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Réseaux croisés : statistiques, santé et soins médicaux à São Paulo au début du XXe siècle

Redes cruzadas: estatísticas, saúde e atenção médica em São Paulo no início do século XX
Crossed Networks: Statistics, Health and Medical Care in São Paulo in the Early 20th Century
Márcia Regina Barros da Silva
Traduction de Laure Schalchli

Résumés

L’objectif de cet article est d’interroger l’utilisation des statistiques dans l’histoire de la santé, dans l’État de São Paulo. Depuis les premières commissions statistiques instaurées au XIXe siècle par l’Assemblée législative, les informations sur les naissances et les décès ont servi à mesurer les richesses de la région. La question sociale ne représentait pas, en soi, un sujet d’intérêt pour les différentes administrations, à cause de la croyance en la salubrité locale, du peu d’attention accordée à la santé individuelle et de la disponibilité de la main-d’œuvre esclave. À l’époque républicaine, un réseau d’assistance s’est constitué en liaison avec des associations philanthropes, bénéficiant de subventions du gouvernement de l’État fédéré et des sphères fédérale et municipale.

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Notes de la rédaction

Article reçu pour publication en mars 2022 ; approuvé en juin 2023.

Texte intégral

Ce travail a été réalisé avec le soutien de la Coordenação de Aperfeiçoamento de Pessoal de Nível Superior (CAPES). Code de financement 001.

1Aussi simples et imprécises soient-elles, les statistiques sont capables de fournir des ordres de grandeur et elles permettent d’établir des corrélations. Ce fut le cas des premières statistiques produites au Brésil, et plus particulièrement à São Paulo, à partir du début du XIXe siècle. Pour Bruno Latour (1987), les statistiques visent à extrapoler les cas individuels et à construire des « panoramas » par le biais des connexions. C’est dans ce sens qu’elles ont été utilisées par l’administration locale de l’État de São Paulo, pour mieux comprendre sa population.

2C’est aussi pour répondre à de semblables objectifs, selon le mode qui est aujourd’hui le nôtre, que s’est développée ce que l’on a appelé en Angleterre, à partir du XVIIe siècle, l’arithmétique statistique. Une même ambition administrative voyait simultanément le jour en France et en Allemagne, des nations qui étaient mues par un désir de « comprendre leur extension territoriale et le nombre de leurs sujets » (Martin 2001, 14). La recherche de modes de comptabilisation de la production et des richesses a permis l’essor de deux nouveaux domaines de la connaissance, l’économie politique et la statistique. Les systèmes de gouvernement anglais et français, libéraux et physiocratiques ont permis de consolider ces deux champs et d’ouvrir leurs signifiés (Senra 2005, 78 ; 2006, 63). Aux États-Unis, c’est en 1790 que l’État a commencé à compter sa population, dans le cadre de la mise en place de la structure gouvernementale nationale (Anderson & Fienberg 1999).

3Au Brésil, le gouvernement éclairé portugais exigeait également de connaître un pays qui prenait de plus en plus d’importance dans les discours, les publications et les débats (Dias 1968). La demande des législateurs en matière de statistiques grandissait et entraînait une nécessaire organisation des données. Une même attente est décelable dans le domaine de la formation, avec la création de cursus et l’implantation de disciplines dont des publications de la Presse royale (Impressa Régia) se font l’écho, au moins, à partir de 1819. Le premier recensement national n’aura néanmoins lieu que bien des années plus tard, en 1872, et les premiers annuaires statistiques produits par le gouvernement fédéral ne verront le jour qu’entre 1908 et 1912 (Senra 2006 et 2022 ; IBGE 2006).

4Au niveau local, c’est après l’installation de l’Assemblée législative de la province de São Paulo, le 2 février 1835, que ses 36 députés instaurent des commissions ordinaires, appelées aussi, plus tard, « commissions permanentes », afin de répondre aux exigences de l’Acte additionnel de 1834 et d’organiser les relations entre les pouvoirs exécutif et législatif. Comme l’indique Márcia Pazin (2006, 52), c’est là que fut mise en place la première Commission de statistique (loi n° 4, du 13 février 1836), pour systématiser les données générales sur la population, sur les conditions climatiques et géographiques, ainsi que sur les biens et les produits de la province de São Paulo.

5La Commission de statistique se penchait sur les cas de délimitation territoriale entre villages et paroisses : il s’agissait de définir l’étendue de la localité requérante et d’évaluer la possibilité de modifier son statut juridique, à une époque marquée par les conflits territoriaux dans la province. Des requêtes qui lui étaient adressées s’appuyaient sur des pétitions signées par les habitants et des rapports émanant des autorités. La commission répondait généralement en présentant des données sous forme de tableaux, de cartes et de plans topographiques. En ce sens, la statistique, telle qu’elle était utilisée dans l’administration de la province de São Paulo, assumait le rôle d’interlocuteur ; elle répondait aux demandes émanant de diverses instances, était, au sens donné à ce terme par Bruno Latour, une sorte de porte-parole des modes d’administration publique, et allait désormais se tailler une place dans l’exercice du pouvoir. Dans l’ensemble, le travail de la Commission de statistique reposait sur des préoccupations lisibles dans un relevé de population antérieur, comme l’explique Luciana S. Galvão :

  • 2 La Comarca était l’une des divisions territoriales brésiliennes, correspondant à une circonscripti (...)

Le premier de ces travaux, intitulé Estatística da Imperial Província de São Paulo et publié à l’origine en 1827, a été élaboré par José Antônio Teixeira Cabral. Outre quelques notions historiques sur la province, il renferme des données sur la localisation et les limites des comarcas2 et des paroisses, le climat, les ressources minérales, ainsi que des informations sur la population et les activités économiques. (Galvão 2020, 24)

6Dans cet article, je m’intéresse à la manière dont les services dédiés à la statistique, établis au tournant du XXe siècle à São Paulo, ont abordé des thèmes liés aux soins médicaux et, plus généralement, à la santé. Grâce aux statistiques des institutions et des secteurs désignés, il est possible de suivre, sur une longue durée, la spécialisation des services, la hausse du volume des nécessiteux et des moyens octroyés à la prise en charge des maladies et à l’assistance hospitalière.

Statistiques et santé à l’époque impériale

7Robert Castel l’avait déjà souligné (1995), et ce discours fait aujourd’hui consensus (Sanglard 2020 ; Batista, Souza & Silva 2020 ; Mac Cord & Batalha 2014 ; Viscardi 2008) : la création de la première Commission de statistique va de pair avec l’attention accordée à la question sociale devenue sujet à part entière. Pour Castel, c’est à partir de 1830 que le problème du paupérisme émerge en lien direct avec la reconnaissance des droits de la population, mais surtout avec une meilleure appréhension des effets d’ordre économique sur les masses misérables. Un constat se fait jour : ces masses étaient susceptibles de représenter une menace pour l’ordre public.

8Au Brésil, la pauvreté et la figure du pauvre étaient étroitement corrélées à l’absence de propriété terrienne. Parmi les êtres sans ressources, on trouvait surtout des individus qui n’étaient pas agriculteurs et qui vendaient leur force de travail dans des conditions toujours plus précaires. À partir de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle, les transformations entraînées par l’essor économique et l’évolution de la main-d’œuvre ont néanmoins permis aux démunis de se fixer dans les centres urbanisés des régions productrices de l’État de São Paulo et de sa capitale, comme l’expliquent Francisco Luna et Herbert Klein :

  • 3 Tropeiros était le nom donné au Brésil, à partir du XVIIe siècle, aux hommes qui conduisaient les (...)

Bien que le groupe non agricole comprenne des commerçants prospères, des tropeiros3, des membres du clergé, des hauts fonctionnaires et même un noyau de riches artisans hautement spécialisés, il s’agissait, dans une large mesure, d’un groupe pauvre, avec une part significative de non-Blancs et de femmes. Les plus pauvres avaient été expulsés de terres dont la valeur ne cessait de croître en raison de l’essor économique et ils formaient le gros des travailleurs urbains semi-qualifiés, ou non qualifiés, dans les centres urbains en expansion. (Luna & Klein 2005, 239)

  • 4 Daniel Pedro Muller, Ensaio d’um quadro estatístico da província de São Paulo: ordenado pelas leis (...)

9L’urbanisation croissante touchait et amalgamait toujours plus nécessiteux et travailleurs pauvres, et c’est dans les centres régionaux et dans la capitale que les premières formes de prise en charge sociale de la pauvreté ont vu le jour. Au même moment, l’Assemblée législative de São Paulo faisait état de ses premiers résultats, étayés par des études menées par la Commission de statistique, deux ans après son lancement : Ensaio d’um quadro estatístico da província de São Paulo [Essai de tableau statistique de la Province de São Paulo], publié en 1837 sous la coordination du maréchal Daniel Pedro Muller4.

  • 5 Id., p. XVIII.

10Après avoir signalé à quel point certaines données étaient précaires, Muller présentait les catégories, déployées tout au long du texte sous forme de tableaux, par comarcas et par ville, à savoir : des données sur la population et sur ce qu’on appelle l’industrie agricole, c’est-à-dire un relevé de la production alimentaire ; des données suivies par des informations sur l’industrie manufacturière, le commerce intérieur et par le bilan des exportations et importations ; enfin, des données topographiques sur le climat et « son influence sur les maladies endémiques5 ». On pouvait trouver encore des précisions sur les finances de l’État, ses recettes et dépenses, sur le nombre d’établissements publics et d’écoles, sans oublier des données sur la criminalité sous le titre d’Histoire civile et judiciaire, et, enfin, une présentation des divisions de l’administration judiciaire de la province et des effectifs de ses forces armées.

  • 6 Ibid., p. XXV.

11Selon Muller, les données transmises par les autorités locales, qui devaient servir à dresser un « inventaire exact du pays6 », représentaient une pierre d’achoppement car il était délicat de s’assurer de la qualité des informations. La publication offrait également un récapitulatif de l’histoire de la province de São Paulo depuis sa fondation et une description géographique de ses différentes régions. Ce pan mettait l’accent sur les caractéristiques climatiques de la province, répertoriait les produits naturels, les espèces animales, les types de plantes, de minéraux et de sols, avec des considérations sur ceux qui étaient les mieux adaptés à l’environnement naturel local.

12La publication insiste sur la qualité et l’abondance de la production, et Muller commente tout particulièrement les régions les plus productives, en évoquant les différents types d’activités développées dans chaque localité, en fonction de la fertilité des sols :

  • 7 Terres concédées par la Couronne. (NdT)
  • 8 L’engenho désigne le moulin à sucre mais aussi l’unité de production organisée autour de celui-ci. (...)
  • 9 Ibid., p. 29.

Dans les endroits où la population a afflué, la majeure partie des sesmarias7 sont cultivées sur une grande partie de leur étendue, à l’instar des endroits les plus fertiles, déjà occupés par des Engenhos8, des exploitations d’élevage et des petites fermes, ce qui se produit en effet grâce au concours des habitants [...]9.

  • 10 Ibid., p. 29.

13En revanche, le territoire inhabité de la province était marqué d’un « restant encore à connaître », un arrière-pays qui serait dans sa majeure partie « habité par les Indiens10 ». Comme le suggère José Rogério Beier (2014, 486), une telle note pouvait « révéler l’intérêt d’une administration désireuse d’étendre sa juridiction sur une zone considérée inoccupée, ce qui, dans certaines aires, pouvait susciter des conflits avec les provinces voisines ». Telle était, selon lui, l’intention déguisée sous l’appellation « Ouest pauliste », dénommé « Arrière-pays inconnu » (Sertão desconhecido) sur le Mappa Chorographico da Província de São Paulo [Carte chorographique de la Province de São Paulo], un ouvrage également publié en 1841, sous l’impulsion de Pedro Muller.

  • 11 Documentos com que o Illustríssimo e Excellentissimo Senhor Doutor José Antonio Saraiva, President (...)
  • 12 Documentos com que o Illustrissimo e Excellentissimo Senhor Doutor Antonio Roberto d'Almeida, Vice (...)
  • 13 Relatório apresentado pelo Exm. Sr. Presidente da Província de S. Paulo pela Commissão Central de (...)

14Cette même Commission de statistique réalisa d’autres relevés. Le deuxième fut organisé par le général José Joaquim Machado de Oliveira, alors député, et publié en deux volumes en 185511 et 185612. Un troisième relevé, coordonné en 1886 par l’ingénieur Adolpho Augusto Pinto, fut publié en 188813. D’après Maria Luíza Marcílio (1973, 94), le travail d’Oliveira était loin d’être aussi brillant que celui de Muller, lequel marqua un tournant par rapport aux anciennes listes nominatives de 1765. Le troisième relevé, élaboré par la Commission centrale de statistique de la province de São Paulo, et fondé tout particulièrement sur le travail d’Adolpho Pinto, s’appuyait sur les statistiques de l’état civil de 1883 et 1886.

15Tous ces relevés suivaient les mêmes catégories. La première publication coordonnée par Pedro Muller pointait les difficultés, les failles et surtout les lacunes liées à la non-transmission de données par les municipalités. Les chercheurs Maria Silvia Bassanezi et Carlos Bacelar soulignent d’autres problèmes : l’imprécision dans l’agrégation des résultats, les erreurs probables de transcription, les erreurs de calcul, les divergences dans la classification. Ils estiment cependant qu’en dépit « des erreurs constatées, ces données ne doivent pas être écartées car ce sont les seules disponibles pour la province de São Paulo de l’époque et, par ailleurs, tout indique que, dans certaines municipalités, les informations ont été bien collectées » (Bassanezi & Bacellar 2002, 127).

  • 14 Daniel Pedro Muller, op. cit., p. XV.

16Ces relevés aidaient à éclairer les caractéristiques d’une localité en des temps politiquement importants, même si la collecte est discontinue (comme lors de la décentralisation pendant la Régence), ou si les prévisions de croissance démographique et économique varient, avec l’essor du café dans la région pauliste. Pedro Muller indiquait déjà que le relevé permettrait, à partir de la confrontation des variables, de « déduire l’avancée, le retard ou l’amélioration progressive d’un territoire, ou ce qu’il était susceptible d’apporter14 ».

17Selon Bassanezi et Bacelar, la publication de Muller permettait de dresser un tableau comparatif des naissances, de l’entrée d’étrangers et du nombre d’esclaves, et de vérifier par là-même l’augmentation ou la baisse de la population. Elle permettait aussi d’évaluer les richesses de la province, avec cette cartographie et ce tour d’horizon des points forts et des points faibles de l’économie, et ce tableau de l’ordre de grandeur de l’espace naturel disponible pour le développement, des mécanismes de subsistance et d’expansion économique et commerciale de la région.

18Ces données économiques complètent, à mon sens, les données démographiques qui se dégagent du comparatif entre naissances et décès. Les maladies, comme causes de décès, ne sont pas décrites en tant que telles ni soumises à un détail des pathologies, mais elles sont mentionnées comme motif visible du déséquilibre et déclin d’une population, comme l’indique d’ailleurs Muller :

  • 15 Ibid., p. XXVI.

La différence entre le nombre de naissances et de décès donne la mesure de la croissance d’une population. S’il y a plus de naissances que de décès, c’est un signe de prospérité et, aussi, d’absence des vices et des pathologies que la pauvreté ou le climat insalubre apportent avec eux. L’inverse est un indicateur de pauvreté ou de maladies au sein du peuple, le signe que les vices, la misère ou l’indolence endiguent toute capacité de reproduction15.

19Les processus de santé et de maladie n’étaient pas en soi matière à débat au sein de l’administration, mais on détecte ici les prémices de leur insertion dans un réseau de significations nouvelles (Silva 2019). Faire mention des maladies n’était nécessaire que parce qu’elles surgissaient dans un écheveau de situations adverses qui faisaient obstacle à la croissance économique de la région, comme on le remarque dans le premier relevé statistique de 1836. Le principal facteur de déclenchement des maladies infectieuses, cité dans ce document, était le climat, qui était supposé avoir une influence sur l’état de santé général des populations :

  • 16 Ibid., p. XVIII.

CLIMAT. Le climat doit être abordé et envisagé au regard de son influence sur les maladies endémiques du pays, qui sont l’une des principales causes de rupture dans la chaîne de la croissance. Si de telles maladies sont présentes (ce qui n’est pas toujours le cas), un examen précis et approfondi de leurs causes est de la plus haute importance afin d’en faire la prévention16.

20Le doute quant à l’existence ou non de maladies endémiques montre que l’on accordait peu d’attention à la santé des individus, surtout à la santé des plus pauvres. En règle générale, l’insalubrité était traitée comme une exception à la règle, qui venait contrarier les conditions favorables du climat pauliste et de sa géographie, un argument repris dans différents documents du gouvernement tels que les discours parlementaires et présidentiels (Silva 2011, 67). C’est n’est que plus tard, après les grandes épidémies des années 1850, que la perspective devait changer, avec la naissance de la médecine sociale et l’attention portée par les autorités à l’état sanitaire de sa population ; c’est l’époque où, pour reprendre les termes de Roberto Machado (1978), la santé est devenue un sujet d’appréhension pour l’administration publique.

21La jonction entre la question climatique et les interprétations et théories concernant les maladies est loin d’être nouvelle. Les cas de contagion et le déclenchement des épidémies ont donné lieu à des explications diverses, depuis l’idée de punition divine jusqu’aux effets indésirables des conditions climatiques. En d’autres termes, les maladies provenaient en partie de la nature, mais aussi en partie des rapports sociaux.

22La corruption pouvait venir de l’air, dans toutes les situations susceptibles de la déclencher : autres malades, déchets, émanations du sol, miasmes et pourritures de toutes sortes, voire conjonction des astres. La notion de contagion a ainsi beaucoup évolué et revêtu des acceptions très différentes. Dina Czeresnia (1997) a exploré les discontinuités entre les théories explicatives miasmatique et contagionniste. D’après elle, les miasmes mettaient l’accent sur « le besoin de préciser le principe ou le stimulus qui produit la maladie dans le corps », alors que la contagion « appréhende[rait] la maladie à partir de l’idée de prédisposition » (Id., 83). Deux perspectives se côtoyaient ainsi : l’une reposant sur la localisation et la spécificité, afin de produire des thérapies communes ; l’autre fondée sur la singularité et la totalité, qui produisait des thérapies non-généralisables.

  • 17 Inspiré des institutions portugaises, le système de la Fisicatura-Mor avait, entre 1808 et 1828, l (...)

23Pour appréhender la question de la santé publique dans les provinces brésiliennes au cours de la première moitié du XIXe siècle, Rafael Mantovani (2015) avance qu’il convient de s’intéresser à l’action des conseils municipaux qui, dans la province de São Paulo, centralisent la gestion de la santé au terme de la Fisicatura-mor17 en 1828. À São Paulo, jusqu’en 1850, le discours médical était « prononcé par des militaires » (Id., 22) ; ses effets étaient variables mais ils représentaient un bénéfice politique aux yeux de l’administration. Dans un contexte d’instauration d’un nouveau régime, il fallait, pour le bien de la santé, « assainir » les espaces publics puisque la propreté était synonyme d’ordre et de moralité. Tel fut le rôle de l’hygiénisme.

24Pour ce qui est du climat, Mantovani établit un lien entre les théories anticontagionniste, miasmatique et climatique ; il met en avant le discours sur la propreté et la fluidité de la circulation prôné par l’État bourgeois pour gagner en prestige. Cet auteur souligne que la vision hygiéniste, étroitement liée à la salubrité et à l’administration des villes, visait avant tout, dans ses origines européennes et du point de vue des États-nations, à prendre soin de la santé des travailleurs. Toutefois, affirme-t-il, au Brésil et, à São Paulo particulièrement, « l’amélioration de la salubrité de la ville n’était pas liée à la santé de la population pauvre ». D’après ses dires, São Paulo était une ville en quête de civilité et d’ordre, où la propreté représentait un signe de distinction, de sorte que les réformes sanitaires étaient en fin de compte « menées au détriment de la santé des travailleurs (esclaves) » (Mantovani 2015, 134).

25Les autorités continuaient à faire valoir les bonnes conditions climatiques de la région, y compris dans le cadre de la nouvelle Assemblée provinciale de 1835. Dans la première loi budgétaire (loi n° 41 du 21 mars 1836), il fut proposé de centraliser et de contrôler les comptes publics, dont les dépenses liées à la santé. L’historienne Maria Luíza Marcílio affirme que le thème du contrôle de la mortalité et de la natalité n’avait pas fait l’objet d’une attention particulière avant cette date : jusqu’alors, l’augmentation de la population de la région dépendait avant tout de sa croissance végétative puisqu’elle n’avait connu aucune crise démographique liée à des famines ou à la guerre, ni d’« épidémies catastrophiques dévastant les collectivités, provoquant de brusques fluctuations dans les courbes de mortalité » (Marcílio 2000, 75). Ce n’est qu’à partir de 1850 que les maladies sont perçues comme un facteur de déstabilisation, et cette année-là marque le début d’« une période de grandes épidémies généralisées et meurtrières, d’abord la “fièvre jaune”, puis le “choléra-morbus”, toutes deux de portée nationale » (Id., 75).

26Le relevé statistique de 1855-1856, dont l’objectif déclaré était d’aider à préparer le Recensement général de l’Empire, allait également enrichir les données disponibles sur la province et confirmer que seule une réduction de la population inciterait le gouvernement local à agir. C’est ce qui se produisit pour les questions sanitaires, devenues pressantes avec des épidémies qui commencèrent à affecter la main-d’œuvre, puis les travailleurs blancs. Les transformations économiques et sociales se sont intensifiées, à la suite des débats abolitionnistes engagés à partir des années 1870 et qui ont culminé avec la fin de l’esclavage le 13 mai 1888, modifiant profondément les caractéristiques socio-politiques du pays (Mastromauro 2010 ; Tellaroli Jr 1997 ; Ribeiro 1993).

27L’année 1884 vit la création de l’Inspection d’hygiène de São Paulo, subordonnée à l’Inspection générale d’hygiène dont le siège était à Rio de Janeiro. Il s’agissait du premier service spécifiquement consacré à la santé de la population. L’Inspection avait prévu diverses actions, dont un contrôle des professionnels et des mesures de nature sanitaire en milieu urbain, mais aucune de ses propositions ne fut pleinement mise en œuvre par le gouvernement provincial. Les activités de l’Inspection restèrent très limitées et, durant toute sa période d’activité, de 1884 à 1889, l’Inspection n’engagea que des actions fluctuantes et peu efficaces de « statistique démographique et sanitaire (principalement de la capitale), contrôle des professions médicales et pharmaceutiques, inspection sanitaire, lutte contre les épidémies, principalement contre la variole » (Mascarenhas 2006, 4).

28Dans le premier Rapport de l’Inspection de la province de São Paulo, publié en 1887, le médecin Marcos de Oliveira Arruda, premier inspecteur sanitaire, proposait la création d’un Conseil provincial supérieur d’hygiène publique, partant de la reconnaissance de la progression des maladies épidémiques. Ce médecin recommandait la mise en place d’un dispositif sanitaire au sein de la structure gouvernementale, même s’il indiquait que la salubrité de la province était excellente en raison des conditions géographiques et climatiques favorables de la région. Arruda ne relevait nul signe de pauvreté ni de misère locale, et soulignait combien la province de São Paulo était civilisée par rapport aux autres grandes capitales :

  • 18 Marcos de Oliveira Arruda, Relatório apresentado pela Inspectoria de Higyene de São Paulo em data (...)

São Paulo n’a pas connu de maladies réellement endémiques ; les maladies ubiquitaires y ont rapidement décliné et, jusqu’à aujourd’hui, la Province a été épargnée par les maladies saisonnières propres à certains pays, comme ces pays dont les saisons froides entraînent la mort par asphyxie et engelures, ou dont les saisons chaudes provoquent des coups de soleil ou des affections physiques, etc. On n’y voit pas non plus de maladies causées par la nourriture ou la misère, ni de maladies nosocomiales ou propres aux hôpitaux. Et, surtout, la Province est épargnée par ces horribles maladies qui font malheureusement la renommée de certains pays, comme la pellagre en Italie, la fièvre récurrente en Angleterre, le mouthscower en Irlande, la fièvre typhoïde et la diphtérie dans les grandes capitales européennes, le choléra en Inde, la fièvre jaune dans le golfe mexicain, etc.18.

29On soulignera que cet inspecteur sanitaire, le dernier avant l’instauration du régime républicain en novembre 1889, continuait de faire valoir les conditions naturelles favorables de la province, même si l’époque était déjà marquée par des problèmes épidémiques évidents. Le rapport insistait sur le caractère bienfaisant de la nature pauliste en exposant deux questions nouvelles, qui ont dès lors attiré l’attention sur le thème de l’insalubrité : l’augmentation de la population et la progression de la circulation des personnes et des biens.

  • 19 Id., p. 104.

Le simple énoncé de l’état sanitaire admirable de cette province, en raison de ses seuls privilèges naturels, impose le devoir d’œuvrer pour conserver les avantages de son climat et pour prévenir, combattre et éliminer les failles, les inconvénients et les dangers sanitaires que la densité croissante de la population, les progrès de la civilisation, la circulation et toutes les autres conséquences du progrès entraînent toujours19.

L’administration républicaine de la santé

30Dans la première période républicaine, entre 1889 et 1915, les explications fondées sur les conditions naturelles ont commencé à perdre de leur centralité face à la progression des « maladies qui s’attrapent » et aux inquiétudes grandissantes liées à la production et au marché du travail. Le nouveau régime politique a étendu les compétences de l’État en matière de gestion de la santé publique ; dans un premier temps de manière plutôt coercitive et sans amélioration véritable des infrastructures, puis en renforçant ces deux volets. Il inaugurait ainsi ce que Gilberto Hochman (1998) a appelé « l’ère de l’assainissement ».

31Il s’agit d’une « période où les élites prennent conscience des graves problèmes sanitaires du pays et où le sentiment que l’État national doit assumer davantage de responsabilités, en matière de santé publique et de salubrité territoriale, se généralise » (Hochman 1998, 40). São Paulo était l’État de la fédération doté des capacités économique et politique indispensables pour mettre en œuvre un dispositif de santé. L’objectif était avant tout de défendre les intérêts des caféiculteurs paulistes ; il fallait protéger les flux de main-d’œuvre immigrée et nationale afin d’assurer la production, tout en améliorant les conditions de vie dans les villes en pleine croissance et, surtout, dans la capitale (Mascarenhas 1949 et 2006 ; Ribeiro 1993 ; Castro Santos 1993 ; Telarolli 1997 ; Silva 2007 et 2014).

32En 1889, l’ancienne Inspection était supprimée et remplacée par l’Inspection d’hygiène de l’État (loi n° 12 du 28 octobre 1891). La nouvelle Inspection était subordonnée au secrétariat à l’Intérieur, aux côtés de nouveaux services récemment créés : le Conseil de santé, l’Hospice des aliénés et la Direction de l’hygiène. Cette dernière regroupait l’Institut de vaccination, le Laboratoire bactériologique, le Laboratoire pharmaceutique et le Laboratoire d’analyses chimiques. La même année, la nouvelle Inspection est remplacée par le Service sanitaire de l’État de São Paulo. C’est aussi à cette date que le Conseil de santé est supprimé et que sont créés le Service général de désinfection et la Section de statistique démographique et sanitaire. Jusqu’en 1893, différentes lois ont été adoptées pour consolider l’organisation du Service sanitaire, inscrit au budget annuel à partir de 1892.

33Les phénomènes de croissance rapide et d’évolution des données épidémiologiques de la population de l’État de São Paulo, et de sa capitale, allaient désormais faire l’objet d’un suivi grâce à un système d’information de plus en plus performant. Cet appareil d’État présentait des dimensions nouvelles ; il regroupait les différents instituts de production biomédicale et donnait lieu à un ensemble de publications périodiques, avec les données des statistiques générales et des statistiques médicales, sous la forme d’annuaires, de bulletins statistiques et de rapports dont la circulation devint régulière. Deux entités ont joué un rôle considérable dans l’élaboration de ce matériel : la Section de statistique démographique et sanitaire (Seção de Estatística Demógrafo-Sanitária), au sein du Service sanitaire, et l’Office de statistique et archives de l’État (Repartição de Estatística e Archivo do Estado), tous deux créés en 1892 et subordonnés au secrétariat à l’Intérieur.

34Jusqu’aux années 1930, ces nouvelles structures administratives ont été à l’origine des publications suivantes : Annuaire statistique de l’État de São Paulo (de 1898 à 1939), Annuaire démographique de la Section de statistique démographique et sanitaire de l’État (entre 1884 et 1934), Bulletin trimestriel de statistique démographique et sanitaire de l’arrière-pays (1894), Bulletin mensuel de statistique démographique et sanitaire de la capitale (1894-1895), Bulletin mensuel de statistique démographique et sanitaire de São Paulo (1904-1918), Bulletin mensuel de statistique démographique et sanitaire de São Paulo et des communes de Santos, Campinas, Ribeirão Preto, São Carlos, Guaratinguetá et Botucatu (1918-1925), et enfin le Bulletin hebdomadaire de statistique démographique et sanitaire des communes de São Paulo, Santos, Campinas, Ribeirão Preto, São Carlos, Guaratinguetá et Botucatu (1904-1930) (Silva 2010).

35La littérature sur la santé publique à São Paulo, citée dans cet article, s’inscrit dans une longue tradition. Selon Luiz Antonio de Castro Santos (1985, 1987, 1993 et 2004), qui s’est penché sur l’évolution des rapports sociaux et politiques entre l’État et la société, ce processus a permis de développer, à São Paulo, une base institutionnelle moderne d’administration et de recherche, axée sur l’éradication des principales maladies épidémiques. Cet auteur rejoint dans son analyse le Nord-américain John A. Blount (1972), qui a lui aussi évalué, quoique succinctement, l’importance prise par le projet politique de réforme sanitaire au début de la période républicaine. Cela dans un contexte qui menaçait les activités liées à la culture du café de différentes manières, ainsi que des activités urbaines, comme a également indiqué Telarolli Jr (1996, 266). Maria Alice Rosa Ribeiro (1993) a élargi le débat en examinant la place prise par les questions de santé dans la promotion de la politique d’immigration, la formation du marché du travail libre et la lutte contre les épidémies.

36À la suite de ces premières analyses, d’autres spécialistes ont continué à nourrir le débat sur la lutte contre les épidémies à São Paulo, en diversifiant les problématiques autour des politiques sanitaires et de la construction des villes brésiliennes (Benchimol 1990 ; Hochman 1998 ; Chalhoub 1996). Pour ce qui est de São Paulo, certains travaux sur les soins médicaux et la création d’institutions d’enseignement de la médecine (Silva 2010 et 2014) ont fait le lien entre la formation professionnelle, la production de connaissances médicales et le renouvellement de l’appareil institutionnel de santé, associé au développement des politiques sanitaires.

37La question statistique dans le domaine de la santé à São Paulo, et le rôle de la quantification pour l’autorité sanitaire, ont été abordés dans des perspectives diverses par Rodolpho Telarolli Júnior (1993), José Geraldo Alves (1999) et, plus récemment, par Alexandre Camargo (2021). Ces auteurs ont cherché à évaluer les aspects liés à des événements qui ont alors été investis de capacités politiques et techniques, dans la mesure où on les retrouve aussi bien dans le débat politique, dans les discussions scientifiques que dans les publications locales et nationales. À cette même époque, l’hégémonie du modèle pasteurien se renforçait au sein de la recherche et des soins médicaux.

38Rattaché au Service sanitaire, le Service démographique et sanitaire de São Paulo (Serviço Demógrafo-Sanitário de São Paulo) a été dirigé par le médecin Domingo Rubião Alves Meira, de 1894 à 1914, à plusieurs reprises. Les bulletins publiés à partir de la création de ce service, dont ceux cités plus haut, ont vocation à dresser une vaste cartographie de la situation sanitaire dans les principales communes de l’État. Tout est passé au crible : les causes de décès, les maladies spécifiques aux différents groupes d’âge et la distribution des maladies épidémiques. Ces informations représentaient un jalon dans l’articulation entre connaissances médicales et données statistiques, avec l’application des connaissances à la planification et à la gestion de la ville modernisée, même si les données n’étaient pas toujours fiables. Les chiffres utilisés étaient collectés à partir des registres d’état civil de chaque localité et transmis par les Commissions sanitaires, avec des informations sur les décès, les mariages et les naissances.

39Selon José Geraldo Alves, les activités de la Section de statistique servaient aussi à renforcer et à défendre le Service sanitaire, en allant dans le sens des conceptions pasteuriennes de l’étiologie des pathologies prévalentes, et en opposant de nouvelles conceptions biomédicales aux théories jugées dépassées, afin de se démarquer de « l’archaïsme et de l’anachronisme des pratiques médicales » anciennes, principalement non pasteuriennes (Alves 1999, 62).

  • 20 Emilio Ribas, Relatório apresentado ao Dr. José Cardoso de Almeida. Secretario dos negócios do Int (...)

40Emílio Ribas, directeur du Service sanitaire entre 1898 et 1916, déclarait à propos des travaux de la Direction de statistique démographique et sanitaire : « l’on relève déjà l’apport essentiel de la statistique dans toutes les branches de l’activité humaine ; elle prouve que la comparaison est le socle de toutes nos conquêtes20 ».

  • 21 Antonio de Toledo Piza, Relatório apresentado ao cidadão Dr. Cezario Motta Junior. Secretário dos (...)
  • 22 L’Office de statistique a été chargé d’absorber les diverses archives des secrétariats du gouverne (...)

41L’Office de statistique et archives de l’État a eu pour premier directeur l’ingénieur Antônio de Toledo Piza21. Ce dernier était directement subordonné au secrétariat à l’Intérieur, chargé à la fois de la gestion de la santé et de l’éducation, et de l’organisation des affaires de l’État. Tous deux avaient été créés par le décret n° 30 du 10 mars 1892, de même que le secrétariat à la Justice, le secrétariat à l’Agriculture et le secrétariat au Commerce et aux travaux publics, ce qui montre combien la santé et les questions statistiques étaient devenues des pièces indispensables au nouveau projet de gouvernement républicain pauliste22.

42Le premier Annuaire statistique de l’office a été publié en 1898 dans le but de dresser un panorama général des échanges économiques et de la richesse de l’État. Après une revue des conditions de croissance, on y trouve une analyse de la population et de sa répartition, ainsi que des contextes économique, culturel, religieux et politique. Les informations collectées devaient embrasser toutes les catégories liées à la présence humaine dans les villes, sous les rubriques suivantes : Mouvement de la population et sous-sections ; État civil, Immigration, Division administrative, Statistique économique, Statistique morale, Documents intéressants et archives de l’État, organisées en sous-sections ; Religion professée, Journaux et revues publiés, Bibliothèques et théâtres existants, Institutions d’enseignement public et privé, Institutions d’assistance publique et de charité privée.

43De même que les rapports de la Direction démographique et sanitaire, les Annuaires statistiques servaient d’appui à l’administration républicaine de l’État de São Paulo pour gérer et planifier des actions. Dans le domaine de la santé, les deux principales sphères d’intervention étaient, d’une part, les politiques sanitaires et leurs institutions de coordination et de recherche et, d’autre part, les soins hospitaliers dispensés par les Santas Casas de Misericórdia, et en particulier la Santa Casa de Misericórdia de São Paulo. Ces rapports permettent d’observer, au cours du processus d’organisation des soins de santé, une systématisation du soutien du gouvernement de l’État aux organisations caritatives. Cet appui se renforce à mesure que les autorités locales subissent des pressions dues à croissance économique et démographique. Toutefois, cette demande n’a pas permis la mise en place de services médicaux publics dans une proportion équivalente à celle des services dédiés aux politiques sanitaires.

44Les populations malades et dans le besoin des régions urbanisées ont commencé à être prises en compte dans les statistiques produites par l’Office de statistique et archives de l’État, dans des publications intitulées Statistique des institutions subventionnées par l’État de São Paulo. Ces publications regroupaient des rapports ou des extraits de rapports envoyés par des institutions d’assistance sociale diverses : hôpitaux, polycliniques, sanatoriums, asiles, orphelinats, refuges, dispensaires, associations de bienfaisance, sociétés, écoles, instituts de recherche et clubs de loisirs ; tous bénéficiaient du soutien de l’État. La plupart des établissements de santé subventionnés qui figurent dans ces rapports appartiennent au réseau des Santas Casas de Misericórdia, qui commençait à s’étendre dans l’État en raison de la croissance économique et du développement de centres urbains dans ce que l’on appelait jusqu’alors l’« arrière-pays inconnu ».

45Les rapports produisaient des informations sur le nombre de patients pris en charge, le montant des ressources et des financements privés et publics de tous les appareils – municipaux, de l’État fédéré et fédéraux –, le nombre d’employés, les catégories de services fournis et d’autres informations pertinentes sur les institutions subventionnées.

46Comme nous le verrons, le croisement des données des Annuaires démographiques et sanitaires, des Annuaires statistiques et des Budgets de l’État montre la constitution d’un réseau de soins hospitaliers. Le terme réseau est ici employé au sens large, tel que défini par Bruno Latour dans sa théorie de l’acteur-réseau : la tâche de « déployer les acteurs en tant que réseaux de médiations » (2012, 198). Dans le présent article, le réseau d’assistance décrit correspond à l’association d’acteurs et à l’échange entre ceux qui ont besoin de soins médicaux (la population active pauvre), les institutions philanthropiques en mutation, le nouveau système de gouvernement républicain, les techniques et résultats statistiques.

Les réseaux d’assistance philanthropique dans l’État de São Paulo

47Le nombre de Santas Casas de Misericórdia créées dans différentes villes, et soutenues par le gouvernement de l’État, s’est accru plus intensément à la fin du XIXe siècle et au cours du premier tiers du XXe siècle. Sans aucun doute, en raison de la croissance démographique alors en plein essor (Morse 1954). Le soutien de l’exécutif local représentait un choix confortable pour l’État, car il permettait au gouvernement pauliste de ne pas investir de moyens importants dans la création ou la gestion de ses propres établissements hospitaliers.

48Une autre raison envisageable pour ce choix de soutenir les Santas Casas serait le manque de personnel médical pour pourvoir les postes nécessaires à la réalisation des soins. Cette explication est plausible au vu des débats récurrents sur la nécessité de créer une école de médecine à São Paulo, depuis au moins la fin de de la période de l’Empire (Silva 2011). Le manque de médecins diplômés exerçant dans l’État a fait l’objet de discussions jusqu’à la fondation, en 1913, de la première école officielle de l’État, la Faculté de médecine et de chirurgie de São Paulo. Ces débats se sont poursuivis au moins jusqu’à la création, en 1933, d’une deuxième institution d’enseignement, l’École pauliste de Médecine, la concurrence entre les médecins adeptes de la médecine bactériologique et ceux qui n’en étaient pas partisans agitait la scène médicale locale avec davantage de force (Silva 2014).

49C’est donc par le biais de subventions que le gouvernement de São Paulo a choisi de soutenir les Santas Casas de Misericórdia. Il existe des différences dans les montants et dans le choix des établissements aidés, que nous n’aborderons pas ici. Précisons seulement que le secrétariat aux Affaires de l’Intérieur était l’instance légalement investie de la prérogative d’analyse, sur la base des rapports annuels sur les activités des établissements subventionnés. Ce suivi était toutefois beaucoup plus bureaucratique qu’effectif. Les montants déboursés par le gouvernement entraient en concurrence avec les fonds destinés aux questions sanitaires, aux actions de secours publics et à l’Hospice des aliénés, en activité depuis 1852.

50Dans la pratique, des établissements voyaient le jour dans diverses villes et régions, avec des tailles et des capacités différentes, mais selon des modes de création similaires, organisés par les élites économiques locales et financés par les contributions périodiques des membres associés et divers types de dons. On peut dire que toutes les Misericórdia chargées de dispenser des soins médicaux étaient soutenues financièrement par l’État. Les hôpitaux de la capitale, de Santos et de Campinas, recevaient des subventions plus importantes et constituaient ainsi le réseau effectif d’assistance philanthropique privée. Ce que j’appelle « réseau d’assistance » a perduré sous cette forme au moins jusqu’au premier tiers du XXe siècle, comme je l’ai indiqué ailleurs (Silva 2019).

51Le suivi des premières statistiques réalisées au niveau fédéral par la Direction générale de statistique, entre 1908 et 1912, n’offre pas de données sur les associations ou les organisations d’aide bénévoles. Ces éléments sont généralement fragmentaires ou inexistants. Confirmant ma lecture pour le cas de São Paulo, Leilah Landim (2006, s.p.) affirme qu’il existait alors « des stratégies gouvernementales d’assistance sociale pour une grande partie de la population dans lesquelles – s’il n’est pas possible de parler de politiques claires et définies – un modèle de collaboration entre l’État et les “sociétés civiles à but non lucratif” avait au moins été établi ».

52À São Paulo, nous l’avons vu, les données statistiques ont fait l’objet de réglementations, tant par l’Assemblée législative locale que par les secrétariats d’État. Les données de la Santa Casa de Misericórdia de São Paulo, publiées dans le rapport intitulé Statistique des institutions subventionnées, sont ici consolidées par les informations de l’Office de statistique et les archives de l’État de São Paulo. Ces deux publications permettent, entre autres, d’obtenir les informations suivantes : nom, date de fondation et de mise en service de l’établissement, nombre de membres associés, puis sources de recettes, dépenses et actifs, nombre de personnes prises en charge et, enfin, observations générales.

53Nous présentons ci-dessous un rapport type envoyé au secrétariat aux Affaires de l’Intérieur et au Service sanitaire (Figure 1). Le document débutait par l’identification et la présentation de l’établissement subventionné, puis faisait le détail de ses recettes, dépenses et actifs financiers. Venaient ensuite les données sanitaires proprement dites. Les informations les plus importantes proviennent du « Mouvement de patients », puisqu’on y trouve l’indication du nombre de personnes prises en charge dans cet hôpital de la confrérie, en l’occurrence la Santa Casa de Misericórdia de São Paulo, puis du nombre d’employés participant aux activités de soins.

Figure 1 – Estatística das instituições subvencionadas pelo Estado de São Paulo no Ano de 1909, São Paulo

Figure 1 – Estatística das instituições subvencionadas pelo Estado de São Paulo no Ano de 1909, São Paulo

Repartição de Estatística e Archivo do Estado de São Paulo, Typographia do Diario Official, 1910, p. 280.

54Dans le rapport portant sur l’année 1909, la Misericórdia de la capitale affichait un déficit. Le déphasage entre dépenses et recettes a conduit la direction de la confrérie à contracter un emprunt pour réaliser des travaux dans le bâtiment des soins hospitaliers, alors même qu’elle disposait d’un patrimoine financier conséquent, constitué de biens immobiliers.

55Cette année-là, les patients étaient en majorité des hommes, avec un nombre moindre de femmes, comme on le constate sur la figure 2. Une telle proportion se retrouvait dans toutes les catégories – sortants guéris, sortants non guéris, décédés et hospitalisés en décembre de l’année analysée. Elle découlait de la répartition des sexes dans la population pauliste, variable en fonction de la période et de la stratification sociale.

Figure 2 – Estatística das instituições subvencionadas pelo Estado de São Paulo no Ano de 1909, São Paulo

Figure 2 – Estatística das instituições subvencionadas pelo Estado de São Paulo no Ano de 1909, São Paulo

Repartição de Estatística e Archivo do Estado de São Paulo, Typographia do Diario Official, 1910, p. 281.

56Les relevés par échantillonnage effectués à partir de divers documents, notamment les premières listes nominatives des habitants de la capitainerie puis de la province de São Paulo, en 1765, font état, dès cette époque, d’un « fort déséquilibre entre le nombre d’hommes et de femmes, tant pour la partie libre que pour la partie esclave de la population, de manière inversée » (Marcílio 2000, 78). Selon Marcílio, à l’exception de quelques années, les personnes de sexe féminin prédominaient au sein de la population libre. Chez les esclaves, c’était la population masculine et active qui était prépondérante, avec des disparités entre les groupes d’âge, liées à la présence d’esclaves dans les différentes catégories de main-d’œuvre, généralement pour les travaux des champs.

57Dans les différents segments de la population libre, l’accroissement de l’immigration s’est traduit par une proportion d’environ 25,7 % d’étrangers européens, selon Marcílio (1973). À l’inverse, les femmes représentaient la majorité de la population totale, ce qui m’amène à supposer que la plupart des personnes prises en charge étaient des travailleurs masculins, en dépit du nombre élevé de femmes dans la population. Même si d’autres études sont nécessaires pour éclairer cette différence entre hommes et femmes, on peut penser que l’attention portée à la santé pour assurer le remplacement de la main-d’œuvre, dont il est établi que c’est l’une des raisons de l’investissement gouvernemental, explique aussi la prédominance des hommes au niveau des soins individuels.

58Le grand nombre de patients traités à l’hôpital Santa Casa de Misericórdia de la capitale est le fruit de plusieurs facteurs : la centralité de la ville de São Paulo comme voie d’accès pour des populations en quête de moyens de subsistance et comme pôle d’affaires et d’entrée des marchandises distribuées dans l’État, mais aussi la venue de malades depuis les villes voisines, ou parfois plus éloignées, pour être soignés dans un hôpital de plus grande capacité.

59La pauvreté était la principale cause invoquée dans les rapports pour justifier la fondation des hôpitaux gérés par les Santas Casas, ou par d’autres organisations caritatives. L’assistance était généralement conçue pour répondre à la demande locale, mais elle finissait aussi par couvrir des régions plus étendues. Certains hôpitaux ne portaient pas le nom de Misericórdia mais étaient gérés par ces confréries, tels l’hôpital Santa Izabel de Jaboticabal, appartenant à la Santa Casa de Misericórdia locale, comme l’indique, dans sa présentation, le rapport publié en 1909 (Figure 3).

60Les Statistiques de subvention permettent par ailleurs de suivre le développement des aides gouvernementales en faveur des soins hospitaliers à différents niveaux : municipal, État fédéré, et fédéral. Les dépenses quotidiennes qui y sont mentionnées recouvrent les frais récurrents, tels que la nourriture, les médicaments et la rémunération du personnel d’aide. La détention de biens immobiliers, ou d’autre nature, servait en général de référence pour les emprunts et les travaux structurels ou les acquisitions plus conséquentes, telles que l’achat de terrains et de bâtiments, ou la construction de nouvelles installations.

Figure 3 – Estatística das instituições subvencionadas pelo Estado de São Paulo no Ano de 1909, São Paulo

Figure 3 – Estatística das instituições subvencionadas pelo Estado de São Paulo no Ano de 1909, São Paulo

Repartição de Estatística e Archivo do Estado de São Paulo, Typographia do Diario Official, 1910, p. 11.

61D’autres établissements hospitaliers dispensaient des soins médicaux spécialisés, par exemple l’Hôpital ophtalmique de la capitale (Figures 4 et 5). Il apparaît à la lecture du rapport que, bien que l’établissement soit consacré à la prise en charge des « colons pauvres touchés par le trachome », des patients payants pouvaient y être admis. Les dépenses liées à la rémunération du personnel administratif, médical et autre atteignaient des montants élevés, légèrement inférieurs à ceux alloués à l’alimentation des patients hospitalisés. L’hôpital possédait des biens et fonctionnait dans ses propres locaux, le nombre d’hospitalisations sur une année représentant la moitié de celui des consultations ambulatoires mensuelles, qui augmentaient considérablement le nombre total de patients.

62En 1909, le montant perçu auprès des patients payants était supérieur à la somme des subventions de l’État et de la municipalité, ce qui est un indice de l’ampleur de ce problème de santé, surtout dans les régions caféières. Le peu d’attention du Service sanitaire, associé aux conditions de logement et de travail, favorisaient la progression de maladies ophtalmiques comme la conjonctivite granuleuse ou trachome, qui entraînaient la cécité si elles n’étaient pas traitées. Une commission pour le traitement du trachome fut créée en 1907 et supprimée l’année suivante, puis à nouveau mise en place en 1911, avant de disparaître en 1917. Le traitement du trachome était normalement « simple mais fastidieux, et demandait la présence du médecin pour laver tous les jours les yeux des patients avec du nitrate d’argent, dans une solution à 2 % » (Ribeiro 1993, 185).

Figure 4 – Estatística das instituições subvencionadas pelo Estado de São Paulo no Ano de 1909, São Paulo

Figure 4 – Estatística das instituições subvencionadas pelo Estado de São Paulo no Ano de 1909, São Paulo

Repartição de Estatística e Archivo do Estado de São Paulo, Typographia do Diario Official, 1910, p. 30.

Figure 5 – Estatística das instituições subvencionadas pelo Estado de São Paulo no Ano de 1909, São Paulo

Figure 5 – Estatística das instituições subvencionadas pelo Estado de São Paulo no Ano de 1909, São Paulo

Repartição de Estatística e Archivo do Estado de São Paulo, Typographia do Diario Official, 1910, p. 31.

63Les rapports de l’Office de statistique adressés en 1894 par son directeur, le médecin Antonio de Toledo Piza, au secrétaire d’État Cezário Motta Junior, également médecin, permettaient aussi de suivre les établissements de soins et les mouvements de malades sur une longue période. Cette année-là a vu la consolidation des données obtenues entre 1887 et 1892, une période qui correspond précisément à la transition entre l’Empire et le système de gouvernement républicain. Dans son chapitre de conclusion, intitulé « Statistique hospitalière », le directeur Piza faisait un parallèle entre les questions épidémiques et les maladies non épidémiques, en les reliant à la pauvreté, à une époque où les hôpitaux des Santas Casas de Misericórdia paulistes regroupaient quelques 17 établissements :

  • 23 Antonio de Toledo Piza, op. cit., p.49.

À l’exception de la commune d’Itu, dont le taux de mortalité élevé s’explique par l’épidémie qui y a sévi, on notera que la mortalité dans les hôpitaux de la région de la vallée du Paraíba est généralement plus intense que dans les Casas de Misericórdia de l’Ouest, alors qu’il est exact que le climat y est plus sain et que cette région n’a pas été envahie par les épidémies qui ont dévasté des communes occidentales. Comme les cartes ne précisent pas les maladies à l’origine des décès, on peut supposer qu’une grande partie des malades admis dans les hôpitaux est formée de personnes pauvres, qui souffrent de maladies incurables, et non de victimes d’épidémies – une présomption reposant sur le fait que les admissions sont comparativement très basses et que la mortalité est par comparaison très élevée23.

64Entre le début de la documentation statistique de ce qui était alors la province de São Paulo, où il n’existait que quelques Misericórdias dispersées dans l’État – les Santas Casas de Misericórdia de Santos (1543), de São Paulo (1680) et de Sorocaba (1725), ainsi que l’Hôpital des Lépreux (Hospital de Morféticos) d’Itu (1808) – et le premier tiers du XXe siècle, où l’on compte 129 établissements subventionnés en 1929, les soins de santé ont connu une très forte expansion (Tableau 1). À mon sens, cela s’explique principalement par trois éléments : l’ampleur de l’urbanisation des principales villes, qui ont accueilli de nouvelles Santas Casas ; le processus de subvention mis en place par le nouveau système de gouvernement ; et la décision de l’État de gérer l’assistance existante plutôt que de créer ses propres services de soins, contrairement à ce qui se passait dans le domaine de la santé publique.

Tableau 1

Institutions médicales
Année Nombre d’institutions
1543 1
1680 1
1725 1
1808 1
1893 13
1899 13
1900 13
1901 18
1903 48
1905 52
1907 72
1909 96
1910 80
1911 93
1912 96
1913 95
1915 105
1916 105
1929 129

Source : Tableau élaboré par l’auteure à partir de l’Annuaire statistique de São Paulo.

Conclusion

65Les données statistiques produites pour le secteur de la santé et présentées partiellement ici ouvrent d’amples perspectives de recherches. Depuis l’étude de la distribution régionale des établissements jusqu’à la caractérisation des professionnels impliqués, en passant par le suivi de la répartition des soins dispensés dans les différentes régions et institutions de charité, le champ est ouvert. La comparaison des données de l’État de São Paulo avec les données nationales peut également permettre de nouvelles classifications, en analysant par exemple la proportion d’organisations associatives, syndicales et de classe, la date de leur mise en place, le montant des recettes et des dépenses, menant à la construction d’un grand tableau comparatif des maladies et de la population prise en charge.

66Les données statistiques sont importantes pour une analyse de la question sociale, en particulier entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Concernant plus spécifiquement les politiques sanitaires et les soins médicaux, il apparaît que ces questions n’ont pas suscité l’intérêt des administrations impériales, tant en raison de leur croyance en la salubrité locale que du peu de cas qu’elles faisaient de la population pauvre. Dans la province de São Paulo, l’absence de gros contingents de main-d’œuvre blanche et la disponibilité de la main-d’œuvre esclave n’incitaient pas les autorités à porter assistance aux malades pauvres, ni à engager des médecins, et ce, jusqu’au développement des plantations de café.

67Les problèmes épidémiques et les maladies individuelles ont alors pris de l’ampleur, avec la progression des épidémies à partir de 1849, l’expansion des centres urbains, l’arrivée de la main-d’œuvre européenne dans les années 1860-1870 et la proclamation de la République en 1889. Malgré la mise en place d’un dispositif sanitaire organisé dans la capitale pauliste, les maladies des individus ont continué à être prises en charge par l’assistance philanthropique et caritative. Les établissements philanthropiques et caritatifs ont bénéficié d’un soutien public et ont formé un réseau de soins de plus en plus développé, notamment grâce aux subventions du gouvernement de l’État de São Paulo.

68La tradition de soins dispensés par les entités religieuses, en particulier par les confréries de la Santa Casa de Misericórdia dans la capitale et par d’autres ordres religieux dans tout l’État, confirme qu’il existait une perception du besoin d’une assistance sociale pour les pauvres. Bien que cette aide ait été initialement mise en œuvre par l’initiative privée et par les sociétés de secours mutuel, telles que la Société portugaise de bienfaisance fondée en 1859, la Société allemande de bienfaisance en 1863 et 1868, puis par les nouvelles activités de la Conférence Saint-Vincent-de-Paul à partir de 1874, et de l’Association des Dames de la Charité en 1887 (Morse 1954, 139 et 194), ce cadre caritatif et philanthropique s’est réaffirmé, en tant que réseau de soins soutenu par les différences instances de l’État, avec l’avènement du système républicain.

69Un tel dispositif permettait au gouvernement de se décharger de la responsabilité de dispenser des soins individualisés et de continuer à assurer la prise en charge sanitaire de la population en cas d’épidémie, grâce à un ensemble d’actions organisées depuis la fin du XIXe siècle. Il en a été ainsi au moins jusqu’aux années 1930, lorsque les soins médicaux ont commencé à souffrir gravement des effets de la forte pression démographique des années antérieures, qui ne cessait de s’accentuer.

  • 24 Samuel. H. Lowrie, Previsão da saúde da população. Revista do Arquivo Municipal, São Paulo, vol. X (...)

70Cette lecture est corroborée de deux manières par les travaux menés dans les années 1930 par un chercheur qui utilisait les statistiques selon une approche scientifique, le sociologue américain Samuel Harman Lowrie, qui a examiné les contours de ce que l’on appelle la « question sociale » et des soins de santé à São Paulo24.

71Dans la présentation de son Enquête sur les conditions des individus pris en charge par la Santa Casa, Lowrie a d’abord cherché à comprendre les « déficiences » de l’assistance aux pauvres dans la ville de São Paulo, comme indiqué ci-dessous :

  • 25 Ibid., Divisão de Documentação Histórica e Social e Subdivisão de Documentação Social e Estatístic (...)

Déterminer le nombre de personnes anormalement dépendantes dans la ville, c’est-à-dire le nombre de celles qui dépendent partiellement ou totalement du service public pour leur subsistance ; évaluer le coût de l’assistance ; déterminer si les institutions d’assistance remplissent les missions auxquels elles sont destinées [...] ; vérifier si la communauté est équipée de manière adéquate pour venir en aide aux nécessiteux25.

  • 26 Ibid., Ascendência das crianças registradas no Parque Dom Pedro II. Revista do Arquivo Municipal, (...)

72Puis, en plaçant au premier plan la question des subventions gouvernementales, et en particulier de l’État, pour l’instauration de l’assistance publique dans l’État de São Paulo et dans sa capitale, Lowrie avance que le but d’un tel geste était de contribuer à optimiser la gestion publique. Cet auteur a analysé la situation économique de l’assistance gratuite en se penchant sur l’origine des moyens dont disposaient les institutions d’assistance, ce qui aidait à définir le type de soins dispensés. Depuis que le gouvernement républicain avait institué un soutien direct aux institutions d’aide sociale et aux Santas Casas en particulier, des catégories d’institutions se dégagent nettement : les institutions « dirigées et gérées par le gouvernement, celles recevant une subvention du gouvernement, et celles dirigées et gérées par des individus ou des organisations privées, sans subvention officielle26 ».

73Il disait, en conclusion, que l’on pouvait « considérer deux classes d’institutions, officielles et privées, et enfin, dans une dernière catégorie, les institutions subventionnées et non subventionnées ». Les conclusions de Lowrie confirment à mon sens que le soutien sous forme de subventions représentait un mode d’appui spécifique, planifié et programmé pour fournir des soins médicaux à la population dans le besoin, sans toutefois exiger la création d’hôpitaux, et ce, jusque dans les années 1930. Les subventions gouvernementales conféraient donc un caractère officiel aux institutions soutenues par des fonds publics, puisque celles-ci étaient supervisées par l’État.

74L’État et la philanthropie étaient interconnectés à la fois par les subventions et par les prises en charge, dans une relation d’interdépendance où l’intérêt de l’État tendait à maintenir l’assistance dans les institutions qui dispensaient déjà des soins médicaux, plutôt que de créer de nouveaux hôpitaux.

75Nous voyons ainsi que les statistiques ont été utilisées par l’État, dans le cas de São Paulo, aussi bien pour aider le gouvernement à organiser son administration que dans leur fonction scientifique, pour examiner la population locale. L’attention portée à la pauvreté, qui se manifestait par la recherche de soins médicaux dans les institutions existantes comme les Santas Casas de Misericórdia, n’occupait pas pour l’État la même place que celle accordée à la santé publique. Les informations sur les naissances et les décès, parmi d’autres, servaient à déterminer l’accroissement ou non des richesses de l’État. La question sociale n’était pas le thème le plus prégnant de cette proposition, dans la mesure où l’on ne cherchait pas à créer des espaces de prise en charge médicale pour répondre aux problèmes de santé de la population, et en particulier de cette population pauvre et travailleuse qui se rendait dans les centres régionaux ou même dans la capitale, à la recherche de soins médicaux. La croyance en la salubrité locale et l’absence d’intérêt pour la population pauvre, d’origine noire et travailleuse, ont constitué autant d’arguments et de raisons pour tirer parti des institutions existantes.

76Ce n’est qu’à partir du moment où la situation politique et économique a changé, à la fin du XIXe siècle, avec l’avènement de la République et l’arrivée de la main-d’œuvre blanche européenne, que des moyens ont commencé à être structurés pour soutenir les Santas Casas de Misericórdia sur tout le territoire de l’État de São Paulo. Et ce n’est qu’après les années 1930 que des hôpitaux publics allaient être créés pour soigner les individus, comme le pendant de la santé publique, qui est la santé des villes.

77Cet article s’est penché sur l’utilisation des statistiques dans l’histoire de la santé dans l’État de São Paulo, sur l’émergence de la question sociale locale, sur l’évolution de la prise en charge de la santé individuelle de la population et sur le rôle général de l’aide philanthropique dans le contexte pauliste au tournant du XXe siècle. Le même dispositif qui déchargeait le gouvernement de la responsabilité de dispenser des soins individuels, et d’être en première ligne pour la prise en charge de la santé de la population, servait aussi à assurer le suivi de ce nouveau panorama qui se mettait en place.

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Notes

2 La Comarca était l’une des divisions territoriales brésiliennes, correspondant à une circonscription judiciaire. (NdT)

3 Tropeiros était le nom donné au Brésil, à partir du XVIIe siècle, aux hommes qui conduisaient les troupeaux de bétail depuis les régions productrices vers les centres de consommation. (NdT)

4 Daniel Pedro Muller, Ensaio d’um quadro estatístico da província de São Paulo: ordenado pelas leis municipais de 11 de abril de 1836 e 10 de março de 1837, São Paulo, Gouvernement de l’État, 3e éd. fac-similée, 1978 [1838].

5 Id., p. XVIII.

6 Ibid., p. XXV.

7 Terres concédées par la Couronne. (NdT)

8 L’engenho désigne le moulin à sucre mais aussi l’unité de production organisée autour de celui-ci. (NdT)

9 Ibid., p. 29.

10 Ibid., p. 29.

11 Documentos com que o Illustríssimo e Excellentissimo Senhor Doutor José Antonio Saraiva, Presidente da Província de S. Paulo, instruiu o relatorio da abertura da Assembléa Legislativa Provincial no dia 15 de fevereiro de 1855, S. Paulo, Typographie Dous de Dezembro, d’Antonio Louzada Antunes, 1855.

12 Documentos com que o Illustrissimo e Excellentissimo Senhor Doutor Antonio Roberto d'Almeida, Vice-Presidente da Provincia de S. Paulo, instruiu o relatorio da abertura da Assembléa Legislativa Provincial no dia 15 de fevereiro de 1856, S. Paulo, Typographie Dous de Dezembro, d’Antonio Louzada Antunes, 1856.

13 Relatório apresentado pelo Exm. Sr. Presidente da Província de S. Paulo pela Commissão Central de Estatística, São Paulo, Leroy Link Boowlater, Typographie King, 1888.

14 Daniel Pedro Muller, op. cit., p. XV.

15 Ibid., p. XXVI.

16 Ibid., p. XVIII.

17 Inspiré des institutions portugaises, le système de la Fisicatura-Mor avait, entre 1808 et 1828, la charge de délivrer les autorisations et permis aux médecins et autres praticiens au Brésil (Machado et al. 1978).

18 Marcos de Oliveira Arruda, Relatório apresentado pela Inspectoria de Higyene de São Paulo em data de 8 de outubro de 1887, ao Governo da Provincia. Archivos de Hygiene e Saude Publica. Archivos de Hygiene e Saúde Pública, 1936, Livre 1, n° 1, juin, p. 103.

19 Id., p. 104.

20 Emilio Ribas, Relatório apresentado ao Dr. José Cardoso de Almeida. Secretario dos negócios do Interior e da Justiça, São Paulo, Typographie du Journal Officiel, 1905, p. 4-5.

21 Antonio de Toledo Piza, Relatório apresentado ao cidadão Dr. Cezario Motta Junior. Secretário dos Negócios do Interior do Estado de São Paulo pelo Director da Repartição Estatística e Archivo Dr. Antonio de Toledo Pizza em 31 de julho de 1894, Rio de Janeiro, Typ. Leuzinger, 1894.

22 L’Office de statistique a été chargé d’absorber les diverses archives des secrétariats du gouvernement de São Paulo depuis la création de la capitainerie de São Paulo, en 1721. Sous la République, les Archives publiques de l’État ont également été chargées de recueillir la documentation d’autres départements, organismes et institutions (Martins 2013).

23 Antonio de Toledo Piza, op. cit., p.49.

24 Samuel. H. Lowrie, Previsão da saúde da população. Revista do Arquivo Municipal, São Paulo, vol. XV, août, 1935, s.p. ; Id., Divisão de Documentação Histórica e Social e Subdivisão de Documentação Social e Estatísticas Municipaes. Revista do Arquivo Municipal, São Paulo, vol. XXVIII, 6, octobre, 1936, p. 298-306 ; Ibid., Origem da população da cidade de São Paulo e diferenciação de classes sociais de São Paulo. Revista do Arquivo Municipal, São Paulo, vol. XLIII, janvier, 1938, s.p. ; Ibid., Pesquisa de padrão de vida das famílias dos operários da limpeza pública da municipalidade de São Paulo. Revista do Arquivo Municipal, São Paulo, vol. LI, octobre, 1938 ; Ibid., Fontes bibliográficas das estatísticas de população no Estado de São Paulo. Revista do Arquivo Municipal, vol. LI, février, 1939, p. 43-56. À propos de l’auteur et de son travail au Brésil, voir Cerqueira (2010).

25 Ibid., Divisão de Documentação Histórica e Social e Subdivisão de Documentação Social e Estatísticas Municipaes. Revista do Arquivo Municipal, São Paulo, vol. XXVIII, octobre, 1936, p. 298.

26 Ibid., Ascendência das crianças registradas no Parque Dom Pedro II. Revista do Arquivo Municipal, São Paulo, vol. XXXIX, septembre, 1937, p. 205.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 – Estatística das instituições subvencionadas pelo Estado de São Paulo no Ano de 1909, São Paulo
Légende Repartição de Estatística e Archivo do Estado de São Paulo, Typographia do Diario Official, 1910, p. 280.
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Titre Figure 2 – Estatística das instituições subvencionadas pelo Estado de São Paulo no Ano de 1909, São Paulo
Légende Repartição de Estatística e Archivo do Estado de São Paulo, Typographia do Diario Official, 1910, p. 281.
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Titre Figure 3 – Estatística das instituições subvencionadas pelo Estado de São Paulo no Ano de 1909, São Paulo
Légende Repartição de Estatística e Archivo do Estado de São Paulo, Typographia do Diario Official, 1910, p. 11.
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Titre Figure 4 – Estatística das instituições subvencionadas pelo Estado de São Paulo no Ano de 1909, São Paulo
Légende Repartição de Estatística e Archivo do Estado de São Paulo, Typographia do Diario Official, 1910, p. 30.
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Titre Figure 5 – Estatística das instituições subvencionadas pelo Estado de São Paulo no Ano de 1909, São Paulo
Légende Repartição de Estatística e Archivo do Estado de São Paulo, Typographia do Diario Official, 1910, p. 31.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Márcia Regina Barros da Silva, « Réseaux croisés : statistiques, santé et soins médicaux à São Paulo au début du XXe siècle »Brésil(s) [En ligne], 25 | 2024, mis en ligne le 13 mai 2024, consulté le 01 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bresils/16968 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11qxg

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Auteur

Márcia Regina Barros da Silva

Márcia Regina Barros da Silva est historienne, professeure au département d’Histoire de la Faculté de philosophie, lettres et sciences humaines de l’Université de São Paulo (FFLCH-USP).
ORCID : https://orcid.org/0000-0001-5849-6385.

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