Navigation – Plan du site

AccueilNuméros116Dossier – La bande dessinée argen...« La langue bien pendue ». Pour u...

Dossier – La bande dessinée argentine : un espace d’engagement politique ?

« La langue bien pendue ». Pour une nouvelle traduction de Mafalda

Claire Latxague
p. 27-44

Résumés

Près de 50 ans après la parution de la première édition de Mafalda en France, on peut se demander ce que perçoivent les lecteurs et les lectrices d’aujourd’hui de la dimension politique de ce comic strip. Cet article propose quelques pistes de réflexion sur les traces du contexte historique et les manifestations de l’engagement politique dans ce classique de la bande dessinée créé par Quino et paru dans la presse argentine entre 1964 et 1973. Il s’attache à mesurer l’impact de certains choix de traduction et d’édition sur sa réception.

Haut de page

Notes de la rédaction

L’article a été soumis pour évaluation le 12 décembre 2020 et a été accepté pour publication le 5 février 2021.

Texte intégral

  • 1 « Quand je serai grande, je serai interprète à l’O.N.U. Quand un délégué dira à un autre délégué : (...)

Cuando sea grande voy a trabajar de intérprete en la ONU.
Y cuando un delegado le diga a otro: « ¡Su país es un asco! »
yo voy a traducir: « Su país es un encanto » y… ¡Claro!
Nadie podrá pelearse. ¡Y se acabarán los líos y las guerras
y el mundo estará a salvo!
Mafalda, El Mundo, 9 septembre 19661

  • 2 Voir le travail remarquable réalisé par des maisons comme 2024 (Gustave Doré, Frank King, G. Ri), Ç (...)

1Près de cinquante ans après la parution de Mafalda en français, et alors que de nombreuses maisons d’édition mènent un travail de revalorisation du patrimoine de la bande dessinée mondiale2, il me semble important de soulever la question de l’édition et de la traduction du comic strip de Quino (1932-2020) en France. C’est un exercice délicat, car le succès des rétrospectives sur Mafalda, les rééditions permanentes de ses albums, notamment pour les fêtes de fin d’année, ainsi que les nombreux produits dérivés vendus en son nom – allant de l’agenda à la petite culotte – prouvent que la longévité de la série n’est pas en danger. Or, les années passant, le phénomène Mafalda a peut-être contribué à brouiller le contexte dans lequel cette série a été créée. Bien que le personnage soit connu des élèves ayant choisi l’espagnol en langue vivante pendant leur scolarité et que presque tout le monde ait un jour croisé, au moins visuellement, ce personnage, on ignore parfois que son héroïne est argentine ou qu’elle a d’abord été conçue dans la presse pour un public adulte avant de devenir un personnage emblématique de la bande dessinée « jeunesse ». Est-ce bien grave puisqu’on la lit encore et que « son message » continue d’essaimer dans les esprits ?

  • 3 En consultant Mafalda l’intégrale, j’ai pu constater une hétérogénéité dans le lettrage des strips, (...)

2C’est peut-être justement parce que Mafalda est loin d’être une bande dessinée oubliée, et qu’elle a été éditée sans discontinuer depuis les années 1970, que sa valeur patrimoniale a été négligée et que les présupposés de sa traduction et de son édition n’ont jamais été remis en question. Il est peut-être plus facile, à certains égards, de ressusciter un comic strip, en reprenant à zéro un travail d’édition obsolète ou inexistant, que de remettre en question la conception d’un travail éditorial toujours en cours d’exploitation. Pour ma part, je souhaiterais évoquer quelques pistes de réflexion, au risque qu’elles puissent sembler anecdotiques face à la vitalité de cette bande dessinée dans ses formes de circulation actuelles, en me centrant sur la question des manifestations de l’engagement politique de Mafalda dans sa version française. Il s’agit de revenir sur quelques malentendus ou approximations qu’il est regrettable de constater, malgré tout, dans la traduction et l’édition d’une œuvre d’une telle envergure. Certains sont sûrement le fruit d’une époque où l’on n’accordait pas le même soin à la bande dessinée qu’aux œuvres littéraires. Sans doute les contraintes techniques et les processus de réalisation chronophages rendaient-ils aussi les tâches de graphisme, de lettrage, de photogravure beaucoup plus ardues et onéreuses qu’elles ne le sont pour le monde de l’édition de nos jours3. Ce sont justement les technologies de l’ère numérique qui me permettent de rêver aujourd’hui à une réédition de Mafalda plus respectueuse de l’œuvre originale, tant sur le fond que sur la forme, et de proposer ici quelques pistes de réflexion.

  • 4 Quino, op. cit.
  • 5 Latxague, Claire, Lire Quino. Politique et poétique dans le dessin de presse argentin (1954-1976), (...)
  • 6 Ibid., p. 119.

3Lors de la rédaction de ma thèse sur l’œuvre de Quino, j’ai consulté pour la première fois l’édition française de Mafalda l’intégrale aux éditions Glénat4 afin de pouvoir fournir la traduction de l’ensemble des strips que je citais en exemple. J’ai alors constaté que la traduction d’Anne-Marie et Jacques Meunier rend justice, la plupart du temps, non seulement au sens des strips de Quino mais également à son humour, notamment dans la recherche d’équivalents efficaces pour les nombreux jeux de mots qui s’y déploient. Néanmoins, j’ai également remarqué que certaines traductions peuvent présenter des contresens5, voire des non-sens6, qui les rendent parfois inintelligibles ou inversent complètement la chute d’un gag. Il ne s’agit pas ici d’en dresser une liste exhaustive afin de porter un jugement sur ce travail dont nous ne percevons que le résultat final. Malgré mes tentatives répétées pour m’entretenir avec Anne-Marie Meunier (citée comme seule traductrice dans certaines éditions) ou avec l’équipe éditoriale de Glénat, je n’ai pas pu recueillir d’information sur l’histoire de l’élaboration des éditions de Mafalda en France, ni sur les directives éditoriales – délais à tenir, public ciblé, contraintes liées au graphisme et au lettrage – qui ont pu peser sur les choix de traduction. Il est fort probable que la traduction de l’ensemble des strips ait été réalisée à différentes périodes, pas toujours dans l’ordre chronologique de leur parution, ni avec la possibilité de vérifier la cohésion de l’ensemble. Cela soulève de nombreuses questions d’ordre linguistique qui dépassent celle de la connaissance du contexte historique argentin. Néanmoins, je me centrerai ici uniquement sur quelques exemples qui, selon moi, entraînent des conséquences sur la transcription du contexte historique, politique et socio-culturel argentin des années 1960-1970. Je postule que plus on s’éloigne de l’époque d’origine de la création de cette œuvre, plus certains choix qui visaient à la rendre accessible au plus grand nombre deviennent obsolètes, voire illogiques, et mettent en péril sa postérité. Ignorer les conditions de sa création mène à des impasses interprétatives et affaiblit sa cohérence interne. Avant d’étayer mes hypothèses, je me permets donc de rappeler brièvement les différentes étapes éditoriales et historiques qui accompagnent la série, ainsi que ce qu’elles impliquent dans son évolution.

  • 7 Juan Domingo Perón effectue trois mandats présidentiels. Il est d’abord élu en 1946 et réélu en 195 (...)
  • 8 Pour plus de détails sur cette période, Ibid., p. 48-49, 90-91, 105-106, 122-123 et Cosse, Isabella (...)

4Mafalda est un comic strip paru dans la presse argentine entre 1964 et 1973, dans trois périodiques successifs et avec trois rythmes de parution différents. Elle est tout d’abord associée à l’emblématique Primera Plana (1962-1969), qui publie deux strips hebdomadaires pendant six mois, du 29 septembre 1964 au 9 mars 1965. Bien que cette collaboration soit de courte durée, elle donne le ton à la série et pose les fondements de ses mécanismes humoristiques, qui correspondent aux attentes d’un public cultivé, à fort pouvoir d’achat. L’accent est mis sur le conflit générationnel entre une petite fille colérique et ses parents, représentants d’une classe moyenne traversée par différentes tendances politiques. L’Argentine du début des années 1960 est celle de la proscription du péronisme, période pendant laquelle les partis politiques essayent de capter toute une partie de l’électorat demeurée sans leader, Juan Domingo Perón (1895-1974) ayant été forcé à l’exil en 19557. Il s’agit donc d’une démocratie sous étroite surveillance, tiraillée entre des aspirations de modernité sociale et culturelle et son acceptation de la tutelle militaire par peur de la « contagion révolutionnaire » au sein de l’électorat péroniste8. Ces craintes sont déjà présentes dans les strips qui paraissent dans Primera Plana mais elles vont véritablement participer à la construction des nouveaux personnages qui intègrent Mafalda dans sa deuxième étape éditoriale.

  • 9 Ulanovsky, Carlos, Paren las rotativas, Buenos Aires, Espasa, 1997, p. 40-47 et Cosse, Isabella, op (...)
  • 10 Latxague, Claire, op. cit., p. 121-131.

5À partir du 15 mars 1965, la série migre dans les pages du journal El Mundo (1928-1967), au rythme d’un strip par jour, jusqu’au dernier numéro du journal, interrompu pour cause de faillite, le 22 décembre 1967. La parution dans ce quotidien, qui s’adresse à un public beaucoup plus large et considéré comme ayant un capital intellectuel et économique plus modeste9, va coïncider avec l’introduction de Manolito, Susanita et Miguelito – Mafalda ayant déjà fait la connaissance de Felipe auparavant. Avec eux commence véritablement le jeu de polyphonie qui consiste à faire entendre les divisions entre différents secteurs d’une classe moyenne hétérogène, ainsi que les idiolectes qui les représentent10. Les personnages peuvent alors déployer sur plusieurs strips des débats autour de la signification de certains mots ou expressions, chacune et chacun y allant de ses préjugés selon son système de valeurs. Au cours de ces années, notamment à partir du strip du 29 juin 1966 qui fait suite au coup d’État du Général Juan Carlos Onganía (1914-1995), Mafalda est devenue l’un des symboles les plus populaires de l’anti-autoritarisme, contournant la censure à force de jeux de mots et de sous-entendus. La série est alors publiée dans plusieurs autres quotidiens nationaux et les premiers albums rassemblant les strips parus dans El Mundo sont édités chez Jorge Álvarez.

  • 11 Une partie de ces illustrations a été publiée dans Mafalda l’intégrale, op. cit.
  • 12 Cosse, Isabella, op. cit., p. 92.
  • 13 Les archives d’Hortensia et Satiricón sont en accès libre sur le site de l’Archivo Histórico de Rev (...)

6La dernière période de la série se déroule ensuite dans le magazine d’actualité Siete Días (1967-1988), qui cède une pleine page à Mafalda (quatre strips et une nouvelle illustration d’en-tête chaque semaine11) à partir du 2 juin 1968. Quino vient de rentrer d’un séjour en France au cours duquel il a été témoin des révoltes de Mai 6812. Le comic strip est au sommet de sa gloire et la petite famille de personnages accueille deux nouvelles voix qui introduisent les références à la libération des mœurs et à la radicalisation politique de la jeunesse, Guille et Libertad. Ce faisant, une nouvelle génération d’auteurs et d’autrices de bande dessinée et de dessins de presse a commencé à publier dans les revues satiriques Hortensia (1971-1983) et Satiricón (1972-1976)13. Leur humour, plus corrosif et sans détours, répond aux attentes d’une jeunesse qui n’hésite plus à affronter l’appareil de répression dans la rue et les universités, et dont certains membres rejoignent les groupes de lutte armée. L’heure n’est plus ni à l’allusion ni à l’ellipse. Le 25 juin 1973 Quino met un terme à ce microcosme créé dix ans auparavant dans lequel les contraires pouvaient encore dialoguer et tisser des liens d’amitié et de tendresse malgré leurs désaccords.

  • 14 Latxague, Claire, op. cit., p. 99-113.
  • 15 Harry Morgan rappelle l’importance de ne pas gâcher l’effet comique de la lecture des strips, notam (...)

7Pendant ces dix années, l’Argentine a été traversée par l’atmosphère de la Guerre froide, la montée de l’autoritarisme, la crise économique et la répression des révoltes estudiantines et ouvrières. Il s’agit donc d’analyser la cohérence de la traduction du point de vue de ce qu’elle parvient à transmettre de cette époque. Car le contexte est déterminant dans le choix des termes et des expressions que Quino place au cœur de ses dialogues pour mieux les déconstruire et en dévoiler le sens caché. Il est également essentiel pour comprendre les tensions entre les différents personnages du strip, que l’on aurait tort d’interpréter comme de simples caractères dont les antagonismes seraient exclusivement au service de la mécanique humoristique. Mafalda, Manolito, Libertad et les autres incarnent des positionnements idéologiques identifiables au sein du spectre de la classe moyenne argentine de l’époque. Leurs différends, aussi bien que certaines de leurs péripéties, peuvent être rapportés à des événements précis, à des débats ou des clivages ayant cours pendant ces dix années de parution du strip14. Or, il me semble que la traduction de certains strips a atténué ou occulté les traces de ce contexte. Cela a peut-être permis un accès plus direct à l’effet comique des situations15, mais c’est parfois au prix d’un certain nombre d’affaiblissements et d’anachronismes qu’il est important de remettre en question si l’on entame une démarche patrimoniale.

Subversive Mafalda

8Mafalda est publiée en France en 1972, c’est-à-dire à peine un an avant que Quino ne décide de mettre un terme à la série. Il s’agit de deux albums édités par Jean-Claude Lattès dans la collection Édition spéciale (un troisième suivra en 1973), dont la parution est annoncée dans Le Monde sur le ton de la subversion et de la drôlerie :

  • 16 Laude, André, « Les bulles de Mafalda », Le Monde, 3 novembre 1972. Disponible dans les collections (...)

Alerte ! Édition spéciale a fait pénétrer clandestinement en France une sacrée petite gamine subversive qui peut s’avérer dangereuse si on la laisse longuement « causer ». Car Mafalda « cause ». Elle a la langue bien pendue, une langue plutôt verte qui s’enracine dans l’argot de Buenos-Aires. Elle cause, et comme elle possède cette admirable logique que les enfants pratiquent depuis la nuit des temps, elle dynamite à chaque phrase l’univers des grands, des gens sérieux, des « assis ». Mafalda fait des bulles. Des bulles d’humour féroce. C’est une héroïne de bandes dessinées, célèbre en Argentine, sa patrie d’origine, où son père nommé Quino continue de semer la zizanie dans les esprits, les points d’interrogation dans les rues, le franc rire de la contestation dans les têtes.
Les deux albums que publie Édition spéciale rassemblent une multitude de « saynètes » dont Mafalda est l’héroïne. La paix, la guerre atomique, le monde « compliqué » d’aujourd’hui, les rapports entre parents et enfants, le mariage, l’argent, la réussite sociale, la « culture », etc., tout y passe joyeusement décapé par cet affreux Jojo en jupes et gros nœud dans les cheveux.
Quino, recourant à un graphisme simple, efficace, un peu caricatural, qui n’est pas sans rappeler celui des « Peanuts », développe ce que ne parvient pas à dire un laborieux éditorial. On rit à tous les coups, ou presque.
Traduit par Anne-Marie et Jacques Meunier, ces deux albums valent tous les médicaments contre la morosité16.

  • 17 Cosse, Isabella, op. cit., p. 141 et 157. La même année, quelques strips sont également publiés dan (...)

9Le compte rendu s’amuse à présenter Mafalda comme une œuvre à tel point subversive qu’elle se vendrait presque sous le manteau et serait susceptible de renverser le pouvoir en place, à savoir celui des adultes. Elle est, en fait, publiée dans France-Soir depuis 197117, mais c’est par l’Italie qu’elle est entrée en Europe, d’abord en 1968, dans l’anthologie Il libro dei bambini terribili (éditions Feltrinelli), puis avec son premier album Mafalda la contestataria, publié par Bompiani en 1969. L’annonce tonitruante de sa publication en France – Le Monde parle-t-il souvent des parutions de bande dessinée ? – et le fait que les deux premiers albums paraissent en même temps laisse entendre que le succès de la série nouvellement éditée est assuré.

  • 18 Avec le temps, la circulation de Mafalda s’étant intensifiée au cours des années 1970, il est fort (...)

10Cette première annonce contient les ingrédients – et arguments de vente – qui seront sans cesse reproduits à l’avenir dans la plupart des articles portant sur la série : un humour subversif qui est digne d’intéresser le lectorat de gauche des années 1970 ; l’appartenance à la culture latino-américaine dont on admire la résistance face à l’impérialisme des Etats-Unis ; une portée transnationale qui rejoint l’universalisme des droits de l’Homme. Il est bien précisé que Mafalda vient d’Argentine où Quino serait toujours un humoriste contestataire, mais il n’est fait mention d’aucun élément concret du contexte politique pendant lequel elle a pu effectivement avoir une portée subversive, à savoir les années d’autoritarisme sous la présidence du Général Juan Carlos Onganía (1966-1970)18. Plus largement, la parution de ces albums répond à la curiosité et à la sympathie que nourrit une partie du milieu intellectuel français pour l’Amérique latine, depuis la Révolution cubaine de 1959, et qui va se confirmer avec la solidarité envers celles et ceux qui ont choisi l’exil suite au coup d’État de Pinochet au Chili en 1973 – puis de la dictature argentine à partir de 1976.

  • 19 Lemogodeuc, Jean-Marie (coord.), L’Amérique hispanique au xxe siècle. Identités, cultures et sociét (...)
  • 20 Latxague, Claire, op. cit., p. 99-104 et Cosse, Isabella, op. cit., p. 125-126.

11Mafalda est donc l’un des nombreux vecteurs de la « pénétration de la culture hispano-américaine19 » qui a lieu à cette période et, découverte dans ces conditions, la série charrie peut-être, malgré elle, un imaginaire qui la dépasse. Partant, l’aura romantique qui l’accompagne a pu influencer les conditions de sa réception, voire les présupposés de sa traduction. Or, Mafalda n’est pas une œuvre en un seul bloc. Elle est porteuse d’une temporalité et, lorsque le public français la découvre, elle a même perdu l’adhésion d’une partie de son lectorat en Argentine. Alors qu’en France (ainsi qu’en Italie et en Espagne) on fait endosser à ce personnage les attributs de la jeunesse révolutionnaire du début des années 1970, chez lui Quino est pris à parti par le milieu intellectuel de gauche qui prône l’action directe et reproche à la série d’incarner une forme de passivité petite-bourgeoise20. Sur le plan de la traduction, cela donne lieu à des oscillations. Parfois, certaines expressions vont être surinterprétées ou surinvesties par la traduction pour respecter la supposée tonalité subversive, comme par un mécanisme de compensation ainsi décrit par Jean-Claude Chevalier et Marie-France Delport :

  • 21 Chevalier, Jean-Claude et Delport, Marie-France, L’Horlogerie de Saint-Jérôme. Problèmes linguistiq (...)

Une étude complète des figures de traduction devrait faire figurer en bonne place le mécanisme de la compensation ; on verrait alors que certains « ajouts » répondent à certains « retranchements », et que dans l’économie générale d’une traduction des équilibres peuvent ainsi s’instaurer21.

  • 22 L’ensemble des références aux strips de Mafalda feront mention de leur numérotation et, dans la mes (...)
  • 23 On peut également relever d’autres formes de compensation dans les strips n° 342, 464 et 649 ou enc (...)

12C’est le cas, par exemple du terme de « peones » [pions] employé par Felipe lorsqu’il explique les règles du jeu d’échecs à Mafalda (n° 76, 23 juin 196522) et pour lequel a été choisie l’acception la plus chargée politiquement en langue française « sans-grades », comme pour compenser les allègements effectués ailleurs23. Ailleurs, les références à une terminologie propre au contexte politique argentin vont, au contraire, être atténuées faute de clés d’interprétation équivalentes dans la culture française.

Affaiblissement et dépolitisation

  • 24 Pour une lecture bakhtinienne de Mafalda, Latxague, Claire, op. cit., p. 98-99, 113-121.
  • 25 Lemaire, Nathalie, « La révision à l’épreuve de l’erreur culturelle », in Schwerter, Stéphanie, Gra (...)

13La stratégie humoristique de Quino repose sur un équilibre entre la mention des préoccupations quotidiennes de la population argentine et leur transcription, voire leur camouflage, dans la logique de la série. Plutôt que de nommer explicitement des personnalités politiques, il va se focaliser sur des termes ou des expressions représentatives de son époque, qui émaillent discours politiques, journalistiques ou publicitaires, et dont s’emparent ses personnages. Ceux-ci détournent les mots de leur sens ou de leur contexte d’origine pour redéfinir leur propre quotidien d’enfants. Ce faisant, ils dévoilent les faux-semblants et les rapports de pouvoir au prisme d’une esthétique carnavalesque24. Les strips peuvent ainsi être compris par une majorité de personnes, sans passer par la caricature ou la satire anecdotique de l’actualité et, comme je l’ai déjà dit, éviter la censure en passant par la métaphore ou le sous-entendu. L’une des difficultés auxquelles a été confronté le couple de traducteurs est la transposition de ce type d’humour, lorsque les termes employés font référence à des notions qui reflètent des structures sociales ou des processus historiques proprement argentins ou latino-américains. Afin de faire passer l’« esprit » de Mafalda, les solutions proposées dans certains cas opèrent un « affaiblissement du fait culturel25 » et atténuent la trace du contexte historique, allant toutefois dans le sens de l’universalisme et de l’atemporalité souhaités par Quino lui-même.

  • 26 Ce strip, ainsi que tous ceux qui sont parus dans Primera Plana n’ont pas été numérotés.
  • 27 Latxague, Claire, op. cit., p. 123-128 et 234-242.

14On trouve, par exemple, de nombreuses mentions du personnage de l’« ejecutivo » [cadre supérieur] que les publicitaires avaient érigé à la fois en cible et en emblème de leurs campagnes dans les années 1960. En employant ce terme, les personnages enfantins l’entérinent comme étalon de la réussite sociale des hommes de classe moyenne. Pour le lectorat de l’époque, sa seule mention est un marqueur d’ironie puisqu’elle vise à souligner l’écart entre les aspirations sociales relayées par la publicité et les véritables difficultés économiques que traverse la population argentine. Or, la traduction française propose différents équivalents à ce terme (P.D.G., homme d’affaires, cadre supérieur, l’élite), ce qui estompe sa valeur de marqueur social ainsi que l’effet comique dû à son emploi répété. Sa première mention par Mafalda (2 février 196526) est toute ironique, puisqu’elle s’adresse à son père, amateur de jardinage, qu’elle qualifie de « ejecutivo de la maceta » [cadre supérieur du rempotage]. Par la suite, c’est souvent dans les strips qui mettent en scène Manolito qu’il est employé, tantôt pour nommer le statut social que le fils d’épicier rêve d’atteindre lorsqu’il dirigera une chaîne de supermarchés (n° 639 et 782), tantôt lorsqu’il tente de faire l’article des produits du magasin de son père (n° 531 et n° 713). Osciller entre différentes traductions, plutôt que d’en choisir une seule, délite l’efficacité du comique de répétition – rire de la reconnaissance du même – et du comique verbal qui est constitutif de la construction du personnage de Manolito27.

  • 28 Depuis ses débuts en tant que dessinateur d’humour il a l’habitude de signifier à travers des acces (...)
  • 29 On trouve d’autres exemples d’entorses à la perspicacité de Mafalda, comme dans le strip n° 658 du (...)

15Toujours au sujet de Manolito, sa stratégie commerciale est qualifiée de « desarrollista » dans le strip du 31 mars 1965, le situant, non sans ironie, dans la lignée du programme développementiste adopté par Arturo Frondizi (1908-1995) lors de sa présidence (1958-1962) et visant à rééquilibrer les termes de l’échange en investissant dans l’industrie nationale. La traduction française évoquant les « idées promotionnelles » de Manolito efface le concept d’origine et son importance dans les débats économiques de l’époque. Bien qu’elle reste fidèle à la logique du personnage, elle ne rend plus compte des références encore en vigueur dans la classe moyenne argentine des années 1960 et substitue les enjeux liés à l’essor de la société de consommation à ceux de la remise en question des divisions Est-Ouest. Ainsi, elle déplace aussi le centre des préoccupations du courant tiers-mondiste vers des considérations plus proches de celles des pays de l’Occident. De même, dans le strip du 4 mai 1965, Quino cherche à représenter, de façon métonymique, les luttes de pouvoir entre différents secteurs sociaux se disputant l’espace politique : l’armée, la classe ouvrière et l’Église. Dans une série de vignettes sans paroles, Mafalda voit passer devant elle un officier en uniforme portant un attaché-case28, puis un ouvrier avec une clé anglaise à la main, suivi d’un prêtre en soutane et, enfin, d’un chat noir. « ¿Los gatos a qué sector de la democracia representan? », demande-t-elle à sa mère dans la dernière vignette, apportant ainsi la résolution de ce défilé d’uniformes et de symboles corporatistes, tout en laissant place à la libre interprétation. Pour la traduction française on assiste à une sorte de raccourci, qui remplace [secteur de la démocratie] par « parti politique ». Non seulement ce choix est infidèle aux conceptualisations plus complexes dont est capable Mafalda habituellement29, mais il transforme également le travail humoristique de Quino, forçant un rapprochement entre paroles et dessin beaucoup moins subtil qu’à l’origine. Cet exemple est représentatif, parmi d’autres, de la façon dont la traduction du texte doit prendre en compte les silences du dessin, ce qu’il s’y passe pour les lectrices et les lecteurs.

  • 30 Le strip est probablement publié le 15 décembre 1968 mais je n’ai pas eu accès aux sources pour le  (...)

16Ces choix ne sont donc pas sans conséquence sur la logique de la construction des personnages, tant du point de vue de leur maîtrise des concepts que de celui de leurs propres convictions politiques. À ce sujet, on peut également mentionner les occurrences de la notion de « gremio », qui correspond à l’organisation du syndicalisme par corporations en Argentine, et à laquelle fait référence Mafalda pour évoquer les fréquents mouvements de grève de l’époque. Dans le strip du 27 octobre 1965 (n° 195), la fillette fait un rapprochement entre la rage de dents qui empêche son père d’aller travailler et la grève de certaines corporations, désignées comme « chômeurs », et non comme « grévistes » ou « syndicalistes », en français. La traduction contourne le problème de la référence culturelle pour se focaliser sur la conséquence : ne pas aller travailler. Ce faisant, elle déplace les enjeux des revendications salariales en Argentine vers celui de la crise de l’emploi, au risque de prêter à Mafalda un regard réprobateur envers les chômeurs. Ailleurs (n° 105430), lorsque Mafalda refuse d’entrer dans le jeu d’une mère qui la prend à parti pour obtenir le silence de son fils en train de pleurer, la petite fille pousse un grand « Non ! » et s’y refuse au nom de la « conciencia gremial » [conscience de corporation], traduit par une plus abstraite « solidarité ». Ici encore, on assiste à un glissement qui entraîne deux formes d’affaiblissement. L’un, d’ordre sémantique, qui efface la trace du contexte des luttes syndicales que Quino veut donner à entendre avec un vocabulaire minutieusement choisi. L’autre portant sur la capacité du personnage de Mafalda à se saisir de slogans et de discours engagés, notamment dans la période post-68 au cours de laquelle la répression de l’État devient insupportable.

  • 31 Strips n° 273, 392 et 458 parus dans El Mundo les 20 janvier, 27 mai et 7 août 1966 respectivement.

17D’autres cas d’affaiblissement sont particulièrement parlants, notamment parce qu’ils se manifestent dans des strips publiés dans les mois qui précèdent et suivent le coup d’État d’Onganía31. La « psicosis de golpe » [psychose de coup d’État], que Manolito craint d’avoir engendrée à force de cogner les autres enfants avec son bilboquet, est traduite par une simple « psychose », laissant de côté et le jeu de mots de Quino sur la polysémie de « golpe » et l’ambiance complotiste qui plane à cette époque. Toujours dans la bouche de Manolito, le terme « autodeterminación » [autodétermination] lui sert à qualifier l’obstination de ses cheveux coupés en brosse à se dresser sur sa tête, faisant ainsi référence à l’un des droits fondamentaux qui sera bafoué par le général un mois plus tard, et dont il ne reste plus aucune trace lorsqu’il est traduit par « volonté ». Enfin, alors que Mafalda constate que son reflet dans un miroir se réfléchit en inversant la gauche et la droite, elle conclut à un phénomène de « contubernio » [collusion], traduit par « confusion ». Dans ce dernier exemple, les mentions de gauche et de droite dans les vignettes qui précèdent la chute peuvent laisser supposer que le lecteur ou la lectrice sera capable de fournir l’interprétation politique attendue malgré tout. Néanmoins, on peut se demander si la substitution d’un terme par un autre n’est pas ici compris dans une stratégie d’élargissement du public de départ, plutôt adulte ou adolescent, à un public d’enfants qui serait supposément désemparé face à une terminologie spécialisée.

Naturalisation et anachronismes

  • 32 Pour une histoire de l’album de bande dessinée dans le marché franco-belge, voir Lesage, Sylvain, L (...)
  • 33 Ce n’est qu’en 1999, avec l’édition de Mafalda l’intégrale, que le public français redécouvre les s (...)
  • 34 Le contexte d’épidémie dans lequel j’ai travaillé pour cet article ne m’a pas permis de consulter l (...)

18Bien que Mafalda n’ait pas été conçue originellement pour les enfants, elle a très vite été appréciée du jeune public et doit son succès aux différents niveaux de lecture qu’elle propose. La série peut faire partie des toutes premières lectures de l’enfance et contribuer à forger, année après année, une forme de maturité. En France, lorsque Glénat rachète les droits de Mafalda en 1979, les strips sont publiés dans le format album cartonné couleur, historiquement lié aux albums de littérature pour enfants, et qui a fait le succès des éditeurs de bande dessinée franco-belge32. Ce choix éditorial est une forme de naturalisation du comic strip argentin afin de l’adapter aux soi-disant goûts et habitudes du lectorat français. Il s’agit aussi de la première étape d’une stratégie consistant à cibler le jeune public et qui sera totalement assumée lorsque Mafalda intégrera la collection jeunesse de la maison33. N’ayant pu m’entretenir ni avec l’équipe éditoriale ni avec la traductrice, j’ignore la façon dont se sont articulés ces choix éditoriaux et la poursuite du travail du couple de traducteurs34. Néanmoins, j’ai constaté plusieurs choix de naturalisation des références socio-culturelles argentines, voire d’édulcoration de la tonalité de certains dialogues, qui semblent aller dans le sens d’une adaptation aux jeunes lectrices et lecteurs.

  • 35 Harry Morgan déclare à ce sujet que « la confusion des aires culturelles est pour ainsi dire immane (...)
  • 36 Voir l’énumération des fabulistes « Esopo, Samaniego, Iriarte » traduite par « Ésope, La Fontaine, (...)
  • 37 On peut mentionner, parmi d’autres, une contradiction entre certaines naturalisations qui tendent à (...)

19La naturalisation est un phénomène fréquent et sans doute inévitable jusqu’à un certain degré35. Elle est notamment employée pour rendre accessible au public cible l’esprit d’un strip malgré la mention de références culturelles trop spécifiques. Dans le cas de Mafalda c’est une solution couramment employée pour traduire les références à des personnages historiques ou tirés de la culture populaire argentine36. Dans certains cas la naturalisation est très troublante, surtout si elle n’est pas cohérente avec la conservation, par ailleurs, de marqueurs de l’argentinité37. Elle peut même conduire à des anachronismes, comme dans le strip n° 122 du 9 août 1965, dans lequel Mafalda passe devant un mur couvert d’inscriptions, où différentes idéologies et manifestations de haine sociale ou raciale s’affrontent à travers slogans, insultes, symboles et affiches. Alors que dans le strip d’origine chaque graffiti peut être rattaché à une idéologie ou un positionnement politique précis (anti-impérialisme, anticommunisme, antisémitisme, anti-péronisme…), la traduction française offre une solution assez décevante, tant du point de vue de sa réalisation graphique que de la transcription des différentes imprécations. Ce qui saute aux yeux, tout d’abord, est la pauvreté de la reconstruction graphique des inscriptions dans la traduction française et l’absence d’une partie des graffitis. Les omissions ou modifications ne sont d’ailleurs peut-être pas tant dues aux choix de traduction qu’à la sélection opérée a posteriori par la ou les personnes chargées du graphisme. L’effet de saturation de l’espace, de superposition et d’attaque/contre-attaque sur le mur est affaibli par une composition déséquilibrée. Tandis que dans le strip d’origine chaque trait, qu’il trace un mot ou un symbole, fait sens, le strip d’arrivée introduit des taches ou des gribouillis qui n’apportent rien à la compréhension de l’ensemble.

  • 38 D’autres anachronismes ou anatopismes peuvent être relevés et semblent aussi chercher, soit à actua (...)

20Au niveau sémantique, on peut tout d’abord noter un affaiblissement général des insultes et de la violence de certains propos (ou leur simple disparition) : l’assimilation des États-Uniens à des assassins – « ¡Asesinos yanquis fuera de Viet- » [Yankees assassins sortez du Viet- – a été remplacée par un « Ras le bol » sans cible ni motif tandis que la mention « Viet- » a été isolée, comme flottante, à l’angle inférieur droit de la case. De même, l’appel à exécuter Fidel Castro – « ¡¡Fidel al paredón!! » [Fidel au poteau !!] –, ou à voir mourir, supposément, les communistes – « Mueran los co- » [À mort les co-] – ont disparu. L’attaque contre le corps enseignant s’est muée en un appel à la « Grève de la faim », qui n’était présent nulle part dans le texte source. Et l’appel à pendre les « vendepatrias » [marchands de patrie], à savoir l’oligarchie jugée coupable d’avoir vendu le pays aux investisseurs étrangers, s’adresse à présent à de flous « indicateurs ». Sans doute la proposition la plus déconcertante est le « CRS=SS », presque en plein centre du mur, qui assume non seulement une acculturation totale de l’œuvre originale mais également un anachronisme, puisque la date de parution du strip est antérieure à Mai 6838. En outre, l’affaiblissement général de l’ensemble des imprécations sur ce mur est aussi un exemple de la tentation d’édulcorer certains strips pour ne pas choquer le lectorat sensible.

Édulcoration

21Cela est particulièrement frappant au sujet du personnage de Miguelito, qui est peut-être l’un des plus complexes à cerner. Petit-fils d’un immigré italien admirateur de Mussolini (n° 296) et enfant unique en conflit avec une mère autoritaire, il compense son besoin d’affection par une personnalité égocentrique et cynique qui déconcerte souvent Mafalda et Felipe. Il est, comme tout naturellement, en conflit avec l’égoïste Susanita qui en fait la cible de ses attaques, comme lorsqu’elle se moque de sa chevelure en forme de feuilles (n° 633, 4 janvier 1967). La réponse de Miguelito en espagnol est d’une rare violence et fait référence aux conflits armés de la fin des années 1960 : « ¡Y pensar que en este mismo momento en algún lugar del mundo se están disparando balas que no van a pegarle a nadie! ¡Qué desperdicio! » [Et dire qu’en ce moment même quelque part dans le monde il y a des balles perdues qui n’atteindront personne ! Quel gâchis !]. La traduction française opte pour une réponse qui reste sur le plan du dénigrement physique initié par Susanita : « Si c’est à cause de mes cheveux que tu dis ça, je te répondrai : la laitue vaut bien ta choucroute saucisse », effaçant l’un des aspects les plus sombres du personnage de Miguelito et changeant tout à fait et le sens de son discours et la tonalité du strip.

  • 39 J’ai pu constater qu’en Espagne ce strip n’était toujours pas publié dans l’édition de 1992 de l’in (...)

22Ce petit-fils de fasciste fait de nouveau l’objet d’une forme d’angélisme dans la traduction du strip n° 732, du 20 mai 1967, qui efface les traces de son héritage familial. Alors qu’il se lamente d’être loin d’atteindre les connaissances scientifiques de Von Braun, cette référence est remplacée par la mention d’Einstein en français. Pourtant, Von Braun est bien mentionné dans la traduction du strip n° 1171, possiblement publié le 11 août 1969, dans lequel Miguelito cherche à démontrer l’importance du rôle qu’auraient joué, d’après son grand-père, Hitler et Mussolini dans la conquête de l’espace. Cet héritage d’extrême droite, bien présent dans le spectre idéologique argentin tel que le reflète l’œuvre de Quino, va lourdement peser sur la répression violente de toute forme de pensée considérée comme subversive au cours des années 1970. En garder la trace manifeste dans le discours des personnages me semble incontournable. Pourtant, même lorsqu’il est fait allusion, sans équivoque, à la réalité de la dictature, la version française va préférer la périphrase là où une traduction littérale est tout à fait possible. Ainsi, dans un autre strip de cette même année 1969 (n° 1079), Miguelito demande à pouvoir faire le policier plutôt que le voleur dans la partie de jeux que les enfants sont en train de préparer. « ¡Además que traje un alfiler para las torturas y todo! » [En plus j’ai apporté une épingle pour les tortures et tout !] argumente-t-il devant les autres enfants effrayés. La référence est assez claire mais, là encore, la traduction choisit l’euphémisme « En plus, j’ai apporté une aiguille pour vous faire avouer » et censure le terme de « torture »39.

  • 40 Ce strip a connu le même sort que le précédent, d’abord censuré puis réintégré, dans les éditions e (...)

23Ce personnage d’apparence tendre est celui dont les intentions sont les plus violentes, et qui va aussi prendre en charge l’évocation de la guérilla urbaine. Le 14 avril 1969 il expose à un policier chargé de veiller sur son quartier le dilemme qui serait le sien si la vie le menait un jour à frapper l’agent à coup de pavés : « ¿Con qué cara le encajo adoquinazos a quien cuidó mi casa? », confession formulée en français en des termes bien moins argotiques et violents : « Vais-je m’attaquer à quelqu’un qui a gardé ma maison ? » (n° 1104)40. Enfin, quelque temps après l’insurrection populaire de la ville de Córdoba de mai 1969, connue sous le nom de « Cordobazo », Miguelito menace sa mère de faire son propre « Miguelazo ». Cette fois-ci la traduction de ce coup d’éclat par « coup d’État » (n° 1410) pèche, non pas sur le plan de l’intensité, mais sur celui de l’interprétation des événements historiques évoqués.

Pour une relecture diagonale et plastique

24Ces exemples, ainsi que d’autres mentionnés plus haut témoignent d’un manque de cohérence dans les choix de traduction qui peut être expliqué par une imprécision du public cible auquel on souhaite s’adresser. L’œuvre de Quino s’en trouve tiraillée entre la volonté de coller à la réputation subversive de Mafalda et les contraintes liées à l’opération éditoriale qui consiste à la faire entrer de force dans la catégorie « BD jeunesse ». Plusieurs des exemples relevés jusqu’ici – et d’autres qui sont simplement d’ordre linguistique – soulèvent, plus largement, la question de la nécessité de réviser toute traduction d’une œuvre, qu’elle soit littéraire ou de bande dessinée, au moyen de relectures successives et complémentaires.

  • 41 Lemaire, Nathalie, op. cit., p. 32.
  • 42 À propos d’intertextualité dans la traduction voir Lafon, Michel « Les griffures de l’Autre (Ébauch (...)
  • 43 Pour ce qui est de la bande dessinée, la révision de la traduction une fois inscrite dans les vigne (...)

25Dans l’idéal, une traduction bénéficie de plusieurs relectures qui permettent d’améliorer une première version : la révision horizontale veille à la fidélité sémantique du texte cible envers le texte source, tandis que la révision verticale, ne se référant que très ponctuellement au texte source, permet de vérifier l’intelligibilité et la correction grammaticale du texte cible. Dans le cas des erreurs culturelles, Nathalie Lemaire prône l’usage d’une troisième lecture, de nouveau horizontale, qui pourrait être efficace « à la condition intellectuelle et économique rarement réalisée, que cette relecture soit poussée à son degré ultime de systématicité : en vérifiant tout, y compris ce qui semble le plus évident41 ». On pourrait aussi défendre la nécessité d’une relecture que j’appellerais « diagonale », assurée par une personne suffisamment connaisseuse de l’œuvre originale pour être attentive aux effets de répétition, d’intra et d’intertextualité42. Il s’agirait de veiller à la cohérence des choix de traduction avec la logique interne de la série, voire avec le reste de l’œuvre de son auteur ou autrice, ainsi qu’avec le contexte historique qui l’a vue naître, surtout si celui-ci en est le sous-texte43.

26En somme, une actualisation de la traduction de Mafalda en français ne pourrait qu’être bénéfique pour la vitalité de cette œuvre, non pas dans le sens d’une remise « au goût du jour » mais de celui du respect de sa poétique, de son ancrage historique et de sa dimension plastique. J’espère que le travail mené ici aura pu en démontrer la nécessité. Cela pourrait également être l’occasion d’une nouvelle édition de l’ensemble de la série, car force est de constater que le format « intégrale », de près de 3 kg, choisi actuellement, peut décourager les lecteurs et les lectrices les plus motivés. Il est regrettable que ce soit le seul moyen de connaître l’ensemble des strips, sous leur forme de publication d’origine en noir et blanc, des illustrations inédites et du seul paratexte critique et historique de Mafalda. Il me semble qu’il y aurait une réflexion à mener sur un nouveau découpage en volumes, suivant des marqueurs chronologiques pertinents, tant du point de vue de son histoire éditoriale que des événements qui ont marqué l’Argentine à cette époque.

Haut de page

Bibliographie

Chevalier, Jean-Claude, Delport, Marie-France, L’Horlogerie de Saint-Jérôme. Problèmes linguistiques de la traduction, Paris, L’Harmattan, 1995, 221 p.

Cosse, Isabella, Mafalda : historia social y política, Buenos Aires, Fondo de Cultura Económica, 2014, 313 p. (coll. Sección de Obras de Sociología).

Lafon, Michel, « Les griffures de l’Autre. (Ébauche d’une poétique de l’intraduisible) », in Ramond, Michèle (éd.), Les figures de l’autre, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1991, p. 191-196 (coll. Hespérides).

Latxague, Claire, Lire Quino. Politique et poétique dans le dessin de presse argentin (1954-1976), Tours, PUFR, 2016, 315 p. (coll. Iconotextes).

Laude, André, « Les bulles de Mafalda », Le Monde, 3 novembre 1972.

Lemogodeuc, Jean-Marie (coord.), L’Amérique hispanique au xxe siècle. Identités, cultures et sociétés, Paris, PUF, 449 p. (coll. Premier Cycle).

Lesage, Sylvain, L’effet livre. Métamorphoses de la bande dessinée, Tours, PUFR, 2019, 432 p. (coll. Iconotextes).

Lesage, Sylvain, Publier la bande dessinée : les éditeurs franco-belges et l’album, 1950-1990, Lyon, Presses de l’Enssib, 2018, 424 p.

Lesage, Sylvain, « album » in Neuvième art 2.0, section « Dictionnaire esthétique et thématique de la bande dessinée », janvier 2013 [http://neuviemeart.citebd.org/spip.php?article536 (consulté le 11 décembre 2020)].

Menu, Jean-Christophe, Plates-bandes, Paris, L’Association, 2005, 80 p. (coll. Éprouvette, n° 2).

Morgan, Harry, « Traduire les classiques ? », in Neuvième art 2.0, dossier « Traduire la bande dessinée », juillet 2015, [http://neuviemeart.citebd.org/spip.php?article961 (consulté le 10 décembre 2020)]

Quino, Mafalda l’intégrale, Grenoble, Glénat, 1999, 576 p.

Schwerter, Stephanie, Gravet, Catherine et Barège, Thomas (dir.), L’erreur culturelle en traduction. Lectures littéraires, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2019, 265 p. (coll. Traductologie).

Ulanovsky, Carlos, Paren las rotativas, Buenos Aires, Espasa, 1997.

Haut de page

Notes

1 « Quand je serai grande, je serai interprète à l’O.N.U. Quand un délégué dira à un autre délégué : “Votre pays est immonde”, je traduirai : “Votre pays est merveilleux”. Comme ça, plus de conflits… ». Strip n° 491, in Quino, Mafalda l’intégrale, Grenoble, Glénat, 1999, p. 181.

2 Voir le travail remarquable réalisé par des maisons comme 2024 (Gustave Doré, Frank King, G. Ri), Çà et Là (Eddie Campbell, Harvey Pekar), Cornélius (Gus Bofa, Luciano Bottaro, Nicole Claveloux, Shigeru Mizuki, Osamu Tezuka, Yoshiharu Tsuge), Les rêveurs (Georges Herriman, Jacovitti, Carlos Nine), Rackham (Alberto Breccia, Tony Millionaire), Tanibis (Eric Drooker, Paul Kirchner, Chris Reynolds), pour n’en citer que quelques-unes.

3 En consultant Mafalda l’intégrale, j’ai pu constater une hétérogénéité dans le lettrage des strips, dont aucun ne reproduit la finesse du tracé de Quino au Rotring. Cela pourrait être corrigé aujourd’hui grâce à la numérisation du lettrage d’origine. En comparant l’édition de 1999 avec celle de 2018, il semble, d’ailleurs, que les outils numériques aient au moins permis de nettoyer un certain nombre de scories dues à des défauts de reproduction (taches, bavures, pliures, traces de corrections inachevées). Toutefois, un grand nombre d’interventions sur la plasticité des bulles sont encore insatisfaisantes du point de vue du respect du style de Quino et de l’équilibre de la composition des cases.

4 Quino, op. cit.

5 Latxague, Claire, Lire Quino. Politique et poétique dans le dessin de presse argentin (1954-1976), Tours, PUFR, 2016 (coll. Iconotextes), p. 205.

6 Ibid., p. 119.

7 Juan Domingo Perón effectue trois mandats présidentiels. Il est d’abord élu en 1946 et réélu en 1952 après la réforme constitutionnelle de 1949 qui instaure le suffrage universel. Il est renversé par le coup d’État de la dénommée « Revolución Libertadora » en 1955 et contraint à l’exil. Il revient en Argentine en 1973, après l’élection d’Héctor José Cámpora, qui démissionne en sa faveur peu de temps après. Perón est alors élu pour la troisième fois cette même année. Sa femme Isabel, désignée comme Vice-présidente, lui succède lorsqu’il meurt un an plus tard.

8 Pour plus de détails sur cette période, Ibid., p. 48-49, 90-91, 105-106, 122-123 et Cosse, Isabella, Mafalda : historia social y política, Buenos Aires, Fondo de Culture Económica, 2014, p. 33-81.

9 Ulanovsky, Carlos, Paren las rotativas, Buenos Aires, Espasa, 1997, p. 40-47 et Cosse, Isabella, op. cit., p. 61-62.

10 Latxague, Claire, op. cit., p. 121-131.

11 Une partie de ces illustrations a été publiée dans Mafalda l’intégrale, op. cit.

12 Cosse, Isabella, op. cit., p. 92.

13 Les archives d’Hortensia et Satiricón sont en accès libre sur le site de l’Archivo Histórico de Revistas Argentinas (AHIRA) [https://ahira.com.ar. (consulté le 11 décembre 2020)].

14 Latxague, Claire, op. cit., p. 99-113.

15 Harry Morgan rappelle l’importance de ne pas gâcher l’effet comique de la lecture des strips, notamment par un appareil critique trop envahissant, dans « Traduire les classiques ? », in Neuvième art 2.0, dossier « Traduire la bande dessinée », juillet 2015 [http://neuviemeart.citebd.org/spip.php?article961 (consulté le 10 décembre 2020)].

16 Laude, André, « Les bulles de Mafalda », Le Monde, 3 novembre 1972. Disponible dans les collections numérisées de la Cité internationale de la bande dessinée d’Angoulême [http://collections.citebd.org/in/faces/imageReader.xhtml?id=69c90caf-458e-4ecc-a5a5-98160bcd533b&pageIndex=1&mode=simple&selectedTab=otherdocs (consulté le 30 novembre 2020)].

17 Cosse, Isabella, op. cit., p. 141 et 157. La même année, quelques strips sont également publiés dans Charlie Mensuel (n° 33, octobre 1971) et, à partir de 1973 Quino publie régulièrement ses strips et autres dessins d’humour dans des revues de bande dessinée françaises (Pilote, Circus, Gomme…). Voir le site BD oubliées, [https://bdoubliees.com/auteurs/qu/quino.htm (consulté le 30 novembre 2020)].

18 Avec le temps, la circulation de Mafalda s’étant intensifiée au cours des années 1970, il est fort probable qu’une partie du lectorat français ait même pu penser que la série était contemporaine de la dictature instaurée en 1976 par le coup d’État du Général Videla.

19 Lemogodeuc, Jean-Marie (coord.), L’Amérique hispanique au xxe siècle. Identités, cultures et sociétés, Paris, PUF, p. 415-420 et Cosse, Isabella, op. cit., p. 142-143.

20 Latxague, Claire, op. cit., p. 99-104 et Cosse, Isabella, op. cit., p. 125-126.

21 Chevalier, Jean-Claude et Delport, Marie-France, L’Horlogerie de Saint-Jérôme. Problèmes linguistiques de la traduction, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 46.

22 L’ensemble des références aux strips de Mafalda feront mention de leur numérotation et, dans la mesure du possible, de leur date de publication d’origine. Ces numéros ont été attribués lors des premières éditions en recueil en Argentine et débutent donc avec les strips parus dans El Mundo. Je ne reproduirai pas de pagination puisque celle-ci varie d’une édition à l’autre.

23 On peut également relever d’autres formes de compensation dans les strips n° 342, 464 et 649 ou encore 1495, dont les traductions visent à mettre en évidence une charge politique ou une « argentinité » absentes à l’origine.

24 Pour une lecture bakhtinienne de Mafalda, Latxague, Claire, op. cit., p. 98-99, 113-121.

25 Lemaire, Nathalie, « La révision à l’épreuve de l’erreur culturelle », in Schwerter, Stéphanie, Gravet, Catherine et Barège, Thomas (dir.), L’erreur culturelle en traduction. Lectures littéraires, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2019, p. 28.

26 Ce strip, ainsi que tous ceux qui sont parus dans Primera Plana n’ont pas été numérotés.

27 Latxague, Claire, op. cit., p. 123-128 et 234-242.

28 Depuis ses débuts en tant que dessinateur d’humour il a l’habitude de signifier à travers des accessoires le rôle social de ses personnages. Ici, l’attaché-case de l’officier semble indiquer qu’il est plus souvent chargé de s’occuper des affaires de l’État depuis des bureaux ministériels que de superviser des troupes dans une caserne.

29 On trouve d’autres exemples d’entorses à la perspicacité de Mafalda, comme dans le strip n° 658 du 1er mars 1967, dans lequel l’interdiction de faire du feu dans une forêt inspire à la petite fille un trait d’esprit sur le cessez-le-feu élaboré par U-Thant, alors Secrétaire général de l’ONU. La traduction remplace l’évocation de la Guerre du Viêt Nam par une référence à la prohibition des armes dans les saloons, conservant, certes, la polysémie du mot « feu » mais détournant totalement le sens du strip d’origine.

30 Le strip est probablement publié le 15 décembre 1968 mais je n’ai pas eu accès aux sources pour le confirmer.

31 Strips n° 273, 392 et 458 parus dans El Mundo les 20 janvier, 27 mai et 7 août 1966 respectivement.

32 Pour une histoire de l’album de bande dessinée dans le marché franco-belge, voir Lesage, Sylvain, L’effet livre. Métamorphoses de la bande dessinée, Tours, PUFR, 2019, et Publier la bande dessinée : les éditeurs franco-belges et l'album, 1950-1990, Lyon, Presses de l’Enssib, 2018, 424 p., ainsi que son article « album » du « Dictionnaire esthétique et thématique de la bande dessinée », in Neuvième art 2.0, [http://neuviemeart.citebd.org/spip.php?article536 (consulté le 11 décembre 2005)]. Voir également Menu, Jean-Christophe, Plates-bandes, Paris, L’Association, 2005, 80 p. (coll. Éprouvette, n° 2).

33 Ce n’est qu’en 1999, avec l’édition de Mafalda l’intégrale, que le public français redécouvre les strips en noir et blanc. Ce volume est la version française du Toda Mafalda publié par De la Flor en Argentine depuis 1993. Il intègre le travail réalisé par la journaliste Sylvina Walger en 1988 pour Mafalda inédita, consistant à rééditer les strips de Primera Plana, ainsi que d’autres inédits, accompagnés d’un appareil critique qui retrace l’histoire éditoriale de la série, en parallèle avec le contexte argentin et international des années 1960-1970. L’album Il était une fois Mafalda, 12e et dernier volume de la série en couleurs paru en 2012, est aussi une reprise de Mafalda inédita à la façon d’un album de souvenirs et de documents d’archives. Dans l’édition intégrale de 2018, à la couverture dorée, la couleur a malheureusement été réintroduite, en rehaussant de rouge les illustrations intercalaires. Le travail typographique sur la numérotation des pages ainsi que les images choisies pour faire marquer le découpage en chapitres vont également dans le sens d’une « réinfantilisation » de la série.

34 Le contexte d’épidémie dans lequel j’ai travaillé pour cet article ne m’a pas permis de consulter les archives de France-Soir ni les différentes éditions françaises de Mafalda. Une étude comparative de la chronologie des strips édités, de leur éventuelle sélection dans les premières parutions (les albums de Lattès n’ayant publié que 500 strips environ) et de possibles variantes dans la traduction selon les supports m’aurait sans doute permis de trouver quelques réponses à mes hypothèses.

35 Harry Morgan déclare à ce sujet que « la confusion des aires culturelles est pour ainsi dire immanente à toute traduction » et évoque également « la convention fictionnelle d’une sorte de no man’s land franco-américain » qui serait de mise pour certaines traductions de classiques du comic strip. Voir Morgan, Harry, op. cit. Pour un rappel des enjeux de la naturalisation, voir Schwerter, Stéphanie, « Tout est dans la taille des carreaux. Les erreurs culturelles : un défi en traduction littéraire », in Schwerter, Stéphanie, Gravet, Catherine et Barège, Thomas (dir.), L’erreur culturelle en traduction. Lectures littéraires, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2019, p. 35-50 (coll. Traductologie).

36 Voir l’énumération des fabulistes « Esopo, Samaniego, Iriarte » traduite par « Ésope, La Fontaine, et tous les autres » (n° 291, 8 février 1966), la mention du héros de l’Indépendance argentine San Martín remplacée par celle, plus parlante, de Bolívar (n° 295, 11 février 1966), ou encore la référence de Susanita à Giuseppe Garibaldi, qui témoigne de son ascendance italienne, et qui est remplacée par Napoléon (n° 359, 22 avril 1966).

37 On peut mentionner, parmi d’autres, une contradiction entre certaines naturalisations qui tendent à donner l’impression que Mafalda serait une petite fille française – « Dites-moi une gauloiserie quelconque » (n° 738), « Tiercé à Longchamp » (n° 1514), « André Claveau » (n° 1554) – et l’affirmation de son argentinité par ailleurs (n° 779). Ces incohérences deviennent d’ailleurs intenables à partir du moment où apparaît la mère de Libertad, traductrice de français.

38 D’autres anachronismes ou anatopismes peuvent être relevés et semblent aussi chercher, soit à actualiser le strip à la date de sa traduction – le président Johnson devenant Nixon dans le strip du 28 mars 1966 (n° 336) – soit à le rendre plus immédiatement compréhensible par le lectorat français – « smicarde » servant à traduire l’expression « cara de poco sueldo » [air de sous-payée] (n° 1271).

39 J’ai pu constater qu’en Espagne ce strip n’était toujours pas publié dans l’édition de 1992 de l’intégrale Todo Mafalda chez Lumen. Elle est de nouveau présente dans celle de Mafalda. Todas las tiras de 2011. Je n’ai pas pu vérifier les éditions intermédiaires.

40 Ce strip a connu le même sort que le précédent, d’abord censuré puis réintégré, dans les éditions espagnoles consultées.

41 Lemaire, Nathalie, op. cit., p. 32.

42 À propos d’intertextualité dans la traduction voir Lafon, Michel « Les griffures de l’Autre (Ébauche d’une poétique de l’intraduisible) », in Ramond, Michèle, Les Figures de l’autre, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1991, p. 191-196 (coll. Hespérides) et Chaudey, Asma Mejri, « Traduire les marqueurs de la littérarité. De la déformation à l’erreur culturelle », in Schwerter, Stephanie, Gravet, Catherine et Barège, Thomas (dir.), L’erreur culturelle en traduction. Lectures littéraires, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2019, p. 51-63 (coll. Traductologie).

43 Pour ce qui est de la bande dessinée, la révision de la traduction une fois inscrite dans les vignettes est également essentielle. Dans le cas de Mafalda elle aurait sans doute permis de repérer des absurdités ou des oublis qui ont l’air d’être le fait d’une mauvaise transcription du manuscrit au moment du lettrage et non d’erreurs de traduction. Voir les strips n° 358, 663, 1124 ou 1527.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Claire Latxague, « « La langue bien pendue ». Pour une nouvelle traduction de Mafalda »Caravelle, 116 | 2021, 27-44.

Référence électronique

Claire Latxague, « « La langue bien pendue ». Pour une nouvelle traduction de Mafalda »Caravelle [En ligne], 116 | 2021, mis en ligne le 18 août 2021, consulté le 08 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/caravelle/10528 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/caravelle.10528

Haut de page

Auteur

Claire Latxague

Université Paul-Valéry – Montpellier 3
clatxague[at]gmail.com

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search