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2021

Asma Hilali, The Ṣanʿāʾ Palimpsest. The transmission of the Qurʾan in the first centuries AH., Oxford University Press, 2017.

Hassan I. Bouali
Référence(s) :

Asma Hilali, The Ṣanʿāʾ Palimpsest. The transmission of the Qurʾan in the first centuries AH., Oxford University Press, 2017, 271 pages. ISBN 9780198793793

Texte intégral

  • 1 Voir par exemple les travaux respectifs de Gerd R. Puin et de la Yéménite Razzān Ḥamdūn.

1La découverte en 1972 de milliers de fragments coraniques dans le faux plafond de la mosquée de Ṣanʿāʾ a suscité de nombreuses études en Occident et dans le monde arabe 1. Le travail d’A. Hilali est plus particulièrement consacré au palimpseste MS.0A27.1, composé de 38 feuillets et qui se trouve à Dār al‑Maḫṭūṭāt de Ṣanʿāʾ. Sa recherche s’inscrit dans le cadre du projet ANR « Matériaux pour une édition critique du Coran » dirigé par Christian Julien Robin.

  • 2 Voir A. Hilali, p. 8 : “The presence of more than one system of verse marking, decoration and chapt (...)

2La première partie de l’ouvrage propose une mise en perspective historique du palimpseste (“The Ṣanʿāʾ Palimpsest: History and Text”, p. 3-92). Comme le rappelle l’auteure, ce palimpseste contient deux textes superposés datant respectivement du ie/viie et du iie/viiie siècles. Dans le premier chapitre (“Palimpsests and the Study of the Ṣanʿāʾ Palimpsest”, p. 3-31), A. Hilali rappelle ce qu’est un palimpseste : la vaste majorité sont des parchemins ayant été grattés et réutilisés. De nombreux récits tirés de la tradition musulmane mettent d’ailleurs en lumière les nombreuses techniques tandis que d’autres légitiment l’acte de faire disparaître le « non authentique ». Dans la suite du propos, A. Hilali présente succinctement des manuscrits coraniques et des palimpsestes connus et étudiés depuis le xixe siècle. Deux importantes études contemporaines consacrées au manuscrit de Ṣanʿāʾ, celles d’E. Puin et B. Sadeghi, sont convoquées. Ces auteurs, tout en considérant le manuscrit de Ṣanʿāʾ comme le vestige d’une lecture non canonique, proposent une interprétation différente. Contre l’idée de B. Sadeghi et M. Goudarzi qui considèrent le texte perdu comme un vestige d’une famille de textes appartenant au codex de ʿAbd Allāh b. Masʿūd, E. Puin y voit plutôt un Coran non ʿutmānien dont il est impossible de prouver qu’il a bien appartenu à ce fameux compagnon. La vraie question, selon A. Hilali, est de savoir si le texte de la seconde strate est une correction de la première. Selon elle, les traces du texte de la première strate que nous sommes capable de lire n’étaient certainement pas visibles lorsque le second texte fut écrit au iie/viiie siècle. Partant de ce constat, elle suggère que les scribes du texte de la seconde couche pourraient ne pas avoir été au courant des contenus de la première. Par ailleurs, la nature fragmentaire de l’écriture invite l’auteure à ne pas considérer la seconde strate comme un remplacement de la couche inférieure. En conséquence, A.  Hilali bat en brèche la thèse des auteurs qui ont affirmé que le texte de la première strate avait été effacé pour des raisons théologiques. Pour A. Hilali, la couche inférieure et la couche supérieure sont probablement un agrégat de textes disparates ne se référant nullement à un codex coranique, et encore moins à un codex coranique au bout d’un processus de rédaction. Les deux strates représentent en fait des travaux inachevés d’écriture de passages coraniques (p. 19). Dans le second chapitre de cette première partie (“The Ṣanʿāʾ Palimpsest. The text and Its Usage”, p. 32-92), A. Hilali étudie le palimpseste dans sa matérialité textuelle et pose la question de son usage. Le texte de la première strate n’est pas un muṣḥaf complet destiné à être récité comme l’ont avancé E. Puin et B. Sadeghi, mais un agrégat de passages coraniques fragmentés ; c’est un travail non abouti qui a peut-être circulé dans un contexte d’apprentissage (p. 86). Selon A. Hilali, qui s’appuie sur la relation oral/écrit dans la transmission des débuts de l’islam mise en lumière par le savant allemand Gregor Schoeler, le texte de la première strate était destiné à être corrigé et vérifié par la récitation orale. Le texte de la seconde strate n’est pas non plus un muṣḥaf. En outre, A. Hilali identifie quatre scribes qui ont aussi endossé un rôle de correcteur et de décorateur, prenant ainsi part à la production du texte. L’étude codicologique du MS.027.1 permet à l’auteure de mettre en lumière des phases multiples de travail incluant écrits, séparation des versets et décorations. Ainsi, la présence de plusieurs systèmes de séparation de versets, de décoration et de séparation des chapitres démontre que les scribes du nouveau texte n’ont pas utilisé un Coran commun de référence et qu’il n’y a pas eu de concertation avant de produire le manuscrit 2.

  • 3 A. Hilali utilise le terme de « variation » plutôt que « variante ». Elle précise qu’il s’agit d’un (...)

3La seconde partie de l’ouvrage propose une édition annotée du palimpseste (“The Ṣanʿāʾ Palimpsest: Annotated Edition”, p. 93-247). Cette édition est fondée sur les photographies de la mission franco-italienne mises à disposition par Christian Julien Robin. Un voyage de terrain à Ṣanʿā’ a en outre permis à A. Hilali d’établir une comparaison entre ces photographies et les fragments coraniques du palimpseste. L’édition comprend un « guide » permettant au lecteur d’identifier les corrections introduites par les scribes ainsi que les symboles utilisés par l’auteur pour représenter les marqueurs de versets, la décoration des chapitres ou encore les lacunes de l’écriture ou du parchemin. A. Hilali propose également deux appendices à la fin de l’ouvrage. Le premier permet d’identifier les versets coraniques présents dans les différents folios du palimpseste. Le second expose les variantes et les variations 3 des deux strates des différents folios du palimpseste au regard du Coran standard édité au Caire en 1924. (“Appendice II: Variants and Variations in the Ṣanʿāʾ Palimpsest”).

4En mettant en évidence les modalités de la mise par écrit des feuillets coraniques, sa transmission et ses usages, A. Hilali apporte un éclairage décisif sur l’histoire du manuscrit MS.0A27.1. Son travail, basé sur une étude textuelle et matérielle, s’inscrit indéniablement dans la continuité des travaux que François Déroche consacre depuis de nombreuses années aux plus anciens manuscrits coraniques. L’ouvrage d’A. Hilali constitue pourtant bien une étape importante et novatrice dans le domaine des études consacrées aux manuscrits coraniques des premiers siècles de l’islam, en ce sens qu’il rompt avec les paradigmes sur lesquels étaient jusqu’à présent basés les hypothèses des chercheurs qui ont travaillé sur le palimpseste de Ṣanʿāʾ.

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Bibliographie

Déroche François 2009, La transmission écrite du Coran dans les débuts de l’islam. Le codex parisino-petropolintanus, Boston-Leiden, Brill.

Déroche François 2019, Le Coran. Une histoire plurielle. Essai sur la formation du texte coranique, Paris, Seuil.

amdūn Razzān 2004, المخطوطات القرآنية في صنعاء منذ القرن الأول الهجري وحفظ القرآن الكريم بالسطور, Master’s Thesis (unpublished), Al-Yemenia University.

Hilali Asma 2010, « Le palimpseste de Ṣanʿāʾ et la canonisation du Coran : nouveaux éléments », Cahiers du centre Gustave Glotz, p. 443-448.

Puin Elisabeth 2008, « Ein Früher Koranpalimpsest aus Ṣanʿāʾ (DAM 01-27.1) », in Grob Markus and Ohlig K.-Heinz (eds.), in Schlaglichter: Die beiden ersten islamischen Jahrhunderte, Berlin, Hans Schiler, p. 461–493.

Puin Gerd-Rüduger 1996, “Observations on early Qur’an manuscripts in Ṣanʿāʾ”, in Stephan Wild (ed.), The Qur’an as text, Leiden, New York, Cologne, p. 107-111.

Sadeghi Behnam and Goudarzi Mohsen 2012, “Ṣanʿāʾ 1 and the Origins of the Qurʾān”, Der Islam vol. 87, Issue 1-2, p. 1-129.

Sadeghi Behnam et Bergmann Uwe 2010, “The Codex of a Companion of the Prophet and the Qurʾan of the Prophet”, Arabica 57, p. 343-436.

Schoeler Gregor 2006, The Oral and the Written in Early Islam, traduction Vagelpohl Uwe and edited by Montgomery James. E, London.

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Notes

1 Voir par exemple les travaux respectifs de Gerd R. Puin et de la Yéménite Razzān Ḥamdūn.

2 Voir A. Hilali, p. 8 : “The presence of more than one system of verse marking, decoration and chapter separation shows that the scribes, correctors and decorators did not have a common Qurʾān reference. The multiple stages seem often discordant and suggest that there was no unified organization before producing the manuscript; this suggests the upper text might not constitute part of one book (muṣḥaf).”

3 A. Hilali utilise le terme de « variation » plutôt que « variante ». Elle précise qu’il s’agit d’une prise de distance méthodologique avec le concept coranique de variante. Voir p. 45.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Hassan I. Bouali, « Asma Hilali, The Ṣanʿāʾ Palimpsest. The transmission of the Qurʾan in the first centuries AH., Oxford University Press, 2017. »Bulletin d’études orientales [En ligne], Comptes rendus d’ouvrages de Sciences religieuses, mis en ligne le 01 janvier 2021, consulté le 15 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/beo/6736 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/beo.6736

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Auteur

Hassan I. Bouali

Université de Paris Nanterre

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Droits d’auteur

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