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Tribunal populaire de la pêche : réciprocités politiques en temps de crise de la filière

Tribunal Popular da Pesca: reciprocidades políticas em situação de crise da atividade pesqueira
Fishing Popular Court: Political Reciprocities in Fishing Industry Crisis Situations
Winifred Knox, José Gomes Ferreira, Delma Pessanha Neves et Louyse Rodrigues da Silva
Traduction de Pascal Rubio

Résumés

L’article se penche sur le Tribunal populaire de la pêche, une action-performance qui met en lumière une stratégie régionale de mobilisation professionnelle de pêcheurs pour mener à bien des négociations, ainsi que des pratiques de réciprocité politique autour de la filière de la pêche à l’occasion d’une catastrophe : la marée noire qui s’est étendue de la région Nordeste à la côte Sud-Est du Brésil, d’août 2019 à janvier 2020.

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Notes de la rédaction

Article reçu pour publication en juin 2022 ; approuvé en février 2023.

Texte intégral

  • 2 Rapport technique nº 6898984/2020, Coordination générale d’urgences environnementales CGMA/DIPRO d (...)

1Nous sommes partis de l’ensemble d’évènements désignés sous le nom de « marée noire » sur la côte du Nordeste du Brésil, rapportés dès le 30 août 2019 dans les journaux locaux et inlassablement reproduits, pendant deux mois, dans des reportages qui révélaient l’apparition de nappes de pétrole de diverse ampleur sur des plages des États de la région. Ces informations ont fait la Une de la presse pendant tout le mois d’octobre et ont été au centre des attentions du « Plantão » (Breaking news) de la chaîne de télévision Globo, avant de quitter progressivement la scène en novembre et l’ensemble des journaux locaux à la fin décembre. Or les notifications officielles disponibles sur le site de l’IBAMA (Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables) indiquent que des nappes de fioul ont été repérées jusqu’à la fin du mois de janvier 20202.

2Cette marée noire, qui venait s’ajouter aux vulnérabilités préexistantes et à l’urgence sanitaire mondiale provoquée par le COVID 19, est ici traitée comme catastrophe environnementale (Latour et al. 2018). Cette catégorisation (Herculano 2012 ; Soares et al. 2022) correspond aux impacts subis par des territoires socialement et économiquement fragilisés, redimensionnés, parce que le pétrole a touché la faune et la flore marines, principales sources de subsistance des populations de pêcheurs, et, dans un sens plus large, parce que ce phénomène inattendu a plongé un ensemble d’êtres humains et non humains dans la précarité.

3L’article s’attachera à démontrer les implications sociales de cet événement devant l’émotion soulevée. L’événement a aussi mis en lumière des problèmes de toutes sortes auxquels les membres de ces communautés sont confrontés. Il a attiré l’attention d’organismes chargés de formuler et d’agencer des politiques publiques, et il a pu constituer un puissant levier de réorganisation pour la catégorie professionnelle des pêcheurs (hommes et femmes) traditionnels. On s’intéressera tout particulièrement au Tribunal populaire de la pêche, une singulière expérience de réflexion sur les droits, la citoyenneté, l’organisation sociale, la réaffirmation économique et politique de ces métiers. La catastrophe est ainsi devenue un instrument de prise de conscience dans le processus engagé pour défendre des droits, et revendiquer des acquis liés à la notion du droit, et ce, en raison des difficultés d’accès à la justice.

4Pour mener à bien notre étude, nous avons choisi d’analyser les discours tenus par des acteurs sociaux importants et variés. D’un côté, il s’agissait de comprendre l’impact de la catastrophe sur les communautés de pêcheurs ; comment un tel impact a été et est toujours construit. D’un autre, il s’agissait de suivre la dynamique sociale de la constitution du Tribunal. Notre approche a été ethnographique et nous avons mis en valeur la construction de cette performance que fut le Tribunal, la pluralité de ses signifiés dans la réflexion collective sur les droits sociaux et environnementaux face à l’action, ou l’inaction, de l’État.

5Le but était de dresser un panorama de la vulnérabilité et de l’abandon auxquels sont livrées ces communautés en s’appuyant sur les discours construits dans le cadre de la mobilisation, en particulier ceux des médiateurs qui guidaient l’engagement des pêcheurs, hommes et femmes, et élaboraient un univers linguistique spécifique. Par le biais de discours, de gestes, de mobilisations et d’incitations au ralliement du public et de ces représentants, tous ont monté un argumentaire en faveur de la pêche artisanale et de la « justice bleue ». Ce qualificatif est significatif et en lien avec celui d’« économie bleue » qui recouvre les activités économiques liées aux océans, mers et côtes (Schreiber, Chuenpagdee & Jentoft 2022). La justice bleue, par corollaire, exprime des droits spécifiques, ceux d’une population côtière mondiale, intimement liée à l’océan, qui exploite les ressources marines et travaille à une échelle artisanale. Pour cela, nous tiendrons compte aussi des évolutions récentes : le démantèlement des schémas institutionnels des politiques publiques ; les aspects sociaux et économiques du secteur de la pêche.

6Le Tribunal populaire s’est tenu le 14 janvier 2020, dans les installations de l’Institut fédéral du Rio Grande do Norte – Centre, à Natal. D’après les organisateurs – la direction du mouvement en réseau MangueMar/Rio Grande do Norte (RMM/RN) – 90 personnes étaient présentes ; parmi elles 47 artisans-pêcheurs, des hommes et des femmes représentant quatorze colonies de pêcheurs, des délégués des associations et de la Fédération de la pêche du Rio Grande do Norte et des mouvements nationaux de la pêche, comme l’Articulation nationale des femmes pêcheurs (ANP) et le Mouvement des hommes et femmes pêcheurs (MPP). Toujours d’après les organisateurs, la mission du Tribunal était de collecter des informations afin de se constituer partie civile auprès du Ministère public fédéral Rio Grande do Norte, mais aussi de faire connaître les pertes et les dommages entraînés par l’énorme crime environnemental, inédit dans l’histoire du Brésil.

  • 3 Rede MangueMar, « Tribunal Popular da Pesca », disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=-k (...)

7Les procédés d’enquête se sont appuyés sur l’observation participante de longue durée par des chercheurs accompagnant des communautés de pêche, et sur les attaches du groupe WhatsApp du RMM/RN auprès des colonies, associations et mouvements sociaux. Ces relations ont pu se nouer grâce aux rapports de confiance établis dans le cadre de projets de recherche et de diffusion publique des projets de recherche, menés le long de la côte de l’État du Rio Grande do Norte (Knox 2009). En dépit de la relative proximité avec les leaders, le jour de la tenue du Tribunal nous étions présents en tant qu’auditeurs invités, sans droit à la parole, à l’instar des responsables publics présents ; les pêcheurs pouvaient seuls s’exprimer et conduire le rituel spectaculaire sous la houlette du Réseau MangueMar. Nous avions demandé à la direction du Réseau l’autorisation d’enregistrer les dépositions faites au pupitre. Les enregistrements audios ont été transcrits, mais nous avons choisi de n’utiliser que les témoignages diffusés sur la chaîne Youtube du Réseau MangueMar3, qui avait engagé une équipe professionnelle pour filmer. D’après le Réseau, tout l’argent reçu a aussi servi à financer le déplacement et les frais de bouche des représentants de divers villages du littoral de l’État vers la capitale.

8Cet article présente trois parties, avec introduction et conclusion. La première partie fournit des données sur le contexte précédant le Tribunal ; la seconde des interprétations touchant l’espace de politisation du droit et le caractère performatif de l’imitation d’un tribunal de justice ; la troisième s’attache à la pluralité des discours, leurs procédés d’élaboration et les énonciations à caractère politique. De façon générale, nous cherchons à élaborer des connexions valorisantes pour les témoignages, parallèlement à la construction de catégories analytiques.

9Dans le but d’accentuer le processus performatif et son potentiel attendu d’émancipation, nous avons adopté un format textuel, calqué sur le langage ritualisé des performances, et nous avons divisé chaque partie en sous-sections baptisées Tableau 1 et 2, Actes 1 et 2, Acteurs 1 et 2, et Épilogue. C’est ainsi que nous étudierons la complexité des requêtes formulées par les acteurs impliqués et la toile de fond du litige.

Articulations préalables : la toile de fond du Tribunal

10La dramaturgie d’Erving Goffman (1959) qui, selon Deegan (1978), se rapproche des réflexions de Turner (1974), permet de mieux comprendre des événements tels que le Tribunal populaire de la pêche : au cours d’une revendication sociale, la participation transforme « littéralement » le problème débattu en théâtre, autorise la représentation des différents intérêts, met les coulisses en lumière. Dans un langage dramatique, les processus qui instaurent les inégalités, les formes de reproductions de ces inégalités et de résistance sont passés au crible. Les postulats cognitifs, les règles normatives et procédurières, les rituels et les comportements expressifs auto-protecteurs révèlent et renforcent l’ensemble des rapports de domination et de subordination, comme le signalent Schwalbe et Shay (2014). Pour ces derniers, la dramaturgie est un instrument utile pour sonder l’inégalité qui pèse sur trois phénomènes : le corps comme signifiant péremptoire, l’habitus expressif et les réseaux de responsabilisation. Le Tribunal populaire de la pêche était structuré comme une pièce de théâtre et, dans la trame de cette pièce, surgissaient des corps qui faisaient face à la pollution, les familles des pêcheurs, leurs représentants et les organisations à caractère socio-politique ; ce sont les images présentes dans les récits que nous avons enregistrés. Conformément au plan établi, nous présentons ci-après le premier tableau.

Tableau 1 – L’accident, les politiques publiques et l’intervention gouvernementale

  • 4 D’après la Police fédérale, le coupable du déversement est désigné ; il s’agirait, à en croire le (...)
  • 5 Rapport technique nº 6898984/2020, Coordination générale d’urgences environnementales CGMA/DIPRO d (...)

11Si l’origine du déversement de pétrole cru qui a touché principalement le Nordeste peut être aisément repérée, il sera difficile d’aboutir à une condamnation au niveau international4, même si la population de onze États y a été exposée et si 130 villes et 1 013 localités ont été touchées5. La lenteur des pouvoirs publics fédéraux a été largement dénoncée car c’est l’État fédéral qui, dans ce type d’occurrences, est seul doté du pouvoir d’enquête internationale, de contrôle, d’adoption de protocoles légaux, de mise en œuvre de politiques publiques de recensement des sinistrés, il peut seul faire le suivi environnemental et introduire des dispositifs compensatoires. Le retard dans l’application des mesures envisageables a provoqué des tensions entre l’État et les collectivités locales. D’un autre côté, devant l’absence de réponse et de saisie immédiate des systèmes d’alerte et des dispositifs institutionnels, les populations littorales ont dû prendre l’initiative et organisé des actions, appelées « manches retroussées », pour ramasser les boulettes de pétrole sur les plages, en s’exposant par là-même à des risques sanitaires. La présence gouvernementale, marquée par les reports successifs des décisions des organismes responsables, est devenue aussi concrète qu’urgente quand la tragédie a touché les États du Sud-Est et quand les grands médias lui ont consacré des flashs d’information. La présence de la catastrophe a été construite par des photographies et des vidéos qui ont largement circulé, des interviews des bénévoles, des populations locales qui nettoyaient les plages. Le sinistre est devenu réel, à l’échelle du Brésil, grâce à cette construction médiatique qui ne commence qu’à compter du 26 septembre, comme le souligne le rapport du Conseil national de droits de l’homme (CNDH 2019). Celui-ci énonce systématiquement les difficultés rencontrées par le principal groupe sinistré, pris dans une double catastrophe : son exposition au risque, l’impact redoublé du sinistre sur une population déjà affectée.

  • 6 Décret nº 8.127, du 22 octobre 2013. Disponible sur : https://www.planalto.gov.br/ccivil_03/_ato20 (...)

12D’après un rapport de la marine brésilienne (Marinha do Brasil 2020, 1), la marée noire a été vécue avec une intensité jamais vécue, ce qui révèle sa singularité, son caractère inédit. Dès le 30 août 2019, l’IBAMA, la marine et la presse ont été informés de « l’apparition de boulettes de pétrole d’origine inconnue sur des plages du littoral du Nordeste ». Dans son rapport sur l’action du Groupe de suivi et évaluation (GAA) du Plan national d’urgence (PNC – Décret nº 8.127, du 22 octobre 20136), la marine décrit ainsi son intervention : « L’autorité nationale a la charge de mettre en place une structure correspondant à l’ampleur de l’accident, dès lors qu’elle a jugé que l’événement avait une portée nationale » (Marine du Brésil 2000, 1, souligné par les auteurs).

13Le document expliquait qu’une commission d’urgence n’avait été engagée que le 14 octobre, soit près de 40 jours après l’apparition des premières nappes de fioul. Ce qui veut dire que le Plan national d’urgence n’a pas été déclenché tant que les neuf États du Nordeste étaient les seuls concernés. Voilà qui est révélateur : le concept de « portée nationale » au sein de la marine (2020, 1), un des organismes en charge du PNC, n’entre en vigueur que lorsque l’incident touche les villes du Sud-Est, alors que neuf États du Nordeste sont déjà pollués (Knox & Ferreira 2023) et que le GAA avait été mis en place, le 14 octobre 2019, au sein du Commandement du 2e district naval, à Salvador de Bahia.

Tableau 2 – La précarité des politiques publiques en faveur de la filière

  • 7 Loi nº 11.959, du 29 juin de 2009. Disponible sur : https://www.gov.br/agricultura/pt-br/assuntos/ (...)
  • 8 Id.

14Un important décret avait institué les droits professionnels des pêcheurs brésiliens, inscrits au Registre général de la pêche, prévu à l’article 93 du Décret-Loi nº 221, du 28 février de 1967. Ce n’est pourtant qu’entre 2003 et 2009 que seront proposées diverses structures institutionnelles pour le secteur de la pêche : la création du secrétariat spécial de l’Aquaculture et de la Pêche (SEAP) ; le Conseil national de la pêche (CONAPE) et, plus tard, la transformation du SEAP en ministère de la Pêche et de l’Aquaculture – MPA, par le Décret nº 6.972 du 29 septembre 2009. Une politique nationale de développement durable de l’aquaculture et de la pêche7 a été mise en place avec la révocation de lois antérieures, alors qu’étaient publiés les décrets d’application sur l’art de la pêche, sur la durabilité et l’utilisation des ressources halieutiques, sur la nature de la pêche, artisanale ou industrielle, des embarcations, des pêcheurs, du contrôle et des sanctions. L’article 24 de la loi stipulait que tout individu ou personne morale « exerçant une activité de pêche, et toute embarcation de pêche, doivent être inscrits au Registre général de la pêche – RGP, ainsi qu’au Répertoire technique fédéral – CT  – conformément à la législation correspondante8 ».

15La mise en place du Registre des pêcheurs professionnels est donc devenue obligatoire, ainsi que la réglementation sur les critères d’inscription qui définit la mise en œuvre de cette politique : « Le ministère de la Pêche et de l’Aquaculture (MPA) est chargé des actions prévues en tête de l’article » selon le Décret nº 8.425, du 31 mars 20159.

  • 10 « Procuradoria Geral da República do MPF recebe os 200 pescadores e pescadoras artesanais na Plená (...)

16Mais ledit ministère a été dissous le 5 avril 2016 (loi nº 13.266) et ses près de 300 collaborateurs ont été versés dans le ministère de l’agriculture. Après 2016, les organismes mis en place dans le secteur voient leurs ressources humaines et budgétaires baisser. Depuis, le Registre général de la pêche n’a pas été mis à jour. Il s’agit là d’une violation supplémentaire des droits des communautés traditionnelles, violations dénoncées par le Conseil pastoral des pêcheurs10, par le MPP et par l’ANP. En s’appuyant sur des chiffres de 2020, le rapport du CPP (Barros, Medeiros & Gomes 2021) fait état de conflits sectoriels environnementaux et sociaux autour des grandes décisions politiques et d’intérêts capitalistes, comme la pêche industrielle, l’industrie pétrolière, l’industrie navale, mais aussi de conflits autour de l’occupation des territoires par des infrastructures de complexes industriels, comme de nouveaux ports et leurs voies d’accès. Par ailleurs, de lourds investissements expulsent les communautés des territoires de pêche traditionnels pour faire place à des aménagements touristiques. S’ajoute une autre série de menaces, telles que l’exposition du littoral brésilien à tous sortes de polluants, pas seulement le fioul des navires et des industries pétrolières.

17La vulnérabilité des communautés traditionnelles de pêcheurs a été étudiée par plusieurs chercheurs. Ils ont montré que, au vu de la courbe d’évolution de la filière, la pêche artisanale est généralement évincée en cas de conflits territoriaux (Mota 2004 ; Menezes & Lobão 2020), et ce, malgré les promesses des politiques (Pérez & Gomez 2014 ; Azevedo & Pierri 2014). D’après Natalia Tavares de Azevedo et Naína Pierri (2014), comme partout dans le monde, la pêche artisanale au Brésil est l’un des secteurs les plus vulnérables devant la pression environnementale et sociale croissante dans la mesure où ces communautés sont soumises à « la pauvreté, à des conditions de vie précaires et à des risques particuliers provoqués, en grande partie, par des problèmes environnementaux qui réduisent leur résilience et leur capacité d’adaptation » (Id., 62).

Acte 1 - Le pouvoir politique et la société civile à l’écoute des pêcheurs

  • 11 Id. Voir aussi Barros, Medeiros & Gomes (2021).
  • 12 Boletim Estatístico da Pesca e Aquicultura, 2011, p. 21. Brasília. Disponible sur : https://www.ic (...)

18Lors de l’audience publique qui s’est tenue à la Chambre des députés, à Brasilia, le 21 novembre 2019, dans le cadre de l’enquête sur la marée noire, les brèves interventions des représentants de la pêche ont ponctué le peu de temps accordé à la population touchée. Le lendemain, toujours à Brasilia, au siège du procureur général de la République, s’est déroulée la séance plénière sur les violations environnementales et sociales dans les communautés de pêcheurs traditionnelles, en présence de 200 artisans pêcheurs, femmes et hommes, de tout le Brésil, mais surtout originaires des états sinistrés, réunis pour une action de mobilisation à portée politique au Congrès, baptisée « Le Cri de la Pêche », organisée par le MPP avec le soutien de diverses associations et de la CPP11. Les témoignages ont fait état d’atteintes graves aux droits des communautés, dont la suspension du Registre général de la pêche. On a souligné l’importance de la pêche artisanale, sa fonction sociale de création de richesse et son importance dans l’alimentation des familles. Il a également été rappelé que la pêche artisanale dans le Nordeste affiche une des plus grosses productions selon le bulletin de la pêche et de l’aquaculture : « En 2011, la région Nordeste est restée en tête pour la production de poisson du pays, avec 454 216,9 tones, soit 31,7 % de la production nationale12 ».

19Pour monter le Tribunal populaire de la pêche et appuyer les revendications des pêcheurs, il a fallu unir des mouvements sociaux très différents, obtenir la participation de secteurs de l’Église catholique et des élus progressistes de l’État du Rio Grande do Norte, mobiliser l’opinion publique : la situation des sinistrés devait entrer dans le débat public pour faire connaître les problèmes causés sur le plan social, humain et environnemental.

Le Tribunal Populaire de la Pêche : qui a le droit d’avoir des droits ?

20L’analyse de la mise en scène participative baptisée Tribunal populaire de la pêche met en évidence le rôle qui lui était expressément dévolu : être un espace de débat où des représentants de la société civile prenaient place afin de construire les droits refusés à des communautés et à des groupes sociaux tels que les pêcheurs. Parmi les droits essentiels, il y a celui de l’accès à la justice dont la majeure partie de la population brésilienne est exclue, en particulier si on tient compte de la formule de Mauss : « Le droit est le moyen d’organiser le système des attentes collectives » (apud Colaço 2019, 305). Dans cette optique, la réflexion sur le droit fournit des voies d’accès à un droit fondé sur un vaste système de lois et d’institutions qui les ratifient, et au droit dit consuétudinaire, ou coutumier, fondé sur les pratiques socialement reconnues, et, toujours d’après Colaço (2019), sur ces normes qui visent à minimiser les conflits. La connaissance de la nature et de la saisonnalité des ressources halieutiques peut donner naissance à des normes dans la pratique sociale, qui souvent fonctionnent sur un double registre, le « natif et le légal » (Id., 303), en inversant l’application, par exemple, sur la question de la fermeture de la pêche en période de reproduction décrétée par l’IBAMA, et l’idée du « droit là où nous n’en n’avons pas » (Ibid., 305).

21La critique des institutions accusées d’entraver la mission qui est la sienne– celle de rendre justice à ceux qui en ont le plus besoin, comme dans le cas présent – émane de l’ensemble de rituels qui confère à certains le droit à la parole et l’interdit à d’autres (Latour 2002). Or pour Cappelletti et Garth (1988), l’accès à la justice est le prérequis fondamental d’un système juridique moderne et égalitaire qui voudrait garantir les droits de tous, cet accès étant le plus fondamental des droits de l’homme.

22La ritualisation organisée en miroir d’une dynamique de cour d’assise, un mécanisme de la justice brésilienne qui met en œuvre l’exercice de l’état de Droit démocratique, s’est, de la même manière, efforcée d’appliquer la loi qui veut que le jury soit formé par des citoyens. L’accusé est alors jugé par des semblables dans un exercice de citoyenneté, principalement parce que c’est ainsi qu’est assurée la participation populaire directe aux jugements proférés par le pouvoir judiciaire (Muniz 2016). Nous avons ici essayé de démontrer l’exercice de représentation en miroir, mais inversée par rapport à celle des assises ou des audiences publiques, dans la mesure où l’espace participatif du Tribunal populaire de la pêche a mis en exergue la place des victimes potentielles. Amplifiant le droit à l’expression publique, à la représentation de la base sociale, les plaignants ont pu mieux s’impliquer comme acteurs sociaux. Ils ont collectivisé leur langage extra-juridique, leurs savoirs profanes, ou plutôt, ils ont mis en lumière le sens d’une (in)justice, des interpositions où, très souvent, ils ne peuvent se reconnaître, en somme le panthéon où le rituel d’un tribunal formel intronise les personnages que sont les avocats et les juges.

23Pour ce faire, le Tribunal populaire de la pêche a été divisé en deux phases : 1° – L’acte d’accusation où les plaintes ont été exposées dans des récits de pêcheurs sélectionnés, invités à répondre à la question fil rouge : « Qu’est-ce que la marée noire a changé dans la vie et le travail de ces pêcheurs ? ». Les réflexions ont été présentées pendant toute la matinée.

24Après le déjeuner s’est déroulée la phase 2 – Le jugement sur le fond – avec l’analyse de l’accusation présentée lors de la phase précédente par un jury populaire, composé de six organisations de la société civile, reconnues pour leur lutte en faveur de l’environnement et des droits de l’homme, avec lecture de la sentence condamnant l’État. Après lecture de la sentence, un avocat populaire joua le rôle de représentant de l’État ; il était aussi membre d’une organisation de la société civile et a plaidé en faveur de l’Union fédérale sous les huées du public. Le Tribunal populaire de la pêche s’est terminé dans l’allégresse, comme si justice avait été faite.

Acte 2 – Prévenus, témoins et accusation

  • 13 Anvisa, Note technique nº 27/2019/SEI/GGALI/DIRE2/ANVISA, 2019. Disponible sur : https://portalcie (...)

25L’analyse des récits des femmes et hommes artisans-pêcheurs a mis en évidence l’impact environnemental de la marée noire sur le littoral du Rio Grande do Norte et ses effets socioéconomiques sur le quotidien des habitants et usagers de ces communautés. Les bouleversements économiques ont été associés à la chute des prix des produits de la pêche, que ce soit les poissons, les fruits de mer, les huîtres ou les crevettes. Beaucoup ont souligné l’impact sur la circulation et les pertes dans le volume des ventes en raison de la menace de pollution, qui toucha même les communautés côtières où il n’y avait pas eu de déversement de pétrole. Systématiser et comprendre l’espace d’expression publique des pêcheurs est un important outil pour appréhender les nuisances et les bouleversements provoqués par cette catastrophe environnementale. La plupart des pêcheurs parlaient de deux à huit semaines passées sans vendre de poissons. Les intermédiaires n’en achetaient plus ou, alors, à moins de la moitié de leur valeur. Selon la note n° 27/2019 de l’ANVISA (Agence nationale de vigilance sanitaire)13, la suspension de vente s’est généralement étalée sur un période de 30 à 60 jours. Comme il était impossible d’effectuer des analyses de détail, tout le poisson a été considéré comme source potentielle de contamination. D’après la représentante de la Colonie Z4/Natal, secrétaire de la Fédération de la pêche, et active dans les mouvements sociaux de l’ANP et du MPP, il y a eu deux types de difficultés : la vente du poisson ; la liste des bénéficiaires de l’aide compensatoire proposée par l’État, versée sous forme de salaire-fermeture de la pêche. Tout en qualifiant cette compensation d’« aide-enfer », les participants ont rappelé que « toutes les villes sinistrées n’étaient pas sur les listes [...], des villes où tous les pêcheurs étaient sinistrés, et leur poisson réduit à zéro ! ». Ils ont parlé d’une liste injuste puisqu’« on y voit un tas de retraités, qui ne travaillent plus, qui touchent l’aide, des gens morts il y a plus de vingt ans qui ont leur nom sur la liste [...]. C’est juste ça ? Non ce n’est pas juste. » La représentante de la colonie de Macau, située sur le littoral nord-ouest de l’État, est revenue sur la chute du prix du poisson et sur les difficultés de commercialisation. Elle a affirmé : « Quand ce pétrole est arrivé dans notre État, dans le Rio Grande do Norte, nous femmes pêcheurs, surtout, on a souffert parce qu’on n’arrivait plus à vendre notre poisson. L’intermédiaire a baissé de beaucoup le prix qui était le bon, pas vrai ? ! ». Avec ça, le désastre s’étend et touche tout le monde, entraînant une augmentation du nombre de sinistrés, comme l’affirme un autre représentant de l’ANP : « Ce que je pense [..] le boulanger, le laitier, le pharmacien, le personnel de la cantine où j’achète les haricots et le riz, tous dans cette chaîne y ont perdu, tu comprends ? ». Dans ce raisonnement, on voit à quel point les effets sur toute une chaîne de commercialisation d’aliments a été bien perçue, tout autant que la simple logique de production et de reproduction. Ce qui a affecté les familles de pêcheurs des colonies sur tout le littoral du Rio Grande do Norte et entraîné un supplément de travail : « On a travaillé plus que deux fois plus, si on travaillait deux heures on a doublé l’horaire pour prendre davantage de fruits de mer, de poisson. » Il fallait bien faire face aux dépenses de base.

26La représentant de la colonie de pêcheurs de Maracajaú/RN, complète : « Ça a été une période vraiment difficile pour les pêcheurs, parce qu’il n’y avait pas moyen de sortir pour pêcher, les organismes environnementaux ne disaient rien de précis et, donc, comment faire pour vivre, pour faire vivre la famille ? » Avant, les pêcheurs vendaient leurs produits à des entreprises, des restaurants et autres services touristiques. Après la marée noire : « Les entreprises n’ont plus acheté parce qu’il n’y avait plus de garantie de recevoir le même produit. » En écoutant les récits-dénonciations des pêcheurs, on constate que la diminution de la valeur marchande du poisson et la routine de travail des communautés présentent des caractéristiques communes qui ont affecté toutes les colonies représentées au Tribunal populaire. Le manque d’acheteurs a fait diminuer les revenus du travail dans la mesure où, sans client potentiel, ces travailleurs ont dû réduire les sorties en mer, voire abandonner la pêche, comme le raconte un pêcheur de Barra de Cunhaú, du littoral sud de l’État : « Les sorties en mer ont diminué. On ne savait plus quoi faire ? ! Si on sortait pêcher, on ne savait pas si on allait vendre ou pas. La survie, c’était trouver un moyen de gagner quelque chose autrement... On cherchait des petits boulots, quelque chose à nettoyer, un jardin à bêcher, n’importe quoi. »

27Le désarroi était palpable et les retombées de la suspension de la pêche provoquaient un stress physique émotionnel, comme le rappelle la représentante de la colonie Z4 et de la Fédération : « vous savez, je n’avais plus un instant à moi, même pas quand j’allais dormir, même pas la nuit ! ! !. Souvent, je dormais et le portable sonnait et c’était quelqu’un pour me dire : “Dona Rosa, il y a une nappe de pétrole ici”. » C’était en grande partie dû à la lenteur de la réaction des pouvoirs publics et des élus liés au monde de la pêche : « ça a été un des pires moments de ma vie comme représentante de la colonie, comme représentante de la Fédération, et ça fait plus de vingt ans que je vis de la pêche, vous savez ? ! » Sans parler de l’angoisse face au désastre : « Mon Dieu, qu’est-ce qu’on va faire ? », « qu’est-ce qu’on peut bien faire ? ». Devant l’inaction du gouvernement fédéral, le parquet de l’État de Sergipe a entamé un procès pour obtenir des mesures compensatoires : dans le cadre du droit du travail, il soulignait la suspension du Registre général de la pêche et pointait le gouvernement comme possible prévenu. Avec une maladresse désastreuse, le gouvernement s’est servi d’une liste de l’IBAMA, datée de 2008, pour dresser celle des bénéficiaires de l’assurance pendant la période de reproduction du poisson : « c’est devenu un enfer avec l’allocation ! Parce que nous, en tant que représentants de la colonie, on se fait prendre à parti par ceux qui ne comprennent pas que leur nom ne soit pas sur la liste alors que ce n’est pas de notre faute ». On voit nettement à quel point des références symboliques, qui expriment des valeurs clefs de la situation du travailleur et de la travailleuse, ressortent des récits sur le désastre. Ces élaborations collectives ont aussi souligné l’impact sur les êtres non humains.

Discursivités dans le déroulement du TPP

28À partir de répétitions discursives, appréhendées dans la perspective de l’analyse du discours et du contenu, nous examinerons les interventions selon les axes suivants : la gestion de la crise ; la manifestation de conflits d’intérêts ; la persévérance de la lutte en tant que deuil renouvelé, enfin, la perception du traitement réservé au secteur. Dans la pratique, ils correspondent à des moyens de construction qui mettent en évidence le vécu d’une lutte constante pour la survie, systématiquement redimensionnée comme une guerre permanente.

Acteurs 1 – La gestion de la crise par les pêcheurs

29Contre la pollution et face à la lenteur des organismes chargés de la gestion de la catastrophe, les pêcheurs représentés par leurs colonies ont été de fait les gestionnaires de la lutte contre la catastrophe. Ils signalent à l’IBAMA et à la marine les nappes d’huile, ils envoient des photos « ça et le reste, je le transmettais rapidement à David [sous-secrétaire de l’État à la Pêche], c’était ce qu’il me demandait », ou ils nettoient des plages sans les équipements appropriés.

30Ils ont aussi dû mettre en place des stratégies pour faire face à la crise socioéconomique, tout en attendant les rapports des experts en toxicologie. D’après la présidente de la Fédération des pêcheurs, la crainte de la contamination avait poussé les dirigeants des colonies à demander aux experts des analyses en laboratoire et des réponses claires sur l’ampleur de l’impact. Rappelons ici l’intervention du président de la Fédération des pêcheurs : « Si nous avions peur que le poisson soit contaminé ? Bien sûr. Mais nous voulions que le laboratoire le dise avec certitude, pour que les médias puissent le dire, mais les médias nous ont devancés ». Les leaders des colonies avaient recueilli des échantillons de poisson pour les envoyer au laboratoire, comme nombre d’entre eux le rappelleront par la suite. La présidente de la colonie Z10 de Pirangi do Sul déclara : « Nous, à la Z10, on a envoyé 17 espèces de poissons et de crustacés pour analyse. »

31En parallèle, ils ont intensifié la surveillance, le nettoyage des plages et le dialogue entre les colonies et les pouvoirs publics, comme le sous-secrétariat à la Pêche de l’État du Rio Grande do Norte. Les pêcheurs ont ainsi eux-mêmes assuré la surveillance des nappes d’huile, comme le souligne une femme de la Z10 : « Parce que cette question du pétrole touche tout le monde et on discute, on interagit avec les organismes responsables, avec nos pêcheurs pour qu’ils surveillent l’évolution ! » En tant que gestionnaires informels, et qui s’efforcent de parer aux dommages les plus importants, ils ont mené, comme le souligne la représentante de la colonie de Guamaré « un travail de surveillance assidue, matin, midi et soir, justement pour que ça n’arrive pas, pour réconforter le cœur des pêcheurs ? ! Ils étaient les premiers concernés ? ! ». D’après la femme pêcheur de Macau, ils ont pris la décision de faire eux-mêmes la surveillance, depuis leurs propres embarcations. Les résultats étaient communiqués aux intéressés et aux sinistrés, par l’envoi de messages qui n’étaient pas toujours vérifiés. L’impact des informations diffusées par la presse a créé la surprise : « quelques semaines après, on a commencé à voir l’impact des informations qui passaient à la télé [...] je voudrais vous parler de l’impact que ces informations sur la marée noire ont eu sur nos vies et sur notre communauté ». Même après la diffusion à la TV, le résultat du rapport de la marine et de la police fédérale n’a pas été rendu public, en raison du secret auquel il était soumis pour permettre l’identification des coupables de l’évidente contamination des poissons. Pour le pêcheur « Les médias, les autorités n’ont rien fait pour démentir et ça nous est retombé dessus, parce que le produit qu’on vend, cet aliment, il se retrouve aussi sur notre table. » On se rend compte de l’incapacité des autorités à démontrer la contamination du poisson : « Et maintenant on est face à ce dilemme. Il est contaminé ? Et nos enfants ? » Pour certains, l’absence de prise de position des organes de contrôle environnemental a surtout porté préjudice aux artisans pêcheurs, parce que l’absence d’un simple diagnostic sur la situation réelle des communautés des artisans pêcheurs, avec la mise à jour des données de base, n’a fait qu’aggraver les choses. L’absence de représentant de l’IBAMA dans ce Tribunal, alors que sa responsabilité était évidente, a été critiquée par un participant : « j’aurais beaucoup aimé que vous ayez fait venir quelqu’un de l’IBAMA ici ». Malgré la gestion par les pêcheurs, l’autorité revient aux techniciens « parce que c’est l’IBAMA qui a dit où le fioul est arrivé, où il a pollué et ce qu’il a fait », mais l’IBAMA s’est trompé dans sa liste des sinistrés, « excluant plusieurs villes » de l’aide offerte par l’État fédéral, et le discours condamne : « ils auraient dû nous en parler, ils auraient dû aller sur le terrain voir qui avait été réellement touché ou non ». La critique contre l’absence de communication de la part de l’exécutif fédéral montre comment les pêcheurs ont perçu le manque d’action et d’articulation des secteurs gouvernementaux.

32D’après une des représentantes des pêcheurs, un responsable de la banque étatique, la Caixa Econômica, aurait dit : « Simplement le gouvernement fédéral a pris cette liste, l’a envoyée au ministère payeur et débrouillez-vous ! » Soucieux de régler les problèmes de communication avec les organes gouvernementaux compétents, les dirigeants des colonies sont partis en quête de partenariats avec des entités et des groupes de défense de la pêche. Dans leurs interventions au cours du Tribunal, ils ont reconnu le soutien apporté par le Réseau MangueMar, insistant d’ailleurs publiquement pour que le réseau ne les abandonne pas.

Acteurs 2 – Conflits d’intérêts

33Il était clair que la marée noire avait causé d’énormes pertes économiques et obligé différents acteurs à s’impliquer : les organismes de contrôle environnemental, les secrétariats fédéraux, de l’État et des communes, les élus locaux, la grande presse et les pêcheurs eux-mêmes, qui voyaient le même problème dans une autre optique. Dans la plupart de leurs récits, les pêcheurs reprochaient aux médias d’avoir agi avec légèreté ; ils étaient responsables de l’ampleur de leurs pertes car ils avaient répandu, de façon indiscriminée, des informations effrayantes sur la consommation des poissons. Comme le raconte une femme pêcheur « tout notre poisson, c’est devenu rien !  [le ton monte], parce que la presse a été notre pire ennemie, c’est la presse parce qu’elle ne savait rien et qu’elle ne cessait de dire des choses qu’elle ne savait pas ». La grande presse s’est emparée de cette réalité et en a fait une fiction pour gagner en audience, environ 40 jours après les premières boulettes de pétrole. C’est pourquoi elle a été aussi la cible des condamnations comme on le voit dans cette déclaration d’une habitante de Pitangui : « cet impact, il s’est aggravé avec les médias ! C’est la presse qui a provoqué l’impact le plus fort, qui a rendu le travail des pêcheurs encore plus dur ». Mais quelques-uns aussi, au sein de la communauté, assez opportunistes pour tirer parti de la situation, ont voulu convaincre l’opinion publique que les plages étaient polluées afin de recevoir une aide financière, ou simplement pour « sortir dans les journaux ». Une des participantes le dénonce : « un pêcheur, père de famille, s’est enduit les mains de goudron quand il a appris que l’État allait verser une allocation aux pêcheurs et il a posté une photo sur Internet pour dire que notre étang, l’étang de Guaraíra, avait été pollué par le pétrole ».

34Bien que l’alerte de la presse puisse offrir une certaine garantie de contrôle sur les impacts environnementaux et sociaux subis, on relève des stratégies de survie qui font naître des conflits d’intérêts entre pêcheurs, représentants des organismes responsables et même des médias. Selon les participants au Tribunal, les médias ont fortement influencé la crise et son rôle a été multiple : pour imposer la catastrophe dans l’agenda public, pour lui donner une « résonance nationale », mais aussi pour donner libre cours à toutes les rumeurs, dans la mesure où l’information sur la contamination était douteuse et que les autorités n’avaient pris aucune position officielle. Ces divergences ne reposent pas que sur des jeux d’opportunismes ; devant une crise sans précédents, la mobilisation de l’opinion publique a entraîné des alternatives de survie, des manœuvres et des ruses. Il faut y voir des intérêts distincts : les uns pensent à l’audience, les autres à la politisation de la question. Au-delà, la saison a joué contre les pêcheurs car c’était la meilleure époque pour la pêche. « On sort en mer quand elle devient plus calme et ça veut dire une bonne pêche [...] et les bateaux sont sortis et sont revenus avec beaucoup de poisson [..] mais il n’y avait plus d’acheteur, à cause de la marée noire. »

35Dans la plupart des interventions des représentants de la profession, l’aide compensatoire financière de l’État fédéral a été évoquée et les intervenants ont tous souligné les aspects négatifs d’un versement qui s’appuyait sur des registres périmés. « Pour nous de la colonie de Porto do Mangue et pour toutes les colonies qui sont ici, c’est devenu encore plus difficile quand l’État a annoncé une aide. » Dans la mesure où le cadastre n’était pas fiable, nombre de pêcheurs en activité n’en ont pas bénéficié. Les présidents de colonies étaient rendus responsables de cet état de fait alors que la faute en incombait « aux gouvernements qui ne l’ont plus tenu à jour, alors que, nous, nous étions battus pour qu’ils le fassent ». Ici, mise à jour veut dire remettre en vigueur le cadastre, ce Registre général des pêcheurs, qui devient mot d’ordre, puisque les politiques publiques du secteur de la pêche exigent des données fiables pour mettre en œuvre les plans d’action. L’aide compensatoire octroyée avait suscité de grandes attentes et les présidents des colonies étaient sous pression. Il ne s’agit pas d’une exigence d’ordre exclusivement bureaucratique, les présidents des différentes colonies ont dû négocier – « nous qui sommes en première ligne, nous les présidents/représentants des colonies, souvent des pêcheurs qui n’ont pas touché la prime d’urgence ». Le jeu politique était posé par l’exigence de réponses que, la plupart du temps, ils n’étaient pas en mesure d’apporter : « on a les groupes [WhatsApp] de la colonie et quelqu’un du groupe a écrit : “Ah ça c’est le président qui ne fait rien. Ça c’est à cause de ceci ou cela. À tel endroit ils l’ont touchée, [...] mais pas là-bas” ». Dans les interventions au Tribunal, les représentants ont été néanmoins déclarés innocents : « Ce n’est pas la faute du président de colonie [...]. Nous, on se bat depuis longtemps pour cette mise à jour, le gouvernement l’avait promise au mois de juin, mais il ne s’est toujours rien passé ».

Épilogue – La résistance des pêcheurs

36Parmi les facteurs qui ont contribué à l’organisation politique des sujets atteints par la catastrophe, on soulignera leur capacité à résister et à produire une résilience. En effet, la mobilisation pour une relation durable entre les pêcheurs et l’environnement est née du constat suivant : « Nous voulons notre mer propre, comme le dit toujours Rosa [la présidente de la colonie] on ne veut pas d’argent, on veut notre mer propre ! », affirment les pêcheurs.

37Les liens de résistance qui unissent les membres de ces communautés sont animés par la volonté de préserver la pêche artisanale contre la pêche prédatrice des grandes entreprises, qui met en danger non seulement la survie des pêcheurs mais la pêche en soi. Un des pêcheurs a ainsi qualifié le désastre environnemental de crime contre la nature et contre la vie humaine, « quand notre collègue dit qu’il s’est agi d’un boycott [contre la pêche], moi je dis qu’il s’agit d’un crime ! Contre la nature, contre la vie humaine ». Dans l’impossibilité de créer de la richesse, c’est la survie des pêcheurs qui est en danger « nous, on est pour la plupart à notre compte, personne ne nous soutient financièrement, on se bat pour le bien de nos familles, c’est dur de travailler là-bas ». Les récits font part des règles bureaucratiques excessives qui finissent par pénaliser l’activité artisanale. Alors que les organismes sont censés appuyer le secteur, leurs pratiques criminalisent la pêche et poussent les pêcheurs à bout : « on ne se bagarre pas pour n’importe quoi, on veut juste travailler décemment, c’est tout. Il y a un tas d’organismes qui veulent nous empêcher de bosser honnêtement, ils font de la pêche un crime ». Le mécontentement engendré par le sentiment d’abandon apparaît avec plus de force encore : « les médias sont coupables ? Oui, mais les plus grands coupables sont les pouvoirs publics qui devraient défendre la pêche artisanale et qui n’ont pris aucune mesure. Pourquoi ? ». Telle est aussi la plainte du représentant d’une des colonies : « les plus grands coupables aujourd’hui sont les pouvoirs publics. C’est la Justice qui punit les pêcheurs, et ne les protège pas quand il le faut. [...]. Nous avons été touchés, [...] jamais je n’avais vu ça depuis que suis pêcheur ». Vient une sorte de verdict final quand, devant les lacunes de la justice et l’absence de droits, l’intervenant déclare : « c’est la faute d’un système qui se perpétue depuis longtemps et qui ne reconnaît pas la pêche, dans tout le pays, on le sait bien ! C’est une honte, parce que c’est un si beau métier. Ce qui me désole, c’est la précarité. En fait, comme l’a bien dit l’avocate de la fédération : “ce qu’ils veulent, c’est que le pêcheur vive avec presque rien !” ».

38On a donc vu tout au long du déroulement du Tribunal que, bien au-delà de la question de la marée noire, les pêcheurs attendaient des mesures concrètes, dont une révision des conditions inégales auxquelles sont soumises les communautés traditionnelles au sein de la société brésilienne, surtout lors de conflits qui impliquent directement des organismes de l’État. C’est pour cela qu’ils exposent les difficultés qu’ils rencontrent pour obtenir droits et reconnaissance (Mota 2004 ; Colaço 2019 ; Menezes & Lobão 2020). Comme le rappelait un autre pêcheur : « je suis sûr qu’on est tous venus ici dans le même but : obtenir une réponse de la Justice [...]. Tous les pêcheurs doivent avoir des droits ». C’était en ces termes qu’il exprimait la lutte pour renverser ces asymétries structurelles constitutives de notre société.

Conclusions

39Sans négliger la compréhension du cadre rituel dans lequel les performances politiques ont été explicitées, force est de reconnaître l’interdépendance pratique de multiples champs de la vie sociale et la force investie dans des actes de réciprocité, ainsi que le fait qu’il existe une communauté d’intérêt et un destin social qui doivent être redéfinis. Cela est vrai au-delà des savoirs accumulés, en particulier sur la notion d’efficacité symbolique, si appréciée des auteurs de sciences sociales (Turner 1974 ; Lévi-Strauss 1949 ; Cavalcanti 2013 ; Peirano 2002). Au-delà également des réflexions sur l’efficacité de l’effervescence symbolique de l’union collectivement construite dans la perception des risques inhérents au même destin social, voisine de ce que célèbre Marcel Mauss (1923).

40Il y a, dans la façon d’exprimer la valeur du travail des pêcheurs et de leur propre personne, une demande de reconnaissance, à tel point que, tout au long du débat, des sujets importants ont été abordés, comme la valorisation de la pêche en tant qu’activité déterminante pour le secteur alimentaire. Les artisans-pêcheurs se voient comme des guerriers, qui ont dû surmonter des obstacles significatifs et braver les idées reçues dont celle qui les accusent de ne pas faire le moindre effort en faveur du développement économique de leur secteur d’activité. Les récits convergents des pêcheurs, dans ce Tribunal populaire de la pêche du Rio Grande do Norte, révèlent leur grande vulnérabilité, due, en particulier, au manque d’informations fiables, à l’État qui se décharge et délègue l’aide qu’il doit apporter, au jeu politique qui compromet les leaders aux yeux des représentés. Pour illustrer cette perception collectivement construite de l’absence d’information quant à la situation sanitaire, les propos dénonçaient aussi les violations de droits des pêcheurs, évoquaient leur sentiment d’abandon, le discrédit jeté sur leur métier. L’inaction de l’État a été particulièrement soulignée sous deux aspects : d’abord, quant au cadastre, avec l’absence de mise à jour du Registre général de la pêche, et de non-respect d’un droit professionnel fondamental ; puis, face à la marée noire, quand l’État se montre incapable d’apporter une réponse unique, coordonnée et rapide, ce qui est le résultat du démantèlement institutionnel du comité exécutif du Plan national d’urgence pour les incidents pétroliers.

41Le Tribunal populaire a ainsi constitué une mise en scène d’expériences. Il a donné une visibilité aux violations des droits de ces communautés et souligné le caractère politique du droit. Dans la dramatisation, des récits sont devenus des dénonciations et cette pratique émergente du discours ritualisé peut devenir une arme puissante pour faire entendre des luttes et des revendications.

42L’analyse montre également l’importance d’un espace public d’écoute, que ce soit dans les schémas institutionnalisés d’après Romão et Martelli (2013), dans les espaces populaires, ou encore dans le quotidien des réunions collectives qui renforcent les liens horizontaux. On peut enfin affirmer que le caractère périphérique du Nordeste, au sens politique et économique, ainsi que les stéréotypes constamment utilisés pour décrire la région par rapport aux régions Sud et Sud-Est, sont manifestes dans la façon dont l’État national hiérarchise, dans l’agenda public, la question du risque environnemental, surtout quand on considère la taille continentale du Brésil, le retard dans les réponses qui auraient dû être plus rapides pour circonscrire la nappe de pétrole en haute mer, dans l’aide apportée aux populations et aux villages sinistrés. C’est en ce sens que la marée noire a mis sur le devant de la scène publique l’exposition aux risques d’accidents de ce type qui menace la côte brésilienne, ainsi que la légitimité des revendications des communautés traditionnelles.

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Notes

2 Rapport technique nº 6898984/2020, Coordination générale d’urgences environnementales CGMA/DIPRO de l’IBAMA, p. 1. Disponible sur : https://www.gov.br/ibama/pt-br/assuntos/fiscalizacao-e-protecao-ambiental/emergencias-ambientais/manchasdeoleo/arquivos/2022/2022-12-16_sei_ibama_6898984_relatorio_tecnico_ibama.pdf (consulté le 3 mai 2024).

3 Rede MangueMar, « Tribunal Popular da Pesca », disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=-kTV9ocKsoA&t=5s & https://www.youtube.com/watch?v=8nNj4wgPsx0 (consulté le 3 mai 2024).

4 D’après la Police fédérale, le coupable du déversement est désigné ; il s’agirait, à en croire le G1 du 2 décembre 2021, d’un navire pétrolier grec et le préjudice a été estimé à 188 millions de reais. « PF conclui investigação e diz que navio grego foi responsável por derramamento de óleo que atingiu litoral brasileiro ». Disponible sur : https://g1.globo.com/rn/rio-grande-do-norte/noticia/2021/12/02/pf-conclui-

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5 Rapport technique nº 6898984/2020, Coordination générale d’urgences environnementales CGMA/DIPRO de l’IBAMA, p. 1. Disponible sur : https://www.gov.br/ibama/pt-br/assuntos/fiscalizacao-e-protecao-ambiental/emergencias-ambientais/manchasdeoleo/arquivos/2022/2022-12-16_sei_ibama_6898984_relatorio_tecnico_ibama.pdf (consulté le 3 mai 2024).

6 Décret nº 8.127, du 22 octobre 2013. Disponible sur : https://www.planalto.gov.br/ccivil_03/_ato2011-2014/2013/decreto/d8127.htm (consulté le 3 mai 2024).

7 Loi nº 11.959, du 29 juin de 2009. Disponible sur : https://www.gov.br/agricultura/pt-br/assuntos/mpa/legislacao/legislacao-geral-da-pesca/lei-no-11-959-de-29-06-2009.pdf/view (consulté le 3 mai 2024).

8 Id.

9 Décret nº 8.425, du 31 mars 2015. Disponible sur : https://www.planalto.gov.br/ccivil_03/_ato2015-2018/2015/decreto/d8425.htm (consulté le 3 mai 2024).

10 « Procuradoria Geral da República do MPF recebe os 200 pescadores e pescadoras artesanais na Plenária sobre Violações de Socioambientais em Comunidades Tradicionais Pesqueiras. » Conseil pastoral des pêcheurs, 2019. Disponible sur : http://www.cppnacional.org.br/noticia/pescadores-e-pescadoras-artesanais-denunciam-viola%C3%A7%C3%B5es-de-direitos-%C3%A0-pgr (consulté le 3 mai 2024).

11 Id. Voir aussi Barros, Medeiros & Gomes (2021).

12 Boletim Estatístico da Pesca e Aquicultura, 2011, p. 21. Brasília. Disponible sur : https://www.icmbio.gov.br/cepsul/images/stories/biblioteca/download/estatistica/est_2011_bol__bra.pdf (consulté le 3 mai 2024).

13 Anvisa, Note technique nº 27/2019/SEI/GGALI/DIRE2/ANVISA, 2019. Disponible sur : https://portalcievs-homologacao.saude.pe.gov.br/docs/SEI_ANVISA_-_0815698_-_Nota_T%C3%A9cnica_GGALI.pdf (consulté le 3 mai 2024).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Winifred Knox, José Gomes Ferreira, Delma Pessanha Neves et Louyse Rodrigues da Silva, « Tribunal populaire de la pêche : réciprocités politiques en temps de crise de la filière »Brésil(s) [En ligne], 25 | 2024, mis en ligne le 31 mai 2024, consulté le 08 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bresils/17230 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11qxj

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Auteurs

Winifred Knox

Winifred Knox est travailleur social, professeur de gestion de politiques publiques de l’Institut de politiques publiques et du Programme de master et doctorat en études urbaines et régionales de l’Université fédérale du Rio Grande do Norte (UFRN).
ORCID : https://orcid.org/0000-0002-4415-6213.

José Gomes Ferreira

José Gomes Ferreira est sociologue, professeur invité à l’Université de l’État de Paraíba (UEPB) et enseignant à l’Université fédérale du Rio Grande do Norte (UFRN).
ORCID : https://orcid.org/0000-0002-2539-1111.

Delma Pessanha Neves

Delma Pessanha Neves est anthropologue, professeure du Programme de master et doctorat en anthropologie de l’Université fédérale Fluminense (UFF) et boursière du CNPq.
ORCID : https://orcid.org/0000-0002-6682-0218.

Louyse Rodrigues da Silva

Louyse Rodrigues da Silva est nutritionniste au secrétariat de Santé Publique de l’État du Rio Grande do Norte et étudiante en master d’études urbaines et régionales de l’Université fédérale du Rio Grande do Norte (UFRN).
ORCID : https://orcid.org/0000-0001-5014-4609.

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