Poèmes
Full text
Dizain de noir
1Soulages sanctuaire
Éclats de soie de suaire
D’un jour qui se délie
Flaques miroirs éteints
Lavis de nuit dans l’eau
Fôret de loup y es-tu je te suis
Voix coulées dans l’encre ou l’asphalte
Plonger dans l’outrenoir comme pousser la porte
En capitons de suie
Et fendre le silence
Léman (à Zelda F.)
2Vague alarme
des nuits sans l’offrande du jour
la lumière se tait
vacille quelques heures
et l’on croirait
entendre la clameur
lunes d’Alabama
sur les rives du jazz
Vagues lames d’ennui
en éclats
dans la moire des ombres
soie sauvage organdi
défilent sans retour
entrelacs
vogue l’âme
en sa chambre
où se fane
la toile des jours
B. und B.
3(an David Bowie —Berlin, Dezember 2016—August 2018)
Es bleibt kein Fürst mehr am Kudamm,
die Asche selbst ist weggefloggen,
der Schnee wird grau und schwer;
allein, allein, die Musik schweigt.
B. et B.
4(à David Bowie —Berlin, décembre 2016—août 2018)
Plus de princes sur le Kudamm,
même les cendres se sont envolées,
la neige devient grise et lourde ;
seule, seule, la musique se tait.
5À la demande des rédacteurs de DETOURS, Nathalie Vincent-Arnaud ajoute ceci : J’écris de la poésie depuis mon adolescence. Éprise des langues et de la littérature, je le suis aussi tout particulièrement de la musique et de la danse, qui influencent beaucoup mon écriture où, sans doute, le rythme, celui d’une respiration calée sur un flux d’images, est premier.
6Mes deux premiers recueils de poèmes, Clés d’août (2020) et Déchants (2023), sont parus chez Interstices éditions (https://www.interstices-editions.fr/), d’autres recueils sont en préparation, et de nombreux poèmes sont parus dans des revues et dans des anthologies. Ma poésie a été primée lors de plusieurs concours (Académie des Jeux Floraux, Société des Poètes Français, Prix de Poésie Thomas Sankara, Jasmin d’Argent…). Les thèmes qui parcourent mes poèmes sont pour l’essentiel la mémoire individuelle et collective, l’enfance, les voix, l’eau, la musique comme vectrices du flux, de l’instabilité, de nos seuils, de nos passages, de nos constructions et de nos obstinations.
7Les trois courts poèmes choisis ici pour ce volume m’ont semblé s’inscrire dans le terreau de ces géographies musicales dont ce numéro de Caliban s’attache à décliner les composantes en texte, sur scène et à l’écran. Les figures qu’ils convoquent tour à tour s’enracinent dans une géographie mentale dont mes poèmes, au fil de leurs fulgurances, font surgir les images, les déroulent et les mêlent : Zelda Fitzgerald internée sur les bords du Léman, à quelques encablures de Nyon et de Montreux qui allaient devenir des hauts-lieux du jazz que sa vie et ses écrits, aux côtés de ceux de son époux, contribuèrent à célébrer et à consacrer comme emblématique du langoureux vertige d’une période d’entre-deux ; David Bowie, dont le séjour berlinois, si décisif pour sa carrière, reste dans la mémoire musicale et artistique d’une ville lourdement marquée par les assauts d’une Histoire récente ou plus ancienne ; Pierre Soulages, dont l’outrenoir et sa palette à jamais mouvante sous la lumière donnent vie et voix à un silence qui s’anime chez un spectateur devenant ainsi auditeur d’une forme de partition intériorisée.
8Ce sont là des expériences renouvelées d’une fascination que j’espère pouvoir donner en partage. Je remercie mes éditeurs, Renaud et Nathalie Lagrave, d’Instertices éditions, de m’avoir autorisée à reproduire ici ces trois poèmes.
References
Electronic reference
Nathalie Vincent-Arnaud, “Poèmes”, Caliban [Online], 71-72 | 2024, Online since 20 August 2024, connection on 13 November 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/caliban/12867; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12dmo
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