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Comptes rendus

Manuel Hernández González, Resistencia y adaptación, la pugna del campesinado guajiro isleño del occidente de Cuba contra la sacarocracia (1670-1817)

Ediciones Idea, Santa Cruz de Tenerife, 2020, 753 p.
Bernard Lavallé
p. 215-217
Référence(s) :

Manuel Hernández González, Resistencia y adaptación, la pugna del campesinado guajiro isleño del occidente de Cuba contra la sacarocracia (1670-1817), Ediciones Idea, Santa Cruz de Tenerife, 2020, 753 p.

Texte intégral

1Déjà auteur de nombreuses études sur la Caraïbe insulaire ou continentale et sur l’histoire canarienne, Manuel Hernández González donne avec cet ouvrage une somme dont le titre indique bien le contenu. Il étudie les conséquences et le devenir de l’immigration isleña, pour l’essentiel familiale, dans la partie occidentale de Cuba à partir des années 1670, avec comme activité centrale, mais pas unique, la culture du tabac. Ce mouvement migratoire, dû à l’origine à une profonde crise de l’économie canarienne, se poursuivit et alla de pair tout au long du xviiie siècle, au moins jusqu’aux décrets dits du commerce libre, avec les activités de contrebande entre l’archipel et les Caraïbes.

2À Cuba, si beaucoup d’immigrants isleños se consacrèrent à l’agriculture dans un pays alors très peu peuplé et où la terre était sous-utilisée, ils s’employèrent aussi dans un large éventail de petits métiers qu’ils étaient pratiquement les seuls à occuper aussi bien en zone rurale que dans l’artisanat des villes, plutôt de la ville, La Havane. Un faible pourcentage d’entre eux parvint même à réussir un saut qualitatif important. Ils devinrent gros propriétaires terriens ou riches commerçants.

3Cette immigration canarienne à Cuba fut très variée du point de vue ethnique. Majoritairement blanche, elle comportait aussi des métis de Noirs, voire des esclaves. Elle resta bien identifiée en raison d’une forte endogamie ethnique et sociale et en vint à constituer une partie numériquement très significative du paysannat guajiro cubain, comme l’indiquent de manière évidente les recensements de 1778 et 1787.

4Une nouvelle période de crise profonde aux Canaries accentua d’ailleurs le mouvement et la guerre contre l’Angleterre, à partir de 1779, concentra encore davantage ce flux vers Cuba du fait de l’impossibilité désormais pour les émigrants d’aller vers la Louisiane ou la Floride, sans compter que l’essentiel des soldats espagnols envoyés dans l’île, majoritairement canariens, restèrent sur place à l’issue de leur engagement. Au début du xixe siècle, les années des guerres de l’Indépendance au Venezuela (autre région prioritaire de l’émigration canarienne) concentra encore cette dernière vers Cuba et fut un des éléments essentiels de ce que, malgré l’arrivée massive des esclaves africains réclamés par le boom sucrier, les Blancs constituaient d’après le recensement de 1829 près de la moitié de la population de la Perle des Antilles.

5Dans une Cuba désormais entrée dans une autre phase de son histoire et dans laquelle la saccharocratie havanaise entendait jouer un rôle monopolistique, le livre montre les processus d’insertion des Canariens dans le tissu cubain, leurs combats multiformes contre la saccharocratie havanaise, les mouvements révélant le mécontentement voir la révolte des petits cultivateurs de tabac, les vegueros, contre l’administration de l’État ou leurs démarches obstinées en vue d’obtenir une reconnaissance juridico-territoriale dans les zones où ils étaient majoritairement installés.

6Ce gros livre, de plus de 750 pages appuyées sur un considérable travail dans les archives les d’Espagne continentale, des Canaries et de Cuba, se compose d’une soixantaine d’études rassemblées autour de plusieurs thèmes. Les premières éclairent des aspects essentiels (certains peu connus) de l’émigration canarienne à ses débuts et durant le xviiie siècle : le système de recrutement des migrants, l’émigration d’esclaves précédemment dans l’archipel, le rôle de l’Église avec, en particulier, celui des ordres dans l’occident cubain mais aussi dans l’éducation et à l’université, la contribution de l’émigration canarienne au processus de métissage.

7Ensuite, à propos de la question de l’installation du monopole d’État du tabac à La Havane (1717-1723), Manuel Hernández montre ses conséquences et l’apparition d’une contestation sociale, comme celle de Jesús del Monte qui réunit plusieurs centaines de vegueros, de Santiago de las Vegas et de Guanabacoa en juin 1720, de San Miguel de Padrón en 1723.

8Le livre expose aussi les conséquences de l’expansion de la culture du tabac apparue autour de La Havane vers le milieu du xviie siècle, notamment l’alliance au cours du siècle suivant de la Couronne avec les intérêts de l’oligarchie havanaise qui conduisit à la création de señoríos dans les régions où dominait cette culture, par exemple à San Felipe y Santiago del Bejucal où fut créé en 1713 un marquisat pour Juan Nuñez del Castillo, en 1732 à Santa María del Rosario pour le comte de Casa Bayona et en 1765 à San Juan de Jaruco pour les comtes qui en prirent le nom.

9En même temps, les communautés urbaines qui s’étaient constituées voulurent faire entendre à la fois leur voix et leurs droits. Hernández étudie en détail un certain nombre de cas : Guanabacoa où le cabildo entra en conflit avec celui de La Havane, San Antonio de los Baños où pendant plus de trente ans (1779-1809) les immigrants canariens tinrent tête au marquis de Cárdenas, Güines qui batailla longtemps pour la reconnaissance de sa juridiction, enfin les conséquences socio-économiques de l’évolution de Santiago de las Vegas.

10Un ensemble de chapitres étudie ensuite le paysannat canarien qui s’installa autour de La Havane au cours de la seconde moitié du xviiie siècle et au début du suivant, y compris dans les quartiers périphériques de la capitale cubaine. Le livre donne une dizaine d’exemples présentant à la fois des points communs évidents mais aussi des différences locales qui sont expliquées.

11La dernière dizaine d’études est consacrée à la « asonada » de Pinar el Río en 1815, avec la dénonciation des vegueros des abus, voire du comportement despotique, de l’Administration du tabac, les démarches qu’ils entreprirent et les réponses de l’Administration, la disparition du monopole. À cette occasion, un long chapitre bien venu est consacré à ce que l’auteur appelle une radiographie des vegueros, très détaillée et significative de ce secteur social.

12Ce livre très intéressant, très informé, très suggestif aussi, a entre autres mérites d’insister sur des aspects traditionnellement moins étudiés ou peu connus de Cuba dans la mesure où ils se situent en dehors de l’histoire dominante du boom sucrier et de ses conséquences.

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Pour citer cet article

Référence papier

Bernard Lavallé, « Manuel Hernández González, Resistencia y adaptación, la pugna del campesinado guajiro isleño del occidente de Cuba contra la sacarocracia (1670-1817) »Caravelle, 116 | 2021, 215-217.

Référence électronique

Bernard Lavallé, « Manuel Hernández González, Resistencia y adaptación, la pugna del campesinado guajiro isleño del occidente de Cuba contra la sacarocracia (1670-1817) »Caravelle [En ligne], 116 | 2021, mis en ligne le 18 août 2021, consulté le 06 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/caravelle/11025 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/caravelle.11025

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