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Écrire pour le théâtre : modes de production et professionnalisation de l’auteur de théâtre brésilien dans la première moitié du XXe siècle

Escrever para o teatro: modos de produção e profissionalização do autor teatral brasileiro na primeira metade do século XX
Writing for the Theater: Modes of Production and Professionalization of the Brazilian Playwright in the First Half of the 20th Century
Henrique Brener Vertchenko
Traduction de Laure Schalchli

Résumés

Occupant une position fondamentale dans les circuits de production et de transmission de textes pour le monde du spectacle, l’auteur de théâtre au Brésil a développé, dans les premières décennies du XXe siècle, des pratiques d’écriture uniques. Pour comprendre ce que signifiait alors écrire pour le théâtre, nous analyserons les conditions de base dans lesquels ce métier était exercé – avec la production de pièces à un rythme presque industriel –, ainsi que l’insertion des auteurs dans le milieu intellectuel et les ressorts de leur professionnalisation croissante.

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Notes de la rédaction

Article reçu pour publication en avril 2023 ; approuvé en août 2023.

Texte intégral

1Pendant des décennies, l’historiographie canonique du théâtre brésilien, se faisant l’écho des critiques en réaction à une prétendue décadence intellectuelle, a relégué au second plan les genres dits « gais » ou « légers », peu attachés à la matrice littéraire et qui rencontraient un grand succès auprès du public depuis les dernières décennies du XIXe siècle. Au XXe siècle, la période extrêmement productive de l’entre-deux-guerres a été perçue comme un simple contrepoint de la modernisation qui allait s’opérer à partir des années 1940. Sábato Magaldi, par exemple, voyait dans la multiplication des comédies au cours de cette période l’affirmation d’un modèle de « dramaturgie pour les acteurs » (Magaldi 1962, 178), qui s’amusait de nos vices et où le texte n’était qu’un support pour l’improvisation des vedettes alors élevées au rang d’idoles populaires. Les auteurs de ce théâtre, dont les ambitions artistiques étaient jugées modestes, ont ainsi constitué un angle mort dans l’historiographie théâtrale brésilienne.

2Le renouveau de cette historiographie amorcé dans les années 1980, avec un élargissement évident des approches et des thèmes, a permis plus récemment l’émergence de travaux mettant en évidence des aspects de la production de certains de ces auteurs (Braga 2003 ; Rabetti 2007 ; Chiaradia 2012 ; Werneck 2012). Il est maintenant reconnu que, par sa position fondamentale dans les circuits de production, de transmission et de réception d’écrits destinés au monde du spectacle, l’auteur de théâtre a mis en œuvre au Brésil, dans les premières décennies du XXe siècle, des pratiques uniques. C’est tout particulièrement après la Première Guerre mondiale, et à Rio de Janeiro, que la crise provoquée par la raréfaction des tournées des compagnies européennes et surtout portugaises, autrefois constantes, allait amorcer un processus de réorganisation professionnelle. Craignant la faillite entraînée par la fermeture des salles, les entrepreneurs du spectacle ont alors ouvert leurs portes aux compagnies brésiliennes, et ces dernières ont tiré parti des disponibilités des principaux théâtres et d’un public d’habitués avides de divertissements (Nunes 1956).

3Pour le marché du théâtre, la crise découlant de l’interruption des flux a donc eu pour corollaire le recours inévitable et palliatif à la main-d’œuvre nationale, ce qui a provoqué, par ricochet, le foisonnement de nouveaux dramaturges à une échelle inédite. Favorisés par la conjoncture, ils allaient alors adopter un mode de production théâtrale dans lequel le texte naît déjà par juxtaposition à une scène donnée. On peut dire qu’ils étaient des « auteurs-fournisseurs » dans la mesure où ils travaillaient pour un marché extrêmement flexible, qui utilisait souvent des textes écrits sur commande pour des vedettes ou de grands entrepreneurs du spectacle. Même s’il s’agissait d’une dramaturgie « légère », conçue pour une consommation rapide, en série, et destinée avant tout au divertissement, c’est à la faveur de ces transformations que le texte a en quelque sorte repris de l’importance sur la scène théâtrale nationale, et entraîné une élévation indéniable du statut et de la visibilité du travail de l’auteur.

4Nous analyserons ce modèle de création à la fois comme procédé d’écriture, comme profil sociologique et comme mode d’insertion des auteurs dans le milieu intellectuel, puis nous mettrons en évidence les actions juridiques et symboliques qui ont donné un nouveau statut au métier de dramaturge et conféré de nouvelles significations à l’auteur et à l’œuvre théâtrale. Nous nous attacherons ainsi à faire ressortir la singularité de ce travail ou, en d’autres termes, à saisir ce que signifiait alors écrire professionnellement pour le théâtre au Brésil, une pratique qui reste encore peu connue.

Les modes d’écriture

  • 2 Décret nº 14.529 du 9 décembre 1920, « Regulamento das Diversões Públicas ». Disponible sur : http (...)

5Il est indéniable que, comme le postule Roger Chartier, l’auteur, réprimé, « subit les déterminations multiples qui organisent l’espace social de la production littéraire ou qui, plus généralement, délimitent les catégories et les expériences qui sont les matrices mêmes de l’écriture » (Chartier 1992, 38-39). Le texte de théâtre est bien entendu une production littéraire, mais une production fortement marquée par des particularités liées au fait qu’il est écrit pour la scène, et pas nécessairement pour une page imprimée et un lecteur silencieux. Les répressions auxquelles Chartier fait référence peuvent donc aussi être d’un autre ordre. La première d’entre elles serait l’autocensure, puisque les relations étroites avec le marché du spectacle permettaient de présumer à l’avance ce qui pourrait être mis en scène ou non. Il faut aussi dire que la sophistication du dispositif légal allait déclencher un contrôle grandissant sur les spectacles publics et, par voie de conséquence, sur les textes dramatiques. Le décret n° 14.529 du 9 décembre 1920 stipulait que, afin de permettre la censure préalable des pièces de théâtre, l’auteur ou l’entrepreneur devait procéder par écrit au dépôt du texte avant la première répétition, en présentant « deux exemplaires imprimés ou dactylographiés, sans corrections, ni ratures, ni surcharges2 ».

6La seconde contrainte qui pesait sur la création d’auteur était le rythme intense d’écriture nécessaire pour satisfaire la demande de la scène, qui allait à la longue devenir l’une des caractéristiques les plus marquantes de ce métier et entrainer la professionnalisation de ce secteur. Selon cette logique, Daniel Rocha déclarait en 1947 à propos du dramaturge Gastão Tojeiro, qui était très sollicité par les entrepreneurs du spectacle :

  • 3 Daniel Rocha, « Gastão Tojeiro », Comoedia, n° 6, Rio de Janeiro, avril-mai 1947, p. 4-9.

Il devient courant pour Gastão d’écrire pour deux ou trois compagnies à la fois. Il n’a pas le temps d’attendre que la pièce soit entièrement terminée. Dès qu’un acte est fini, il entre aussitôt en répétition, puis on n’arrête pas de lui courir après pour obtenir les deux autres actes aussi vite que possible3.

  • 4 Id., p. 8.

7Ainsi les pièces étaient-elles répétées morceaux par morceaux, « un jour, le prologue et deux numéros à rideau baissé. Le lendemain, deux ou trois sketches et une apothéose4 ». Ce mode d’écriture, qui perdurera pendant plusieurs décennies, est également attesté par le témoignage d’Oduvaldo Vianna en 1931 :

  • 5 Oduvaldo Vianna, O Vendedor de ilusões, Rio de Janeiro, Édition de la Société brésilienne des aute (...)

[…] auteur-entrepreneur, j’ai toujours écrit mes pièces sur les genoux. Pendant que l’on répétait le premier acte, j’étais en train d’écrire le deuxième, et souvent, alors que la « première » était programmée pour le lendemain, le dernier acte n’était pas encore fini5.

8Plus d’une décennie plus tard, dans une lettre adressée au même « bon ami » Oduvaldo, l’écrivaine et actrice Gilda de Abreu déplorait ces conditions de travail :

  • 6 Archives Oduvaldo Vianna, Correspondências, Gilda de Abreu, FV-OV 1.0.1.1/1, 16 juin 1942. Cedoc-F (...)

[...] les choses vont mal par ici... on doit se remuer les méninges pour fabriquer rapidement un répertoire, tu n’as pas idée. J’en ai déjà une de plus pour ma collection de pépins, et le public a trouvé que la pièce était très bien [...]. Entre nous [...], la pièce est tout à fait ordinaire, Oduvaldo pense que j’ai écrit la soi-disant œuvre pendant les entractes de la pièce qui était jouée en soirée !... Faut-il en dire plus ? D’ailleurs, c’est la société Paschoal Segreto qui m’a contrainte à agir de la sorte, elle nous a mis au pied du mur en nous disant que si la première n’avait pas lieu le 12 « coûte que coûte », la saison s’arrêterait [...]6.

  • 7 A posse de Paulo de Magalhães no cargo de Conselheiro Perpétuo da Sociedade Brasileira de Autores (...)
  • 8 Id., p. 38.

9Il apparaît ainsi que le rythme quasi-industriel de production des textes était une donnée de base de l’activité d’auteur de théâtre professionnel, et l’une des conditions pour poursuivre sa carrière. À titre d’illustration, en 1932, Paulo de Magalhães était félicité par son collègue Marques Porto précisément pour sa « production en série, à l’américaine7 ». Et Magalhães reconnaît en effet que, saisi par le « désir de publicité permanente » et le « vertige d’être toujours à l’affiche », il écrit pièce sur pièce, « certaines en trois jours et d’autres en quelques heures8 ».

10Il faut souligner que la consécration d’un dramaturge se mesurait à l’aune du nombre et du succès public ou critique de ses œuvres mises en scène, qui ne faisaient pas forcément l’objet d’une publication ; il était d’ailleurs très rare qu’une pièce inédite soit publiée avant d’être jouée. Il est certain que se tourner vers l’écriture théâtrale représentait un choix pragmatique, qui aboutissait à privilégier le succès devant un public et à alimenter les rouages d’un système façonné par la libre demande du marché et le traditionnel manque d’intérêt de l’État. L’écrivain professionnel, sous le joug de l’entrepreneur du spectacle, ne pouvait se dérober à l’obligation de plaire au public soutenant cette industrie naissante du divertissement, à l’origine de nouvelles stratégies de subsistance.

  • 9 Silveira Peixoto, Falam os escritores, deuxième série, Curitiba/São Paulo/Rio de Janeiro, Editora (...)
  • 10 Id., p. 99-100.
  • 11 Ibid., p. 87.

11Comme Gilda de Abreu le relate dans sa missive, l’espace dévolu à cette écriture « légère » était souvent le théâtre lui-même, que l’on écrive seul dans sa loge ou en établissant un dialogue minimal avec les membres de la compagnie. Une interview accordée, dans les années 1930, par Joracy Camargo au journaliste Silveira Peixoto corrobore cette pratique et fournit des indices pertinents sur les habitudes et les autoreprésentations de cet auteur, alors l’un des dramaturges les plus en vue. Avant d’entrer dans la loge du théâtre Boa Vista de São Paulo, où Joracy travaille durant une représentation, Peixoto entend quelqu’un « parler à l’intérieur », en disant quelque chose tout en répondant à « ses propres questions ». Le dramaturge est « assis devant une petite table, [...] gesticulant et pointant du doigt », « comme s’il s’adressait à quelqu’un9 ». Il prononce des phrases, puis il écrit et, quand il est ainsi surpris, il dit qu’il était en train de « discuter avec [ses] personnages ». Il explique qu’il écrit au crayon « sur du papier ordinaire, coupé au format d’une feuille de bureau », n’importe où sauf dans son bureau, « dans les loges, à bord, aux tables des cafés... », toujours en fumant, en créant en règle générale « une pièce en trois soirées : un acte chaque soir10 ». Il dit : « J’écris comme un bottier fabrique un soulier, ou comme un fonctionnaire rédige des courriers.11 »

12Malgré cette autoreprésentation prosaïque, les auteurs de théâtre s’efforceront, au cours de ces décennies, de se mettre en avant au sein de l’industrie du divertissement, juste derrière les stars et les vedettes des planches. Cherchant avec plus ou moins de succès à acquérir le statut de célébrités du moment, ils tirent parti de leur insertion dans les magazines, des accords avec les compagnies qui affichent parfois leur nom et leur image dans les annonces, de stratégies visant à divulguer la durée de leurs pièces à l’affiche, le nombre de représentations consécutives et la quantité d’œuvres écrites, des facilités de reproduction de photographies dans la presse et du photojournalisme pour assurer la diffusion et la reconnaissance de leurs physionomies, généralement représentées avec soin et à la manière des artistes de cinéma.

  • 12 Claudio de Sousa, « Um discurso de Claudio de Sousa, na Academia Brasileira, sobre a obra de Paulo (...)
  • 13 A posse de Paulo de Magalhães no cargo de Conselheiro Perpétuo da Sociedade Brasileira de Autores (...)
  • 14 Id., p. 40.
  • 15 Ibid., p. 39.

13Paulo de Magalhães, dont la vanité et le sens de l’autopromotion sont reconnus, voire ridiculisés, et que Claudio de Souza définit comme disposant de son propre « service privé de presse et de publicité12 », estime que les opérations publicitaires sont indispensables « à la victoire des hommes de talent dans les temps modernes13 », car « le monde ne croit à la gloire de quelqu’un que si l’on en fait systématiquement la réclame14 ». C’est pourquoi, selon lui, « l’Écrivain doit avant tout être un spécialiste en publicité personnelle », car il ne sert à « rien [...] d’avoir du talent si l’on n’a pas la capacité indispensable de faire la promotion de ce talent15 », autrement dit de promouvoir son nom comme une « marque de fabrique » et de vendre son produit, c’est-à-dire ses œuvres.

14En s’intéressant à ces indices concernant les pratiques d’écriture et aux conceptions relatives à son propre travail et à son image, il est ainsi possible de tracer les contours de ce qu’était foncièrement le métier d’auteur de théâtre à cette époque. Participant d’un « degré de professionnalisme [...] atteint pour la première fois par le théâtre brésilien » (Rabetti 2007, 64) et voyant leurs produits valorisés de manière inédite, les dramaturges remplissent une fonction spécifique au sein de processus créatifs et de modes de production qui engendrent des pratiques historiquement conditionnées et sujettes à des transformations liées à la fonction sociale du théâtre et à ses réformes esthétiques.

« Sur l’art d’écrire pour le théâtre »

  • 16 José Maria Senna, Acêrca da arte de escrever para o theatro, Belo Horizonte, Os Amigos do Livro, 1 (...)
  • 17 Selon l’Annuaire brésilien de littérature, cette maison d’édition a été fondée en 1931 à l’initiat (...)
  • 18 José Maria Senna, « Um livro uruguayo », Boletim de Ariel, an VI, Rio de Janeiro, oct. 1936 – sept (...)
  • 19 José Maria Senna, « Acêrca da arte de escrever para o teatro... », Boletim de Ariel, an V, n° 6, R (...)

15Un document unique pour le Brésil de cette époque est à même de nous éclairer davantage sur les attentes et les principes associés à l’acte de création dramatique. Il s’agit du livre Acêrca da arte de escrever para o theatro [Sur l’art d’écrire pour le théâtre]16, de José Maria Senna (1904-1981) – un intellectuel proche des cercles modernistes du Minas Gerais –, publié en 1936 par la maison d’édition Amigos do Livro17, de Belo Horizonte. Bien que l’on dispose de peu d’informations sur son auteur, on sait qu’après avoir quitté le Minas Gerais pour Rio de Janeiro, entre la fin des années 1920 et le début des années 1930, il se considérait comme un des « amoureux de la littérature dramatique18 ». Auteur des pièces « Uma garota moderna » (1931) et « Feminista » (1933), publiées dans la revue Fon-Fon, il était aussi rédacteur théâtral du Boletim de Ariel, où il écrivait sur Ibsen, Ferenc Molnár, sur les théâtres japonais, yiddish et tibétain, ou encore sur les théories de l’Uruguayen Orcajo Acuña. Si Senna et son œuvre – fondée sur de « longues études préparatoires19 » – peuvent être considérés comme relativement marginaux dans le milieu professionnel théâtral, un métier dont la technique reposait sur la maîtrise de codes et d’accords tacites forgés par l’expérience de faire et de lire d’autres pièces, et d’y assister, on ne peut manquer de voir dans ses pages un mélange d’essai et de manuel destiné aux amateurs et à ceux aspirant à s’insérer dans le milieu. À en juger par la compatibilité entre ses préceptes et la production de l’époque, il est très plausible que son ouvrage ait cherché à se faire l’écho, sur un mode pédagogique, des procédés en vigueur.

  • 20 La « pièce bien faite », une expression attribuée au dramaturge Eugène Scribe, selon le Dictionnai (...)
  • 21 José Maria Senna, « Acêrca da arte de escrever para o teatro... », op. cit., p. 39.

16Tout en affichant sa connaissance d’Ibsen, de Maeterlinck et d’Evreinov, et en prenant pour référence les Grecs anciens, Shakespeare, les Français classiques et modernes ou encore le romantisme allemand, Senna ne manque pas de considérer les manières d’écrire conditionnées par les marchés nationaux contemporains. Ce faisant, il disserte sur les qualités indispensables de l’auteur dramatique et les techniques nécessaires à l’élaboration de pièces de qualité, en renvoyant aux principes de la « pièce bien faite20 ». Pour lui, le dramaturge doit être doué pour le dialogue et avoir l’esprit de synthèse, sans se soucier du style du texte. Sans craindre le plagiat (puisque l’important est la manière dont le sujet, qui représente un héritage commun, est présenté), il convient de se concentrer sur le théâtral, c’est-à-dire sur l’extériorisation spectaculaire qui produit l’effet scénique du texte, obtenu par la dextérité et l’agilité des scènes, les pauses volontaires avant le dénouement, le mouvement des personnages et le développement habile de l’intrigue. Ces qualités seraient motivées par la nature même du « dramatique », qui est « le talent de raconter, d’agencer les événements, d’accroître de scène en scène la curiosité du spectateur ou du lecteur21 », une compétence qui différencierait le « théâtrologue » du romancier, puisque ce dernier peut s’affranchir de la progression narrative du thème pour se consacrer au style, à la pensée et à l’analyse.

  • 22 Id., p. 25.
  • 23 Ibid., p. 54.

17Pour donner vie aux scènes créées, Senna souligne qu’il est fondamental de connaître le « métier ». En vertu de la « valorisation monétaire du comique22 » au détriment du tragique, il est indispensable de maîtriser les principaux ressorts de la comédie, et surtout de la comédie de mœurs, dont le « but unique n’est pas d’amuser, mais de dépeindre les vices, les défauts moraux et les ridicules23 ». La maîtrise du métier doit néanmoins aussi tenir compte du « calvaire de l’auteur », exposé dans les termes suivants :

  • 24 Ibid., p. 63.

La première difficulté rencontrée en pratique par l’auteur dramatique sera de faire en sorte que sa pièce soit lue par les entrepreneurs. Si tel est le cas, ce qui représente déjà une victoire, pour la voir jouée, l’auteur devra renoncer à sa dignité, à sa fierté d’artiste. Il passera du statut d’artiste à celui de salarié et, comme tel, maniera les ciseaux pour tailler la pièce au goût de tel ou tel acteur24.

  • 25 Ibid., p. 69.
  • 26 Ibid., p. 75-76.

18Tiraillé entre la défense de sa pièce, au risque de ne pas la voir jouée, et la mutilation du texte par les comédiens, l’auteur devra veiller à respecter certaines règles. En premier lieu, comme le théâtre est fréquenté par diverses couches sociales, il est impératif d’essayer de plaire simultanément à plusieurs publics. En second lieu, bien qu’une pièce de théâtre puisse comporter un grand nombre de décors, au Brésil, il est conseillé de n’en avoir qu’un seul, pour ne pas accroître le coût du montage et déplaire aux entrepreneurs. Toujours en matière de prescriptions, bien que le nombre de scènes par acte ne soit pas stipulé, le nombre de feuilles de papier est strictement défini : « chaque acte devra compter de 23 à 25 feuilles dactylographiées [...]. Les noms des personnages en haut, au centre de la feuille ; deux interlignes plus bas, le dialogue. En moyenne, 23 à 25 feuilles donnent 330 à 400 répliques25 ». Le fait de dépasser ces limites serait à l’origine de la faiblesse de nombreuses pièces. Chaque acte doit avoir un dénouement qui attise la curiosité du spectateur vis-à-vis de l’acte suivant, sachant que le deuxième acte doit être mieux ficelé que le premier et que le troisième doit être plus vigoureux que les précédents, et « finir en beauté ». En outre, les descriptions présentes dans les didascalies doivent se limiter à caractériser le décor et, dans la bouche des personnages, être aussi synthétiques que possible, car la divagation et la philosophie contemplative sont interdites à l’auteur dramatique. Cette écriture doit être précédée d’une préparation mathématique, car on ne peut « commencer à écrire une pièce que si l’on est bien maître de notre thème, en ayant à l’esprit les entrées, les sorties et les mouvements des personnages sur scène ». Dans cette optique, certains dramaturges vont jusqu’à élaborer un schéma, voire à dessiner une scène où ils « répètent » la pièce avant de l’écrire, ils « jouent aux échecs au préalable26 ».

  • 27 Álvaro Moreyra, « Modos de Ver », Anuário da Casa dos Artistas, Rio de Janeiro, 1947, s.p.

19La description du programme de José Maria Senna est très intéressante dans la mesure où il s’agit d’un document unique pour le Brésil de l’époque, permettant de mettre en évidence les normes et les conceptions de l’écriture théâtrale que l’on souhaitait alors transmettre, esquissant ainsi l’image d’un auteur « salarié », qui vend sa force de travail et qui est absolument contraint dans son mode de création textuelle. Qui plus est, en plaçant en des pôles distincts ce qui est bon sur le plan littéraire et ce qui est bon sur le plan théâtral, Senna corrobore l’idée selon laquelle l’écriture romanesque et l’écriture théâtrale sont des pratiques tout à fait différentes. En conséquence, pour lui, un théâtrologue n’écrira pas un bon roman et un romancier sera toujours un mauvais théâtrologue. On notera que la même distinction a été établie en 1947 par le célèbre intellectuel Álvaro Moreyra, pour qui « un auteur de théâtre peut ne pas être un écrivain. Un écrivain peut ne pas être un auteur de théâtre. Ce sont deux vocations, deux professions extrêmement différentes27 ».

Les contours sociologiques de l’auteur de théâtre

20La reconnaissance progressive des modes de fonctionnement et des dispositions spécifiques à l’écriture théâtrale était une conséquence de la professionnalisation croissante du dramaturge au Brésil, qui allait atteindre son apogée dans les années 1920, 1930 et 1940. Pour reprendre l’expression utilisée par Christophe Charle à propos des auteurs européens du XIXe siècle, ils étaient des « fabricants de pièces » (2008, 163), adaptés au rythme de production intense et à la forte rotation liée à une consommation de masse, en série et à court terme. La spécialisation de leur métier au sein même de l’activité théâtrale, puisqu’ils se consacraient souvent à cette seule fonction et occupaient ainsi une position spécifique dans le processus de production, répondant à la nécessaire division du travail et à une hiérarchisation plaçant au sommet l’entrepreneur, qui décidait de la viabilité du texte.

  • 28 Un ensemble de 40 auteurs ont été inclus dans notre analyse : Raul Pederneiras, Modesto de Abreu, (...)
  • 29 Les informations qui suivent ont été collectées dans des articles de périodiques, des préfaces de (...)

21Notre analyse de la singularité des pratiques d’écriture théâtrale ne peut faire abstraction du fait que cette particularité correspondait à une certaine position dans le milieu littéraire. Cet espace doit être envisagé à la lumière d’une caractérisation des contours sociologiques fondamentaux de l’auteur théâtral de l’époque et de ses sociabilités. De la sorte, en prenant 40 des auteurs les plus joués entre les années 1920 et 195028 – dont beaucoup ont été oubliés par l’historiographie canonique –, on constate que contrairement à ce que l’on observait dans les décennies précédentes, la majorité d’entre eux n’étaient pas nés au Portugal, à l’exception de deux noms29. Venant parfois d’autres États du Brésil – comme Viriato Corrêa, du Maranhão, João Serra Pinto, du Pará, Duque (Amorim Diniz), de Bahia, Bastos Tigre, du Pernambuco, Abadie Faria Rosa, Matheus da Fontoura et Ernani Fornari, du Rio Grande do Sul, et Raimundo Magalhães Junior, du Ceará –, ils avaient alors rejoint la capitale fédérale à la recherche d’un emploi. Tous ou presque étaient nés entre les années 1880 et la première décennie du XXe siècle, avec un croisement perceptible entre ceux dont la carrière avait commencé pendant la Première Guerre mondiale et ceux qui allaient faire leurs débuts en tant qu’auteurs de théâtre dans les années 1920 ou au début des années 1930. On peut dire, en gros, que leurs activités forment un phénomène de l’entre-deux-guerres. Durant cette période, leurs parcours présentent une constante remarquable : des séjours en Europe où, en termes théâtraux, ils s’imprégnaient du modèle français et cherchaient à renforcer les échanges avec le Portugal. Parallèlement, ils tentaient de pénétrer les marchés des pays d’Amérique du Sud, surtout de l’Argentine et de l’Uruguay, grâce à la traduction de certaines pièces.

  • 30 « Raimundo Magalhães (Depoimento, 1979) », Fondation Getúlio Vargas, Centre de recherche et de doc (...)

22Suivant la tendance universitaire de l’époque, certains étaient diplômés en droit – comme Raul Pederneiras, Abadie Faria Rosa, Paulo de Magalhães, Geysa Boscoli et Joracy Camargo – et pratiquement tous avaient fait leurs débuts dans les rédactions des journaux avant de se lancer dans la dramaturgie. Ils finissaient le plus souvent par se spécialiser dans la critique et la chronique théâtrales, mais exerçaient aussi en tant que correcteurs, reporters ou secrétaires. Travailler dans la presse leur permettait sans nul doute de développer des répertoires textuels pour légitimer leur activité théâtrale et se forger une réputation. Certains étaient également enseignants, comme Matheus da Fontoura, Raul Pederneiras et Modesto de Abreu. Ce dernier, tout comme Paulo de Magalhães, était en outre membre de l’Académie des lettres de Rio de Janeiro (Academia Carioca de Letras), tandis que Matheus da Fontoura appartenait à celle du Rio Grande do Sul. En parallèle, nombre d’entre eux étaient fonctionnaires, ou allaient le devenir avec l’arrivée au pouvoir de Getúlio Vargas : Freire Junior était dentiste au ministère de la Justice ; Joracy Camargo avait travaillé à l’Inspection des travaux contre la sécheresse et au ministère de l’Économie ; Geysa Boscoli, au Département national du café ; Paulo Orlando était fonctionnaire au Service comptable central de la République ; Ernani Fornari, au Service de diffusion du Département de la presse et de la propagande (DIP) ; Raimundo Magalhães Junior était premier censeur cinématographique du Département de propagande et de diffusion culturelle (DPDC) puis du DIP30 ; Serra Pinto, José Wanderley et Gastão Tojeiro allaient travailler au Service national de théâtre (SNT) et Abadie Faria Rosa, au ministère de la Justice, avant d’être nommé premier directeur du SNT.

23Au théâtre, ils passaient d’un genre à l’autre – revues, opérettes, comédies musicales, farces, comédies de mœurs, sketches, pièces radiophoniques, comédies historiques –, faisant ainsi preuve dans leur écriture d’une maîtrise pointue des codes propres à chacun d’entre eux. Certains composaient des chansons, mais il était courant de faire appel à des coauteurs pour les music-halls, et beaucoup traduisaient et adaptaient des textes étrangers. Certains dramaturges allaient également s’impliquer plus directement dans l’entreprenariat théâtral et fonder leur propre compagnie comme Viriato Corrêa, Oduvaldo Vianna, Luiz Iglezias et Joracy Camargo, ou devenir associés d’entrepreneurs du spectacle, directeurs artistiques ou chefs de publicité d’autres compagnies, tels que Serra Pinto et Paulo Orlando.

  • 31 À titre d’exemple, Bastos Tigre sera directeur littéraire de la compagnie Tró-ló-ló dans les année (...)
  • 32 « Em marcha o concurso de peças do S. José. Um convite da Empreza do Recreio », Jornal do Brasil, (...)
  • 33 « Procopio Ferreira e a sua próxima visita ao norte do país. Um perfil artístico do grande comedia (...)
  • 34 « Commentando », O Jornal, Rio de Janeiro, 15 août 1930, p. 13.

24À cet égard, force est de constater que ces années ont vu, de manière symptomatique, se généraliser la présence de la figure du directeur littéraire au sein de ces formations, une fonction occupée par les auteurs mêmes dont nous parlons31. A priori, trois fonctions pouvaient lui être attribuées. La première était, dans les revues qui ne disposaient pas d’un texte préalable, de « préparer [...] les numéros, les présentations à rideau baissé et les sketches, de manière à donner à l’ensemble un aspect harmonieux et équilibré32 ». La seconde consistait à faire de la « réclame », c’est-à-dire à être l’« homme qui, pendant que l’acteur se repose, prend son stylo pour griffonner des notes pour le journal, des notes dans lesquelles il affirme et garantit que la meilleure pièce de la ville est jouée à cette occasion, là même, dans son théâtre33 ». Enfin, la troisième fonction du directeur littéraire, la plus évidente, serait d’être « chargé du choix des pièces34 », et donc d’organiser le répertoire mis à l’affiche par la compagnie et d’en assurer la continuité. Ces attributions, qui se mêlaient parfois à celles de directeur artistique, permettent de le caractériser comme une sorte de guide intellectuel, un sujet qui maîtrisait à la fois l’écriture et la publicité, avait ses entrées dans les journaux, saisissait les demandes du public et était la personne autorisée pour s’exprimer sur l’art théâtral et les choix artistiques de la compagnie.

25En décrivant les grandes lignes du métier d’auteur de théâtre et les moyens concrets employés pour l’exercer, nous pouvons ainsi identifier des parcours communs qui, malgré la singularité des trajectoires, permettent d’établir une typologie fondamentale de ces professionnels, qui partagent des critères, des techniques et des modalités de travail spécifiques. Tirant parti de la place prépondérante du théâtre comme divertissement de masse et confrontés à l’expansion urbaine et à la modernisation technique, ces auteurs, en se mettant au service du star-system et en négociant avec celui-ci, ont créé une forte culture du métier, en cherchant des solutions pour s’insérer professionnellement à la veille de l’expansion brutale d’autres modes de loisirs concurrents, dont le plus grand exemple sera le cinéma, suivi de la radio et, quelques décennies plus tard, de la télévision.

  • 35 Daniel Rocha, « Gastão Tojeiro », Comoedia, n° 6, Rio de Janeiro, avril-mai 1947, p. 8. Malgré cel (...)
  • 36 « O autor mais representado em 1939 », O Malho, Rio de Janeiro, février 1940, p. 49.

26Même s’ils partageaient en général les modes d’insertion des « hommes de lettres » de l’époque, avec plusieurs fronts de travail communs – surtout le journalisme et la fonction publique –, les planches tenaient une place de choix dans leurs engagements enthousiastes et dans leur identification intellectuelle. D’un autre côté, cela témoigne des difficultés qu’ils rencontraient pour vivre exclusivement du théâtre. Selon un article paru dans la revue Comoedia en 1947, Gastão Tojeiro réalisait ainsi le miracle d’être « le seul auteur parmi nous qui ait toujours vécu de l’écriture de ses pièces35 », avec plus de 120 œuvres originales jouées. En dépit de cette affirmation catégorique, le fait est que d’autres auteurs ont connu un énorme succès et engrangé des profits importants sous forme de droits d’auteur, comme Paulo de Magalhães, le dramaturge le plus joué au Brésil à la fin des années 1930 et au début des années 1940, avec une moyenne de 400 représentations par an36.

27Bien qu’appartenant à un microcosme très spécifique, l’auteur de théâtre partage les perméabilités sociales du monde lettré de l’époque : des trajectoires et des activités professionnelles passant par un diplôme de droit et le journalisme, doublées d’un investissement dans la poésie, les associations professionnelles et les académies littéraires, et enfin la fréquentation des salles de rédaction, des cafés, des banquets, des salons littéraires et, bien sûr, des théâtres. Malgré tout, le fait de se consacrer à ce marché lui confère une position relativement marginale dans le milieu intellectuel, à l’image de la place qu’occupe le théâtre lui-même dans la hiérarchie littéraire nationale. Son professionnalisme, en vertu duquel il doit pouvoir toujours présenter une offre attrayante pour les planches, le distingue également de ces auteurs qui se donnent pour mission d’écrire une pièce qui sauvera le théâtre brésilien, qui rendra hommage à l’art ou sera radicalement innovante. Cette position découle du consensus selon lequel son travail produit un texte qui vise avant tout à servir de matière première pour la représentation. On peut affirmer que, pour l’économie de la consécration littéraire, cette œuvre n’est a priori pas digne d’estime, car elle n’est pas immédiatement destinée à être inscrite dans un livre.

28Cette marginalisation relative a été observée en 1942 par Raimundo Magalhães Junior :

  • 37 R. Magalhães Junior, « Teatro para o Povo », Boletim SBAT, an XXIII, n° 209, Rio de Janeiro, janv- (...)

Nous, écrivains de théâtre, sommes une sorte de pendentif de la littérature. Nous ne sommes ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. Nous sommes suspendus... Dans les histoires de notre littérature, personne ne prend connaissance du théâtre, on se contente d’une appréciation à caractère général, en quelques lignes rapides écrites par acquis de conscience. Les critiques littéraires méprisent généralement l’œuvre théâtrale et, lorsqu’elle est imprimée, rares sont ceux qui daignent accorder une place, dans leurs notes de bas de page, à cette classe de littérature. J’en ai personnellement fait l’expérience répétée37.

29Pourtant, pour Magalhães Junior, le théâtre n’est pas un genre méprisable ou inférieur aux autres formes de littérature, mais il est injustement rendu plus rare qu’il ne l’est déjà, « vu à travers les verres épais et réducteurs du manque d’intérêt de l’opinion littéraire du pays ».

30Bien que soumis à tous ces impératifs professionnels et relégué en périphérie de la consécration littéraire, l’auteur de théâtre se révèle être un acteur social et culturel qui, par l’ampleur de sa production, ne peut être négligé. C’est clairement un médiateur culturel, qui élabore et perpétue des codes théâtraux, en prêtant attention à la vie quotidienne dans les rues et en se faisant l’écho de ses perceptions sur le présent et l’avenir du théâtre. Contrairement à ce que l’on pense souvent, il n’y a pas de sa part de rejet catégorique des prétentions littéraires, mais plutôt une relation tendue de négociation entre différents mondes, de l’éphémère spectaculaire à la lutte pour que ses textes soient reconnus comme une propriété intellectuelle digne de figurer dans le panorama de la littérature nationale. Ces sujets cherchent par conséquent à construire une image de renouvellement et de dignité de leur travail, en se revendiquant comme les héritiers de Martins Pena, França Junior et Artur Azevedo.

31Il s’agit d’une activité qui n’est certes pas nouvelle, mais qui évolue en fonction de l’économie nationale et du marché culturel national, et qui est vécue de manière spécifique, à une échelle sans précédent dans le pays, avec des responsabilités, des fonctions, des techniques et des insertions spécifiques. De ce point de vue, il faut également avoir à l’esprit que, dans les premières décennies du XXe siècle, ces auteurs ont acquis la conviction que leur travail doit être « salarié » et ont conscience d’appartenir à un groupe professionnel avec des engagements et des objectifs communs. Très attachés à leur existence collective, ils parent souvent leurs fonctions d’objectifs moraux, selon une conception du théâtre qui ne se limite pas à ses fins professionnelles, mais qui est aussi une question de culture publique nationale.

La Société brésilienne des auteurs de théâtre

32C’est en 1917, à Rio de Janeiro, qu’a été fondée la Société brésilienne des auteurs de théâtre (SBAT), par des noms tels que Viriato Corrêa, Chiquinha Gonzaga, Gastão Tojeiro, Oduvaldo Vianna, Raul Pederneiras et Bastos Tigre, autrement dit, un groupe composé principalement de dramaturges professionnels qui alimentaient la machine trépidante de la production théâtrale, ainsi que de chefs d’orchestre et de compositeurs liés au music-hall. Le mouvement trouvait son expression pratique et collective après quelques années de revendications et de campagnes de presse dénonçant le manque de reconnaissance des auteurs de théâtre, les abus des entrepreneurs du spectacle et les appropriations indues du marché phonographique naissant (Rocha 1987).

33Soulignons qu’en 1917, il existait déjà des lois et des conventions visant à protéger les droits d’auteur au Brésil. La loi n° 946 du 1er août 1898 régissait ces questions pour les résidents sur le territoire national et, en 1912, la loi n° 2.577 avait étendu ces droits aux citoyens des pays membres de la IVe Convention panaméricaine sur les droits d’auteur, tenue en 1910 à Buenos Aires. Le Code civil de 1916 stipulait en outre que la reproduction d’une œuvre littéraire, scientifique ou artistique appartenait exclusivement à son auteur et qu’après son décès, ce droit était conféré à ses héritiers pour une durée de 60 ans38. Ces mécanismes ne semblaient cependant pas suffisants, dans la dynamique théâtrale, pour protéger l’œuvre dramatique et contrôler son utilisation, une situation aggravée par l’instabilité des modes d’inscription du texte, qui facilitait les appropriations et rendait son dépôt difficile.

  • 39 Dans le cas spécifique du théâtre, l’inspiration paradigmatique pour la création de sociétés défen (...)

34Dans le même temps, le contrôle de la propriété intellectuelle devenait un enjeu croissant au niveau international, dont le plus grand symbole avait été la Convention de l’Union de Berne, tenue pour la première fois en Suisse en 1886, et qui visait à établir la reconnaissance des droits d’auteur par les nations signataires, jetant ainsi les bases d’une propriété littéraire et artistique internationale. Ainsi, les auteurs devraient également voir leurs œuvres protégées à l’étranger, et non pas seulement par la législation propre à chaque pays, l’objectif étant de réguler les échanges intenses qui avaient eu libre cours à l’échelle transnationale tout au long du XIXe siècle. Bien que le Brésil ne figure pas à l’origine parmi les signataires – ce ne sera le cas qu’en 1922 –, la formation de sociétés littéraires, théâtrales et musicales dans diverses régions a créé un environnement propice à la mobilisation collective et aux pressions en faveur du respect de ces lois et accords39.

  • 40 Dans ce contexte, la revendication de meilleures conditions de travail et le développement d’une c (...)

35En parallèle, la création de la SBAT s’est inscrite dans un vaste élan associatif international dérivant des tensions sociales et des perspectives de participation politique qui s’ouvraient au cours de ces décennies, de sorte que cet effort d’organisation de classes, pour faire pression et transformer le monde du travail, s’est également étendu au théâtre. À Rio de Janeiro, comme le souligne Flávia Ribeiro Veras (2012), le développement de l’industrie du divertissement au tournant du siècle avait converti le théâtre en un mode de production capitaliste, doté d’importants investissements en capital de la part des entrepreneurs, ce qui engendrait des profits et accentuait l’exploitation des professionnels du secteur. En outre, la raréfaction des tournées avec la Première Guerre mondiale avait entraîné un reflux sur le marché intérieur, avec des impacts sur les rapports de travail, tout en renforçant les sentiments nationaux et les organisations collectives40.

36Au cœur des luttes de la Première République, à une époque coïncidant précisément avec celle des grèves et des mobilisations ouvrières, la SBAT a ainsi inauguré un processus de confrontations rendues possibles par le fait que les artistes commençaient à percevoir leur travail en corrélation avec celui des travailleurs manuels et, ainsi, à prendre conscience de leur situation d’exploitation. Le premier pas vers la reconnaissance d’une identité collective des auteurs de théâtre, avec des objectifs communs, a été d’assimiler et de diffuser l’idée que la catégorie se caractérisait par la vente de sa force de travail pour la production en série de textes destinés à la scène. Cette vente était, néanmoins, habituellement réalisée de manière injuste et non réglementée, de sorte que les auteurs ne profitaient pas des gains réalisés au cours des saisons théâtrales. Les accords étaient informels et les auteurs recevaient pour leurs textes le prix que les entrepreneurs étaient prêts à payer, quand leurs œuvres n’étaient pas tout simplement plagiées sous des titres modifiés ou jouées sans autorisation. C’est pourquoi la SBAT a établi comme l’un de ses objectifs principaux la défense morale de la propriété intellectuelle, à laquelle correspondait une valeur d’échange. Afin de garantir ces transactions, dès ses premières réunions, l’établissement d’un barème minimum pour le paiement des droits d’auteur aux membres dramaturges a été discuté, non sans susciter le mécontentement des grands entrepreneurs.

37Au-delà de cette question, la SBAT a considérablement élargi son champ d’action et développé au fil des ans des dispositifs successifs pour exercer un pouvoir et un contrôle sur les droits d’auteur, promouvant la qualité d’auteur en tant que statut juridique, à même d’interférer sur le marché et de modifier symboliquement la notion d’auteur de théâtre. L’une de ses premières mesures fut de se rapprocher de ses homologues étrangers. Une telle initiative était essentielle, dans la mesure où les entrepreneurs pouvaient refuser les textes brésiliens, désormais plus chers, et privilégier les textes étrangers traduits ou adaptés, sans avoir à se soucier de payer des droits d’auteur. En 1921, des accords avaient ainsi été signés avec des sociétés d’Argentine, du Chili, d’Uruguay, du Portugal et d’Espagne. Dix ans plus tard, en 1931, la SBAT représentait et était représentée par 25 sociétés homologues, devenant ainsi mandataire au Brésil des droits d’une masse considérable d’auteurs. On retiendra en particulier les contrats signés en 1929 avec l’American Society of Composers, Authors and Publishers (ASCAP) et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques française (SACD).

  • 41 Armando Vidal, O teatro e a lei (estudos), Rio de Janeiro, Édition de la Société brésilienne des a (...)

38Outre les nécessaires accords internationaux, en 1919, un fait inattendu allait faire converger les intérêts de la SBAT et ceux de la censure, dans le cadre d’un mouvement croissant de vigilance et de moralisation policière qui prenait forme dans ces années-là, à travers les actions de la 2e Delegacia Auxiliar de police, responsable du service général de censure et d’inspection des établissements de divertissement public. À la mi-1919 en effet, le deuxième chef de police auxiliaire du District fédéral, le juriste Armando Vidal Leite Ribeiro, allait décider de son propre chef d’inclure dans cette inspection des théâtres le respect de la défense de la propriété littéraire, en application du décret 6.562 du 17 juillet 1907, qui stipulait que les représentations théâtrales devaient présenter une déclaration indiquant si la pièce était ou non originale et, dans le cas d’une traduction, si elle était autorisée, ce qui devait être documenté par écrit41. Malgré les réactions contraires d’entrepreneurs dans la sphère juridique, Vidal ne lâcha pas prise et envoya à la SBAT un courrier accompagné de deux projets de loi, qui seraient remis au Sénat, afin que la protection de la propriété littéraire au théâtre soit respectée. La société désigna alors une commission d’auteurs pour se concerter avec le juriste, afin de donner à l’initiative un statut officiel et de l’étendre à tous les États du pays.

  • 42 « Excessos em Scena. Louvores à acção da polícia », O Jornal, Rio de Janeiro, 10 décembre 1919, p. (...)

39Dans les mois qui suivirent, Vidal se lança, en tant que chef de police, dans une politique de contrôle strict des textes, dont la « dénaturation » était sanctionnée par des amendes infligées aux acteurs et aux entreprises, pour la « collaboration indue et non sollicitée dans les pièces qu’ils jouent42 ». La répression moralisatrice de l’improvisation des artistes qui inséraient des propos obscènes dans les fameux « blancs » du texte avait pour pendant un discours de préservation des textes originaux, qui glissait vers un conflit autour du contrôle de l’œuvre en tant que spectacle. En plus de donner lieu à une judiciarisation croissante, les rapports avec Armando Vidal allaient ouvrir la voie à une alliance étroite entre la SBAT, la censure et la police, puisque c’étaient ces dernières qui étaient habilitées à autoriser les représentations – ce qui ne se ferait désormais qu’avec l’accord de la société – ou à les interrompre, en l’absence d’autorisation. Le nombre d’actions conjointes de la SBAT et de la police allaient ainsi s’accroître au cours des deux décennies suivantes, à mesure que l’on cherchait à investir les autorités policières d’une mission à la fois préventive et répressive contre l’utilisation indue d’œuvres d’autrui. D’ailleurs, la SBAT transmettait en permanence ses félicitations aux censeurs nommés par le ministère de la Justice et cherchait à s’en rapprocher, car elle voyait en eux la garantie d’un strict respect de la loi. On pourrait même avancer que la question des droits d’auteur et de l’utilisation indue des œuvres était devenue une affaire policière.

  • 43 « Em defesa dos autores – A SBAT põe termo ao abuso das cópias de peças », O Jornal, Rio de Janeir (...)

40Une autre conséquence des contacts avec le commissaire Armando Vidal fut, comme il le préconisait lui-même, l’extension du dispositif de contrôle de la SBAT à d’autres États. Entre avril 1920 et juillet 1922, le nombre de membres de la société allait passer de 195 à 218 à Rio de Janeiro, auxquels s’ajoutaient 102 membres dans les États fédérés. À mesure que l’on recevait des demandes d’adhésion d’auteurs d’autres localités, des représentants des États respectifs étaient nommés pour appliquer les statuts et percevoir les paiements. Durant les années 1920, des contrats furent également signés avec des avocats d’autres régions et, à compter de 1919, des lettres et des courriers officiels, accompagnés de copies de décrets et de lois, furent envoyés aux « chefs de police de toutes les villes du Brésil où il existe des théâtres43 », pour solliciter leur appui et leur demander de prendre les mesures nécessaires. On a aussi nommé des inspecteurs qui se déplaçaient au nom de la SBAT pour contrôler les agences et la perception des droits sur tout le territoire national.

  • 44 « Varias notícias: a Companhia Iracema de Alencar representa em Recife peças com os títulos mudado (...)
  • 45 Il s’agit d’un oiseau (Sporophile gris-de-plomb) au chant mélodieux. La désignation peut être util (...)

41Les conflits internes et les difficultés à s’adapter aux exigences du nouveau régime de droits d’auteur ont également instauré un climat de vigilance et de dénonciation des plagiats dans le milieu théâtral. En mars 1921, la SBAT constatait par exemple que la compagnie Iracema de Alencar jouait à Recife « sans autorisation et, avec des titres modifiés, des pièces d’auteurs membres », après avoir quitté Rio de Janeiro avec des « copies clandestines de divers originaux44 ». Un télégramme fut alors envoyé au chef de la police de la capitale du Pernambuco et un représentant local fut nommé, avec le pouvoir d’interdire les représentations et de percevoir des droits pour celles qui avaient déjà été jouées. De même, en 1924, l’acteur Brandão Sobrinho, accusé d’avoir plagié dans sa pièce « A Patativa45 » la pièce « O diabinho de saias » [Le petit diable en jupe], d’Olympio Nogueira, dut remettre une copie du texte à la SBAT afin qu’une commission puisse procéder à une comparaison et formuler un avis.

42Il est certain qu’une telle surveillance de la propriété intellectuelle, fondée sur un nouvel impératif d’originalité, pouvait placer dans de sérieuses impasses cette génération d’auteurs habituée à l’inefficacité de la justice et à des modes d’écriture et à des genres qui reposaient sur la libre appropriation, en vue d’une production intensive. À partir de la création de la SBAT, on observe ainsi une tension entre les rouages habituels de fonctionnement du monde du spectacle en vogue et les nouvelles conceptions soutenues par la loi, qui remettaient en cause des notions d’œuvre théâtrale fondées sur une grande fluidité et se mettaient à encadrer plus fortement le mérite de l’auteur et même sa définition, selon les principes de l’originalité et de l’unicité. Malgré les obstacles réels pour mettre en œuvre cette vigilance, et sa portée véritable dans la sphère de la production écrite, la chasse au plagiat se présentait comme un dispositif supplémentaire permettant à la SBAT de renforcer son contrôle sur les œuvres et de faciliter la perception des droits d’auteur.

  • 46 Cecília Meireles, « Economia do Intellectual », O Observador Economico e Financeiro, n° 40, Rio de (...)

43Tous ces dispositifs semblent avoir permis à la SBAT de prospérer progressivement, ce qui fit dire en 1939 à Cecília Meireles, dans un long article intitulé « Economia do Intelectual » [« Économie de l’intellectuel »], que les auteurs de théâtre, contrairement aux autres, se portaient « admirablement bien46 ». De fait, les fonds collectés par la SBAT sont passés de 84:095$700 (quatre-vingt-quatre contos, quatre-vingt-quinze mille sept cents réis) en 1920 à 1.045:108$900 (mille quarante-cinq contos, cent huit mille neuf cents réis) en 1935. En dépit des fluctuations économiques, la progression est considérable :

Évolution de la perception de droits d’auteur par la SBAT (1920-1935)

Évolution de la perception de droits d’auteur par la SBAT (1920-1935)

Nota bene : Nous ne disposons pas de données pour l’année 1934. Les chiffres sont tirés de bilans présentés dans le journal Diário de Notícias. « SBAT: o espantoso progresso da nossa Sociedade de Autores, nos últimos cinco anos », Diário de Notícias, Rio de Janeiro, 4 mars 1934, p. 7, et « Na Sociedade de Autores: a possa da nova directoria para o biennio 1936-1937 », Diário de Notícias, Rio de Janeiro, 12 janvier 1936, p. 6.

44Soulignons que l’application de « lettres mortes » ou l’observation de nouvelles lois ne signifiaient pas l’obtention de résultats immédiats, mais plutôt un ensemble d’accommodements, de fuites, de négociations et d’allées et venues qui marquaient la mise en œuvre de nouvelles logiques régissant les œuvres et les rapports de travail. Au milieu de tous ces mécanismes – signature de conventions internationales, alliances avec les autorités policières, expansion dans les États fédérés, surveillance du plagiat, approbation d’instruments juridiques –, précisons que la SBAT se construisait aussi comme un espace de sociabilité où de vives discussions éclataient lors des réunions, où des alliances étaient conclues pour l’élection de la direction, et où l’on réalisait des lectures collectives de pièces écrites par ses membres et des conférences sur le théâtre. Toutes ces pratiques, qui ont participé à la structuration de la société et contribué à une première reconnaissance de la profession, ont fini en quelque sorte par définir ce que devait être un auteur de théâtre. Il est important de noter qu’au milieu des années 1920, pratiquement tous les dramaturges travaillant à Rio de Janeiro étaient membres de la SBAT, et qu’il était devenu difficile de contourner une telle médiation des rapports de travail dans ce secteur ou d’échapper à la manière dont l’économie des textes de théâtre était désormais traitée.

45L’accroissement du pouvoir de la SBAT définissait ainsi un champ, de même que la notion d’auteur de théâtre. L’importance progressivement accordée au mot « original » dans les annonces témoigne des contraintes imposées à ce modèle d’auteur : malgré son insertion dans des genres extrêmement codifiés, il doit être celui qui s’attache à respecter toujours davantage les œuvres d’autrui, en abandonnant les pratiques d’appropriation traditionnellement acceptées au nom de l’unicité de son travail. Cela signifie que des impératifs pragmatiques, économiques et juridiques ont eu des effets symboliques dans la définition sociale d’une catégorie. Nous pourrions même dire qu’il s’agit de la mise en place des conditions de l’émergence tardive de l’auteur moderne dans le théâtre. Comme le rappelle Mark Rose :

[...] la notion d’auteur est une création relativement récente et, en tant que création culturelle, elle est inséparable de la marchandisation de la littérature. La caractéristique distinctive de l’auteur moderne, telle que je la propose, est la propriété ; l’auteur est conçu comme étant à l’origine et, donc, comme le propriétaire d’un type particulier de marchandise, l’œuvre. (1993, 2)

46En ce sens, nous pouvons dire que la confluence des discours et des pratiques de la SBAT peut être perçue comme un écheveau spécifique de dispositifs visant à ramener la pièce de théâtre à un auteur unique, tout en insérant son texte dans la catégorie classificatoire de la « fonction auteur », comme le préconise Michel Foucault (1969). Portés par le frémissement d’un marché qui exigeait des règles et par les luttes de l’époque, ses agents combattaient la diffusion d’œuvres qui violaient les nouveaux paramètres (se heurtant sans nul doute aux modes de création de ses propres membres) et ont fait jouer des mécanismes de pouvoir qui, pour reprendre les termes de Roger Chartier, ont inventé l’« auteur comme principe fondamental de désignation des textes » (1992, 7).

Conclusion

47Il existe, historiquement, des formes théâtrales qui ne peuvent être comprises en dehors de leurs dimensions commerciale et entrepreneuriale, imprégnées d’échanges de savoirs pratiques et théoriques, de transactions économiques, de services et, pourquoi pas, de textes. L’affirmation et la professionnalisation de ceux qui écrivaient pour le théâtre ont été rendues possibles par des années d’intense productivité sur les planches et de succession rapide des pièces à l’affiche à Rio de Janeiro, à la suite d’un remaniement du marché interne. En s’appuyant sur des formules de composition et des modes de production de textes quasiment industriels, ces dramaturges sont devenus des pièces fondamentales de ce circuit, et ont constitué un réseau significatif. Afin de garantir leurs intérêts professionnels, ils se sont associés de manière à exercer un contrôle croissant sur le répertoire textuel mis en scène dans tout le pays, qui allait se trouver soumis à l’ordre du droit d’auteur. Cela a progressivement, mais radicalement, changé la logique de ce marché, de plus en plus façonné par la notion de propriété intellectuelle et la garantie qui en découle de l’exploitation commerciale des œuvres par leur créateur, assurée par un ensemble de prérogatives légales. Au-delà des aspects économiques, un tel changement allait laisser en héritage, surtout dans les décennies suivantes, une transformation symbolique de l’image de l’auteur de théâtre, définie par son unicité et son originalité, et éloignée des modes d’écriture hérités du XIXe siècle, tels que les adaptations, les plagiats, les adéquations et les arrangements. Comprendre les injonctions particulières des modes de production et de professionnalisation de ces sujets peut ainsi offrir des pistes pour briser simultanément les préjugés et les canonisations, en mettant en évidence des cultures dans lesquelles des modes d’écriture hétérogènes ont une grande portée, en marge de la consécration littéraire.

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Notes

2 Décret nº 14.529 du 9 décembre 1920, « Regulamento das Diversões Públicas ». Disponible sur : https://www2.camara.leg.br/legin/fed/decret/1920-1929/decreto-14529-9-dezembro-1920-503076-republicacao-93791-pe.html (consulté le 22 avril 2020). Sur la censure préalable, le chapitre XIV, article 39, § 5 précisait : « Dans la censure des pièces de théâtre, la police ne portera pas d’appréciation sur la valeur artistique de l’œuvre ; elle aura exclusivement pour but d’empêcher les atteintes à la morale et aux bonnes mœurs, les offenses aux institutions nationales ou à celles de pays étrangers, à leurs représentants ou agents, les allusions dénigrantes ou agressives à l’égard de personnes données et de la corporation exerçant l’autorité publique ou de l’un de ses agents ou dépositaires ; l’affront, le mépris ou l’outrage à toute confession religieuse, acte ou objet de son culte et à ses symboles ; la représentation de pièces qui, par suggestion ou enseignement, peuvent inciter quelqu’un à commettre des crimes ou en font l’apologie, cherchent à créer des antagonismes violents entre races ou différentes classes de la société, ou propagent des idées subversives. »

3 Daniel Rocha, « Gastão Tojeiro », Comoedia, n° 6, Rio de Janeiro, avril-mai 1947, p. 4-9.

4 Id., p. 8.

5 Oduvaldo Vianna, O Vendedor de ilusões, Rio de Janeiro, Édition de la Société brésilienne des auteurs de théâtre, 1931, p. V.

6 Archives Oduvaldo Vianna, Correspondências, Gilda de Abreu, FV-OV 1.0.1.1/1, 16 juin 1942. Cedoc-Funarte.

7 A posse de Paulo de Magalhães no cargo de Conselheiro Perpétuo da Sociedade Brasileira de Autores Theatraes. Os discursos de Marques Porto e do Recipiendário, Rio de Janeiro, Édition de la Société brésilienne des auteurs de théâtre, 1932, p. 21.

8 Id., p. 38.

9 Silveira Peixoto, Falam os escritores, deuxième série, Curitiba/São Paulo/Rio de Janeiro, Editora Guaíra Limitada, 1941, p. 84.

10 Id., p. 99-100.

11 Ibid., p. 87.

12 Claudio de Sousa, « Um discurso de Claudio de Sousa, na Academia Brasileira, sobre a obra de Paulo de Magalhães. » In Paulo de Magalhães, Alvorada, Rio de Janeiro, Édition de la Papeterie et Typographie Coelho, 1942, s.p.

13 A posse de Paulo de Magalhães no cargo de Conselheiro Perpétuo da Sociedade Brasileira de Autores Theatraes. Os discursos de Marques Porto e do Recipiendário, op. cit., p. 36.

14 Id., p. 40.

15 Ibid., p. 39.

16 José Maria Senna, Acêrca da arte de escrever para o theatro, Belo Horizonte, Os Amigos do Livro, 1936.

17 Selon l’Annuaire brésilien de littérature, cette maison d’édition a été fondée en 1931 à l’initiative d’Eduardo Frieiro et « regroupe 27 intellectuels qui publient, par le biais d’un système de contributions individuelles, les petites plaquettes de ses membres, ainsi que des ouvrages plus volumineux, aux frais de leurs auteurs ». En 1937, plus de vingt œuvres avaient ainsi été publiées, signées par des noms tels que Carlos Drummond de Andrade, Ciro dos Anjos et Rodrigo Melo Franco de Andrade. « Movimento bibliographico de 1936 », Annuario Brasileiro de Literatura, Rio de Janeiro, 1937, p. 295.

18 José Maria Senna, « Um livro uruguayo », Boletim de Ariel, an VI, Rio de Janeiro, oct. 1936 – sept. 1937, p. 21.

19 José Maria Senna, « Acêrca da arte de escrever para o teatro... », Boletim de Ariel, an V, n° 6, Rio de Janeiro, mars 1936, p. 146.

20 La « pièce bien faite », une expression attribuée au dramaturge Eugène Scribe, selon le Dictionnaire du Théâtre de Patrice Pavis, est le « nom donné, au XIXe siècle, à un type de pièces se caractérisant par l’agencement parfaitement logique de leur action ». Fondées sur des techniques de composition qui redonnaient au drame sa structure fermée, ces pièces avaient pour préceptes le déroulement continu et progressif des moteurs de l’action, pensée comme une courbe avec des hauts et des bas, truffée de quiproquos et d’effets visant à retenir l’attention du spectateur selon le jeu de l’illusion naturaliste. À cet effet, l’écriture reposait sur des règles précises de répartition mécanique du contenu dramatique entre les actes, en revisitant le modèle classique. Le prototype de la « pièce bien faite » a été utilisé à l’envi par les auteurs du théâtre dit de boulevard. (Pavis 1996, 257).

21 José Maria Senna, « Acêrca da arte de escrever para o teatro... », op. cit., p. 39.

22 Id., p. 25.

23 Ibid., p. 54.

24 Ibid., p. 63.

25 Ibid., p. 69.

26 Ibid., p. 75-76.

27 Álvaro Moreyra, « Modos de Ver », Anuário da Casa dos Artistas, Rio de Janeiro, 1947, s.p.

28 Un ensemble de 40 auteurs ont été inclus dans notre analyse : Raul Pederneiras, Modesto de Abreu, Carlos Bettencourt, Cardoso de Menezes, Luiz Peixoto, Gastão Tojeiro, Armando Gonzaga, Fabio Aarão Reis, Agostinho Marques Porto, Restier Junior, Bastos Tigre, Djalma Bittencourt, Francisco José Freire Junior, Luiz Drummond, Duque (Amorim Diniz), Luiz Iglezias, João Travassos Serra Pinto, Jardel Jércolis, Abadie Faria Rosa, Viriato Corrêa, Oduvaldo Vianna, Eurico Silva, Celestino Gaspar Silva, Nelson de Abreu, Renato Alvim, Heitor Modesto, Mario Domingues, Mario Magalhães, Pacheco Filho, Miguel Santos, Renato Viana, Matheus da Fontoura, Raimundo Magalhães Junior, Geysa Boscoli, Paulo Orlando, Joracy Camargo, José Wanderley, Daniel da Silva Rocha, Ernani Fornari et Paulo de Magalhães.

29 Les informations qui suivent ont été collectées dans des articles de périodiques, des préfaces de livres et les « Notices biographiques d’auteurs de théâtre » contenues dans les bulletins de la Société brésilienne des auteurs de théâtre (SBAT).

30 « Raimundo Magalhães (Depoimento, 1979) », Fondation Getúlio Vargas, Centre de recherche et de documentation de l’histoire contemporaine du Brésil (CPDOC-FGV). Disponible sur : https://cpdoc.fgv.br/sites/default/files/cientistas_sociais/raimundo_magalhaes/pho_1014_raimundo_magalhaes_1979-01-23_liberacao.pdf (consulté le 5 août 2019).

31 À titre d’exemple, Bastos Tigre sera directeur littéraire de la compagnie Tró-ló-ló dans les années 1920, Paulo de Magalhães, celui de la compagnie Procópio Ferreira de 1925 à 1927, Geysa Boscoli, celui de la compagnie Abadie Faria Rosa, Matheus da Fontoura, celui de la compagnie Jayme Costa à la fin des années 1920, et Joracy Camargo, celui des compagnies Raul Roulien et Procópio dans les années 1930.

32 « Em marcha o concurso de peças do S. José. Um convite da Empreza do Recreio », Jornal do Brasil, Rio de Janeiro, 28 juin 1931, p. 14.

33 « Procopio Ferreira e a sua próxima visita ao norte do país. Um perfil artístico do grande comediante escripto por Jarbas Andréa », Diário da Noite, Rio de Janeiro, 22 juillet 1930, p. 5.

34 « Commentando », O Jornal, Rio de Janeiro, 15 août 1930, p. 13.

35 Daniel Rocha, « Gastão Tojeiro », Comoedia, n° 6, Rio de Janeiro, avril-mai 1947, p. 8. Malgré cela, il convient de souligner que Gastão Tojeiro était membre du SNT.

36 « O autor mais representado em 1939 », O Malho, Rio de Janeiro, février 1940, p. 49.

37 R. Magalhães Junior, « Teatro para o Povo », Boletim SBAT, an XXIII, n° 209, Rio de Janeiro, janv-fév. 1942, p. 13-14.

38 Article 649 de la loi nº 3.071 du 1er janvier 1916. Disponible sur : www.jusbrasil.com.br/topicos/11439124/artigo-649-da-lei-n-3071-de-01-de-janeiro-de-1916 (consulté le 18 mai 2020).

39 Dans le cas spécifique du théâtre, l’inspiration paradigmatique pour la création de sociétés défendant les intérêts de leurs auteurs est venue de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), conçue en France par Beaumarchais dès 1777, mais qui n’a vu le jour qu’en 1829, grâce aux efforts d’Eugène Scribe. Bien qu’elle ait acquis un statut légal en 1837, la SACD éprouvait de grandes difficultés à garantir la rémunération des auteurs français en raison de l’immense volume de pièces jouées à l’étranger, une situation qui ne commencera à changer qu’au seuil de la Première Guerre mondiale (Yon 2008, 29-30). Dans ce contexte, l’établissement d’accords bilatéraux accroissait l’influence de cette société, en tant que modèle que l’on cherchait à reproduire dans d’autres pays.

40 Dans ce contexte, la revendication de meilleures conditions de travail et le développement d’une certaine conscience de classe, matérialisée par la création d’associations dans le milieu du théâtre, n’allaient pas être l’apanage des auteurs ; la Casa dos Artistas [Maison des artistes] allait être fondée en 1918, suivie par l’Union des souffleurs professionnels de théâtre et l’Union des menuisiers de théâtre en 1920, l’Union des électriciens de théâtre en 1922, puis, entre cette date et 1927, par l’Union des régisseurs, l’Union des danseuses (coristas) de théâtre du Brésil, l’Union des machinistes et l’Association de bienfaisance des portiers de théâtre.

41 Armando Vidal, O teatro e a lei (estudos), Rio de Janeiro, Édition de la Société brésilienne des auteurs de théâtre, 1932, p. 35.

42 « Excessos em Scena. Louvores à acção da polícia », O Jornal, Rio de Janeiro, 10 décembre 1919, p. 11.

43 « Em defesa dos autores – A SBAT põe termo ao abuso das cópias de peças », O Jornal, Rio de Janeiro, 22 novembre 1919, p. 11.

44 « Varias notícias: a Companhia Iracema de Alencar representa em Recife peças com os títulos mudados », O Combate: Independência, Verdade, Justiça, São Paulo, 15 mars 1921, p. 2.

45 Il s’agit d’un oiseau (Sporophile gris-de-plomb) au chant mélodieux. La désignation peut être utilisée pour se référer à quelqu’un qui chante bien ou, avec ironie, son contraire.

46 Cecília Meireles, « Economia do Intellectual », O Observador Economico e Financeiro, n° 40, Rio de Janeiro, mai 1939, p. 59-74.

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Table des illustrations

Titre Évolution de la perception de droits d’auteur par la SBAT (1920-1935)
Légende Nota bene : Nous ne disposons pas de données pour l’année 1934. Les chiffres sont tirés de bilans présentés dans le journal Diário de Notícias. « SBAT: o espantoso progresso da nossa Sociedade de Autores, nos últimos cinco anos », Diário de Notícias, Rio de Janeiro, 4 mars 1934, p. 7, et « Na Sociedade de Autores: a possa da nova directoria para o biennio 1936-1937 », Diário de Notícias, Rio de Janeiro, 12 janvier 1936, p. 6.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bresils/docannexe/image/17065/img-1.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Henrique Brener Vertchenko, « Écrire pour le théâtre : modes de production et professionnalisation de l’auteur de théâtre brésilien dans la première moitié du XXe siècle »Brésil(s) [En ligne], 25 | 2024, mis en ligne le 31 mai 2024, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bresils/17065 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11qxh

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Auteur

Henrique Brener Vertchenko

Henrique Brener Vertchenko est docteur en histoire de l’Université fédérale de Minas Gerais (UFMG), avec un stage doctoral à l’Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Il est membre des groupes de recherche Projet Brasiliana : écrits et lecture de la nation (UFMG), Histoire du théâtre brésilien : formation et critique (Université fédérale de l’État de Rio de Janeiro – UNIRIO) et Études du théâtre ex-centrique – ETEx (Université de São Paulo – USP).
ORCID : http://orcid.org/0000-0001-9348-3328.

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