Pierre Larcher, L’invention de la luġa al‑fuṣḥā. Une histoire de l’arabe par les textes. Association pour la Promotion de l’Histoire et de l’Archéologie Orientales de l’Université de Liège, mémoires no 13, Peeters, Louvain
Pierre Larcher, L’invention de la luġa al‑fuṣḥā. Une histoire de l’arabe par les textes. Association pour la Promotion de l’Histoire et de l’Archéologie Orientales de l’Université de Liège, mémoires no 13, Peeters, Louvain, 2021, 203 p.
Texte intégral
1Suite logique à son méticuleux travail de recherche consacré à l’histoire de la langue arabe classique, qui constitue une part majeure de sa carrière scientifique, Pierre Larcher réunit ici huit textes. Ces textes rassemblés, qui ont été présentés à l’Université de Liège en février 2008 lors d’un séminaire du Fonds national de la Recherche scientifique en textes arabes des universités francophones de Belgique, ont déjà été publiés de manière éparse. Ils sont ici réécrits ou corrigés et forment les huit chapitres de l’ouvrage que le linguiste résume un à un dans son introduction, indiquant qu’il est possible de les lire dans l’ordre proposé ou indépendamment les uns des autres.
2L’ouvrage, de grand format (21 x 29,7), comporte une introduction (p. I à XIII), des remerciements (p. XIV), un avertissement au lecteur (p. XV), huit chapitres (p. 1 à 156), les références bibliographiques (p. 157 à 171), partagées entre sources primaires (46 sources) et secondaires (159 références), un index nominum (p. 173 à 181), un index rerum (p. 183 à 199) et la table des matières (p. 201 à 203). L’illustration en couverture est une miniature représentant Abū Zayd al‑Sarūǧī enseignant à un groupe d’élèves en présence d’al‑Ḥāriṯ ibn Hammām (Bnf, Paris, ms. arabe 5847, fol. 148v°), extraite des Maqāmāt d’al‑Ḥarīrī et due au miniaturiste irakien al‑Wāsiṭī en 1237. Ce choix reflète le point de vue du chercheur, qui se place comme observateur des discours portés par les Arabes eux‑mêmes sur la langue, dans ces lieux de savoir intellectuel où se sont élaborées puis transmises les théories sur la langue arabe.
- 1 Pierre Larcher, Syntaxe de l’arabe classique, Presses Universitaires de Provence (PUP), collection (...)
3Aussi, ce qui fait de cet ouvrage une référence incontournable de la littérature scientifique consacrée à l’histoire de la langue arabe, ce n’est pas tant justement qu’elle décrit les mécanismes de l’arabe classique (ce que l’auteur a fait, notamment, dans sa Syntaxe de l’arabe classique1), qu’elle démontre une histoire « épilinguistique » de la langue arabe, c’est‑à‑dire une histoire qui s’attache davantage à comprendre l’origine et le développement des représentations que l’on se fait de cette langue, et ce sur la base d’une relecture critique de textes d’époque médiévale sur la langue arabe. Ainsi, le choix de l’ordonnance des chapitres n’est pas strictement chronologique, mais répond plutôt à une logique de filiation intellectuelle : P. Larcher déroule le fil des idées fondatrices de la représentation de la langue arabe traditionnelle à travers différents auteurs médiévaux. Détaillant toujours ses sources (l’attribution des auteurs, les copies et citations, les différentes éditions, etc.), P. Larcher ne manque jamais de montrer les inspirations intellectuelles d’un auteur à un autre, les citations, les emprunts et l’utilisation qui en est faite. La présence systématique en annexe du texte source en arabe avec sa traduction en vis‑à‑vis constitue pour l’étudiant ou le linguiste un excellent exemplier des points de vue traditionnellement admis et transmis (et si peu débattus) sur la langue arabe. Fidèle à son style, P. Larcher nous offre une investigation proche de l’enquête de type policière pour remonter aux sources de ces idées sur la langue. Il s’attache à donner à chaque terme, à chaque variante dans les citations, sa signification exacte en contexte. En filigrane, c’est tout une histoire de la linguistique arabe arabisante qui est livrée au lecteur : évolution des concepts, analyses erronées des uns, vues justes des autres, P. Larcher se montre comme toujours critique envers ses pairs, mais juste et honnête, rendant toujours à César ce qui lui appartient et sachant reconnaître le travail de ceux qui ont vu juste dans leurs analyses.
- 2 « La première traduction européenne d’une Muʿallaqa ? La version latine de la Muʿallaqa d’Imruʾ al (...)
4Tout au long de la lecture de cet ouvrage, l’histoire des idées linguistiques sur la langue arabe prend du relief et s’étoffe au fil des époques, des débats, des confrontations : ici encore, P. Larcher défend honorablement sa vision humaniste de l’orientalisme2, montrant comment la connaissance des langues (notamment anciennes) permet d’accéder aux textes, et que leur lecture contrastive, au‑delà de ce qu’ils disent, apportent au lecteur des renseignements sur ce qu’ils signifient. En appliquant à ses propres analyses les outils de la pragmatique qui lui sont chers, ou encore ceux de la sociolinguistique, P. Larcher montre comment les idées s’élaborent, se transmettent et évoluent, d’une époque à l’autre, d’une culture à l’autre. En convoquant l’épigraphie et la paléographie, il montre aussi combien les savoirs s’entremêlent et combien une culture plurielle est nécessaire pour être armé face aux textes médiévaux. Ainsi, la place accordée au ductus des différentes versions du texte coranique comme source linguistique témoigne d’une recherche de traces concrètes des parlers arabes des débuts de l’islam. La lexicographie, la poésie ou la prose médiévale sont convoquées dès qu’elles permettent d’affiner la compréhension d’un terme majeur, ce qui débouche souvent sur une relecture et une réinterprétation des concepts.
- 3 Arabica, vol. 48, no 4, Brill, 2001, p. 578–609.
- 4 In P. G. Borbone, A. Mengozzi et M. Tosco (dir.), Loquentes linguis. Studi linguistici e orientali (...)
- 5 In Sylvain Auroux et al. (dir.), History of Linguistics 1999. Selected Papers from the Eighth inte (...)
5La lecture intégrale peut parfois sembler redondante, mais elle permet effectivement une lecture séparée des chapitres. Néanmoins, on regrettera que trois études de l’auteur n’aient pas intégré cet ouvrage : « Moyen Arabe et Arabe Moyen »3, « Sociolinguistique et histoire de l’arabe selon la Muqaddima d’Ibn Ḫaldūn (viiie/xive siècle) »4 et « Diglossie arabisante et fuṣḥā vs ʿāmmiyya arabes : essai d’histoire parallèle »5. Même si l’on retrouve dans l’ouvrage beaucoup de développements figurant dans ces articles qui sont résumés, dans l’idée d’une réunion de chapitres pouvant être lus indépendamment les uns des autres, leur présence aurait été enrichissante et aurait permis une ouverture plus large sur le retentissement des idées épilinguistiques traditionnelles arabes dans la culture orientaliste et arabisante, dont les débats sont pour certains toujours d’actualité.
6Voici maintenant le résumé de l’ouvrage, chapitre par chapitre.
- 6 Pierre Larcher, « Théologie et philologie dans l’islam médiéval : relecture d’un célèbre texte d’I (...)
7Le chapitre I intitulé « Ibn Fāris : théologie et philologie dans l’islam médiéval », reprend en le remaniant totalement un article publié en 20046. Pierre Larcher y décortique le chapitre intitulé « bāb al‑qawl fī afṣaḥ al‑ʿarab » (« à propos des plus châtiés des Arabes »), reproduit et traduit p. 16‑17, tiré du Ṣāḥibī fī fiqh al‑luġa wa‑sunan al‑ʿArab fī kalāmi‑hā d’Ibn Fāris (mort en 395/1004). Cet ouvrage, comme le fait remarquer P. Larcher, n’est pas un ouvrage de philologie arabe, mais consiste à transposer les méthodes du droit islamique à l’étude de la langue arabe. C’est pourquoi il commence par une chaîne de garants (isnād) qui remonte à un personnage d’un siècle et demi le devancier d’Ibn Fāris. La tradition rapportée ici, justifiée par les savants et transmetteurs de poésie, est la suivante : « Qurayš afṣaḥ al‑ʿArab alsinatan wa‑aṣfā‑hum luġatan » (traduit par l’auteur « les Qurayš sont les plus châtiés et les plus purs des Arabes en matière de langue »). Ce récit est à la base de ce que P. Larcher appelle la « thèse théologique », celle qui attribue l’identification sur la base de Cor. 14, 4, de la langue du Coran à celle des Qurayš et, de facto, à la meilleure des langues. Ibn Fāris justifie ce raisonnement en formulant l’hypothèse que la langue des Qurayš était une koinè, un parler ayant sélectionné le meilleur des parlers arabes grâce au sanctuaire gardé par les Qurayš et visité par différentes tribus arabes. L’argumentation d’Ibn Fāris met donc une hypothèse sociolinguistique au service d’une justification de type dogmatique. D’après lui, ce qui fait des Qurayš les plus châtiés des Arabes, ce n’est pas exclusivement leur élection de nature divine, mais aussi la « construction » de leur langue par opposition aux « manières de parler blâmables » (al‑luġāt al‑maḏmūma) qui caractérisaient les parlers des tribus arabes voisines et que sont la ʿanʿana (réalisation de la hamza en ʿayn), la kaškaša (substitution du kāf par un sīn), la kaskasa (affixation au kāf d’un sīn), la vocalisation en [i] du verbe et du nom et la ʿaǧrafiyya (« raucité », terme renvoyant probablement à la perception d’une prononciation bédouine plus « rugueuse » que celle des citadins au parler plus « policé » comme les Qurayš). P. Larcher revient sur la définition de ces différentes caractéristiques telle que donnée dans le Ṣāḥibī ou dans d’autres ouvrages de la tradition grammaticale classique.
8Enfin, cherchant à creuser la corrélation induite dans le texte entre pureté de la langue et pureté du sang (des Qurayš présentés comme les « purs descendants d’Ismāʿīl »), P. Larcher montre en fait qu’Ibn Fāris, après avoir concilié théologie et philologie, va plus loin en répondant à la querelle d’arabité opposant les Arabes du Sud (Qaḥṭān) aux Arabes du Nord (ʿAdnān) par une justification généalogique instituant les Qurayš comme les purs descendants d’Ibrāhīm. Pour conclure, P. Larcher revient sur le « scénario » de koinéisation de la langue des Qurayš, tel que proposé par Ibn Fāris. Cette sélection « en négatif » (c’est‑à‑dire non pas en sélectionnant les meilleurs traits, mais en rejetant les traits considérés comme mauvais) aboutit à la luġa al‑fuṣḥā, langue construite qui, si elle n’était la langue de personne au départ, devient celle des Qurayš pour les raisons théologiques susmentionnées. Alors, comme le dit l’auteur ici, comme souvent dans ses articles, en véritable enquêteur : « Une question brûle les lèvres : si, comme le proclame le texte en son début, “les Qurayš sont les plus châtiés des Arabes”, pourquoi proposer un scénario exposant comment ils le sont devenus, ce qui présuppose qu’ils ne l’étaient pas ? » (p. 15).
- 7 Il s’agit là aussi d’une version largement remaniée d’un article paru en 2005 : Pierre Larcher, « (...)
- 8 Or, et cela sera l’objet du chapitre IV, « dans la tradition arabe, les conquêtes militaires, les (...)
9Le chapitre II7, intitulé : « Al‑Farrāʾ : un retour aux sources sur la luġa al‑fuṣḥā », est basé sur un texte (donné et traduit p. 38‑39) permettant de répondre à cette question. Ce texte dû à al‑Farrāʾ (mort en 207/822) est extrait de son Kitāb luġāt al‑Qurʾān. Il est très proche de celui produit par Ibn Fāris, à quelques différences près, qui permettent de comprendre que « la question de la luġa al‑fuṣḥā fait l’objet, à l’époque d’al‑Farrāʾ, c’est‑à‑dire à la fin du iie/viiie siècle et au début du iiie/ixe siècle, d’une polémique – est‑ce la langue du Coran ou celle du registre littéraire de la langue bédouine ? –, alors qu’à celle d’Ibn Fāris, c’est‑à‑dire à la fin du ive/xe siècle, soit près de deux siècles plus tard, cette polémique est définitivement close, par une identification pure et simple de la langue du Coran et de la luġa al‑fuṣḥā » (p. 21). Le même scénario qui a permis à Ibn Fāris de faire de la luġat Qurayš une koinè, est pour al‑Farrāʾ un argument en faveur de la faṣāḥa coranique contre la faṣāḥa bédouine. Al‑Farrāʾ s’oppose à l’idée que la langue du Coran ait été magnifiée « par principe », en sa qualité de texte révélé. Contre la faṣāḥa bédouine, il démontre que chacun prêche pour sa paroisse en choisissant, comme groupe de Bédouins frappé de la faṣāḥa, un groupe tribal important proche de la ville d’où est émise l’idée. Ainsi les gens de Koufa, de Basra, de Médine et de La Mecque font‑ils de différents groupes les chantres de la faṣāḥa. Pour arguer en faveur de la faṣāḥa coranique, al‑Farrāʾ part d’un lieu commun aux Arabes, qui partagent l’idée que les Qurayš étaient physiquement et intellectuellement supérieurs aux autres groupes du fait de leur sélection du meilleur élément de chaque groupe tribal en visite au sanctuaire qu’ils gardaient. Par analogie, il applique cette même idée de sélection des meilleurs traits linguistiques de chaque parler, à la Mecque, à l’époque préislamique : ainsi, le Coran pouvait‑il bien être révélé dans « la plus châtiée des langues ». En comparant l’émergence de cette koinè avec les circonstances analogues survenues en Grèce antique, à savoir la constitution d’un empire suite à la conquête militaire du domaine grec, Pierre Larcher « fait alors facilement l’hypothèse que le scénario d’al‑Farrāʾ est en fait anachronique : il constitue la rétroprojection sur le passé préislamique, pour des raisons théologiques, tout à la fois scripturaires et dogmatiques, et philologiques (la polémique sur les origines de la luġa al‑fuṣḥā), d’une situation se concevant en fait mieux après l’islam » (p. 26)8. En fait, si al‑Farrāʾ et Ibn Fāris apparentent tous deux la luġat Qurayš à une koinè, ils le font d’un point de vue différent : pour le premier, la langue de Qurayš résulte clairement d’une koinéisation, alors que pour le second, elle est à la base de ce processus, devenant la luġa fuṣḥā par intégration des meilleurs traits et rejet des plus « blâmables ». Voilà pourquoi l’analogie entre la sélection des femmes pour leurs attraits physiques et la sélection des traits linguistiques valorisés n’est pas reprise chez Ibn Fāris, qui attribue à la tribu des Qurayš une pureté de lignage remontant directement à Abraham. Pierre Larcher démontre ainsi que la citation d’un auteur par un autre, si elle semble similaire à la première lecture, est en fait « épurée » d’arguments qui ne conviennent plus à ce nouveau contexte d’énonciation, ce qui est significatif.
10L’hypothèse, mais surtout les formes de la koinéisation, ont été discutées par Heinrich Lebrecht Fleischer (1801-1888), qui introduit les notions d’ancien arabe (de type fléchi), de moyen arabe et de néo‑arabe (de type non fléchi) et Johann Fück (1894-1974), qui fait de la koinè « militaro-urbaine » la base de l’arabe véhiculaire, alors que Charles Ferguson (1921-1998) la prend pour base des arabes vernaculaires, une hypothèse monogénétique des dialectes sédentaires critiquée notamment par David Cohen (1922-2013).
11De même, que la langue de Qurayš soit l’arabe le plus châtié est une position qui a joui d’une certaine réception parmi les arabisants. L’auteur nous montre comment elle a différemment été interprétée par Ernest Renan (1823-1892), qui fait sienne la thèse théologique ; par Paul Kahle (1875-1964), qui, même s’il identifie la langue du Coran à la langue de Qurayš, considère à l’inverse qu’elle n’était pas, à l’origine, la luġa al‑fuṣḥā ; par Karl Vollers (1857-1909), le premier à rejeter la double identification de la langue de Qurayš établie par la thèse théologique et à rompre avec la tradition en proposant que le Coran a été énoncé dans le dialecte de La Mecque (un parler ouest-arabe sans ʾiʿrāb), avant d’être remanié par la langue plus littéraire de la poésie (un type est‑arabe fléchi) ; par Theodor Nöldeke (1836-1930), qui adhère à l’idée traditionnelle de ʿarabiyya, refusant l’idée d’une diglossie dans l’Arabie préislamique ; ou encore par Régis Blachère (1900-1973), qui penche pour que le Coran ait été rédigé dans une koinè poétique. Pierre Larcher montre comment ces points de vue sont souvent une réinterprétation à l’époque préislamique de théories développées ultérieurement. Pour sa part, il s’appuie sur l’étude du décalage entre rasm (ductus) et récitation coraniques pour supposer que les flexions casuelles ont été importées dans le Coran à partir de la poésie pour des raisons de métrique liées à la pratique du taǧwīd. Ainsi, « le rasm coranique transcrit une variété d’arabe que l’on peut qualifier […] de chronologiquement préclassique et typologiquement non classique, mais classicisée par le biais des lectures grammaticales » (p. 35‑36). Le linguiste ne peut que récuser le reste des théories émises, que ce soit l’identification de la variété de l’arabe coranique à un dialecte donné, la paternité de la langue poétique dans un parler est‑arabe, ou l’hypothèse d’une koinè poétique, surtout que « si la faṣāḥa coranique apparaît comme une construction théologique, la faṣāḥa bédouine apparaît comme une construction philosophique » (p. 36).
- 9 Il s’agit de l’article paru sous le titre « Un texte d’al‑Fārābī sur la “langue arabe” réécrit ? » (...)
12Le chapitre III9, « Al‑Fārābī : un texte sur la langue arabe réécrit ? », vient démontrer la construction philosophique de la faṣāḥa bédouine. Il se base sur un texte d’al‑Fārābī (m. 339/950) extrait du Kitāb al‑alfāẓ wa‑l‑ḥurūf cité par al‑Suyūṭī (m. 911/1505) dans son Muzhir fī ʿulūm al‑luġa wa‑anwāʿi‑hā. Pierre Larcher retrace la généalogie des transmissions des différentes citations de ce passage, sans oublier de mentionner, avec une honnêteté intellectuelle toute à son honneur, ceux parmi ses collègues arabisants qui lui livrèrent des informations sur ledit passage. Le texte tiré d’al‑Suyūṭī figure en annexe, accompagné de sa traduction où sont mentionnés les passages et les divergences entre la citation telle qu’elle apparaît dans son Muzhir et celle de son Kitāb al‑iqtirāḥ fī ʿilm uṣūl al‑naḥw. Figure aussi un extrait du Ġarāʾib al‑Qurʾān d’al‑Nīsābūrī (p. 54‑59). Pierre Larcher exhume là encore des détails significatifs à partir de différentes versions collationnées qu’il a pu recueillir de la main de plusieurs éditeurs scientifiques. Il part justement des différentes versions du passage cité, non pas pour s’arrêter à la simple constatation que les collations ne sont pas exactement concordantes, mais plutôt parce qu’elles dénotent une réécriture dont il s’attache à déterminer la cause.
13Ainsi, dans l’extrait du Kitāb al‑ḥurūf édité par M. Mahdi, al‑Fārābī restreint le domaine de l’arabe châtié à la région du Nejd (centre de la péninsule Arabique), sans citer les Qurayš parmi les tribus « sources » de la langue des Arabes. Cependant, dans la citation de ce même passage figurant dans le Muzhir d’al‑Suyūṭī, les Qurayš sont cités comme étant les plus châtiés des Arabes ; le domaine de la faṣāḥa étant d’une part restreint au nord et intégrant d’autre part une continuité territoriale entre le domaine des Qurayš et celui des tribus du Nejd. La réécriture se conçoit si l’on remet le passage en contexte : dans l’ouvrage d’al‑Fārābī, « ne pas mentionner Qurayš dans le domaine de l’arabe châtié implique que la langue du Coran n’est elle‑même pas châtiée, autrement dit contredit formellement la thèse théologique, en matière de langue coranique » (p. 45). Dans le Muzhir, l’argumentation n’est plus la même : la mise au premier plan des Qurayš permet de concilier la thèse philosophique et la thèse théologique. Si la réécriture s’explique aisément, qui a bien pu y procéder ? Pierre Larcher exclut tout de suite al‑Suyūṭī, et étudie en détail des extraits du Kitāb al‑alfāẓ wa‑l‑ḥurūf et les filiations des auteurs les citant pour conclure qu’il existait, de longue date, deux versions différentes de l’ouvrage, celle publiée par Mahdi étant plus courte et plus ancienne. Il émet l’hypothèse que c’est al‑Fārābī lui‑même qui a réécrit son texte : au départ animé par une réflexion philosophique liant faṣāḥa et isolement géographique des locuteurs, il se fait « rattraper » par la thèse théologique qui le pousse à remettre au premier plan Quaryš : « il corrige alors son texte pour le rendre conforme à l’orthodoxie » (p. 52). La théologie a donc « récupéré la philosophie […] : la thèse philosophique qui lie la faṣāḥa à l’isolement géographique n’est jamais que le corollaire d’une thèse “philologique” qui lie la “corruption de la langue” (fasād al‑luġa) au mélange des populations » (p. 53).
- 10 Cette leçon faite à Zürich en 2005 a été publiée sous le titre « Les origines de la grammaire arab (...)
- 11 Il s’agit de l’anecdote attribuant à Abū al‑Aswad al‑Duʾalī la paternité du premier livre de gramm (...)
14Le chapitre IV10, intitulé « Al‑Zaǧǧāǧī (1) : les origines de la grammaire arabe, selon la tradition. Description, interprétation, discussion », s’appuie sur un texte extrait du Kitāb al‑Īḍāḥ fī ʿilal al‑naḥw d’al‑Zaǧǧāǧī, reproduit et traduit en annexe (p. 76‑77). Il s’agit d’un ouvrage ayant pour objet la grammaire arabe, qui procède de manière dialectique en questions et réponses. Le texte cité, qui répond à la question de l’origine du nom « naḥw » donné à la grammaire arabe, est aussi connu11 que fondamental dans l’histoire de la langue arabe et de sa grammaire, car il explique le processus de « corruption » de la langue. Traditionnellement, celle‑ci a pour cause la sédentarisation des Bédouins d’une part et le mélange des populations arabes et non arabes d’autre part. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la tradition arabe a fait d’Abū l‑Aswad al‑Duʾalī le père de la grammaire arabe : personnage ayant vécu au premier siècle de l’hégire, c’est en effet « le prototype de l’Arabe sédentarisé, que son origine [de la tribu des Kināna de la région mecquoise] et son parcours désignent comme un maître et un gardien de la langue. Il est de Basra, dont la tradition ultérieure fera le siège de l’école dominante de la grammaire arabe […]. Il est consensuel socialement et politiquement : nomades et sédentaires, partisans de ʿAlī comme des Omeyyades peuvent s’en réclamer » (p. 64). Dans cette anecdote, l’élément déclencheur est un laḥn, une faute d’ʾiʿrāb présentée comme gravissime, car pouvant entraînant un malentendu. C’est pour remédier à ce problème que le personnage d’Abū l‑Aswad al‑Duʾalī constitue une grammaire, une voie (naḥw) qu’il exhorte ses contemporains à suivre. Quelle que soit la réalité de cette étymologie accordée au mot naḥw (« grammaire »), elle place au cœur des débats plusieurs problématiques linguistiques que les linguistes arabisants interprètent différemment des orientalistes du xixe siècle. Pour ces premiers, il s’agit bien d’un récit non pas historique, mais qui instaure dans la tradition la légitimation de la construction de l’arabe classique. Pour ces seconds, l’interprétation a été davantage fondée sur le contenu du récit que sur la signification symbolique de sa portée. Aussi, les arabisants allemands « réinterpréteront le fasād al‑luġa de la tradition arabe, caractérisée par les laḥn ou fautes d’ʾiʿrāb, comme le signe d’une évolution d’un type ancien […] vers un type néo‑arabe » (p. 65). H. Fleischer va, au milieu du xixe siècle, appliquer la tripartition typique de la linguistique historique allemande au cas de l’arabe. Le type ancien (Altarabisch / Old Arabic) est caractérisé par l’existence d’une flexion désinentielle (casuelle et modale) permettant un ordre des mots plus libre dans la phrase, le néo‑arabe (Neuarabisch / New ou Neo‑Arabic) à l’inverse par la disparition de cette flexion, contraignant davantage l’ordre des mots. Entre les deux, quand le premier état se dégrade et évolue vers le second, il s’agit du moyen arabe (Mittelarabisch / Middle Arabic), caractérisé par « l’alternance, en synchronie, d’éléments interprétables, en diachronie, comme relevant encore de l’état ancien (älter) ou déjà de l’état moderne (neuer) » (p. 66). Mais Fleischer attribue à chacun des deux types les variétés d’arabe coexistant à son époque en synchronie, à savoir l’arabe classique et les dialectes. Ce faisant, il fera de ces derniers les évolutions de celui‑ci. Son élève Ignaz Goldziher (1850-1921) comparera la situation de l’arabe à celle du latin « mère » des langues autrefois appelées « néo‑latines », à savoir les langues romanes. Cette vision de l’évolution historique de l’arabe, héritée de la tradition linguistique allemande, sera reprise plus tard par J. Fück ou plus récemment par Joshua Blau (1919‑2020). Elle rejoint d’ailleurs la conception de l’arabe qui était celle d’Ibn Ḫaldūn (m. 808/1406), telle qu’exposée à différentes reprises dans sa Muqaddima, à savoir que les dialectes sont bien les descendants directs d’une langue arabe originelle (si ce n’est que pour Ibn Ḫaldūn, les dialectes constituent des variétés séparées et autonomes de la langue de Muḍar). Fleischer avait cependant aussi en référence le modèle linguistique italien dans lequel la lingua volgare (la langue « vulgaire ») ne doit pas être comprise en termes diachroniques (c’est‑à‑dire descendant du latin), mais en termes synchroniques et donc sociolinguistiques. De nouveau, nous sommes ici confrontés à une interprétation déjà présente chez les auteurs arabes médiévaux (et à laquelle les arabisants donneront le nom de « diglossie »), notamment chez Al‑Zaǧǧāǧī lui‑même. Si ce dernier situe au ier siècle de l’hégire le début de la « dégradation » de l’arabe d’une forme à désinences vers une forme qui en est dénuée, à son époque (ive/xe siècle) ce phénomène n’a pas abouti à la disparition d’un type au profit de l’autre, mais bien à la coexistence des deux. La présence ou l’absence d’ʾiʿrāb ne démarque pas tant deux types linguistiques que deux registres d’une même variété : l’un réservé à l’élite, l’autre au commun des locuteurs. P. Larcher discute ensuite les termes de ʿāmma et de ḫāṣṣa pour proposer les différentes interprétations qu’il est possible de faire du texte d’al‑Zaǧǧāǧī : soit large, à savoir l’opposition entre une élite lettrée et la masse illettrée des gens, ou bien, au sens où l’entend al‑Ǧāḥiẓ (m. 255/869), entre personnes plus ou moins savantes parmi les lettrés. L’argument fort en faveur de cette interprétation étant que seuls ceux qui pratiquent l’ʾiʿrāb peuvent commettre des erreurs de ce type (laḥn). Les ouvrages de laḥn al‑ʿāmma ne s’adressent donc pas à l’ensemble de la population arabophone, majoritairement analphabète, mais bien aux lettrés. L’absence de pertinence réelle des déclinaisons en arabe a conduit certains arabisants à les considérer comme une construction des grammairiens. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et « la redondance de la flexion en arabe classique amène beaucoup d’arabisants à douter que l’histoire de l’arabe consiste en une évolution du type ancien arabe vers le type néo‑arabe, caractérisés respectivement par la présence et l’absence de cette flexion » (p. 71). La position la plus répandue chez les arabisants (qui rejoint la thèse théologique des grammairiens arabes) estime, par comparaison avec d’autres langues sémitiques triptotes, que la flexion désinentielle est « un trait de haute antiquité qui s’est maintenu dans le seul registre poétique de la langue » (p. 71). Un autre point de vue, plus marginal mais tendant à se répandre, suppose que la flexion n’est pas utilisée à des fins syntaxiques, mais prosodiques. Là encore, cette idée émise par Johann Gottfried Wetzstein (1815-1905) avait déjà été anticipée par Quṭrub (m. 206/821). Quoi qu’il en soit, la théorie de la corruption de la langue (fasād al‑luġa) a été maintes fois réinterprétée, à la lumière des tendances de chacun, par exemple en termes de pidgnination-créolisation ou de sociolinguistique variationniste. « Aujourd’hui, l’arabe dit classique est généralement compris, non comme un état de la langue, mais comme une langue standardisée, c’est‑à‑dire retenant certaines luġāt [variantes] et en éliminant d’autres. Elle est un aboutissement, non un point de départ, et, par suite, les dialectes arabes modernes ne sauraient en être des “corruptions” » (p. 75).
- 12 Il s’agit de l’article « Parlers arabes nomades et sédentaires et diglossie chez Ibn Ǧinnī (ive/xe(...)
15Le chapitre V12 est intitulé : « Ibn Ǧinnī : parlers arabes nomades et sédentaires et diglossie chez un grammairien arabe du ive/xe siècle. Sociolinguistique et histoire de la langue ou discours épilinguistique ? ». Il se fonde sur cinq extraits des Ḫaṣāʾiṣ d’Ibn Ǧinnī (m. 392/1002) donnés et traduits (p. 96‑101) qui traitent de la question de la « perte » de flexion casuelle et des différences entre les parlers nomades et sédentaires. Ils complètent les extraits précédents et permettent d’approfondir la question d’une description « diglossique » faite par les grammairiens arabes. Pour Ibn Ǧinnī, l’origine du langage est instituée divinement au départ, puis humainement par imitation dans un second temps. Si les parlers nomades ont maintenu la flexion désinentielle (car c’est encore de cela qu’il s’agit), présentée comme pertinente, les parlers sédentaires présentent quant à eux une altération du langage. Cette différenciation qu’opère Ibn Ǧinnī entre ces deux types de parlers suggère qu’il considère, d’un point de vue diachronique, que certains parlers nomades sont la base des parlers sédentaires, et d’un point de vue synchronique (à son époque), que ces parlers nomades sont perçus comme étant la variété haute de la langue arabe. Cette distinction est sociolinguistique en cela qu’elle établit une corrélation entre variété de langue et type de population. Les sédentaires s’opposent aux Bédouins (al‑ʿArab), chez qui l’on peut distinguer les châtiés (faṣīḥ) de ceux qui ne le sont pas (plus, du point de vue d’Ibn Ǧinnī). Pour ce grammairien, faṣīḥ est synonyme de fléchi et si les sédentaires ne fléchissent plus, ce n’est pas parce que la langue a évolué, mais parce qu’ils ont détérioré ou altéré leur modèle. Ibn Ǧinnī différencie donc deux parlers, sans pour cela décrire ni la situation linguistique à son époque, ni une réelle situation de diglossie, car il ne mentionne pas de distribution fonctionnelle de leurs usages. Il est intéressant de s’interroger sur sa source : il s’agit du grammairien Abū al‑Ḥasan al‑Aḫfaš al‑Awsaṭ (m. entre 210/825 et 221/835) qui a vécu près de deux siècles avant lui, et qu’il cite puisqu’à ce moment‑là, les Bédouins étaient faṣīḥ (c’est‑à‑dire qu’ils parlaient avec les désinences casuelles) alors qu’à l’époque d’Ibn Ǧinnī, les nomades comme les sédentaires sont « corrompus » : ils ont perdu leur faṣāḥa, c’est‑à‑dire leur capacité à parler avec l’ʾiʿrāb. Autrement dit, au ive/xe siècle, l’arabe fuṣḥā n’est plus la langue de personne et « est bien devenue, dans les termes de Ferguson, la variété “haute” d’une diglossie, dont les parlers, tant sédentaires que nomades, constituent la variété “basse” » (p. 83). C’est aussi, au même moment, ce que décrira al‑Muqaddasī (m. après 378/988) et qui sera l’objet du chapitre VII : l’opposition entre une langue vernaculaire éclatée en différentes variétés et une langue véhiculaire emblématique de la culture savante de l’époque « d’autant mieux maîtrisée par ses utilisateurs qu’ils ne sont pas eux‑mêmes de langue maternelle arabe » (p. 84). En réalité, Ibn Ǧinnī ne fait pas l’histoire de la langue arabe : il tient plutôt un discours épilinguistique, non pas sur une quelconque réalité sociolinguistique de la langue, mais d’un point de vue subjectif sur l’idée qu’il s’en fait. C’est du moins ce que révèle l’anecdote relatée dans le troisième texte choisi par P. Larcher, où l’on comprend qu’Ibn Ǧinnī défend « un principe d’entropie de la langue, lié à son utilisation, et qui pousse les utilisateurs au moindre effort » (p. 88), en se posant, en bon usager des flexions désinentielles, en représentant de l’élite. Il reprend ainsi l’opposition chère à Sībawayhi (m. 180/796 ?) entre la manière de parler au Hedjaz et celle des Tamīm, qu’il inclut dans le domaine de la faṣāḥa. Si Sībawayhi a pu être témoin de cette dernière, la première « n’est rien d’autre que le nom islamique de la langue du Coran et […] les traits qui lui sont attribués ne sont nullement des traits enregistrés sur le terrain, mais en fait ceux résultant de l’examen objectif du ductus consonantique (rasm) » (p. 90). Mais, contrairement à Sībawayhi qui utilisait le terme de ʾūlā (première) et qudmā (plus ancienne) pour qualifier la ʿarabiyya, Ibn Ǧinnī emploie bien, deux siècles plus tard, l’expression d’al‑luġa al‑fuṣḥā, ce qui « montre les progrès intervenus dans le processus de dogmatisation entre le iie/viiie et le ive/xe siècle » (p. 92). Si cette expression désigne actuellement l’arabe classique, dans la terminologie médiévale elle ne s’oppose pas aux arabes dialectaux et ne désigne l’arabe du Coran qu’indirectement, par le processus d’identification vu plus haut associant la langue du Coran à celle des Qurayš et cette dernière à la luġa al‑fuṣḥā. Pourquoi alors Ibn Ǧinnī étend‑il le domaine de l’arabe fuṣḥā plus à l’est ? P. Larcher, comme dans les chapitres précédents, ne s’attache pas seulement à ce que signifie l’évolution du choix des mots chez les grammairiens, il prend aussi en compte le Coran comme texte témoin de l’histoire de la langue par sa forme : c’est « parce qu’il y a, dans la langue du Coran, des traits, les fameux “hedjazismes”, qui, justement, ne seront pas ceux retenus par la langue classique, au sens technique du terme, c’est‑à‑dire le produit de la standardisation entreprise par les grammairiens à partir du iie/viiie siècle à partir d’un arabe marqué de toute évidence par une importante variation dialectale » (p. 92). Certains traits « tamīmites » n’ont pas non plus été retenus dans la langue classique, mais alors que les « hedjazismes » ne se trouvent attestés que dans le ductus coranique, les « tamīmismes » sont pour certains toujours attestés dans certains dialectes modernes. « D’une certaine manière, les grammairiens arabes ultérieurs, tout en étant obligés, pour des raisons théologiques, de poser langue du Coran = langue de Qurayš = al‑luġa al‑fuṣḥā ont parfaitement compris que celle‑ci, en fait, était une sélection de traits dans un ensemble de parlers » (p. 93), l’idée de sélection renvoyant aux théories présentées précédemment dans l’ouvrage. Inclure les Tamīm permet aussi de renforcer la thèse de la corruption de la langue née du mélange des populations arabes et non arabes chez les sédentaires, leur territoire du Nejd étant idéalement situé au centre de l’Arabie. On voit donc comment les thèses philosophiques et théologiques dont P. Larcher démontre le fonctionnement dans les chapitres précédents s’entrecroisent et s’enrichissent au fil des siècles : « la conjonction du Hedjaz et des Tamīm est donc celle de la théologie d’une part, de l’idéologie linguistique d’autre part, et, notamment, de l’idée que si la langue “classique” n’est plus la langue de personne, elle l’a été, avec son trait caractéristique, l’ʾiʿrāb, que les grammairiens doivent d’autant plus justifier que, sur le plan linguistique, il ne sert strictement à rien… » (p. 94). Pour résumer, quoi que veuille dire Ibn Ǧinnī sur la langue, il révèle par ses anecdotes et les termes qu’il emploie qu’à son époque, aucun parler nomade n’emploie l’ʾiʿrāb, et qu’antérieurement tous ne l’ont de toute manière pas employé : les deux types, fléchi et non fléchi, coexistaient déjà à date ancienne. « Par suite, la “territorialisation” de la luġa al‑faṣīḥa […] apparaît comme une construction mi‑théologique, mi‑idéologique, poursuivant plusieurs buts : l’un, spécifique, est de justifier la “classicisation”, par les lectures grammaticales (qirāʾāt) du ductus coranique, de la langue du Coran […] ; l’autre […] est de donner une base géographique à ce qui deviendra, après standardisation, l’arabe classique (ce que font généralement les langues classiques), histoire de faire oublier leur caractère artificiel… » (p. 95).
- 13 Il s’agit de l’article « Une relecture critique du chapitre XVII du Iḍāḥ d’al‑Zaǧǧāǧī », in Lutz E (...)
16Le chapitre VI13 est intitulé : « Al‑Zaǧǧāǧī (2) : arabe fléchi vs arabe non fléchi. Deux variétés ou deux registres d’une même variété ? ». Il prend appui sur le chapitre XVII du Kitāb al‑Īḍāḥ fī ʿilal al‑naḥw d’al‑Zaǧǧāǧī (texte et traduction p. 118‑121) : Bāb ḏikr al‑fāʾida fī taʿallum al‑naḥw (« de l’intérêt d’apprendre la grammaire ») qui consiste en une succession de citations du Coran, des premiers califes et des compagnons prouvant la place fondamentale faite à l’ʾiʿrāb au sein de l’arabe classique. Si l’auteur y concède que le commun des Arabes parlent et se font comprendre sans flexions désinentielles, il estime que ce n’est le cas que pour exprimer les choses connues et leur interdit de lever toute éventuelle ambigüité de langage. Ce qui a servi de déclencheur à P. Larcher pour les chapitres V et VI, c’est l’analyse que fait le linguiste arabisant Haïm Blanc (1926-1984) de ces mêmes passages : il y voit une justification de l’évolution de l’arabe vers un type néo‑arabe non fléchi à partir d’un type ancien fléchi et propose une lecture traditionnelle glissant de la linguistique historique vers la sociolinguistique, en considérant que « ce qui est, en diachronie, deux états d’une même langue devient, en synchronie, deux variétés de cette langue, l’état plus récent n’ayant pas supplanté l’état plus ancien dans tous ses usages. Celui‑ci, au contraire, perdure, pour des raisons extra‑linguistiques [ici théologiques et culturelles], dans certains usages » (p. 104). Il interprète donc ce qu’al‑Zaǧǧāǧī désigne sous le terme d’arabe sans flexion comme signifiant « dialecte » et P. Larcher se propose de démontrer pourquoi cette interprétation n’est pas la bonne. Il revient sur l’idée développée au chapitre IV selon laquelle la situation de diglossie illustrée par ce passage n’oppose pas l’arabe dit classique aux dialectes, mais bien deux registres de la variété haute de l’arabe, l’un soutenu réalisant toutes les flexions désinentielles, l’autre plus relâché, où la multiplication des formes pausales permet non seulement au sagʿ de se développer, mais encore (et surtout !) aux locuteurs de s’exprimer en évitant les erreurs. Ainsi, pour P. Larcher, « de la même façon qu’entre les variétés haute et basse de la diglossie il existe des variétés mixtes, de la même façon, entre les deux registres de cette diglossie au sein de la diglossie il existe des formes intermédiaires : on va du plus soutenu au plus relâché, comme on va du plus classique au plus dialectal » (p. 117). En effet, pour al‑Zaǧǧāǧī, la variété sans flexion désinentielle est la manière naturelle, spontanée, de parler de la majorité des Arabes. L’autre est donc une variété surveillée, non intuitive, artificielle, transmise par l’apprentissage de la grammaire, qui signifie dès cette époque l’apprentissage de l’ʾiʿrāb. Comme la majorité parle et se comprend sans ʾiʿrāb, comment al‑Zaǧǧāǧī en justifie‑t‑il l’apprentissage ? Il ne le fait nullement d’un point de vue linguistique, mais plutôt d’un point de vue théologique, idéolinguistique et épilinguistique en citant le Coran et diverses traditions, comme dans un ouvrage de fiqh : l’arabe est la langue choisie par Dieu pour s’adresser aux Hommes. On note ici l’évolution entre un Sībawayhi citant principalement la poésie, et un Zaǧǧāǧī reléguant celle‑ci au second plan après les sources religieuses. Ces traditions ont pourtant un intérêt du point de vue linguistique, montrant que le terme faṣīḥ (châtié) est à comprendre comme fléchi et permettant de comprendre la place particulière attribuée aux fautes d’ʾiʿrāb (laḥn) dans l’éventail des fautes de langue qui peuvent être commises. Elles permettent aussi d’envisager une vision de l’histoire de la langue où « ce ne sont plus les dialectes qui sont des formes dégradées de l’arabe classique, c’est inversement l’arabe classique qui est une forme épurée de l’arabe ancien » (p. 110). Et si al‑Zaǧǧāǧī parle des métis (al‑muwalladūn) comme étant, traditionnellement, à l’origine du processus de corruption (fasād) de la langue, c’est aussi pour souligner, pour ce Persan d’origine, que « l’apprentissage de la grammaire est (implicitement) un facteur d’égalisation entre Arabes et non‑Arabes » (p. 111). Il ne se contente pas de poser une corrélation entre type d’arabe et locuteurs (l’arabe fléchi étant parlé par l’élite al‑ḫāṣṣa, le non fléchi par la « masse » al‑ʿāmma), il associe à chacun un type de communication, l’une savante, l’autre plus commune au sens d’ordinaire. Malgré tout, l’usage de l’arabe fléchi ne peut pas être assimilé à celui d’une variété diglossique haute, car il est limité à certains types de discours que l’on pourrait qualifier de figés (Coran, ḥadīṯ et poésie) et à un rôle de désambiguïseur. Là encore, les exemples convoqués par le grammairien pour justifier de la supposée pertinence de l’ʾiʿrāb ne sont pas convaincants, mais tendent à démontrer que l’extension de la seule flexion désinentielle à la flexion en général n’est pas liée à la réalisation orale, mais est bien due à la difficulté de lire en contexte de scriptio defectiva. P. Larcher justifie cette analyse en retournant aux lectures coraniques, qui lui permettent de montrer que « la pertinence de la flexion s’évanouit dès que l’on récite ces versets […] Autrement dit, il n’y a plus moyen de distinguer à l’oral entre les deux significations distinguées par les lectures grammaticales du texte écrit » (p. 115). Pour abonder dans ce sens, il convoque la définition que le lexicographe al‑Azharī (m. 370/980) donne de naḥw, où le grammairien est présenté comme « [convertissant] l’énoncé dans les (différents) aspects de la flexion désinentielle ([…] yuḥarrifu al‑kalām ilā wuǧūh al‑ʾiʿrāb). Avec cette étymologie […], le grammairien n’est plus un guide indiquant la direction à suivre pour éviter les fautes : c’est lui‑même qui imprime la (bonne) direction au discours ! Qui peut croire qu’avec une telle interprétation de naḥw(ī), le ʾiʿrāb concerne la communication orale ? Il ne peut que concerner la lecture grammaticale d’un texte écrit en scriptio defectiva » (p. 115). Cette restriction supplémentaire d’emploi de l’arabe fléchi interdit donc de comprendre l’opposition entre les deux types d’arabe comme deux variétés d’une même langue en situation de diglossie, mais abonde dans la conception de deux registres d’une même variété haute de la langue.
- 14 Il s’agit de l’article « Que nous apprend vraiment Muqaddasī de la situation de l’arabe au ive/xe (...)
- 15 Il s’agit des thèses théologique, philologique et philosophique développées dans les chapitres pré (...)
- 16 Ibn Ḫaldūn pose trois luġāt qu’il appelle luġat Muḍar, luġat al‑ʿArab li‑hāḏā al‑ʿahd et luġat ʾah (...)
17Le chapitre VII14 s’intitule : « Al‑Muqaddasī : que nous apprend‑il vraiment de la situation de l’arabe au ive/xe siècle ? ». Il ne repose pas sur un passage en particulier, mais sur ce qui touche à la langue arabe dans l’ouvrage achevé vers 375/985 de ce géographe, le Kitāb ʾaḥsan al‑taqāsīm fī maʿrifat al‑ʾaqālīm, et que J. Fück et après lui André Miquel (1929‑) prennent comme source intéressante sur la langue arabe. P. Larcher démontre qu’il est possible de déduire certains renseignements, mais qu’il ne constitue par une source fiable du point de vue linguistique. Pour al‑Muqaddasī, à l’époque duquel Bagdad constitue le centre du monde arabe, c’est dans la partie orientale, constituée de six provinces non arabes du domaine islamique (ici l’état iranien des Samanides dont la capitale est Nīšāpūr), que l’on parle l’arabe le plus éloquent, du fait d’un apprentissage approfondi de la langue. « À l’inverse, la “défectuosité” (rakāka) de l’arabe en Égypte et au Maghreb et sa “grossièreté” (qubḥ) dans la région des Marais y est présentée comme une conséquence de ce qu’il est la “langue du peuple” (lisān al‑qawm) » (p. 125). Cette description implique que dans les provinces orientales, là où selon al‑Muqaddasī on parle le mieux l’arabe, l’arabe n’est pas la « langue du peuple ». Elle y est donc la langue d’une élite, minorité lettrée non arabophone employant comme langue véhiculaire une variété d’arabe caractérisée par sa correction grammaticale (ṣiḥḥa) et l’élévation de son style (balāġa). À l’inverse, en Égypte, au Maghreb et dans la région des Marais (la Mésopotamie) on parle un arabe vernaculaire caractérisé par sa « défectuosité » (rakāka), c’est‑à‑dire par son incorrection grammaticale et par sa « grossièreté » (qubḥ), c’est‑à‑dire le caractère désagréable de sa réalisation orale. Al‑Muqaddasī établit aussi l’existence d’un double clivage : confessionnel à propos des Coptes en Égypte ou des Chrétiens en Égypte et en Syrie ; linguistique à propos des langues coexistant avec l’arabe au Maghreb (les parlers romans des cités d’Afrique du Nord, de la Sicile et d’Andalousie et le berbère des terres rurales) ou en Mésopotamie (avec l’araméen). Pour lui, « si l’arabe de l’Aqūr [Haute-Mésopotamie] est “plus correct que celui de Syrie, du fait que les habitants sont Arabes”, cela implique, à l’inverse, que celui de la Syrie est moins correct, du fait que les habitants ne sont pas Arabes ! » (p. 129). Mais il n’apporte pas d’élément linguistique ni ethnique pour justifier son propos, il constate simplement que les ḏimmī sont nombreux en Syrie et à Jérusalem, au point que les Musulmans eux‑mêmes adoptent leurs fêtes. Al‑Muqaddasī leur reproche de ne pas se donner la peine de se cultiver en arabe. « Visiblement, al‑Muqaddasī s’irrite de ce que les non‑Arabes [en fait, surtout les fonctionnaires chrétiens ici], voire des non-Musulmans, semblent mieux maîtriser l’arabe formel que des Musulmans arabophones » (p. 129‑130). Si l’on peut déduire du texte d’al‑Muqaddasī des informations sur la situation linguistique du monde arabe à son époque, force est de constater qu’il ne dit rien (probablement parce qu’il ne sait rien) d’un grand nombre de faits : non seulement sur la situation réelle en extrême Occident, qu’il n’a pas visité, mais plus près de lui « sur l’utilisation du copte comme langue liturgique et littéraire [ni sur] les différents statuts de l’araméen en général et du syriaque en particulier » (p. 130). Ce qui est certain à la lecture d’al‑Muqaddasī, c’est qu’il critique de manière assez virulente ses coreligionnaires, dont ni le maniement de la langue ni même la culture ne lui semblent être à la hauteur. Et alors qu’il porte en haute estime les Persans qui s’imposent une maîtrise parfaite de l’arabe, il décrit les fonctionnaires chrétiens en des termes bien péjoratifs. P. Larcher fait remarquer que l’arabe, dans ces provinces et pour ces fonctionnaires, est avant tout une langue véhiculaire écrite partagée entre les différentes confessions. Il ne souscrit donc pas à la confessionnalisation du moyen-arabe en arabe chrétien ou judéo-arabe faite par H. Fleischer. Au sujet de la péninsule Arabique, al‑Muqaddasī donne quelques renseignements de type linguistique concernant certains parlers bien localisés et décrit une situation d’alternance codique entre le persan et l’arabe. Plus que linguistiques, les passages concernant la langue arabe dans l’ouvrage sont davantage épilinguistiques. En effet, « auteur du ive/xe siècle, al‑Muqaddasī se fait en réalité l’écho, dans ses représentations, des différentes thèses en présence sur la langue arabe15, ce qui entraîne, plus qu’anachronisme, un écrasement de la diachronie » (p. 136). Cependant, on peut implicitement déduire, à partir de ses descriptions, « que l’arabe est à la fois langue véhiculaire et langue vernaculaire et, surtout, que comme langue véhiculaire, il est d’autant mieux maîtrisé qu’il n’est pas en même temps langue vernaculaire de ceux qui l’emploient » (p. 139). Chez cet auteur, « le couple laḥn/ʾiʿrāb concerne le seul arabe véhiculaire, et plus précisément, un usage oralisé de la langue écrite » (p. 139), ce qui présente une évolution notable par rapport à la vision antérieure voyant dans ces laḥn la dégradation d’une langue parlée à cause de la sédentarisation et du mélange des populations opérés suite aux conquêtes islamiques. Chez al‑Muqaddasī, les variétés d’arabe ne sont clairement pas interprétées comme s’opposant au sein d’une variété historique moyenne, mais bien comme des variétés d’arabe séparées, ce qu’Ibn Ḫaldūn développera par la suite16.
- 17 Il s’agit de l’article « Le parler des Arabes de Cyrénaïque vu par un voyageur marocain du xiiie s (...)
18Le chapitre VIII17 « Al‑ʿAbdarī : le parler des Arabes de Cyrénaïque vu par un voyageur maghrébin du viie/xiiie siècle » prend appui sur un passage relativement long d’al‑Riḥla al‑Maġribiyya (récit de voyage) d’al‑ʿAbdarī (m. vers 700/1300), donné et traduit (p. 152‑155) et augmenté d’une carte de la région libyenne dont il est question (p. 156). Ce texte a été cité en 1845 dans une controverse l’opposant à J. Derenbourg (1811-1895) au sujet des flexions désinentielles, par B. Vincent qui le considérait comme une preuve de leur présence dans la langue arabe parlée. Ce n’est évidemment pas en ce sens que P. Larcher l’utilise, mais parce que ce texte livre un témoignage vivant et assez riche des échanges verbaux entre un Maghrébin sédentaire et des nomades de Cyrénaïque. Même si l’auteur a été nourri par l’idéologie linguistique arabe faisant des Bédouins les locuteurs les plus faṣīḥ de l’arabe, et ce d’autant plus qu’ils évoluent sur un territoire isolé, il n’en livre pas moins une vision globale du parler, ne se bornant pas au seul lexique, mais mentionnant aussi des traits morphosyntaxiques et phonologiques. La comparaison avec son propre usage linguistique nous en apprend aussi sur les parlers du Maghreb occidental à cette époque. Parmi les traits caractéristiques avancés par al‑ʿAbdarī figurent le maintien de l’ʾiʿrāb, qu’il s’agisse de flexion nominale (même si le seul exemple donné ne constitue en rien une preuve) ou de flexion verbale (avec le maintien du nūn final à la deuxième personne du féminin singulier et au masculin pluriel), la suppression de la voyelle brève à la forme pausale, l’absence d’épenthèse, la réalisation typiquement nomade du /q/ en [g], et surtout l’emploi de termes lexicaux désuets.
Notes
1 Pierre Larcher, Syntaxe de l’arabe classique, Presses Universitaires de Provence (PUP), collection manuels, 4e trimestre 2017. Voir Catherine Pinon, « Pierre Larcher, Syntaxe de l’arabe classique, Presses Universitaires de Provence (PUP), collection manuels, 4e trimestre 2017 », Bulletin d’études orientales [en ligne], Comptes rendus (depuis 2012), Ouvrages de linguistique, mis en ligne le 21 février 2019, consulté le 06 octobre 2021. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/beo/5135
2 « La première traduction européenne d’une Muʿallaqa ? La version latine de la Muʿallaqa d’Imruʾ al‑Qays par Levinus Warner (xviie siècle) », in C. Pinon (dir.), Savants, amants, poètes et fous. Séances offertes à Katia Zakharia, PIFD 295, Presses de l’Ifpo, Beyrouth, 2019, p. 35‑61.
3 Arabica, vol. 48, no 4, Brill, 2001, p. 578–609.
4 In P. G. Borbone, A. Mengozzi et M. Tosco (dir.), Loquentes linguis. Studi linguistici e orientali in onore di/ Linguistic and Oriental Studies in Honour of/ Lingvistikaj kaj orientaj studoj honore al Fabrizio A. Pennacchietti, Wiesbaden, 2006, p. 425‑435.
5 In Sylvain Auroux et al. (dir.), History of Linguistics 1999. Selected Papers from the Eighth international Conference on the History of the Language Sciences (ICHoLS VIII), Fontenay‑St. Cloud, France, 14‑19 September 1999, Studies in the History of Language Sciences 99, Amsterdam-Philadelphie, 2003, p. 47‑61.
6 Pierre Larcher, « Théologie et philologie dans l’islam médiéval : relecture d’un célèbre texte d’Ibn Fāris (xe siècle) », in P. Seriot et A. Tabouret-Keller (dir.), Le discours sur la langue sous les régimes autoritaires, Cahiers de l’ILSL 17, Lausanne, p. 101‑114.
7 Il s’agit là aussi d’une version largement remaniée d’un article paru en 2005 : Pierre Larcher, « D’Ibn Fāris à al‑Farrāʾ ou un retour aux sources sur la luġa al‑fuṣḥā », Asiatische Studien/Études asiatiques 59/3, 2005, p. 797‑814.
8 Or, et cela sera l’objet du chapitre IV, « dans la tradition arabe, les conquêtes militaires, les nouvelles fondations urbaines, la constitution d’un empire, bien loin d’être vues comme les circonstances de l’émergence de la luġa al‑fuṣḥā, sont vues au contraire comme celles de sa “corruption” (fasād), conduisant à ce qui deviendra les dialectes arabes modernes » (p. 26).
9 Il s’agit de l’article paru sous le titre « Un texte d’al‑Fārābī sur la “langue arabe” réécrit ? », in L. Edzard et J. Watson (dir.), Grammar as a Window onto Arabic Humanism. A Collection of Articles in Honour of Michael G. Carter, Wiesbaden, Harrassowitz, 2006, p. 108‑129, dans lequel figurent quelques ajouts.
10 Cette leçon faite à Zürich en 2005 a été publiée sous le titre « Les origines de la grammaire arabe, selon la tradition. Description, interprétation, discussion », in E. Ditters et H. Motzki (dir.), Approaches to Arabic Linguistics, presented to Kees Versteegh on the Occaion of this Sixtieth birthday, Studies in Semitic Languages and Linguistics 49, Leiden, Brill, 2007, p. 113‑134.
11 Il s’agit de l’anecdote attribuant à Abū al‑Aswad al‑Duʾalī la paternité du premier livre de grammaire arabe, après qu’il fut choqué par la faute d’ʾiʿrāb (laḥn) commise par sa fille lui disant « mā ašaddu l‑ḥarri » (quelle est la plus intense des chaleurs ?) au lieu de « mā ašadda l‑ḥarra » (quelle intense chaleur !).
12 Il s’agit de l’article « Parlers arabes nomades et sédentaires et diglossie chez Ibn Ǧinnī (ive/xe siècle). Sociolinguistique et histoire de la langue vs discours épilinguistique ? », Al‑Qanṭara 39/2, 2018, p. 359‑389.
13 Il s’agit de l’article « Une relecture critique du chapitre XVII du Iḍāḥ d’al‑Zaǧǧāǧī », in Lutz Edzard, Manuel Sartori et Philippe Cassuto (éd.), Case and Mood Endings in Semitic Languages – Myth or reality? / Désinences casuelles et modales dans les langues sémitiques – Mythe ou réalité ? Abhandlungen für die Kunde des Morgenlandes 113, Wiesbaden, Harrasowitz, 2018, p. 45‑67.
14 Il s’agit de l’article « Que nous apprend vraiment Muqaddasī de la situation de l’arabe au ive/xe siècle ? », Annales islamologiques 40, 2006, p. 53‑69, avec un certain nombre d’additions.
15 Il s’agit des thèses théologique, philologique et philosophique développées dans les chapitres précédents.
16 Ibn Ḫaldūn pose trois luġāt qu’il appelle luġat Muḍar, luġat al‑ʿArab li‑hāḏā al‑ʿahd et luġat ʾahl al‑ḥaḍar, respectivement l’équivalent de l’arabe classique, la langue des Bédouins et celle des sédentaires à son époque.
17 Il s’agit de l’article « Le parler des Arabes de Cyrénaïque vu par un voyageur marocain du xiiie siècle », Arabica 48/3, 2001, p. 368‑382, le plus ancien de cette série, reproduit ici avec un certain nombre d’additions.
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Référence électronique
Catherine Pinon, « Pierre Larcher, L’invention de la luġa al‑fuṣḥā. Une histoire de l’arabe par les textes. Association pour la Promotion de l’Histoire et de l’Archéologie Orientales de l’Université de Liège, mémoires no 13, Peeters, Louvain », Bulletin d’études orientales [En ligne], Comptes rendus d’ouvrages de linguistique, mis en ligne le 14 novembre 2022, consulté le 13 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/beo/8123 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/beo.8123
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