Alberto, Paulina L. Terms of Inclusion: Black Intellectuals in Twentieth-Century Brazil
Alberto, Paulina L. Terms of Inclusion: Black Intellectuals in Twentieth-Century Brazil. Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2011, XVI-396 p.
Texte intégral
1Paulina L. Alberto étudie la trajectoire des intellectuels noirs au xxe siècle, lorsque les politiques d’affirmation des droits des minorités acquirent visibilité, au Brésil comme ailleurs. L’historienne examine São Paulo, Rio de Janeiro et Salvador dès 1900, onze ans après la proclamation de la République et douze après l’abolition de l’esclavage. Les autorités voulaient alors constituer un pays conforme au modèle européen de nation, incluant nécessairement l’idée d’une homogénéité ethnique. Les descendants d’Africains et d’autochtones étaient indésirables selon des « hommes de science » comme Nina Rodrigues, Silvio Romero et Oliveira Vianna. Le parlement débattait du « type idéal » d’immigrant pour remplacer la main d’œuvre des Africains émancipés de l’esclavage et ainsi « améliorer la race » brésilienne.
2São Paulo fut jusque dans les années 1920 la scène de tensions entre immigrants et Brésiliens. Le discours de la démocratie raciale empêchait toute discussion des relations entre races, l’« harmonie » étant supposée régner au Brésil. Il a son origine dans des écrits d’abolitionnistes comme Joaquim Nabuco affirmant qu’en dépit de l’esclavage, les relations entre seigneurs et esclaves n’étaient pas hostiles. Il fut alimenté par les cercles officiels, surtout pendant les régimes dictatoriaux, Estado Novo de Getúlio Vargas (1937-1945) et dictature militaire (1964-1985).
3« Hommes de couleur », ces intellectuels visaient une nouvelle visibilité sociale, car être noir constituait encore un lourd fardeau, renvoyant à l’esclavage. São Paulo fut un endroit privilégié à cet égard. Utilisant les journaux comme source principale, l’auteur évoque la floraison d’une presse noire dès l’avènement de la République.
4Les capitales économiques et politiques, respectivement São Paulo et Rio de Janeiro, connurent au cours des « années folles » de grandes transformations, surtout économiques. Malgré la marginalisation de la population noire, ses intellectuels se mobilisèrent, inventant au besoin des événements symboliques pour affirmer les contributions de leurs communautés à la construction du Brésil, comme la Journée de la mère noire, proposée par le Centre civique Palmares.
5Sous Vargas, l’idée d’une « démocratie raciale » gagna du crédit. Maîtres et Esclaves de Gilberto Freyre alimenta ce discours, alors même que le nazisme/fascisme divulguait l’idée de suprématie raciale. Au Brésil, la quête d’une identité nationale rendit possible la définition d’un « métis national ». Les apports africains et afro-brésiliens étaient considérés dans une perspective « culturaliste » illustrée lors de deux congrès (Recife 1934 et Salvador 1937) célébrant cuisine, folklore, religion (candomblé), etc. Paulina Alberto décrit comment, de 1930 à 1945, des intellectuels transformèrent les manifestations afro-brésiliennes en « objets d’étude ». Ils furent les artisans de l’une des plus notables expériences noires de l’ère post-abolitionniste : le Front noir brésilien, animé dans les capitales de plusieurs États par des personnalités aussi éminentes que José Correia Leite, Arlindo Veiga dos Santos, Vicente Ferreira, Francisco Lucrecio.
6Victime de l’Estado Novo le Front noir disparut, d’autres organisations d’intellectuels noirs naissant de ses cendres, plus encore avec la redémocratisation : ainsi Abdias do Nascimento, créateur du Théâtre expérimental noir et organisateur du premier Congrès du Noir brésilien à la fin des années 1940. Le journal Quilombo préconisait le principe des politiques de discrimination positive actuellement en vigueur, tout en dénonçant les préjugés et les stigmatisations dont les Noirs étaient victimes (chapitre iv sur les organisations à São Paulo et Rio de Janeiro en 1945-1950).
7Ce mouvement national d’intellectuels afro-brésiliens, explique l’auteur (chapitre v), se déployait en organisations diverses dont elle souligne les spécificités à São Paulo, Rio de Janeiro et Salvador, de 1950 à 1964. Dans le contexte national et international, les publications de l’intelligentsia noire et ses institutions accueillaient les souffles du panafricanisme, les idées de négritude et promouvaient le rapprochement avec les intellectuels africains.
8Le régime militaire imposa le silence sur les questions raciales, obligeant intellectuels et militants à la clandestinité et à l’exil. Le discours de la démocratie raciale reçut des gouvernants un sens nouveau : « Au Brésil, il n’y a pas de problèmes raciaux, car les noirs savent rester à leur place » disaient-ils. Le chapitre vi traite aussi de l’impact sur ces mouvements de la décolonisation en Afrique, des congrès internationaux, de la naissance d’organisations, associations et centres de recherche centrés sur la thématique africaine et afro-brésilienne. Le Noir n´était plus « objet » mais sujet de recherche. Des intellectuels noirs comme Beatriz Nascimentos travaillaient dans des centres de recherche universitaires. À la fin des années 1970, de « nouveaux personnages entrèrent en scène » – selon Eder S. Sader – dont le mouvement noir. Certains militants revisitèrent des expériences passées en les adaptant ; le retour d’exil des intellectuels renforça la dynamique.
9Avec la redémocratisation du pays (1985), la thématique de la population noire et la politique d’inclusion et d’équité s’affirmèrent. Les commémorations – centenaire de l’abolition de l’esclavage (1988) ; cent vingt ans de la loi du Ventre Libre (1991) ; tricentenaire de la mort de Zumbi de Palmares (1995) – furent l’occasion pour les centres académiques et organisations non-gouvernementales de révéler la situation de la population noire brésilienne et de revendiquer pour celle-ci de meilleures conditions de vie.
10Le très beau travail de Paulina L. Alberto est une invitation lancée à tous ceux qui veulent connaître l’histoire du Brésil contemporain à partir de la mobilisation des intellectuels noirs. Les politiques d’inclusion sont une conquête du mouvement noir d’hier et d’aujourd’hui, évidence historique révélée par l´ouvrage.
Pour citer cet article
Référence papier
José Bento Rosa da Silva, « Alberto, Paulina L. Terms of Inclusion: Black Intellectuals in Twentieth-Century Brazil », Brésil(s), 3 | 2013, 209-211.
Référence électronique
José Bento Rosa da Silva, « Alberto, Paulina L. Terms of Inclusion: Black Intellectuals in Twentieth-Century Brazil », Brésil(s) [En ligne], 3 | 2013, mis en ligne le 06 mai 2013, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bresils/529 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/bresils.529
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