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Dossier – Droits humains et mouvements sociaux au Brésil : acteurs et (dés)institutionnalisation

Traumatisme culturel et victimes de la dictature sous le gouvernement Bolsonaro

Trauma cultural e as vítimas da ditadura no governo Bolsonaro
Cultural Trauma and the Victims of the Dictatorship during the Bolsonaro Government
Matheus Vitorino et Barbara Goulart
Traduction de Marlène Monteiro

Résumés

Cet article porte sur la Commission d’amnistie au Brésil, l’organisme chargé d’indemniser les victimes de la dictature militaire. Notre objectif est de comprendre ce que l’on appelle la déconstruction du traumatisme, qui nécessite la mobilisation de présupposés moraux et politiques, autant pour critiquer, que pour soutenir les travaux de la Commission d’amnistie. Pour cela, nous avons analysé des discours publics prononcés lors des commissions législatives et des séances plénières de la Chambre des députés, sous le gouvernement Bolsonaro.

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Notes de la rédaction

Article reçu pour publication en mars 2023 ; approuvé en juillet 2023.

Texte intégral

1Le récent virage à l’extrême droite dans plusieurs pays du monde a suscité une discussion académique intense sur le traumatisme collectif (Dromi & Turkmen 2019). Dans le cas du Brésil, partis politiques et mouvements sociaux de gauche ont vu dans le récent changement politique au Brésil – avec l’élection de Jair Bolsonaro en 2018 – un élément déclencheur de la résurgence des blessures du passé, en ce qu’il a fait remonter à la surface le traumatisme de la dictature militaire vécu précédemment (Goulart 2022).

2Nous devons également penser le traumatisme dans un cadre académique, en envisageant un mode de traitement de ces questions qui soit théoriquement fondé et analytiquement solide. Partant de ce besoin, nous postulons que la compréhension du traumatisme culturel, en tant que structure de l’autoperception des mouvements sociaux, peut aider à expliquer pourquoi certains de ces derniers éprouvent des difficultés à s’adapter à de nouveaux contextes sociaux, et comment les mouvements développent une résilience lorsqu’ils sont confrontés à des conditions défavorables (Abrutyn 2015).

3Les études sur la mémoire collective montrent comment le passé est remémoré en fonction des enjeux du présent. En même temps, elles soulignent que ces mémoires ne sont pas individuelles, mais sont construites collectivement (Goulart 2020 ; Olick, Vinitzky-Seroussi & Levy 2011 ; Napolitano 2015). Par conséquent, lorsque le mouvement social envisage la dictature comme un traumatisme collectif, il doit établir une relation causale entre un événement dans son histoire et sa compréhension du présent (Polletta et al. 2011 ; Somers 1994). Ces récits construits et partagés permettent d’identifier les auteurs et les victimes, de reconnaître la responsabilité des individus pour ce qui s’est produit dans le passé et ce qui se produit dans le présent, et ils appuient la justification morale de leurs actions (Smith 2005).

4Dans la continuité de ces recherches, des études comme celle d’Alexander (2004) montrent que le traumatisme culturel repose sur un récit partagé et très émouvant du passé. Il y a traumatisme culturel lorsque les membres d’un groupe pensent avoir vécu un événement désastreux, qui a altéré leur identité collective de façon permanente (Alexander 2004).

5Contrairement aux approches psychologiques du stress post-traumatique, la recherche sur le traumatisme culturel ne se focalise pas sur une liste spécifique de symptômes que peuvent présenter les individus en souffrance. Elle analyse plutôt la façon dont les groupes perçoivent un événement passé comme traumatique, et dont ils le gravent dans leur mémoire collective, à travers des pratiques mnémotechniques publiques, telles que des narrations périodiques de l’événement, des représentations artistiques, des commémorations religieuses ou des discours politiques (Dromi & Turkmen 2020). Les mémoires collectives de traumatismes peuvent susciter des émotions qui renforcent la cohésion et intensifient le sentiment identitaire d’un groupe (Hutchison & Bleiker 2008), faisant ressortir les limites du groupe au cours du processus, et elles peuvent ainsi fonctionner comme un marqueur identitaire central pour ses membres.

6Partant de cette littérature sur le traumatisme et la mémoire collective, nous avons choisi de nous consacrer à l’étude de la Commission d’amnistie (ci-après CA) au Brésil, l’instance chargée d’indemniser les victimes de la dictature militaire. Nous souhaitons également comprendre ce que nous appelons la déconstruction du traumatisme, un processus qui découle des interventions des gouvernements de Michel Temer (2016-2019) et de Jair Bolsonaro (2019-2022), sur le travail et la composition de cette Commission. En parallèle, face à la déconstruction des politiques mémorielles mises en place dans la CA, les mouvements sociaux constitués par des victimes de la dictature ont réagi en réélaborant leurs traumatismes. La conjoncture a incité les différentes associations et collectifs de personnes amnistiées et leurs familles à se réorganiser, et à recentrer leur action hors du périmètre de la Commission, ainsi que d’autres institutions de l’État.

7Il ne s’agit pas seulement de décrire les discours de ses agents, mais plutôt de comprendre comment la déconstruction du traumatisme culturel exige la mobilisation de présupposés moraux et politiques, tels que la sauvegarde d’un récit de conciliation nationale, les discours négationnistes et critiques envers les dépenses publiques, et comment ceux-ci s’articulent avec des récits concurrents. En même temps, les mouvements sociaux qui défendent la CA doivent faire le chemin en sens inverse, en mobilisant les agents politiques plus progressistes, pour reprendre les travaux de la Commission, et en soulignant son importance, à la fois morale et politique.

8Dans ce but, nous avons analysé les discours publics sur la CA qui se sont tenus lors de réunions ordinaires et extraordinaires, d’audiences publiques et de séminaires, en commission et en séance plénière de la Chambre des députés, au cours de la période coïncidant avec le mandat de l’ancien président Jair Bolsonaro. Nous avons effectué cette consultation grâce à la base de données en ligne de la Chambre des députés. Ces discours montrent l’intervention d’importants acteurs engagés dans le conflit autour de la CA, tels que des membres du gouvernement, des députés d’affiliations diverses et des représentants de groupes d’amnistiés politiques.

9Dans un premier temps, nous présenterons le contexte historique de la discussion et le cadre théorique sur lequel nous nous appuyons ; puis nous procéderons à l’analyse elle-même, qui se divise en deux parties. La première consiste en un examen des principaux arguments soulevés par des ministres, des députés et des invités qui soutiennent le gouvernement Bolsonaro. Les éléments de leurs discours nous ont permis de dégager les axes – ou tropes – suivants : la négation de la souffrance et de l’identité des victimes ; la réparation en tant que transaction financière ; et la CA en tant que problème public.

10La deuxième partie est consacrée aux arguments soulevés par les opposants au gouvernement Bolsonaro. Dans la mesure où celui-ci envisageait de mettre fin à la CA et que les victimes se voyaient constamment refusé leur droit à l’amnistie, les mouvements sociaux travaillant sur cette question ont commencé à s’organiser et à se mobiliser pour faire face à la situation, en participant à des audiences publiques à la Chambre des députés. L’analyse du discours de retraumatisation en faveur de la reprise de la CA s’articule autour des axes suivants : l’identité des victimes et la nature de leur souffrance ; la réparation comme compensation morale ; et l’amnistie comme projet de démocratisation.

Contexte historique : politiques mémorielles et Commission d’amnistie

11La seconde moitié des années 1970, période critique pour le processus de redémocratisation du Brésil, est marquée par une convergence des opposants à la dictature militaire instaurée en 1964. Sous le mot d’ordre commun d’« amnistie large, générale et sans restriction », un grand nombre d’acteurs sociaux et politiques s’unissent pour demander la libération des prisonniers politiques. L’adhésion publique à l’amnistie, centrée, en particulier, sur la situation des prisonniers politiques, la dénonciation de la torture et la demande d’élucidation des morts et des disparitions, n’empêche pas l’expression d’autres revendications. En son sein, la campagne pour l’amnistie a aussi inclus la mobilisation de militaires et de travailleurs affectés par les mesures d’exception du régime, qui demandent une indemnisation financière professionnelle, ainsi que la possibilité d’une réintégration à leur poste d’origine.

12Lorsque ces demandes atteignent les canaux institutionnels, sous le gouvernement du général João Figueiredo (1979-1985), l’amnistie se traduit par une loi au caractère ambigu et aux effets limités (Fico 2010 ; Mezarobba 2006). Promulguée le 28 août 1979, la Loi d’amnistie (Loi n° 6.683) permet le retour des exilés ainsi que la libération des prisonniers politiques, et inclut dans ses dispositions le retour des personnes persécutées à leur poste d’origine, avec la possibilité d’une retraite pour ceux qui ne sont pas réintégrables. Cependant, la conception de la loi comporte de sévères limitations, tant pour les prisonniers civils que pour les travailleurs et le personnel militaire licenciés.

13En effet, la garantie de retraite pour ceux qui n’ont pas bénéficié de la réintégration va devenir l’élément clé de la réorganisation des travailleurs et des militaires qui demandent réparation (Vitorino 2021). Sous l’effet d’intenses pressions de la part des associations d’amnistiés et de non amnistiés lors de l’Assemblée constituante (1987-1988), l’article 8 de la Loi sur les dispositions constitutionnelles transitoires (Ato das Disposições Constitucionais Transitórias – ADCT) accorde l’amnistie à ceux qui ont été « touchés, en raison d’un motif exclusivement politique, par des mesures d’exception » (Brasil 1988), entre 1946 et la date de promulgation de la nouvelle Constitution, le 5 octobre 1988. Le texte comprend le droit aux « avancements en inactivité aux postes, emplois ou grades auxquels ils auraient eu droit s’ils étaient restés en activité », et établit, à l’article 3, une « réparation de nature économique, dans les formes établies par une loi qui sera votée à l’initiative du Congrès national et qui entrera en vigueur dans un délai de douze mois à compter de la date de promulgation de la Constitution » (Brasil 1988). Notons que le délai d’octroi de l’amnistie est prolongé jusqu’en 1988 (et non plus 1979, d’après la loi initiale en la matière).

  • 2 Les agencements institutionnels permettent aux acteurs sociaux d’avoir un accès permanent aux inst (...)

14Pourtant, c’est seulement avec la création de la CA en 2002 que la mobilisation des personnes amnistiées et non amnistiées atteint son point culminant, avec une meilleure stabilité (selon les règles du jeu établies par la CA elle-même) et un agencement institutionnel2 de grande ampleur (bien qu’il y ait déjà eu diverses interactions entre les mouvements sociaux et des institutions étatiques précédentes, telles que l’Assemblée constituante, le Congrès et les ministères). Le début des années 1990 est marqué par un processus long et complexe de mise en application de l’article 8 de l’ADCT, qui, s’il permet de demander réparation, est néanmoins conditionné à une série de contraintes budgétaires, administratives et juridiques, qui se révèlent problématiques, tant pour les amnistiés que pour les non amnistiés. En conséquence, les associations reviennent à une action de lobby politique auprès du Congrès. En parallèle, se développe un autre mouvement de mobilisation important, réunissant des proches des personnes décédées et disparues, et qui aboutit à la création de la Commission spéciale sur les morts et disparus politiques (CEMDP) en 1995 (Gallo 2012 ; Teles 2001).

15Il faudra attendre le 13 novembre 2002 pour que soit promulguée la loi n° 10.559, qui accorde une réparation économique aux personnes sanctionnées pour motifs politiques, entre le 18 septembre 1946 et le 5 octobre 1988. La loi stipule que les demandes d’amnistie doivent être examinées par une commission créée au sein du ministère de la Justice, dotée d’un corps de conseillers constitué en consultation avec des associations, généralement des professionnels qui travaillent dans le domaine des droits humains.

16Alors que la CA est confrontée au discrédit et à la défiance du public, elle connaît d’importants changements au cours des années suivantes, avec des implications pour les politiques relatives à ce concept, au Brésil. Dans un premier temps, l’acteur de ce changement est Paulo Abrão, président de la CA, nommé au cours du second mandat du président Luís Inácio Lula da Silva (2007-2011). Abrão affirme avoir effectué un « tournant herméneutique », selon ses termes (Abrão & Torelly 2012), qui permet de soustraire la CA à un rôle strictement bureaucratique pour la transformer en une instance génératrice de politiques mémorielles. Les processus bureaucratiques d’octroi de l’amnistie commencent à se dérouler au cours de réunions publiques, suivies d’une demande de pardon au nom de l’État. Pour Abrão lui-même (Abrão & Torelly 2012), il s’agit de construire les bases d’une politique guidée par une conception de l’amnistie en tant que « mémoire, vérité et justice », pour passer du modèle d’un État qui pardonne à celui d’un État qui demande pardon.

17Même sans suivre la conception ambitieuse d’Abrão, il est néanmoins possible d’affirmer que la CA peut être comprise comme l’élément pivot d’un profond changement dans la définition du concept d’amnistie, avec une inflexion sémantique qui entraîne une redéfinition du sens attribué au terme « amnistier ». Cependant, comme l’observe Monika Dowbor (2018), les revendications des mouvements sociaux, « lorsqu’elles finissent par se traduire par des lois et politiques publiques, ne sont jamais totalement à l’abri des fluctuations du jeu électoral démocratique » (Dowbor 2018, 102). Malgré la protection de la loi n° 10.559, les associations d’amnistiés voient leurs demandes renversées, y compris avec l’introduction de modifications mineures du cadre institutionnel de la CA. La destitution de Dilma Rousseff en 2016 marque un tournant, dans la mesure où les gouvernements Temer et Bolsonaro cherchent à détourner les attributions de la CA à des fins contraires à ses objectifs initiaux.

18Le gouvernement Temer est responsable d’une première phase de recul de la participation des mouvements sociaux aux actions de la CA, puisqu’il modifie la composition des membres de son conseil. Le jour même de l’investiture de Temer, Alexandre de Moraes, alors ministre de la Justice, remplace 19 des 25 membres par des personnes qui n’ont pas été nommées en concertation avec des collectifs de lutte pour l’amnistie et la justice envers les victimes de la dictature, comme c’était le cas précédemment. Au contraire, certains des nouveaux conseillers sont connus pour défendre la dictature militaire. La recomposition du conseil aboutit à la première destitution collective de membres qui n’ont pas choisi de partir, ainsi qu’à l’abolition de la demande de pardon instaurée par l’administration précédente.

19Cette inversion de la logique de fonctionnement de la Commission s’intensifie sous le gouvernement Bolsonaro. Après l’investiture du président d’extrême-droite, diverses mesures sont prises dans le but exprès de modifier le mode de fonctionnement de la Commission : la réduction du nombre d’audiences, la disqualification de ses membres, le gel de son budget, le remplacement de la présidence et des conseillers, ou encore la restriction de l’accès aux archives de la Commission. Ces mesures entraînent une réduction significative de son activité et de son efficacité, au détriment des personnes qui cherchent à obtenir la réparation des dommages subis pendant la dictature militaire.

20Les changements de sens auquel est soumis le concept d’amnistie sont le résultat de la confrontation symbolique autour de ce terme. Ce conflit porte sur ce que représente la loi de 1979, sur le sens du coup d’État militaire de 1964, sur la redémocratisation et surtout, sur le statut moral des persécutés politiques. À ce titre, la Commission est un espace privilégié pour observer les différentes formes d’articulation de ces concepts, dans la mesure où les politiques de réparation sont exprimées à travers leurs justifications symboliques.

Cadre théorique : droits humains et traumatisme culturel

21L’expérience de la CA, en particulier depuis son inflexion sémantique sous les gouvernements du Parti des travailleurs (PT), est comprise ici en tant que traumatisme culturel (Goodman 2016). Au-delà de son caractère réparateur, elle permet de construire un récit plus vaste sur l’histoire de ses victimes et leur relation à la démocratie dans le pays. Les politiques de réparation constituent à la fois un fondement et un soutien pour l’imaginaire d’une communauté éthico-politique, qui se caractérise par des valeurs et des présupposés moraux. Son environnement institutionnel permet à ses acteurs de trouver un espace, des interprètes et un public pour diffuser leurs témoignages et leurs demandes.

22Nous n’aborderons pas ici les revendications des acteurs sociaux sous l’angle de leurs formulations juridiques et normatives, mais dans leur contenu social, c’est-à-dire en fonction des mécanismes et des formes qui leur permettent de devenir significatives et efficaces. Il est donc nécessaire de comprendre les différentes dimensions qui sont associées à ces constructions narratives, telles que le rôle des institutions de régulation, les structures culturelles antérieures et la performance à travers laquelle ces discours sont exprimés. Le terme de performance n’est pas employé ici au sens d’action sociale, mais en un sens dramaturgique. Avant de devenir discours argumentatif – selon Boltanski et Thévenot (1991) –, la performance est une construction narrative qui suppose des émotions, des drames et des valeurs. De cette manière, les droits humains en viennent à être considérés comme une forme de discours sur le traumatisme (López 2018 ; Moyn 2012).

23Ainsi, en observant, par exemple, le cas des demandes de réparation – matérielle et symbolique – pour les crimes commis par la dictature militaire, nous proposons de partir de l’idée fondamentale selon laquelle ces demandes supposent de comprendre la souffrance des victimes en tant que problème collectif, de manière à partager le traumatisme avec les différents groupes sociaux qui n’ont pas connu la violence et la persécution dont d’autres ont fait l’objet. Par conséquent, le problème des violations des droits humains à l’encontre des victimes de la dictature sera abordé depuis ses dimensions politique et sociologique, c’est-à-dire comme un problème relatif aux logiques politiques, sociales et culturelles existantes, et à leurs différentes possibilités de contextualisation.

24Compte tenu de ces présupposés, la présente recherche s’efforce de traiter l’activité de la CA et des groupes qui travaillent à ses côtés, comme un problème de construction du traumatisme culturel, en s’inspirant de l’approche théorique d’Alexander (2004 ; 2020). Rejetant la prémisse selon laquelle les traumatismes émergent naturellement d’événements qui rompent avec le sentiment de bien-être et de normalité des individus ou des groupes, Alexander s’attache à les traiter comme des constructions sociales. Se démarquant des différentes versions de la théorie classique du traumatisme [lay trauma theory], il rejette le principe selon lequel des événements précis peuvent être traumatiques en eux-mêmes.

25Si l’on suit sa proposition théorique, l’idée d’un événement naturellement traumatique constitue un « sophisme naturaliste ». Un tel postulat ne tient pas compte du fait qu’au niveau social, des événements extrêmement perturbateurs tels que les crises économiques, la pauvreté et les conflits violents ne se transforment pas nécessairement en traumatismes. À l’inverse, des événements perçus comme traumatiques peuvent ne pas s’être produits factuellement. En effet, le traumatisme ne résulte pas de la nature intrinsèque de l’événement en question, mais plutôt des représentations symboliques que l’on s’en fait. Cela revient à dire que c’est la qualification de traumatique qui est attribuée à un événement, et non le contraire.

26Cependant, il ne s’agit pas de nier les implications des forces matérielles dans la souffrance des individus, mais plutôt d’affirmer que les traumatismes ne deviennent des phénomènes collectifs que lorsqu’ils sont conçus en tant que souffrance d’une identité sociale. Le traumatisme n’émerge donc pas naturellement du temps et de l’événement, mais des efforts de construction narrative, produits par des groupes sociaux, identifiés ici comme des groupes porteurs. Ces derniers, à travers leur production culturelle, artistique, intellectuelle et politique, produisent des récits sur leur souffrance collective et des idéologies, qui portent en elles des revendications et des intérêts.

27Dans cet article, dans le sillage d’Alexander, nous éviterons le « sophisme naturaliste » et étudierons l’expérience de la CA en tant qu’axe institutionnel clé dans le processus de construction du traumatisme de la dictature au Brésil. En d’autres termes, nous essaierons de comprendre comment les acteurs de la CA se sont efforcés d’accorder un statut collectif à la souffrance d’individus ; c’est-à-dire, comment ils ont mobilisé un cadre de références culturelles qui a permis de caractériser les souffrances relatées devant la CA, comme un problème d’intérêt public, de portée sociale et de préservation de leurs identités.

28De même, la dictature militaire n’est pas la seule à être présentée comme un événement traumatique, il y a aussi les changements mêmes qui se sont produits au sein de la CA durant les gouvernements Temer et Bolsonaro. Comme le note Dromi (Dromi & Türkmen 2020), les changements significatifs de pouvoir dans les démocraties peuvent également être interprétés comme une source de traumatisme culturel. Des groupes en charge de la mise en place et du fonctionnement des institutions politiques, comme dans le cas des persécutés politiques et de la CA, peuvent considérer leur destitution comme injuste ou comme une nouvelle source de persécution.

29L’adoption de ce cadre théorique implique simultanément d’assumer que les éléments qui confèrent à un événement une dimension traumatique, sont susceptibles d’être contestés. On peut donc dire que les traumatismes culturels peuvent être construits et déconstruits. De cette manière, la CA, en tant qu’instance de médiation des expressions du traumatisme, permet également à ces récits d’être déconstruits ou de voir leur signification inversée.

Considérations méthodologiques

30Dans notre analyse, nous avons essayé d’identifier, dans les discours prononcés à la Chambre des députés, la manière spécifique dont les deux groupes identifiés ici – les membres du gouvernement opposés à des politiques mémorielles, d’une part, et les représentants et alliés des groupes d’amnistiés, d’autre part –, justifient et élaborent la fonction de la CA, ainsi que son rapport au problème du traumatisme. Tout en étant conscients des différences entre les deux groupes, nous avons construit notre analyse autour de la façon particulière dont ils contestent et caractérisent les mêmes axes discursifs, à savoir, l’identité des victimes et les violences qu’elles ont subies, la nature des politiques de réparation et le caractère public des politiques d’amnistie.

31Ces axes correspondent aux composantes d’une structure de classification culturelle sur laquelle repose la représentation du traumatisme. En tant que symboles, ces axes discursifs sont à la disposition des acteurs qui se disputent sur leurs significations, et sur la caractérisation des événements qui sont considérés, ou non, comme traumatiques. C’est la raison pour laquelle Alexander décrit la construction du traumatisme comme un « processus symbolique complexe et polyvalent qui est contingent, extrêmement contesté et parfois extrêmement polarisant » (Alexander 2004, 12).

  • 3 Les discussions se sont tenues lors des réunions ordinaires de la Commission de constitution Justi (...)

32Nous avons collecté le matériel analysé en recherchant parmi les archives des discours, des débats et des notes sténographiques de la Chambre des députés, disponibles sur le site Internet de l’institution. Nous avons effectué des recherches distinctes pour les termes « amnistie » et « Commission d’amnistie », en choisissant comme critères de sélection les discours prononcés en séance plénière et en commission, entre 2019 et 2022. Nous avons ensuite analysé les résultats afin d’identifier ceux qui incluaient des débats, des discussions et des exposés sur le thème de la CA et de ses attributions. Au total, 27 discussions ont été sélectionnées et analysées, dix faisant référence à des débats en séance plénière et 17à des commissions3.

33Nous avons procédé à l’analyse du discours grâce au logiciel QualCoder qui permet de coder et de classer des données textuelles. Ces codes sont des unités d’analyse qui représentent les axes discursifs identifiés dans les données textuelles. L’attribution de ces codes aux extraits pertinents du texte nous a permis d’organiser et de structurer les informations, de manière à faciliter l’identification des principales constructions discursives utilisées par les acteurs.

Le discours de déconstruction des traumatismes et de démantèlement de la Commission d’amnistie

34Lorsque Jair Bolsonaro prend ses fonctions, le public connaît déjà l’admiration qu’il porte à la dictature militaire brésilienne, puisque sa déclaration d’admiration pour le général tortionnaire, Brilhante Ustra, lors de la destitution de la présidente Dilma Rousseff a fait beaucoup de bruit. Ainsi, lorsqu’il devient président, dès le début de son mandat, des réunions sont organisées dans les commissions législatives pour débattre des activités des organisations relatives aux politiques mémorielles au Brésil. La Commission spéciale sur les morts et disparus politiques (CEMDP) et la CA sont au centre de ce débat. Que faut-il en faire ? Comment doivent-elles fonctionner au sein du nouveau gouvernement ? Jusqu’à quand ?

35De nombreuses questions de cet ordre sont abordées lors de deux audiences publiques qui se tiennent en mai et octobre 2019, au sein de la Commission d’inspection et de contrôle financier. Les audiences sont convoquées pour débattre des ossements retrouvés dans la Fosse de Perus, ainsi que des requêtes et des dépenses relatives à la CA. Conduite par des députés proches du gouvernement dont elle est majoritairement composée, l’audience donne lieu à des discours qui justifient le démantèlement de la CA, en particulier des politiques mémorielles. Nous classons ici ces discours selon trois axes : le déni de la souffrance et de l’identité des victimes, la réparation comme transaction financière, et la CA en tant que problème public.

La négation de la souffrance et de l’identité des victimes

36Si la construction du traumatisme dépend de la mobilisation d’une identité collective, qui se fait à travers le lien avec une histoire de persécution et de violence (Alexander 2004), le discours articulé par la droite agit dans le sens d’une négation de l’existence de cette violence. La position du camp de droite dans le débat sur la CA implique généralement un récit négationniste sur le passé, d’après lequel la violence exercée contre les opposants au régime n’a jamais été structurée de manière systématique et, lorsqu’elle s’est produite, n’était que le fruit des efforts pour contenir le risque d’insurrection communiste.

  • 4 La Fosse de Perus désigne une fosse clandestine où étaient dissimulés plus de 1 000 ossements ; el (...)
  • 5 Damares Alves, audience publique de la Commission d’inspection et de de contrôle financier, 22 mai (...)
  • 6 Id.

37Même les ossements trouvés dans la Fosse de Perus4 sont niés en tant que preuves de la répression de la dictature. Damares Alves, ministre de la Femme, de la Famille et des Droits humains, prétend que le grand nombre d’ossements n’est pas révélateur d’une dissimulation systématique de cadavres, mais que « cette fosse d’ossements à Perus est la chose suivante : à une époque au Brésil, il y a eu beaucoup de décès dus à la méningite. Comme on avait très peur de la méningite à l’époque, on ne les enterrait pas à proximité des autres corps5 ». Elle va jusqu’à remettre en question la nature humaine des ossements, puisqu’elle affirme que « des morceaux d’os de chien, des os qui n’étaient pas humains » ont déjà été envoyés pour être analysés6.

  • 7 Ibid.
  • 8 Pablo Oliva Souza (Parti social-libéral – PSL), audience publique de la Commission d’inspection et (...)

38Puisqu’il n’y a pas eu de violence pendant la dictature militaire, les institutions créées pour traiter les crimes du régime, telles que la CEMDP, pourraient être transformées pour traiter les violences du présent : « Quant à cette Commission sur les morts et les disparus politiques, nous voulons l’optimiser pour qu’elle soit une Commission de recherche des personnes disparues au Brésil, mais des personnes disparues aujourd’hui7 ». L’effort de constitution du traumatisme des victimes de la dictature détournerait l’attention des traumatismes du présent, des « victimes de la criminalité et des problèmes sociaux du Brésil8 ».

  • 9 Carlos Jordy (Parti libéral – PL), audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle (...)
  • 10 Id.
  • 11 Ibid.

39Lorsque l’existence de la violence est reconnue, elle est présentée comme le résultat d’un conflit civil entre des parties de force comparable. Ceux qui demandent l’amnistie, et les politiques de gauche qui ont la prétention de les défendre, auraient commis dans le passé « des exécutions, des assassinats, des enlèvements, entraînant le chaos et le vandalisme9 ». La violence et la persécution de ces personnes ne seraient donc que la conséquence d’une guerre civile, « entre les terroristes communistes et ceux qui cherchaient à faire respecter la loi et l’ordre10 », qui s’est soldée par des « excès de part et d’autre11 ».

40Il s’agit d’une construction narrative qui nie la possibilité d’associer une identité collective à un traumatisme passé. Tout d’abord, on nie l’existence d’une violence manifeste dirigée contre les opposants politiques. Puis, on affirme que le débat sur les victimes de la dictature détourne l’attention de la violence contemporaine et quotidienne, à laquelle sont confrontés les Brésiliens. Enfin, on part du principe que si violence il y a eu, elle se justifiait par le contexte de l’époque. La possibilité de construction du traumatisme se trouve ainsi démantelée puisque la notion de souffrance qui la sous-tend est soustraite à l’identité collective.

La réparation en tant que transaction financière

41Une fois qu’elle est partiellement construite selon des logiques propres au droit du travail et au droit privé (Vitorino 2021), la CA permet de mobiliser des ressources rhétoriques qui la réduisent à une simple instance de compensation financière. De cette manière, la droite bolsonariste construit un projet anti-mémorialiste à partir de présupposés techniques. Il n’y a pas d’espace au sein de la CA pour élaborer des récits sur le traumatisme, puisqu’elle se borne à reproduire la bureaucratie publique. Ainsi, on trouve fréquemment, chez les détracteurs de la CA, l’argument selon lequel elle devrait strictement fonctionner comme une instance de réparation financière, de versement de pensions et d’indemnisations.

42On peut donc déceler une forte tentative de la part du gouvernement Bolsonaro de désinstitutionnaliser les politiques publiques axées sur le domaine de la mémoire et des droits humains. Les gouvernements du PT se sont distingués par le rapprochement entre l’État et les mouvements sociaux (Lavalle et al. 2018). Ils ont ainsi tenté de définir des politiques publiques à même de prendre en compte les demandes des entités principalement composées de victimes de la dictature, et ont formé des liens durables entre l’État et la société civile (Engelmann & Madeira 2015). Ces politiques publiques incluaient des initiatives diverses, qui allaient bien au-delà du domaine financier, notamment la publication de livres, l’organisation de séminaires, le soutien à la réalisation de films, d’œuvres artistiques et d’événements sur cette thématique.

  • 12 Damares Alves, audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 22 mai 20 (...)
  • 13 Márcio Labre, audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 22 mai 201 (...)
  • 14 Id.

43Dans les discours des membres du gouvernement Bolsonaro, ces initiatives sont sévèrement critiquées, et sont considérées comme un détournement de la finalité de la CA. Comme l’affirme Alves : « Il y a plus de 60 000 exemplaires d’œuvres, au total [...]. Est-ce que c’est la mémoire ? C’est la mémoire. Mais est-ce que ça relève du travail de la Commission ? Non. Ce qui devrait incomber à cette Commission, ce serait d’analyser les demandes des personnes qui ont tant besoin de cette pension, de cette indemnisation12. » Pour Alves, la publication de livres est un détournement de l’objectif premier de la CA, qui doit se concentrer sur l’examen des demandes d’indemnisation. Ce discours revient chez les députés qui soutiennent le gouvernement Bolsonaro. Márcio Labre, alors membre du Parti social-libéral (PSL), affirme que « dans cette commission, l’objectif est monétaire, il est financier13 », sans reconnaître que le débat sur la Commission puisse revêtir « une dimension plus politique, idéologique, mais il n’est pas possible de faire cela ici14 ».

44Ainsi, l’idée fondamentale qui imprègne tout le discours public en faveur du démantèlement de la CA, est qu’elle incarne un problème purement technique. Selon cette acceptation, la CA n’est pas une composante d’un projet mémoriel, mais plutôt un aspect de la bureaucratie étatique, vidée de son contenu spécifiquement politique. Il ne s’agit donc pas de garantir un espace dédié au traitement du traumatisme des victimes de la dictature militaire, mais plutôt de garantir l’efficacité de la chose publique. De cette manière, la CA opère un glissement, du domaine des discussions propres à la mémoire et à la justice, vers celui de la gestion publique, réduite à une dimension technique. En outre, elle fonctionne comme une politique provisoire, qui doit prendre fin le plus rapidement possible, une fois les indemnités versées, ce qui permet ainsi d’éviter son institutionnalisation à long terme et son rapprochement avec les mouvements sociaux.

45En réponse aux critiques concernant la nomination de militaires dans une commission créée pour indemniser les victimes d’une dictature militaire, Alves soutient que ce choix repose également sur des critères techniques. Selon elle, des membres de l’armée ont été nommés en raison du grand nombre de demandes d’amnistie de la part de militaires (alors qu’elles émanent de militaires qui ont précisément été expulsés de leur corporation par la dictature), ce qui nécessiterait des connaissances spécifiques à ce domaine. Cependant, aucun argument n’est fourni pour justifier le choix de militaires dont le soutien envers la dictature militaire est notoire. De plus, ils n’évaluent pas seulement les demandes d’amnistie déposées par des militaires, mais également par des civils.

46Ainsi, à l’instar d’autres nominations à des fonctions publiques du gouvernement Bolsonaro, la nomination de membres de l’armée ne repose pas sur une justification d’ordre idéologique, mais sur une prétendue supériorité technique militaire. Cela permet d’expurger l’élément « idéologique » qui occupait auparavant la CA, et de le remplacer par les militaires. Cela fait écho à l’une des dimensions idéologiques caractéristiques de la dictature militaire brésilienne, à savoir l’éloge du technicisme et de son lien aux forces armées.

  • 15 Joziel Ferreira (Patriota), audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financie (...)
  • 16 Sous la présidence de Damares Alves, la CA a rejeté 465 demandes d’anciens grévistes revendiquant (...)

47Les changements survenus au sein de la CA seraient motivés par un principe technique de « rationalisation pour rendre le mécanisme plus efficace15 ». La hausse du nombre de demandes rejetées serait le résultat d’un regard prétendument technique, dénué de parti pris politique. En conséquence, les grévistes licenciés pendant la dictature ne peuvent pas bénéficier de l’amnistie, puisque la nouvelle CA considère que les grèves n’avaient pas d’objectif politique, qu’elles ne visaient qu’une augmentation salariale, il n’y a donc pas lieu d’accorder d’amnistie16.

La Commission d’amnistie en tant que problème public

48Dans la construction narrative développée par la droite bolsonariste, la réparation économique est une question technique d’intérêt public dans la mesure où elle entraîne un grand préjudice pour le trésor public. Le bon usage des ressources publiques dépend de paramètres tels que l’efficacité, la performance et la rationalité dans l’attribution de ressources rares. Les critiques à l’encontre de la CA découlent d’une soi-disant incapacité à utiliser rationnellement les ressources publiques ou, pire encore, d’une suspicion de gains financiers illégaux de la part d’agents publics chargés des jugements et des politiques publiques. Ici, la Commission apparaît comme source de corruption, et l’argument technique est associé à celui de la dimension morale.

  • 17 Damares Alves, audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 23 octobr (...)
  • 18 Le Mémorial de l’amnistie devait être érigé à Belo Horizonte et rattaché à l’université fédérale d (...)
  • 19 Damares Alves, audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 22 mai 20 (...)
  • 20 Héder Mauro (PL), audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 22 mai (...)
  • 21 Filipe Barros (PL), Damares Alves, audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle (...)

49Des cas de « sommes excessives17 » dépensées par la CA sont également présentés, laissant entendre que ces montants ne correspondent pas à une réalité, mais sont le résultat de la corruption du gouvernement. Les politiques orientées vers la production mémorielle sont particulièrement présentées comme des sources potentielles de corruption. L’interruption de la construction du Mémorial de l’amnistie18, à Belo Horizonte, est qualifiée d’« affaire judiciaire parce qu’il y a eu détournement et utilisation abusive de fonds publics19 ». De même, le disque dur contenant des catalogages et des expositions muséographiques du Mémorial, estimé à 7 millions de reais, n’est qu’un nouvel exemple de la corruption associée à ces politiques, puisque « un disque dur de 7 millions dans le gouvernement d’une gauche voleuse, ça n’a rien de surprenant20 », et que « trop de gens ont tété la mamelle du ministère des Droits humains21 ».

  • 22 Damares Alves, audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 23 octobr (...)

50On prétend également que de nombreux avocats se sont enrichis grâce à la CA, puisqu’ils ont reçu un pourcentage des indemnisations en guise de paiement. Leur activité est donc considérée comme une tentative d’enrichissement illicite plutôt que comme une juste rémunération. En outre, ces avocats auraient dupé des personnes âgées en leur affirmant qu’elles avaient droit à l’amnistie, et il est désormais nécessaire de « respecter la dignité des personnes âgées qui ont été trompées dans ce pays22 ». Enfin, Damares affirme que la corruption engendrée par la construction du Mémorial est un manque de respect pour les personnes amnistiées.

51La place de la corruption dans ces formes discursives n’est pas nécessairement nouvelle, mais elle constitue une reformulation des thèmes centraux du débat public brésilien après la redémocratisation (Lima & Chaloub 2020). Au cours des dernières années, ces discours ont été recomposés par l’extrême droite émergente dans le pays, où les variantes du libéralisme économique sont associées à une tradition conservatrice renouvelée. Un nouveau type de critique de la corruption est apparu, considérée comme le principal mal dont souffre la société brésilienne, dans une large mesure, comme la conséquence directe, voire l’équivalent, de l’ordre démocratique instauré en 1988. De cette manière, des éléments tels que l’amnistie et les droits humains, alors qu’ils étaient sans rapport jusque-là, sont intégrés à cette logique de la corruption.

  • 23 Damares Alves, audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 22 mai 20 (...)

52Ici, le problème de la corruption est présenté comme un mal généralisé de la république, et comme l’objet même du ministère dirigé par Damares Alves, comme elle le décrit : « Combien de personnes sont mortes dans les files d’attente des hôpitaux, combien d’enfants n’ont pas eu accès à l’éducation, combien de crèches n’ont pas été construites ! […] La plus grande violation des droits humains de cette Nation s’appelle la corruption, et nous allons nous y attaquer23. »

  • 24 Carla Zambelli, séance plénière de la Chambre des députés le 14 février 2019.

53On a donc là une importante inversion narrative de la part de la ministre, dans la mesure où la défense des droits humains ne se ferait pas à travers des initiatives dans lesquelles l’État oriente ses ressources sous forme de politiques publiques, mais passerait plutôt par la lutte contre un État dispendieux et contre son programme de lutte contre l’injustice et l’inégalité. Si la corruption est décrite dans le discours conservateur, comme un mal généralisé de la république et de la démocratie, elle est particulièrement présentée comme un phénomène caractéristique des gouvernements de gauche. En séance plénière, la députée Carla Zambelli (PSL) a lié le montant élevé des dépenses d’indemnisation aux intérêts de la gauche : « Ce sont 53 millions de reais chaque année, chaque mois. Nous avons déjà dépensé 40 milliards de reais. Pour quoi ? Pour des amnistiés politiques. [...] Cette Commission de la vérité, nommée par la présidente Dilma, a été créée uniquement pour la gauche et par la gauche24. »

54Même si la députée confond Commission de la vérité et Commission d’amnistie, elle reproduit un argument courant au sein de l’extrême-droite brésilienne, à savoir l’existence d’affinités, voire une équivalence entre la gauche, l’État et la corruption. Comme le notent Lima et Chaloub (2020), la rhétorique de l’extrême-droite part de l’hypothèse que la scène politique du pays a été dominée par la gauche, en raison de l’héritage de la dictature militaire, ce qui a empêché les acteurs de la droite de s’identifier ouvertement comme tels. Par conséquent, la politique devient une réplique des caractéristiques propres à la gauche, intrinsèquement immorale et relativiste. En parallèle, l’intervention de l’État, que ce soit dans l’économie ou dans la formulation des politiques publiques, engendrerait des pratiques de corruption.

Le discours de retraumatisation en faveur de la relance de la Commission d’amnistie

55Face à un gouvernement qui envisage de mettre fin à la CA et dans lequel les victimes se voient constamment refuser le droit à l’amnistie, les mouvements sociaux engagés dans cette thématique commencent à s’organiser et à se mobiliser pour faire face à la situation. Outre les débats qui se tiennent en séance plénière à la Chambre des députés, plusieurs audiences publiques sont convoquées dans des commissions législatives, ce qui permet d’ouvrir un espace pour entendre les discours de défense de la CA. Ces audiences ont lieu pendant le mandat des députés de gauche – qui, durant cette période, président des commissions telles que la culture ou les droits humains, entre autres – et sont organisées par des membres d’associations et de collectifs de personnes amnistiées et de leurs familles.

56Dans l’ensemble, ils construisent un récit public, non seulement sur le traumatisme lié aux années de la dictature militaire, mais aussi sur celui qui résulte des profonds changements survenus au sein de la CA. Ils expriment ici l’idée qu’en raison de leur identité de personnes amnistiées, ils sont devenus la cible de persécutions de la part du gouvernement Bolsonaro, ces dernières étant à présent exercées par l’institution pourtant créée pour réparer les torts. Ils soutiennent que la purge de la CA éloigne celle-ci de sa véritable fonction, à savoir, d’apporter une réparation qui, au-delà de la dimension financière, doit être morale et symbolique. Ils affirment encore que la Commission constitue l’axe autour duquel se structure toute la redémocratisation du pays. L’analyse de leurs discours permet d’identifier les thématiques suivantes : l’identité des victimes et la nature de leur souffrance ; la réparation comme compensation morale ; et l’amnistie comme projet de démocratisation.

L’identité des victimes et la nature de leurs souffrances

57Les traumatismes culturels sont des constructions qui reposent sur des identités collectives. Même si la souffrance se manifeste de manière individuelle, à travers les douleurs physique et psychologique auxquelles sont soumises certaines personnes, sa signification est située culturellement, et donc partagée collectivement. Pour cela, les groupes porteurs doivent être à même de déterminer quel groupe de personnes a été touché par la violence, et sous quelle forme celle-ci affecte leur identité et leur histoire (Alexander 2004).

  • 25 Vera Vital Brasil, audience publique de la Commission de législation participative, 24 mai 2022.

58Les changements survenus au sein de la CA ne signifient pas seulement le démantèlement des politiques mémorielles, de justice, de vérité et de réparation, mais constituent aussi une nouvelle victimisation des personnes amnistiées. Après avoir été victimes de la dictature militaire, ces dernières, ainsi que les candidats à l’amnistie s’identifient désormais comme des victimes du gouvernement Bolsonaro car ils sont soumis à un nouveau processus d’interrogatoires conduits par des amis avérés des tortionnaires. Pour Vera Vital Brasil, amnistiée politique et coordinatrice adjointe du Collectif de Rio de Janeiro, Mémoire, vérité, justice et réparations, on assiste à un processus de « retraumatisation25 » des victimes.

  • 26 Luiza Erundina (PSOL), audience publique de la Commission de législation participative, 24 mai 202 (...)
  • 27 Leonardo Monteiro (PT), audience publique de la Commission des Droits humains et des Minorités, 21 (...)

59Dans leurs discours, amnistiés et parlementaires comparent la CA du gouvernement Bolsonaro à un tribunal d’exception, non pas chargé de juger les demandes, mais de juger leur identité et leur militantisme politique. Luiza Erundina, députée du Parti socialisme et liberté (PSOL) et victime de la dictature, parle de « commission d’exception26 », tandis que pour Leonardo Monteiro (PT), la Commission « persécute les persécutés politiques » ; il ajoute que « la fonction de la Commission était de pardonner, mais à présent, il s’agit de criminaliser les persécutés27 ».

  • 28 Luciano Campos, audience publique en présence d’invités de la Commission des Droits humains et des (...)
  • 29 Id.

60Selon les amnistiés, les victimes sont des hommes et des femmes qui ont vieilli, qui sont organisés, travailleurs et légalistes. Même les anciens militaires, comme les caporaux de l’armée de l’air, qui ont vu leur amnistie annulée, sont présentés avant tout comme des travailleurs. Luciano Campos, membre de l’Association brésilienne des amnistiés politiques du système Petrobras (Abraspet), déclare : « Par principe, les caporaux sont des professionnels, ce ne sont pas simplement des appelés du service militaire obligatoire. Ce sont des professionnels, des mécaniciens en aéronautique28 ». L’âge des amnistiés est aussi un élément fréquemment relevé, ce sont des hommes et des femmes dont la carrière professionnelle et personnelle a été interrompue, et qui trouvent dans la réparation économique une compensation pour les années perdues. L’âge avancé des amnistiés supposerait une souffrance qui s’étendrait à leurs proches : dans le cas des personnes dont l’amnistie a été annulée, « c’est plus grave, certains d’entre eux sont décédés. [...] Ils tourmentent donc même les veuves d’une manière cruelle29 ».

La réparation comme compensation morale

  • 30 Vera Vital, audience publique de la Commission de législation participative, 24 mai 2022.
  • 31 Rosalina Santa Cruz, audience publique de la Commission de législation participative, 30 août 2021

61Les défenseurs de l’ancienne CA soutiennent que l’amnistie va bien au-delà de la question pécuniaire, elle a une forte dimension symbolique. Les membres des organisations d’amnistiés politiques qui participent aux débats, décrivent le statut d’amnistié comme valorisant. Il comporte une dimension morale, « un effet réparateur et de reconnaissance vis-à-vis du fait que leur lutte n’a pas été vaine30 ». Pour Rosalina Santa Cruz, mère de l’un des morts de la dictature, l’amnistie crée une identité : « Nous savions que la réparation économique était importante, bien sûr, mais le plus important étaient les informations que l’armée ne nous a jamais données. Nous voulions montrer que nous étions des familles profondément touchées par l’amnistie31. »

  • 32 Ivan Valente, audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 23 octobre (...)

62De manière plus explicite, et en opposition au discours bolsonariste, Ivan Valente, député du PSOL et victime de la dictature, estime que « la question du coût financier ne devrait pas être au centre de notre débat, car rien ne peut compenser la souffrance et l’humiliation que les gens ont subies en prison, ni la persécution ou l’interruption brutale de leur carrière32 ». Par conséquent, l’amnistie ne se réduit pas à une question pécuniaire, c’est aussi une question de pardon du gouvernement et de statut de la personne amnistiée.

63Toutefois, la question financière n’est pas écartée de la stratégie discursive des amnistiés, elle revêt également des significations culturelles. La régulation des paiements indemnitaires exige un lourd effort de justification publique de la part des amnistiés, qui tentent de faire valoir la légitimité et la validité publiques de leurs demandes particulières (Boltanski & Thevenot 1991). Ainsi, ils légitiment la réparation financière par le fait que la dignité humaine renvoie à la participation au bien commun, par le travail et l’épanouissement personnel, l’appartenance à des institutions telles que les entreprises, les forces armées et leur valeur civique (Vitorino 2021).

  • 33 Luciano Campos, audience publique de la Commission des Droits humains et des Minorités, 3 avril 20 (...)
  • 34 José Carlos Moreira da Silva Filho, audience publique de la Commission des Droits humains et des M (...)
  • 35 Edson Oliveira Cunha, audience publique à la Commission de législation participative, 30 août 2021

64Cette logique est à nouveau mobilisée pendant les années du gouvernement Bolsonaro. Ici, l’indemnité apparaît comme une valeur monétaire qui permet le passage du symbolique au matériel. Comme le dit Luciano Campos : « Un diplôme ne suffit pas, parce qu’on ne vit pas d’honneurs. Il faut aussi que ce soit quelque chose d’objectif33. » La CA s’adresse donc tout particulièrement à ceux qui ont perdu leur situation professionnelle, car « c’était l’une des principales formes de persécution du régime dictatorial et elle a durement touché la vie de dizaines, de centaines, de milliers de Brésiliens et Brésiliennes34 ». La perte des liens professionnels a eu des conséquences sur d’autres aspects de la vie car, face à l’impossibilité de travailler, beaucoup ont « perdu leur famille, parce qu’ils n’avaient plus d’argent pour la nourrir35 », comme le dit Edson Oliveira Cunha, représentant de l’Association des travailleurs amnistiés autonomes, libéraux, retraités et pensionnés du Minas Gerais (Atamig).

L’amnistie comme projet de démocratisation

65Dans leurs discours, le traumatisme vécu par les victimes de la dictature renvoie à la santé démocratique de la nation tout entière. Le statut d’amnistié politique est le résultat du pacte conclu par l’assemblée constituante de 1988, par conséquent, il n’intéresse pas seulement les personnes touchées par les actes d’exception, mais aussi le reste de la communauté politique. Le problème de l’amnistie passe ainsi de la sphère privée à la sphère publique, dans un mouvement fondamental de consolidation du récit sur le traumatisme. Le succès des victimes dans la représentation de leur traumatisme dépend de la manière dont elles relient leur expérience à des valeurs partagées par la société (Alexander 2004).

  • 36 Paulo Abrão, audience publique de la Commission de législation participative, 24 mai 2022.
  • 37 Ivan Valente (PSOL), audience publique de la Commission de législation participative, 24 mai 2022.

66L’amnistie politique est fréquemment catégorisée comme un axe autour duquel se structure le processus de redémocratisation au Brésil. Pour Paulo Abrão, la transition vers la démocratie au Brésil « s’est faite sur l’idée d’une réconciliation nationale, qui établissait le droit à la réparation pour toutes les personnes ayant été persécutées pendant la dictature militaire36 ». La reconnaissance du statut d’amnistié et les politiques de réparation ne sont pas comprises comme une rupture ou une confrontation, mais plutôt comme une conciliation et une « pacification de la société pour recouvrer la vérité, la mémoire et la justice37 ».

  • 38 Hélio Neto, réunion ordinaire de la Commission des Droits humains et des Minorités, 3 avril 2019.

67En même temps, il y a, dans tous les discours des victimes de la dictature et des députés de l’opposition au gouvernement, une dénonciation forte et sans équivoque, de l’idéologie autoritaire du gouvernement Bolsonaro. Selon eux, sa préoccupation ne serait pas financière, mais idéologique, et sa commémoration du coup d’État de 1964 en 2019 en est une illustration. La même année, le président avait autorisé et encouragé les militaires à commémorer l’événement, ce qui ne s’était jamais fait ouvertement avant l’arrivée au pouvoir de son gouvernement. Pour Hélio Neto, conseiller fédéral de l’Ordre des avocats du Brésil (OAB), on vivrait une « drôle d’époque où l’on veut célébrer le coup d’État38 ».

  • 39 Erika Kokay (PT), audience publique de la Commission de législation participative, 24 mai 2022.
  • 40 José Bezerra da Silva, réunion ordinaire de la Commission des Droits humains et des Minorités, 27 (...)

68Pour ces opposants, le gouvernement Bolsonaro met en péril « des choses qui étaient considérées comme acquises et évidentes », et nous vivons une période de menaces pour les droits des minorités, comme les Noirs, les Indigènes, la population LGBTQIA+, entre autres. La défense des droits des travailleurs est également évoquée, à cause de diverses critiques envers la réforme de la sécurité sociale. Selon ces opposants, le gouvernement Bolsonaro est un « permis de défendre le fascisme ». Ainsi, « rien n’est garanti. Il y a une audace du fascisme39 » telle qu’il faut détruire « le serpent dans l’œuf40 ».

  • 41 Vera Vital, audience publique de la Commission de législation participative du 30 août 2021.
  • 42 Enéa Stutz, audience publique de la Commission des Droits humains et des Minorités, 21 juin 2022.
  • 43 Paulo Abrão, audience publique de la Commission de législation participative, 24 mai 2022.

69En raison du profil autoritaire de Bolsonaro, connu avant même son élection, Vera Vital affirme que « la barbarie s’annonçait déjà41 ». Pour tous ceux qui souhaitent « vivre dans un pays démocratique [...], [cette loi est] cruciale pour la défense de la démocratie au Brésil42 ». Pour le dire autrement, selon Abrão, « interrompre ou suspendre ce processus de reconnaissance du droit à la réparation, c’est mettre en danger les fondements mêmes de la transition démocratique43 ».

  • 44 Hélio Neto, réunion ordinaire de la Commission des Droits humains et des Minorités, 3 avril 2019.

70En parallèle, le démantèlement de la CA est directement associé au négationnisme et à l’autoritarisme du gouvernement Bolsonaro. Ainsi, l’argument économique de ce dernier pour refuser les amnisties serait fallacieux et aurait des fins idéologiques. On assisterait également à une naturalisation de la violence d’État sous ce gouvernement : « naturaliser la violence d’État, c’est paver le chemin de sa répétition44 », ce qui constitue une menace pour la démocratie.

Considérations finales : de la victimisation à la dénonciation du démantèlement

71Le discours de déconstruction du traumatisme promu par le gouvernement Bolsonaro place les amnistiés en position de victimes qui voudraient plus que ce à quoi ils ont droit et profiteraient de l’argent public. Le discours de retraumatisation place, quant à lui, les amnistiés en position de véritables victimes du gouvernement Bolsonaro, leurs douleurs passées seraient ravivées, et il serait nécessaire de dénoncer ce processus.

72En partant du discours de retraumatisation, les victimes soulignent la nécessité de maintenir la CA et préconisent son institutionnalisation à long terme. De cette manière, la CA ne doit pas être considérée comme un organisme provisoire et technique de versement de d’indemnités, mais plutôt comme une politique publique d’État, qui promouvrait un dialogue permanent avec les mouvements sociaux impliqués dans le travail de mémoire, de justice et de réparation, avec les victimes de la dictature militaire, ainsi qu’avec le monde académique qui publie des ouvrages, organise des séminaires, construit le Mémorial, entre autres activités. Ce n’est pas un hasard si des membres de mouvements sociaux d’amnistiés politiques et des victimes de la dictature ont été conviés à s’exprimer aux côtés de procureurs, d’avocats et de professeurs, ce qui souligne l’importance du débat sur l’amnistie au Brésil, qui va bien au-delà du simple paiement d’une indemnisation.

73Il est ainsi possible de comprendre comment les acteurs politiques convoquent le traumatisme. Comme l’a déclaré Alexander (2014), la question des droits humains est un élément discursif puissant, en ce qu’elle cherche toujours à étendre le traumatisme. « Par conséquent, d’une certaine manière, les gens utilisent le discours sur les droits humains pour dire “regardez la souffrance qu’il y a là”. » (Alexander, apud Werneck et al. 2014, 390). Nous postulons donc que c’est ce qu’il s’est produit lors de la mobilisation des acteurs politiques de gauche contre le démantèlement de la CA, et nous avons essayé de montrer comment, sur le plan discursif, les changements apportés par le gouvernement Bolsonaro généraient de la souffrance pour les victimes de la dictature.

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Notes

2 Les agencements institutionnels permettent aux acteurs sociaux d’avoir un accès permanent aux institutions, et d’élargir ainsi leur capacité d’influence. Sur le plan de leur articulation, ils sont définis comme des processus intermédiaires de consolidation institutionnelle, résultant d’interactions socio-étatiques, qui attribuent une certaine marge de manœuvre, pour une durée donnée, aux acteurs sociaux impliqués dans l’institutionnalisation des demandes et des actions (Lavalle et al. 2018).

3 Les discussions se sont tenues lors des réunions ordinaires de la Commission de constitution Justice et Citoyenneté ; de la Commission de défense des Droits de la femme et de la Commission des Droits humains et des Minorités ; lors des audiences publiques organisées par la Commission de la culture ; par la Commission des Droits humains et des Minorités, par la Commission d’inspection et de contrôle financier et par la Commission de législation participative ; et enfin, lors de séminaires organisés par cette même commission.

4 La Fosse de Perus désigne une fosse clandestine où étaient dissimulés plus de 1 000 ossements ; elle se trouve dans le cimetière Dom Bosco de Perus, dans la banlieue de São Paulo. D’après les techniciens chargés de l’enquête, la moitié des ossements présente des signes de mort violente. En 2020, cinq ossements ont été identifiés, tous d’hommes disparus pendant la dictature militaire.

5 Damares Alves, audience publique de la Commission d’inspection et de de contrôle financier, 22 mai 2019.

6 Id.

7 Ibid.

8 Pablo Oliva Souza (Parti social-libéral – PSL), audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 22 mai 2019.

9 Carlos Jordy (Parti libéral – PL), audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 23 octobre 2019.

10 Id.

11 Ibid.

12 Damares Alves, audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 22 mai 2019.

13 Márcio Labre, audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 22 mai 2019.

14 Id.

15 Joziel Ferreira (Patriota), audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 22 mai 2019.

16 Sous la présidence de Damares Alves, la CA a rejeté 465 demandes d’anciens grévistes revendiquant l’amnistie pour avoir été privés de leur droit de grève pendant la dictature. Guilherme Amado, « Damares e os quase 800 indeferimentos de pedidos da anistia », O Globo, 10 mai 2019.

17 Damares Alves, audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 23 octobre 2019.

18 Le Mémorial de l’amnistie devait être érigé à Belo Horizonte et rattaché à l’université fédérale de Minas Gerais (UFMG). Cependant, la construction a été interrompue en 2019 en raison d’un manque de fonds. Il a coûté 28 millions de reais et a fait l’objet d’une enquête pour détournement d’argent public, mais faute de preuves, l’enquête a été close en 2020.

19 Damares Alves, audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 22 mai 2019.

20 Héder Mauro (PL), audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 22 mai 2019.

21 Filipe Barros (PL), Damares Alves, audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 22 mai 2019.

22 Damares Alves, audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 23 octobre 2019.

23 Damares Alves, audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 22 mai 2019.

24 Carla Zambelli, séance plénière de la Chambre des députés le 14 février 2019.

25 Vera Vital Brasil, audience publique de la Commission de législation participative, 24 mai 2022.

26 Luiza Erundina (PSOL), audience publique de la Commission de législation participative, 24 mai 2022.

27 Leonardo Monteiro (PT), audience publique de la Commission des Droits humains et des Minorités, 21 juin 2022.

28 Luciano Campos, audience publique en présence d’invités de la Commission des Droits humains et des Minorités, 21 juin 2022.

29 Id.

30 Vera Vital, audience publique de la Commission de législation participative, 24 mai 2022.

31 Rosalina Santa Cruz, audience publique de la Commission de législation participative, 30 août 2021.

32 Ivan Valente, audience publique de la Commission d’inspection et de contrôle financier, 23 octobre 2019.

33 Luciano Campos, audience publique de la Commission des Droits humains et des Minorités, 3 avril 2019.

34 José Carlos Moreira da Silva Filho, audience publique de la Commission des Droits humains et des Minorités, 03 avril 2019.

35 Edson Oliveira Cunha, audience publique à la Commission de législation participative, 30 août 2021.

36 Paulo Abrão, audience publique de la Commission de législation participative, 24 mai 2022.

37 Ivan Valente (PSOL), audience publique de la Commission de législation participative, 24 mai 2022.

38 Hélio Neto, réunion ordinaire de la Commission des Droits humains et des Minorités, 3 avril 2019.

39 Erika Kokay (PT), audience publique de la Commission de législation participative, 24 mai 2022.

40 José Bezerra da Silva, réunion ordinaire de la Commission des Droits humains et des Minorités, 27 mars 2019.

41 Vera Vital, audience publique de la Commission de législation participative du 30 août 2021.

42 Enéa Stutz, audience publique de la Commission des Droits humains et des Minorités, 21 juin 2022.

43 Paulo Abrão, audience publique de la Commission de législation participative, 24 mai 2022.

44 Hélio Neto, réunion ordinaire de la Commission des Droits humains et des Minorités, 3 avril 2019.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Matheus Vitorino et Barbara Goulart, « Traumatisme culturel et victimes de la dictature sous le gouvernement Bolsonaro »Brésil(s) [En ligne], 25 | 2024, mis en ligne le 31 mai 2024, consulté le 02 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bresils/17527 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11qxo

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Auteurs

Matheus Vitorino

Matheus Vitorino est doctorant à l’Institut d’études sociales et politiques de l’université de l’État de Rio de Janeiro (IESP-UERJ).
ORCID : https://orcid.org/0000-0001-9936-2228.

Barbara Goulart

Barbara Goulart est chercheuse postdoctorale à l’Institut d’études sociales et politiques de l’université de l’État de Rio de Janeiro (IESP-UERJ).
ORCID : https://orcid.org/0000-0002-4648-558X.

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