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Dossier – Droits humains et mouvements sociaux au Brésil : acteurs et (dés)institutionnalisation

Entre « oubli » et « célébration des exploits » : les représentations militaires des droits humains à l’heure de l’ouverture politique

Entre « esquecer » e « cantar as façanhas »: as representações militares sobre os direitos humanos na abertura política
Between « Forgetting » and « Celebrating the Feats »: Military Representations on Human Rights during the Political Opening
Lucas Pedretti
Traduction de Marlène Monteiro

Résumés

L’objectif de cet article est d’analyser les représentations développées au sein des forces armées à partir des années 1970, pour contrer les dénonciations de violations des droits humains qui commençaient à circuler, d’abord à l’étranger, puis dans le pays. Le texte présente une analyse sociohistorique, étayée empiriquement par des documents provenant des services de répression.

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Notes de la rédaction

Article reçu pour publication en avril 2023 ; approuvé en juillet 2023.

Texte intégral

  • 1 O Globo, « Ex-presa reconhece casa em que foi maltrada », 4 février 1981 et Folha de S. Paulo, « A (...)

1En février 1981, près d’un an et demi après l’adoption de la Loi d’amnistie, Inês Etienne Romeu, qui avait été membre d’une organisation de lutte armée, dénonça publiquement l’existence d’un centre de torture clandestin, situé à Petrópolis, dans l’État de Rio Janeiro1. La maison de la mort, comme on la surnommait, avait été dirigée par le Centre d’information de l’armée (Centro de informações do exército – CIE) et avait fonctionné durant les premières années de la décennie 1970. Les répercussions de la dénonciation furent considérables, ce qui contraignit les ministres militaires et les dirigeants civils du régime dictatorial à s’exprimer.

  • 2 O Globo, « Ministro do Exército condena versões do combate à subversão », 11 février 1981.

2Nelson Marchezan déclara alors au journal, O Globo : « Je pense que les gens ont oublié que l’amnistie avait été votée pour apaiser les familles brésiliennes2. » Il était chef du Parti démocrate social (PDS) à la Chambre des députés – le parti de gouvernement, successeur de l’Alliance rénovatrice nationale (ARENA). « Le cas de la jeune fille nous émeut tous. Mais le message d’amnistie, d’apaisement et d’oubli doit prévaloir », concluait-il.

  • 3 O Globo, « Délio acusa fanáticos de tentarem tumultuar a paz no País », 12 février 1981.

3Le ministre de l’aéronautique, Délio Jardim, s’exprima également : « En vérité, ce qu’on cherche à faire aujourd’hui, en exhumant de prétendues victimes du passé, c’est perturber un temps présent de paix et de tranquillité, qui n’intéressait pas et qui n’intéresse toujours pas ceux qui se sont adonnés au credo du “pire ce sera, mieux ce sera”3. »

4Les déclarations de ces deux dirigeants politiques avaient des points communs et des différences. Au nom de valeurs telles que la « réconciliation », l’« oubli » et la « paix », tous deux refusaient l’examen des crimes dénoncés. Cependant, si Marchezan se disait ému par « le cas de la jeune fille », Jardim rejetait toute forme de reconnaissance des violences perpétrée contre Inês, la désignant comme une « prétendue victime ».

5Cet article a pour but d’analyser la façon dont, à partir des années 1970, en réaction à l’émergence du discours sur les droits humains, des acteurs de la dictature élaborèrent et tentèrent d’affirmer dans l’espace public, des représentations qui visaient à disqualifier les dénonciations des violations perpétrées par le régime. La comparaison des discours de Nelson Marchezan et de Délio Jardim permet de montrer que, malgré une convergence fondamentale – ils refusaient tous deux de donner suite aux dénonciations d’Inês Etienne Romeu –, d’importants clivages politico-discursifs étaient en jeu.

6Pour autant, mettre en lumière ces divergences n’implique pas un retour à l’ancienne conception selon laquelle l’analyse de l’ouverture politique pourrait être réduite aux conflits entre une ligne « dure » et une ligne « modérée » des forces armées. De fait, une part importante de l’historiographie qui s’est récemment intéressée à l’armée, a remis en question ce postulat, à l’exemple des travaux d’Elio Gaspari (2002a, 2002b, 2003, 2004). Des historiens, comme João Roberto Martins Filho (2019) et Maud Chirio (2012), ont montré les limites de cette grille d’interprétation, en ce qu’elle ne prend pas en compte la complexité des conflits au sein des casernes.

7Ce texte tente d’apporter à la critique sur les limites analytiques du clivage entre lignes « dure » et « modérée », une réflexion sur la manière dont la construction même de cette dichotomie a fait partie des stratégies politico-discursives des dirigeants du régime. Ce point s’inspire ouvertement des débats contemporains sur le gouvernement militaire de Jair Bolsonaro (2018-2022), notamment des thèses de l’anthropologue Piero Leirner.

8Ce dernier montre comment, dans le travail des généraux appartenant au premier cercle du gouvernement, certaines actions qui peuvent paraître contradictoires dans l’espace public, sont, en réalité, très souvent complémentaires. À partir de la lecture de manuels sur les opérations dites « psychologiques », Leirner souligne que « l’émission constante de signaux contradictoires, parallèlement à des résolutions préalablement planifiées » (Leirner 2021, 120) fait partie de ce type de pratique militaire. Dans le cas qu’il analyse, il s’agit de mettre en évidence le malentendu selon lequel il y aurait, d’un côté, un groupe de militaires « bolsonaristes » et, de l’autre, un groupe de militaires « techniques ». D’une manière générale, Leirner soutient que, même s’ils jouent des rôles distincts, tous contribuent au renforcement d’un même projet politique formulé au sein des casernes – dans le cadre de ce que Marcelo Pimentel qualifie de « Parti militaire » (Souza 2021).

9Il est évident que la conjoncture, les acteurs, les projets et les idéologies du gouvernement de Jair Bolsonaro ne sont pas les mêmes que celles des années 1970 et 1980. Toutefois, il y a une similitude incontestable entre la vision critiquée par Leirner, et celle qui entrevoit l’ouverture sous l’angle d’une confrontation entre une « ligne dure » et des secteurs « modérés ».

10Je partirai donc de l’argument de Leirner pour émettre l’hypothèse selon laquelle ces représentations militaires des droits humains, élaborées au cours de la soi-disant « détente lente, graduelle et sûre », ne constituent pas nécessairement des discours contradictoires. Souvent, les récits et les images construits par les différents groupes et acteurs participaient du même objectif : garantir le processus, conformément à l’orientation et au rythme initialement prévus par le régime.

11Parallèlement à cette discussion, je cherche également, dans cet article, à instaurer un dialogue avec les travaux consacrés à la « mémoire militaire ». En général, ces analyses se concentrent sur la compréhension de la concurrence, dans l’espace public, entre cette « mémoire militaire » et une « mémoire des gauches ». En d’autres termes, l’accent est mis sur la période postérieure à 1988 quand, d’une certaine manière, on commença à interpréter les discours militaires comme une « mémoire », dans la mesure où elles relevaient de formes narratives et représentatives d’actions appartenant au passé.

12En outre, certains travaux consacrés à la « mémoire militaire » finissent par décrire celle-ci comme quelque chose d’hermétique ou de marginal. Ils suggèrent que ces représentations auraient été limitées à de petits groupes, refermés sur eux-mêmes durant la période post-dictatoriale. Par exemple, dans son analyse d’une collection publiée par les éditions de l’armée sur le 31 mars 1964, Eduardo Chaves affirme que le point de vue exprimé par les militaires n’entrait pas dans la « mémoire collective sur la dictature » (Chaves 2011, 15).

13Dans cet article, mon propos suit la direction opposée à ces deux perspectives. Je cherche à démontrer la construction historique de différentes formes de discours dont l’objectif était de relativiser, justifier et légitimer les violences perpétrées par le régime autoritaire. Je m’intéresse à la période qui court du début des années 1970, à la fin de la décennie suivante, afin d’observer la consolidation de certaines catégories, ainsi que la manière dont les différentes conjonctures ont entraîné des changements discursifs. En même temps, je m’efforce de mettre en évidence la propagation sociale de ces visions, plutôt que de les envisager comme une mémoire hermétique, isolée ou restreinte.

14Mon but ici est d’observer comment l’action des militaires a entraîné une normalisation progressive de catégories formulées au sein des casernes, dans des secteurs de plus en plus larges de la société, y compris chez des acteurs qui composaient les fractions modérées de l’opposition au régime. Les idées et représentations nées dans les organes d’information ont peu à peu gagné l’espace public, et sont devenues partie intégrante de la grammaire qui a circonscrit les limites de l’ouverture politique.

15Dans un article récent, j’ai abordé l’émergence, au cours des années 1970 et 1980, de diverses représentations critiques de la dictature, qui s’appuyaient sur le champ lexical des droits humains. J’y examinais les récits produits par les mouvements sociaux qui, pour les uns, militaient en faveur de l’amnistie, et, pour les autres, en faveur d’une opposition libérale-démocrate (Pedretti 2023). Je soulignais qu’il est nécessaire de comprendre l’ouverture politique à la lumière des conflits classificatoires et discursifs sur la façon de nommer et de décrire la violence du régime dictatorial. Enfin, je tentais de démontrer qu’en dépit de leurs différences, ces représentations critiques composent une grammaire commune, dont le noyau est la notion de « violence politique ».

  • 4 La formulation, comme je l’ai déjà précisé dans mon précédent article, provient de la définition d (...)

16Au fond, cet article défend que les représentations militaires, qui ont été au centre de ce conflit politico-discursif, font également partie de cette grammaire de la violence politique constituée à partir de la fin des années 1970. En ce sens, je reprends une critique plus large de la littérature qui traite des notions telles que la « mémoire hégémonique », pour suggérer que ce qui se constitua effectivement au Brésil après la dictature militaire, fut une grammaire, c’est-à-dire, un langage pratique qui fournit historiquement des références communes pour que la thématique de la dictature soit abordée dans la sphère publique4.

17Cet article présente des résultats partiels de ma thèse de doctorat en sociologie (Pedretti 2022). L’analyse s’appuie en particulier sur des documents d’organes de répression conservés aux Archives nationales. L’article se divise en trois parties : la première traite de la manière dont les perspectives critiques initiales sur les dénonciations des violations des droits humains furent élaborées, au sein des organes de répression, dans un contexte de « guerre psychologique » ; dans la deuxième, j’examine la transformation de cette idée en une catégorie et un discours spécifiques, centrés sur la notion de « revanchisme » ; enfin, j’analyse la création et l’impact du projet dit Orvil, un document secret produit par le Centre d’information de l’armée, entre 1985 et 1988.

Droits humains, guerre psychologique et campagne de diffamation à l’étranger

18Face à la recrudescence de la violence du régime dictatorial à la suite de l’Acte institutionnel no 5, de décembre 1968, dans un contexte d’expansion du discours sur les droits humains à l’échelle mondiale (Moyn 2010 ; Meirelles 2016), le tournant des années 1970 marqua une hausse significative de la circulation, à l’étranger, de plaintes sur la torture au Brésil (Green 2009 ; Rollemberg 2009). Le Rapport sur les plaintes pour torture au Brésil, publié en 1972 par Amnesty International, est emblématique de ce moment.

19Au Brésil, la logique de la Doctrine de sécurité nationale (DSN), imposée par les organes étatiques de répression, fournissait les schémas de classification mis en œuvre par les organismes proches des forces armées et les polices des États fédérés, afin de traiter les secteurs de la société considérés comme des ennemis de l’intérieur (Moreira Alves 1984 ; Lentz 2018). À mesure que les dénonciations de violations des droits humains se multipliaient, la dictature répondit en accusant les auteurs de ces dernières d’appartenir à une conspiration communiste qui cherchait à subvertir l’ordre.

  • 5 Archives nationales brésiliennes, Fonds « Divisão de Segurança e Informações do Ministério das Rel (...)

20Pour illustrer la réponse de l’armée à ces initiatives, nous pouvons analyser un rapport produit par le Service national d’information (SNI) sur Amnesty International en octobre 19745. Le topos de la « campagne de diffamation contre le Brésil à l’étranger » était présenté dans ce document. Le régime recourut abondamment à cette idée pour circonscrire les dénonciations circulant à l’étranger. Voici comment le SNI décrivait la situation :

La campagne diffamatoire contre le BRÉSIL à l’étranger, fait partie intégrante de la Guerre psychologique, planifiée techniquement par le Mouvement communiste international, dont l’objectif est de contribuer au renversement du régime institutionnel en vigueur dans le pays, avec la conquête conséquente du pouvoir et l’instauration d’un État marxiste-léniniste.

21Après une description générale de la manière dont il définissait Amnesty International, le SNI analysait plus en détail le rapport de 1972. Dans les grandes lignes, les conclusions décrivaient le document comme le résultat d’une technique de propagande, financée par le communisme international. On peut lire dans un passage du rapport : « La violation des droits humains est l’argument généralement utilisé par les détracteurs de l’image du Brésil. »

  • 6 O Globo, « Geisel anuncia distensão gradual e segura », 30 août 1974.

22L’année même où le SNI produisait son analyse d’Amnesty International, le dictateur, le général Ernesto Geisel, annonça le début d’une « détente » qui devait être « lente, graduelle et sûre ». À la veille des élections législatives de la fin de l’année 1974, Geisel prononça un discours devant les dirigeants de l’ARENA6. Il y résumait sa proposition, tout en émettant une réserve :

Ceux qui pensent pouvoir accélérer ce processus en exerçant des pressions sur l’opinion publique et, à travers celle-ci, sur le gouvernement, se trompent – et se trompent lourdement. De telles pressions ne serviront qu’à provoquer des contre-pressions d’une intensité égale ou supérieure, ce qui renversera le processus de détente lente, graduelle et sûre, auquel nous appelons, au profit d’un climat de polarisation croissante, de radicalisation intransigeante, et d’un appel à l’irrationalité émotionnelle et à la violence destructrice.

23L’idée d’une ouverture politique « lente, graduelle et sûre » était brandie comme la garantie du bon déroulement du processus et de l’élimination des « pressions » et « contre-pressions », susceptibles de provoquer l’effet inverse de la « détente » – c’est-à-dire, la « radicalisation ». Qui étaient les acteurs responsables de ces éventuelles tentatives de déstabilisation de la « détente » ? D’une part, ceux qui voulaient « accélérer » le processus ; de l’autre, les responsables des « contre-pressions », des groupes au sein même des forces armées qui cherchaient à retarder ou interrompre l’ouverture.

  • 7 Archives nationales brésiliennes, Fonds du Service national d’information (SNI), cotes : br_dfanbs (...)

24Au début de 1975, des pamphlets apocryphes, dénonçant la « trahison de la Révolution de 1964 », commencèrent à circuler7. Qualifiant Geisel et son chef de cabinet civil, Golbery do Couto e Silva, de communistes qui voulaient mettre fin à l’« œuvre d’assainissement » des gouvernements successifs depuis 1964, les textes enjoignaient les « forces révolutionnaires à réagir immédiatement ». Il me semble important de souligner ici deux éléments de la stratégie de ces militaires. Le premier concerne l’argument suivant :

Les médias (presse écrite, radiophonique, télévisuelle), totalement dominés par des communistes, déversent librement une intense propagande rouge auprès de notre population sans défense, dans une guerre psychologique dont le but est leur endoctrinement marxiste-léniniste.

25L’idée centrale était que l’élimination physique des militants de la lutte armée n’avait pas suffi à entraver l’avancée de la « subversion » dans le pays. Au contraire, pour ces militaires, les communistes étaient en train de mener à bien une nouvelle stratégie pour accéder au pouvoir. Au début de la décennie, la « guerre psychologique » avait expliqué les mobilisations à l’étranger ; désormais, elle trouvait également une expression à l’intérieur du pays. L’infiltration des médias et des institutions était présentée comme l’étape initiale de cette nouvelle stratégie.

26Le second élément est que l’une des principales raisons de cette démarche, était la crainte de toute forme d’enquête sur les actes perpétrés par les militaires dans le contexte de la « lutte contre la subversion », comme le montre le passage suivant :

  • 8 Dans le texte original, l’adjectif employé est indormidas (néologisme qui pourrait signifier « en (...)

Le Congrès de la C.N.B.B. [Conférence nationale des évêques du Brésil] et la presse insistent pour qu’une C.P.I. [commission d’enquête parlementaire] soit ouverte, afin de localiser les éléments subversifs disparus. Ils veulent déjà enquêter sur nos braves organes de sécurité, sur les Sentinelles inendormies8 (sic) de la patrie, et sont, pour cette raison même, la cible de la haine [des] communistes et de Golbery, leur allié.

27Ces deux arguments – l’existence d’une nouvelle stratégie d’action des « communistes », ainsi que le risque d’ouverture d’investigations pour enquêter sur les violences militaires et les sanctionner – apparurent à l’époque comme l’expression d’une extrême-droite militaire radicale, qualifiée, pour reprendre les termes de Geisel, d’ennemie de la « détente ».

28Cependant, si d’un côté, on peut considérer ces pamphlets comme des exemples des « contre-pressions », décrites par Geisel, de l’autre côté, le contenu de leurs revendications n’allait pas tarder à occuper une place centrale dans la stratégie politico-discursive du régime lui-même, qui entendait mener à bien l’ouverture politique.

Le discours du revanchisme

29À mesure que progressait la « détente lente, graduelle et sûre », les dénonciations de violations des droits humains se multipliaient et finirent par circuler à l’intérieur du pays également. Dès lors, plusieurs cas furent révélés, mettant en lumière les pratiques de torture, d’assassinat et de disparition forcée, utilisées par les agents du régime. C’est dans ce contexte que le terme « revanchisme » commença à faire son apparition dans les documents des organes de répression.

  • 9 Archives nationales brésiliennes, Fonds du SNI, cote : br_dfanbsb_v8_mic_gnc_aa_75089256_d0001de00 (...)

30Les militaires l’employaient pour exprimer leur inquiétude face à la divulgation publique des dénonciations de violations. Dans un rapport de 1976, par exemple, relatant la surveillance d’un discours prononcé par Ulysses Guimarães, le Service national d’information affirmait : « Au cours de cet événement, on a clairement constaté l’esprit de revanchisme des personnes présentes, et on a même vu des éléments punis par la Révolution entonner des “acclamations”9. »

31À partir de la seconde moitié des années 1970, on vit se développer une campagne en faveur d’une « amnistie large, générale et sans restriction », au sein de la société civile. Elle eut pour effet, entre autres, d’intensifier la répercussion des récits de torture, de cas de décès et de disparitions politiques. Face à cette situation, le régime réagit vigoureusement pour s’assurer, non seulement que l’amnistie devant être approuvée disposerait de contours juridiques convenant aux militaires – ce qui fut effectivement le cas grâce à la loi de 1979 –, mais également que les significations attribuées publiquement à cette idée seraient celles qu’ils considéraient comme importantes.

  • 10 Em Tempo, « Presos denunciam 233 torturadores », 26 juin – 2 juillet 1978.
  • 11 Archives nationales, Fonds du SNI, cote : br_dfanbsb_v8_mic_gnc_ooo_79000057_d0001de0002.

32Pour une partie des groupes sociaux qui menaient la campagne, l’amnistie devait consister en l’élucidation des crimes de l’État et la responsabilisation de leurs auteurs. On recourut alors à la notion de « revanchisme » pour encadrer et disqualifier ces propositions. Ainsi, les références à ce terme se multiplièrent également. En 1978, lorsque le journal socialiste Em Tempo publia une liste de noms que des prisonniers politiques avaient désignés comme ceux de leurs tortionnaires10, le SNI produisit un dossier sur le journal, dans lequel il l’accusait d’« inciter au revanchisme, pour avoir publié des rapports sur des tortures prétendument perpétrées, et nommé de potentiels tortionnaires11 ». Le discours issu des pamphlets apocryphes de 1975 commençait à se propager dans les documents officiels des organes de répression.

33Le pays allait peu à peu connaître une vague d’actes terroristes perpétrés par des membres de l’extrême-droite militaire. Ils commirent de nombreux attentats à la bombe afin d’instaurer un climat de terreur et de faire accuser la gauche. Les attentats les plus emblématiques furent ceux qui frappèrent le siège de l’Association de la presse brésilienne (ABI) en 1976 ; l’Ordre des avocats du Brésil (OAB) en 1980, qui fit une victime en la personne de Lyda Monteiro, secrétaire d’Eduardo Seabra Fagundes, le président de cette institution à l’époque ; et enfin, le spectacle de la fête du travail à Riocentro, en 1981.

34Face à une extrême droite militaire de plus en associée aux attentats, intensifiant les « contre-pressions » décrites par Geisel, les dirigeants du régime renforcèrent l’argument selon lequel l’ouverture devait être menée avec « modération », pour éviter le « radicalisme ». Dans la pratique, cependant, cela ne fit qu’accentuer la critique envers le « revanchisme ».

35L’adoption de la Loi d’amnistie de 1979 constitua un moment clé de ce processus. En janvier 1978, João Batista Figueiredo devint président. Lorsqu’il prit ses fonctions, il reconnut que l’éventualité d’une amnistie se profilait à l’horizon. Cela signifiait que le régime était conscient que l’approbation d’une telle mesure serait inévitable. Or, toute amnistie sous-entendait un certain degré de reconnaissance de la part du régime, que des violences illégitimes avaient été commises. La dictature commença alors à contester les significations et les limites de l’amnistie, affirmant qu’elle devrait être synonyme de « réconciliation » et d’« oubli », mais en aucun cas de « revanchisme ».

36Ainsi, en déplaçant le discours sur le « revanchisme », des marges des organes de répression vers le centre des discours publics des généraux-dictateurs, Figueiredo créa un nouveau cadre pour le problème de la violence de l’État, qui allait servir de fondement au sens attribué par le régime à la Loi d’amnistie de 1979. Le texte de loi permit de reconnaître comme illégales certaines formes de persécution politique contre des opposants – telles que les cassations et les punitions pour actes d’exception. Les personnes amnistiées furent celles qui avaient été la cible de ces pratiques.

37La répression des militaires envers la lutte armée – définie dans le texte de loi par l’expression « crimes de sang » – restait cependant présentée comme légitime et nécessaire. Toute dénonciation des violations commises au cours de ces actions était disqualifiée au motif de « revanchisme ». En contrepartie, on garantissait également l’impunité totale pour les responsables de crimes perpétrés dans le cadre de ce processus.

  • 12 O Globo, « Repúdio ao revanchismo », 12 février 1981.

38En même temps, cependant, la nouvelle loi ouvrit un espace encore plus propice à la circulation de plaintes sur les violations des droits humains. En parallèle, durant la période ayant succédé à l’amnistie, l’emploi du terme « revanchisme » par le régime s’intensifia, afin que les militaires puissent consolider leur discours sur le problème de la violence dans la sphère publique. Le début de l’utilisation récurrente du terme coïncida précisément avec la dénonciation d’Inês Etienne Romeu. Outre les notes et déclarations des dirigeants du régime, les principaux journaux publièrent également des articles d’opinion, dans lesquels les actions de l’ancienne guérillera étaient décrites telles que le faisaient les militaires. O Globo, par exemple, publia un long éditorial à la une, intitulé « Rejet du revanchisme12 », dans lequel la dénonciation de l’ancienne prisonnière politique était vue comme la « pierre angulaire de cette campagne insensée et irresponsable ».

  • 13 O Globo, « Délio volta a condenar o revanchismo na campanha », 28 octobre 1982.

39Durant les élections générales de 1982, le débat sur le revanchisme fit la une des journaux pour la seconde fois. Il s’agissait d’élections pour divers postes, auxquelles participaient de nombreux politiques qui avaient été bannis par la dictature. Dans un contexte de crise économique et d’érosion du gouvernement, les perspectives étaient décourageantes pour les militaires. Le régime exploita alors intensément le thème du « revanchisme13 ».

  • 14 O Globo, « Ulysses rejeita as acusações de revanchismo na campanha », 14 avril 1982.

40En instaurant un climat de peur et de menaces permanentes, le régime promouvait un discours de rejet du « revanchisme », qui était amplifié par la presse, forçant les oppositions à s’engager dans la « conciliation » et l’« oubli ». D’ailleurs, un nombre significatif des leaders de l’opposition, notamment au sein du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), successeur du Mouvement démocratique brésilien (MDB), nia publiquement toute intention revancharde, et s’engagea à ne pas adopter de programme politique qui viserait à revenir sur le passé dictatorial14.

41Peu à peu, la critique du « revanchisme » – née du discours de l’extrême droite militaire dans ses pamphlets apocryphes – s’intégra au paysage des secteurs plus modérés de l’opposition. Cette incorporation allait devenir définitive après la défaite de la campagne « Diretas Já ! » [Directes, maintenant !], dont le but était de garantir l’organisation d’élections directes en 1984 pour choisir le successeur du dictateur, le général João Figueiredo. Une fois le scrutin indirect confirmé, ces membres du PMDB commencèrent à s’organiser pour proposer une alternative « non-revanchiste » pour la succession. De fait, cette rhétorique allait également donner le ton à l’ensemble du processus indirect pour l’élection de la succession.

42La mobilisation sociale déclenchée lors de la campagne « Diretas Já ! », ainsi que le résultat du vote de l’amendement de Dante de Oliveira au Congrès, qui révéla le nombre élevé de dissidents au sein du parti au pouvoir, ouvrirent la voie à la possibilité d’une recomposition des forces politiques. Pour occuper cet espace, il fallait une candidature pouvant apparaître comme « conciliatrice », bien vue par une grande partie de l’armée et pouvant assurer la succession, sans faire courir de risque au pouvoir en place. La personnalité qui réunissait ces caractéristiques était Tancredo Neves.

43Pour garantir sa place d’éventuel successeur de Figueiredo, Tancredo profita d’une scission au sein du PDS qui éclata autour du choix du nom du parti pour la succession. Mis en minorité, José Sarney quitta le PDS pour le PMDB, entraînant dans son sillage un bloc de parlementaires mécontents, qui fut rebaptisé Front libéral. L’union entre le Front libéral et le PMDB fut intitulée Alliance démocratique. C’était cette convergence de branches qui allait sceller le sort de la succession présidentielle. Le candidat désigné pour occuper la vice-présidence fut Sarney lui-même.

44La critique du « revanchisme » occupa une place centrale dans le rapprochement entre le Front libéral et le PMDB. De toutes les caractéristiques que l’on recherchait en la personne de Tancredo Neves, l’une des plus importantes était l’assurance que son gouvernement n’irait pas scruter les crimes du régime dictatorial. Cette dimension est explicite dans le protocole d’accord signé en vue de la constitution de l’Alliance démocratique. Le sixième et dernier engagement du document est décrit ainsi dans le journal, O Globo :

La conclusion du protocole, bien qu’elle ne semble pas aborder de questions concrètes, est présentée comme l’élément fondamental de l’alliance : elle établit que l’accord sera orienté vers l’avenir, dans la recherche de la paix et de la sérénité de la Nation. De plus, elle dissipe les craintes sur l’éventualité que l’accession au pouvoir d’un opposant n’implique un réexamen du passé, des représailles ou du revanchisme.

  • 15 Voir, par exemple, les titres suivants du journal O Globo : « Ulysses assegura que o seu partido n (...)

45Malgré le compromis déjà conclu lors de la formation de l’Alliance démocratique, la tentative de créer la panique autour de la question du « revanchisme » plana sur toute la période précédant la décision du Collège électoral. Dans un mouvement de rétroaction, Tancredo confirmait sa pertinence, précisément à mesure qu’il renforçait la dimension « conciliante », « non radicale » et « non revancharde » de sa candidature15.

46Au cours de la campagne, Tancredo utilisa différents moyens pour réitérer sa position : il se concentrait sur l’avenir. En d’autres termes, il n’y aurait de démocratie que si on laissait le passé derrière soi. Il fallait maintenir celui-ci à distance, le préserver comme objet unique et exclusif du travail des historiens, mais en aucun cas de la lutte politique.

47Le 15 janvier 1985, le Collège électoral se réunit. Sur les 686 personnes présentes, 480 votèrent pour la liste de l’Alliance démocratique. C’est ainsi que l’union victorieuse des rangs modérés de l’ancien MDB et des dissidents de l’ancienne ARENA consacra la succession et le premier gouvernement civil en vingt ans. En tant que représentant d’un pacte d’élites politiques dont l’objectif fondamental était de garantir le « non-revanchisme », Tancredo fut élu au suffrage indirect à la présidence de la République avec, à ses côtés, de nombreuses personnalités qui avaient joué un rôle prépondérant dans le régime dictatorial – la plus connue d’entre elles étant le vice-président lui-même.

48Tancredo fut élu mais ne devint jamais président. Le 14 mars 1985, à la veille de son investiture, il fut hospitalisé et Sarney prit sa place. Le 21 avril, Tancredo Neves mourut sans jamais avoir été investi en tant que président de la République. Sarney resta en fonction jusqu’à la fin de son mandat en 1990.

Le projet Orvil

49Si, dans l’espace public, les déclarations de l’élite politique, tant militaire que civile, étaient orientées par le discours sur le « revanchisme », au sein des casernes, c’était un second ensemble de représentations qui était exprimé. Sa plus grande expression prit la forme d’un document intitulé Orvil.

  • 16 Dans son ouvrage Olho por Olho (Figueiredo 2013), le journaliste déclare avoir eu accès au documen (...)

50En 2007, le journaliste Lucas Figueiredo obtint une copie du document (Figueiredo 2013). Selon lui, le projet aurait été élaboré entre 1985 et 1988, en réponse à celui intitulé Brasil : Nunca Mais (BNM) [Brésil : plus jamais]. Il fut présenté par le ministre de l’Armée, Leônidas Pires Gonçalves, au président Sarney en 1988, mais celui-ci opposa son veto à sa publication. Ainsi, selon le récit de Figueiredo, qui a fini par acquérir une sorte de statut canonique au sujet de l’Orvil, le livre aurait été oublié, avant de refaire surface à ce stade du xxie siècle, grâce au travail obstiné d’un journaliste pour retrouver le document16.

  • 17 Centre d’information de l’armée (1984). Ce document ne figure dans aucun fonds public. Il fut révé (...)

51Entre-temps, ce récit sur l’Orvil est devenu plus complexe grâce à de nombreuses études universitaires lui ayant été consacrées (Brandão & Leite 2012 ; Santos 2016 ; Rocha 2021). Comme le montrent Brandão et Leite, bien que le mouvement BNM ait largement pesé dans la décision du CIE de mettre ce projet sur papier, l’idée d’une initiative de ce type circulait déjà au sein de l’organisation depuis le début de l’année 1984. Cette année-là, le lieutenant-colonel Romeu Antonio Ferreira rédigea un document pour définir le mode d’action des « organisations subversives » à cette époque17. Son interprétation était la suivante :

  • 18 Id.

L’une des principales activités des organisations subversives brésiliennes, conformément à la stratégie actuelle du Travail de masse, consiste à dénaturer les faits, déformer les informations et à attribuer des significations différentes aux faits historiques18.

52À l’époque, Romeu travaillait sur un sujet intitulé « Réécriture de l’histoire », et dans lequel on peut lire :

L’histoire de la subversion est déjà entrée dans l’Histoire. Mais cette Histoire est en cours de réécriture par les communistes suivant le sens qui les arrange.

Des livres sont publiés par dizaines. Des entretiens sont accordés à des journaux et des revues. Les terroristes d’hier sont glorifiés aujourd’hui, des rues, des places et des avenues portent leur nom. Dans les assemblées législatives, les LAMARCA et consorts sont décrits comme des patriotes et des défenseurs du peuple. On donne leur nom à des promotions universitaires, à des publications étudiantes et à des organisations populaires.

Pendant ce temps, ceux qui ont combattu et donné leur sang contre la subversion tombent dans les oubliettes. Leurs enfants n’ont jamais eu la moindre reconnaissance pour le sacrifice de leurs parents. Pire : ils voient leurs noms constamment salis et taxés de sadiques tortionnaires, d’oppresseurs et de réactionnaires.

53Comme on peut le constater, le document à l’origine du projet Orvil refuse explicitement l’« oubli ». Au contraire, il fallait assumer la « réécriture de l’histoire » pour faire des « victimes » militaires des « héros ».

  • 19 Après que Lucas Figueiredo a commencé à publier des rapports sur l’Orvil, une copie numérisée du d (...)

54Officiellement intitulé As tentativas de tomada do poder [Les tentatives de prise de pouvoir], Orvil fut écrit en trois ans, à partir de documents du CIE19. Le livre comporte près de mille pages dans lesquelles sont réaffirmées les versions officielles fantaisistes sur les assassinats commis par le pouvoir dictatorial. Cependant, le texte s’efforce aussi de proposer une explication plus générale sur l’histoire du Brésil et sur le rôle joué par les forces armées à différentes époques.

55On peut en résumer le principal argument de la manière suivante : il y aurait eu trois tentatives de renversement de l’ordre par les communistes : 1) en 1935, au cours de ce qui fut désigné sous le nom de « conspiration communiste » ; 2) en 1964, avec João Goulart ; et 3) au tournant des années 1970, avec les guérillas urbaines et rurales. L’échec de ces initiatives s’explique par l’action des forces armées, toujours unies et mobilisées pour défendre la Nation contre ses ennemis de l’intérieur.

56Cependant, il est soutenu dans l’Orvil que, depuis la défaite de la lutte armée, au début des années 1970, une « quatrième tentative de prise de pouvoir » se préparait, considérée comme « la plus dangereuse, et, par conséquent, la plus importante » :

  • 20 CIE, s.d., p. xvi-xvii.

Vaincue dans le mode de lutte qu’elle avait choisie – la lutte armée – la gauche révolutionnaire a cherché à transformer en victoire politique, la défaite militaire qui lui a été infligée dans tous les espaces du territoire national20.

57En quoi, toutefois, la quatrième « tentative de prise de pouvoir » était-elle la plus dangereuse ? À cause des méthodes employées par les « subversifs » dans cette nouvelle phase. Plus précisément, en raison du remplacement du « militarisme » par le « travail de masse ». Pour tenter de réaffirmer ce danger, le document fournit ensuite une interprétation très spécifique du processus d’ouverture politique, en commençant par une explication sur ce « travail de masse » :

  • 21 Id., s. d., p. 839.

Le travail de masse consiste en la propagation de l’idéologie et en l’utilisation des techniques d’agitation, de propagande, de recrutement et d’infiltration, à l’aide de tous les moyens de communication sociale pour agir sur les différents segments de la société (mouvement ouvrier/syndical ; mouvement éducatif ; mouvements populaires ; etc.), afin de conscientiser les masses sur la nécessité de faire la révolution21.

  • 22 Ibid., p. 842.
  • 23 Ibid., p. 845-846.

58D’après le point de vue adopté dans le document de la CIE, ce « travail de masse » était une « véritable opération psychologique22 » qui aurait commencé précisément au tournant des années 1970, à mesure que le nombre des dénonciations internationales de la torture augmentait. Le deuxième temps de l’« opération » aurait été la création des mouvements en faveur de l’amnistie, qui, selon les auteurs de l’Orvil, œuvraient à « transmettre à la nation brésilienne leurs “drapeaux”, ainsi que leur propre “vérité” unilatérale et dénaturée sur les faits liés au processus révolutionnaire-terroriste s’étant produit dans le pays23 ».

  • 24 Ibid., p. 842.

59Une nouvelle période, de « contre-offensive » des « organisations subversives », se serait ouverte avec la Loi d’amnistie de 1979. Le retour des exilés, les élections générales de 1982 et le mouvement « Diretas Já ! » sont présentés comme des moments clés de cette réaction. Le texte mentionne ensuite quelques-uns des autres drapeaux déployés par les « subversifs » en parallèle à l’amnistie. Parmi eux, des mots d’ordre, tels que « libertés démocratiques (ou politiques) » et « respect des droits humains24 », sont vus par les militaires comme la preuve de l’avancée des « communistes » vers leur but ultime :

En cette période, pour les gauches, cela ne suffisait plus d’agir librement et en toute facilité, en se fondant dans l’opposition légale et loyale aux institutions. Il leur fallait discréditer la Révolution de 64, nier ses exploits, dénoncer la « farce du miracle économique ».

[...]

  • 25 Ibid., p. 856.

Le but intrinsèque de tout ce travail était de frapper leurs bourreaux – désormais les forces armées elles-mêmes – qui, récemment, comme en 1964 et en 1935, avaient opposé l’obstacle le plus sérieux à leurs tentatives de prise de pouvoir, afin d’éliminer ou de neutraliser ceux qu’elles voyaient comme des obstacles à leur progression25.

60C’est dans ce contexte que, reprenant les termes du document signé par le lieutenant-colonel Romeu Ferreira, en 1984, l’Orvil adopta comme idée centrale celle d’« écriture de l’histoire ». Ce thème apparaît ainsi dans les conclusions du document :

  • 26 Ibid., p. 918.

Alors que les insurgés ont toujours trouvé des voix pour célébrer leurs exploits dans lesquels ils apparaissaient tantôt victorieux tantôt martyrs, les légalistes ont encaissé en silence les moqueries injurieuses26.

61Cette plainte sur le fait que personne ne « célébrait les exploits » des militaires après 1964, traduisait le sentiment d’injustice des agents du CIE, face à la manière dont le passé récent était raconté publiquement. Cette injustice n’était évidemment pas fortuite : elle était la conséquence d’un grand plan des communistes, qui avaient réussi à infiltrer les grands médias pour partager leurs « contre-vérités » avec les « masses ».

62Lorsque l’Orvil est traité d’un point de vue journalistique ou même académique, l’accent est généralement mis sur son caractère prétendument « secret ». L’idée qu’un pavé d’un millier de pages aurait circulé sous le manteau, pendant des années au sein d’un groupe sélect de militaires de réserve, confère au livre et à ses supposés « gardiens », l’aura d’une société secrète. Cependant, il me semble important de nuancer cette idée.

63Si, de fait, l’intégralité du livre ne fut rendue publique qu’en 2007 grâce au travail de Lucas Figueiredo, je dirais que les idées qu’il porte avaient largement circulé. D’abord au sein des forces armées ; puis, à l’extérieur. Ainsi, la rédaction de l’Orvil marque le début de l’émergence d’un second discours militaire sur la violence de la répression qui, en parallèle à celui du « revanchisme », allait nourrir l’armée pendant le régime qui succéda à la dictature.

  • 27 Les documents furent transmis aux Archives nationales brésiliennes avec le fonds du SNI. Comme il (...)

64Les rapports périodiques mensuels (RPM) produits par le Centre d’information de l’armée, entre 1989 et 1991, et conservés aux Archives nationales, montrent comment des éléments présents dans le discours de l’Orvil étaient largement disséminés au sein des forces armées pendant la période ayant succédé à la dictature27. Ainsi, même si la thèse journalistique de Lucas Figueiredo est correcte – autrement dit, si Sarney mit effectivement son veto à la publication du document –, l’absence de publication ne signifie pas que l’armée avait renoncé à son discours.

65Par exemple, le RPM du Centre d’information de l’armée de décembre 1989, comprend un texte signé par le général Sérgio Augusto de Avellar Coutinho, alors chef du Centre. Il commence avec l’évocation de la « conspiration communiste » de 1935, poursuit en affirmant qu’en 1964, les communistes « avaient tenté de prendre le pouvoir pour la deuxième fois » et ajoutait qu’« en 1968, les communistes avaient essayé, une fois de plus, de s’emparer du pouvoir ». Le général déclare ensuite :

En 1979, tous les subversifs furent amnistiés. En 1985, les partis communistes furent légalisés et la « transition » apporta au pays un régime de permissivité politique et sociale sans précédent. Cela engendra un climat de tolérance illimitée, qui donna aux gauches une totale liberté d’action ainsi qu’une complaisance, une sympathie et une acceptation croissantes. [...].

  • 28 Archives nationales brésiliennes, Fonds du SNI, cote : br_dfanbsb_v8_mic_gnc_aa_90073833_d0001de00 (...)

La vérité est que la gauche marxiste-léniniste, dotée d’une nouvelle stratégie et d’une apparence « démocratiquement acceptable », a enclenché la quatrième tentative de prise de pouvoir28.

66Il ne s’agissait pas là simplement de l’argument de fond de l’Orvil. Les mots étaient ceux-là mêmes du document, dans leur reproduction presque intégrale, ce qui indique clairement que Coutinho et le CIE avaient décidé de transposer le discours du document afin de former l’armée sur le plan idéologique. Cependant, il est important de rappeler ici que, dans le contexte de la hiérarchie militaire, au-dessus du CIE, se trouvait le commandant de l’armée et, au-dessus encore, le ministre de l’Armée, Leônidas Pires Gonçalves.

  • 29 Dans son mémoire, Moreira (2013) aborde également la « mémoire militaire » de manière plus large, (...)
  • 30 Archives nationales, Fonds Estado-Maior das Forças Armadas [État-majeur des forces armées], cote : (...)

67Ainsi, au lieu de considérer l’Orvil comme le récit d’un petit groupe de militaires de réserve aigris par la perte du pouvoir, je pense qu’il est nécessaire de recentrer notre regard, pour comprendre le document comme un ouvrage extrêmement influent, non seulement au sein des casernes, mais aussi pour la pensée politique des militaires, et des conservateurs brésiliens dans leur ensemble29. Prenons le RPM de mai 1989, qui contenait un texte intitulé « La “nouvelle gauche” et le processus révolutionnaire30 » :

Au Brésil, au milieu des années 1970, les organisations terroristes qui menaçaient la paix, la souveraineté et l’intégrité nationale furent vaincues. […] Ces organisations conclurent que la stratégie qu’elles avaient adoptée pour prendre le pouvoir grâce à la voie militariste – la lutte armée – avait échoué par manque de soutien populaire. Elles reformulèrent leur stratégie en développant le Travail de masse, nécessaire pour gagner le soutien de la population. [...] Elles tirèrent habilement parti d’épisodes imprévus, en recourant à des mots d’ordre à forte teneur humaniste et émotionnelle (liberté, démocratie, torture, justice et paix, droits humains). […] Inspirées et influencées, pendant leur séjour à l’étranger, par la pensée de l’idéologue italien Antonio Gramsci, considéré, après Lénine, comme le plus grand théoricien du marxisme, elles commencèrent à essayer de mettre la main sur les institutions culturelles et éducatives. Elles voulaient ainsi créer une contre-hégémonie sociale, qui garantirait les transformations leur permettant de prendre le pouvoir et de modifier la structure dominante.

68La logique et l’argumentation sont absolument similaires à celles de l’Orvil. On note, cependant, une différence : le texte du RPM fournit une tentative pour comprendre les racines du choix des gauches pour le « travail de masse ». En d’autres termes, la thèse de l’Orvil au sujet de la « quatrième tentative de prise de pouvoir » revêt une nouvelle forme, partant de l’idée que le mode d’action des gauches était une stratégie fondée sur la pensée gramscienne.

69Cette lecture s’appuyait sur toute une production académique conservatrice états-unienne, qui s’articulait autour de la notion de « marxisme culturel », dont la « source originelle » était la « pensée néoconservatrice nord-américaine des années 1980 et 1990, plus précisément la branche dénommée paléo-conservatisme » (Pinto 2019, 5). Ce courant de la pensée conservatrice nord-américaine prit de l’ampleur au cours des années 1980, en particulier sous le gouvernement de Ronald Reagan, et avait pour particularité de mettre « l’accent, de manière plus forte encore, sur la “guerre culturelle”, puisque le relativisme, le politiquement correct, le multiculturalisme, et même le “marxisme culturel”, étaient en passe de détruire la culture et la moralité américaines » (Id., 6).

70Ces idées servirent de base aux intellectuels de droite qui, dès la première décennie du régime démocratique, commencèrent à défendre, dans le débat public, des positions qui relativisaient ou justifiaient le coup d’État de 1964 et la dictature. En 1999, Olavo de Carvalho publia un article, intitulé « L’histoire officielle de 1964 », dans la rubrique « Opinion » du journal O Globo. En résumé, le texte soutient que le régime instauré à la suite de la déposition de João Goulart aurait été un phénomène très particulier dans l’histoire, car il avait eu pour caractéristique d’éviter le « bain de sang » qui se profilait à l’horizon, au Brésil, dans le contexte antérieur à 1964, puisqu’un coup d’État de gauche était en préparation.

71Ayant fait près de trois cents victimes « seulement », en deux décennies – un nombre qui serait incomparable à celui des dictatures communistes –, le régime militaire aurait été essentiellement « clément » ; si clément, en vérité, qu’il aurait créé les conditions propices à la consolidation d’une « historiographie officielle », de nature « revancharde et incriminante ». En effet, selon l’auteur, après s’être trouvée « inopérante pour mener une action armée », la gauche se serait réfugiée « dans les universités, la presse et le secteur de l’édition, en y établissant sa principale tranchée ». Le texte poursuit ainsi :

Laissés en paix dans leur fief intellectuel, les vaincus de 1964 prirent ainsi leur revanche littéraire en monopolisant l’industrie des interprétations du fait accompli. Et lorsque la dictature s’effondra par simple épuisement, la gauche, intoxiquée par Gramsci, avait déjà pris conscience des avantages politiques de l’hégémonie culturelle et redoubla de fureur pour se cramponner à son monopole du passé historique. C’est pourquoi la littérature sur le régime militaire, au lieu de gagner en sérénité et en objectivité au fil des ans, a adopté un ton polémique et dénonciateur, à mesure que les faits s’éloignaient et que les personnages disparaissaient dans les brumes du temps.

72En guise de conclusion, l’article publié dans O Globo soulevait la question suivante : « Compte tenu du modeste prix que cette nation a payé en vies humaines [...] ne serait-il pas temps de repenser la Révolution de 1964 et de se débarrasser de l’épaisse croûte de slogans péjoratifs qui recouvre encore sa réalité historique ? »

73Moins d’une décennie après avoir été présentées dans les RPM du Centre d’information de l’armée, les idées de l’Orvil circulaient dans l’un des journaux les plus diffusés du pays, et étaient présentées comme une position légitime dans le débat sur la dictature. Peu à peu, à l’instar de ce qui s’était produit avec le discours sur le « revanchisme », le récit militaire de l’extrême droite avait glissé des pamphlets apocryphes vers le centre du débat public, en suivant un impressionnant processus de normalisation de cette rhétorique.

Considérations finales

74Des pamphlets apocryphes aux documents officiels des organes de répression, en passant par la bouche des généraux dictateurs, puis par les éditoriaux de la grande presse, pour finir dans le discours des représentants de l’opposition qui allaient prendre le pouvoir à la fin de la dictature : telle fut la trajectoire de la catégorie de « revanchisme » en l’espace d’une dizaine d’années. Certes, dans ce processus d’incorporation par l’opposition, le discours fut également modifié a minima, dans le contexte d’une négociation sur ses limites et ses significations.

75Comme nous l’avons déjà mentionné, cette rhétorique fondée sur l’idée d’« excès individuels », ouvrit la voie, à travers la Loi d’amnistie de 1979, à une reconnaissance, quoique dans une mesure extrêmement limitée, des violations des droits humains commises par le régime autoritaire. Vers le milieu de la décennie suivante, la thèse du « revanchisme », partant de l’idée qu’il fallait « oublier » le passé, déjà largement adoptée par les fractions modérées de l’opposition, pointait vers la nécessité de construire une autre institutionnalité – la démocratie libérale – et un autre régime – la Nouvelle République.

76Ainsi, alors que le changement politique était un fait accompli, le discours sur le « revanchisme », élaboré au sein des forces armées, a circonscrit dans des termes assez restrictifs, ce que pourrait signifier le nouveau régime démocratique en cours de construction.

77À la fin des années 1980, le vocabulaire inventé par l’extrême-droite militaire avait déjà imprégné le débat public. L’ouverture politique, conduite au nom de la « modération » et à soi-disant équidistance des « pressions » et « contre-pressions », absorba une part importante de l’imaginaire formulé par les secteurs responsables de ces « contre-pressions ».

78Une fois le discours de l’extrême-droite militaire normalisé, il restait donc à cette dernière une voie ouverte pour approfondir sa vision du monde radicale, autoritaire, conspirationniste et anticommuniste du monde. C’est ainsi que naquit le projet Orvil, qui allait servir à alimenter un imaginaire apologétique de la dictature et de critique de la Nouvelle République – dans un premier temps au sein des casernes, mais qui, une fois de plus, n’allait pas tarder pas à pénétrer le débat public.

79En 1986, la justice ouvrit une enquête sur la disparition de l’ancien député Rubens Paiva, emprisonné et assassiné sous la torture par le Département d’opérations d’information – Centre d’opérations de défense interne (DOI-Codi). À l’époque, Leônidas Pires Gonçalves, alors ministre des Armées, avait déclaré :

  • 31 O Globo, « Exército: Caso Rubens Paiva é só de ação civil », 5 septembre 1986.

L’armée adhère fidèlement aux principes de cette loi [d’amnistie]. Si tel n’était pas le cas, elle rappellerait constamment à la Nation ses morts, ses veuves, ses invalides et réclamerait justice contre les responsables – assassins, kidnappeurs et agresseurs qui, maintenant qu’ils sont libres, écrivent l’histoire à leur manière31.

80Cette déclaration souligne une sorte de double jeu. Tout en affirmant se plier à l’amnistie, le militaire soutenait publiquement que les assassins écrivaient désormais l’histoire ; un message très clair pour ceux qui connaissaient le contenu de l’Orvil.

  • 32 Information extraite de la page personnelle de l’officier sur le site Escavador, qui réunit des CV (...)

81Pour examiner la déclaration de Leônidas à la lumière de ce qui a été développé dans cet article, je voudrais revenir sur l’argument de Leirner selon lequel une part importante des « opérations psychologiques » militaires consiste à envoyer des messages contradictoires afin d’atteindre un objectif précis. Il n’est pas inutile de rappeler que le lieutenant-colonel Romeu Antonio Ferreira, l’officier auteur de l’évaluation de 1984 qui fut à l’origine de l’Orvil, obtint son doctorat à l’École de commandement et d’état-major de l’armée, en soutenant en 1982 une thèse intitulée « Operações psicológicas na contra guerrilha: sua importância na conquista da população » [Opérations psychologiques dans la contreguérilla : leur importance pour conquérir la population]32.

82Certaines données empiriques permettent de faire ce pari analytique : l’élaboration de discours divergents, voire contradictoires, de la part des membres des forces armées durant la redémocratisation, ne doit pas être considérée simplement comme l’expression de conflits intra-militaires. Sans nier l’existence de dissensions au sein de l’armée, force est de reconnaître que ces représentations convergeaient afin que la transition du régime prenne le chemin initialement prévu par ses dirigeants.

83Évidemment, il ne s’agit pas de suggérer que Geisel et Golbery se sont assis autour de la table avec leurs adversaires au sein des forces armées, pour convenir de cette stratégie, et que tous les conflits connus dans l’historiographie et la chronique politique ne sont qu’un simulacre. Il faut cependant considérer sérieusement le fait que, malgré l’existence de différends dans l’armée, la vision du monde et les objectifs stratégiques de ces acteurs présentent plus de points communs que de divergences, et qu’effectivement, une action concertée, produisant des effets contradictoires dans la perception du public, fait partie du mode d’action des militaires.

84Le second argument que je souhaite défendre, à partir de l’analyse effectuée ici, est que ce qui est communément présenté dans l’historiographie comme une « mémoire militaire », n’est pas un récit hermétique, réservé à une poignée d’officiers de réserve après la redémocratisation. D’une part, le discours sur le « revanchisme » était le noyau fondamental de l’ouverture politique. De l’autre, les idées présentées dans l’Orvil furent largement diffusées dans les casernes, avec l’approbation de la hiérarchie – elles apparaissaient d’ailleurs dans les rapports mensuels de renseignement.

85Je voudrais enfin rappeler un dernier point. Depuis la redémocratisation, mais tout en s’insérant dans le régime démocratique, le discours sur le « revanchisme », ainsi que le récit de l’Orvil, ont tous deux composé la liste des représentations considérées comme légitimes pour traiter de la dictature militaire sur la scène publique. Ils sont donc entrés dans le conflit classificatoire qui s’est joué entre les visions apologétiques et critiques du coup d’État et du régime autoritaire, tout au long des années 1970 et 1980. En ce sens, ils ont également composé le lexique qui a émergé comme résultat imprévu et non intentionnel de ces conflits – la grammaire de la violence politique –, et qui a fourni le langage pratique à partir duquel, historiquement, les faits et événements de cette période ont été publiquement exposés au Brésil.

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Notes

1 O Globo, « Ex-presa reconhece casa em que foi maltrada », 4 février 1981 et Folha de S. Paulo, « Acusado dono da casa de torturas no Rio », 5 février 1981.

2 O Globo, « Ministro do Exército condena versões do combate à subversão », 11 février 1981.

3 O Globo, « Délio acusa fanáticos de tentarem tumultuar a paz no País », 12 février 1981.

4 La formulation, comme je l’ai déjà précisé dans mon précédent article, provient de la définition de « grammaire » établie par Machado da Silva (2010).

5 Archives nationales brésiliennes, Fonds « Divisão de Segurança e Informações do Ministério das Relações Exteriores » [Division de sécurité et d’informations du ministère des Affaires étrangères], cote : br_dfanbsb_z4_rex_ibr_0001_d0001de0001. Toutes les citations du rapport sur ce sujet renvoient au même document.

6 O Globo, « Geisel anuncia distensão gradual e segura », 30 août 1974.

7 Archives nationales brésiliennes, Fonds du Service national d’information (SNI), cotes : br_dfanbsb_v8_mic_gnc_aaa_76107176_d0001de0002 et br_dfanbsb_v8_mic_gnc_aaa_76107176_d0002de0002.

8 Dans le texte original, l’adjectif employé est indormidas (néologisme qui pourrait signifier « en éveil ») au lieu, peut-être, de indômitas (invaincues, indomptées), Ndt.

9 Archives nationales brésiliennes, Fonds du SNI, cote : br_dfanbsb_v8_mic_gnc_aa_75089256_d0001de0001.

10 Em Tempo, « Presos denunciam 233 torturadores », 26 juin – 2 juillet 1978.

11 Archives nationales, Fonds du SNI, cote : br_dfanbsb_v8_mic_gnc_ooo_79000057_d0001de0002.

12 O Globo, « Repúdio ao revanchismo », 12 février 1981.

13 O Globo, « Délio volta a condenar o revanchismo na campanha », 28 octobre 1982.

14 O Globo, « Ulysses rejeita as acusações de revanchismo na campanha », 14 avril 1982.

15 Voir, par exemple, les titres suivants du journal O Globo : « Ulysses assegura que o seu partido não é revanchista », 5 janvier 1984 ; « Ulysses: “Não haverá revanchismos” »? 29 février 1984 ; « Tancredo assegura que não haverá revanchismo », 21 octobre 1984.

16 Dans son ouvrage Olho por Olho (Figueiredo 2013), le journaliste déclare avoir eu accès au document au domicile d’une source militaire dont il ne révèle pas le nom.

17 Centre d’information de l’armée (1984). Ce document ne figure dans aucun fonds public. Il fut révélé et partiellement reproduit dans Brandão & Leite (2012). Le document peut être consulté dans son intégralité sur ce site : https://apublica.org/wp-content/uploads/2021/08/os-ecos-do-orvil-em-2021-apreciacao.pdf (consulté le 27 avril 2023).

18 Id.

19 Après que Lucas Figueiredo a commencé à publier des rapports sur l’Orvil, une copie numérisée du document fut mise à disposition sur le site Internet « A Verdade sufocada » [La vérité étouffée], qui était alors administré par Carlos Alberto Brilhante Ustra. En 2012, les militaires parvinrent finalement à publier le document sous forme de livre. Les citations données ici se réfèrent à la copie numérique, disponible sous le lien : https://averdadesufocada.com/images/orvil/orvil_completo.pdf (consulté le 10 juillet 2023).

20 CIE, s.d., p. xvi-xvii.

21 Id., s. d., p. 839.

22 Ibid., p. 842.

23 Ibid., p. 845-846.

24 Ibid., p. 842.

25 Ibid., p. 856.

26 Ibid., p. 918.

27 Les documents furent transmis aux Archives nationales brésiliennes avec le fonds du SNI. Comme il s’agissait de rapports du renseignement, des copies étaient envoyées au SNI, qui les conservait dans ses propres archives. Dissous en 1990, celui-ci fut intégré à l’Agence brésilienne de renseignement (Abin), qui conserva la documentation jusqu’en 2005, date à laquelle l’ensemble du fonds fut transféré aux Archives nationales. Comme on peut le constater dans la procédure administrative de collecte des documents (disponible dans les Archives nationales, Fonds « Comissão Nacional da Verdade » [Commission nationale pour la vérité], cote : 00092000646201338_d0001de0001), certains documents produits après 1990 furent transmis de manière sporadique. L’armée continua certainement à produire des rapports mensuels de renseignement, mais ces derniers cessèrent d’être rendus publics. J’ai déjà demandé à consulter cette documentation en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, mais cela m’a été refusé.

28 Archives nationales brésiliennes, Fonds du SNI, cote : br_dfanbsb_v8_mic_gnc_aa_90073833_d0001de0001.

29 Dans son mémoire, Moreira (2013) aborde également la « mémoire militaire » de manière plus large, en la définissant comme l’œuvre d’intellectuels de droite.

30 Archives nationales, Fonds Estado-Maior das Forças Armadas [État-majeur des forces armées], cote : br_dfanbsb_2m_0_0_0044_v_02_d0001de0001.

31 O Globo, « Exército: Caso Rubens Paiva é só de ação civil », 5 septembre 1986.

32 Information extraite de la page personnelle de l’officier sur le site Escavador, qui réunit des CV individuels.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Lucas Pedretti, « Entre « oubli » et « célébration des exploits » : les représentations militaires des droits humains à l’heure de l’ouverture politique »Brésil(s) [En ligne], 25 | 2024, mis en ligne le 30 mai 2024, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bresils/17742 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11qxs

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Auteur

Lucas Pedretti

Lucas Pedretti est docteur en sociologie de l’Institut d’études sociales et politiques de l’Université de l’État de Rio de Janeiro (IESP-UERJ) et membre de la Commission Mémoire et Vérité de l’Université fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ).
ORCID : https://orcid.org/0000-0002-4507-1764.

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