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Hommage à John Manuel Monteiro (1956-2013)

Jean Hébrard
p. 193-194

Texte intégral

1John Manuel Monteiro, l’un des meilleurs spécialistes mondiaux de l’histoire et de l’anthropologie indigénistes brésiliennes, était professeur titulaire de l’Université de l’État de São Paulo à Campinas (Unicamp) où il dirigeait l’Institut de philosophie et sciences humaines (IFCH). Sa brillante carrière s’est brutalement interrompue au printemps dernier, dans sa cinquante-sixième année, à la suite d’un terrible accident sur l’autoroute reliant l’université à son domicile.

2Né aux États-Unis (Minnesota) dans une famille aux racines portugaises, ayant séjourné au Brésil durant son enfance, il avait fait ses études à l’Université de Chicago où John H. Coatsworth – l’un des plus remarquables brésilianistes américains de cette génération – avait dirigé sa thèse (« São Paulo in the Seventeenth Century: Economy and Society »). C’est de cette époque que date sa passion pour l’histoire coloniale portugaise sur les terres brésiliennes et, déjà, pour la résistance des populations indigènes à l’invasion des Bandeirantes.

3Après un court passage à l’université de Caroline du Nord (Chapel Hill), il rejoint le Brésil en 1986, à l’Unesp d’abord, puis, à partir de 1994, à l’Unicamp qu’il ne quittera plus. Son livre, Negros da Terra: Índios e Bandeirantes nas origens de São Paulo (São Paulo: Companhia das Letras, 1994), va faire de lui le spécialiste incontesté de l’histoire indigéniste paulista. Il y analyse de manière très suggestive l’étroite imbrication entre les activités des deux populations en contact, le métissage qui en découle et le caractère rapidement esclavagiste des relations sociales et économiques qui se structurent sur ce très ancien front pionnier de la colonisation. Sa contribution, en 1999, au troisième volume de la Cambridge History of the Native Peoples of the Americas (« The Crises and Transformations of Invaded Societies, 1492-1580: Coastal Brazil in the Sixteenth Century ») complète son interprétation en la situant dans le contexte large de la première colonisation occidentale. C’est encore sur cette thématique du premier contact qu’il travaillait ces derniers mois. Comme il le formulait avec beaucoup de clarté, le mameluco comme la mameluca ne sont pas les « produits résiduels des relations inter-ethniques » mais l’une des « racines » de la précoce structuration de la société coloniale. Le chapitre qu’il avait donné au premier volume de la Cambridge Economic History of Latin America (Cambridge University Press, 2006) sous le titre « Labor Systems » est certainement la synthèse la plus éclairante que l’on ait écrite à ce jour sur l’articulation entre les différentes formes de travail libre, forcé et esclave dans l’Amérique ibérique. Il se passionnait pour le site documentaire qu’il avait créé sur la page Web de son département à l’Unicamp : Os Índios na História do Brasil (http://www.ifch.unicamp.br/​ihb/​), devenu un répertoire de sources de toutes sortes pour un champ de recherche où se sont récemment précipités de jeunes et talentueux étudiants.

4John Manuel Monteiro avait été professeur invité dans les universités américaines (Harvard University, University of Michigan) mais aussi en France dont il parlait parfaitement la langue. L’EHESS (CERMA) l’avait reçu en 1999. S’il avait publié de nombreux articles ou chapitres de livres en anglais, ce n’était pas le cas en français. On ne trouvait de lui, à ce jour, qu’une contribution dans notre langue : « Armes et Pièges : histoire et résistance des indiens », L’Autre Rive de l’Occident, sous la direction d’Adauto Novaes (Paris : Métailié, 2006). Ce n’était pas faire justice à son immense talent d’historien. Avec l’accord de Maria Helena Machado, son épouse, elle aussi historienne, Brésil(s). Sciences humaines et sociales est heureux de présenter ici l’une des passionnantes contributions de Monteiro à l’étude du « contact » entre Indiens du Brésil et Européens à l’époque moderne. Elle s’inscrit sur le terrain même de la plus élémentaire des confrontations – la langue d’intercommunication – et se déploie dans le double registre de la colonisation des corps et de celle des âmes. Monteiro déchiffre les traces de cette confrontation dans les manuels produits par les jésuites et les capucins pour former leurs missionnaires. Derrière la description des multiples manifestations de cet insatiable désir de comprendre (pour mieux convertir) des théologiens, grammairiens et truchements, sa minutieuse analyse fait apparaître les terribles contradictions d’une « conquête » qui jamais ne s’achève.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean Hébrard, « Hommage à John Manuel Monteiro (1956-2013) »Brésil(s), 4 | 2013, 193-194.

Référence électronique

Jean Hébrard, « Hommage à John Manuel Monteiro (1956-2013) »Brésil(s) [En ligne], 4 | 2013, mis en ligne le 06 avril 2014, consulté le 09 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bresils/332 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/bresils.332

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Auteur

Jean Hébrard

CRBC-EHESS

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