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Dossier – Droits humains et mouvements sociaux au Brésil : acteurs et (dés)institutionnalisation

« Pour des raisons exclusivement politiques » : l’amnistie des petroleiros et les droits humains au Brésil

« Por motivo exclusivamente político »: a anistia dos petroleiros e os direitos humanos no Brasil
« For Exclusively Political Reasons »: The Petroleiros’ Amnesty and Human Rights in Brazil
Carolina Rezende

Résumés

Cet article aborde l’association ambiguë entre l’amnistie et les droits humains au Brésil de la fin des années 1970 aux années 2000. Il examine les possibilités et les limites que cette association implique pour les travailleurs licenciés par la Petrobras pendant la dictature pour l’obtention du statut d’amnistié politique. Pour ce faire, nous avons analysé les demandes déposées à la Commission d’amnistie par trois requérants qui affirment avoir été victimes de persécutions politiques.

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Notes de la rédaction

Article reçu pour publication en mars 2023 ; approuvé en juillet 2023.

Texte intégral

  • 2 « “Vocês existem e são valiosos para nós”: leia a íntegra do discurso de Silvio Almeida », Congres (...)

1En janvier 2023, au début du troisième mandat de Luiz Inácio Lula da Silva à la présidence de la République, le discours de Silvio de Almeida lors de son investiture au ministère des Droits Humains et de la Citoyenneté a fait couler beaucoup d’encre. Almeida s’est adressé aux personnes violentées et invisibilisées dans toute l’histoire du Brésil et qui ont vu leurs droits fondamentaux menacés par l’extrême droite dans le gouvernement précédent de Jair Bolsonaro (2019-2022), en affirmant : « Vous existez et vous avez de la valeur pour nous. » Dans les groupes de « victimes d’injustice et d’oppression » mentionnés par le ministre, tels que les ouvriers, les hommes et femmes noires, les personnes LGBTQIA+ et les peuples autochtones, figurent les amnistiés et les enfants des amnistiés2. Les individus ainsi catégorisés ont obtenu ce statut dans le cadre des politiques de réparation destinées aux persécutés politiques de la dictature militaire brésilienne (1964-1985). En plus d’être le signe d’une reprise de ces politiques après quatre ans d’un gouvernement nostalgique du régime militaire, le discours d’Almeida témoigne du rapport particulier au Brésil entre l’amnistie et les droits humains.

2Ce rapport n’est pas intuitif. Lors du processus d’ouverture politique à la fin de la dictature, après une intense mobilisation de mouvements sociaux pour l’amnistie des persécutés politiques, la loi d’amnistie adoptée en 1979 n’explicite pas l’inclusion des auteurs de violations de droits humains. Cependant, elle a été interprétée en faveur des militaires en raison d’une notion vague de « crime connexe » présente dans sa rédaction. Alors que les mouvements sociaux ont utilisé des catégories basées sur un langage des droits humains émergeant au Brésil pour leurs revendications, le gouvernement militaire a fait passer une loi qui a bénéficié directement aux militaires. En même temps, l’amnistie a été limitée pour les persécutés politiques en excluant les personnes condamnées pour terrorisme, vol, enlèvement et agression. Malgré les critiques adressées à cette loi, l’amnistie de 1979 a partiellement répondu aux revendications des mouvements civils en permettant le retour des exilés et en offrant des formes de réparation, comme la réintégration des travailleurs touchés par des actes d’exception.

  • 3 Avant la création de la Commission d’amnistie, le droit à la réparation associé à l’amnistie était (...)

3Durant la période de redémocratisation, à partir des années 1980, l’amnistie a été modifiée en faveur des persécutés politiques grâce à la mobilisation des victimes de la dictature. Ces changements ont été accompagnés d’autres mesures visant les violations des droits humains commises par le régime militaire, comme la reconnaissance des décès et des disparitions forcées perpétrées par l’État, grâce à l’action de la Commission spéciale sur les morts et disparus politiques (CEMDP) créée en 1995. Après l’adoption de la loi de 1979, l’amnistie a été établie comme un droit pour les individus persécutés par la dictature, leur donnant accès à une réparation financière. Le statut d’« amnistié politique » a été consacré d’abord par la Constitution de 1988, puis par une loi fédérale de 2002 qui a créé la Commission d’amnistie au sein du ministère de la Justice3. Les personnes éligibles à ce statut peuvent également recevoir une indemnisation pour les préjudices subis, notamment les préjudices professionnels résultant des licenciements arbitraires de travailleurs et d’étudiants.

4La Commission d’amnistie a subi des transformations tout au long des années 2000. Au départ, elle s’est consacrée à l’examen des demandes de réparations déposées avant sa création, conformément à la législation en vigueur depuis 1979. Parallèlement, la Commission a examiné de nouvelles demandes d’amnistie, basées sur la loi qui l’a créée, et a été chargée d’approuver le versement d’indemnités. À partir de 2007, cette institution a été restructurée en conformité avec le développement des normes des droits humains dans le droit international. Un exemple de ces normes est la résolution 60/147 adoptée en 2005 par l’Assemblée générale des Nations unies. Cette résolution porte sur les « principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à la réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire ». Celle-ci vise à affirmer les droits des victimes en matière de justice et de réparation et à empêcher que ces violations ne se répètent, bénéficiant ainsi aux générations futures. Ce type de règle internationale, dont le Brésil est signataire, a permis d’aligner une politique de réparation déjà pratiquée dans le pays à des normes internationales des droits humains.

  • 4 On entend la justice transitionnelle comme un ensemble de mesures adoptées à la fin des régimes au (...)

5Ainsi, la politique de réparation de la Commission d’amnistie a été investie d’une dimension morale et symbolique. À côté de la CEMDP, qui a publié en 2007 le rapport « Direito à Memória e à Verdade » [Droit à la mémoire et à la vérité] comptant plus de 400 morts et disparus politiques de la dictature, les membres de la Commission d’amnistie ont promu un programme de justice transitionnelle4 au Brésil. L’association de la réparation aux droits humains a contribué à renforcer les mesures visant à traiter les crimes du passé récent : les membres de la Commission ont voulu faire de ce dispositif un « axe structurant » des autres mécanismes de la justice transitionnelle brésilienne (Abrão & Torelly 2012), en faisant de l’amnistie un droit non seulement pour ceux qui ont subi des préjudices professionnels, mais pour toutes les victimes de persécution politique.

6Cependant, l’obtention de la réparation auprès de la Commission d’amnistie n’est pas automatique et l’on remarque des difficultés pour certains groupes de plaignants à y parvenir. Compte tenu de la diversité sociologique des individus affirmant avoir subi des persécutions politiques, le processus de réparation reflète des inégalités présentes dans la société et dans la transition brésilienne. À travers l’analyse d’entretiens menés en 2011 pour un projet d’histoire orale de l’amnistie, Maria Paula Araújo observe un sentiment d’exclusion ou de marginalisation parmi les plaignants appartenant à certaines catégories (Araujo 2012, 87-92). Ils sont nombreux à avoir rencontré des difficultés pour obtenir une réponse favorable à leurs requêtes, que ce soit en raison de la lenteur de l’analyse des procès d’amnistie ou à cause d’obstacles pour prouver la motivation politique de la persécution subie.

7Cela a été le cas d’ouvriers de l’entreprise étatique de pétrole Petrobras, connus sous le nom de petroleiros. Ces employés ont été persécutés depuis le lendemain du coup d’État de 1964 en raison de leur engagement politique dans les syndicats. Comme punition, un grand nombre de petroleiros a été licencié entre 1964 et 1985. Néanmoins, les licenciements ont été basés sur le droit du travail et les règlements de l’entreprise, plutôt que sur les lois d’exception du régime militaire. Le caractère ordinaire de ces licenciements, selon Ann Schneider, rend le cas des petroleiros exceptionnel parmi ceux des travailleurs persécutés pendant la dictature : parce que le pétrole était considérée comme un secteur d’intérêt pour la sécurité nationale, les enquêtes menées contre ces ouvriers ont été profondément politisées, tandis que les sanctions ont été totalement dépolitisées (Schneider 2021, 149-150).

8Ainsi, de nombreux plaignants se sont vu refuser l’amnistie depuis la loi de 1979 et jusqu’à celle qui régit la Commission d’amnistie. La législation promulguée après la dictature a tenté de combler les lacunes de la loi de 1979 en rendent également éligibles à la réparation les travailleurs et les étudiants punis par des lois ordinaires. Néanmoins, bien que la loi fédérale de 2002 encadre le cas des petroleiros selon les critères de réparation économique liés aux préjudices professionnels, ces derniers se sont sentis marginalisés non seulement vis-à-vis du processus d’amnistie, mais aussi d’une reconnaissance sociale et juridique du caractère politique de leurs licenciements. Cette situation pose la question d’un écart entre, d’un côté, les catégories des droits humains associées aux politiques de réparation et, de l’autre, la répression vécue par les ouvriers. La condition de victime du régime militaire, encadrée par le vocabulaire des droits humains, ne saurait-elle pas être associée à des formes qui relèvent de l’arbitraire de la dictature ?

9Ces questionnements n’entendent pas diminuer l’importance des droits humains pour dénoncer les meurtres, la torture et les disparitions forcées commis par le régime militaire. Comme le souligne Sophie Daviaud, le sujet des violations des droits humains a été posé dans le débat public en Amérique latine grâce à la mobilisation collective de mouvements sociaux qui ont utilisé ce langage pour formuler les dénonciations de l’arbitraire et de la violence des régimes dictatoriaux (Daviaud 2012, 6). Au Brésil également, les progrès réalisés au cours de la redémocratisation en matière de reconnaissance de la responsabilité de l’État pour les crimes de la dictature ont été possibles grâce à la mobilisation des familles des morts et des disparus, des anciens prisonniers politiques et des militants des droits humains, malgré les efforts des élites politiques et militaires pour taire ces injustices (Santos 2010 ; Teles 2013). Ce qui nous intéresse, c’est de questionner les limites des catégories des droits humains par rapport à la diversité des expériences et trajectoires de persécution.

10Pour ce faire, nous analyserons d’abord le rôle de ces catégories dans les mouvements d’amnistie des années 1970, ainsi que les frustrations que la loi d’amnistie de 1979 a suscitées quant à son caractère limité. Nous aborderons ensuite l’engagement des associations de petroleiros créées dans les années 1980 pour inclure les réparations économiques des travailleurs dans la législation sur l’amnistie. Enfin, nous examinerons les transformations que la Commission d’amnistie et les politiques de réparation ont connu dans la première décennie des années 2000 pour nous pencher sur quelques cas de plaignants du groupe des petroleiros à partir des dossiers de demande d’amnistie.

11Ces questions, ainsi que l’analyse des dossiers des petroleiros, s’inscrivent dans une recherche de thèse en cours. Les dossiers sont constitués de documents issus des procès évalués par la Commission d’amnistie. Nous avons étudié les documents produits entre 2001 et 2014, ce qui permet une analyse de ces procès depuis la création de la Commission jusqu’à la période où elle a subi des changements qui l’ont rapprochée des normes internationales des droits humains.

Les catégories des droits humains et la lutte pour l’amnistie

  • 5 En 1974, après l’une des périodes les plus violentes de la dictature sous le gouvernement du génér (...)

12Lorsque l’on évoque l’amnistie, on l’associe souvent à l’impunité pour les auteurs de violations des droits humains. Au Brésil, ce terme a plusieurs significations qui résultent des luttes autour de cette notion depuis la fin de la dictature. Dans les années 1970, dans le contexte du projet d’ouverture du régime militaire pendant le gouvernement du général Ernesto Geisel (1974-1979) appelé distensão5, des mouvements civils ont émergé dans tout le pays pour réclamer une amnistie « large, générale et sans restriction » pour les personnes persécutées par la dictature. Le Mouvement des femmes pour l’amnistie (MFPA) a été créé en 1975, encadré notamment par des femmes dont les membres de la famille ont été touchés par les lois d’exception. En 1978, les Comités brésiliens pour l’amnistie (CBA) ont été constitués et se sont rapidement répandus dans tout le pays à côté d’autres mouvements sociaux.

13Les premières recherches qui abordent les campagnes pour l’amnistie montrent que celle-ci s’inscrivait dans un mouvement plus large pour la démocratie et les droits humains au Brésil. L’amnistie a rassemblé diverses luttes sociales qui ont émergé dans les années 1970, fondées sur un langage commun de revendication de droits fondamentaux. Fabíola Brigante Del Porto (2002) a observé que l’appel à l’amnistie était articulé avec d’autres mouvements sociaux engagés pour être reconnus en tant que sujets porteurs de droits. L’émergence de la thématique de la défense des droits humains au Brésil est donc située dans le contexte des campagnes pour l’amnistie, qui était un catalyseur d’autres revendications dans un moment où les organisations de gauche se sont restructurées après l’intense répression subie depuis le début de la dictature (Carlos 2008 ; Rodeghero 2009).

14La référence aux droits humains pour les campagnes d’amnistie ne renvoie pas seulement aux droits fondamentaux. Les contestations de la dictature dans les années 1970 s’inscrivent dans l’essor du langage des droits humains au tournant des années 1960-1970, quand de nouveaux acteurs dénoncent la violence et la torture des régimes autoritaires à l’échelle transnationale. En se penchent sur le militantisme des CBA, Heloísa Amélia Greco (2003) soutient que ce mouvement a forgé un langage propre des droits humains lors de leur combat contre la terreur de la dictature militaire. Le contact des exilés brésiliens avec ce langage fut crucial pour la formulation d’une « nouvelle grammaire » de la lutte contre la dictature, remettant en question le discours des militaires et produisant un « contre-discours ». Selon cette grammaire, les militants incarcérés étaient classifiés comme des « prisonniers politiques » par opposition aux qualificatifs de « terroristes » ou « subversifs » forgés par les militaires (Greco 2003, 266).

15Dans le sillage de la thèse de Greco, Lucas Pedretti (2022) soutient que la catégorisation basée sur cette nouvelle grammaire a engendré des conflits quant à la représentation de la dictature. Le régime militaire refusait de reconnaître la réalité des pratiques autoritaires telles que la persécution, l’emprisonnement, la torture et la mort des opposants, et les campagnes pour l’amnistie les ont dénoncées en tant que « violations des droits humains ». Les victimes furent classées dans les catégories établies par ces mouvements, telles que « prisonniers politiques » (presos políticos), « personnes affectées » (afetados) et « morts et disparus » (mortos e desaparecidos). Ces catégories ont qualifié la violence exercée par la dictature comme une violence particulière, de type « politique » et donc illégitime. Selon Pedretti, la lutte pour l’amnistie constitue un « moment clé » de la perception d’une caractéristique particulière de la violence de l’État dictatorial, en opposition à l’idée d’une violence étatique ordinaire et légitime (Pedretti 2022, 160).

16Cela a suscité des controverses entre les groupes pour l’amnistie concernant les sujets touchés par une violence de caractère politique. Le Mouvement noir unifié contre la discrimination raciale (MNUDR) a critiqué la distinction entre « prisonnier politique » (preso político) et « prisonnier commun » (preso comum) lors du premier Congrès national d’amnistie en novembre 1978. Malgré l’hétérogénéité de ces groupes, les militants de gauche ont accordé une place centrale aux membres de la lutte armée dans les catégories de « victimes » et « affectés » (Pedretti 2022, 136-152). Ces catégories ont légitimé les programmes des campagnes pour l’amnistie et la reconnaissance des crimes commis par la dictature, malgré le déni des militaires. Cependant, certains groupes ont rencontré des difficultés à inscrire leur expérience de persécution dans cette définition de la violence politique.

  • 6 Après le coup d’État militaire du 1er avril 1964, les hauts dirigeants de l’armée ont promulgué le (...)
  • 7 Cf. le rapport de l’Université fédérale de São Paulo (Unifesp) sur la responsabilité d’entreprises (...)

17C’est le cas des ouvriers de la Petrobras, les petroleiros. La Petrobras, créée en 1953, est devenue un secteur central du militantisme nationaliste pour la nationalisation complète de l’entreprise autour du slogan « le pétrole est à nous ». Les premiers syndicats de petroleiros ont été fondés en 1958. En 1964, de nombreux dirigeants syndicalistes ont été licenciés dans des opérations dites de « nettoyage » d’entreprises publiques visant les employés considérés comme subversifs. Les premiers licenciements au sein de la Petrobras ont eu lieu avant même la publication du premier acte institutionnel6 (Schneider 2021, 143-147). La persécution contre les petroleiros a persisté pendant la dictature : les militaires ont établi un réseau de surveillance et de répression à l’encontre des travailleurs de la Petrobras. Des dirigeants syndicaux ont été arrêtés et des ouvriers de l’industrie pétrochimique considérés comme « subversifs » ont été licenciés7. Ces travailleurs ont été inscrits sur des « listes sales » partagées entre plusieurs entreprises pour les empêcher d’être embauchés ailleurs. En conséquence, ces petroleiros ont été contraints de vivre dans des conditions misérables, incapables de se réintégrer sur le marché du travail.

  • 8 « Contribuição à discussão sobre a estrutura do CBA », S.l., Fonds Comitê Brasileiro pela Anistia, (...)

18Les petroleiros ont donc rejoint les campagnes pour l’amnistie. Leur engagement s’est inscrit dans le cadre du renouveau des actions politiques des mouvements syndicaux brésiliens, le « nouveau syndicalisme ». Des grèves ont été déclenchés en 1978 dans tout le pays, dont l’épicentre était l’État de São Paulo. Dans ce contexte, l’amnistie a été intégrée aux délibérations plus larges des mouvements syndicaux en reliant « les possibilités de conquête des droits par la classe ouvrière à celles du processus de redémocratisation brésilien » (Machado 2022, 31). L’amnistie signifierait donc non seulement le pardon politique des dirigeants syndicaux punis par des lois d’exception, mais aussi la réparation des torts causés par la persécution dans la vie des travailleurs interdits arbitrairement du droit au travail et à l’organisation syndicale. Tandis que les syndicats ont inclus l’amnistie dans leur programme, les organisations comme les CBA les considéraient comme des alliés essentiels dans la « popularisation » de leur lutte. Cette popularisation, terme présent dans les documents, était cruciale pour les CBA, car elle devait assurer une « cohésion politique » pour « renverser le régime militaire » et établir une « alternative [politique] populaire8 » après la fin de la dictature. Ainsi, l’amnistie pour les travailleurs persécutés a été intégrée aux objectifs des CBA.

19Face à la pression sociale croissante et à l’affaiblissement du régime au cours des années 1970, les militaires, sous le gouvernement du général João Baptista Figueiredo, ont élaboré un projet de loi d’amnistie pour pardonner les personnes sanctionnées en vertu des lois d’exception. Ce projet de loi a suscité des débats lorsqu’il a été voté dans une commission mixte du Congrès national, en particulier sur son premier article, qui excluait du bénéfice de l’amnistie les « condamnés pour avoir commis des crimes de terrorisme, des vols, des enlèvements et des agressions9 », limitant ainsi le nombre de persécutés éligibles à l’amnistie.

20En plus de l’exclusion d’une partie des opposants du droit à l’amnistie, les militaires ont veillé à ne pas être poursuivis pour les violations des droits humains et toutes autres actions ayant eu un impact sur le système juridique brésilien (Fico 2010, 333). Cela a été possible par le biais du terme « crime connexe » présent dans l’article 1er, qui prévoyait l’amnistie à « tous ceux qui ont commis des crimes politiques ou des crimes connexes à ceux-ci ». Ce terme est défini de manière assez vague dans l’alinéa 1, englobant les « crimes de toute nature liés à des crimes politiques ou commis par motivation politique ». Bien que ce terme n’indique pas explicitement que l’amnistie s’applique aux militaires, il pourrait bénéficier aux tortionnaires dans une interprétation de la loi en tant que mesure réciproque concernant à la fois les militants de gauche et les militaires. De plus, l’article 1er pourrait être compris dans le contexte des controverses de représentations de la dictature suscitées par les catégories, car il exclut de la notion de « crime politique » ce que le régime a qualifié de terrorisme.

  • 10 Depuis 1965, la dictature militaire a institué un régime de bipartidarisme. Deux partis politiques (...)
  • 11 Après le coup d’État de 1964, des milliers de militaires opposés au mouvement putschiste ont été p (...)
  • 12 Loi n° 6.683 du 28 août 1979 [Loi d’amnistie], article 3. Disponible sur : https://www.planalto.go (...)

21Malgré les tentatives infructueuses de l’opposition10 pour modifier le projet de loi proposé par Figueiredo, la loi d’amnistie approuvée le 28 août 1979 (loi n° 6.683/79) a été celle souhaitée par les militaires. Cette loi a répondu partiellement aux demandes des groupes de persécutés, comme des organisations professionnelles et des militaires cassados11. Cependant, les petroleiros ont été mécontents. Le troisième article de la loi d’amnistie permettait le « retour ou réintégration au service actif12 » des fonctionnaires, mais cela dépendait de la disponibilité des postes ou de l’intérêt de l’administration, c’est-à-dire du consentement de la même institution qui les avait persécutés. De plus, au lieu de bénéficier automatiquement des droits prévus par la loi d’amnistie, les fonctionnaires concernés devaient soumettre une demande d’amnistie aux commissions, créées dans les ministères après la promulgation de la loi pour évaluer les requêtes déposées.

22Peu de travailleurs ont réussi à être réintégrés. Cinq ans après la promulgation de la loi de 1979, le Mouvement féminin pour l’amnistie et la liberté démocratique (Movimento Feminino pela Anistia e Liberdade Democrática) a recensé 11 434 personnes, civiles et militaires, en attente de réponses à leurs demandes. Parmi eux, 4 730 étaient des civils, dont 4 691 étaient d’anciens fonctionnaires de la Petrobras (Mezarobba 2006, 54). Lorsque la commission de la Petrobras chargée d’évaluer ces requêtes n’invoquait pas le manque d’intérêt de l’administration, le refus d’amnistie était justifié par le fait que le pétitionnaire n’avait pas été licencié sur la base des lois d’exception (Schneider 2021, 152-156). Par conséquent, la demande de réintégration ne répondait pas aux critères de la loi d’amnistie.

23En somme, la loi de 1979 a instauré une amnistie restreinte. Elle est considérée comme un premier pas vers la redémocratisation car elle a permis le retour des exilés et la libération de certains prisonniers politiques, bien que de manière limitée. Pourtant, le régime a rendu difficile l’amnistie d’une partie des persécutés politiques. Les débats autour de la loi se sont penchés sur la possible interprétation du terme « crime connexe » en faveur des tortionnaires et l’exclusion de l’amnistie pour les crimes considérés comme communs par les militaires. Les discussions sur les exclusions ont porté notamment sur les personnes étiquetées comme « terroristes ». L’attention du public a alors privilégié les questions urgentes liées à une grève de la faim des prisonniers politiques à Rio de Janeiro en 1979, qui protestaient contre les limites de la loi d’amnistie, ce qui aurait occulté le problème de l’exclusion d’autres groupes persécutés par la répression, comme les petroleiros (Schneider 2021, 154-155).

24Les travailleurs persécutés par la dictature n’ont pas bénéficié de la même légitimité que d’autres personnes « affectées » pour être reconnus en tant que victimes d’une violence spécifiquement dictatoriale. La répression exercée contre cetains petroleiros licenciés n’a pas été considérée par l’État et la Petrobras comme un acte répressif, mais plutôt comme une sanction ordinaire de l’entreprise sans connotation politique. Après la fin de la dictature, les petroleiros persécutés ont continué à se mobiliser autour de la question de l’amnistie.

Mobilisation des petroleiros licenciés

25Dans les années 1980, devant les possibilités de changements institutionnels pendant la redémocratisation, des associations de personnes affectées par la dictature ont été formées pour poursuivre leur lutte face aux limites et aux mécontentements vis-à-vis de la loi d’amnistie de 1979. D’un côté, les associations dirigées par les familles des disparus et les anciens prisonniers politiques, comme la Comissão de Familiares de Mortos e Desaparecidos Políticos [Commission des familles des morts et disparus politiques] et le Grupo Tortura Nunca Mais [Groupe torture plus jamais], exprimaient leur mécontentement envers la loi de 1979 qui rendait difficile la traduction en justice des militaires en raison de son interprétation réciproque et restreinte. D’un autre côté, les différentes associations de travailleurs et de militaires cassados axaient leurs revendications sur des formes de réparation liées à la perte de leurs emplois. Le premier groupe a formulé ses plaintes en se référant au langage des droits humains, tandis que le deuxième s’est basé sur le droit du travail concernant le principe de compensation pour les droits injustement lésés (Machado 2022, 64-65), remettant en question les limites de l’amnistie pour garantir la réintégration à leurs postes.

  • 13 « Resumo das resoluções do Congresso Nacional pela Anistia », São Paulo, Fonds CBA – Comitê Brasil (...)
  • 14 « Moção de denúncia da Comissão de Operários », S.l, Fonds CBA – Comitê Brasileiro pela Anistia, p (...)
  • 15 Document sans titre, S.l., Fonds CBA – Comitê Brasileiro pela Anistia, pasta 67 (Centro de Referên (...)

26Cette division des associations en deux fronts existait déjà lors des campagnes pour l’amnistie. Deux groupes de travail ont été formés dans le premier Congrès national pour l’amnistie : l’un regroupant les « catégories de personnes affectées » et l’autre comprenant les « secteurs et catégories professionnelles13 ». Les comités de travailleurs ont justifié l’amnistie dans le cadre de la lutte pour les « libertés démocratiques ». La répression contre les travailleurs avec les « licenciements massifs », les « emprisonnements de grévistes14 », l’intervention dans les syndicats et les meurtres de travailleurs15, fut considérée comme une mesure arbitraire à la fois d’ordre politique et économique. Politique car elle représente une atteinte à la liberté d’organisation syndicale et au pouvoir de formuler des revendications. Économique car elle affecte ceux qui luttent pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail.

  • 16 « Reunião da Comissão Executiva Nacional dos Movimentos de Anistia », Belo Horizonte, Fonds Movime (...)
  • 17 Id., p. 2.
  • 18 Ibid, p. 3.

27Dans le but de populariser et de diffuser la lutte, les mouvements se sont organisés de manière sectorielle avec la participation d’organisations sociales comme les syndicats. Après la promulgation de la loi d’amnistie, ces mouvements ont défini les axes de la poursuite des mobilisations autour de la vérité sur les décès et les disparitions, de la réintégration professionnelle des amnistiés, ainsi que de la question des « exclus de l’amnistie16 ». En septembre 1979, lors de la réunion de la Commission exécutive nationale des mouvements d’amnistie, a été soulignée la nécessité de surveiller « l’application de la loi d’amnistie » et de dénoncer « les seconds jugements des "commissions" de réintégration17 », témoignant ainsi des difficultés à faire valoir les droits à l’amnistie depuis 1979. Concernant les « exclus de l’amnistie », il a été recommandé « aux mouvements d’amnistie de mobiliser les secteurs et les organisations de travailleurs pour enquêter [sur le nombre] des non-réintégrés de la catégorie18 ».

28La différence de langage entre les groupes apparaît plus nettement après la dissolution des CBA et du MFPA dans les années 1980. Les familles des morts et disparus se sont réorganisées dans des associations comme le Tortura Nunca Mais et la Comissão de Familiares de Mortos e Desaparecidos Políticos, tandis que les organisations issues des mouvements sociaux ont poursuivi leurs propres objectifs. De nouvelles associations de travailleurs amnistiés et de militaires cassados ont plaidé pour leur réintégration dans leurs postes comme forme de réparation. L’amnistie dans les années 1970 a rassemblé des mouvements de divers fronts, mais après la promulgation de la loi de 1979, les revendications liées à l’arbitraire de la dictature se sont diversifiées dans ces associations.

  • 19 Le projet « Brasil : Nunca Mais » [Brésil : plus jamais] a été coordonné par l’archidiocèse de São (...)

29Les demandes spécifiques des groupes formés dans les années 1980 ont été institutionnalisées à travers différentes lois. Le retentissement de la publication du rapport Brasil: Nunca Mais19  en 1985 et la découverte de la fosse clandestine du cimetière de Perus à São Paulo dans les années 1990, où les restes de disparus politiques ont été retrouvés, ont renforcé le soutien aux actions des familles de morts et disparus politiques au niveau institutionnel (Mezarobba 2006, 70-105). En 1995, la « loi des disparus » (loi n° 9140/95) a été promulguée, reconnaissant pour la première fois depuis la fin de la dictature le décès et les disparitions forcées d’opposants, créant la CEMDP et prévoyant le versement d’indemnités aux familles des victimes.

30Les associations de travailleurs et de militaires cassados, pour leur part, ont poussé pour modifier la loi d’amnistie et inclure des mesures de réparation et de réintégration. Les limites de l’amnistie ont été élargies pour compter les travailleurs et les militaires persécutés qui en étaient « exclus ». Cela s’est fait via l’amendement constitutionnel n° 26 de 1985 et l’article 8 de l’Acte des dispositions constitutionnelles transitoires (ADCT) de la nouvelle Constitution fédérale adoptée en 1988. Dès 1979, les petroleiros ont réclamé l’amnistie, mais la répression n’a pas cessé après la promulgation de la loi de 1979. En 1983, des milliers de petroleiros ont été licenciés pour avoir participé à une grève dans les raffineries de la Petrobras. Depuis lors, les associations d’amnistiés de la Petrobras ont remis en question les limites fixées par l’État en matière de politiques de réparation.

31Les associations de petroleiros ont été formées dans divers États brésiliens dans les années 1980, la Commission nationale des amnistiés de la Petrobras (Conape) notamment, qui a coordonné les actions des travailleurs auprès des institutions. Les réunions avec Aureliano Chaves, ministre des Mines et de l’Énergie (MME) à l’époque, ont abouti à des arrêtés administratifs et des résolutions pour réintégrer d’anciens employés. La Conape aidait également les employés licenciés à préparer leur documentation pour déposer les requêtes d’amnistie (Costa 2012). En parallèle, les petroleiros ont collaboré avec d’autres associations de travailleurs et de militaires cassados au sein du Congrès national.

  • 20 « Atos das disposições constitucionais transitórias de la Constitution fédérale de 1988 », article (...)
  • 21 Id.

32Lors des activités pour l’adoption de l’amendement constitutionnel n° 26 et de la nouvelle Constitution à l’Assemblée constituante, les associations ont discuté et négocié le droit à la réintégration et à la réparation des employés licenciés et des militaires cassados. Leur lobby au Congrès a abouti à l’article 8 de l’ADCT de la Constitution (Machado 2022, 54-63), qui met l’accent sur l’amnistie en tant que droit des travailleurs ayant été punis, licenciés ou empêchés d’exercer leur profession pour des motifs politiques. Cet article permet des formes de réparation financière et la réintégration des employés20. L’amendement constitutionnel n° 26 maintient encore l’expression « crimes connexes », mais celle-ci est absente de l’ADCT, qui prévoit une amnistie pour toutes les personnes affectées « pour des raisons exclusivement politiques21 ».

33Malgré la reconnaissance constitutionnelle du droit à la réintégration des travailleurs par l’ADCT, les petroleiros ont eu du mal à faire valoir leurs droits. La majorité de leurs requêtes d’amnistie déposées auprès du MME a été rejetée sous prétexte que les licenciements n’étaient pas motivés pour des raisons politiques. Dans les années 1990, les associations de travailleurs ont exercé une pression sur le gouvernement fédéral, sous le mandat de Fernando Henrique Cardoso (Mezarobba 2006, 120-127), aboutissant à une ordonnance présidentielle (medida provisória) en 2001, devenue en 2002 une loi fédérale (loi n° 10559/02). Cette loi a réglementé l’article 8 de l’ADCT et créé la Commission d’amnistie au sein du ministère de la Justice pour centraliser l’examen des demandes en une seule institution fédérale. Cette loi autorise la réintégration des employés dans leurs postes pour des cas survenus entre 1946 et la promulgation de la Constitution de 1988. Cela permet l’admission de demandes d’amnistie au-delà des limites chronologiques fixées par la loi de 1979, favorisant ainsi les petroleiros licenciés après les grèves de 1983. Les articles de cette loi définissent également les types de sanctions qui rendent un plaignant éligible au statut d’amnistié.

34Selon Matheus Vitorino Machado (2022), la législation sur l’amnistie adoptée après la dictature militaire résulte de l’institutionnalisation du lobby exercé par les associations des travailleurs et des militaires cassados. Les critères de réparation établis par cette loi, mis en place par la Commission d’amnistie, accordent une plus grande attention aux travailleurs qu’à d’autres groupes de victimes. Néanmoins, cette législation n’a pas résolu tous les problèmes auxquels font face les petroleiros, notamment la démonstration du caractère politique de leurs licenciements. Au fil des années, la Commission d’amnistie a subi des transformations, tant au niveau de sa structure que de la compréhension de la fonction des politiques de réparation. Les petroleiros licenciés ont dû relever de nouveaux défis pour prouver qu’ils ont été victimes de persécution politique.

Commission d’amnistie

35Au début de son activité, la Commission d’amnistie a examiné les demandes préalablement soumises aux ministères, transférées à la nouvelle commission. La politique de réparation menée par la Commission a été vivement critiquée. Certains secteurs conservateurs l’ont qualifiée de manière péjorative de « bourse dictature » en raison des indemnités versées aux amnistiés. Des groupes de défense des droits humains et de victimes ont souligné que la législation était trop axée sur la dimension du travail, négligeant ainsi les préjudices subis par les victimes de tortures non liées à un emploi. Les demandeurs d’amnistie ont exprimé leur mécontentement quant à la lenteur du processus : depuis 2001, de nouvelles demandes d’amnistie ont été déposées en plus des procès issus des ministères. Cependant, la Commission manquait de structuration et de budget.

36En réponse aux critiques, certains critères de paiement des indemnités ont été modifiés. Les changements les plus significatifs de la Commission d’amnistie ont eu lieu à partir de 2007, pendant le deuxième mandat de Luiz Inácio Lula da Silva à la Présidence de la République. Le nouveau ministre de la Justice, Tarso Genro, a nommé le juriste Paulo Abrão à la présidence de la Commission d’amnistie. Abrão était professeur d’université spécialisé dans les droits humains, raison pour laquelle Genro l’a choisi (Alves 2015, 68-71). Sous la présidence d’Abrão, de nouveaux projets ont été mis en place pour répondre aux critiques vis-à-vis des premières gestions.

37Les nouveaux membres de la Commission d’amnistie se sont appuyés sur les normes internationales des droits humains pour légitimer et donner un sens politique à ces projets. Outre les réparations financières, des politiques de mémoire de la dictature ont été créées, comme le projet Marcas da Memória [Traces de la mémoire] et le Memorial da Anistia [Mémorial de l’amnistie]. Ces initiatives ont été élaborées avec la promotion de la notion de justice transitionnelle, grâce à un intense dialogue établi entre la Commission et le monde universitaire (Alves 2015, 83-89). Le recentrage des activités de la Commission vers la justice transitionnelle a eu deux effets majeurs. Premièrement, la pratique de la réparation a été justifiée par les normes internationales relatives aux droits des victimes de violations des droits humains. Deuxièmement, ces projets ont été investis de la mission de rompre avec les héritages de la dictature militaire pour consolider la démocratie.

38La réorientation de la Commission d’amnistie relève d’une volonté consciente de donner une nouvelle signification à l’amnistie, d’où la désignation de cette étape par leurs membres comme un « tournant herméneutique ». Plutôt que de représenter l’impunité ou le pardon concédé par l’État aux personnes punies par les lois de la dictature, l’amnistie est désormais considérée comme un geste par lequel c’est l’État qui demande le pardon aux persécutés politiques. Les membres de la Commission ont cherché à faire de la réparation un « axe structurant » de la justice transitionnelle au Brésil (Abrão & Torelly 2011). Pour eux, l’amnistie détient un potentiel politique essentiel dans la transition brésilienne en raison de son enracinement dans les mouvements sociaux et des débats autour de sa signification au long de la redémocratisation. Ils expliquent qu’à partir des politiques de réparation instituées par la Constitution en 1988, les autres axes de la justice transitionnelle ont pu être développés et intégrés dans les programmes des mouvements sociaux et des politiques brésiliennes des droits humains (Abrão & Torelly 2012).

39En somme, ce « tournant herméneutique » a mis en exergue une dimension morale et symbolique de la réparation centrée sur la reconnaissance de la responsabilité de l’État et le rétablissement de la dignité des victimes. Outre le redéploiement du sens de la réparation, le « tournant herméneutique » de la Commission d’amnistie a impliqué une compréhension plus large des victimes de la dictature. Le persécuté politique est-il le travailleur puni par un acte d’exception, ou peut-il être également le prisonnier politique torturé ? Le travailleur licencié injustement à cause de son engagement syndical est-il victime d’une violation des droits humains ?

40Les petroleiros, ainsi que d’autres travailleurs, ont fait face à une situation paradoxale : si les critères établis par la loi créant la Commission d’amnistie résultent de leurs revendications et mettent l’accent sur les persécutions subies dans le domaine du travail, dans la pratique ils rencontrent des difficultés particulières à inscrire leurs expériences dans les critères de la « raison politique ». Alors que la persécution subie par des groupes d’opposants à la dictature affectés par une violence physique est évidente selon la notion de violations de droits humains, certains petroleiros licenciés sur la base de lois ordinaires ont eu du mal à établir un lien entre leur licenciement et leur engagement politique.

41Pour illustrer cette situation, nous présenterons trois dossiers d’amnistie de petroleiros. Ces cas ont été sélectionnés à partir d’une base de données fournie en 2020 par les archives de la Commission d’amnistie contenant des informations sur près de 70 000 demandes classées – c’est-à-dire analysées et jugées – dont 2 024 concernant des dossiers déposés par des petroleiros. Pour cette étude, nous avons analysé 20 dossiers, choisis en fonction du genre du demandeur, de l’âge et de la décision finale. Pour cet article, nous avons sélectionné trois cas représentant la diversité des expériences, ainsi que les obstacles pour démontrer la nature politique des licenciements.

42Bien que les requêtes d’amnistie soient déposées individuellement, depuis 2001 de nombreux plaignants de la Petrobras ont formulé leurs demandes collectivement. Des associations, comme l’Associação Brasileira dos Anistiados Políticos do Sistema Petrobras [Association brésilienne des amnistiés politiques su système Petrobras] et les organisations syndicales de petroleiros, ont guidé, assisté et fourni des documents pour la formulation des demandes d’amnistie. Malgré ces actions collectives, la décision de la Commission d’amnistie demeurait limitée à chaque cas individuel. Bien que les cas s’inscrivent dans une histoire plus large de la dictature et que les événements ont été vécus collectivement, les effets de la persécution politique sont mis en avant en fonction des expériences personnelles : la persécution politique acquiert un sens d’injustice dans l’ensemble de leurs biographies.

  • 22 « Requerimento de anistia n° 2001.01.01313 », Brasília, Fonds Comissão de Anistia, pasta « Petrobr (...)

43Cela est évident dans le dossier d’amnistie de Lázaro22, déposé en 2001. Bien que sa demande soit fondée sur les persécutions subies pendant la dictature, il a recours à des événements antérieurs à 1964 pour faire la démonstration du lien entre son licenciement et son engagement politique. Lázaro figure parmi les fonctionnaires de la Petrobras qui ont été destitués le 1er avril 1964 après le coup d’État en raison des mouvements pour la nationalisation de l’entreprise. Sa requête concerne davantage la pension de retraite obtenue en 1979 avec la loi d’amnistie, mais sans réajustement adéquat dans les années suivantes. En 2002, la Commission d’amnistie confirme son statut d’amnistié politique et lui accorde une réparation. Cependant, Lázaro n’était pas satisfait du résultat de ce procès. Il déposa alors une nouvelle demande d’amnistie par l’intermédiaire de son propre avocat, dans laquelle on comprend mieux sa trajectoire personnelle et son engagement politique.

  • 23 Id., fls. 189.
  • 24 Ibid., fls. 189.
  • 25 Ibid., fls. 190.

44Avant d’être fonctionnaire de la Petrobras, Lázaro était un militaire de la Marine qui a combattu lors de la Seconde Guerre mondiale. À son retour au Brésil, il a été décoré en tant que héros de guerre. En 1952, la Marine l’a mis dans la réserve en guise de punition pour avoir incité à l’indiscipline23. Le sentiment d’injustice mis en avant par Lázaro prend tout son sens si l’on prend en considération l’ensemble de sa trajectoire : ayant combattu le nazi-fascisme pendant la guerre, il se sent lésé parce que son rôle patriotique n’a pas été valorisé24. L’avocat de Lázaro affirme qu’il a été persécuté à de nombreuses reprises après avoir été réformé de la Marine25. Sa demande d’amnistie vise donc non seulement la réparation de son licenciement arbitraire de la Petrobras en 1964, mais il cherche également la reconnaissance de l’État pour les nombreuses persécutions qu’il estime avoir subies en raison de ses convictions politiques.

  • 26 « Requerimento de anistia n° 2003.04.18498 », Brasília, Fonds Comissão de Anistia, pasta « Petrobr (...)
  • 27 Id., fls. 3.
  • 28 Ibid., fls. 3.

45D’autres dossiers de petroleiros contiennent moins d’informations sur l’engagement politique des demandeurs, notamment dans les procès déposés au cours des premières années de la Commission d’amnistie. La demande d’amnistie de João26 a été déposée en 1985 auprès du ministère des Mines et de l’Énergie, fondée sur l’amendement constitutionnel n° 26. Son dossier a été renvoyé par le ministère à la Commission d’amnistie en 2002. Il affirme avoir été licencié de la Petrobras en 1970 « en raison du coup d’État politico-militaire institutionnalisé à partir du 31 mars 196427 ». Il aurait été licencié pour son rôle en tant que dirigeant syndical. En conséquence, João déclare se trouver dans des « conditions [financières] précaires ». Après avoir obtenu une retraite en 1984, il affirme gagner l’équivalent de « moins de trois fois le salaire minimum, alors que s’il était encore employé par la Petrobras ou s’il avait pris sa retraite avec la rémunération et les conditions de petroleiro, il pourrait bénéficier de la retraite [de la Petrobras]28 ». Il gagnerait davantage et aurait une situation moins fragile.

  • 29 Ibid., fls. 17.
  • 30 Ibid., fls. 37-38.

46En 2008, sa requête est rejetée. Dans des documents envoyés par la Petrobras à la Commission, l’entreprise a déclaré que l’ancien employé n’a pas été licencié en raison de son activité syndicale. Il aurait été placé en « surplus » en 1970 après une réduction des effectifs dans les raffineries de la région amazonienne. Un document de l’entreprise indique qu’en 1976, il a demandé sa réintégration à la Petrobras. Toutefois, on lui aurait déconseillé de reprendre ses fonctions « en raison de son niveau d’éducation précaire combiné au facteur d’âge, en plus de l’inexistence d’un poste vacant dans le cadre de l’emploi de cet organisme29 ». La Commission d’amnistie a fondé son refus sur le fait qu’il n’y avait « aucune preuve de la motivation politique à l’origine de son licenciement de l’entreprise ». Malgré les tentatives de la Commission de contacter João pour lui demander des documents, il n’a jamais répondu à ces contacts. Le refus à l’amnistie est justifié donc par le manque de preuves et de « manifestation de l’intéressé ou du caractère adéquat de la demande d’amnistie30 ». La version présentée par la Petrobras, selon laquelle le licenciement n’a pas de connotation politique, a prévalu faute de preuves et de contexte fournis par João sur ses activités syndicales au sein de l’entreprise.

  • 31 « Requerimento de anistia n° 2002.01.10636 », Brasília, Fonds Comissão de Anistia, pasta « Petrobr (...)
  • 32 Id., fls. 150.

47Le dossier de Regina31 met en évidence les défis auxquels sont confrontés certains petroleiros pour prouver le caractère politique de leurs licenciements, notamment dans les cas de licenciements massifs lors des grèves des années 1980. Sa demande d’amnistie, formulée sans avocat, décrit les formes de harcèlement moral qu’elle a subies dans l’entreprise en raison de l’activité syndicale de son mari, dans le but de la forcer à résilier son contrat. N’ayant pas « cédé », elle a été mise à la retraite sous prétexte d’invalidité à l’âge de 38 ans. En 2008, la Commission d’amnistie a rendu une décision confuse en lui accordant le statut d’amnistiée politique sans réparation économique. Les membres de la Commission ont reconnu que cette décision « n’exclut pas de façon péremptoire la possibilité que la requérante ait été persécutée32 », pourtant il manquait de preuves de la motivation politique des faits exposés.

48Après cette décision, Regina a envoyé des photos originales montrant sa participation au syndicat de la Petrobras, mettant en avant son engagement dans un projet d’alphabétisation des adultes. Cependant, pour la Commission d’amnistie, ces photos ne suffisent pas à prouver la persécution politique. En 2014, des avocats d’associations de petroleiros ont demandé la révision de la décision concernant Regina et d’autres requérants qui n’avaient pas obtenu une compensation économique. Ils ont argumenté que les persécutions qu’ils ont subies devraient être examinées collectivement : si d’autres bénéficiaires du statut d’« amnistié » avaient reçu une réparation, ceux qui avaient fait partie du même mouvement politique au sein de la Petrobras devraient également avoir le droit d’être indemnisés.

49Cette action collective devant la Commission d’amnistie, soutenue par les associations de la Petrobras, visait à contourner la difficulté de prouver les persécutions politiques individuelles. Les licenciements massifs de participants aux grèves des années 1980 étaient largement documentés dans des articles de presse joints aux procès. Pourtant, l’absence de documents plus solides reliant les licenciements individuels à une motivation « strictement politique » de la persécution a entraîné des refus d’amnistie, même si l’allégation de la requérante est tout à fait plausible.

50Les trois cas exposés suggèrent que les critères d’attribution du statut d’amnistié politique, loin d’être établis, sont négociés tout au long des procédures de la Commission d’amnistie. L’objectif de la politique de réparation prend tout son sens pour chaque individu en fonction des préjudices que l’autoritarisme a causés à leurs trajectoires. Dans les dossiers examinés, il est possible de constater que, bien que la loi établisse des critères qui prennent en compte les travailleurs affectés, la reconnaissance du motif politique derrière les licenciements est encore fragile et nécessite des preuves qui sont parfois difficiles à obtenir, surtout dans les cas de sanctions qui n’ont pas été basées sur des lois d’exception.

Considérations finales

51Alors que de nombreux pays voisins du Brésil ont adopté des lois d’amnistie après la fin des régimes autoritaires, la plupart d’entre eux ont ensuite pris des initiatives de responsabilisation. Cette attitude a contribué à la diffusion globale des normes des droits humains et à différentes formes de responsabilisation qui peuvent se faire par le biais de mécanismes de justice transitionnelle, au-delà des poursuites judiciaires (Sikkink 2011 ; Skaar, García-Godos & Collins 2016). Contrairement à ses voisins, la loi d’amnistie au Brésil a été maintenue pour favoriser l’impunité des militaires, mais des transformations ultérieures ont permis d’en faire une mesure de réparation pour les personnes politiquement persécutées, conformément aux règles du droit international des droits humains développées à partir des années 1980.

52Dans les années 2000, notamment après le « tournant herméneutique » de la Commission d’amnistie, l’alignement de la pratique de réparation avec les normes internationales a permis une reformulation de l’amnistie centrée sur les victimes de persécution politique. Cette reformulation pose des questions sur les sujets des droits humains : qui est victime et qui mérite réparation ? La difficulté à intégrer des individus persécutés par des mesures ordinaires, comme les licenciements, aux politiques de réparation n’est pas propre au Brésil, mais concerne tout le domaine de la justice transitionnelle.

53La responsabilisation des acteurs économiques dans les crimes perpétrés par les dictatures est considérée comme périphérique dans ce domaine, dont les mécanismes sont principalement axés sur les victimes de violence physique. La compréhension dominante de ce qui constitue une violence réparable, implicite dans les initiatives de justice transitionnelle, est limitée car elle néglige le poids de la violence économique dans les conflits des pays en transition (Sharp 2014). Bien que des études montrent que la justice transitionnelle intègre peu à peu la responsabilisation des acteurs économiques, cette constatation reste liée à leur complicité dans des actions engendrant des violences physiques (Pereira, Bernal-Bermúdez & Payne 2020). Le cas de la dictature brésilienne est emblématique à ce sujet, car si les entreprises publiques et privées ont financé et participé activement à la répression et à la torture (Weichert 2011 ; Bohoslavsky & Torelly 2014), la persécution des travailleurs par le biais de licenciements et des « listes sales » a affecté des milliers de personnes en ce qui concerne leurs conditions économiques d’existence.

  • 33 Ce nombre a augmenté dans les années 2000, bien que de manière peu significative. Le rapport final (...)

54La première politique adoptée dans les années 1990 concernant les morts et disparus politiques a reconnu 320 victimes de violations des droits humains. Ce nombre comprend principalement des militants de gauche qui ont été affectés par la violence physique33. La Commission d’amnistie a reçu près de 70 000 requêtes d’amnistie jusqu’à 2011 (Bohoslavsky & Torelly 2014, 246). Ces chiffres suggèrent que la répression a été exercée plus largement que par la violence physique seule. Ils suggèrent aussi que l’État brésilien avait reconnu un nombre restreint de victimes de la violence dictatoriale, sans pour autant prendre en compte de manière satisfaisante la complexité des formes de persécution politique sous la dictature, y compris par le recours à la violence économique.

55Compte tenu du fait que chaque politique de réparation et de mémoire adoptée par l’État brésilien représente un pas dans une négociation impliquant de nombreuses résistances pour faire face au passé récent, ce nombre élevé de demandes d’amnistie témoigne de la mobilisation de groupes pour la reconnaissance et la réparation de la persécution subie pendant la dictature. En outre, selon Glenda Gathe Alves, la politique de la Commission d’amnistie après le « tournant herméneutique » ne suppose pas seulement la reconnaissance par l’État de la condition de victime de la dictature. Cela suscite aussi un projet de relecture de l’histoire : le récit sur le passé dictatorial mis en avant par les membres de la Commission, en interaction avec les plaignants qui choisissent et contestent la représentation qu’ils veulent donner à leurs identités et trajectoires, « déterminent non seulement qui sera indemnisé ou réparé moralement, mais aussi comment l’histoire de la dictature, des luttes pour l’ouverture et du militantisme de ces personnes sera racontée » (Alves 2015, 117).

56Les dossiers d’amnistie des petroleiros suggèrent que, bien que le langage des droits humains porté par cette institution puisse conduire à une certaine lecture sur ce qui relève de la persécution politique, la compréhension des catégories dans lesquelles les demandes d’amnistie s’inscrivent est constamment négociée. Les critères de la législation et des orientations de la Commission d’amnistie demeurent des contraintes pour la formulation des requêtes. Néanmoins, lorsqu’ils se présentent en tant que sujets éligibles au statut d’« amnistié politique », les plaignants façonnent un récit de leurs biographies en articulant le cadre normatif existant avec des stratégies visant à prouver qu’ils ont été persécutés par la dictature.

57Cet article ne prétend pas répondre à toutes les questions soulevées. Nous cherchons à comprendre comment les catégories des droits humains peuvent aussi bien légitimer les revendications des droits des victimes que limiter la reconnaissance de l’arbitraire exercé contre certains groupes lorsque l’État adopte une compréhension limitée des sujets atteints par la violence dictatoriale. Ce faisant, nous abordons un groupe peu étudié, avec l’intention d’ouvrir des pistes dans le cadre d’une recherche doctorale en cours. Les requêtes d’amnistie des petroleiros interrogent les multiples façons dont l’autoritarisme a affecté les citoyens, ainsi que la manière dont on comprend le passé récent par le biais des catégories des droits humains.

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Notes

2 « “Vocês existem e são valiosos para nós”: leia a íntegra do discurso de Silvio Almeida », Congresso em Foco, 3 janvier 2023. Disponible sur : https://congressoemfoco.uol.com.br/area/governo/leia-a-integra-do-discurso-de-silvio-almeida-somos-a-vitoria-dos-nossos-antepassados/ (consulté le 24 février 2023).

3 Avant la création de la Commission d’amnistie, le droit à la réparation associé à l’amnistie était appliqué par des commissions diffuses, installées dans les ministères. La Commission d’amnistie a été créée afin de centraliser dans une seule institution fédérale l’analyse des demandes d’amnistie et le versement des indemnités auxquelles les persécutés politiques ont droit.

4 On entend la justice transitionnelle comme un ensemble de mesures adoptées à la fin des régimes autoritaires ou de conflits civils pour gérer les conséquences des violences lors des transitions politiques dans le but de restructurer l’État de droit démocratique. Outre les poursuites judiciaires des auteurs de violations de droits humains, ces mécanismes peuvent comprendre des commissions de vérité, des politiques de réparation et mémoire et la réforme des institutions étatiques. La notion de justice transitionnelle a émergé à la fin du XXe siècle et a été liée à des normes internationales des droits humains au cours des années 2000. Cf. Teitel (2003) ; Arthur (2009) ; Bell (2008).

5 En 1974, après l’une des périodes les plus violentes de la dictature sous le gouvernement du général Emílio Garrastazu Médici, le général Ernesto Geisel accéda à la présidence et lança un plan d’ouverture politique du régime, appelé distensão [distension]. La distensão était dite « lente, graduelle et sûre » en raison du contrôle du processus d’ouverture par les militaires.

6 Après le coup d’État militaire du 1er avril 1964, les hauts dirigeants de l’armée ont promulgué le premier acte institutionnel (AI-1) le 9 avril 1964. Cet acte institutionnel conféra aux militaires des pouvoirs supérieurs à la Constitution en vigueur à l’époque, ainsi que la suspension des droits politiques et la révocation des mandats législatifs. Tout au long de la dictature, le gouvernement militaire a utilisé 17 actes institutionnels comme base légale pour l’exercice de la répression contre les personnes considérées comme subversives et ennemies du régime, l’AI-5 étant le plus répressif.

7 Cf. le rapport de l’Université fédérale de São Paulo (Unifesp) sur la responsabilité d’entreprises dans les violations de droits humains pendant la dictature (Projet « A Responsabilidade… » 2023).

8 « Contribuição à discussão sobre a estrutura do CBA », S.l., Fonds Comitê Brasileiro pela Anistia, pasta 001, p. 3, s.d. (Archives Edgard Leuenroth/Unicamp, Campinas, SP).

9 Loi n 6.683 du 28 août 1979 [Loi d’amnistie], art. 1° §2°. Disponible sur : https://www.planalto.gov.br/ccivil_03/leis/l6683.htm (consulté le 23 juin 2023).

10 Depuis 1965, la dictature militaire a institué un régime de bipartidarisme. Deux partis politiques ont été autorisés : l’Aliança Renovadora Nacional (ARENA) et le Movimento Democrático Brasileiro (MDB). Alors que l’ARENA était le parti de soutien au régime militaire, le MDB était le parti de l’opposition « permise » par les militaires. Pendant les travaux de la Commission mixte, les politiciens du MDB ont essayé de contester le projet de loi d’amnistie qui serait voté.

11 Après le coup d’État de 1964, des milliers de militaires opposés au mouvement putschiste ont été punis. Ils ont subi des processus de « cassation » de leurs droits politiques et ont été expulsés de l’armée. Ces militaires ont participé très activement aux campagnes pour l’amnistie et ont été connus comme des militaires cassados. Cf. Schneider (2013).

12 Loi n° 6.683 du 28 août 1979 [Loi d’amnistie], article 3. Disponible sur : https://www.planalto.gov.br/ccivil_03/leis/l6683.htm (consulté le 6 mars 2023).

13 « Resumo das resoluções do Congresso Nacional pela Anistia », São Paulo, Fonds CBA – Comitê Brasileiro pela Anistia, pasta 66, p. 7 (Centro de Referência Virtual Brasil Nunca Mais), novembre 1978.

14 « Moção de denúncia da Comissão de Operários », S.l, Fonds CBA – Comitê Brasileiro pela Anistia, pasta 66. (Centro de Referência Virtual Brasil Nunca Mais), s.d.

15 Document sans titre, S.l., Fonds CBA – Comitê Brasileiro pela Anistia, pasta 67 (Centro de Referência Virtual Brasil Nunca Mais), s.d.

16 « Reunião da Comissão Executiva Nacional dos Movimentos de Anistia », Belo Horizonte, Fonds Movimento Feminino pela Anistia (Centro de Referência Virtual Brasil Nunca Mais), pasta « Ação Política ».

17 Id., p. 2.

18 Ibid, p. 3.

19 Le projet « Brasil : Nunca Mais » [Brésil : plus jamais] a été coordonné par l’archidiocèse de São Paulo et le Conseil municipal des églises, sous la direction du cardinal-archevêque de São Paulo Dom Paulo Evaristo Arns et du révérend Jaime Wright. Après l’approbation de la loi d’amnistie de 1979, les avocats des prisonniers politiques ont pu accéder aux archives du Supérieur tribunal militaire (STM) pour demander l’amnistie des prisonniers. Pendant cinq ans, de manière clandestine, les avocats ont photocopié les dossiers de la justice militaire pour cartographier la répression de la dictature et préserver les preuves de tortures pratiquées. Ce travail a abouti à la publication d’un rapport volumineux de plus de 6 000 pages, le Projet A, contenant des preuves de torture et de décès perpétrés par des agents de l’État. Une version synthétique de ce rapport, le Projet B, a été publiée en 1985 sous forme d’un livre intitulé Brasil: Nunca Mais. Ce livre a été un best-seller à l’époque. Les rapports et les documents de la justice militaire sont numérisés et disponibles en ligne sur : https://bnmdigital.mpf.mp.br/pt-br/ (consulté le 6 juillet 2023).

20 « Atos das disposições constitucionais transitórias de la Constitution fédérale de 1988 », article 8. Disponible sur : https://www.planalto.gov.br/ccivil_03/constituicao/constituicao.htm#adct (consulté le 7 mars 2023).

21 Id.

22 « Requerimento de anistia n° 2001.01.01313 », Brasília, Fonds Comissão de Anistia, pasta « Petrobras » (Archives de la Comissão de Anistia, Ministério dos Direitos Humanos e Cidadania). Tous les prénoms des plaignants sont fictifs afin d’anonymiser les individus.

23 Id., fls. 189.

24 Ibid., fls. 189.

25 Ibid., fls. 190.

26 « Requerimento de anistia n° 2003.04.18498 », Brasília, Fonds Comissão de Anistia, pasta « Petrobras » (Archives de la Comissão de Anistia, Ministério dos Direitos Humanos e Cidadania).

27 Id., fls. 3.

28 Ibid., fls. 3.

29 Ibid., fls. 17.

30 Ibid., fls. 37-38.

31 « Requerimento de anistia n° 2002.01.10636 », Brasília, Fonds Comissão de Anistia, pasta « Petrobras » (Archives de la Comissão de Anistia, Ministério de Direitos Humanos e Cidadania).

32 Id., fls. 150.

33 Ce nombre a augmenté dans les années 2000, bien que de manière peu significative. Le rapport final de la Commission nationale de la vérité (2012-2014), publié en 2014, a compté 434 morts et disparus politiques. Les critiques soulignent que ce chiffre est insuffisant, car il ne prend pas en compte les milliers de décès d’individus d’autres groupes, comme de paysans et des populations indigènes.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Carolina Rezende, « « Pour des raisons exclusivement politiques » : l’amnistie des petroleiros et les droits humains au Brésil »Brésil(s) [En ligne], 25 | 2024, mis en ligne le 31 mai 2024, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bresils/17418 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11qxm

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Auteur

Carolina Rezende

Carolina Rezende est historienne, doctorante en cotutelle au Centre de recherches historiques de l’École des hautes études en sciences sociales (CRH-EHESS) et à l’Université fédérale du Rio Grande do Sul (UFRGS).
ORCID : https://orcid.org/0000-0002-7049-7679.

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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