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Dubays B. Ṣadaqa (m. 529/1135), aventurier de légende. Histoire et fiction dans l’historiographie arabe médiévale (vie/xiie-viie/xiiie siècles)

Abbès Zouache
p. 87-130

Résumés

Selon K. Pomian, la frontière entre l’histoire et la fable n’a jamais été réellement abolie. Cette étude vise à s’interroger sur cette frontière dans les sources médiévales– chroniques et dictionnaires biographiques arabes des vie-viie/xiie-xiiie siècles pour l’essentiel. Elle est centrée sur le parcours de Dubays b. Ṣadaqa (m. 529/1135), Arabe chiite qui menaça le calife abbasside et/ou le sultan seldjouqide et affirma ses prétentions au pouvoir. A bien des égards, Dubays symbolise un monde en voie de disparition, qui faisait la part belle à des héros arabes supplantés, au vie/xiie siècle, par des puissants turcs et/ou kurdes. Les auteurs arabes médiévaux font de Dubays un homme généreux et/ou puissant, magnanime et/ou violent, selon leurs objectifs informatifs, esthétiques et idéologiques. Ces auteurs savent faire usage de ce qu’on nomme aujourd’hui « fiction ». Pour eux, la distinction entre fable et histoire n’a pas forcément lieu d’être.

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Notes de la rédaction

Je remercie infiniment Katia Zakharia, Thierry Bianquis, Yves Gonzalez-Quijano et Catherine Lamboley pour leurs remarques et sugestions lors des relectures de cet article. Naturellement, les éventuelles erreurs sont de ma seule responsabilité.

Texte intégral

  • 1  Les expressions sont d’Ibn Ḫaldūn (m. 784/1382), Muqaddima, 11, 12, 14, 38 et 46 à 49 ; Miskawayh  (...)

1S’ils dénoncent régulièrement la contamination des écrits historiques par les « contes populaires » (ḫurāfāt al-ʿāmma) et les « récits [les plus] improbables (al-aḫbār al-wāhiya) », les historiens arabes médiévaux ne s’étendent pas sur la « fiction », notion qui a tant fait débat depuis quelques décennies qu’on ne peut leur reprocher de ne pas la clarifier. Aujourd’hui encore, on s’entend seulement pour reconnaître que le « faire semblant » est inhérent à la démarche fictionnelle, ou qu’on trouve usage de procédés a priori fictionnels (tels que le monologue intérieur) dans des textes qui ne le sont théoriquement pas 1.

  • 2 Pomian, Sur l’histoire, 78.

2Pour autant, n’est-il pas possible d’identifier avec quelque précision, dans l’ensemble de la production historique médiévale, une frontière entre l’histoire (le factuel) et la fable (le fictionnel), jamais réellement abolie selon Krzystof Pomian 2 ? Seule la multiplication d’études ciblées permettrait de répondre à une telle question en évitant les généralisations hâtives. C’est dans ce cadre que s’inscrit cet article, centré sur le personnage de Dubays b. Ṣadaqa qui marqua le premier tiers du vie/xiie siècle, en Iraq et en Syrie.

  • 3  Pas plus d’ailleurs que les historiens contemporains : Eddé, « Sources arabes », 295, 296, 299 ; H (...)
  • 4  Présentation de ces sources : Zouache, Armées et combats, chap. i. L’œuvre d’Ibn Abī Ṭayyi’ n’est (...)
  • 5  Cf. Zakharia, « Uways al-Qaranī, visages d’une légende », 232.

3Figure repoussoir ou héros patenté, Dubays (m. 529/1135) a rarement laissé indifférents les historiens arabes médiévaux 3. Les chroniques et les dictionnaires biographiques que nous analysons ont été pour l’essentiel rédigés en Syrie et en Iraq, aux vie-viie/xiie-xiiie siècles, par des hommes généralement proches d’un pouvoir qu’ils servaient ou louaient, sunnites sauf exception (tel Ibn Abī Ṭayyi’, m. c. 625-630/1228-1233) 4. Qu’ils lui consacrent (Ibn al-ʿAdīm, m. 660/1262, dans la Buġya) ou non (al-Ṣafadī, m. 696/1323 dans al-Wāfī bi-l-wafayāt) une notice biographique longue et détaillée ; qu’ils s’étendent (Ibn al-Ǧawzī, m. 597/1201, al-Muntaẓam et Ibn al-Aṯīr, m. 630/1233, al-Kāmil) ou non (Ibn al-Qalānisī, m. 555/1160, Ḏayl ta’rīḫ Dimašq ou al-ʿAẓīmī, m. 556/1161, Ta’rīḫ Ḥalab) sur ses aventures, biographes et chroniqueurs en font souvent un personnage de premier plan, haut en couleur, énergique et souvent machiavélique. Il apparaît alors, au moins pour partie, comme un personnage fabriqué au gré de chacun de ces auteurs 5 ; certains n’hésitent pas même à l’inscrire dans un registre légendaire. En nous penchant sur les principaux épisodes de sa vie, nous tenterons de déterminer ce qui y relève de l’histoire et de la fable, pour peu qu’il faille les distinguer.

Les Banū Mazyad, des figures légendaires

  • 6 Yāqūt, Muʿǧam, ii, 96, 294-5 et 326. Abū l-Fidā’ ; Ta’rīḫ, i, 2, 233 (avait émis des doutes) ; Ibn (...)

4Dubays avait de qui tenir. C’est du moins la thèse développée par de nombreux auteurs arabes, qui entourent les origines de la dynastie mazyadite d’un tel halo de mystère et d’incertitudes qu’il fallut la parution, en 1954, des « Notes on Ḥilla and the Mazyadids in Medieval Islam » de George Makdisi pour l’estomper quelque peu. Il démontra, en particulier, que sa capitale, al-Ḥilla, n’avait pas été fondée par Ṣadaqa (le père de Dubays et quatrième membre de la dynastie) sur le site d’al-Ǧāmiʿayn en 495/1101-2, ou qu’il fallait faire remonter les origines de la dynastie plus haut qu’on l’avait fait jusque-là : ʿAlī b. Mazyad s’était distingué dès les années 345-352/956-964 de l’hégire, sous le vizirat de Muhallabī 6.

  • 7  « Ṣadaḳa » EI2, x, 736, réimpr. d’un article de l’EI ; « Asad », EI2, i, 704-5.

5Pour autant, George Makdisi ne remettait pas en cause l’interprétation la plus commune du parcours des différents membres de la famille. On en trouve donc trace encore récemment, dans la deuxième édition de l’Encyclopédie de l’islam, à propos de Dubays I (408-474/1018-1082) comme de Manṣūr (471-479/1082-1089) ou surtout de Ṣadaqa (479-501/1086-1108), véritable parangon d’un idéal chevaleresque 7.

  • 8 Ḏahabī, Siyar, xviii, 557-8 ; Ḥarīrī (m. 516/1122), Maqāmāt, ii, 506. En fait, c’est de Dubays qu’a (...)
  • 9 Ḏayl, 256.
  • 10 Muntaẓam, xvii, 207-8 (éd. alwaraq.net, 2093-4 très légèrement différente). Cf. Makdisi,op. cit., 2 (...)

6Noblesse, libéralité et obligeance, bravoure, témérité et ruse : les Banū Mazyad avaient peu à envier aux héros épiques. Pourtant, les auteurs arabes n’étaient pas unanimes. Certains étaient régulièrement louangeurs, à l’image d’al-Ḏahabī (m. 748/1348) faisant de Dubays I un « fāris généreux, comblé d’éloges, éminent, ayant vécu quatre-vingts ans et objet d’élégie de la part des poètes – […] c’est celui qu’al-Ḥarīrī cite en exemple dans les Maqāmāt », et de son fils Manṣūr un héros, « brave, courageux, bon poète, grammairien, au comportement exemplaire 8 ». D’autres, au contraire, étaitent très critiques, tel Ibn al-Qalānisī lorsqu’il s’aventurait sur le terrain religieux 9. Dans l’extrait qui suit, très synthétique, Ibn al-Ǧawzī, dont al-Ḏahabī connaissait l’œuvre, peint un Ṣadaqa tout aussi inquiétant que puissant 10 :

  • 11  À moins qu’il ne soit question que d’une réquisition d’eau : wa an yaftaḥ al-buṯūq wa yaʿtaṣim bi- (...)

« L’auteur dit : relatons donc le début de la fortune de Dubays, comme nous le faisons quant aux origines des dynasties. Ainsi donc, le premier de la lignée à se distinguer fut Mazyad (sans doute ʿAlī b. Mazyad, dont le pouvoir est confirmé par les Būyides en 403/1012-1013). Le vizir Muʿizz al-dawla […] al-Muhallabī lui confia la protection de Sūrā et de son territoire. C’est alors que la discorde éclata entre les Būyides, et il fit tantôt allégeance, tantôt non. L’année d’al-Qarʿā’, il fut envoyé par Faḫr al-mulk Abū Ġālib contre les Banū Ḫafāǧa auxquels il fit subir la loi du talion. Puis il mourut. Son fils Abū l-Aʿazz Dubays lui succéda – il était porteur du mauvais œil. Quelque chose lui plaisait-elle, elle était portée à disparaître. C’est ainsi que lorsqu’il jeta un œil sur Badrān [son fils] et qu’il le trouva beau, ce dernier mourut. Il avait son petit-fils Ṣadaqa – le père de ce Dubays [dont il est question] – en aversion. L’en blâmait-on qu’il disait : “ J’ai rêvé qu’il atteignait le sommet des cieux, une hache à la main, qu’il arrachait les étoiles et les lançait sur les gens, à terre. Puis il tombait à leur suite. Sans doute aucun, il atteindra une position [élevée]. Il dépensera beaucoup en discordes et détruira sa lignée.” Puis Abū l-Aʿazz mourut ; il laissait quatre-vingt mille dinars. Son fils Manṣūr prit sa succession, puis il mourut. Le pouvoir échut à son fils Ṣadaqa, qui se mit au service du sultan Malik Šāh, auquel il versa tribut et rendit visite à intervalles rapprochés. Lorsque Niẓām [al-mulk] fut assassiné, sa position s’en améliora d’autant, et il se mit à manifester son opposition. Conscient du fait que [sa capitale] al-Ḥilla ne le protégeait pas vraiment, il bâtit [une forteresse ?] sur une colline, dans [la région des] marais, et se prépara à s’y rendre au cas où un ennemi l’attaquerait brusquement ou chercherait à l’atteindre. En outre, il [décida] d’ouvrir une brèche [dans la digue] et d’user de l’eau comme une protection 11, et il obtint l’engagement d’Ibn al-Ḫayr de venir à son secours. Ensuite, il acheta à ses bédouins un lieu, à [quelques] jours [de marche] d’al-Kūfa, auquel il consacra quarante mille dinars ; de là, il était pratiquement impossible de l’atteindre. Il rénova [également] al-Ḥilla qu’il munit de murailles et d’un fossé et où il créa des jardins. Les gens se mirent à aller chercher protection auprès de lui. Alors al-Mustaẓhir lui donna Dār al-ʿAfīf [à Bagdad], dans la rue de Fayrūz, et il lui consacra quelques dix mille dinars. Le calife ordonna [également] qu’on lui attribue le titre de “roi des Arabes.” ».

  • 12  Par exemple : Ibn Al-Aṯīr, Kāmil, ix, 113. Discret : Ibn Ḫaldūn, Ta’rīḫ (al-Ǧuwaydī), 1252-3.
  • 13 Muntaẓam, xvii, 111 ; Ibn Ḫallikān, Wafayāt, II, 490-2.
  • 14 Ḏahabī, Siyar, xix, 264-5 ; Ibn Kaṯīr, Bidāya, xii, 170 ; Ibn al-ʿImād, Šaḏarāt al-ḏahab, ii, 2 ; I (...)

7De Ṣadaqa, dont George Makdisi fait le personnage « le plus important de la dynastie » mazyadite, les auteurs arabes, sunnites, rappellent régulièrement l’appartenance au chiisme et font parfois état de calomnies qui circulaient sur son compte 12. Mais, la plupart du temps, il croule sous les louanges. Ibn al-Ǧawzī insiste essentiellement sur ses qualités morales ; Ibn Ḫallikān en fait un homme de pouvoir qui allie, à l’image des autres puissants du temps, « audace, puissance » ([…] ḏā ba’s wa-saṭwa) et hayba 13. Non sans, il est vrai, rappeler qu’il avait peuplé al-Ḥilla de chiites, al-Ḏahabī le dit audacieux et vaillant ([…] ḏā ba’s wa-iqdām). Dans la même veine, Ibn Kaṯīr (m. 774/1373) en brosse un portrait plutôt élogieux (selon lui, c’était un homme rassurant, protecteur et cultivé), ce qui explique qu’Ibn al-ʿImād (m. 1089/1679) retienne essentiellement que « chiite, auteur d’actions nobles et belles, longanime et généreux, il avait été “roi des Arabes”, après son père, pendant vingt-deux ans ». Avant lui, Ibn Ṭaġrībirdī (m. 874/1470) avait comme Ibn al-Ǧawzī choisi de mettre en avant ses qualités (morales – bonté, mœurs exemplaires et hospitalité), son père seul étant qualifié de min kibār al-rāfiḍa 14.

L’entrée en scène de Dubays

  • 15  Voir le récit synthétique de Nuwayrī, Nihāya, xxvi, 364-8 ; Bosworth, « Political and Dynastic His (...)
  • 16  Surtout Ibn al-Aṯīr, Kāmil, ix, 116-7. Comparer à Ḏahabī, Ta’rīḫ, xxvi, 6, qui travaille le texte (...)

8Ṣadaqa ne mit pas fin à sa « maison » (bayt), ainsi que son père l’avait prédit – si on en croit évidemment Ibn al-Ǧawzī. En revanche, ses efforts furent payants ; il atteignit bien une position éminente. Riche, puissant et influent, il se serait dès lors cru à même de s’opposer frontalement au sultan Muḥammad, même si toutes les sources n’en font pas forcément un ambitieux forcené 15. Toujours est-il que l’affrontement eut lieu, sans doute en raǧab 501/début mars 1108 (après la prière du vendredi 19 raǧab/4 mars, selon Ibn al-Ǧawzī), dans les marécages d’al-Nuʿmāniyya. Le courage et la hargne dont il aurait fait preuve n’y changèrent rien : Ṣadaqa y perdit la vie. Magnanime, Muḥammad laissa la sienne à Dubays, son fils, qui paraît pourtant avoir pris une part active au combat 16.

  • 17 Kāmil, 32, 62, 63, 64.

9La bataille d’al-Nuʿmāniyya marque la véritable entrée en scène de Dubays dans l’Histoire, même s’il apparaît ponctuellement, auparavant, aux côtés de son père ou chargé par lui de missions importantes. C’est ainsi qu’il fut impliqué (ainsi que ses frères) dans les luttes menées en Iraq par Ṣadaqa et ses alliés. Après la défaite infligée par Barkyārūq à son frère Muḥammad, en 494/1101, il lui incomba de se rendre auprès du vainqueur, à al-Rayy (avec Karbūqā, alors maître de Mossoul), pour transmettre l’allégeance de son père au vainqueur. Deux ans plus tard, Ṣadaqa intervint à Bagdad à la demande du calife afin de calmer les ardeurs d’Īnal b. Anuštakīn ; à son départ, il y laissa Dubays auquel il revenait de veiller avec İl-Ġāzī (le šiḥna de Bagdad) à la stricte application de l’accord de non-agression qui avait été conclu. Sans guère de succès, de prime abord : Īnal ne respecta pas ses engagements. Sous la plume d’Ibn al-Aṯīr, Dubays paraît alors impuissant, ou tout au moins effacé (peut-être son père ne lui avait-il pas laissé suffisamment de soldats pour intervenir). Il ne prit aucune initiative ; le calife abbaside fit à nouveau appel à son père. Mais une fois des renforts envoyés d’al-Ḥilla, Dubays participa aux opérations de représailles, aux côtés d’İl-Ġāzī 17.

  • 18 Kāmil, 113-4, 116 et 118-9 (an 501/1107-1108) ; Muntaẓam, xvii, 209 (an 516/1122-3 ; voir aussi 108 (...)

10On comprend donc mieux le rôle important que lui attribuent Ibn al-Ǧawzī et Ibn al-Aṯīr avant même le déclenchement de la bataille d’al-Nuʿmāniyya. L’un comme l’autre (mais plus encore Ibn al-Aṯīr) en font un conseiller actif de son père qui le consulte avant le déclenchement des hostilités. En rapportant ses propos avec une précision qui ne laisse pas d’étonner, ils l’exonèrent de la responsabilité de la défaite : lui était pour un rapprochement avec le sultan, contrairement à Saʿīd b. Ḥamīd, chef de l’armée de Ṣadaqa dans le Kāmil (Ibn al-Ǧawzī ne le nomme pas). S’étant vu confier une aile de l’armée, Dubays en réchappe finalement. Les récits d’Ibn al-Ǧawzī et d’Ibn al-Aṯīr diffèrent alors nettement. Le premier opte pour une relative sobriété. Le second multiplie les dialogues ; il veille ainsi à donner chair aux retrouvailles entre Dubays et sa mère, auxquels le sultan Muḥammad accorde vie sauve et liberté. Relâché, Dubays s’en trouve également adoubé (au moins symboliquement) par Muḥammad : en lui faisant promettre de ne pas s’écarter du droit chemin, il le reconnaît implicitement comme le successeur de son père. Pleurs, bonté d’âme, regrets et réconciliation… Dans le Kāmil, l’entrée en scène de Dubays se fait bien sous le signe de l’émotion 18 :

« Le sultan fit alors demander à Ṣadaqa de livrer [Abū Dulaf Surḫāb b. Kayḫusrū, seigneur de Sāwa et d’Āba] à ses lieutenants, mais il ne le fit pas. Il répondit [même] : “Je ne puis le faire ; au contraire, je me dois de le protéger et dire ce qu’Abū Ṭālib dit aux Qurayš qui lui réclamaient l’Envoyé de Dieu : ‘Nous ne le livrerons pas avant de gésir à terre autour de lui/Nous ne nous préoccuperons pas même de nos enfants et de nos femmes’”. Il manifesta alors des comportements qui déplurent au sultan qui partit pour l’Iraq afin de les corriger. Dès qu’il en fut informé, Ṣadaqa consulta ses compagnons sur l’attitude à adopter. Son fils Dubays lui proposa de l’envoyer auprès du sultan avec de l’argent, des chevaux et des présents, afin de gagner sa bienveillance. Le chef de l’armée, Saʿīd b. Ḥamīd, conseilla de faire la guerre – rassembler les hommes et leur distribuer l’argent. Il parla longuement et Ṣadaqa se rangea à son opinion. Il réunit alors les troupes ; vingt mille cavaliers et trente mille fantassins se mirent sous sa bannière.

[La bataille a lieu.]

De ses hommes, plus de trois mille cavaliers furent tués, dont certains étaient de sa famille. Quatre-vingt-quinze hommes des Banū Šaybān trouvèrent la mort ; son fils Dubays et Surḫāb b. Kayḫusrū al-Daylamī - celui-là même qui était la cause de cette guerre - furent faits prisonniers. […] Le sultan s’en retourna à Bagdad sans même se rendre à al-Ḥilla. Il envoya un amān à la femme de Ṣadaqa, à al-Baṭīḥa, et lui ordonna de se présenter à lui. Comme elle prenait la route pour Bagdad, le sultan relâcha son fils Dubays et l’envoya à sa rencontre avec un groupe d’émirs. Lorsque son fils se trouva face à elle, ils pleurèrent tous deux à chaudes larmes. Une fois arrivée à Bagdad, le sultan la fit venir et s’excusa pour la mort de son époux. Il dit : “J’aurais souhaité qu’il me fût amené, et l’aurais comblé de faveurs et de bienfaits - de celles qui suscitent l’admiration des gens. Mais le destin m’a vaincu.” Et il fit jurer à son fils Dubays de ne pas s’adonner à la sédition. »

  • 19  ʿAẓīmī, Ta’rīḫ, 363 (selon lui, le sultan pille al-Ḥilla).
  • 20 Ḏayl, 255-6. Sibṭ (Mir’at, I, 497-502) reproduit la version d’Ibn al-Qalānisī (cité nommément) aprè (...)

11Ainsi intronisé, Dubays pouvait entamer une carrière brillante – carrière qui se termina aussi mal que celle de son père. Comme nous le verrons, elle le mena notamment en Syrie où ses aventures iraqiennes n’échappèrent pas à ses presque contemporains al-ʿAẓīmī et Ibn al-Qalānisī. Le premier reste elliptique, ainsi que le caractère abrégé de sa chronique l’exige 19. Ibn al-Qalānisī s’étend plus longuement sur la bataille dont il paraît avoir saisi l’importance. S’appuyait-il sur un compte rendu concis, officiel et ne faisant guère de place qu’à Ṣadaqa, dont la mort était annoncée comme une preuve manifeste de la toute-puissance sultanale ? Ne choisit-il pas plutôt sciemment, ainsi que le montre le caractère très écrit de son texte (le saǧʿ ; les phrases courtes et l’accumulation de verbes d’action créant un rythme endiablé ; tentations épiques qui affleurent…) de centrer son récit sur Ṣadaqa et sur les Turcs, ces combattants d’élite dont il aime généralement vanter les qualités martiales ? Sa version, plus ancienne que celles d’Ibn al-Ǧawzī et d’Ibn al-Aṯīr, ne constitue-t-elle pas, plus simplement, un révélateur d’une volonté postérieure ou propre à l’historiographie iraqienne : inscrire Dubays dans une lignée dont il ne pouvait se démarquer ? Toujours est-il que, par-delà les informations différentes et parfois contradictoires que le chroniqueur damascène apporte (intrigues du šiḥna de Bagdad ; opposition de tous les émirs et des chefs de l’armée aux négociations avec le sultan ; rôle de l’émir Mawdūd ; installation du sultan à al-Ḥilla, etc.), de Dubays, il n’est alors plus question 20.

Dubays, à l’image du père

  • 21  Selon Michel le Syrien, Chronique, iii, L. xv, chap. xiv, 214-5, c’est la prise de Takrīt qui déci (...)

12Immédiatement relâché par Muḥammad, Dubays n’en aurait pas moins attendu son décès, en 511/1118, avant de récupérer al-Ḥilla et de disposer ainsi de l’assise indispensable à l’affirmation de ses ambitions. Il put alors jouer en Iraq un rôle analogue à celui interprété par ses ancêtres, et singulièrement par son père. Ṣadaqa avait-il été impliqué dans les luttes d’influence entre princes seldjouqides, se rangeant aux côtés de Muḥammad contre Barkyārūq ? Avait-il profité de l’occasion pour se rendre maître de nombreuses cités iraqiennes (Hīt, Wāsiṭ, Baṣra et même Takrīt 21) ? Avait-il, par-là même, suscité l’inquiétude de son mentor qui s’était dès lors résolu à lui donner la mort ? Avait-il exercé ou tenté d’exercer une certaine influence sur le calife al-Mustaẓhir ? Dubays n’agit pas différemment. Il se jette à corps perdu dans les conflits qui ensanglantent l’Empire seldjouqide après la mort de Muḥammad. Il prend le parti de Masʿūd contre Maḥmūd, celui-là même qui l’autorise pourtant à se réinstaller à al-Ḥilla, puis celui de Ṭoġril II contre Maḥmūd. Il s’impose comme un interlocuteur incontestable en Iraq, n’hésitant pas à menacer Bagdad. Il cherche à peser de tout son poids sur la politique califale. Et il est exécuté sur ordre du sultan seldjouqide, Masʿūd, aux côtés duquel il s’était pourtant rangé après la mort de Muḥammad.

  • 22  On la retrouve dans les articles de l’EI2 déjà évoqués, ainsi que dans Bosworth, op. cit., 121 ; H (...)

13Une telle interprétation de la carrière de Dubays a le mérite de la simplicité 22. C’est un truisme de rappeler que reconstituer le canevas des luttes incessantes qui émaillèrent le premier tiers du VIe/XIIe siècle, en Iraq et dans l’ensemble de l’Empire seldjouqide, s’avère illusoire. Cette interprétation n’en est pas moins simplificatrice. Elle fait fi, par exemple, des dix années qui séparent la mort de Ṣadaqa de celle de Muḥammad (501 à 511/1108 à 1118), ou de la complexité des rapports que Dubays entretint avec les califes abbassides. Ainsi, s’il le voua le plus souvent aux gémonies, al-Mustaršid (calife de 512 à 529/1118 à 1135) l’honora à son avènement et fit parfois appel à lui, par exemple lors de la rébellion de son frère Ḥasan, au tout début de son califat.

  • 23  Plutôt que « cyclique ». Cf. Meisami, Persian Historiography, 11 (mais voir aussi Tillier, « Trait (...)

14Ibn al-Ǧawzī et Ibn al-Aṯīr semblent être à l’origine de cette interprétation. Elle est sans doute révélatrice, chez eux, d’une conception répétitive de l’histoire 23 :

Ibn al-Ǧawzī, al-Muntaẓam :

  • 24  Ibn al-Ǧawzī affuble régulièrement Dubays (Nūr al-dawla) du laqab de son père (Sayf al-dawla) ; il (...)
  • 25 Sibṭ modifie ce passage à la marge : Mir’at, ii, 705 ; Ḏahabī, Ta’rīḫ, 3750 (simplement wa kāna Dub (...)

« Sayf al-dawla (sic, pour Nūr al-dawla 24) [Dubays] appréciait que les sultans [Masʿūd et Muḥammad] fussent antagonistes. Il pensait que ses affaires iraient d’autant mieux que leur opposition durerait, ainsi que son père Ṣadaqa avait tiré parti de la rivalité entre les sultans [Barkyārūq et Muḥammad] 25. »

Ibn al-Aṯīr, Kāmil :

« Cette année-là, en rabīʿ I [514]/31 mai – 30 juin [1120], il y eut une bataille entre le sultan Maḥmūd et son frère, le prince Masʿūd – ce dernier possédait alors Mossoul et l’Azerbaïdjan. La cause en était que Dubays b. Ṣadaqa écrivait [sans cesse] à Ǧuyūš Beg, atabeg de Masʿūd, l’incitant à demander que le prince Masʿūd fût sultan et lui disant qu’il pouvait compter sur son aide. Son but, c’était qu’ils s’opposassent. Il élèverait ainsi son rang et la grandeur de sa maison, comme son père l’avait fait au moyen de la rivalité entre les sultans Barkyārūq et Muḥammad, les deux fils de Malik Šāh, comme nous l’avons raconté. »

Dubays, hydre destructrice ou dernière incarnation du fāris arabe ?

15Ni l’un ni l’autre de ces chroniqueurs ne revient même sommairement sur les dix ans que Dubays passa loin d’al-Ḥilla après la mort de Ṣadaqa. Ils ne citent pas même son nom dans les longues pages qu’ils consacrent à ces années ; leur silence est répercuté par les auteurs plus tardifs qui s’appuient sur leurs écrits, tels al-Ḏahabī et al-Nuwayrī (m. 733/1333).

  • 26 Bidāya, xii, 201 à 239.
  • 27 Bundarī, Ta’rīḫ dawlat āl Salǧūq, 115.

16On peut néanmoins se reporter au Ta’rīḫ dawlat āl Salǧūq d’al-Bundarī, où Anūširwān b. Ḫalīd (vizir du sultan Maḥmūd en 521/1127-8) revient sur les causes de la déchéance de l’empire seldjouqide. Il regrette tout particulièrement, au début de son exposé, qu’on eût jugé nécessaire, après la mort de Muḥammad, de remettre en scène un Dubays alors assagi, qui semblait avoir tiré un trait sur sa terre natale (ce que nie Ibn Kaṯīr 26) et renoncé à reprendre le flambeau des ambitions familiales. Erreur fatale : c’en était fini de l’entente cordiale qui avait caractérisé la fin du règne de Muḥammad. Un portrait moral fortement dépréciatif du féal indomptable est habilement suggéré ; c’est sous la figure inquiétante d’une hydre destructrice qu’il apparaît 27 :

« Parmi les mesures malheureuses, il y a aussi [ce qui concerne] l’émir, roi des Arabes, Dubays b. Ṣadaqa […] : au service du sultan depuis dix ans, il avait perdu de vue son pays et était satisfait de ce qu’il avait ; sa satisfaction contentait le sultan ; son désir de posséder les biens de son père décédé s’était éteint ; le territoire d’al-Ḥilla et les provinces [de son père] étaient passés aux lieutenants du sultan, et l’émir al-Muǧāhid Bahrūz al-Ḫādim al-Ḫāṣī représentait le sultan à Bagdad ; les sujets étaient en sécurité et les tourmenteurs étaient [redevenus] des hommes de confiance ; la prospérité était fermement installée et son pendant de protection assurée. C’est alors qu’ils changèrent ces règles et défirent ces liens passés. L’émir Dubays ayant gagné [leur confiance], ils le ramenèrent en Iraq ; dès lors, la guerre éclata. »

  • 28  Matthieu d’Édesse, Chronique, 304 ; Michel le Syrien, Chronique, iii, L. xv, chap. 14, 215 ; L. xv (...)
  • 29  Guillaume de Tyr, Chronicon, xii, 9, 4-5 ; xii, 51 ; xvi, 2.
  • 30  Gautier le Chancelier, Bella Antiochena, L. ii, 15, 128-9. Selon Gautier et Guillaume de Tyr (RHC, (...)

17D’autres textes brossent pourtant un portrait complètement différent de Dubays, « roi de [la] nation arabe [...], valeureux guerrier » (Matthieu d’Édesse), illustre représentant de la « race des Arabes », celui qui « restait seul [émir] de la race arabe » face aux Turcs (Michel le Syrien)28. Les sources latines sont tout autant admiratives. Dubays y apparaît comme un puissant « satrape arabe » (Debeis, Arabum satrapa 29), un « roi » (rex) qui soutient efficacement İl-Ġāzī contre les Francs, en Syrie du Nord, à la fin de la deuxième décennie du XIIe siècle. Sa noblesse d’âme est mise en valeur, au moins indirectement, par Gautier le Chancelier, dans sa relation des événements qui suivirent la victoire d’İl-Ġāzī sur Roger d’Antioche, à l’Ager sanguinis, en Syrie du Nord (17 rabīʿ I 513/28 juin 1119). Alors que le maître d’Alep se plaisait à aligner les exécutions de prisonniers francs, l’intervention que ces condamnés à mort appelaient tant de leurs vœux eut lieu : un formidable cadeau de Dubays, « roi Arabe », arriva – un cheval d’une sublime beauté, superbement harnaché. « Quand il le vit, İl-Ġāzī jeta son épée, fut [littéralement] saisi par la joie (quo viso, projecto gladio, Algazi gaudio permutatus cum primatibus intrat thalamum) », et abandonna l’idée d’exterminer les prisonniers 30.

  • 31 Ibn al-Ṭiqṭaqa, al-Faḫrī, 282.

18L’affaire de la succession du calife al-Mustaẓhir donne même l’occasion à Ibn al-Ṭiqṭaqā (m. vers 709/1309-1310) d’incarner Dubays en héritier de la noblesse de cœur et d’esprit du fāris arabe. Théoriquement consacrée au calife al-Mustaršid, la notice suivante constitue, en réalité, un superbe plaidoyer pro-Dubays 31 :

« L’émir al-Mustaršid était un homme de mérite. Lorsqu’il fut nommé calife, son frère, l’émir Abū l-Ḥasan, s’enfuit, se dissimula et se rendit à al-Ḥilla où il demanda asile à Dubays b. Ṣadaqa, le seigneur (ṣāḥib) d’al-Ḥilla. Dubays b. Ṣadaqa était l’un des hommes les plus généreux du monde (al-dunya). Grand seigneur, très hospitalier, patron et protecteur indéfectible, ses jours étaient des fêtes. De son temps, al-Ḥilla était le lieu de répit des hommes, le refuge des porteurs d’espoirs (malǧā’ banī l-āmāl), l’asile du banni et l’abri du proscrit apeuré. Dubays montra [à Abū l-Ḥasan] des preuves d’estime illimitées, lui offrit une maison et l’honora sans compter. Il demeura chez lui un certain temps, dans la plus heureuse situation. Mais lorsque son frère al-Mustaršid bi-llāh apprit qu’il se trouvait chez Dubays, il en éprouva une vive inquiétude. Il craignit qu’une affaire lui advienne de ce côté-là. Dès lors, il envoya le naqīb al-nuqabā’ ʿAlī b. Ṭarrād al-Zaynabī à al-Ḥilla, avec son anneau et un amān, avec ordre d’obtenir que Dubays fasse la bayʿa et de lui demander de lui livrer l’émir Abū l-Ḥasan. [Sollicité], Dubays dit : “Pour ce qui est de la bayʿa, j’obéis et fais allégeance à l’émir des croyants – et il prononça le serment d’obéissance (bāyaʿa). Quant à livrer mon protégé, c’est non, quand bien même devrais-je en périr. Par Dieu, je ne vous le livrerai pas, à moins qu’il n’y consente. Il est mon protégé, mon hôte !” Mais ʿAlī b. al-Ḥasan refusa de se rendre auprès de son frère en compagnie du naqīb. Ce dernier partit donc seul. Par la suite, al-Mustaršid s’en empara et l’enferma dans une de ses demeures – dans des conditions agréables. »

  • 32  Toute l’histoire (avec des variantes) : Muntaẓam, xvii, 162-3 (an 512) et 171-2 (an 513) ; Kāmil, (...)

19Soucieux de préserver l’image de Dubays, Ibn al-Ṭiqṭaqā prend des libertés avec ses sources, le Muntaẓam d’Ibn al-Ǧawzī et le Kāmil d’Ibn al-Aṯīr, qui sont formelles : certes, Dubays avait dans un premier temps refusé de livrer son hôte. Néanmoins, après des pérégrinations plus ou moins rocambolesques, Abū l-Ḥasan fut bien remis par l’émir mazyadite qui en retira vingt mille dinars. Il y avait onze mois qu’Abū l-Ḥasan avait quitté Bagdad 32.

  • 33 Ḏahabī, Ta’rīḫ, 3568 (an 512) ; éd. Beyrouth, xxvii, 275.
  • 34 Ibn Ḫallikān,Wafayāt, ii, 223-5 (mais rectifie une erreur d’al-Iṣfahānī et d’al-Mustawfī, qui attri (...)

20Peut-on expliquer les silences d’Ibn al-Ṭiqṭaqā par une solidarité confessionnelle (il était chiite, comme Dubays) ? Sans doute ses motivations étaient-elles multiples. À peine plus tardif, le sunnite al-Ḏahabī, par exemple, dans le Ta’rīḫ al-islām, choisit de complètement passer sous silence le séjour d’Abū l-Ḥasan à al-Ḥilla et fait simplement de Dubays un soutien relativement fiable du calife 33. En revanche, dans la notice qu’il lui consacre dans le Siyar aʿlām al-nubalā’, le même al-Ḏahabī n’hésite pas à mêler aux louanges d’usage un récit synthétique des luttes diverses dont le Mazyadite fut partie prenante – il n’apparaît dès lors pas toujours sous son meilleur jour. Au contraire, Ibn Ḫallikān (m. 681/1282) reste dans un registre finalement assez proche de celui d’Ibn al-Ṭiqṭaqā dans les Wafayāt al-aʿyān. Il met surtout en avant ses qualités, littéraires certes (ʿinda-hu maʿrifa bi-l-adab wa-l-šiʿr), mais pas seulement : si Ḥarīrī l’avait loué, c’était bien pour rendre hommage à ses immenses mérites 34.

  • 35  Voir aussi Eddé, « Sources arabes des xiie et xiiie siècles », 296.
  • 36 Buġya, vii, 3486-7. Ṣafadī, Wāfī, 13512-13513 (notice d’al-Mustaršid), met également fortement en c (...)

21Quant à Ibn al-ʿAdīm, pourtant nostalgique du fāris arabe que le fāris turc ou kurde, combattant efficace mais rustre et a priori non féru de poésie, avait définitivement remplacé aux ve/xievie/xiie siècles, il s’insurge violemment, dans la Buġya, contre Abū Saʿd al-Samʿānī (m. 562/1166), autre louangeur forcené de Dubays qui passait sous silence ce qui à lui, Alépin, paraissait forcément révélateur de la malveillance de Dubays 35. In fine, il cite l’exemple d’Abū l-Ḥasan, dont la livraison par Dubays dénotait parfaitement, selon lui, la duplicité 36 :

  • 37  Abū l-ʿAlā’ Muḥammad al-Naysābūrī al-Ġaznawī, m. après raǧab 547/2-31 octobre 1152, date à laquell (...)

« Abū Hišām […] al-Hāšimī a dit : Abū Saʿd […] al-Samʿānī a dit : Dubays b. Ṣadaqa […], l’un des rois arabes. C’était un homme de mérite, redoutable, noble de caractère (mahīb karīm al-aḫlāq). Sans doute aucun, après lui, les Arabes bédouins n’eurent pas quelqu’un d’aussi noble. […] Je dis : ceci, c’est ce que relate Abū Saʿd al-Samʿānī. Probablement – que Dieu ait pitié de lui - n’avait-il pas été informé de l’affaire de Dubays (ḫabar Dubays) : son accord avec les Francs pour assiéger Alep et le don qu’il fit aux ennemis de Dieu de l’argent et [des biens] les plus précieux des musulmans, ainsi que nous l’avons raconté et expliqué. S’il avait été informé de ces faits ignominieux et détestables, que ne commettent pas ceux dont la foi est pure, et s’il avait parlé le langage de la šahāda (wa-inǧarā bi-lafẓ al-šahāda lisānuh), il n’aurait pas fait montre de si peu de discernement et d’un jugement si mauvais en disant “Sans doute aucun, après lui, les Arabes bédouins n’eurent pas quelqu’un d’aussi noble”, et “Avec lui, la gloire de sa maison s’éteignit”. [...] Par ma vie, en agissant avec vilénie, Dubays a effacé la gloire de son père et ses actions nobles et reconnues comme telles, et les exploits de ses aïeux et ancêtres de renom, et leurs vertus fameuses et fabuleuses (masṭūra) ! Quel récit abominable rédigé – et transmis - par l’historien (mu’arriḫ) ! Parmi ses actes méprisables, [il faut citer] sa révolte contre l’imam al-Mustaršid – il réunit les Arabes pour lui faire la guerre, et le fait qu’il mit longtemps à prendre en charge les affaires du calife, avec lequel il rivalisa. Notre šayḫ Iftiḫār al-dīn al-Hāšimī nous rapporte une autre de ses actions détestables, [preuve] qu’il ne respectait pas ses engagements : l’imam Abū Saʿd ʿAbd al-Karīm b. Muḥammad al-Marwazī a dit : j’ai écrit, tiré du Kitāb sirr al-surūr d’Abū l-ʿAlā Muḥammad b. Maḥmūd al-Naysābūrī, cadi de Ġazna 37: lorsqu’al-Mustaršid fut investi de la charge califale et que son affaire fut bien disposée, le frère d’al-Mustaršid bi-llāh, Abū l-Ḥasan ʿAlī b. Aḥmad, surnommé al-Ḏaḫīra, s’opposa à lui. Il se rendit à Wāsiṭ, puis s’acoquina avec Dubays b. Ṣadaqa. Il ne fallut guère de temps pour qu’il rompît son engagement et qu’il trahît son client – selon ce qu’on a raconté ».

Dubays décisif – la guerre de succession Maḥmūd/Masʿūd, 514/1120

  • 38  Événements contés par Bosworth et Hannes, op. cit. Cf. également, dans l’EI2a, « Saldjūḳides », vi (...)
  • 39 Hillenbrand, « al-Mustarshid », EI2a, vii, 733.

22Impliqué dans la tentative d’opposition au calife al-Mustaršid après la mort d’al-Mustaẓhir, Dubays participa également aux guerres de succession du sultan Muḥammad. D’une complexité rare, elles furent marquées par de nombreux retournements d’alliance, la méfiance succédant très vite à la confiance 38. Il est vrai que l’enjeu variait considérablement, selon les protagonistes. De plus en plus combatif, le calife affirmait vigoureusement ses velléités d’indépendance, tout particulièrement face aux sultans seldjouqides 39. Ces derniers (dans l’ordre chronologique Maḥmūd, Dāwūd puis Masʿūd) devaient tout autant lutter pour s’affirmer en tant que primus inter pares que pour conserver le contrôle direct des territoires indispensables au financement d’armées dignes de ce nom. Les atabegs et autres grands émirs se faisaient un devoir qui de garder ces sultans sous leur coupe, qui de contester leur pouvoir en poussant un ou des membres de leur famille à se rebeller, qui de se faire attribuer toujours plus d’iqṭāʿ-s de fort rapport.

  • 40 Kāmil, ix, 193 et Bāhir, 26 et n° 1 (l’envoyé est le Šayḫ al-šuyūḫ Ṣadr al-dīn Ismāʿīl b. Abī Saʿd (...)
  • 41 Kāmil, ix, 193. Cf. Sibṭ, op. cit., 704 sq.

23Ces guerres faisaient la part belle aux campagnes d’intimidation et aux chevauchées déprédatrices, qui avaient l’avantage d’une part de limiter les risques de destruction de l’appareil militaire, d’autre part d’enrichir les soldats (et leurs chefs) à moindre frais. Dans une lettre incendiaire, si on en croit Ibn al-Aṯīr (Ibn al-Ǧawzī parle de l’envoi du chef de la communauté chiite de Badgad, le naqīb al-ṭālibiyīn Abū l-Ḥasan ʿAlī b. al-Muʿammar 40), al-Mustaršid aurait ainsi reproché à Dubays de tirer profit de l’opposition entre le sultan Maḥmūd et son frère Masʿūd pour piller l’Iraq sans vergogne, en 514/1120. Furieux, « refusant d’accepter une telle remontrance », l’émir arabe s’était rendu « en personne » à Bagdad et, plein de morgue, avait nargué et menacé le calife, « dressant sa tente (surādiq) devant le palais califal (dār al-ḫilāfa) et faisant montre des haines (daġā’in) qui l’habitaient 41 ».

  • 42 ʿAẓīmī, Ta’rīḫ, 370 ; Ḏayl, 322 ; al-Ḥusaynī, Aḫbār al-dawla al-salǧūqiyya, 96-7 ; al-Mustawfī, His (...)
  • 43 Muntaẓam, xvii, 186 (ces déprédations décident le calife à envoyer la lettre dont il est question ; (...)

24En effet, Masʿūd et ses alliés venaient d’être défaits à Asad Abāḏ, près de Hamaḏān, par al-Bursuqī qui commandait les troupes sultanales. Al-ʿAẓīmī, Ibn al-Qalānisī, al-Ḥusaynī et al-Mustawfī, comme al-Bundarī ou Ibn Taġrībirdī, ne font pas mention de Dubays dans leur relation de l’événement 42. Ibn al-Ǧawzī, que reprend son petit-fils dans le Mir’at al-zamān, ne l’évoque qu’après avoir raconté la bataille. Selon lui, c’est seulement « lorsque la nouvelle de la rébellion de Masʿūd parvint à Sayf al-dawla (sic) Dubays [qu’]il se mit à désoler Bagdad et se saisit de l’argent du sultan. Terrorisés, les habitants de Nahr ʿĪsā et de Nahr al-mulk se précipitèrent à Bagdad avec leurs familles et leurs troupeaux 43 ».

  • 44 Kāmil, ix, 176 et suivantes sur les retournements d’alliances qui marquèrent les années 512-514 ; 1 (...)

25Ibn al-Aṯīr ne se démarque pas d’Ibn al-Ǧawzī lorsqu’il rapporte les ravages du Mazyadite. Mais il livre une version sensiblement différente de l’ensemble des événements. En particulier, et alors même qu’Ibn al-Ǧawzī ou un auteur aussi bien informé qu’al-Bundarī (ou plutôt ʿImād al-dīn al-Iṣfahānī, qu’il résume) centrent leur propos sur le sultan et son frère, Ibn al-Aṯīr fait délibérément de Dubays la force principale de son récit. Avant même d’en arriver à la bataille d’Asad Abāḏ, dans le passage intitulé « Mention de la rébellion du prince Masʿūd contre son frère, et de la guerre entre eux », il insiste longuement sur les manœuvres du Mazyadite, à propos duquel il affirme qu’il était « la cause de tout ceci ». Ne passait-il pas son temps à pousser l’atabeg de Masʿūd, Ay Abah Ǧuyūš Beg, à réclamer le sultanat pour son protégé et à lui promettre de lui apporter toute son aide, en cas d’action allant dans ce sens ? Et Ibn al-Aṯīr de se porter ensuite un peu confusément (il ne donne aucune chronologie ; il faut remonter plus loin dans le Kāmil, sous l’année 512, pour mieux comprendre son propos) sur le terrain des relations personnelles : si Qasīm al-dawla al-Bursuqī était passé à Maḥmūd, c’était bien du fait de Dubays 44.

  • 45  Après la défaite infligée par Sanǧar à son neveu Maḥmūd, en 513/1119, c’est Dubays qui aurait fait (...)
  • 46 Ibid., 192 ; Muntaẓam, xvii, 186 et Sibṭ, Mir’at, ii, 702-3.

26Rendu responsable par Ibn al-Aṯīr de la bataille d’Asad Abāḏ, Dubays n’y participa pas. Il ne s’effaça pas pour autant. Lui-même se trouvait en Iraq, mais son ombre continua à peser sur les décisions de Maḥmūd. De la même manière qu’il en faisait régulièrement un relais privilégié du puissant Sanǧar en Iraq, en 513/1119 45, Ibn al-Aṯīr amplifie quelque peu le Muntaẓam d’Ibn al-Ǧawzī et le dépeint comme un homme clé, dont l’absence ne suffit pas à effacer l’influence. Le seul, finalement, à représenter une alternative pour Masʿūd et donc à lui éviter de faire amende honorable. En effet, une fois sa défaite consommée, ce dernier revêt le costume du héros déchu, en fuite et en attente de pardon. Réfugié dans une montagne avec quelques jeunes ġilmān et ayant envoyé son écuyer obtenir l’amān de Maḥmūd, il reçoit la visite d’un émir qui le convainc de se rendre à Mossoul afin de continuer la lutte d’une part, d’écrire à Dubays et de faire jonction avec ses troupes d’autre part. Ce qu’il fait, mais sans conséquence : envoyé par Maḥmūd afin de confirmer l’amān, al-Bursuqī réussit à le rattraper. Il le ramène au sultan, qui le reçoit avec tous les honneurs 46.

Un héraut du chiisme ?

Séjour à Bagdad (514/1120)

  • 47  Ḏahabī, Ta’rīḫ, 3570 (il n’est pas du tout question de Dubays).
  • 48 ʿAẓīmī, Ta’rīḫ, 370 ; Ḏayl, 322, 323 (presque identique).

27Ibn al-Aṯīr n’est pas suivi par tous les auteurs postérieurs qui se servent du Kāmil. Al-Ḏahabī, par exemple, ignore totalement Dubays alors même qu’il raconte la fuite de Masʿūd 47. Pourtant, si on en croit Ibn al-Ǧawzī et Ibn al-Aṯīr, Dubays paraît bien avoir alors atteint l’un de ces faîtes qu’il allait rarement réussir à approcher par la suite. La réaction de Maḥmūd fut d’ailleurs à l’aune de la menace qu’il incarnait désormais : vigoureuse et décisive, ainsi que le précise le pourtant elliptique al-ʿAẓīmī. Alors qu’il s’était contenté de quelques mots pour annoncer la déroute de Masʿūd, il décrit un peu plus longuement l’expédition du sultan contre al-Ḥilla et la fuite de son maître à Qalʿat Ǧaʿbar puis auprès d’İl-Ġāzī, le beau-père auprès duquel il se réfugia 48.

  • 49 Muntaẓam, 187 à 198 pour tout ce qui suit.
  • 50  Cf. Ephrat, A learned Society, 24, 229. Sur ce quartier, voir aussi EI2a, iv, 652-3.

28Que Dubays eût mérité de telles représailles ne faisait guère de doute dans l’esprit d’Ibn al-Ǧawzī, ainsi que l’attestent les longs passages qu’il consacre, dans le Muntaẓam, sous les années 514, 515 et 516, à la lutte qu’il mena contre le calife et le sultan Maḥmūd 49. Considérant probablement que ses lecteurs n’auraient aucune difficulté à décrypter le monceau d’informations qu’il livre, il se fend même, ici ou là, d’anecdotes à première vue superflues. C’est ainsi qu’il fait état, pendant le séjour menaçant de Dubays à Bagdad dont il a déjà été question (ǧumādā II à raǧab 514/28 août-25 octobre 1120), de la mort de la mère du naqīb al-ṭālibiyīn Abū l-Ḥasan ʿAlī b. al-Muʿammar, dans le quartier d’al-Karḫ, sur la rive droite du Tigre. C’est là, où se déroulait la veillée mortuaire, que Dubays lui rendit visite et où il paraît avoir recherché et obtenu le soutien des habitants (ahl al-Karḫ). Évidemment, Ibn al-Ǧawzī n’avait aucune raison de préciser qu’al-Karḫ était un quartier chiite ; cela coulait de source pour l’habitant de Bagdad qu’il était. Un quartier certes relativement assagi, depuis la fin du Ve/XIe siècle 50, mais où Dubays n’en pouvait pas moins espérer trouver le soutien qui lui aurait permis de faire pression sur le calife abbasside.

  • 51 Makdisi, « The Sunnī revival », 155-168 ; Bulliet, Islam : The View from the Edge ; Tabbaa, The Tra (...)
  • 52 Sibṭ b. ǧawzī, Mir’at, ii, 705. Plus sobre : Ibn al-‘adīm, Buġya, vii, 3479.

29Il est question d’un autre quartier à la fin de ce texte : lors de son départ de Bagdad, Dubays entendit des voix l’injurier ; ces injures étaient proférées par les habitants de Bāb al-Azaǧ (fa-inṣarafa Dubays fa-samiʿa aṣwāt ahl Bāb al-Azaǧ yasubbūnah), dont Ibn al-Ǧawzī savait bien que c’était alors un des hauts lieux du hanbalisme à Bagdad. En faisant intervenir les habitants de deux quartiers aussi symboliques qu’al-Karḫ et Bāb al-Azaǧ, l’écrivain bagdadi sort clairement du cadre de l’affrontement purement individuel (entre le calife et un ambitieux). Il fait de l’échec de Dubays au mieux celui des forces de désunion qui, au siècle précédent, avaient miné la capitale iraqienne, au pire celui de chiites avec lesquels il fallait malgré tout compter, pendant cette période de « Sunnī revival », selon l’expression de George Makdisi ou, selon celle de Richard Bulliet, de « Sunnī recentering 51 ». Sibṭ b. al-Ǧawzī, qui choisit pour sa part de centrer son récit sur l’opposition entre le calife et Dubays, prend tout de même la peine de préciser que lorsque le sultan Maḥmūd entra à Bagdad, il fut accueilli en grande pompe, « les habitants de Bāb al-Azaǧ lui distribuant beaucoup d’argent 52 ».

  • 53 Muntaẓam, 187 ; Mir’at, 705-6 ; Kāmil, ix, 193 ; Buġya, loc. cit. ; Zubda, i, 399.

30Quant à Dubays, sa situation empira. Il eut beau piller et envoyer Šaraf Ḫatūn b. ʿAmīd al-dawla b. Ǧahīr, sa femme, offrir une « forte somme d’argent et de magnifiques cadeaux » (Ibn al-Aṯīr, Ibn al-ʿAdīm), soit vingt mille dinars et trois chevaux (Ibn al-Ǧawzī, Sibṭ b. al-Ǧawzī) : rien n’y fit. Ibn al-Ǧawzī et Sibṭ b. al-Ǧawzī rapportent que les présents furent jugés insuffisants. Dès lors, « on demanda plus que cela » (Ibn al-Ǧawzī) et on « renvoya le tout » (Sibṭ b. al-Ǧawzī). Ibn al-Aṯīr et Ibn al-ʿAdīm rendent Dubays plus directement responsable de l’échec des négociations : Šaraf Ḫatūn obtint bien le pardon qu’elle était venue chercher, mais il refusa d’accepter les conditions imposées. Toujours est-il qu’il dut prendre la fuite et qu’al-Ḥilla fut occupée par le sultan en personne qui employa les grands moyens – il quitta Bagdad en šawwāl 514/24 décembre–21 janvier 1121 avec mille embarcations (safīna). C’est à Mārdīn, auprès d’İl-Ġāzī, dont il épousa la fille Ǧihān (Guhan) Ḫātūn, que Dubays trouva finalement refuge. Il faut dire qu’il se serait présenté avec un monceau d’argent, selon Ibn al-ʿAdīm 53.

Expédition contre les Géorgiens (515/1121)

  • 54  Les événements paraissent s’accélérer jusqu’à la bataille d’al-Nīl (muḥarram 517/mars 1123). Ni Ib (...)
  • 55 Kāmil, ix, 194. Autres participants : cf. Ibn al-Azraq (note suivante).
  • 56  L’émir Kundoġdī (ou Kün-Toġdī) avait remplacé l’atabeg de Ṭoġril, Šīrġīr, lorsqu’il avait été fait (...)
  • 57 Ḏayl, 326 (et Zubda, i, 400), affirme par exemple que Ṭoġril organisa l’expédition du fait des atta (...)
  • 58 Ibn al-Azraq, Ta’rīḫ, 150-3, repris par Sibṭ, op. cit., 740-2. Voir également Hillenbrand, « İl-Ghā (...)

31Il est ensuite très difficile de retracer son parcours avant son retour à al-Ḥilla et la bataille d’al-Nīl (muḥarram 517/mars 1123) qui l’opposa au calife et à al-Bursuqī 54. Il est établi qu’il prit part aux côtés d’İl-Ġāzī à une expédition contre les Géorgiens qui tourna au fiasco. On a cru que cette expédition, à laquelle participaient également le frère du sultan Maḥmūd, Ṭoġrīl, et l’émir Kündoġdī 55, avait été décidée par le sultan qui était confronté à l’activisme sans fin du roi géorgien David IV (1098-1125) 56. Or, les auteurs médiévaux sont loin d’être unanimes 57. Ibn al-Azraq, sans doute l’un des mieux informés mais qui, il est vrai, écrivait à la gloire des Artuqides, en attribue plutôt la paternité à İl-Ġāzī, de même que Matthieu d’Édesse. Quelque peu désespérés de Ṭoġrīl, les habitants de Tiflīs assiégés l’avaient appelé à l’aide 58.

  • 59 Hillenbrand, « İl-Ghāzī », 270, 279 sqq. (accorde un grand crédit à Ibn al-Azraq). Sources géorgien (...)
  • 60 Ibn Šaddād, al-Aʿlāq al-ḫaṭīra, 325 ; Zubda, ii, 401 ; Matthieu d’Édesse, Chronique, 304.
  • 61  Auteurs géorgiens : Eastmond, Royal Imagery, 70. Ǧihād contre les Francs : Sivan, L’islam et la cr (...)

32En pure perte, donc, puisque les musulmans d’İl-Ġāzī furent très sévèrement battus par David et son fils Dimitri lors de la bataille de Didgori (26 ǧumādā I 515/12 août 1121) 59. İl-Ġāzī réussit à s’enfuir avec quelques hommes. Parmi eux, un Dubays étonnement passif – tous les auteurs arabes s’accordent sur ce point, même si Ibn al-ʿAdīm souligne qu’il y perdit l’équivalent de trois cent mille dinars et si Matthieu d’Édesse lui avait attribué, avant la bataille, dix mille hommes dont on imagine sans peine qu’ils furent massacrés ou s’enfuirent 60. De même, ils ne font guère de l’événement un affrontement religieux. Ibn al-Azraq va jusqu’à louer l’attitude du roi David vis-à-vis des musulmans après la bataille – mais peut-être était-il soucieux de justifier l’emploi qu’il allait occuper en 548/1153-1154 auprès du « roi des Abḫāz » ou de Dimitri. Cependant, dans une veine proche, Ibn al-Aṯīr lui-même ne va pas au-delà d’une opposition normative entre les « musulmans » (al-muslimūn) et les « infidèles » (al-kuffār). Il n’évoque pas de ǧihād ; on est loin du ton employé par les chroniqueurs arabes dans leurs récits de la bataille de l’Ager sanguinis. Encore Ibn al-Aṯīr lui consacre-t-il quelques lignes : Ibn al-Ǧawzī ne daigne pas même l’évoquer 61.

Bataille d’al-Nīl (517/1123)

  • 62 Kāmil, ix, 214.

33La présence de Dubays explique-t-elle ce silence ? Il est évidemment impossible de répondre à une telle question. En revanche, on ne manquera pas de souligner que le ton religieux attendu de la relation d’un tel événement est bien plus marqué dans les récits consacrés à la bataille d’al-Nīl par Ibn al-Ǧawzī et Ibn al-Aṯīr. Revenu en Iraq, Dubays, auquel le calife al-Mustaršid vouait désormais une haine tenace, s’était trouvé confronté à al-Bursuqī. Poussé par le calife, le sultan avait confié Mossoul à ce dernier et l’avait nommé šiḥna de Bagdad et d’Iraq 62.

  • 63  Le Muntaẓam (xvii, 204-5) est le plus précis.
  • 64 Muntaẓam, 206-7 ; Kāmil, 214-5, 216-7 ; Buġya, loc. cit.

34Puis le sultan avait quitté Bagdad (en ṣafar 516/11 avril-9 mai 1122). Un affrontement avait eu lieu, le jeudi 13 rabīʿ I 516/8 juin 1122. Coupable d’une fâcheuse erreur d’appréciation (Ibn al-Ǧawzī évoque une ḍilla min al-ra’ī  63), al-Bursuqī avait subi une cuisante défaite (à la suite de laquelle il était rentrée à Bagdad, le 2 rabīʿ II/11 juin). C’est donc, selon Ibn al-Aṯīr (Ibn al-Ǧawzī livre une version un peu différente), en vainqueur que Dubays avait finalement fait allégeance au calife et obtenu (croyait-il) la tête de son ennemi, le vizir Ǧalāl al-dīn Abū ʿAlī b. Ṣadaqa. Pour autant, la tension n’était pas retombée. Le sultan s’était emparé du frère de Dubays, Manṣūr, et l’avait emprisonné. Les combats n’avaient pas cessé, tout particulièrement autour de Wāsiṭ 64. L’appétit de Dubays n’avait fait que décupler ; il avait envoyé ses hommes razzier une centaine de milliers de têtes de bétail à Nahr al-mulk, aux portes de Bagdad. Il s’était ainsi exposé aux récriminations du calife, auxquelles il avait répondu à coeur ouvert, un cœur rageur et débordant de rancœur (aḫraǧa Dubays mā fī nafsih wa-mā ʿūmila bi-hi min al-umūr al-mumiḍḍa) : ne lui avait-on pas faussement promis la mort de son ennemi, le vizir Ibn Ṣadaqa, l’expulsion de Bagdad d’al-Bursuqī et la libération de Manṣūr, son frère ? Ulcéré, il avait lancé un ultimatum de cinq jours. Il menaçait de mettre Bagdad à feu et à sang.

  • 65  L’expression est de Hannes, Caliphate, 314. Le calife se déplaçait avec son nouveau vizir, Aḥmad b (...)
  • 66 Muntaẓam, 207 ; 216-7. Récit « cohérent » dans la Buġya, vii, 3480. Comparer à Kāmil, 219-221 et (...)

35Il en allait donc de la survie du régime en place – des hommes en place, puisque le calife et le sultan étaient tous deux visés. Diabolisé, Dubays se transforme peu à peu, dans le Muntaẓam que nous avons ici suivi, en un ennemi des musulmans – de tous les musulmans sunnites. Un homme contre lequel le calife al-Mustaršid, acompagné de toute la « regalia califale 65 », se devait de combattre et de vaincre. Dans le récit de la bataille d’al-Nīl qui suit, Ibn al-Ǧawzī multiplie les références religieuses. Menaçant l’ordre sunnite, Dubays et ses hommes, vils et débauchés, subissent la foudre divine 66 :

  • 67  Critique de l’indolence ou de la richesse de ceux qui mangent ces mets raffinés/coûteux (car faits (...)
  • 68  Dans le Bāhir d'Ibn al-Aṯīr (25-6), le calife est entièrement vêtu de noir, porte la burda du Prop (...)
  • 69  Il est possible qu’il soit ici simplement question du cours d’eau appelé nahr ʿAtīq.
  • 70 Naṣʿad al-ʿAtīq, jeu de mot ; il renvoie au nahr ʿatīq dont il vient d’être question et joue sur la (...)
  • 71  Pour la première fois, Ibn al-Ǧawzī semble évoquer ses sources.
  • 72  Traduction incertaine. Texte identique dans le Kāmil, 221 ainsi que dans le Ġurar al-ḫaṣā’iṣ al-wā (...)

« Et, en ḏū l-ḥiǧǧa [516/février 1123], al-Mustaršid fit sortir les tentes (al-surādiq) et on cria au peuple : “Ô musulmans, l’émir des croyants se rend au combat en votre nom.” […] Le calife sortit de son palais le vendredi 24 ḏū l-ḥiǧǧa [516]/23 février [1123] ; il se rendit aux tentes, accompagné d’une foule de gens (al-ḫalq). Al-Mustaršid et son armée se mirent en marche pour al-Nīl le dimanche 4 muḥarram [517]/4 mars [1123]. Lorsqu’ils s’approchèrent, [Āq] Sunqur al-Bursuqī agença lui-même l’armée en ligne de bataille (ṣufūf). [Ces lignes] s’étendaient sur près d’un farsaḫ de profondeur. Entre chacune d’elles, il laissa un espace pour la cavalerie. Le cortège du calife se tint derrière eux, de manière à ce qu’il les voie et qu’eux le voient. Dubays mit ses troupes sur une seule ligne, qu’il disposa en aile droite, aile gauche et centre. Il plaça l’infanterie devant les cavaliers, avec les grands boucliers (al-turās al-kibār). Lui se tint au centre, derrière l’infanterie, après avoir alléché ses troupes, leur promettant de piller Bagdad. Puis lorsque les deux armées se virent, l’infanterie de Dubays chargea en courant et en criant : “Ô dévoreurs de pain blanc et de biscuits 67. Aujourd’hui, nous allons vous apprendre ce que c’est que donner un coup de lance et de frapper à l’épée.” Dubays s’était fait accompagner de femmes de mauvaise vie (baġāyā) et de mignons avec des instruments de musique, des flûtes et des tambourins (al-malāhī wa-l-zumūr wa-l-dufūf), afin d’exciter l’armée. Dans celle du calife, on n’entendait rien d’autre que [la lecture] du Coran, les louanges à Dieu, les cris “Allāh est grand”, les invocations divines et les pleurs 68. Et, cette nuit-là, les habitants de Bagdad se réunirent dans les mosquées afin de prier, de lire le Coran d’un bout à l’autre et d’implorer Dieu [d’accorder] la victoire. Puis ʿAntar b. Abū l-ʿAskar al-Kurdī chargea la ligne (ṣaff) du calife, mais ses hommes s’en retournèrent et abandonnèrent. Le calife se trouvait, avec son vizir, à la suite de la rangée (ṣaff) [de combattants], derrière [le lit d’]un ancien cours d’eau (nahr ʿatīq 69). Lorsqu’il vit que l’infanterie était en déroute, le calife dit à Aḥmad, son vizir : “Niẓām al-mulk (sic) ! Que vois-tu ?” Celui-ci dit : “Traversons le ʿAtīq 70, ô émir des croyants !” Alors le calife s’avança, [suivi] du palanquin et des étendards, dégaina son épée et exhorta Dieu Très-Haut de [lui accorder] la victoire. Des hommes de l’armée de Dubays dirent alors : ʿAntar a trahi ! Il ne combat pas sincèrement !” Ils dirent 71 : Et lorsqu’ils virent que le palanquin, l’étendard et le cortège avaient traversé le lit du cours d’eau (al-ʿatīq), ils furent certains que ʿAntar avait trahi. C’est alors que [Zangī] chargea l’armée de Dubays [avec] un groupe [de soldats] qui avait été mis en embuscade. Ils les mirent en déroute et firent prisonnier ʿAntar b. Abū l-ʿAskar. La déroute s’ensuivit. Dubays et les ḫawāṣṣ qui l’accompagnaient fuirent vers l’Euphrate. Il le traversa  avec son cheval et ses armes alors même que la cavalerie [du calife] allait l’atteindre ; il leur échappa. On rapporte qu’une vieille femme, qui se trouvait au bord de l’Euphrate, dit à Dubays : “Tu arrives dans un triste état (dubayr ǧi’t) !” Il dit alors : “Ce sont ceux qui ne sont pas arrivés [jusqu’ici] qui sont dans un triste état (dubayr man lam yaǧi’ 72) !” L’infanterie fut massacrée ; on fit une multitude de prisonniers dans l’armée de Dubays. Dès que l’un d’eux s’avançait pour être exécuté, il disait “Puisses-tu vivre, ô Dubays” ; puis il tendait le cou. Quant à l’armée du calife, seuls vingt cavaliers y furent tués. Le calife s’en retourna, victorieux, et entra à Bagdad le jour de ʿašūrā’ (sic) – il avait été absent seize jours. »

  • 73  Cf. Nakash, The Shi’is of Iraq, 186 et index ; Richards, The Annals of the Saljuq Turks, 113, n° 1 (...)
  • 74  Selon certaines interprétations sunnites, cela valait la mort : « Ṣaḥāba », EI2a, viii, 827.

36À travers Dubays, le chiisme tout entier était touché. À Bagdad, le retour victorieux du calife donna l’occasion au bas-peuple, al-ʿawāmm, de poursuivre l’œuvre califale. Il s’en prit à ce qu’Ibn al-Ǧawzī nomme simplement mašhad maqābir Qurayš – probablement le tombeau d’un des imams, qui se trouvait dans le cimetière de Quyrayš, au nord-ouest de Bagdad 73. On y pénétra et on pilla. Choqués, les chiites (al-ʿalawiyyūn) se plaignirent aux autorités, qui rétablirent l’ordre. On avait tout de même eu le temps de découvrir, parmi ce qui avait été pillé, des livres éminemment condamnables dans lesquels les compagnons du prophète étaient insultés (kutub fīhā sabb al-ṣaḥabā wa-ašyā’ qabīḥa74.

  • 75 ‘Aẓīmī, Ta’rīḫ, 372 ; Ibn al-qalānisī, Ḏayl, 330-1 (ne mentionne pas le pillage du cimetière).
  • 76 Kāmil, ix, 225. Les deux hommes sont accusés d’espionner pour le compte de Dubays. Sur le poète Ibn (...)
  • 77 Muntaẓam, ibid. Sur eux : EI2a, x, 161 (Ṭalḥa) et xi, 548 (al-Zubayr).
  • 78  Matthieu d’Édesse, Chronique, 304.

37Contemporain de ces événements, al-ʿAẓīmī, qui mentionne le pillage d’al-Ḥilla par le calife et al-Bursuqī, confirme la violence de la réaction des Bagdadis – « le petit peuple, al-ʿāmma pilla le cimetière de Qurayš une deuxième fois, et le pèlerinage fut annulé 75 ». Quant à Ibn al-Aṯīr, il fait état du renvoi, par le calife, du naqīb chiite (naqīb al-ʿalawiyyīn), et de la destruction de la maison de ʿAlī b. Aflaḥ, du fait de l’aide que tous deux avaient apporté à Dubays 76. ʿAlī b. Ṭarrād cumula – il fut fait naqīb al-ʿalawiyyīn wa-l-ʿabbāsiyyīn. Pour Ibn al-Ǧawzī, la vengeance de Dubays fut à l’aune de ces violences. Ainsi que nous allons le voir, à peine eut-il repris du poil de la bête qu’il saccagea les tombeaux de deux des plus éminents compagnons du prophète Muḥammad, Ṭalḥa (m. 36/656) et al-Zubayr (m. 36/656), qui s’étaient opposés à ʿAlī b. Abī Ṭālib et constituaient depuis lors, dans la tradition chiite, une cible de choix 77. Assurément, des rumeurs attestant de l’antisunnisme de Dubays devaient circuler – Matthieu d’Édesse lui-même le désigne comme le « roi » des Arabes, un « valeureux guerrier [qui] avait saccagé la ville de Bagdad et trois fois combattu avec succès Daph’ar, sultan des Perses. Il était rāfiḍite d’origine, blasphémateur de Muḥammad et de sa religion. Il avait planté ses tentes au milieu de l’Éthiopie et de l’Inde 78 ».

  • 79  Cité par Sivan, L’islam et la croisade, 43 et note 16.

38Néanmoins, à propos du siège d’Alep par une coalition franco-musulmane dont Dubays était partie prenante, en 518/1124, Ibn Abī Ṭayyi’, un des rares auteurs chiites dont on ait conservé (indirectement) des écrits, tend à relativiser de telles attaques. La lettre que, selon lui, Ibn al-Ḫaššāb (cadi d’Alep) envoya à Dubays éveilla un écho favorable dans sa conscience – au moins dans un premier temps (par la suite, les menaces des Francs eurent raison de ses doutes). Il l’y exhortait à ne pas soutenir les « armées infidèles », à craindre Dieu, à obéir au « précepte de la religion », à prendre « en considération les larmes des musulmans » et donc à défendre « l’islam tout entier 79 ».

L’aventurier de légende

Une intervention providentielle – al-ʿaǧūz

  • 80 Buġya, vii, 3485-6. Sur Zubayda : EI2a, xi, 547.

39La déroute d’al-Nīl semble avoir été complète. Traqué, Dubays parvint à s’enfuir in extremis. Lors de sa fuite, il aurait rencontré une vieille femme (imra’a ʿaǧūz) qui lui aurait été d’un précieux secours. C’est ce que rapporte le šayḫ Abū Saʿd al-Nuʿmānī, dont le témoignage est rapporté (via différents transmetteurs) par Ibn al-ʿAdīm. Il rend son intervention déterminante et la nomme Umm al-Amīn – il est dès lors difficile de ne pas faire le parallèle avec la femme du calife Hārūn al-Rašīd et mère de son successeur Muḥammad al-Amīn, Zubayda b. Ǧaʿfar (m. 216/831), célébrée pour sa générosité légendaire et devenue une figure littéraire 80 :

« Les hommes de Dubays furent défaits. Seul un petit nombre d’entre eux s’enfuit. Certains furent tués, les autres noyés. Lui-même prit la fuite à travers les buissons. Il arriva au-dessus de Maṭīr Abāḏ, dans un village appelé “le village d’Umm al-Amīn”. L’Umm al-Amīn en question se trouvait sur une des terrasses du village. Lorsqu’elle le vit, elle lui dit : “Tu arrives dans un bien triste état !”  Il lui dit : “Malheureuse ! Ce sont ceux qui ne sont pas arrivés [jusqu’ici] qui sont dans un triste état ! Où est le gué ?” Elle dit : “Ici.” Puis il s’enfonça dans les eaux, traversa [le fleuve] et, [arrivé sur l’autre rive], se dressa et déchira ses bottines, de manière à ce que l’eau se répandît. Or, les mamelouks d’al-Mustaršid l’avaient poursuivi jusqu’à cet endroit. Ils interrogèrent alors la vieille dame, qui les égara vers un autre lieu, et ils ne purent rien contre lui. Il descendit le fleuve jusqu’à arriver chez des Arabes bédouins (al-ʿArab) avec lesquels il se lia. Il [ré]apparut à al-Baṣra une année plus tard ; il y entra, et son émir s’enfuit. Il entra dans le palais du gouvernement (dār al-imāra), et exerça le pouvoir. […] Lorsque Dubays revint en Iraq, il rendit la vieille Umm al-Amīn maîtresse du village qui, aujourd’hui, est connu sous son nom. »

  • 81 Galand-Pernet, « La vieille et la légende des jours d’emprunt au Maroc », 29-94 ; « Ḥā’iṭ al-ʿadjūz (...)
  • 82 Muntaẓam, xvii, 217 ; Kāmil, ix, 221 ; Mir’at, viii, 1, 110 (elle était en train de laver des vêtem (...)

40Cette rencontre inscrit les pérégrinations de Dubays dans un registre légendaire. Des « légendes d’al-ʿaǧūz » circulaient en terre arabe (et plus largement méditerranéenne) depuis des temps immémoriaux. Souvent indéterminées, les vieilles femmes y agissaient diversement, parfois de façon contradictoire ; leurs actes sont alors difficiles à interpréter. En général, elles apparaissent particulièrement aptes, de par leur expérience, d’une part à remplir des missions touchant au surnaturel (magie, intervention divine, etc.), d’autre part à faire preuve avec délice et audace d’artifices et de maléfices particulièrement efficaces 81. Au contraire du šayḫ al-Nuʿmānī, Ibn al-Ǧawzī, Ibn al-Aṯīr et Sibṭ b. al-Ǧawzī passent très vite sur l’épisode. Ils ne font pas de la vieille femme un adjuvant de Dubays – ils ne mentionnent pas, notamment, la fausse piste qu’elle aurait indiquée à ses poursuivants. Peut-être se refusaient-ils à accorder au prince arabe le luxe d’une intervention sinon divine, du moins ayant le goût du surnaturel 82.

L’aventurier rebondit – al-Baṣra

  • 83 Kāmil, ix, 221.

41Presque miraculeusement sauvé des foudres califales par une vieille femme, Dubays ne renonça évidemment pas à ses ambitions. Des ambitions mal connues, au moins pendant un temps, puisqu’un halo de brume l’entoure après la bataille d’al-Nīl. Dans le Kāmil, Ibn al-Aṯīr évoque clairement une période d’incertitude sur son sort, pendant laquelle une rumeur circula 83 : « Après cela [soit l’épisode de la vieille dame], on n’eut plus de nouvelle de lui, et le bruit qu’il avait été tué se répandit. »

  • 84 Buġya, 3479. Sur les Ġuziyya et les Muntafiq (des ʿUqaylides), voir EI2a, vii, 581.

42Dubays réapparut néanmoins. Il réactiva, selon Ibn al-ʿAdīm, des solidarités tribales dont il n’a guère été question jusque-là. Le chroniqueur alépin affirme que les Ġuziyya et les Muntafiq lui accordèrent un soutien précieux grâce auquel il 84

« se dirigea vers al-Baṣra ; il y entra et tua son émir. Puis il prit peur, la quitta et se mit en marche vers le désert ; il emportait tout l’argent qu’il pouvait. Il arriva chez Mālik b. Sālim, à Qalʿat Ǧaʿbar, auquel il demanda protection. Il la lui accorda et le reçut, ce qui irrita al-Mustaršid et le sultan ».

  • 85 Muntaẓam, xvii, 219-220 (résumé par Sibṭ, op. cit., 111).

43Ibn al-Ǧawzī inscrit également Dubays dans une solidarité tribale, même si, pour lui, les Ġuziyya refusèrent ses propositions, au contraire des Muntafiq. Il en fait, également, un homme violent et particulièrement cupide 85 :

« Ils (les Banū l-Muntafiq) firent alliance avec lui et il se dirigea vers al-Baṣra en rabīʿ I [517]/fin avril-mai 1124. Il assaillit le mašhad de Ṭalḥa et d’al-Zubayr, où il pilla. Il massacra et se montra fermement décidé à faire scier les palmiers. Dès lors, leurs propriétaires lui offrirent une somme fixe pour chaque arbre. »

  • 86 Kāmil, 221.

44Quant à Ibn al-Aṯīr, il dilue les responsabilités. Certes, dans le Kāmil également, les Ġuziyya, légitimistes, refusent de soutenir Dubays. Néanmoins, ce dernier n’y est plus le seul responsable du saccage d’al-Baṣra, et de mašhad, il n’est plus question 86.

Premières aventures syriennes – le siège d’Alep, 518/1124 87

Intérêt de Dubays pour Alep, amitié pour les Francs

  • 88 Ibn al-Aṯīr, op. cit., 229-30. Même idée dans la Chronique de Michel le Syrien, iii, L. lxvi, chap. (...)

45À nouveau traqué, Dubays se rendit dans le Bilād al-Šām. Son séjour (517-8/1124-5) en Syrie du Nord fut très mouvementé. Dans les pages qu’il consacre à l’installation d’al-Bursuqī à Alep, en 518/1125, Ibn al-Aṯīr revient sommairemment sur ce séjour qui le vit notamment participer au siège d’Alep aux côtés des Francs, la même année. Sous sa plume, Dubays apparaît comme l’élément déclencheur de la nouvelle appétence franque pour la capitale nord-syrienne 88 :

« Cette année-là, en ḏū l-ḥiǧǧa [518]/9 janv.- 6 fév. 1125, Āq Sunqur al-Bursuqī s’empara de la ville d’Alep et de sa citadelle (qalʿa). La cause en était que lorsque les Francs conquirent la ville de Tyr, ainsi que nous l’avons raconté, leur avidité décupla et leur moral se renforça. Persuadés qu’ils allaient établir leur domination sur [l’ensemble] du Bilād al-Šām, ils démultiplièrent leurs troupes. Puis Dubays, seigneur d’al-Ḥilla, arriva chez eux et aiguisa à nouveau leur avidité (aṭmaʿahum ṭamaʿan ṯāniyan), tout particulièrement pour Alep. Il leur dit : “Ses habitants sont chiites ! Ils ont un penchant pour moi, parce que nous avons les mêmes opinions religieuses ! Dès qu’ils me verront, ils me livreront la ville !” Et il leur fit de grandes promesses contre leur aide. Il leur dit : “J’y serai votre représentant (nā’ib), et vous obéirai !” Alors ils se mirent en marche avec lui, et l’assiégèrent. Ils y combattirent avec ardeur et prirent le parti d’y rester longuement et de ne pas en partir avant de l’avoir conquise – ils construisirent [même] des baraquements (buyūt) contre le froid et la chaleur. »

  • 89  Foucher de Chartres, Historia, 468-70 (ne fait pas même allusion à Dubays) ; « The First and Secon (...)

46Par la suite, Ibn al-Aṯīr reste plutôt vague alors que l’événement était d’importance : l’échec du siège d’Alep par Baudouin II de Jérusalem et ses alliés, suite à l’intervention d’al-Bursuqī, scellait définitivement toute prétention franque sur la Syrie du Nord en général, sur le contrôle des routes qui reliaient Édesse (en Djéziré) à Alep en particulier. De plus, nombre d’auteurs n’attribuent pas la paternité du siège à Dubays. C’est le cas, en particulier, d’auteurs non arabes – tel l’Anonyme syriaque ou Foucher de Chartres, selon lequel le roi de Jérusalem assiégea Alep pour faire libérer des otages 89.

  • 90 Zubda, i, 399, 401. Cf. Hillenbrand, « Diyār Bakr », 134 et « İl-Ghāzī », 278.

47À vrai dire, rares sont les auteurs (arabes, latins ou syriaques) qui proposent une explication cohérente de l’intérêt de Dubays pour la capitale nord-syrienne. Ibn al-ʿAdīm est l’un de ceux-ci, dans la Zubda. Il a l’avantage de remonter dans le temps. Selon lui, l’intérêt de Dubays trouvait sa source dans une proposition d’İl-Ġāzī, près de quatre ans auparavant : en 514/1121, Dubays avait été reçu par Naǧm al-dawla Mālik, à Qalʿat Ǧaʿbar, puis s’était rendu à Mārdīn, chez İl-Ġāzī, qui était également maître d’Alep. Dubays, qui possédait d’énormes sommes d’argent, avait épousé une fille d’İl-Ġāzī. Ils avaient alors pris la route de la Géorgie, où ils allaient subir une déroute terrible, en 515/1121. En chemin, İl-Ġāzī avait promis de livrer Alep à Dubays, qui la lui avait réclamée comme prix de son aide à prendre Antioche. Peut-être quelque peu dubitatif, Ibn al-ʿAdīm prend la précaution d’user de la formule (convenue) « on dit » (qīla), lorsqu’il rapporte cette promesse 90 :

« On dit que lorsqu’il se mit en marche avec İl-Ġāzī contre les Géorgiens Dubays lui demanda, en chemin, de lui céder Alep contre la livraison de cent mille dinars, avec lesquels il pourrait rassembler les Turcomans, et contre son aide pour prendre Antioche. İl-Ġāzī répondit favorablement, et il topa (wa-aḫaḏa yadah ʿalā ḏalika) ».

48Le même chroniqueur affirme qu’une fois défait par les Géorgiens İl-Ġāzī aurait changé d’avis. Comme il ne pouvait se dédire, il aurait usé d’un stratagème dont l’application tourna au ridicule – sans doute Ibn al-ʿAdīm tenait-il à ridiculiser İl-Ġāzī et son fils Sulaymān ; pour ce, il mêle fiction et « réalité » :

  • 91  Le 3 šawwāl 516/5 décembre 1122, selon le Muntaẓam (xvii, 209-10), al-Bursuqī fit exécuter neuf in (...)

« Il (soit İl-Ġāzī) envoya une missive à son fils Sulaymān [son représentant à Alep], qui était simple d’esprit (ḫafīf), lui disant : “Fais comme si tu t’étais révolté contre moi, de manière à rendre caduc ce qu’il y a entre Dubays et moi.” Mais la bêtise le conduisit à [réellement] se révolter et à lutter contre son père. Makkī b. Qurnās, le ḥāǧib Nāṣir – le šiḥna d’Alep - et d’autres encore s’accordèrent avec lui 91. »

  • 92 Zubda, i, 402 et suivantes ; Cahen, Syrie du Nord, 293-301.

49La rébellion de Sulaymān fit long feu et Alep échut, après la mort d’İl-Ġāzī (début ramaḍān 516/début novembre 1122), d’abord à son fils Sulaymān, ensuite à son cousin Balak, et enfin à un autre de ses fils, Timurtāš 92. Or, si on en croit Ibn al-ʿAdīm (toujours dans la Zubda), Dubays devait être actif en Syrie du Nord et en Djéziré depuis son départ d’al-Baṣra. C’est du moins ce que laisse penser ce qu’il rapporte de l’accord conclu par Timurtāš et Baudouin II de Jérusalem : ce dernier, dont Balak s’était emparé en ṣafar 517/avril 1123, croupissait dans les geôles d’Alep ; une fois maître de cette ville, Timurtāš lui offrit la liberté, début ǧumādā I 518/mi-juin 1124, non seulement contre des otages et la promesse de livrer diverses places fortes et quatre-vingt mille dinars, mais également contre l’engagement d’expulser Dubays qui avait fait de Qalʿat Ǧaʿbar sa base d’activité.

50Ibn al-ʿAdīm va même plus loin, cette fois dans son dictionnaire biographique (la Buġya) : il affirme que Dubays était devenu, très tôt, l’ami (ṣadīq) de Josselin, maître de Tall Bāšir et d’Édesse, tout aussi célèbre que lui pour ses exploits et sa brutalité. De Josselin et même du roi Baudouin de Jérusalem, puisque c’est avec les deux hommes qu’il aurait convenu d’assiéger Alep et établi des rapports d’amitié (ṯumma inna Dubays ṣādaqa Ǧūslīn wa-Baġdawīn al-firanǧiyyayn).

  • 93 ʿAẓīmī dans la Buġya, vii, 3483 ; Buġya, iv, 1963 ; Zubda, i, 419.
  • 94 Buġya, vii, 3481 (Josselin), 3480 (Josselin et Baudouin) ; Zubda, i, 418.
  • 95 Ta’rīḫ d’Ibn al-Furāt cité par Sivan, L’islam et la croisade, 43 et 56 note 16.

51Que penser de ces rapports d’amitié ? Traduisent-ils, simplement, une volonté d’Ibn al-ʿAdīm de noircir Dubays ? Ni ʿAẓīmī, autre chroniqueur généralement bien informé des événements alépins, ni Ibn al-ʿAdīm lui-même dans la Zubda n’en disent rien – pas plus, d’ailleurs, que de la demande de ne pas donner corps aux ambitions de Dubays 93. On doit sans doute comprendre que si amitié il y eut, elle ne concerna primitivement que Josselin ; c’est seulement une fois le roi franc libéré, le siège d’Alep décidé et les combats sous la ville fermement menés que le « roi des Arabes » aurait pu réellement devenir l’ami du « roi des Francs 94 ». Mais on ne peut être sûr de rien. Ibn Abī Ṭayyi’, par exemple, historien chiite moins hostile à Dubays qu’Ibn al-ʿAdīm, offre une version des événements qui ne va aucunement dans le sens d’une amitié entre Dubays et les Francs. Il assure que le Mazyadite avait, de prime abord, répondu favorablement à un appel du cadi d’Alep qui lui demandait de ne pas les aider. C’est seulement sous leurs menaces qu’il s’y était résolu 95.

Le siège

  • 96 Buġya, vii, 3488.

52Toujours est-il qu’il s’y investit complètement. Fin ǧumādā II 518/fin juillet 1124, selon al-ʿAẓīmī, il écrivit à des Alépins afin de les gagner contre de l’argent. Il n’est donc plus question, comme dans l’extrait du Kāmil traduit ci-dessus, de solidarité confessionnelle. Dans la Buġya, Ibn al-ʿAdīm évoque également des tentatives de corruption par l’argent. Il faut dire que Dubays était immensément riche, si on en croit Badrān b. Ibn al-Mālik auquel son père avait raconté qu’il était arrivé à Qalʿat Ǧaʿbar avec 1,2 M de dinars 96.

  • 97  Cf. Buġya, iv, 1963 ; Zubda, i, 420 : « Sulṭān Šāh b. Riḍwān » rejoint Baudouin, Josselin et Dubay (...)

53La manœuvre de Dubays échoua et il fallut en passer par les armes. Les combats furent âpres ; seule l’intervention d’al-Bursuqī, que des Alépins allèrent solliciter, fit lâcher prise aux assiégeants. Le siège est résumé par Ibn al-Qalānisī, qui n’évoque aucunement Dubays (seul al-Bursuqī l’intéresse réellement), et conté avec précision et sobriété par al-ʿAẓīmī, qui ne focalise pas sur le Mazyadite. Il révèle qu’aussitôt relâché (le 17 raǧab 518/30 août 1124) à Šayzar (les Munqiḏites de cette ville avaient servi d’intermédiaires), Baudouin fut libéré de ses promesses de paix par le patriarche d’Antioche, Bernard. Des pourparlers n’aboutirent à rien et la trève (hudna) fut rompue. Baudouin se mit aussitôt en marche ; il prit Alep pour cible. Il s’était assuré l’appui de musulmans, parmi lesquels se distinguait, outre Dubays, Sulṭān Šāh Ibrāhīm b. Riḍwān dont le père avait été maître d’Alep au début du vie/xiie siècle 97 :

  • 98 Ibid., vi, 3481 ; ʿAẓīmī, Ta’rīḫ, 374-5 ; Bustān, 119-120 (ne mentionne pas Sulṭān Šāh).

« Et trois étendards se rassemblèrent aux portes d’Alep : l’étendard du prince (malik) Ibrāhīm b. Riḍwān, l’étendard de l’émir Dubays b. Ṣadaqa et l’étendard du roi (malik) Baudouin 98. »

  • 99 Buġya, iv, 1964.

« Lorsque Balak b. Bahrām b. Artuq fut tué à Manbiǧ, le fils du frère de son père Timurtāš b. İl-Ġāzī b. Artuq prit le pouvoir à Alep. Mais Timurtāš vendit Baudouin, le roi des Francs – il était emprisonné par Balak. Il le vendit lui-même, lui offrit une trêve, et le relâcha. Puis Šams al-dawla b. İl-Ġāzī, seigneur de Mārdīn, mourut ; Timurtāš se dirigea vers [cette ville] et œuvra à en prendre le contrôle, ainsi que des territoires de son frère. Dès que Baudouin sut cela, il rompit la trêve et convint, avec Dubays b. Ṣadaqa et Ibrāhīm b. Riḍwān b. Tutuš, d’assiéger Alep. Ils s’accordèrent sur le fait que le pays (bilād) revienne aux musulmans, Alep à Ibrāhīm b. al-Malik Riḍwān - car elle avait appartenu à son père -, et l’argent aux Francs 99. »

  • 100 ʿAẓīmī dans la Buġya, vii, 3483-4 ; Matthieu d’Édesse, Chronique, 314-5, qui confond Dubays et son (...)
  • 101  « The First and Second Crusades from an Anonymous Syriac Chronicle », 96.

54Apparemment, Dubays arriva devant Alep avec Josselin – ils venaient de Tall Bāšir, d’où ils avaient multiplié les ravages. D’autres musulmans, moins éminents, participèrent à la coalition franco-musulmane, tels ʿAlī (ou ʿĪsā, ou les deux) b. Sālim b. Mālik, de Qalʿat Ǧaʿbar, ou le seigneur de Bālis (Yāġī Siyān b. ʿAbd al-Ǧabbār b. Artuq), qui s’installèrent avec les Francs à l’ouest de la ville. Au total, les assiégeants dressèrent trois cents tentes, dont cent étaient musulmanes 100. Acculés, les Alépins firent finalement appel à al-Bursuqī ; selon l’Anonyme syriaque, Dubays proposa en vain aux Francs de lui confier une armée afin de l’empêcher de traverser l’Euphrate 101.

  • 102  Intéressant extrait de la Buġya cité par Eddé et Micheau, « Sous les murailles d’Alep », 71.
  • 103 Buġya, 3481.

55Ibn al-ʿAdīm, dont le grand-père joua un rôle actif lors de ce siège, se fait le porte-parole du peuple alépin, à travers ce qu’il rapporte de ses souffrances ou de son héroïsme 102. Par-delà sa dénonciation du pacte dont Dubays se serait rendu coupable, son père, qui le tenait de son grand-père, rapporte les quolibets qu’on ne se faisait pas faute d’asséner à Dubays, du haut des remparts 103 :

 « Mon père - que Dieu l’ait en pitié - m’a rapporté, le tenant de son père, que Dubays b. Ṣadaqa conclut une alliance (ʿāhada) avec les Francs, stipulant qu’ils assiégeraient Alep, et que les gens (al-anfās) et l’argent iraient aux Francs, le pays (bilād) à Dubays. Mon père m’a dit : on m’a rapporté que pendant le siège de Dubays, le bas-peuple alépin montait sur les remparts de la ville, frappait sur de petits tambours et criait “Eh Dubays ! Eh calamité !” »

  • 104 Zubda, i, 424.

56Tourné en ridicule par les Alépins, Dubays n’eut guère le choix, ainsi que ses alliés francs, de fuir devant l’avancée d’al-Bursuqī. En évoquant ses bannières déployées, évidemment blanches (le noir était la couleur des Abbassides) et en précisant qu’il s’enfuit vers le Ǧabal Ǧawšan, mont qui faisait l’objet d’une véritable vénération de la part des chiites, Ibn al-ʿAdīm fait de son échec celui de tous ses coreligionnaires 104 :

« Lorsqu’il [soit Āq Sunqur al-Burusqī] approcha d’Alep, Dubays s’en alla vers les Francs, bannières (aʿlām) blanches déployées, et ils se transportèrent tous sur le Ǧabal Ǧawšan. Les Alépins sortirent en direction de leurs tentes, qu’ils pillèrent - ils y prirent ce qu’ils voulaient. ».

Intermède iraqien - menaces sur Bagdad (518/1125 – 525/1130)

  • 105  Sur ce frère du sultan Maḥmūd, maître de l’Iraq de 526 à 529/1132 à 1134, voir EI2a, x, 554.
  • 106 Muntaẓam, xvii, 228 (an 519) ; Kāmil, ix, 230.
  • 107 Muntaẓam, 224 (an 518/1124-5), 228-9 (an 519/1125-6) ; Kāmil, ix, 232-3 (an 519)

57À nouveau, Dubays se releva vite de son échec. Dès 518/1125, il s’en retourna vers l’est, en Iraq, où de nouvelles aventures l’attendaient, aux côtés cette fois du prince seldjouqide Ṭoġril II b. Muḥammad 105, qu’il avait convaincu de faire valoir ses prétentions au sultanat, d’attaquer l’Iraq (Ibn al-Ǧawzī) et de s’en prendre au calife (Ibn al-Aṯīr) 106. Il en résulta une lutte sourde à quatre voix – face à Dubays et à Ṭoġril II, dont la responsabilité respective dans les prises de décision n’est pas plus aisée à identifier dans le Muntaẓam d’Ibn al-Ǧawzī que dans le Kāmil d’Ibn al-Aṯīr, le calife al-Mustaršid puis le sultan Maḥmūd. Défaits par l’un, poursuivis par l’autre, les félons s’enfuirent au Ḫurāsān, non sans, au passage, piller copieusement Hamaḏān. Ils s’en remirent à Sanǧar qui, en les accueillant, se posait résolument en chef suprême du clan seldjouqide (an 519/1125-6)107.

  • 108 Kāmil, 247-8 ; Muntaẓam, 229.

58Impliqué dans les luttes entre Seldjouqides d’une part, entre ces derniers et le calife abbasside d’autre part, Dubays se transforma peut-être en enjeu ou même en monnaie d’échange. Certes, Ibn al-Aṯīr ne laisse rien penser de tel : selon lui, Sanǧar accueillit Ṭoġril II et Dubays avec diligence, écouta leurs récriminations (envers le calife, le sultan et Yarnaqš al-Zakawī al-Ḫādim, šiḥna de Bagdad) et se rangea derrière l’avis du Mazyadite qui lui conseilla d’attaquer l’Iraq et de mettre au pas ces séides récalcitrants. Mais cela n’est pas vrai d’Ibn al-Ǧawzī qui attribue à Dubays un sort bien moins reluisant 108 :

« Sanǧar se saisit de Dubays et l’emprisonna dans une citadelle, de manière à se rapprocher d’al-Mustaršid. »

  • 109  « Sanǧar avait livré Dubays à sa fille, la femme de Maḥmūd. C’est elle qui le protégeait » (Muntaẓ (...)
  • 110 Muntaẓam, 244 – apparemment en ramaḍān 521/10 sept. 1127 – 9 oct. 1127. Son retour : ibid., 249 (an (...)

59Il ne faut néanmoins pas en conclure que Sanǧar maltraita Dubays. Lorsque, fin 522/fin 1128, il reçut son neveu Maḥmūd à al-Rayy, en signe de réconciliation (ils s’étaient brouillés), il le lui livra (à moins que ce ne fût à sa fille 109) en lui demandant expressément d’en prendre soin, à rebours donc des conseils du calife qui, par l’intermédiaire de ʿAlī b. Ṭarrād, réclamait tout aussi fermement qu’on l’éloignât. Sanǧar exigea même que Zangī b. Āq Sunqur fût révoqué, ses domaines confiés à Dubays 110 :

  • 111 Muntaẓam, 249 ; Kāmil, op. cit. ; Buġya, vii, 3439.

« [Sanǧar] lui dit : “Révoque Zangī à Mossoul et en Syrie, et confie-les à Dubays. Et demande au calife de s’en satisfaire.” Alors [Maḥmūd] le prit et s’en alla111. »

  • 112 Ibn al-Ǧawzī détaille l’opposition entre Maḥmūd et al-Mustaršid sous les années 520-521/1126-8 : op (...)
  • 1
  • 114 Kāmil, 249 ; Ibn al-Furāt, Ta’rīḫ, i, 12-3 (plus détaillé).

60Il faut dire que les rapports entre le calife et Maḥmūd s’étaient assombris. Un temps unis contre Ṭoġril II et Dubays, ils s’opposaient désormais farouchement 112. Quant à Dubays, il est difficile de déterminer le rôle exact qu’il joua, une fois livré à Maḥmūd. Conserva-t-il ou non une certaine liberté de mouvement ? Maḥmūd ne profita-t-il pas de sa présence pour faire pression sur al-Mustaršid, dont Dubays était assurément l’un des ennemis jurés ? Relativement elliptique, Ibn al-ʿAdīm ne dit rien de tel, dans la Buġya 113. Ibn al-Ǧawzī cherche surtout à retranscrire la panique que déclencha, en ǧumādā II 522/3 mai-31 mai 1128, l’annonce de l’arrivée de Dubays à Bagdad, à la tête d’une formidable armée. Ibn al-Aṯīr ne fait pas état de cette rumeur ; il donne le beau rôle à Maḥmūd, censé œuvrer à la seule réconciliation des deux ennemis jurés, au détriment de Zangī b. Āq Sunqur 114.

  • 115 Kāmil, 241-4, selon lequel Zangī entre à Mossoul en ramaḍān 521/10 sept.-9 oct. 1127 ; ʿAẓīmī, Ta’r (...)

61Dubays devenait, désormais, un concurrent direct de Zangī b. Āq Sunqur, chef de guerre remarquable et ambitieux redoutable, nommé par le sultan šiḥna d’Iraq (en rabīʿ II 521/16 avril-14 mai 1127) avant de se voir confier Mossoul et la Syrie, qu’il refusa (selon Ibn al-Ǧawzī) de céder à Dubays, ainsi que le lui demanda le sultan Maḥmūd lors de son arrivée à Bagdad 115.

62Comble de l’ironie, Dubays allait bientôt se trouver, en Syrie, à la merci de cet homme, réputé pour sa cruauté. En effet, devant l’intransigeance du calife, le sultan Maḥmūd avait quitté Bagdad pour Hamaḏān, le samedi 4 ǧumādā II 523/25 mai 1129. À ses côtés, un Dubays qui n’en était pas à une trahison près. Sa protectrice (la femme de Maḥmūd, fille de Sanǧar) décédée, le sultan lui-même malade, il s’était discrètement emparé d’un de leurs héritiers (sans doute pour, au cas où, réclamer le sultanat en son nom) et était retourné en Iraq.

  • 116 Muntaẓam, xvii, 253 ; Kāmil, 249-50. Coran, lii, liv, xxxviii ou même ix, 34.

63Puis Dubays se rendit à al-Ḥilla, qui était désormais sous la coupe de Bahrūz al-Ḫādim, en ramaḍān 523/18 août-16 septembre 1129. Il l’occupa sans tarder, suscitant l’ire du sultan qui décida d’envoyer à ses trousses deux grands émirs, Qizil et Aḥmadīlī. Inquiet, le Mazyadite tenta d’amadouer le calife, sans plus de succès qu’auparavant. Il ne parvint pas plus, le mois suivant, à se concilier le sultan, qui avait à son tour accouru. Les cinquante-cinq poulains arabes de prix et les trois cents mules chargées de caisses débordant d’argent n’y firent rien. Comme souvent dans le Muntaẓam (et plus généralement dans les sources arabes) Dubays apparaît immensément riche. L’énumération de ses richesses (il est également question de trois cents pur-sang, d’or et de deux cent mille dinars, offerts sans plus de succès), participait peut-être, dans l’esprit d’Ibn al-Ǧawzī, de la dénonciation du personnage – on songe aux amasseurs de biens vilipendés dans le Coran 116.

  • 117 Muntaẓam, 254.

64Toujours est-il que Dubays ne réussit à convaincre ni le calife, ni le sultan. Pourtant, selon Ibn al-Ǧawzī, il ne s’était pas contenté de l’argument pécuniaire. Il avait menacé le sultan de fuir dans le désert (et donc de devenir inaccessible) s’il refusait de le raccommoder avec le calife ; le nécessaire (chameaux, farine, eau) avait été préparé. Ibn al-Ǧawzī sous-entend même qu’il s’était servi du jeune fils de Maḥmūd comme d’un otage 117 : « Alors il prit l’enfant et sortit d’al-Ḥilla sans rien dire de sa destination. »

65Ibn al-Aṯīr ne suit pas Ibn al-Ǧawzī sur ce point. Selon lui, la fuite de Dubays dans le désert n’était en rien préméditée. Une fois informé de l’arrivée du sultan à Bagdad, en ḏū l-qaʿda 523/16 octobre-14 novembre 1129), il ne put que s’enfuir. De Bagdad, il se rendit à al-Baṣra, qu’il pilla impunément ; l’envoi de dix mille hommes pour le punir le força à disparaître :

  • 118 Kāmil, 250.

« Quand il fut certain de son arrivée, il partit pour le désert. Il passa par al-Baṣra, où il s’empara de beaucoup d’argent et des revenus qui y appartenaient au calife et au sultan. Puis le sultan envoya dix mille hommes à ses trousses, il quitta al-Baṣra et pénétra dans le désert 118. »

Nouvelles aventures syriennes (525/1131)

  • 119 Ibid., 258-9 ; récit notamment repris par Ibn al-Furāt, Ta’rīḫ, i, 161 et suivantes. Voir également (...)

66Dubays échoua à nouveau en Syrie, après une période indéterminée. Contrairement à Ibn al-Ǧawzī, toujours aussi peu intéressé par les affaires syriennes, Ibn al-Aṯīr livre, dans le Kāmil, un récit assez détaillé de ce second séjour. Il faut y noter le ton plutôt mélioratif des passages où il est question de Dubays – comme si Ibn al-Aṯīr, une fois Dubays éloigné d’Iraq, n’éprouvait plus la nécessité de le déprécier, à moins qu’il n’ait simplement jugé nécessaire de l’épargner parce qu’il devenait l’allié de Zangī b. Āq Sunqur, ancêtre des hommes qu’il servait, à Mossoul 119 :

« Récit de la capture de Dubays b. Ṣadaqa et de sa livraison à ʿImād al-dīn Zangī.

Cette année-là, en šaʿbān [5251]/juillet 1131, Tāǧ al-mulūk Būrī b. Ṭuġtakīn, seigneur (ṣāḥib) de Damas, fit prisonnier l’émir Dubays b. Ṣadaqa, seigneur d’al-Ḥilla, et le livra à l’atabeg Zangī b. Āq Sunqur, le martyr. La cause de ceci est que lorsqu’il quitta al-Baṣra, ainsi que nous l’avons raconté, un messager (qāṣid) venant de Ṣarḫad, en Syrie, vint à lui, afin de l’y inviter. En effet, son seigneur, un eunuque, était mort cette année-là, laissant une jeune concubine. Elle s’était rendue maîtresse de la citadelle et de ce qu’elle contenait, non sans se rendre compte qu’elle n’arriverait à rien sans se lier à un homme fort et courageux. C’est alors qu’on lui décrivit Dubays b. Ṣadaqa et son nombreux clan (kaṯrat ʿašīratih), et qu’on lui révéla sa situation en Iraq. Dès lors, elle le fit inviter à Ṣarḫad, afin de l’épouser et de lui livrer la citadelle, ainsi que l’argent et les autres biens qui s’y trouvaient.

  • 120  Zangī s’était traîtreusement saisi de Sawinǧ b. Būrī et des émirs qui l’accompagnaient, peu aupara (...)

Il prit des guides et se mit en marche, d’Iraq en Syrie, mais les guides l’égarèrent dans les environs de Damas. Il arriva alors chez des Kalb qui se trouvaient à l’est de la Ġūṭa. Ils se saisirent de lui et l’amenèrent à Tāǧ al-mulūk, le seigneur de Damas, qui l’emprisonna. L’atabeg Zangī en fut informé – Dubays le calomniait et le dénigrait. Il envoya alors demander à Tāǧ al-mulūk de le lui céder contre la libération de son fils et des émirs qu’il gardait prisonniers 120. S’il refusait de le lui livrer, [menaçait-il], il viendrait à Damas, l’assiégerait, la ruinerait et pillerait son territoire. Tāǧ al-mulūk ayant répondu favorablement, l’atabeg [Zangī] envoya Sawinǧ b. Tāǧ al-mulūk et les émirs qui étaient avec lui, et Tāǧ al-mulūk envoya Dubays.

Dubays était persuadé que son heure avait sonné. Mais Zangī le traita différemment de ce à quoi il s’attendait : il le combla – lui faisant porter des vivres, des armes, des bêtes de sommes et toutes choses se trouvant dans ses magasins (ḫazā’in). Il lui accorda même la préséance sur lui ; il le traita comme on traite les plus grands des rois.

Lorsqu’al-Mustaršid bi-llāh fut informé de son arrestation à Damas, il envoya à Tāǧ al-mulūk Sadīd al-dawla b. al-Anbarī et Abū Bakr b. Bašar al-Ǧazarī, de Ǧazīrat Ibn ʿUmar, afin de lui demander de lui livrer Dubays – l’inimitié du calife à son égard était bien connue. En chemin, Sadīd al-dawla sut qu’il avait été cédé à Zangī. Il ne prit pas [pour autant] le chemin du retour, et se rendit à Damas, où il critiqua et blâma sévèrement Zangī. Ce dernier le sut, et il envoya des hommes l’intercepter lorsqu’il s’en retournerait. Dès qu’il quitta Damas, ils s’en saisirent, ainsi que d’Ibn Bišr, et les lui amenèrent. Il humilia Ibn Bišr, avec lequel il en usa de manière abominable (wa-ǧarā fī ḥaqqih makrūh), mais mit [simplement] Ibn al-Anbarī en prison. Puis al-Mustaršid bi-llāh intercéda en sa faveur, et il le relâcha.

Dubays demeura avec Zangī jusqu’à ce qu’il se rendît avec lui en Iraq, ainsi que nous le raconterons, si Dieu Très-Haut le veut. »

  • 121 Sibṭ, Mir’at, viii, 1, 135.
  • 122  Noter que Sibṭ (loc. cit.) cite Ibn al-Qalānisī en le travestissant de manière à ce qu’il soit bie (...)
  • 123 Ḏayl (Amedroz), 230-1. Voir également Ibn Abī Ṭayyi’ dans Ibn al-Furāt, op. cit., 164. Sur l’ancien (...)

67Ce récit prête tout autant à discussion que celui qu’Ibn al-Aṯīr consacrait au premier séjour syrien de Dubays. D’ailleurs, Sibṭ b. al-Ǧawzī constate les divergences entre les sources. Il distingue les récits « des Bagdadiens » (dont le Kāmil d’Ibn al-Aṯīr) et les récits syriens (wa-qad iḫtalafū fī al-qiṣṣa ammā tawārīḫ al-Baġdadiyyīn… ammā tawārīḫ ahl al-Šām121. Il est vrai que les divergences sont importantes ; en découle une vision différente de Dubays. Ibn al-Qalānisī, par exemple, n’évoque pas, dans Ḏayl ta’rīḫ Dimašq, de proposition émanant de la maîtresse de Ṣarḫad, ville dont il savait bien qu’elle constituait un bastion avancé de la principauté de Damas 122. Doit-on prêter foi au récit d’Ibn al-Qalānisī (et rejeter le témoignage des auteurs iraqiens), ou considérer qu’il minore l’activité de Dubays ? Dans ce cas, quelles étaient ses motivations ? Se refuse-t-il à mettre Dubays en avant, lui qui abhorre toute forme de désordre ? Ne veut-il pas, simplement, taire les difficultés de Tāǧ al-mulūk (et donc les manœuvres auxquelles il se prête) ? Toujours est-il qu’il installe Dubays dans un rôle d’aventurier déchu, en bien piètre état, malmené, égaré car mal guidé, sauvé par miracle du sort que le désert réserve aux inconscients, pourchassé sans relâche par le calife et ses séides et ne devant son salut, in fine, qu’à l’intervention étonnante de Zangī 123.

  • 124  Des réseaux entremêlés – cf. « The First and Second Crusades from an Anonymous Syriac Chronicle », (...)
  • 125 ʿAẓīmī, Ta’rīḫ, 384.

68On ne retrouve pas, dans les récits des autres historiens syriens – al-ʿAẓīmī et Ibn al-ʿAdīm - la même volonté de préserver le maître de Damas. Mais leur originalité essentielle tient sans doute qu’ils inscrivent ce nouveau séjour syrien dans le passé - trace des menaces que Dubays avait fait peser sur la capitale nord-syrienne, en 518/1124. Dans le Ta’rīḫ Ḥalab, al-ʿAẓīmī n’en fait aucunement un fuyard réduit aux dernières extrémités. Dubays y apparaît toujours aussi ambitieux qu’auparavant ; dès son arrivée en Syrie, il active à nouveau ses réseaux nord-syriens, musulmans (Qalʿat Ǧaʿbar) et francs (Josselin), mais en vain124. Il jette son dévolu sur Ṣarḫad, avant de se lier à Zangī aux côtés duquel il va à nouveau tenter sa chance à Bagdad 125 :

« Année 525/1131

Dubays arriva en Syrie. Il confia le fils du sultan à Naǧm al-dawla Mālik [seigneur de Qalʿat Ǧaʿbar], et il s’appuya sur les Francs. L’atabeg [Zangī] conquit Qalʿat Bahmar (dans le Diyār Bakr).

Dubays se dirigea vers la maîtresse de Ṣarḫad afin de l’épouser. Maktūm b. Ḥassān b. Mismār l’engagea à venir dans sa tribu, et [le] dissimula à Tāǧ al-mulūk. Mais on dit : ceci était entendu. Alors il envoya l’armée de Damas, qui se saisit de Dubays et le ramena à Damas. Tāǧ al-mulūk racheta son fils Sawinǧ à l’atabeg Zangī, auquel il le livra. [Ce dernier] partit sur le champ, en šawwāl [525]/27 août-24 septembre 1131. […]

On tomba sur Ibn al-Anbarī, l’envoyé du sultan al-Mustaršid, sur les terres de Raḥba ; la caravane qui arrivait fut pillée.

Année 526/1131-2

L’atabeg [Zangī] relâcha Dubays b. Ṣadaqa, le combla de ces bienfaits que même un sultan n’accorde pas à un sultan, l’honora et se l’attacha (nādamah). Puis ils partirent ensemble pour combattre Bagdad. Al-Mustaršid sortit en personne, et ils se rencontrèrent à ʿAqarqūf, en šaʿbān/17 juin-15 juillet 1132. Les troupes firent défection lorsqu’elles virent le calife. L’atabeg [Zangī] retourna à Mossoul, et Dubays à Mārdīn. »

  • 126 Zubda, ii, 442-5, et Buġya, vii, 3489, où Ibn al-ʿAdīm cite ses sources : Badrān b. Ḥusayn b. Mālik (...)

69 Dans la Zubda, Ibn al-ʿAdīm, qui disposait de leurs ouvrages, ne choisit pas véritablement entre Ibn al-Qalānisī et al-ʿAẓīmī. Il ne les nomme pas directement et les cite avec prudence (wa-qīla, répète-t-il). Il les complète, parfois, et adopte alors un ton plus personnel. Il est le seul, par exemple, à dire que Dubays était enchaîné lorsqu’il fut ramené à Alep, après avoir été livré à Zangī. De même, lui seul lui fait rencontrer, sur la route d’Alep (sans qu’on sache précisément où, quand ni comment) un poète qui se met à chanter ses louanges et auquel il promet rétribution future sur un billet. Par un hasard heureux, à Alep, alors que Dubays est désormais libre, le poète rencontre à nouveau Dubays. Il lui rappelle sa promesse et, devant ses réticences, lui présente le billet qui le convainc. Cette anecdote, dont la teneur fictionnelle est probable, participe d’une mélioration du personnage de Dubays aux antipodes des critiques virulentes qu’Ibn al-ʿAdīm avait été amené à porter à son égard, dans la Buġya, lorsqu’il avait évoqué sa compromission avec les Francs, lors du siège d’Alep de 518/1124. Dans cette même Buġya, où elle est également présente et attribuée à Badrān b. Ḥusayn b. Mālik, cette anecdote a clairement pour rôle de contrebalancer le portrait très noir de Dubays qu’Ibn al-ʿAdīm venait de brosser 126.

  • 127  Ṣafadī, Wāfī, 10984-10985.
  • 128  Dans le Siyar, Ḏahabī revient également (mais plus brièvement) sur ses pérégrinations syriennes : (...)

70Des bribes de ces différents récits furent réutilisées par les auteurs arabes tout au long du Moyen Âge. Ainsi, dans la notice du Wāfī bi-l-wafayāt qu’il consacre à Dubays, Ṣafadī rapporte l’anecdote du poète louangeur finalement récompensé 127. Mais il la décontextualise complètement, supprimant toute référence au bilād al-Šām, à Damas, à Alep ou à Zangī 128.

  • 129  Dans Ibn al-Furāt, Ta’rīḥ, i, 131. Dubays Ier avait, en son temps, participé à la coalition anti-s (...)

71Quant à Ibn Abī Ṭayyi’, historien chiite, il ne participe pas de cette réhabilitation de Dubays – du moins dans ce qu’en conserve Ibn al-Furāt. En revanche, il propose un récit original de son intervention en Syrie. Selon lui, Dubays visait en fait une alliance avec l’Égypte fatimide afin d’abattre le califat abbasside. La prise de Ṣarḫad n’était qu’anecdotique ; il s’agissait simplement de profiter d’une occasion inespérée 129 :

« Lorsque sa situation s’était dégradée en Iraq, Dubays était arrivé, en route pour l’Égypte. Il écrivit aux Égyptiens, qui l’invitèrent à venir chez eux – il leur promettait la conquête de l’Iraq. Mais lorsqu’il campa devant Ḥiṣn Ṣarḫad, un homme qui s’y trouvait lui écrivit, lui proposant d’œuvrer [à la prise] du château (ḥiṣn). Le seigneur (ṣāḥib) de Damas en fut informé, et il envoya contre lui l’émir Maktūm b. Ḥasan b. Sinān al-Kalbī. [Précédemment], Maktūm alla à lui, lui apporta des vivres en quantité (ḍiyāfa kaṯīra) et lui donna à boire. Dès qu’il fut ivre, il sauta sur lui, s’en saisit et se rendit à Damas - nous raconterons cela lorsque nous en parlerons sous l’année 525 ; nous [rapporterons] également ce qu’en dit Ibn al-Aṯīr, si Dieu Très-Haut le veut ».

Mort de Dubays

  • 130  Récit de ces luttes par Hannes, Caliphate, 325 et suivantes, qui s’appuie sur le Muntaẓam et le (...)
  • 131 Kāmil, ix, 265 ; Sibṭ, Mir’at, viii, 1, 140 (légèrement différent) ; Voir également Ibn al-Furāt, T (...)

72Qu’il ait ou non songé à abattre le califat abbasside de Bagdad, Dubays retourna en Iraq et poursuivit la lutte pour le pouvoir, aux côtés des uns (Zangī) et des autres (Masʿūd, Ṭoġril II…) 130. Comme toujours opposé au calife al-Mustaršid, il fut confronté à des difficultés analogues à celles qu’il avait dû surmonter auparavant ; il apparaît donc à nouveau sous les traits d’un aventurier intrépide. Par exemple, après la défaite que le calife lui infligea (ainsi qu’à Zangī), le 26 raǧab 526/13 juin 1132, Dubays échoua à s’emparer d’al-Ḥilla. Battu par Iqbāl al-Mustaršidī, il alla, selon Ibn al-Aṯīr ou Sibṭ b. al-Ǧawzī, se 131

« cacher dans des fourrés de roseaux (aǧama). Il y demeura trois jours sans rien manger, incapable d’en sortir jusqu’à ce qu’un de ses partisans énergiques (ḥamās) le fasse sortir sur son dos. Puis il rassembla une armée et attaqua Wāsiṭ ».

  • 132 Muntaẓam, xvii, 276 (quatre-vingt jours de siège intensifs ; il nomme Aḥmadīlī al-Aḥmadīkī) ; Kāmil(...)
  • 133  Cette focalisation et les ambiguités qui en découlent sont soulignées par Hannes, op. cit., 333.

73Pas plus qu’auparavant, les auteurs arabes ne proposent une version uniforme de ces luttes. Ainsi, alors qu’Ibn al-Ǧawzī affirme que le calife al-Mustaršid leva le siège de Mossoul, en 527, du fait de l’exécution d’un de ses soutiens, Aḥmadīlī, et du rapprochement entre le sultan Masʿūd et Dubays, il n’est aucunement fait mention de ce dernier dans le Kāmil d’Ibn al-Aṯīr 132. Plus généralement, Ibn al-Ǧawzī focalise souvent sur Dubays dans les longs passages qu’il consacre à ces luttes 133.

  • 134  Ces dates sont celles du Muntaẓam, 298, suivi par le Kāmil, 383 (al-Mustaršid) ; Muntaẓam, 303 (Du (...)
  • 135  Sanǧar : par exemple Ibn Abī Ṭayyi’, Maʿādin al-ḏahab, dans Ibn al-Furāt, op. cit., 265 ; Ibn Diḥy (...)

74Sa sobriété, lorsqu’il est question de l’exécution de Dubays, le 21 ḏū l-ḥiǧǧa 529/2 octobre 1135, soit peu après la mort du calife al-Mustaršid (17 ḏū l-qaʿda 529/29 août 1135), prête donc à interrogation 134. Alors qu’il s’étend très longuement sur l’assassinat d’al-Mustaršid par des bāṭiniens (sur instigation de Masʿūd et/ou de Sanǧar, selon nombre d’auteurs arabes 135), il ne dit même rien de la mort de Dubays, au fil de son récit. Il l’évoque brièvement dans la partie consacrée aux obituaires, l’expliquant, ainsi qu’Ibn al-ʿAdīm, par le fait que le sultan voulait punir Dubays de l’avoir trahi pour Zangī. Il ne se fait pas faute, néanmoins, de souligner qu’il « y avait vingt-huit jours entre sa mort et celle d’al-Mustaršid ».

  • 136 Muntaẓam,305.

75Il faut même attendre les événements de l’année suivante (530) pour lire, dans le Muntaẓam, une interprétation plus poussée de cette mort – du chiisme ou de la dangerosité religieuse de Dubays, il n’est alors plus question136 :

« La nouvelle de l’exécution de Dubays arriva [à Bagdad]. On s’étonna alors de la proximité de la mort (mawt) d’al-Mustaršid et de l’exécution (qatl) de Dubays. Puis on se dit que la cause de son exécution était l’assassinat (qatl) d’al-Mustaršid : s’ils le laissaient [vivre], c’était pour qu’il fasse face à al-Mustaršid ».

  • 137 Kāmil, ix, 285 (souvent repris, par exemple par Barhebraeus, Ta’rīḫ muḫtaṣar al-duwal, 204 ; Sibṭ, (...)

76Ibn al-Aṯīr revient également sur cette quasi-simultanéité. Selon lui, et selon Sibṭ b. al-Ǧawzī, elle est liée au fait que Dubays n’était qu’un instrument dont les Seldouqides usaient à leur gré pour contrecarrer les ambitions du calife al-Mustaršid 137 :

Ibn al-Aṯīr, Kāmil :

  • 138  Texte imprimé (loc. cit.) : ʿalā bāb surādiqa bi-ẓāhir madīna Ḫuwā. Éd. alwaraq.net, 2003 : ʿalā b (...)

 « Cette année-là, le sultan Masʿūd tua Dubays b. Ṣadaqa aux portes de son pavillon, devant la ville de Ḫuwayy/Ḫūnaǧ 138. Il ordonna à un ġulām arménien de l’exécuter. Il se tint derrière lui alors qu’il grattait le sol d’un doigt, et lui trancha la tête – il ne se rendit compte de rien. […] De telles coïncidences (ḥādiṯa) ne sont pas rares – soit la [presque] simultanéité de la mort de deux ennemis. Dubays était l’ennemi d’al-Mustaršid ; il détestait le fait qu’il fût calife. Mais il n’avait pas réalisé que les sultans ne le préservaient que pour en user comme d’une arme contre al-Mustaršid. Une fois la cause disparue, le produit disparut [également] – mais Dieu sait le plus. »

Sibṭ b. al-Ǧawzī, Mir’at al-zamān :

« Ceci survint le 20 ḏū l-ḥiǧǧa [529]/1er octobre [1135]. Trente-cinq jours s’étaient écoulés entre sa mort et celle d’al-Mustaršid. Les Banū Salǧūq ne l’avaient laissé [en vie] que pour faire face au calife. »

  • 139 Bidāya, xii, 185-6 (assassinat d’al-Mustaršid) et 187 (exécution de Dubays).
  • 140 Ibn al-Azraq, Ta’rīḫ, 167 ; Bundarī, Zubdat al-nuṣra, 178-9 ; Ibn Ḫallikān, Wafayāt, ii, 225 (repri (...)

77Que l’on souscrive ou non à cette interprétation, qui va à l’encontre, par exemple, de ce qu’Ibn Abī Ṭayyi’ avait révélé des ambitions égyptiennes de Dubays, soulignons que pas plus Ibn al-Aṯīr qu’Ibn al-Ǧawzī ne justifient l’exécution de Dubays par son implication dans la mort d’al-Mustaršid. Ibn Kaṯīr lui-même n’en dit rien, dans la Bidāya wa-l-nihāya 139. Quelques auteurs l’évoquent, mais, à l’évidence, sans y croire vraiment (tel Ibn al-Azraq) ; al-Bundarī, Ibn Abī Ṭayyi’ et Ibn Ḫallikān dédouanent même explicitement Dubays, en révélant un stratagème du sultan Masʿūd 140 :

Ibn al-Azraq al-Fāriqī, Ta’rīḫ

« On avait raconté que Dubays avait poussé le sultan à tuer al-Mustaršid »

Al-Bundarī, Zubdat al-nuṣra

« Il (Masʿūd) pensait que s’il le (Dubays) tuait, les gens lui attribueraient l’assassinat du calife, et que de ce fait, lui, le sultan, ne le laisserait pas vivre […]. Un mois s’écoula entre le martyre du calife et celui de Dubays. Cet événement était également honteux : un déshonneur scandaleux. Ce crime atroce s’ajouta à un crime atroce, l’outrage suivit l’outrage. Le sultan n’en fut pas [pour autant] préoccupé […] et ne montra pas de remords pour ce qu’il avait fait. Son avidité n’en fut qu’encore plus débordante, et les étincelles de son iniquité s’enflammèrent. »

Ibn Abī Ṭayyi’, Maʿāḏin al-ḏahab

« Lorsque les accusations de turpitudes se multiplièrent à son encontre, du fait de l’assassinat d’al-Mustaršid, le sultan Masʿūd se décida à tuer Dubays : lorsqu’il l’exécuterait, [se dit-il], il affirmerait qu’il était responsable de l’assassinat et que lui [le sultan] vengeait [le calife]. »

Ibn Ḫallikān, Wafayāt al-aʿyān

« Dubays était au service du sultan Masʿūd b. Muḥammad b. Malikšāh al-Salǧūqī. Ils campaient devant al-Marāġa, en Azerbaïdjan, accompagnés de l’imam al-Mustaršid bi-llāh. On raconte que le sultan lança secrètement contre lui un groupe de bāṭiniens qui assaillirent sa tente et l’asassinèrent le mardi 18 ḏū l-qaʿda 529. Craignant qu’on ne remontât jusqu’à lui et désireux qu’on attribuât [l’assassinat] au Dubays en question, il le laissa [d’abord] aller. Puis, [un jour], Dubays étant venu au service et s’étant assis à l’entrée de la tente, le sultan envoya un de ses mamelouks [le tuer]. Il se mit derrière lui et le frappa à la tête, de son épée, la lui tranchant. Après cela, le sultan expliqua qu’il n’en avait agi ainsi avec Dubays qu’en représailles de ce qu’il avait fait à l’imam [al-Mustaršid]. Ceci se déroulait un mois après l’assassinat de l’imam – que Dieu Très-Haut lui soit miséricordieux. »

  • 141 Ibn Abī Ṭayyi’, loc. cit. ; Buġya, vii, 3492-3 ; Sibṭ, loc. cit. et 155 (cite al-Iṣfahānī, selon le (...)
  • 142 Buġya, vii, 3849.

78Quant aux conditions de la mort de Dubays, ces auteurs ne s’étendent pas. Leurs récits sont rarement précis – font exception Ibn Abī Ṭayyi’, Sibṭ b. al-Ǧawzī et surtout le ra’īs Abū ʿAlī al-Dārī, que cite Ibn al-ʿAdīm. Mais si le détail se fait quelque peu croustillant et le récit relativement haletant, le ton reste relativement impersonnel et peu à la mesure du personnage d’exception qu’était Dubays 141. Certes, Ibn al-ʿAdīm propose, dans la Buġya, une version de sa mort qui fait la part belle à l’émotion 142:

  • 143  Le texte est ici peu clair : wa ḥaḏḏarah al-nās fa-lam yafʿal fa-waṣala.

« Après cela, en 529/1134-1135, Dubays se trouvait auprès du sultan Masʿūd lorsque ce dernier battit al-Mustaršid et l’emprisonna, aux portes de Marāġa. Le sultan ayant fait demander à Zangī de venir, [Dubays] écrivit à l’atabeg afin de l’avertir [qu’il était menacé] et de le lui déconseiller – en conséquence Zangī s’en défendit. Ayant été informé de ce que Dubays avait fait, le sultan, qui l’avait envoyé à al-Ḥilla, le rappela. On lui déconseilla de s’exécuter, mais sans succès 143. Lorsqu’il parvint à la tente du sultan, ce dernier se leva de son trône (sarīr) et dit : “Ceci est le châtiment réservé à qui trahit son maître.” Et il le frappa à la tête, la faisant voler. Informé, Zangī déclara : “Nous l’avons racheté avec de l’argent, il s’est racheté avec son âme” ».

  • 144 Michel le Syrien,Chronique, iii, Liv. xvi, chap. vii, 241.

79Mais il faut se reporter à une chronique syriaque, celle de Michel le Syrien, pour trouver quelques lignes inscrivant résolument Dubays dans un registre tragique 144 :

« L’émir Dubays, qui s’était enfui près du sultan, s’aperçut qu’on voulait le tuer et chercha le moyen de se sauver, mais ne le put faire ; il prononça une parole de tristesse, et dit : “Jusqu’à quand poursuivrai-je et serai-je poursuivi ? Il n’y a rien de meilleur que la mort” ».

Conclusion

  • 145  Cf. De Certeau, de, Histoire et psychanalyse entre science et fiction, 54.
  • 146 Cooperson, « Probability, Plausibility and “Spiritual Communication” », 69.
  • 147   Une « dimension constitutive de l’histoire », selon l’expressioni de C. Croizy-Naquet, « Quand la (...)
  • 148 Canova, « Une analyse de l’altérité dans la tradition épique arabe », 237 et note 11 ; Heath, « Oth (...)
  • 149  Dupront, Le mythe de croisade, II, 980.
  • 150 Dabashi, Truth and Narrative, 414, 448, 508-509..

80À retracer même sommairement le parcours de Dubays b. Ṣadaqa, on comprend mieux ce que la lutte séculaire de l’historiographie (occidentale et orientale) contre la fiction a de chimérique 145. Dans les textes que nous avons examinés, qui datent pour l’essentiel des vie/xiie-viie/xiiie siècles, l’une et l’autre se mêlent parfois inextricablement. Rien d’étonnant : aucun discours, eût-il pour objet prévalent de dire le vrai et d’ancrer le lecteur dans une « réalité » plausible, n’est par essence fictionnel ou représentatif de la « vérité 146 ». Pour les historiens arabes médiévaux, la fiction n’était qu’une modalité d’expression parmi d’autres 147 ; lorsqu’ils l’utilisaient, ils pouvaient notamment puiser dans le fonds des Ayyām al-ʿArab, qui contaient les actions d’individus héroïsés, et s’inspirer des Siyar, qui paraissent avoir connu une sorte d’âge d’or, aux  vie/xiie-viie/xiii148. Rien de bien différent, finalement, des chroniques latines des croisades, qui font la part si belle à la geste qu’Alfred Dupront a pu, à juste titre, évoquer à leur sujet « l’élaboration emmêlée, et en définitive commune, de l’histoire et de la légende »149. Rien de surprenant, donc, à ce que Dubays apparaisse, dans les textes arabes médiévaux, tour à tour bon et égoïste ; généreux et cupide ; accort et violent ; courageux et couard ; désintéressé et pillard. Le soufi ʿAyn al-Quḍāt al-Hamaḏānī (m. 525/1131), dont il n’a pas été question jusqu’ici, n’hésite pas même à en faire le symbole de l’homme révolté, un défenseur passionné des libertés 150.

81C’est que par-delà la complexité toute humaine du personnage, dont on sent bien qu’il se considérait comme l’égal des plus grands (le sultan, le calife), et dont on comprend qu’il ait pu fasciner des générations d’historiens (médiévaux et contemporains), chacun des historiens médiévaux l’envisageait en fonction d’une multitude de données dont bon nombre nous échappent : leur documentation (les auteurs syriens sont moins bien informés que les auteurs iraqiens), leurs intérêts (Ibn al-Qalānisī ne fait pas grand cas de Dubays, au contraire d’Ibn al-Ǧawzī, qui apparaît profondément impliqué dans la politique iraqienne), leurs préjugés (Ibn al-ʿAdīm ne goûte guère les nouveaux détenteurs turcs du pouvoir alors qu’Ibn al-Qalānisī admire leur capacité à ramener l’ordre), leurs sensibilités religieuses et/ou politiques (le hanbalite Ibn al-Ǧawzī est fondamentalement hostile à Dubays, au contraire des auteurs chiites comme Ibn Abī Ṭayyi’ ou Ibn al-Ṭiqṭaqā), les objectifs informatifs et/ou esthétiques qu’ils s’assignaient. De l’insistance sur l’un ou l’autre de ces objectifs découlait l’utilisation, par ces savants, de telle ou telle stratégie discursive, de tel ou tel registre, de telle ou telle tonalité. En particulier, ils disséminaient à l’envi, dans leur récit, des anecdotes à la tonalité plus ou moins fabuleuse.

  • 151  Cf. Gaucher, « Le vrai et le faux », 213 sq. ; al-Azmeh, « Histoire et narration », 412 sqq. ; Jac (...)

82Car même les moins talentueux de ces écrivains veillaient à proposer un discours cohérent, maîtrisé et plaisant à leurs lecteurs/auditeurs, seuls à même d’accorder la légitimité qu’ils recherchaient. Faire de l’histoire, ou plutôt l’écrire, consistait, quelle que fût la forme adoptée (chronique, dictionnaire biographique etc.) à rédiger un récit mis en intrigue avec soin, que le lecteur acceptait (ou non) de compter parmi les récits plaisants donc, mais également fiables, dignes de confiance 151.

83Doit-on dès lors s’étonner que sur l’essentiel, concernant Dubays, tous les historiens médiévaux, arabes et non arabes, s’entendent : Dubays fut un personnage puissant et entreprenant, qui menaça le califat abbasside et le sultanat seldjouqide sans jamais les faire réellement vaciller. Il affirma plus des ambitions (territoriales et politiques) qu’il ne se détermina en fonction d’oppositions de principes, d’où les multiples retournements d’alliance dont il fut partie prenante. Chiite et arabe, il symbolisait déjà, au Moyen Âge, les soubresauts d’un monde en voie de disparition, un monde où les princes arabes avaient encore un certain poids politique et militaire.

  • 152  Bianquis, « L‘ânier de village», 97-101 (citations) et passim.

84Il faut d’ailleurs l’envisager en référence aux « chevaliers arabes » de l’époque précédente : Abū l-Ḥayḏām al-Murrī, rebelle du Ḥawrān et de la Ġūṭa sous Hārūn al-Rašīd, ou les princes mirdassides d’Alep du Ve/XIe siècle, des parangons du « bédouin arabe chevaleresque ». De ces « chevaliers » comme de Dubays, les auteurs arabes font peu ou prou des hommes d’honneur, héros de la vie, n’hésitant pas à s’appuyer sur des femmes lors de difficultés. Des hommes à l’opposé des cavaliers turcs professionnels, taciturnes, efficaces et soucieux d’ordre qui s’imposèrent définitivement dans l’ensemble du Proche-Orient, aux VIe-XIIe/XIIe-XIIIe siècles 152.

  • 153  Boschetti,La poésie partout. Apollinaire, homme-époque (1898-1918).

85Homme époque 153 donc que Dubays, une époque instable, propice aux envolées lyriques propres à la légende et à la fable. Homme légende également, dont les pérégrinations donnent l’occasion aux polymathes médiévaux arabes de montrer à quel point ils se plaisaient à jongler entre ce qu’on nomme aujourd’hui « histoire », « fable » ou « littérature » sans toujours suffisamment garder à l’esprit que la distinction n’a pas toujours eu lieu d’être.

  • 154  En gras, les émirs régnant. D’après Bosworth dans EI2a, vi, 965 ; id., The New Islamic Dynasties, (...)

Table généalogique des Banū Mazyad 154

Table généalogique des Banū Mazyad 154

Chronologie 155

  • 155  Ibid.
  • 156  Cf. al-Zirkilī, al-Aʿlām, iii, 12.

Vers 345-352/956-963

Protectorat de ʿAlī b. Mazyad sur Sūrā et ses dépendances attribué par le vizir būyide Abū Muḥammad al-Ḥasan al-Muhallabī, selon Ibn al-Ǧawzī.

342/1003 (?)

Pouvoirs de ʿAlī b. Mazyad confirmés par le gouverneur būyide d’Iraq, ʿAmīd al-Ǧuyūš al-Ḥasan b. Ustāḏ Hurmuz.

394/1004 (?)

Naissance de Nūr al-dawla Abū l-Aʿazz Dubays (I).

397/1006-7

ʿAlī b. Mazyad obtient al-Ǧāmiʿayn, sur l’Euphrate.

408/1017-8 (?)

Nūr al-dawla Abū l-Aʿazz Dubays (I) succède à son père à 14 ans.

463/1071 ( ?)

Date parfois avancée 156 pour la naissance de Dubays b. Ṣadaqa b. Mazyad.

474/1082

Mort de Nūr al-dawla Abū l-Aʿazz Dubays (I), à 80 ans.

474/1082-479/1086

Règne de Bahā’ al-dawla Abū Kāmil Manṣūr

479/1086

Le père de Dubays, Sayf al-dawla Abū l-Ḥasan Ṣadaqa (I) b. Manṣūr b. Mazyad succède à son père.

487-512/1094-1118 - califat d’al-Mustaẓhir

494/1101 à 499/1106

Ṣadaqa (I) occupe al-Kūfa, puis Hīt, Wāsiṭ, al-Baṣra et Takrīt.

498/1105

Āq Sunqur al-Bursuqī est nommé šiḥna d’Iraq.

501/1108

Bataille d’al-Nuʿmāniyya. Le sultan Muḥammad bat Sayf al-dawla Abū l-Ḥasan Ṣadaqa b. Manṣūr qui est tué. Son fils Nūr al-dawla Abū l-Aʿazz Dubays est fait prisonnier.

508/1113

Āq Sunqur al-Bursuqī gouverneur de Mossoul.

511/1118

Mort du sultan Muḥammad b. Malik Šāh. Guerre de succession. Maḥmūd lui succède à 13 ans. Dubays récupère al-Ḥilla (il y retourne en 512 seulement selon certaines sources).

511/1118 - 525/1131 - sultanat de Maḥmūd en Iraq et en Perse occidentale

512/1118

Mort d’al-Mustaẓhir (16 rabīʿ II/6 août). Al-Mustaršid lui succède et doit faire face à la rébellion de son frère Ḥasan.

İl-Ġāzī maître d’Alep.

512-529/1118-1135 – califat d’al- Mustaršid

513/1119

Bataille de Sāwa. Sanǧar bat son neveu Maḥmūd puis s’accorde avec lui.

17 rabīʿ I 513/28 juin 1119 : bataille dite de l’Ager Sanguinis, en Syrie du Nord : İl-Ġāzī vainc, près de Balāṭ, le prince Roger II d’Antioche qui est tué.

514/1120-1

Bataille d’ Asad Abāḏ, près de Hamaḏān. Victoire d’Āq Sunqur al-Bursuqī, à la tête des troupes du sultan Maḥmūd, sur le frère de ce dernier, Masʿūd.

Dubays menace le calife à Bagdad.

515/1121

Maḥmūd dépêche une armée contre les Géorgiens ; à sa tête, son frère Ṭoġril, İl-Ġāzī et Dubays b. Ṣadaqa. Elle est défaite.

516/1122

En muḥarram/12 mars-10 avril, al-Mustaršid envoie le šiḥna de Bagdad, Āq Sunqur al-Bursuqī, chasser Dubays d’al-Ḥilla. Il échoue.

Ramaḍān/3 novembre-2 décembre : mort d’İl-Ġāzī.

517/1123

Échec de l’expédition de Šīrwān commandée par le sultan Maḥmūd.

En muḥarram/mars, Dubays b. Ṣadaqa est battu à al-Nīl par le calife. Dubays fuit en Syrie.

518/1124

Mort de Nūr al-dawla Balak, tué par une flèche pendant le siège de Manbiǧ.

Siège d’Alep par Dubays, Baudouin ii de Jérusalem et le fils de Riḍwān.

Āq Sunqur al-Bursuqī maître d’Alep.

519/1126

Assassinat d’Āq Sunqur al-Bursuqī par des Bāṭiniens.

Ḏū l-ḥiǧǧa 519/janvier 1126 : le sultan Maḥmūd aux portes de Bagdad.

520/1126

Séjour de Maḥmūd à Bagdad (il la quitte le 10 rabīʿ II/5 mai) ; Zangī nommé šiḥna.

521/1127

Zangī b. Āq Sunqur maître de Mossoul (ramaḍān/septembre-octobre).

522/1128

Ǧumādā II 522/juin 1128 : Zangī b. Āq Sunqur maître d’Alep.

522/1128

Convaincu par Dubays et Ṭoġril, Sanǧar fait mouvement vers al-Rayy. Il se réconcilie finalement avec son neveu Maḥmūd. Dubays fuit en Syrie.

8 ṣafar/11 février : mort de Ṭoġtegin, seigneur de Damas ; il est remplacé par son fils Tāǧ al-mulūk Būrī.

524/1130

Réconciliation de Maḥmūd et de Masʿūd.

525/1131

Mort de Maḥmūd (15 šawwāl/10 septembre), à 27 ans. Guerre de succession entre son fils Dāwūd et ses oncles Masʿūd, Salǧūq Šāh et Ṭoġril.

525-526/1131-1132 – sultanat de Dāwūd en Iraq et en Perse occidentale

526/1132

Bataille de Dīnawar opposant Masʿūd et Sanǧar, qui est victorieux.

Campagne de Dubays de Zangī contre le calife.

Raǧab/18 mai-16 juin : mort de Tāǧ al-mulūk Būrī.

26 raǧab/13 juin : le calife bat Dubays et Zangī.

526-529/1132-1134 - sultanat de Ṭoġril II Beg en Iraq et en Perse occidentale

527/1132-1133

Masʿūd à Bagdad (ṣafar/12 décembre 1132 – 9 janvier 1133), où il se fait proclamer sultan par le calife. Dubays s’établit à Wāsiṭ.

Siège de Mossoul par le calife al-Mustaršid, interrompu (selon Ibn al-Ǧawzī) du fait du meurtre d’Aḥmadīlī sur ordre de Masʿūd et du rapprochement entre ce dernier et Dubays.

Mort de Masʿūd.

529/1134

Mort de Ṭoġril à Hamaḏān, après deux ans de règne.

529-547/1134-1152 – sultanat de Masʿūd en Iraq et en Perse occidentale

529/1135

Šaʿbān/17 mai-14 juin : le calife quitte Bagdad ; il est défait par Masʿūd à Day Mag.

Ḏū l-qaʿda/13 août-11 septembre : assassinat du calife à Marāġa, officiellement par des bāṭiniens.

Mort de Dubays, exécuté par un page du sultan.

532/1137-8

Mort du fils de Dubays, Ṣadaqa (ii), qui soutenait le Seldjouqide Masʿūd conre son neveu Dā’ūd.

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Bibliographie

Sources

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Notes

1  Les expressions sont d’Ibn Ḫaldūn (m. 784/1382), Muqaddima, 11, 12, 14, 38 et 46 à 49 ; Miskawayh : « Textes inédits », 188  et  204 ; Ibn al-Ǧawzī, Muntaẓam, I, 116. Voir Meisami, « Masʿūdī and the Reign of al-Amīn », 150 n°7 ; Heath, « Other Sīras and Popular Narratives », 320 ; id., « Sīra shaʿbiyya », EI2a, ix, 664 ; Raven, « Sīra », EI2a, ix, 660 ; Reynolds, « Popular Prose in the Post-Classical Period », 250 ; id., « AThousand and One Nights », 270 ; Cooleridge, Biographia Literaria, chap. xiv (« willing suspension of disbelief for the moment »). Sur la fiction, voir les positions de Schaeffer, Pourquoi la fiction ? ; Cohn, The Distinction of Fiction ; Pavel, L’univers de la fiction, 7 ; Tremblay, La fiction en question (surtout 14 sqq.) ; Genette, Fiction et diction ; Heinich et Schaeffer, Art, création, fiction.

2 Pomian, Sur l’histoire, 78.

3  Pas plus d’ailleurs que les historiens contemporains : Eddé, « Sources arabes », 295, 296, 299 ; Hannes, Caliphate, passim.

4  Présentation de ces sources : Zouache, Armées et combats, chap. i. L’œuvre d’Ibn Abī Ṭayyi’ n’est connue qu’à travers celle d’historiens postérieurs (surtout Abū Šāma et Ibn al-Furāt).

5  Cf. Zakharia, « Uways al-Qaranī, visages d’une légende », 232.

6 Yāqūt, Muʿǧam, ii, 96, 294-5 et 326. Abū l-Fidā’ ; Ta’rīḫ, i, 2, 233 (avait émis des doutes) ; Ibn Ǧubayr, Riḥla, 154 sq. ; Ibn Ḫaldūn, Ta’rīḫ (al-Ǧuwaydī), 1254 ; Makdisi, « Notes », 249-62.

7  « Ṣadaḳa » EI2, x, 736, réimpr. d’un article de l’EI ; « Asad », EI2, i, 704-5.

8 Ḏahabī, Siyar, xviii, 557-8 ; Ḥarīrī (m. 516/1122), Maqāmāt, ii, 506. En fait, c’est de Dubays qu’al-Ḥarīrī fit un éloge lapidaire dans la 39emaqāma ; Dubays le récompensa.

9 Ḏayl, 256.

10 Muntaẓam, xvii, 207-8 (éd. alwaraq.net, 2093-4 très légèrement différente). Cf. Makdisi,op. cit., 260.

11  À moins qu’il ne soit question que d’une réquisition d’eau : wa an yaftaḥ al-buṯūq wa yaʿtaṣim bi-l-miyāh.

12  Par exemple : Ibn Al-Aṯīr, Kāmil, ix, 113. Discret : Ibn Ḫaldūn, Ta’rīḫ (al-Ǧuwaydī), 1252-3.

13 Muntaẓam, xvii, 111 ; Ibn Ḫallikān, Wafayāt, II, 490-2.

14 Ḏahabī, Siyar, xix, 264-5 ; Ibn Kaṯīr, Bidāya, xii, 170 ; Ibn al-ʿImād, Šaḏarāt al-ḏahab, ii, 2 ; Ibn Taġrībirdī, Nuǧūm, v, 196. Sur la hayba, voir Mottahedeh, Loyalty and Leadership, index (s. v. hayba) ; Heck, « Law in Abbasid Political Thought », 90 sq., 105-6.

15  Voir le récit synthétique de Nuwayrī, Nihāya, xxvi, 364-8 ; Bosworth, « Political and Dynastic History », 115 n° 2.

16  Surtout Ibn al-Aṯīr, Kāmil, ix, 116-7. Comparer à Ḏahabī, Ta’rīḫ, xxvi, 6, qui travaille le texte d’Ibn al-Aṯīr de manière à le rendre plus concis tout en conservant le souffle épique qui l’habite.

17 Kāmil, 32, 62, 63, 64.

18 Kāmil, 113-4, 116 et 118-9 (an 501/1107-1108) ; Muntaẓam, xvii, 209 (an 516/1122-3 ; voir aussi 108-9, an 501/1108).

19  ʿAẓīmī, Ta’rīḫ, 363 (selon lui, le sultan pille al-Ḥilla).

20 Ḏayl, 255-6. Sibṭ (Mir’at, I, 497-502) reproduit la version d’Ibn al-Qalānisī (cité nommément) après avoir donné une version tirée du Muntaẓam et du Kāmil (non nommés).

21  Selon Michel le Syrien, Chronique, iii, L. xv, chap. xiv, 214-5, c’est la prise de Takrīt qui décida le sultan Muḥammad à attaquer Ṣadaqa.

22  On la retrouve dans les articles de l’EI2 déjà évoqués, ainsi que dans Bosworth, op. cit., 121 ; Hannes, Caliphate, 298.

23  Plutôt que « cyclique ». Cf. Meisami, Persian Historiography, 11 (mais voir aussi Tillier, « Traité politique », 150) ; Bietenholz, Historia and fabula, 396. Muntaẓam, xvii, 187 (an 514) ; Kāmil, ix, 191 (cf. également Bāhir, 22-3).

24  Ibn al-Ǧawzī affuble régulièrement Dubays (Nūr al-dawla) du laqab de son père (Sayf al-dawla) ; il n’est pas le seul (par exemple Ibn al-Azraq, Ta’rīḫ, 167).

25 Sibṭ modifie ce passage à la marge : Mir’at, ii, 705 ; Ḏahabī, Ta’rīḫ, 3750 (simplement wa kāna Dubays yaʿǧibuh iḫtilāf al-salāṭīn).

26 Bidāya, xii, 201 à 239.

27 Bundarī, Ta’rīḫ dawlat āl Salǧūq, 115.

28  Matthieu d’Édesse, Chronique, 304 ; Michel le Syrien, Chronique, iii, L. xv, chap. 14, 215 ; L. xvi, chap. 1, 224 ; L. vi, chap. 7, 240-1.

29  Guillaume de Tyr, Chronicon, xii, 9, 4-5 ; xii, 51 ; xvi, 2.

30  Gautier le Chancelier, Bella Antiochena, L. ii, 15, 128-9. Selon Gautier et Guillaume de Tyr (RHC, Occ., I, L. ix, 523), repris par quelques historiens contemporains (Grousset, Histoire des croisades, I, 550 ; Burǧāwī, al-Ḥurūb al-ṣalībiyya fī l-Mašriq, 235), Dubays avait joint ses forces à celles d’İl-Ġāzī, avant la bataille.

31 Ibn al-Ṭiqṭaqa, al-Faḫrī, 282.

32  Toute l’histoire (avec des variantes) : Muntaẓam, xvii, 162-3 (an 512) et 171-2 (an 513) ; Kāmil, ix, 175. Cf. Hannes, Caliphate, 300-2.

33 Ḏahabī, Ta’rīḫ, 3568 (an 512) ; éd. Beyrouth, xxvii, 275.

34 Ibn Ḫallikān,Wafayāt, ii, 223-5 (mais rectifie une erreur d’al-Iṣfahānī et d’al-Mustawfī, qui attribuent faussement à Dubays des vers composés par Ibn Rašīq al-Qayrawānī) ; Ḏahabī, Siyar, xix, 612-3 (n° 359). Supra, note 8 sur la louange d’al-Ḥarīrī.

35  Voir aussi Eddé, « Sources arabes des xiie et xiiie siècles », 296.

36 Buġya, vii, 3486-7. Ṣafadī, Wāfī, 13512-13513 (notice d’al-Mustaršid), met également fortement en cause Dubays, au moins indirectement. Il rapporte notamment que le Bagdadi (Ibn al-Dulaf) dont Abū l-Ḥasan fit son vizir, lorsqu’il prit le titre d’al-Mustanǧid bi-llāh, se trouvait à al-Ḥilla (notice d’Abū l-Ḥasan).

37  Abū l-ʿAlā’ Muḥammad al-Naysābūrī al-Ġaznawī, m. après raǧab 547/2-31 octobre 1152, date à laquelle al-Samʿanī le rencontra à Balḫ. Son Kitāb sirr al-surūr (apparemment disparu) était considéré comme une référence en matière de poètes contemporains. Cf. la courte notice qu’al-Ṣafadī lui consacre (Wāfī, éd. Wiesbaden, v, 7).

38  Événements contés par Bosworth et Hannes, op. cit. Cf. également, dans l’EI2a, « Saldjūḳides », viii, 936 sqq. et les articles consacrés à chacun des protagonistes – vi, 63 (Maḥmūd) ; vi, 782 (Masʿūd) ; vii, 407 (Muḥammad) ; vii, 733-6 (al-Mustaršid) ; ix, 15-7 (Sanǧar) ; x, 554 (Ṭoġril II).

39 Hillenbrand, « al-Mustarshid », EI2a, vii, 733.

40 Kāmil, ix, 193 et Bāhir, 26 et n° 1 (l’envoyé est le Šayḫ al-šuyūḫ Ṣadr al-dīn Ismāʿīl b. Abī Saʿd al-Ṣūfī) ; Muntaẓam, xvii, 187 ; Sibṭ, Mir’at, ii, 705 et n° 3.

41 Kāmil, ix, 193. Cf. Sibṭ, op. cit., 704 sq.

42 ʿAẓīmī, Ta’rīḫ, 370 ; Ḏayl, 322 ; al-Ḥusaynī, Aḫbār al-dawla al-salǧūqiyya, 96-7 ; al-Mustawfī, Histoire des Seldjoukides, 344 (ne fait pas même état du décès de Dubays, quelques années plus tard) ; Bundarī, Ta’rīḫ āl Salǧūq, 125 ; Ibn Taġrībirdī, al-Nuǧūm al-ẓāhira, v, 220.

43 Muntaẓam, xvii, 186 (ces déprédations décident le calife à envoyer la lettre dont il est question ; noter la nouvelle confusion Sayf al-dawla Ṣadaqa/Nūr al-dawla Dubays) ; Sibṭ, op. cit., 702-5.

44 Kāmil, ix, 176 et suivantes sur les retournements d’alliances qui marquèrent les années 512-514 ; 191.

45  Après la défaite infligée par Sanǧar à son neveu Maḥmūd, en 513/1119, c’est Dubays qui aurait fait dire au calife al-Mustaršid de faire proclamer la ḫuṭba au nom de Sanǧar, à Bagdad, ce qui est fait le 26 ǧumādā I 513/4 septembre 1119 (Kāmil, 184) ; c’est encore Dubays qui aurait envoyé des troupes empêcher Mankubars, qui avait pris la fuite après cette même défaite, de pénétrer à Bagdad (ibid., 187). On peut même comprendre qu’un lieutenant de Dubays faisait plus ou moins fonction de šiḥna d’Iraq avant que Sanǧar ne nommât Muǧāhid al-dīn Bahrūz.

46 Ibid., 192 ; Muntaẓam, xvii, 186 et Sibṭ, Mir’at, ii, 702-3.

47  Ḏahabī, Ta’rīḫ, 3570 (il n’est pas du tout question de Dubays).

48 ʿAẓīmī, Ta’rīḫ, 370 ; Ḏayl, 322, 323 (presque identique).

49 Muntaẓam, 187 à 198 pour tout ce qui suit.

50  Cf. Ephrat, A learned Society, 24, 229. Sur ce quartier, voir aussi EI2a, iv, 652-3.

51 Makdisi, « The Sunnī revival », 155-168 ; Bulliet, Islam : The View from the Edge ; Tabbaa, The Transformation of Islamic Art, 17 sqq. Cf. Berkey, The Formation of Islam, chap. 20, 189-202.

52 Sibṭ b. ǧawzī, Mir’at, ii, 705. Plus sobre : Ibn al-‘adīm, Buġya, vii, 3479.

53 Muntaẓam, 187 ; Mir’at, 705-6 ; Kāmil, ix, 193 ; Buġya, loc. cit. ; Zubda, i, 399.

54  Les événements paraissent s’accélérer jusqu’à la bataille d’al-Nīl (muḥarram 517/mars 1123). Ni Ibn al-Ǧawzī, ni Ibn al-Aṯīr, ni Sibṭ b. al-Ǧawzī, pour ne citer que les principaux chroniqueurs, ne réussissent à en proposer un récit clair. Même Ibn al-ʿAdīm, dans la Buġya, livre deux versions assez distinctes (3479-80 et 3482 sq.).

55 Kāmil, ix, 194. Autres participants : cf. Ibn al-Azraq (note suivante).

56  L’émir Kundoġdī (ou Kün-Toġdī) avait remplacé l’atabeg de Ṭoġril, Šīrġīr, lorsqu’il avait été fait prisonnier après la mort du sultan Muḥammad (le père de Ṭoġril), en 511/1118. Ṭoġril s’était vu attribuer par ce dernier une partie de la province de Ǧibāl, avec les villes de Sāwa, Qazwīn, Abhar, Zanǧān, Ṭālaqān, etc. Cf. EI2a, x, 554 ; Bosworth, « Political and Dynastic History », 123 ; Suny, Georgian Nation, 36 ; Golden, « Nomads », 47-8.

57 Ḏayl, 326 (et Zubda, i, 400), affirme par exemple que Ṭoġril organisa l’expédition du fait des attaques des Géorgiens ; il sollicita et obtint l’appui d’İl-Ġāzī, des Turcomans et de l’émir Dubays. Ibn al-Qalānisī, ʿAẓīmī (Ta’rīḫ, 371) et Ibn al-ʿAdīmparaissent vouloir d’abord minimiser la déroute. Voir Hillenbrand, « İl-Ghāzī », 269 et note 94.

58 Ibn al-Azraq, Ta’rīḫ, 150-3, repris par Sibṭ, op. cit., 740-2. Voir également Hillenbrand, « İl-Ghāzī »,265 note 68; Matthieu d’Édesse, Chronique, 303 ; Minorsky, « Caucasica in the History of Mayyāfāriqin », 27-35 et « Tiflīs », EI2a, x, 478 .

59 Hillenbrand, « İl-Ghāzī », 270, 279 sqq. (accorde un grand crédit à Ibn al-Azraq). Sources géorgiennes : Brosset, Histoire de la Géorgie, 366 ; Suny et Golden, op. cit., index.

60 Ibn Šaddād, al-Aʿlāq al-ḫaṭīra, 325 ; Zubda, ii, 401 ; Matthieu d’Édesse, Chronique, 304.

61  Auteurs géorgiens : Eastmond, Royal Imagery, 70. Ǧihād contre les Francs : Sivan, L’islam et la croisade, passim.

62 Kāmil, ix, 214.

63  Le Muntaẓam (xvii, 204-5) est le plus précis.

64 Muntaẓam, 206-7 ; Kāmil, 214-5, 216-7 ; Buġya, loc. cit.

65  L’expression est de Hannes, Caliphate, 314. Le calife se déplaçait avec son nouveau vizir, Aḥmad b. Niẓām al-mulk, les deux naqīb-s de Bagdad, le qāḍī l-quḍāt al-Zaynabī, des Hachémites, etc…

66 Muntaẓam, 207 ; 216-7. Récit « cohérent » dans la Buġya, vii, 3480. Comparer à Kāmil, 219-221 et Bāhir, 25-6 (ton très religieux) ; Ḏahabī, Ta’rīḫ, xxvii, 297-8 (concis ; al-ʿaǧūz brièvement mentionnée) ; Ibn Ḫaldūn, Ta’rīḫ (al-Ǧumaydī), 1256 (sobre ; récit ayant la forme d’un communiqué, organisé de manière à donner de la cohérence aux pérégrinations de Dubays).

67  Critique de l’indolence ou de la richesse de ceux qui mangent ces mets raffinés/coûteux (car faits avec de la farine blanche) ?

68  Dans le Bāhir d'Ibn al-Aṯīr (25-6), le calife est entièrement vêtu de noir, porte la burda du Prophète sur les épaules et brandit son épée.

69  Il est possible qu’il soit ici simplement question du cours d’eau appelé nahr ʿAtīq.

70 Naṣʿad al-ʿAtīq, jeu de mot ; il renvoie au nahr ʿatīq dont il vient d’être question et joue sur la polysémie de ʿatīq (Ibn Manẓūr, Lisān al-ʿarab, s. v.).

71  Pour la première fois, Ibn al-Ǧawzī semble évoquer ses sources.

72  Traduction incertaine. Texte identique dans le Kāmil, 221 ainsi que dans le Ġurar al-ḫaṣā’iṣ al-wāḍiḥa (éd. alwaraqa.net, 203) de Rašīd al-dīn Waṭwāṭ (m. en 573/1177-8 ou en 578/1182-3), et très proche dans la Buġya (ci-dessous). La traduction a également posé problème à Richards, The Chronicle of Ibn al-Athir, 244 et note 7, qui a traduit « selon le contexte ». Les mêmes tournures sont utilisées dans l’introduction géographique de la Buġya, i, 56 ; elles renvoient là encore à un retour pour le moins « miraculeux ».

73  Cf. Nakash, The Shi’is of Iraq, 186 et index ; Richards, The Annals of the Saljuq Turks, 113, n° 118 ; Kāmil, ix, 220 (précise : « et ils pillèrent le mašhad de Bāb al-Ṭibn »).

74  Selon certaines interprétations sunnites, cela valait la mort : « Ṣaḥāba », EI2a, viii, 827.

75 ‘Aẓīmī, Ta’rīḫ, 372 ; Ibn al-qalānisī, Ḏayl, 330-1 (ne mentionne pas le pillage du cimetière).

76 Kāmil, ix, 225. Les deux hommes sont accusés d’espionner pour le compte de Dubays. Sur le poète Ibn Aflaḥ, qui pratiquait l’invective avec art, voir Gelder, « Ibn Aflaḥ », 360-361 ; id., The Bad and the Ugly, 112.

77 Muntaẓam, ibid. Sur eux : EI2a, x, 161 (Ṭalḥa) et xi, 548 (al-Zubayr).

78  Matthieu d’Édesse, Chronique, 304.

79  Cité par Sivan, L’islam et la croisade, 43 et note 16.

80 Buġya, vii, 3485-6. Sur Zubayda : EI2a, xi, 547.

81 Galand-Pernet, « La vieille et la légende des jours d’emprunt au Maroc », 29-94 ; « Ḥā’iṭ al-ʿadjūz », EI2a, iii, 71.

82 Muntaẓam, xvii, 217 ; Kāmil, ix, 221 ; Mir’at, viii, 1, 110 (elle était en train de laver des vêtements).

83 Kāmil, ix, 221.

84 Buġya, 3479. Sur les Ġuziyya et les Muntafiq (des ʿUqaylides), voir EI2a, vii, 581.

85 Muntaẓam, xvii, 219-220 (résumé par Sibṭ, op. cit., 111).

86 Kāmil, 221.

87  Tentatives de reconstitution du siège : Grousset, Histoire des croisades, i, 627-631 (suit surtout Ibn al-ʿAdīm) ; Cahen, Syrie du Nord, 299-300 (essaie de concilier les sources) ; Setton (éd.), Crusades, I, 423-5 (cohérent ; l’activité de Dubays est soulignée) ; Asbridge, Antioch, 85, 87 (sommaire) ; al-Ṣallābī, Dawlat al-salāǧiqa, 648 (suit Ibn al-Aṯīr) ; Yared-Riachi, Damas, 148 (suit Ibn al-ʿAdīm).

88 Ibn al-Aṯīr, op. cit., 229-30. Même idée dans la Chronique de Michel le Syrien, iii, L. lxvi, chap. 1.

89  Foucher de Chartres, Historia, 468-70 (ne fait pas même allusion à Dubays) ; « The First and Second Crusades from an Anonymous Syriac Chronicle », 96. Voir aussi Sivan, L’islam et la croisade, 42-3 (Ibn Abī Ṭayyi’).

90 Zubda, i, 399, 401. Cf. Hillenbrand, « Diyār Bakr », 134 et « İl-Ghāzī », 278.

91  Le 3 šawwāl 516/5 décembre 1122, selon le Muntaẓam (xvii, 209-10), al-Bursuqī fit exécuter neuf individus dont on disait qu’ils étaient des « Alépins et des Syriens » et qu’ils avaient été envoyés par Dubays pour l’assassiner.

92 Zubda, i, 402 et suivantes ; Cahen, Syrie du Nord, 293-301.

93 ʿAẓīmī dans la Buġya, vii, 3483 ; Buġya, iv, 1963 ; Zubda, i, 419.

94 Buġya, vii, 3481 (Josselin), 3480 (Josselin et Baudouin) ; Zubda, i, 418.

95 Ta’rīḫ d’Ibn al-Furāt cité par Sivan, L’islam et la croisade, 43 et 56 note 16.

96 Buġya, vii, 3488.

97  Cf. Buġya, iv, 1963 ; Zubda, i, 420 : « Sulṭān Šāh b. Riḍwān » rejoint Baudouin, Josselin et Dubays devant Alep. ʿAẓīmī, Ta’rīḫ, 374 : Sulṭān était prisonnier de Timurtāš, à Mārdīn ; il s’enfuit auprès de Dā’ūd.

98 Ibid., vi, 3481 ; ʿAẓīmī, Ta’rīḫ, 374-5 ; Bustān, 119-120 (ne mentionne pas Sulṭān Šāh).

99 Buġya, iv, 1964.

100 ʿAẓīmī dans la Buġya, vii, 3483-4 ; Matthieu d’Édesse, Chronique, 314-5, qui confond Dubays et son père Ṣadaqa. Pour lui, l’impulsion vint de Baudouin et de Josselin, ce dernier se faisant le relais privilégié des Francs auprès de Dubays dont il devint l’ami. Noter qu’il parle aussi, parmi les assiégeants, du « sultan de Mélitène, fils de Qiliǧ Arslān », soit Ṭoġril Arslān ; Zubda, i, 420-1, précieux concernant l’emplacement choisi par les uns et par les autres.

101  « The First and Second Crusades from an Anonymous Syriac Chronicle », 96.

102  Intéressant extrait de la Buġya cité par Eddé et Micheau, « Sous les murailles d’Alep », 71.

103 Buġya, 3481.

104 Zubda, i, 424.

105  Sur ce frère du sultan Maḥmūd, maître de l’Iraq de 526 à 529/1132 à 1134, voir EI2a, x, 554.

106 Muntaẓam, xvii, 228 (an 519) ; Kāmil, ix, 230.

107 Muntaẓam, 224 (an 518/1124-5), 228-9 (an 519/1125-6) ; Kāmil, ix, 232-3 (an 519)

108 Kāmil, 247-8 ; Muntaẓam, 229.

109  « Sanǧar avait livré Dubays à sa fille, la femme de Maḥmūd. C’est elle qui le protégeait » (Muntaẓam, 244). Voir aussi Kāmil, 249 ; Ibn al-Furāt, Ta’rīḫ, i, 14.

110 Muntaẓam, 244 – apparemment en ramaḍān 521/10 sept. 1127 – 9 oct. 1127. Son retour : ibid., 249 (an 522).

111 Muntaẓam, 249 ; Kāmil, op. cit. ; Buġya, vii, 3439.

112 Ibn al-Ǧawzī détaille l’opposition entre Maḥmūd et al-Mustaršid sous les années 520-521/1126-8 : op. cit., 231-7 ; 241 à 245 ; Hannes, Caliphate, 323-5.

114 Kāmil, 249 ; Ibn al-Furāt, Ta’rīḫ, i, 12-3 (plus détaillé).

115 Kāmil, 241-4, selon lequel Zangī entre à Mossoul en ramaḍān 521/10 sept.-9 oct. 1127 ; ʿAẓīmī, Ta’rīḫ, 377 (10 ramaḍān/19 septembre) ; Muntaẓam, 252. Cf. Buġya, », viii 3845-57 ; Hillenbrand, « Zengi », 11-32 ; Zouache, « Zangī », 63-93.

116 Muntaẓam, xvii, 253 ; Kāmil, 249-50. Coran, lii, liv, xxxviii ou même ix, 34.

117 Muntaẓam, 254.

118 Kāmil, 250.

119 Ibid., 258-9 ; récit notamment repris par Ibn al-Furāt, Ta’rīḫ, i, 161 et suivantes. Voir également Bāhir, 46-7.

120  Zangī s’était traîtreusement saisi de Sawinǧ b. Būrī et des émirs qui l’accompagnaient, peu auparavant.

121 Sibṭ, Mir’at, viii, 1, 135.

122  Noter que Sibṭ (loc. cit.) cite Ibn al-Qalānisī en le travestissant de manière à ce qu’il soit bien question de Ṣarḫad.

123 Ḏayl (Amedroz), 230-1. Voir également Ibn Abī Ṭayyi’ dans Ibn al-Furāt, op. cit., 164. Sur l’ancienneté de l’opposition Zangī/Dubays, voir Ibn al-Aṯīr, Bāhir, 24-5.

124  Des réseaux entremêlés – cf. « The First and Second Crusades from an Anonymous Syriac Chronicle », 81 et note 1 (excellentes relations Josselin/Qalʿat Ǧaʿbar).

125 ʿAẓīmī, Ta’rīḫ, 384.

126 Zubda, ii, 442-5, et Buġya, vii, 3489, où Ibn al-ʿAdīm cite ses sources : Badrān b. Ḥusayn b. Mālik et Abū ʿAlī al-Ḥasan b. Muḥammad b. Ismāʿīl al-Nīlī. Noter que Badrān affirme que Dubays fut « acheté » par Zangī cent mille dinars.

127  Ṣafadī, Wāfī, 10984-10985.

128  Dans le Siyar, Ḏahabī revient également (mais plus brièvement) sur ses pérégrinations syriennes : 2551.

129  Dans Ibn al-Furāt, Ta’rīḥ, i, 131. Dubays Ier avait, en son temps, participé à la coalition anti-seldjouqide suscitée par les Fatimides autour d’al-Basāsīrī : Canard, EI2a,  i, 1073-4 ; Klemm, Memoirs of a Mission, 82.

130  Récit de ces luttes par Hannes, Caliphate, 325 et suivantes, qui s’appuie sur le Muntaẓam et le Kāmil. Voir également Ibn al-Furāt, Ta’rīḫ, i, 261 sq., passim.

131 Kāmil, ix, 265 ; Sibṭ, Mir’at, viii, 1, 140 (légèrement différent) ; Voir également Ibn al-Furāt, Ta’rīḫ, i, 194-5 et 216 (sur la suite des événements) ; Ibn Wāṣil, Mufarriǧ, i, 50.

132 Muntaẓam, xvii, 276 (quatre-vingt jours de siège intensifs ; il nomme Aḥmadīlī al-Aḥmadīkī) ; Kāmil, ix, 270 (près de trois mois de siège) ; Voir également Bāhir, 47-8 ; Ibn al-Azraq, Ta’rīḫ, 64 ; Ibn Wāṣil, Mufarriǧ, i, 52-3 ; Hannes, op. cit., 330-331.

133  Cette focalisation et les ambiguités qui en découlent sont soulignées par Hannes, op. cit., 333.

134  Ces dates sont celles du Muntaẓam, 298, suivi par le Kāmil, 383 (al-Mustaršid) ; Muntaẓam, 303 (Dubays). Pour ce qui est de l’assassinat d’al-Mustaršid, Ibn Abī Ṭayyi’ parle du mardi 12 ḏū l-qaʿda /24 août puis du 13 ḏū l-qaʿda/25 août, Ibn al-Qalānisī et al-Bundarī du 18 ḏū l-qaʿda/20 août. Cf. Ibn al-Furāt, Ta’rīḫ al-duwal, i, 265 et n°1. Voir le récapitulatif d’Hillenbrand, éd. du Ta’rīḫ d’Ibn al-Azraq, 169 n°123 et les analyses de la même historienne, « al-Mustarshid », EI2, vii, 734-5. Quant à Dubays, Ibn Ḫallikān (loc. cit.) propose le mercredi 14 ḏū -ḥiǧǧa 529/25 septembre 1135, de même qu’Ibn al-ʿAdīm dans la Buġya (vii, 3492), Sibṭ (op. cit., viii, 1, 154) le 20/1er octobre ; Ibn al-Azraq, Ta’rīḫ, 70 n°1.

135  Sanǧar : par exemple Ibn Abī Ṭayyi’, Maʿādin al-ḏahab, dans Ibn al-Furāt, op. cit., 265 ; Ibn Diḥya, al-Nibrās fī Ta’rīḫ Banī l-ʿAbbās, dans ibid., 266 (Ibn Kaṯīr, Bidāya, xii, 185-6, prend quant à lui soin de disculper Sanǧar). Masʿūd : voir Ibn al-Ṭiqṭaqa, al-Faḫrī, 283. Plus généralement, voir Hillenbrand, op. cit., 735.

136 Muntaẓam,305.

137 Kāmil, ix, 285 (souvent repris, par exemple par Barhebraeus, Ta’rīḫ muḫtaṣar al-duwal, 204 ; Sibṭ, loc. cit.

138  Texte imprimé (loc. cit.) : ʿalā bāb surādiqa bi-ẓāhir madīna Ḫuwā. Éd. alwaraq.net, 2003 : ʿalā bāb surādiqih bi-ẓāhir bāb Ḫūnaǧ. Selon Yāqūt (Muʿǧam, s. v. Ḫūnā et Ḫūnaǧ), Ḫūnāǧ et Ḫūnā ne faisaient qu’un. Elle se trouvait en Azarbaïdjan, entre Marāġa et Zanǧan (à deux jours de route de cette dernière), sur la route d’al-Rayy.

139 Bidāya, xii, 185-6 (assassinat d’al-Mustaršid) et 187 (exécution de Dubays).

140 Ibn al-Azraq, Ta’rīḫ, 167 ; Bundarī, Zubdat al-nuṣra, 178-9 ; Ibn Ḫallikān, Wafayāt, ii, 225 (repris par Ibn al-Furāt, op. cit., 267) ; Ibn Abī Ṭayyi’, Maʿādin al-ḏahab, dans Ibn al-Furāt, op. cit., 276. Cf. également Bundarī,Ta’rīḫ Āl Salǧūq, 166.

141 Ibn Abī Ṭayyi’, loc. cit. ; Buġya, vii, 3492-3 ; Sibṭ, loc. cit. et 155 (cite al-Iṣfahānī, selon lequel Dubays fut tué par Masʿūd alors qu’il était attaché).

142 Buġya, vii, 3849.

143  Le texte est ici peu clair : wa ḥaḏḏarah al-nās fa-lam yafʿal fa-waṣala.

144 Michel le Syrien,Chronique, iii, Liv. xvi, chap. vii, 241.

145  Cf. De Certeau, de, Histoire et psychanalyse entre science et fiction, 54.

146 Cooperson, « Probability, Plausibility and “Spiritual Communication” », 69.

147   Une « dimension constitutive de l’histoire », selon l’expressioni de C. Croizy-Naquet, « Quand la fiction se mêle à l’histoire », conclusion.

148 Canova, « Une analyse de l’altérité dans la tradition épique arabe », 237 et note 11 ; Heath, « Other Sīras and Popular Narratives », 320 et passim. Cf. aussi Lewis, « Perceptions musulmanes de l’histoire et de l’historiographie », 81.

149  Dupront, Le mythe de croisade, II, 980.

150 Dabashi, Truth and Narrative, 414, 448, 508-509..

151  Cf. Gaucher, « Le vrai et le faux », 213 sq. ; al-Azmeh, « Histoire et narration », 412 sqq. ; Jacquemond (dir.), Écrire l’histoire de son temps (discussion des travaux de Barthes, Ricœur, White et Genette).

152  Bianquis, « L‘ânier de village», 97-101 (citations) et passim.

153  Boschetti,La poésie partout. Apollinaire, homme-époque (1898-1918).

154  En gras, les émirs régnant. D’après Bosworth dans EI2a, vi, 965 ; id., The New Islamic Dynasties, 87-8.

155  Ibid.

156  Cf. al-Zirkilī, al-Aʿlām, iii, 12.

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Table des illustrations

Titre Table généalogique des Banū Mazyad 154
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Pour citer cet article

Référence papier

Abbès Zouache, « Dubays B. Ṣadaqa (m. 529/1135), aventurier de légende. Histoire et fiction dans l’historiographie arabe médiévale (vie/xiie-viie/xiiie siècles) »Bulletin d’études orientales, Tome LVIII | 2009, 87-130.

Référence électronique

Abbès Zouache, « Dubays B. Ṣadaqa (m. 529/1135), aventurier de légende. Histoire et fiction dans l’historiographie arabe médiévale (vie/xiie-viie/xiiie siècles) »Bulletin d’études orientales [En ligne], Tome LVIII | Septembre 2009, mis en ligne le 01 septembre 2010, consulté le 26 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/beo/65 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/beo.65

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Auteur

Abbès Zouache

Chercheur Associé au Ciham (Lyon)

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