divers font l’objet de débats ou s’investissent eux-mêmes dans l’idée de guérir leurs passés coloniaux. En France, une loi a été adoptée en 2020 pour la restitution des biens issus de la colonisation auprès du Bénin et du Sénégal. En Allemagne, l’ancienne chancelière Angela Merkel et le président namibien Hage Geingob ont entamé depuis 2015 des discussions pour des excuses et des dédommagements monétaires pour les crimes coloniaux ; en Belgique la question se pose également vis-à-vis de la colonisation au Congo. Dans le Royaume-Uni et les Pays-Bas, des actes de reconnaissance des préjudices des passés coloniaux ont aussi été entrepris. Ces actions se déroulent au sein d’un nouveau rapport au temps qu’Antoine Garapon appelle une « imprescriptibilité sans limites »22 qui implique de voir l’histoire un continuum de violence exercée par l’occident, quel que soit le temps ou l’espace. À la vue de ces éléments, l’exigence d’excuses historiques entreprise par López Obrador, n’est pas un élément exceptionnel ni une singularité de la politique mexicaine. Au contraire, cet acte suit la tendance d’une mémoire victimaire globale à propos des passés lointains des sociétés contemporaines.
- 23 Hartog, François, Régimes d’historicité. Présentisme et expérience du temps, Paris, Seuil, 2011.
- 24 Rousso, Henry, « Vers une mondialisation de la mémoire », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, no 9 (...)
20Les mémoires anticoloniales de nos jours s’inscrivent dans le régime d’historicité que François Hartog a qualifié de présentisme. Au sein de cet ordre du temps, l’incertain règne comme horizon d’attente, en faisant émerger en même temps une obsession pour le passé23. À travers la mémoire, le passé est mis au service des exigences du présent, et l’histoire est aujourd’hui susceptible d’être réinterprétée et jugée. Tel qu’Henry Rousso affirme : « nous sommes là dans l’une des manifestations les plus nettes du « présentisme », d’un effacement imaginaire des frontières entre le présent et le passé qui rend les contemporains comptables, juges et expiateurs de tous les crimes commis par leurs ancêtres »24. Il n’est donc pas seulement question de l’histoire mexicaine, mais d’un phénomène global : celui du nouveau rapport que les sociétés contemporaines entretiennent avec leur passé.
Les institutions de la mémoire mexicaine : une innovation politique récente
21Lors de la première phase de sa construction, la mémoire victimaire sur le passé indigène avait servi à la reconnaissance identitaire et à la mise en place des droits collectifs et culturels. De nos jours, le champ mémoriel a évolué vers une phase d’émergence des politiques mémorielles et non seulement des politiques de l’identité. Depuis le début de la nouvelle administration, un des axes majeurs a été la création des institutions pour commémorer le Ve Centenaire de la conquête et le Bicentenaire de l’Indépendance. Il convient donc d’interroger ce moment même s’il s’agit d’une histoire encore très récente et en cours.
- 25 [https://memoricamexico.gob.mx/es/memorica/Acerca_de_Memorica (consulté le 8 juillet 2021)].
22Dans le cadre des préparatifs du « mandat commémoratif » (2018-2024), et avec des références principales à la commémoration de la conquête, un vaste programme officiel a été lancé depuis la création d’un bureau présidentiel spécifique : la Coordination de mémoire historique et culturelle du Mexique. À la tête de cette institution se trouve la femme du président López Obrador, Beatriz Gutiérrez Müller, chercheuse en littérature et en histoire qui a publié en janvier 2018 le livre « Memoria artificial » en la historia verdadera de la conquista de la Nueva España, de Bernal Díaz del Castillo. Gutiérrez Müller avait, de surcroît, exprimé son souhait de ne pas occuper le poste honoraire de « première dame », réservé à l’épouse du président. Au contraire, elle a des responsabilités en lien avec son domaine de compétence : l’histoire, la culture et le patrimoine. Un acte, à toute évidence, voué à marquer une différence par rapport aux administrations précédentes. Or, Gutiérrez Müller préside le conseil honoraire de ladite Coordination de mémoire dont le responsable officiel est le philosophe Eduardo Villegas Megías. Parmi les membres du conseil honoraire se trouvent des intellectuels reconnus : journalistes, écrivains, ethnologues, archéologues, philosophes, artistes. Notons qu’un des membres de cette institution était Miguel León Portilla (disparu en 2019), philosophe et historien très réputé en raison de ses ouvrages dont l’objectif était de récupérer la « voix des vaincus » (indigènes) lors de la conquête et de reconstruire leur pensée « précolombienne ». La tâche principale de la Coordination est de récupérer la mémoire du Mexique à travers l’organisation et la conservation des archives des moments clés de l’histoire du pays. À cet effet, un projet à l’intérieur de la Coordination a été créé : le site internet Memórica. México haz memoria (Mexique, souviens-toi). Il s’agit « d’une base de données d’accès ouvert dont l’objectif principal est de mettre à disposition du grand public des archives numériques de nature variée et en lien avec l’histoire et les expressions culturelles du Mexique, pour favoriser le droit à la mémoire »25. Le fonctionnement de la Coordination et de Memórica dépend de la participation des institutions diverses de l’administration mexicaine pour la mise à disposition des archives, mais notamment du ministère de la Culture et du ministère de l’Éducation. Toutefois, les archives numérisées proviennent aussi bien des institutions publiques que des fonds privés.
- 26 [https://www.milenio.com/politica/que-es-la-iniciativa-memoria-historica-y-cultural-de-mexico (con (...)
- 27 Hartog, François, op. cit.
- 28 Lefranc, Sandrine et Gensburger, Sarah, A quoi servent les politiques de mémoire ?, Paris, Science (...)
23Concernant le rapport au passé que nous y observons, évoquons ce qu’Eduardo Villegas Megías a exprimé lors de présentation de Memórica : « un pays amnésique est malade. Au contraire, un pays qui se souvient d’où il vient jouit d’une pleine santé puisqu’il compte avec son passé, et réfléchit et décide de son avenir »26. Cette affirmation nous montre un sens de la mémoire qui émerge dans le cadre de la commémoration et dans le discours de l’administration López Obrador. La mémoire est ici une histoire magistra vitae. Selon François Hartog, l’histoire magistra vitae correspond à l’idée selon laquelle le passé peut orienter le présent et l’avenir27. Or, soulignons que, de manière générale, les politiques de mémoire sont adoptées comme des moyens pour former un citoyen plus tolérant grâce au rappel du passé28.
- 29 La figure d’Emiliano Zapata est recapitalisée comme symbole de la justice et d’union avec le peupl (...)
24À la différence des politiques de l’interculturalité, les nouvelles institutions insistent dans le droit à la mémoire nationale. Comme nous avons vu, dans le discours qui concerne le passé colonial, le « trauma ancestral » est toujours mis en valeur, mais dans le discours interne des institutions mémorielles, l’idée d’un passé commun ressurgit. Un des exemples est aussi la célébration du Centenaire de la mort d’Emiliano Zapata, leader révolutionnaire et figure clé du récit national mexicain. Ainsi, l’année 2019 a aussi été déclaré « el año del caudillo »29 et une pièce de monnaie commémorative a été mis en circulation par la Banque du Mexique. Le centenaire de Zapata a été suivi par la création, en septembre 2019 de Commission Présidentielle pour la Commémoration des Faits, des Processus et de Personnages Historiques du Mexique. Cette institution est chargée de la récolte et de la mise en valeur de l’information historique concernant deux évènements : le Ve centenaire (1521) et le bicentenaire de l’Indépendance mexicaine (1810). Depuis ces institutions de mémoire, à la fois mémoire indigène et mémoire nationale, s’est programmé le jour de la commémoration du Ve centenaire, à savoir, le 13 août 2021. La liturgie publique déployée à cette occasion a été en accord avec un mouvement général de réécriture du passé entrepris par les institutions mexicaines et non exclusivement par des acteurs sociaux. Un exemple majeur avec lequel il convient de finaliser ces premières réflexions sur le sens de la mémoire à l’heure du Ve centenaire de la conquête, est l’installation du spectacle éphémère : Memoria luminosa (mémoire lumineuse).
- 30 « Presentación de Memoria luminosa en la maqueta instalada en el Zócalo » [https://www.youtube.co (...)
- 31 « Memoria luminosa cuenta la historia del ascenso y la caída de la Gran Tenochtitlan » [https://ww (...)
- 32 Capdevila, Luc, Langue, Frédérique (ed.), Entre mémoire collective et histoire officielle. L’histo (...)
25Depuis la Coordination de mémoire historique et culturelle du Mexique, en collaboration avec la Mairie de la ville de Mexico et l’Institut National d’Anthropologie et Histoire (parmi les principales institutions), s’est organisée la construction d’une grande maquette au centre de la ville de México. Cette maquette a été la reproduction du Templo mayor, qui aurait été la principale pyramide aztèque. Sur ce monument s’est projeté un spectacle lumineux avec des images racontant le fleurissement des civilisations précolombiennes (notamment la société aztèque), la chute de la ville de Tenochtitlan le 13 août 1521 et la suite des évènements tragiques pour le pays après la conquête30. Memoria luminosa avait aussi pour but de renforcer le label utilisé par le président López Obrador à propos de la commémoration dénommée également « 500 ans de la résistance indigène ». En effet, le récit de continuité et de survie des populations indigènes, illustré massivement en images multimédias, coïncide avec l’idée selon laquelle les racines authentiques de la nation mexicaine datent de la période précoloniale. Cette mémoire nationale s’est toujours caractérisée au Mexique par une glorification du passé précolombien. Toutefois, à présent, cet acte n’a pas comme seul objectif la forge du sentiment national (fondé sur une histoire ancienne héroïque). Au contraire, la glorification de l’ancien passé répond à une exigence du temps présent, à savoir, rappeler la brutalité de la rupture opérée par la conquête. Memoria luminosa a donc été conçu comme un monument pour honorer les victimes ancestrales, d’autant plus que ce statut au Mexique est renforcé par le concept des « peuples originaires », qui fait des indigènes les ancêtres nationaux par excellence. Ce double statut de l’autochtonie, qui puisse son sens d’une histoire nationale héroïque, mais aussi d’une mémoire traumatique, reste au cœur de la mémoire anticoloniale mexicaine. Ainsi, le récit de Memoria luminosa a mis en valeur l’idée selon laquelle les indigènes seraient les principales victimes de la conquête, ayant toutefois résisté au colonialisme, au pillage des richesses et à l’asservissement culturel pendant 500 ans. À cet effet, il a été dit que : « les cultures des peuples originaires sont mémoire, présent, cœur et visage du Mexique »31. La construction de Memoria luminosa par les autorités mexicaines, à travers les nouvelles institutions mémorielles, illustre donc ce que Luc Capdevilla et Frédérique Langue proposent comme une des caractéristiques de l’histoire du temps présent en Amérique latine où l’histoire officielle et la mémoire peuvent avancer du même pas32.
Conclusions
- 33 Michel, Johann, op. cit.
26À la vue des éléments ici présentés et analysés à propos d’une phase de mémoire anticoloniale dans le Mexique de nos jours, nous pouvons esquisser des conclusions. Tout d’abord, nous avons vu comment la question de mémorielle à propos du passé colonial ne date pas de l’administration López Obrador. Cela nous permet d’inscrire le phénomène dans une chaîne d’évènements plus longue qui offre une vision des évolutions que le souvenir du passé colonial a connu dans l’espace public mexicain. Cependant, on a aussi observé comment l’effervescence du moment ne répond pas seulement à la conjoncture politique au Mexique (le changement du parti au pouvoir et la date clé du Ve centenaire), mais suit la tendance d’une vague mémorielle mondiale où les passés lointains prennent le sens d’une urgence et d’une dette du temps présent. Cela fait du cas ici interrogé un observatoire, aussi bien qu’une variation d’un phénomène à portée globale, à savoir, le changement du rapport au passé dans les sociétés contemporaines. Nous voyons également qu’au-delà d’une question de mémoire collective, il s’agit d’une affaire publique, institutionnelle et, plus largement, d’un aspect révélateur de la culture politique actuelle qui fait de la repentance historique une valeur et un horizon d’action. Enfin, si au Mexique il est vrai que le souvenir de la conquête demeure comme une brûlure, il constitue aussi un récit élaboré depuis une nouvelle mémoire officielle, si nous entendons par cette mémoire un « ensemble des injonctions aux souvenirs produits et transmis par les autorités publiques (gouvernements, collectivités locales, institutions supranationales »33. Mais ce récit institutionnel, qui s’avère cohérent et homogène, peut-il véritablement être représentatif d’une nation pluriculturelle à des origines multiples ?
Notes
1 Rousso, Henry et Éric Conan, Vichy, un passé qui ne passe pas, Paris, Fayard, 1994.
2 Rousso, Henry, Face au passé. Essais sur la mémoire contemporaine, Paris, Belin, 2016.
3 Michel, Johann, Devenir descendant d’esclave. Enquête sur les régimes mémoriels, Rennes, PUR, 2015.
4 « López Obrador pide al rey de España una disculpa por los abusos de la Conquista » [https://www.youtube.com/watch?v=O1_BF5sqv9A, (consulté le 6 juin 2021)].
5 Michel, Johann, op. cit.
6 Doremus, Anne, « Indigenism, Mestizaje, and National Identity in Mexico during the 1940s and the 1950s », Mexican Studies/Estudios Mexicanos, no 2, vol. 17, 2, 2001, p. 375-402.
7 Jaulin, Robert, La décivilisation. Politique et pratique de l’ethnocide, Bruxelles, Complexe, 1974.
8 Hernández Reyna, Miriam, D’ancêtres de la nation à victimes ancestrales. Les indigènes du Mexique et la construction d’une mémoire historique pour la reconnaissance de la pluralité culturelle (1968-2001), Thèse de doctorat, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2020.
9 Ribeiro, Darcy, « Os protagonistas do drama indígena » Actes du XLII Congrès des Américanistes, Société des Américanistes, vol. 3, 1976, p. 473-482.
10 Baschet, Jérôme, « La rebelión de la memoria. Temporalidad e historia en el movimiento zapatista », Tramas, n° 38, 2012, p. 207-235.
11 « Discours de la prise de pouvoir de V. Fox Quesada, 1 décembre 2000 » [http://www.biblioteca.tv/artman2/publish/2000_49/Discurso_de_Toma_de_Posesi_n_de_Vicente_Fox_Quesad_71.shtml (consulté le 18 juin 2021)].
12 Una nueva relación con los pueblos indígenas. Memoria política pública para el desarrollo de los pueblos indígenas, 2001-2006. Los programas. Fonds documentaires, CDI, Classement : 306.06172-C65-2001-06.
13 « Exposición de motivos para la iniciativa de creación de la Ley general de derechos lingüistas de los pueblos indígenas », 25 avril 2001, Cour suprême de justice du Mexique : [http://legislacion.scjn.gob.mx/Buscador/Paginas/wfOrdenamientoDetalle.aspx?q=Dj1h0FlB72MnMhaziBSSKxAdHE7Y1/ps8S6Utpf9yEBfiVwImKpyFBZv1LEbmMli (consulté le 25 juin 2021)].
14 Martínez Espinoza, Manuel I, « La política social de la cuarta transformación en México. Un balance del primer año de gobierno de López Obrador ». Revista Española de Ciencia Política, n° 55, 2021, p. 121-142.
15 Une analyse des préférences politiques lors des présidentielles de 2018 es présenté ici : [https://www.jornada.com.mx/2018/08/18/cam-sufragio.html?fbclid=IwAR1NpBrXCDwMoP-x05-io_afqwT4La7vvOGEcUrHqHFKyya2FLCAGfa2R1M (consulté le 30 juin 2021)].
16 Cet essentialisme est un des principaux angles morts de la politique interculturelle menée par l’État. Voir : Hernández Reyna, Miriam y Castillo Cocom, Juan, « Ser o no ser indígena: oscilaciones identitarias en la interculturalidad de Estado en México, The Journal of Latin American and Caribbean Anthropology, n° 1, vol. 26, 2021, p. 147-171.
17 Olvera, Alberto J., « De la elección plebiscitaria al populismo nostálgico. López Obrador y la “Cuarta Transformación en México” » dans Murakami Yusuke et Peruzzotti, Enrique (ed.), América Latina en la encrucijada: coyunturas, críticas y cambios políticos, Universidad Veracruzana (à paraître).
18 Requête que l’Espagne a refusée, donnant lieu à de nombreuses controverses des deux côtés de l’Atlantique.
19 Discours du président Andrés Manuel López Obrador, Tihosuco, Quintana Roo, 3 mai 2021 : [https://lopezobrador.org.mx/2021/05/03/discurso-del-presidente-andres-manuel-lopez-obrador-durante-la-ceremonia-de-peticion-de-perdon-por-agravios-al-pueblo-maya/ (Consulté le 10 juillet 2021)]. Or, il convient de souligner les controverses que cet acte a soulevé. Au Yucatán, les excuses historiques s’accompagnent également d’un grand projet d’infrastructure entrepris par l’administration López Obrador : le Train Maya, dénoncé comme un acte d’« ethnocide » par des organisations indigènes et par des intellectuels issus des sciences sociales. Toutefois, le part de droite, PAN, s’est également servi de ces critiques pour attaquer López Obrador. Au Yucatán, ils existent aussi des groupes mayas qui militent pour la continuité des travaux du train. La question est ainsi’ d’être tranchée.
20 Ibid.
21 Rappelons que l’Organisation des Nations Unies, lors de la Conférence de Durban I (2001) a fait un appel pour les que les pays membres honorent la mémoire des victimes de la traitre esclavagiste et de l’exploitation coloniale.
22 Garapon, Antoine, Peut-on réparer l’Histoire ? Colonisation, esclavage, Shoah. Paris, Odile Jacob, 2008.
23 Hartog, François, Régimes d’historicité. Présentisme et expérience du temps, Paris, Seuil, 2011.
24 Rousso, Henry, « Vers une mondialisation de la mémoire », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, no 94, vol. 2, 2007, p. 7.
25 [https://memoricamexico.gob.mx/es/memorica/Acerca_de_Memorica (consulté le 8 juillet 2021)].
26 [https://www.milenio.com/politica/que-es-la-iniciativa-memoria-historica-y-cultural-de-mexico (consulté le 8 juillet 2021)].
27 Hartog, François, op. cit.
28 Lefranc, Sandrine et Gensburger, Sarah, A quoi servent les politiques de mémoire ?, Paris, Science Po Presses, 2017.
29 La figure d’Emiliano Zapata est recapitalisée comme symbole de la justice et d’union avec le peuple, deux valeurs maintes fois répétées par López Obrador : [https://www.gob.mx/ran/es/articulos/2019-ano-del-caudillo-del-sur-emiliano-zapata-salazar?idiom=es (consulté le 18 juillet 2021)].
30 « Presentación de Memoria luminosa en la maqueta instalada en el Zócalo » [https://www.youtube.com/watch?v=J6csyFPP7J0 (consulté le 30 août 2020)].
31 « Memoria luminosa cuenta la historia del ascenso y la caída de la Gran Tenochtitlan » [https://www.capital21.cdmx.gob.mx/noticias/?p=25935 (consulté le 30 août 2020)].
32 Capdevila, Luc, Langue, Frédérique (ed.), Entre mémoire collective et histoire officielle. L’histoire du temps présent en Amérique latine, Rennes, PUR, 2009.
33 Michel, Johann, op. cit.
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Référence papier
Miriam Hernández Reyna, « La commémoration du Ve centenaire de la conquête du Mexique : premières approches sur la mémoire contemporaine d’un évènement lointain », Caravelle, 118 | -1, 59-72.
Référence électronique
Miriam Hernández Reyna, « La commémoration du Ve centenaire de la conquête du Mexique : premières approches sur la mémoire contemporaine d’un évènement lointain », Caravelle [En ligne], 118 | 2022, mis en ligne le 01 juin 2022, consulté le 10 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/caravelle/12323 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/caravelle.12323
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