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La capoeira : communauté affective et nouveaux territoires du marché

Capoeira: comunidade afetiva e novos territórios do mercado
Capoeira: affective community and new yerritories of capital
Laurence Robitaille
p. 151-168

Résumés

Cet article démontre que la structure transnationale de la capoeira, définie dans une dynamique de marchés, génère une nouvelle forme de « communauté affective ». Je fais appel au concept d’affect pour étudier comment le mouvement et le rythme partagés d’un entrainement de capoeira emportent les individus dans des dimensions inexplorées de leur corporéité. Cette expérience peut être vécue comme transcendante à la relation économique. Je suggère cependant qu’elle est plutôt ce qui permet à la capoeira de conquérir son marché. Les forces du capital s’introduisent dans la subjectivité et les espaces intimes et transforment les affects en valeur d’échange, un processus amplifié par le contexte d’économie de la différence culturelle où l’imaginaire du Brésil en encadre l’interprétation.

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Notes de la rédaction

Article reçu pour publication en octobre 2012 ; approuvé en mai 2013.

Texte intégral

  • 1 La roda [le cercle] est le lieu physique où s’exécute la capoeira. Les « capoeiristes » forment un (...)

1J’ai longtemps écouté avec scepticisme un mestre [maître, professeur] parler de son groupe de capoeira comme d’une grande famille. Cette comparaison me paraissait une manière un peu simpliste de séduire les élèves et de les engager sur le plan émotif pour les amener à renouveler leur abonnement. Dix ans plus tard, je me suis retrouvée autour d’une table à l’époque des fêtes avec des étudiants de ce même groupe devenus de grands amis (un peu comme des frères et sœurs), dans un appartement que plusieurs avaient partagé au cours des années. Le groupe d’origine s’était remodelé. Il était maintenant composé de quatre jeunes familles dont les rejetons suivaient chaque semaine des cours de capoeira pour enfants avant la roda1. La famille n’était plus une métaphore ; et il était désormais clair que la relation entre l’affectivité et le marché ne pouvait être réduite à la simple instrumentalisation des sentiments dans la recherche du profit. Quel trajet a donc été parcouru et qu’en est-il de ces relations ?

  • 2 Le phénomène de « transnationalisation » de la capoeira est l’objet d’un nombre grandissant de rech (...)

2La capoeira, un « jeu martial » d’origine afro-brésilienne développé par les esclaves à l’époque coloniale, est maintenant pratiquée à travers le monde. Depuis le début des années 1980, plusieurs Brésiliens ont quitté leur pays, transportant avec eux un savoir corporel de la capoeira et le commercialisant afin de subvenir à leurs besoins dans une économie de marché. Ils ont ainsi contribué à la transmission d’une pratique issue du champ culturel brésilien à de nombreux Nord-Américains, Européens et Asiatiques. Ces derniers y trouvent, entre autres choses, une communauté caractérisée par une intense sociabilité, comme l’évoque l’anecdote qui ouvre cet article. Comment cette pratique peut-elle transformer les individus, les impliquer corps et âme, influencer les familles qu’ils fonderont ? Comment expliquer, par ailleurs, que la capoeira soit si puissamment commercialisable qu’elle devienne une source de revenus suffisante pour les nombreux Brésiliens qui l’utilisent comme principal vecteur d’immigration ? Une littérature grandissante traitant des économies culturelles montre que, dans des conditions de globalisation néolibérale, la culture devient une ressource importante et indissociable des forces du marché (Hartley 2005, Gibson & Kong 2005, Lash & Lurry 2007, Yúdice 2003), phénomène auquel la capoeira n’échappe pas (étudié partiellement par Aceti 2010, Joseph 2008a)2. Toutefois, la structure transnationale de la capoeira, définie dans une dynamique de marchés, génère également une nouvelle forme de communauté que l’on pourrait appeler « communauté affective ».

3Bien que la présente réflexion s’inscrive dans le contexte théorique global de la culture comme ressource, il me paraît nécessaire de recourir à une approche complètement différente pour comprendre les affects générés par l’expérience corporelle – individuelle et collective – partagée dans la communauté de la capoeira. C’est cet aspect de la capoeira, qu’un abord économique ne permet pas de saisir adéquatement, qui sera étudié ici.

  • 3 Au cours des dernières années, plusieurs recherches dans le domaine de la théorie critique et cultu (...)
  • 4 « Force affect-ive » est la traduction de la locution anglaise « affective agency » que j’ai invent (...)

4Il faut entendre par « affect » une propriété perceptuelle préconsciente du corps, toujours immédiatement liée aux perceptions conscientes à travers lesquelles elle se matérialise. J’emploie ici ce terme dans le sens que lui donne le philosophe Brian Massumi (2002) lorsqu’il le définit comme le moment où le corps perçoit sa participation dans le monde, comme le seuil entre le virtuel (un monde de potentialité) et le réel (ce qui deviendra réel en conséquence de l’action/réaction à l’affect). Ce cadre théorique3, jusqu’ici peu utilisé dans l’étude de la capoeira, permet de dégager l’existence d’une « force affect-ive »4 propre à la pratique elle-même, qui excède sa commercialisation tout en y contribuant.

5Ces expériences sensorielles, affectives (au sens large), émotives et relationnelles, peuvent être vécues par les participants comme transcendantes à la relation économique. Ce sentiment d’appartenance, né d’une sensation euphorique de libération corporelle, est également, me semble-t-il, ce qui permet à la capoeira de conquérir son marché. Les forces du capital s’introduisent dans la subjectivité et les espaces intimes eux-mêmes et elles transforment les affects en valeur d’échange, un processus amplifié par le contexte d’économie de la différence culturelle où l’imaginaire du Brésil en encadre l’interprétation.

  • 5 Je tire également profit de recherches informelles et de mon propre « savoir incarné » recueilli au (...)

6Cette recherche s’inscrit dans un contexte nord-américain pour deux raisons. En premier lieu, parce qu’elle adopte le point de vue des « études culturelles » (cultural studies) ancrées particulièrement dans le monde académique anglophone nord-américain. La capoeira est étudiée ici comme manifestation de la culture brésilienne (par opposition à une pratique sportive, par exemple) et appréhendée à partir de l’étude du mouvement du corps. Cet article part du corps pour aller vers le social, observe le corps comme producteur du social, comme le prisme qui permet de révéler la valeur humaine, culturelle et économique de la capoeira. En second lieu, mes données proviennent de deux ans de recherche ethnographique formelle à New York et Montréal, incluant entrevues qualitatives et observation participante approfondie de deux groupes spécifiques de capoeira contemporânea5 [contemporaine] ainsi que de la communauté « capoeiriste » élargie qui existe dans ces deux villes.

  • 6 La sociologue Monica Aceti définit la contemporânea comme un « style de capoeira actuel, dans la li (...)

7Je m’attacherai ici surtout à la capoeira contemporânea, même si la catégorie est contestée6. L’approche que je propose peut certes s’étendre à tous les types de capoeira (avec les nuances qui s’imposent), mais une certaine tendance à considérer la contemporânea comme n’étant que le produit des dynamiques du marché pourra être ainsi nuancée. Dans cette optique réductrice, elle est en effet considérée comme le lieu de toutes les « dilutions » imputées à la marchandisation, et l’on oublie souvent de juger sa valeur. Cet article cherche à comprendre plus précisément pourquoi elle est si fortement reliée au marché, et s’y emploie en allant profondément en amont et en aval de la dimension marchande. Ainsi veut-il contribuer à valider l’expérience corporelle, affective et intime que procure la capoeira contemporânea au-delà de la consommation.

  • 7 Cette question est traitée dans un article à paraître : Robitaille. « Roda de capoeira : Performanc (...)

8Une dernière précision s’impose. J’envisage la capoeira contemporânea à partir d’un point de vue très précis : celui de l’élève qui, dans un contexte transnational, aborde l’activité sans nécessairement avoir de connaissances préalables. C’est l’expérience de la capoeira au sens large, pour tous ceux qui prennent des cours, qui est visée. Dans cet esprit, j’exclus l’espace précis et distinct de la roda, dans lequel plusieurs couches d’histoire et de mémoire sont mises en mouvement et seront mieux étudiées à travers les théories de la performance7. Lors de la roda, la spontanéité des jeux improvisés et le contexte précis de ces derniers (musique, participation de plusieurs « capoeiristes » en relation hiérarchique, conventions d’entrée et de sortie, etc.) requièrent la mise en œuvre d’un savoir corporel précis. Les cours, au contraire, peuvent être suivis sans avoir cette connaissance pointue de la pratique et sans comprendre totalement le système complexe de savoir corporel qui se manifeste au moment de la roda. Dans les entrainements, les élèves bougent et apprennent peu à peu la taxonomie des mouvements et de leur utilisation « correcte » en vue de la roda ; même s’ils ne réussissent pas encore à les maîtriser complètement, ils ont pourtant accès à une expérience corporelle.

Nouvelles expériences corporelles, émotions et intimités la « force affect-ive de la capoeira

9La capoeira est porteuse d’une « force affect-ive » qui pousse les élèves à sentir leur corps de façon nouvelle. Cette expérience corporelle doit être prise en compte pour comprendre le phénomène de transformation des élèves, « affect-és » par ces nouvelles sensations.

10Un individu qui, commençant la capoeira, prend conscience de sa propre existence corporelle, est amené à se libérer progressivement des contraintes qui restreignaient l’usage de son corps qu’il fait bouger de façon nouvelle. Ce processus éveille son attention au « corps sensoriel » comme moyen de saisir la réalité à partir d’une expérience phénoménologique. De plus, la pratique de la capoeira, physiquement très exigeante, requiert un corps bien entraîné. Celui de l’élève sera nécessairement refaçonné à mesure que ses aptitudes physiques se transformeront dans l’apprentissage, même (et peut-être surtout) au début. Ce contraste entre le corps du débutant et les aptitudes physiques nécessaires pour suivre un cours sans perdre le rythme, est peut-être le principal déclencheur de cette prise de conscience « corporelle » (embodied). Comme le dit une élève qui pratique la capoeira depuis trois ans :

  • 8 Geneviève, entretien, 1er avril 2010. Toutes les traductions d’entretiens sont de l’auteure. Des ps (...)

[La capoeira a été] importante pour moi, personnellement, parce qu’elle m’aide à faire de l’exercice sur une base régulière. Je pense que plus tu t’entraînes [à la capoeira], plus tu veux faire de l’entraînement complémentaire, pour être sûr de rester en forme et fort pour la capoeira. Et même quand je n’y arrive pas toujours, je peux au moins rester en forme juste par la capoeira. Et c’est important pour que je puisse me sentir bien par rapport à mon corps, pour que je puisse me sentir bien dans mon corps. Sentir que je reçois assez d’endorphines et d’oxygène au cerveau… et puis, tu sais, je pense que c’est bon pour nous de faire circuler le sang dans notre tête quand on fait des équilibres sur les mains et tout ça...8

  • 9 Corporéité est la meilleure traduction que j’ai trouvée pour le terme embodiment. Il y a cependant (...)

11Cette description presque tactile de la sensation corporelle vécue dans la capoeira rend compte de cette attention nouvelle à la corporéité9 et d’un souci particulier pour le maintien d’une relation de soin et d’entretien du corps, négligé dans tant d’aspects de la vie contemporaine.

12La capoeira n’éveille pas seulement des dimensions inexplorées de la corporéité, elle met également les corps en mouvement. C’est pourquoi elle est particulièrement appropriée pour souligner l’importance des affects, dont le concept-même est lié à l’émergence incessante de ce corps-en-mouvement. Massumi, au début de Parables for the Virtual où il développe sa théorie des affects, observe cette dimension avec beaucoup de pertinence : « Quand je pense à mon corps et me demande ce qu’il fait pour mériter ce nom, deux éléments ressortent. Il bouge. Il sent. En fait, il fait les deux en même temps. Il bouge en sentant, et il se sent bouger » (Massumi 2002, 1). Cette considération fait écho à l’évocation imagée de Barbara Browning, spécialiste des études de la performance, qui évoque ses souvenirs du groupe de capoeira : « Mes amis et moi avions l’habitude d’arpenter le parc, musclés et léonins, sentant le mécanisme de nos corps qui marchent, la présence matérielle du soleil sur nos épaules » (Browning 1995, 87). Les « capoeiristes » apprennent à habiter leurs corps, à le maîtriser, à le saturer de sensations, et cet éveil provoque une euphorie spécifique.

  • 10 La prévalence du motif de la sueur est indéniable. Que ce soient les élèves qui dégoulinent les uns (...)

13Qui plus est, c’est la présence du corps individuel parmi les autres corps qui fait émerger affects, émotions et sentiment d’intimité (dans cet ordre). La capoeira est une expérience de groupe : ce n’est que lorsque le corps sensoriel est en relation avec tous les autres corps présents que surgissent les affects. Les participants occupent un espace restreint où ils bougent étroitement à l’unisson. Le mouvement et le rythme partagés dans l’entraînement attirent ainsi les individus dans des dimensions inexplorées de leur corporéité. En plus de l’expérience individuelle se dégage une énergie collective que l’historien William H. McNeill nomme « union musculaire » (muscular bonding) et définit ainsi : « Sentiment euphorique que le mouvement musculaire rythmique et prolongé éveille chez presque tous les participants à de tels exercices » (McNeill 1995, 2-3). Cette euphorie partagée va même, dit-il, jusqu’à « consolider la solidarité du groupe en modifiant les sentiments humains » (idem, viii). Le mouvement coordonné et répétitif d’un cours au son du berimbau unit les corps par la sueur et produit une cohésion particulière. Car la sueur, motif récurrent dans la capoeira10, est habituellement absente de l’espace public, et elle crée donc une intimité spécifique. Elle renforce un sentiment de proximité que McNeill décrit plus abstraitement comme « un sentiment étrange d’élargissement personnel ; une sorte d’accroissement vers l’extérieur » (ibid., 2). Ce sentiment dissout les frontières entre soi et autrui, et cette « résonance » corporelle profonde consolide la communauté « affect-ive ».

  • 11 Mestre Bimba (1900-1974) est un acteur crucial dans l’histoire de la capoeira moderne. Il a contrib (...)
  • 12 Communication personnelle, 2005. Corroborée par Decânio Filho (2002, 5).
  • 13 Comme je l’ai déjà précisé, la description et l’analyse de ce qui est impliqué dans la roda ne peut (...)

14La création de fortes sensations, d’émotions et de liens de solidarité comme ceux décrits par McNeill rappelle certains phénomènes étudiés par la sociologie de la religion. Émile Durkheim attire ainsi l’attention sur ce qu’il appelle une « intoxication corporelle » dans les assemblées rituelles, décrivant « les processus par lesquels les gens sont excités, emballés, enivrés, stimulés et étourdis d’une façon telle qu’ils sont poussés à transcender les limites égoïstes de leurs corps » (Shilling & Mellor 2011, 19). Il suggère qu’un phénomène d’» effervescence collective » s’ensuit et constitue l’un des mécanismes de base de création de liens sociaux, amenant les individus à reproduire instinctivement les fondements affectifs, la conscience qui les constituent en tant que collectivité. Durkheim souligne cependant que cette « effervescence collective » se manifeste quand les personnes s’identifient collectivement à quelque chose qu’elles tiennent pour sacré, aspect qui marque une différence avec le phénomène d’» union musculaire » observé dans la capoeira. Bien sûr, on ne peut ignorer qu’il existe certains moments où la capoeira peut être assimilée à une pratique religieuse, plus particulièrement à une expérience proche de la transe. Par exemple, feu Mestre Decânio, un fidèle disciple du reconnu Mestre Bimba11 et médecin spécialiste en neurologie, considérait que le rythme Ijexá, produit par le tambour pour accompagner les jeux de capoeira, engendre dans le cerveau les vibrations nécessaires à l’entrée en transe12. Ce rythme qui marque le battement de cœur de la roda est le même que celui des cérémonies de candomblé qui, dit-on, permet d’appeler les dieux à s’introduire dans le corps des fidèles. Cette dimension de transe, toutefois, reste spécifique de l’espace de la roda où se constitue une synergie particulière13. Les expériences observées ici dans le cadre plus large des cours et des sessions d’entraînement, ne devraient pas, me semble-t-il, être assimilées à une transe, terme qui fait référence à une expérience très particulière de transformation du corps et de l’esprit. Ici, les simples sensations de libération somatique et de bien-être qui découlent de mouvements corporels sont suffisantes pour donner lieu à une « effervescence collective » dans un contexte qui reste profane. Analyser le sentiment euphorique partagé dans la pratique de la capoeira à la lumière de la théorie des affects permet non seulement d’expliquer le phénomène décrit d’un point de vue physiologique, mais justifie qu’on postule sa présence dans le contexte non-religieux de la communauté « capoeiristique ».

15Corporéité, affects, sueur et proximité se combinent pour faire naître des liens d’intimité qui s’expriment et se manifestent en émotions intenses. Dans Politics of Touch, Erin Manning élabore cependant une distinction importante entre affect et émotion :

Un affect n’est pas une émotion […]. L’émotion est l’affect plus une conscience de cet affect. L’affect est la condition « d’être avec » le mouvement du monde. L’affect est ce qui me saisit en premier au moment de la relation, firstness dans le vocabulaire de Charles Pierce. L’affect est le pouvoir ontogénétique d’existence. L’émotion est la grille qui soutient l’affect. (Manning 2007, xxi)

16L’esprit utilise des catégories connues comme les émotions pour donner un sens aux sensations « affect-ives » préconscientes, mais en réalité il s’agit d’un circuit constant allant du corps à l’affect, à l’émotion, au corps, à l’affect : le corps est « affect-é », puis le sujet donne un sens à cette sensation via une reconnaissance émotive, qui « affect-e » et transforme à son tour le corps, ce phénomène influençant la capacité de l’individu à agir dans le monde et le mobilisant profondément au niveau émotif. Les émotions servent donc de catégories pour exprimer l’énergie intangible des affects et le sentiment évanescent d’être-ensemble qui en découle. La définition que Sara Ahmed (2004) donne des émotions comme « impressions » qui n’existent jamais isolément est également utile pour souligner l’importance du groupe dans leur création. Les corps qui s’entraînent dans un même espace s’impressionnent les uns les autres et, ceci, plus encore dans le jeu de capoeira qui est un véritable dialogue incarné.

17Ce moment où l’individu se sent en quelque sorte happé sur le plan des affects tend à être vécu comme indépendant de la logique marchande, à la faveur de sa nature préconsciente qui le rend d’autant plus fugace et évanescent.

18La réaction émotionnelle intense qui l’accompagne contribue en effet à l’impression de vivre une expérience authentique et viscérale, hors de toute manipulation extérieure et indépendamment de toute construction sociale, dans la mesure où l’individu la ressent comme provenant de sa propre subjectivité et de son propre corps individué. La capoeira, pratique kinesthésique forte, transporte les individus dans des états corporels et « affect-ifs » par lesquels ils s’ouvrent et se prolongent afin de rentrer en contact les uns avec les autres et de s’» affect-er » mutuellement : elle possède indéniablement une force « affect-ive » intrinsèque qu’il importe de reconnaître.

19Un autre facteur qui porterait à considérer que la communauté affective est issue de la seule subjectivité individuelle et à la vivre comme un absolu hors du cadre de l’échange marchand vient du fait que cette affectivité entre élèves contient en elle-même sa propre fin. Elle ne répond à aucun code social symbolique préalable dont la fonction serait précisément de conserver la cohésion sociale ; elle constitue elle-même le liant. Un contre-exemple permettra de nous le faire comprendre. Le sociologue David Le Breton, dans sa discussion des manifestations sociales d’affectivité dans le contexte du deuil, explique que les émotions manifestées publiquement à cette occasion sont des « modes d’affiliation à une communauté sociale, une manière de se reconnaître et de pouvoir communiquer ensemble sur le fond d’un ressenti proche » (Le Breton 1998, 104). En ce sens, elles lient la communauté par ce qu’il appelle une « culture affective » découlant des conventions sociales qui dirigent la mise en scène des émotions et se substituent au vécu primordial. À la différence de ces manifestations précises où l’affectivité est une réponse régie par des codes sociaux entourant un évènement précis, l’» affect-ivité » qui lie les élèves de capoeira est issue du simple fait de se réunir pour bouger ensemble. En effet, la capoeira transnationale crée un lien fort entre des gens venant d’horizons complètement différents, en particulier dans les villes multiculturelles d’immigration qui constituent mon terrain de recherche. Les pratiquants ne sont liés a priori par rien d’autre que leur décision de pratiquer cette activité. C’est lorsqu’ils sont réunis dans ces cours qu’une affectivité partagée se crée à partir de rien. Elle n’est une réponse ni à des circonstances particulières affectant la communauté ni à des codes de conduite remplissant des fonctions symboliques. Un des signes de cette différence est que cette affectivité est non seulement manifestée par les corps, mais qu’elle est aussi générée par ceux-ci. La communauté est soudée à partir de la simple expérience sensible singulière, mais aussi du fait de l’interprétation particulière qu’elle en donne.

20Ce serait en effet une erreur de s’arrêter à cette impression et de ne pas reconnaître la nature sociale des affects et des émotions qu’ils suscitent. Même s’ils ne répondent pas à des codes sociaux et s’ils surgissent du seul mouvement, les affects sont traversés de socialité dans leur interprétation. L’intérêt du concept d’affect est justement d’enjamber deux oppositions fondamentales : « l’esprit et le corps, […] les actions et les passions » (Hardt 2007, x-xi). Tenir compte de cette complexité permet d’éviter l’essentialisation du « corps sensoriel » et de reconnaître la diversité des éléments qui donnent une texture à l’expérience de la capoeira. Il ne faudrait pas en effet restreindre cette dernière à une simple sensation corporelle, ce qui reproduirait la dichotomie cartésienne corps/esprit dont les écueils sont bien reconnus (Csordas 1994, Leder 1990, Shilling 2007). Les affects, bien qu’ils renvoient à des sensations préconscientes, sont ressentis et vécus par des personnes conscientes dont la subjectivité est nécessairement influencée par les constructions, normes et rapports sociaux. Ils sont vécus par des individus en relation les uns aux autres, dans des champs de significations tissés dans des relations sociales plus larges et influencés par ce qu’Ahmed (2004) appelle «l’histoire culturelle » du contact entre les deux entités qui s’affectent mutuellement.

  • 14 Ceci s’applique particulièrement à la capoeira contemporânea, en contraste avec la capoeira angola, (...)
  • 15 Ceci est discuté dans ma thèse (dont la soutenance est prévue en décembre 2013) : « Capoeira as a R (...)

21Il me semble possible d’avancer, dans le cas de la capoeira contemporânea, qu’un « imaginaire du Brésil » conduit les élèves à interpréter leur expérience à travers des champs sémantiques tournant autour d’une version fétichisée, exoticisée et stéréotypée de la culture brésilienne telle qu’elle est imaginée par les Nord-Américains14 ainsi que par les Brésiliens qui en sont eux-mêmes à l’origine. Pour résumer sommairement ce phénomène qu’il n’est pas possible de développer ici, disons qu’il est tributaire du mythe si influent de la démocratie raciale qui, lui-même, supporte la croyance en une « démocratie érotique » (Goldstein 2003), conceptions concordant avec l’auto-interprétation des Brésiliens comme « peuple séducteur » (Parker 2009 [1991]). Cette image de marque a ensuite été exportée, notamment par la promotion touristique de la mulata et du carnaval de Rio (Alfonso 2006) puis fétichisée et exoticisée par le regard occidental15. Ce phénomène est crucial pour comprendre la force de la « communauté affective » et l’importance de l’élément corporel. Les affects qui circulent parmi les participants sont associés aux tropes de cet imaginaire du Brésil, et cette liaison renforce les sensations de libération sensorielle, corporelle, voire sensuelle qui émergent d’abord de l’entraînement, en leur donnant un cadre d’interprétation fort. L’imaginaire du Brésil en Amérique du Nord consolide en effet l’union affective des élèves dans la mesure où le contenu de ses tropes coïncide avec le médium corporel par lequel les affects sont ressentis. Il est bien sûr possible de faire l’hypothèse que des rapports de cohésion sociale similaires sont générés par l’» union musculaire » et l’» effervescence collective » liant les participants de groupes de capoeira au Brésil, lesquels sont les foyers d’une dense socialité (voir Vassallo 2001). Toutefois, la force de l’imaginaire du Brésil dans l’interprétation (et l’exploitation économique, comme nous le verrons dans la section suivante) de ces affects rend leur rôle d’autant plus significatif dans la communauté transnationale que cet imaginaire leur donne de nouvelles significations, confèrant de ce fait de nouvelles valeurs à la capoeira elle-même. Sans avoir fait de recherches de terrain approfondies au Brésil, il me semble possible d’avancer que ces valeurs sont nécessairement distinctes de celles qui y circulent car l’histoire contextuelle de la pratique lui donne des connotations différentes.

22Pour comprendre la circulation transnationale de la capoeira, il est certes nécessaire de lier les affects à cet imaginaire mais il est tout aussi important de souligner leur relation ambigüe avec les forces du capital. L’importance affective de la capoeira ayant été mise en lumière et analysée, il est maintenant possible de voir comment les forces du marché s’introduisent jusque dans ces territoires de l’intimité ressentis comme transcendants et indépendants de toute relation économique objective par les sujets interviewés.

Nouveaux territoires du marché

23Les affects sont en réalité au cœur-même de la valeur économique de la capoeira, laquelle rend possible son utilisation comme ressource. Dans cette optique, ce ne serait pas tant la capoeira que les individus seraient si enthousiastes à consommer, mais la façon dont celle-ci les amène à se sentir. La capoeira participe ainsi d’une économie de l’affectivité. Les élèves paient pour être « affect-és » ; ou, plus précisément peut-être, une fois qu’ils sont « affect-és », ils sont prêts à payer. Michael Hardt a montré le rôle de plus en plus important de la « main d’œuvre affective » (affective labour) sur le marché contemporain des emplois. Il entend par là « les services de santé qui dépendent de façon centrale du travail social et affectif » ou « l’industrie du divertissement et les diverses industries culturelles qui pour leur part sont centrées sur la création et manipulations d’affects » (Hardt 1999, 96).

24Considérons ce commentaire d’élève :

  • 16 Gabriela, entretien, 19 mai 2010.

Je pense que rien ne peut payer l’énergie qu’il y a là-bas, les amitiés… cette énergie qui fait que les personnes se donnent à fond […]. Les gens qui s’entraînent depuis longtemps […] ne paient pas seulement [pour] la capoeira. Tu paies pour le plaisir que tu sens d’être là à l’intérieur. Pas seulement pour pratiquer la capoeira, mais c’est la compagnie des personnes, c’est ce moment précis. Tu paies pour le moment – qui est très agréable16.

  • 17 Juliana, entretien, 16 juin 2010.
  • 18 Jean-Pierre, entretien, 14 mai 2010.

25Ainsi, la recherche d’une sensation de bien-être et de participation à une communauté affective influence de manière importante la décision de payer. La personne interviewée affirme d’abord que cette énergie envoûtante n’a pas de prix, que le cadre de la capoeira transcende la relation monétaire. Paradoxalement, elle laisse ensuite entendre que c’est aussi la raison pour laquelle les gens paient et que même les montants les plus élevés vaudraient la peine d’être déboursés. La nature non quantifiable des affects et des émotions semble ainsi masquer la relation d’échange mercantile. Si le rapport marchand était trop transparent, la relation décrite, dont la racine « affect-ive » préconsciente est la clé, ne pourrait fonctionner. On voit ici qu’une fois les individus impliqués dans l’échange des affects décrits plus haut, ils constituent un marché potentiellement captif. Les entretiens montrent que cette même ambigüité permet aux élèves de minimiser l’importance de la relation marchande pour se concentrer sur ce sentiment sans prix qui justifie leur consommation mais n’en est pas l’équivalent. Par exemple, à la question : « Est-ce que tu trouves ça cher de pratiquer la capoeira ? », la plupart ont répondu par la négative. C’est d’autant plus surprenant que nombre d’élèves se plaignent en coulisse des prix demandés ou se sentent injustement perçus comme de riches gringos par les mestres brésiliens. Cette contradiction est cependant effacée par les justifications affectives qui nuancent immanquablement les réponses des élèves : « Non, je ne pense pas [que c’est cher] ; enfin, si je compare ça à tous les bénéfices que ça m’apporte, je ne pense pas que ça le soit »17. Même ceux qui trouvent que c’est cher ont tendance à ajouter une concession : « Ouais, tu vois, dans les pays occidentaux je trouve que c’est vraiment un sport de riche quoi. […] Mais disons que je le vois et puis j’essaie de ne pas trop y penser. […] Je vois tout l’autre aspect, en fait, que ça m’apporte »18. Ces réponses révèlent l’enchevêtrement complexe entre les affects et la marchandisation de la capoeira.

26Si, pour les élèves, la consommation de la capoeira implique beaucoup plus de niveaux que la simple transaction économique, il en va de même pour la relation des mestres à la mise en marché de leur savoir. Les affects étant des sensations qui naissent dans une dynamique relationnelle, l’échange « affect-if » n’est jamais unidirectionnel. Cet article insiste sur les diverses façons dont les affects contribuent à l’utilisation de la capoeira comme ressource par les mestres. Toutefois, ces derniers ne doivent pas être réduits à de simples sujets calculateurs. Ils participent eux aussi à la communauté affective, bien qu’ils y prennent part sous un angle différent. En fait, ils se situent dans une extension de la structure organisationnelle typique de la capoeira au Brésil, avant même sa trans-nationalisation. L’anthropologue Simone Pondé Vassallo (2001) montre bien, dans sa thèse, que les élèves et les mestres ont toujours été liés par des relations de don et de contre-don qui ne s’inscrivent pas dans une logique marchande mais impliquent plutôt respect, fidélité et obligations mutuelles. Le groupe de capoeira y est aussi présenté comme une famille qui se doit d’être unie pour se définir dans un dense réseau de cellules articulées autour du motif du conflit. Les affects ont ainsi toujours été impliqués dans la cohésion des groupes de capoeira, qu’il y ait recherche de profit ou pas. Quand la structure de cette organisation se transporte à l’étranger, cependant, ces relations affectives peuvent parfois être réinterprétées comme de l’autorité mal placée par le mestre pour fidéliser les étudiants en tant que clients. Pourtant, on ne saurait rendre compte ainsi de l’attitude du mestre dans sa totalité.

27Qui plus est, le groupe de capoeira est un milieu social important, souvent le premier pour les mestres qui, en tant que nouveaux immigrants, ont laissé amis et parents au Brésil. Ils y recréent une ambiance familière, un milieu où les valeurs culturelles brésiliennes mises en avant et les liens personnels qui s’y tissent contribuent à atténuer un possible sentiment de nostalgie. Plusieurs mestres considèrent même leur groupe comme leur deuxième famille, certains notant qu’ils lui consacrent parfois plus de temps qu’à leurs proches. Cet « esprit de famille » se transmet aux élèves qui tendent, eux aussi, à faire preuve d’une solidarité et d’une hospitalité particulières, s’invitant les uns les autres à partager des repas, ouvrant même les portes de leur maison à des « capoeiristes » pratiquement inconnus lors des évènements spéciaux où des gens viennent du monde entier. J’ai aussi rencontré au cours de mon travail de terrain plusieurs exemples de relations stables entre un mestre et une élève nord-américaine, ce qui permet de croire que des relations émotives sincères peuvent découler des échanges « affect-ifs » qui sont à la base de la communauté.

28Ceci ne doit cependant pas occulter les relations économiques et l’inscription de la capoeira dans un marché de biens culturels, ainsi que la possibilité pour les mestres de tirer profits de ces liens affectifs.

29L’ambigüité de l’interface entre les valeurs affectives et marchandes de la capoeira peut en effet être exploitée par les mestres qui trouvent diverses manières de créer, voire de manipuler les affects et les relations affectives, conscients que le phénomène que nous décrivons joue en leur faveur et facilite l’utilisation de la capoeira comme ressource et gagne-pain. Plusieurs s’empressent de renforcer le sentiment d’appartenance au groupe en rappelant ses résonnances historiques, n’hésitant pas à établir un lien entre la cohésion sociale actuelle de la communauté et le fait que les esclaves, qui ont créé la capoeira, n’ont survécu qu’en s’entraidant et en se serrant les coudes. L’association de l’expérience affective du groupe à une solidarité mythique des esclaves leur permet de donner une signification plus noble aux émotions ressenties par les élèves, en les inscrivant dans une histoire susceptible de leur conférer une valeur universelle et de renforcer la transcendance perçue.

  • 19 La différence culturelle a suscité des tropes de désir pour « l’Autre exotique », depuis l’époque c (...)

30L’exploitation des affects à des fins marchandes s’inscrit également dans une économie d’émotions spécifique d’un contexte interculturel – voire néocolonial19 – qui éclaire la dualité (affective et économique) soutenant la capoeira transnationale. En effet, cette pratique est également le produit d’un Zeitgeist : elle est le reflet d’une époque où les flux transnationaux de personnes, d’images et de biens ont créé une demande pour les produits culturels venant d’ailleurs, la différence se voyant conférée une valeur propre. En ce sens, la capoeira, en tant que ressource, ne puise pas seulement sa force dans les affects des corps-en-mouvement, mais également dans les affects attachés à la différence culturelle en général. Cette dernière, au fondement de la communauté transnationale, assure en effet aux Brésiliens, particulièrement aux mestres, une position de pouvoir symbolique dans la hiérarchie spécifique du groupe. Leur supériorité est manifestée, entre autres, par un corps modelé par la capoeira, objet d’admiration, d’émulation physique ou d’identification et suscitant le désir d’incarner le même mélange de charisme et d’endurance. Or, une association relativement facile entre désir et affects, renforcée par l’imaginaire du Brésil, permet aux élèves de canaliser et de verbaliser consciemment leurs sensations corporelles nouvelles. Les affects donnent donc une force préconsciente et subjective au désir qui s’inscrit ensuite dans les tropes interculturels. Ceux qui sont liés à la différence culturelle sont toutefois renforcés par leur association avec ceux nés des corps-en-mouvement, du fait de la forte expérience corporelle qui caractérise la capoeira.

31La possibilité, propre à l’époque actuelle, de transformer des expériences interculturelles globalisées en capital économique encourage certainement les mestres à mobiliser activement les tropes de désir qui donnent une texture à leur pratique et qui affectent les étudiants. En contrepoids, les élèves détiennent un pouvoir économique (relatif, bien sûr) qu’ils peuvent déployer à travers une consommation alimentée par leurs propres désirs. Ils deviennent les moteurs nécessaires de cette double économie (monétaire et affective).

32L’insertion manifeste de la logique marchande dans ces expériences interculturelles globalisées permet également aux mestres de développer l’effet de ces tropes au-delà de l’entraînement. Ils peuvent ainsi réunir la communauté affective en dehors de l’école, élargir la vie sociale, exploiter le sens de la fête en les inscrivant dans une économie basée sur la culture brésilienne. Un de mes informateurs organise régulièrement des soirées de danse et de musique brésilienne qui complètent le revenu provenant de la capoeira par une participation à l’industrie de l’art du spectacle. Cette entreprise consolide son marché mais renforce aussi les liens entre les membres de son groupe, en leur donnant d’autres occasions de s’épanouir. Dans ces rencontres sociales, les affects surgis lors des entraînements se concrétisent éventuellement sous de nouvelles formes ; les liens affectifs peuvent se transformer en réels rapports de séduction, voire en rencontres sexuelles, à la faveur des connotations hédonistes attachées à l’environnement brésilien dans lequel ils voient le jour. Ces nouveaux rapports soudent encore davantage la communauté et alimentent le sentiment d’appartenance qui, entre autres facteurs, retient les élèves.

33L’association entre ces expériences corporelles sensibles et un contact avec la culture brésilienne au sens large peut donner aux élèves l’impression d’approcher une culture étrangère de façon extrêmement intime et subjective. Cette expérience de l’Autre contraste avec le caractère fixe, réifié et médiat des tropes de représentations qui sont souvent les vecteurs principaux des cultures étrangères. Les affects confèrent une résonance aux formes de représentations utilisées de façon performative dans l’économie culturelle, ce qui permet de penser que les processus qui soutiennent cette dernière opèrent à un niveau préconscient. Il serait donc erroné de les assimiler à de simples actes de consommation cyniques et impersonnels visant l’« appropriation » des cultures « autres » sous forme de marchandises homogénéisées, réifiées et exoticisées, tel qu’a déjà été décrit le phénomène de consommation interculturelle (Gilroy 2000, hooks 1992, Savigliano 1995). Les élèves qui consomment la capoeira ne se contentent pas de « manger l’autre », pour reprendre l’expression de bell hooks (1992) ; on pourrait plutôt dire qu’ils se consomment eux-mêmes en train d’être absorbés par l’autre. Une série de sensations préconscientes renforce ainsi les fondements de l’économie culturelle entourant la capoeira, dans la mesure où elles alimentent des sentiments de bien-être qui sont aussi les produits de cette économie (affective).

Conclusion

34Il s’agissait ici d’étudier l’existence et le fonctionnement d’une « force affect-ive » de la capoeira dont la pratique fait vivre des expériences perçues comme absolues, profondément intimes et indépendantes des relations économiques. Or, c’est précisément cette « force affect-ive » qui confère à la capoeira sa valeur de ressource. Ce rapprochement entre les deux processus conduit à nuancer la position de plusieurs auteurs qui insistent sur l’autonomie des affects (Massumi 2002, chap. 1). Bien que ces derniers surgissent à travers des mécanismes dont la logique est propre au corps et à ses mouvements, ils peuvent tout de même être repris et réinsérés dans des circuits marchands dont ils ne sont plus complètement indépendants mais qu’ils contribuent à renforcer. Dans l’analyse présentée ici, étudier les affects permet de localiser précisément la création de valeur dans le processus qui transforme des états-d’être préconscients en capital économique. Cette interaction entre affects et marché ne devrait pas, toutefois, minimiser la capacité des premiers et celle de la capoeira à animer un potentiel de changement qui prend forme, concrètement, dans une communauté forte d’amitiés et de solidarités s’étendant au-delà même des frontières géographiques, aspect qui n’a pu être abordé ici. La communauté affective est un espace inclusif auquel tous peuvent se joindre et participer pour autant qu’ils acceptent de mettre leur corps en mouvement.

  • 20 Pour une discussion exhaustive de ce processus d’apprentissage de la capoeira impliquant une transf (...)

35Mon intention n’est pas du tout, cependant, de réduire la capoeira à la seule communauté affective qu’elle génère. Elle n’est pas, non plus, de laisser croire que cette pratique serait complètement inféodée à la logique d’accumulation du capital, ne gardant rien de son potentiel de résistance originel ou de la mémoire collective des groupes marginalisés qui l’ont initialement développée. Pour identifier ce potentiel, il faudra toutefois s’attacher à une autre de ses manifestations : la roda. Ce point de vue permettra de considérer non seulement l’expérience sensorielle et affective des entraînements et des mouvements du corps qu’ils cultivent, mais aussi la performance et l’incorporation de ces enseignements dans les situations précises de jeu avec leur part d’improvisation, d’imprévu, d’inattendu. Artificiellement écartée de la démonstration précédente dans le but de se concentrer sur l’expérience corporelle de la capoeira accessible à tous par le biais de la participation aux cours, la roda est un contrepoids aux relations ici évoquées. Elle constitue un espace unique dans la capoeira globalisée, dans la mesure où elle est un espace exclusif, auquel tous ne peuvent pas accéder. Sur le plan strictement physique, la roda est un espace fermé : il faut savoir se frayer un chemin entre les corps qui en marquent la clôture pour réussir à y accéder. Une fois à l’intérieur, les participants doivent être extrêmement bien entraînés (tant physiquement que mentalement) pour y survivre. En dépit des liens affectifs et intimes qui unissent les élèves, l’inclusion dans la roda dépend d’un corps et d’un savoir « capoeiriste » extrêmement précis et affinés, dont les aptitudes physiques sont jumelées à l’apprentissage d’un état d’esprit spécifique lié entre autres à la malandragem [filouterie] et à la malícia [astuce]20. L’apprentissage de ces attitudes et valeurs subtiles est un processus long, exigeant un engagement qui finit par discriminer les participants. Si l’intensité affective qui circule dans la communauté décrite plus haut démontre la force humaine de la capoeira actuelle et en assure les assises économiques, la roda permet d’affirmer qu’elle est loin d’en être l’unique manifestation et, surtout, que la valeur de son legs et la complexité du savoir qu’elle transmet ne se limitent pas à cet aspect. Cet article se proposait de rendre compte de la capoeira à partir de l’étude du mouvement du corps comme producteur du social pour éclairer le phénomène de l’utilisation de la culture comme ressource. Une étude complète de la capoeira dans l’ensemble de ses manifestations pourrait bien marquer les limites de cette communauté affective, dans un univers qui demeure malgré tout centré sur un art martial dans l’exercice duquel les tensions et les conflits ne sont pas toujours compatibles avec les sentiments d’intimité et d’affectivité.

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Notes

1 La roda [le cercle] est le lieu physique où s’exécute la capoeira. Les « capoeiristes » forment un cercle. Deux d’entre eux y entrent tour à tour pour y développer leur jeu. Dans la roda, les « capoeiristes » mettent en pratique les techniques, mouvements et stratégies de jeu qu’ils ont acquis lors des entrainements en groupe ou individuellement. Dans les écoles de capoeira observées dans le cadre de cette recherche, un jour de la semaine était consacré spécifiquement à la roda, un rendez-vous hebdomadaire auquel la plupart des élèves participaient diligemment.

2 Le phénomène de « transnationalisation » de la capoeira est l’objet d’un nombre grandissant de recherches (Delamont 2006, Delamont & Stephens 2008, Guizardi 2011, Joseph 2008b, Stephens & Delamont 2009, Vassallo 2007) mais l’angle précis des relations entre la capoeira et le marché semble encore peu étudié.

3 Au cours des dernières années, plusieurs recherches dans le domaine de la théorie critique et culturelle ont pris un nouveau tournant, dénommé affective turn par la sociologue Patricia Clough (2007). Le développement des études féministes a généré une attention au corps et au monde sensible qui a favorisé l’intérêt pour le terme d’« affect » (Clough 2007, Thrift 2004). Clough retrace la généalogie du concept dont elle fait remonter les sources « à Gilles Deleuze et Félix Guattari et aussi loin que Baruch Spinoza et Henri Bergson » (2007, 1). Pour les penseurs liés à ce courant, dit-elle, « affect fait généralement référence à [la] capacité corporelle à affecter et être affecté, à l’augmentation ou [à la] diminution de la capacité du corps à agir, à interagir, à se connecter, de telle sorte que l’auto-affection est liée à un sentiment interne d’être vivant – c’est-à-dire à une vivacité ou vitalité. » (Clough 2007, 2). Toutes les traductions de citations sont de l’auteure.

4 « Force affect-ive » est la traduction de la locution anglaise « affective agency » que j’ai inventée pour décrire le phénomène observé dans la capoeira. Agency renvoie à une possibilité d’action, à une marge de manœuvre, et inclut une notion de pouvoir propre, élément crucial moins évident dans le terme « force ». Par ailleurs, j’écris l’adjectif « affect-ive » avec un trait d’union pour faire référence à la définition d’affect établie plus haut. Sa signification n’est pas équivalente à celle du mot « affectif » en français. Dans le cadre de cet article, « affect-if » désigne ce qui a le potentiel de générer les « affects ».

5 Je tire également profit de recherches informelles et de mon propre « savoir incarné » recueilli au cours de dix ans de pratique très active de la capoeira en Amérique du Nord, mais aussi en Amérique du Sud (Brésil, Chili, Colombie, Mexique), en Europe (France, Espagne) et même à Hong Kong.

6 La sociologue Monica Aceti définit la contemporânea comme un « style de capoeira actuel, dans la ligne de la capoeira “régionale”, mais qui intègre des évolutions diverses suivant les groupes. Des structures organisées en réseaux supranationaux ont formé des “méga-groupes” (tels que ABADA, Brazil [sic], Senzala, Cordão de Ouro, Gerais, etc.) qui se démarquent par un style et qui développent leur ligne par des innovations techniques ou rituelles. » (Aceti 2010, glossaire). La contemporânea est aussi chef de file d’une tendance, surtout issue des groupes de regional, qui cherche à se réunir sous la bannière « capoeira é uma só » [il n’y a qu’une seule capoeira] : un « capoeiriste » doit être capable d’adapter son jeu à tous les rythmes dictés par le berimbau [instrument de percussion à une corde]. L’anthropologue J. Lowell Lewis désigne plutôt cette capoeira comme atual [actuelle] et suggère que c’est une capoeira postmoderne (Lewis 1992, 62-67). L’historien Matthias Röhrig Assunção (2005, 204-205) parle simplement de mainstream capoeira [capoeira dominante] pour faire référence au type de capoeira qui a été la locomotive de l’exportation, spécifiant toutefois que c’est une capoeira qui « accommode la diversité » et se présente donc sous plusieurs formes. Peu importe le terme employé, les groupes qui constituent notre terrain de recherche font partie de ce courant qui tente de rallier les différentes traditions de la capoeira ; ils sont tous deux issus des méga-groupes dont parle Aceti mais s’en sont toutefois détachés pour élaborer un travail plus libre et original.

7 Cette question est traitée dans un article à paraître : Robitaille. « Roda de capoeira : Performance d’une philosophie en mouvement et conservation de la mémoire par le corps ».

8 Geneviève, entretien, 1er avril 2010. Toutes les traductions d’entretiens sont de l’auteure. Des pseudonymes ont été utilisés.

9 Corporéité est la meilleure traduction que j’ai trouvée pour le terme embodiment. Il y a cependant dans em-body-ment l’idée d’un mouvement, d’une entrée dans un corps, qui se retrouve moins clairement dans « corporéité ». « Incarnation », de construction similaire à embodiment, désigne selon le Robert, la transformation d’un dieu en humain, ce pourquoi nous rejetons cette traduction. Nous rejetons également « in-corporation », souvent utilisé pour traduire « embodiment », car le mot évoque l’introduction d’une entité externe dans le corps : par exemple, un dieu prenant possession du corps humain. « Corporéité » semble donc être le terme le plus adéquat pour insister sur le caractère intensément corporel des phénomènes que nous décrivons dans cet article, qui peuvent être vécus par une seule personne et sans l’introduction d’un élément divin.

10 La prévalence du motif de la sueur est indéniable. Que ce soient les élèves qui dégoulinent les uns sur les autres, les vitres embuées ou l’air dense des locaux d’entraînement : les conversations informelles sur le sujet, moqueuses ou montrant du dégoût, abondent entre les élèves. Certains apelidos [surnoms] l’évoquent aussi, par exemple Cachoeira [chute d’eau] ou – moins flatteur – Gato morto [chat mort] faisant référence à l’odeur. Cette prévalence est corroborée par l’ethnographie de Sara Delamont dans une démonstration où elle l’associe moins à l’intimité corporelle qu’au caractère brésilien de la capoeira, par contraste avec les normes anglaises plus réfractaires au « partage » de la sueur (Delamont 2006, 171-172).

11 Mestre Bimba (1900-1974) est un acteur crucial dans l’histoire de la capoeira moderne. Il a contribué, durant la première moitié du xxe siècle, à la décriminaliser en l’institutionnalisant, en lui donnant un cadre balisé, en développant une pédagogie d’enseignement systématique et en ouvrant sa pratique à des personnes venant de classes sociales plus aisées, permettant ainsi d’en atténuer les perceptions négatives.

12 Communication personnelle, 2005. Corroborée par Decânio Filho (2002, 5).

13 Comme je l’ai déjà précisé, la description et l’analyse de ce qui est impliqué dans la roda ne peut entrer dans le cadre de cet article.

14 Ceci s’applique particulièrement à la capoeira contemporânea, en contraste avec la capoeira angola, par exemple, dont les revendications identitaires peuvent être davantage axées politiquement sur les conditions afro-brésiliennes ou afro-diasporiques spécifiques.

15 Ceci est discuté dans ma thèse (dont la soutenance est prévue en décembre 2013) : « Capoeira as a Resource: Multiple Uses of Culture Under Conditions of Transnational Neoliberalism. » Thèse de PhD. Toronto : York University.

16 Gabriela, entretien, 19 mai 2010.

17 Juliana, entretien, 16 juin 2010.

18 Jean-Pierre, entretien, 14 mai 2010.

19 La différence culturelle a suscité des tropes de désir pour « l’Autre exotique », depuis l’époque coloniale jusqu’à nos jours dans un certain « regard occidental ». L’historienne de l’art Deborah Root (1998, 27-66) en retrace en détail les racines coloniales, d’autres en étudient les manifestations contemporaines (Savigliano 1995). La globalisation a multiplié les rencontres interculturelles qui les mettent en branle. Leur instrumentalisation à des fins économiques peut être observée, notamment, dans l’économie touristique, particulièrement dans le « tourisme romantique », cas spécifique d’économie d’émotions où la valeur économique de la différence culturelle est dissimulée et bonifiée sous couvert de réelles rencontres humaines (Brennan 2008, Herold et al. 2001, Pruitt & LaFont 1995). Ces lignes dynamiques sont similaires dans l’économie d’émotions de la capoeira.

20 Pour une discussion exhaustive de ce processus d’apprentissage de la capoeira impliquant une transformation à la fois du corps et de l’esprit, voir la monographie fascinante de l’anthropologue Greg Downey (2005).

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Pour citer cet article

Référence papier

Laurence Robitaille, « La capoeira : communauté affective et nouveaux territoires du marché »Brésil(s), 4 | 2013, 151-168.

Référence électronique

Laurence Robitaille, « La capoeira : communauté affective et nouveaux territoires du marché »Brésil(s) [En ligne], 4 | 2013, mis en ligne le 06 avril 2014, consulté le 17 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bresils/300 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/bresils.300

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Auteur

Laurence Robitaille

Laurence Robitaille est étudiante en doctorat dans le Programme de communication et culture d’York University à Toronto (Canada).

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