Navigation – Plan du site

AccueilNumérosTome LXAḥmad al-Zaʿtar ou le mystère de ...

Aḥmad al-Zaʿtar ou le mystère de la totalité

De la quête de la terre à la quête de l’absolu
Aḥmad al-Zaʿtar or the Mystery of Totality: from the Quest for Land to the Quest for Absolute
أحمد الزعتر أو سرّ الكمال : من البحث عن الأرض إلى البحث عن المطلق
Tahrir Salah
p. 271-288

Résumés

Comment surmonter l’angoisse devant l’irrévocable ? Comment échapper à la tentation de l’abîme et des ténèbres ? La réponse de Mahmoud Darwich dans « Aḥmad al-Zaʿtar» est la même que celle que l’imaginaire humain nous livre depuis la nuit des temps : on transcende la mort soit en la convertissant en ascension soit en l’euphémisant par la promesse d’un éternel retour. Ainsi le poète condense-t-il dans cette élégie les symboles et les archétypes de l’ascension (échelles, oiseaux, montagnes…) et les figures de l’éternel retour (le Phoenix, Osiris et Rebis, la pierre de l’immortalité).

Haut de page

Texte intégral

  • 1 Dīwān Maḥmūd Darwīš, Beyrouth, Dār al-Awdat, 1984, vol. 1 [désormais DMD], p. 595-608 ; traduction (...)

1L’élégie de Mahmoud Darwich intitulée « Aḥmad al-Zaʿtar1 » est parue en 1977 dans le recueil Aʿrās (Noces). Le personnage éponyme y symbolise les Palestiniens du camp de Tall al-Zaʿtar, au nord-est de Beyrouth, qui, assiégés puis pris d’assaut par les milices chrétiennes, furent près de deux mille à succomber en 1976.

  • 2 Ṣubḥī al-Ḥadīdī (2008) considère cette alternance du lyrique et de l’épique qui caractérise non seu (...)
  • 3 Hamburger 1986, p. 72-238.

2Ce touchant chant de deuil alterne l’épique et le lyrique2. L’épique s’y manifeste par l’activation de la fonction référentielle du langage à travers la narration, la description, le didactisme et l’emploi de la troisième personne, et le lyrique par le biais de la fonction émotive du langage, l’usage de la première personne et la théâtralisation du texte à travers l’instauration du dialogue et de ses actes de langage : demander, répondre, interpeller3.

3Pour contourner la mort qui guette son personnage, le poète condense les symboles et les archétypes de l’ascension ainsi que les figures de l’éternel retour et de l’immortalité. Ces dernières opèrent discrètement par des réseaux d’identification translinéaires et simultanés selon les axes suivants : Aḥmad-l’assiégé ; Aḥmad-le Phoenix ; Aḥmad-Osiris ; et Aḥmad-l’alchimiste. La richesse du texte réside dans le croisement des données de ces quatre axes.

  • 4 Éliade 1995, p. 159.
  • 5 Haubaux et Leroy 1939, p. 12-13.
  • 6 Éliade 1995, p. 148.

4L’androgynie du personnage, à titre d’exemple, fait écho à celle d’Osiris qui est androgyne comme toute divinité végétale4, mais aussi à celle du Phoenix, ni mâle ni femelle5, et enfin à celle de la pierre philosophale appelée « Rebis6 », c’est-à-dire l’être double.

  • 7 Éliade 1994, p. 261-262.

5Le dernier axe englobe les trois premiers. Ainsi les épreuves que traverse le personnage deviennent symboliquement les transmutations pour réaliser le Grand Œuvre dans son acception mystique c’est-à-dire l’illumination et la vérité absolue : les transformations physiques de la matière seraient les représentations des modalités des rites ancestraux dans leur trame universelle, torture-mort initiatique et résurrection.7

6Nous évoquerons constamment le croisement des données de ces trois mythes dans la suite de notre analyse, où nous étudierons d’abord les figures du chaos et de la mort investies dans le poème. Nous verrons ensuite comment l’irrévocable est contourné par l’imaginaire de l’ascension et par la promesse de l’éternel retour. Nous nous interrogerons enfin sur l’objet de la quête du personnage : est-il à la recherche d’une terre ou à la recherche de l’absolu ?

7En ce qui concerne le cadre théorique de cette étude, les travaux de Gilbert Durand, et notamment son ouvrage Les structures anthropologiques de l’imaginaire, nous ont aidé à classer la multiplicité incroyable des symboles et des archétypes que le texte exploite, sans oublier l’apport intéressant des travaux de Mircea Éliade.

Les figures du chaos et de la mort : Aḥmad al-Zaʿtar guetté par la tentation de l’abîme

La naissance d’Aḥmad : un triomphe sur le chaos

  • 8 DMD, p. 595 ; RQA, p. 166.
  • 9 Durand 1992a, p. 123.

8Le récit de la vie d’Aḥmad l’assiégé s’ouvre sur une scène presque mythique. D’abord, sa naissance mystérieuse de la blessure (al-ğurḥ)8, de la matrice d’une abeille (naḥla) qui est connotée érotiquement dans l’ensemble de l’œuvre du poète. Une naissance certes hors du commun, mais vécue et pensée en termes de chute, d’où « descendant» (nāzilan), se rapprochant ainsi de la naissance du commun des mortels9 :

« Le mouvement trop brusque que la sage-femme imprime au nouveau-né, les manipulations et les dénivellations brutales qui suivent la naissance seraient en même temps que la première expérience de la chute la première expérience de la peur. »

  • 10 DMD, p. 595 ; RQA, p. 166.
  • 11 Le chaos est souvent représenté par des tourbillons d’eau ou par un océan sans fin (Cazenave 1996, (...)

9Cette métaphore qui rapproche la naissance de la chute se révèle donc angoissante et solidaire des symboles des ténèbres et de l’agitation : « la séparation de la mer d’avec les cités de cendres » (infiṣālu l-baḥri ʿan muduni l-ramād)10 annonce ensuite la fin du chaos où toutes les formes sont fondues dans l’abîme marin11.

  • 12 Éliade 1989, p. 70.

10En faisant coïncider la naissance d’Aḥmad avec la fin du chaos cosmique, le poète fait opérer discrètement la mythologie mésopotamienne où le chaos représenté par la déesse Tiamat s’ordonnera grâce à son fils Marduk12.

Le triomphe du détail : un retour à l’amorphe

  • 13 DMD, p. 595 ; RQA, p. 166.

11Cette victoire sur le chaos cosmique par l’acte de création que représente la naissance d’Aḥmad est momentanée. Sa naissance est en effet une sortie du chaos vers un autre politisé. Ce retour à l’amorphe est suggéré par le mot « détails » (tafāṣīl) qui apparaît pour la première fois dans la scène inaugurale qu’on vient d’interpréter13 :

Descendant de l’abeille de l’ancienne blessure vers les détails de pays (RQA, p. 166)
nāzilan min naḥlati l-gurḥi l-qadīmi ilā tafāṣīli l-bilād (DMD, p. 595)

12Comme c’est le contour, « la périphérie », qui confère aux objets leurs formes, le lien entre le chaos et les « détails » (al-tafāṣīl) paraît évident et il se confirme par les différentes occurrences de ce dernier qui font ressurgir les récurrences suivantes dans leur entourage verbal :

13- Détails / Eau : « la mer » (baḥr), « les eaux » (miyāh) et « les écumes » (zabad) figurent souvent dans le contexte phrastique de « détails» (tafāṣīl), rappelant discrètement le chaos souvent représenté sous forme de tourbillons d’eau ou d’océan infini. Cet aspect liquide revêt parfois d’autres formes : « sueur » (ʿaraq), voire « sang » (dam).

14- Détails / Séparation : la création se fait soit par fusion, soit par séparation. La séparation est créatrice juste dans la scène décrivant la naissance d’Aḥmad. Ses autres occurrences, « briser » et « se détacher », sont synonymes d’un retour à l’informe et au désordre comme dans l’épisode qui raconte la mort d’Aḥmad :

Les détails insignifiants
Prennent la forme d’une poire
Le pays se détache des bureaux
Les chevaux se détachent des valises (RQA, p. 171)

tattaḫiḏu l-tafāṣīlu l-radīʾatu šakla kummaṯra
wa-tanfaṣilu l-bilādu ʿani l-makātib
wa-l-ḫuyūlu ʿani l-ḥaqāʾib
(DMD, p. 601)

15- Détails / Espace et Corps morcelés : dans les vers précédents, détails (tafāṣīl) s’associe à l’espace politisé, ville/pays (madīnat/bilād), qui est agressif dans toutes ses occurrences car il est lié au désordre, au morcellement et à la mort.

  • 14 Le poète emploie le verbe ḥaddada qui a la même racine que le nom ḥudūd, qui signifie « frontières  (...)

16Ce retour à l’amorphe, aux détails (tafāṣīl), qui caractérise l’espace trouve son écho dans le corps morcelé, « détaillé », d’Aḥmad. Le plus souvent, il s’agit de ses mains, de ses yeux, de ses côtes et rarement d’une entité. Ainsi se trouve-t-il éparpillé, à l’image de ses lieux d’exil. Dans ce jeu de correspondance entre le macrocosme (univers/espace urbain) et le microcosme (le corps humain), ce dernier emprunte à l’espace son vocabulaire : Aḥmad cherche les « limites de ses doigts », il veut déterminer « sa stature et son image » tout en oubliant les « frontières de son cœur14 » :

Je cherche les limites de mes doigts
Toutes d’écumes m’apparaissent les capitales (RQA, p. 169)

abḥaṯu ʿan hudūdi aṣabiʿī
fa-arā l-ʿawāṣima kullahā zabadā
(DMD, p. 598)

Dois-je recourir à ton siège pour déterminer ma stature (RQA, 169)
wa-ltaǧa’tu ilā ḥiṣārin kay uḥaddida qāmatī (DMD, p. 598)

Et je recours à ma saignée pour déterminer mon image (RQA, p. 170)
wa-ltaǧa’tu ilā nazīfī kay uḥaddida ṣūratī (DMD, p. 600)

Dois-je oublier les frontières de mon cœur chaque fois qu’un Cognassier vient à pousser (RQA, p. 169)
a-kullamā nahadat safarǧalatun nasītu ḥudūda qalbī (DMD, p. 599)

17En effet, Aḥmad cherche à abolir la fusion des formes pour échapper à la régression dans l’amorphe et le chaos.

18Les images angoissantes du chaos jouxtent textuellement d’autres images proches sur le plan imaginaire ; celles de la mort symbolisée par l’élément liquide et l’archétype animal.

L’eau qui coule : une figure de l’irrévocable

  • 15 Durand 1992a, p. 104.
  • 16 Cazenave 1996, p. 406.

19L’eau sombre est le doublet des ténèbres qui sont la substance symbolique de la mort. Elle représente un voyage sans retour, car on ne se baigne pas deux fois dans la même eau15 et le premier navigateur est bien la mort, puisqu’on envoyait les cadavres sur des canaux en pleine mer16.

  • 17 Mer/marin (à 5 reprises), vagues (à 2 reprises), écume, sel, eaux, océan, golfe, Barada et Le Nil ( (...)
  • 18 Durand 1992a, p. 108 : « dès qu’elle ondule, la chevelure entraîne l’image aquatique et vice versa. (...)

20« Cendres » (ramād), « balles » (raṣāṣ), « lances » (rimāḥ), « guillotines » (miqṣalat), « funérailles » (al-ganāzat), ces mots qui voisinent dans le poème avec l’élément aquatique17 le confirment dans son caractère mortuaire. Même le féminin qui est implicitement lié à l’eau18 en porte les traces funèbres ; la mère d’Aḥmad :

Le met hâtivement au monde dans une feuille de bananier et se retire (RQA, p. 167 )
lam taliduhu ummuhu illa daqā’iqa fī inā’i l-mawzi wa-nsaḥabat (DMD, p. 596)

21et même son enfantement est vécu comme une régression momentanée dans l’amorphe. Quant à sa femme, elle fend le cœur et l’oignon frais et va rejoindre la violette ; une fleur de cimetière :

Ô ma belle femme, tu fends le cœur et l’oignon
Frais, tu vas rejoindre la violette (RQA, p. 171)

yā mra’atī l-ǧamīlat taqṭaʿīna l-qalba wa-l-baṣal
al-ṭariyya wa taḏhabīna ilā l-banafsağ
(DMD, p. 602)

  • 19 La traduction proposée par Elias Sanbar (ADS, p. 134) : « les cailloux ont une sueur et un miroir » (...)

22Par ailleurs, la surface de l’eau est le premier miroir, ce qui explique le côté funèbre de ce dernier. Les croyances populaires ne disent-elles pas qu’il retient l’âme ou la force vitale de l’homme qui le regarde ? Rêver d’un miroir n’est-il pas un présage de mort ? Cela ne laisse donc aucun doute sur le motif du miroitement19 des cailloux dans la séquence qui narre l’agonie d’Aḥmad :

Les cailloux suent et miroitent (RQA, p. 171)
li-l-ḥaṣā ʿaraqun wa-mirʾātun (DMD, p. 602)

  • 20 DMD, p. 597 ; RQA, p. 167.
  • 21 Cazenave 1996, p. 240.

23Et encore une fois, l’imaginaire mortuaire de l’aquatique va se greffer sur un autre symbole, sur l’étoile que la surface d’eau sombre reflète. Au début du siège, en annonçant qu’Ahmad était « le pas-l’étoile » (wa-kāna l-ḫuṭwata l-naǧmata)20, le poète révèle au lecteur la fin tragique de son personnage puisque dans de nombreuses mythologies, l’étoile symbolise l’âme des morts admis au ciel21.

L’archétype animal ou la fuite de l’animal humain devant la mort

  • 22 Du grec thêrion, « bête sauvage. »
  • 23 Durand 1992a, p. 80-81.
  • 24 Durand 1992a, p. 71-78.

24Les symboles thériomorphes22 font partie de l’univers de Darwich. Dans notre élégie, au moment où le personnage est à l’agonie, un cheval apparaît, car il est symboliquement lié à la mort. Ainsi au Moyen-Âge, on appelait la civière « le cheval de Saint-Michel » et en persan, un cercueil est dit « cheval en bois23 ». Ce côté funèbre qui caractérise le cheval et l’archétype animal en général s’explique par son mouvement rapide qui consiste à compenser un changement soudain par un autre. C’est ce que l’imaginaire va retenir de l’animalité car les premières expériences angoissantes de l’enfance sont liées au changement : la naissance, la manipulation de la mère ou de la sage-femme, le sevrage et plus tard la mort24.

  • 25 DMD, p. 602 ; RQA, p. 171.

25Par ailleurs, tout ce qui fourmille dans cette élégie peut se lire comme un symbole de mort et de chaos : les « deux papillons » (al-farāšatayn) entre lesquels Ahmad est « oublié », « l’abeille » (al-naḥla) d’où il « descend » et les « mouches saisonnières » (al-ḏubāb al-mawsimiyy) « qui escaladent sa blessure25 » ; et cela au premier degré de lecture, car nous verrons plus loin que le poète joue sur la polysémie qui caractérise le symbole pour créer un texte qui offre une nouvelle interprétation à chaque degré de lecture.

L’ascension ou la promesse d’un éternel retour : Aḥmad al-Zaʿtar face à l’irrévocable

26Comment Aḥmad surmontera-t-il l’angoisse devant l’irrévocable ? Comment échappera-t-il à la tentation de l’abîme et des ténèbres ? La réponse de Darwich est la même que celle que l’Imaginaire humain nous livre depuis la nuit des temps : on transcende la mort soit en la convertissant en ascension, soit en l’euphémisant par une promesse d’un éternel retour.

L’imaginaire de l’ascension pour convertir l’irrévocable : oiseaux, échelles, montagnes, ciel… pour Aḥmad

  • 26 Durand 1992a, p. 46-51.

27La valeur positive de l’ascension trouve son explication dans la réflexologie betcherevienne qui étudie le cerveau du nourrisson, son mode d’adaptation et son caractère pulsionnel et social26. Pour le jeune enfant, « se mettre debout » est perçu d’une manière privilégiée, d’où le traumatisme enfoui que la chute provoque pendant l’apprentissage de la marche et dont l’être humain garde toujours la trace. Sur le plan imaginaire, un ensemble d’images va consteller autour des gestes constitutifs des réflexes posturaux : la verticalisation, la libération de la main droite et la vision, car l’image est modelée non seulement par l’environnement social et cosmique, mais aussi par les grands réflexes, postural, nutritionnel et érotique :

  • 27 Durand 1992a, p. 38.

« L’imaginaire n’est rien d’autre que ce trajet dans lequel la représentation de l’objet se laisse assimiler et modeler par les impératifs pulsionnels du sujet, et dans lequel réciproquement, les représentations subjectives s’expliquent par les accommodations antérieures du sujet au milieu objectif27. »

28Ainsi dans cette élégie, Aḥmad s’élève pour cicatriser son rêve, pour transcender « la sécheresse du pain et de l’eau confisquée », pour échapper à « l’air marin de l’abîme » et pour contourner le « cheval » de mort « perdu sur le chemin de l’aéroport » :

Je monte de la sécheresse du pain et de l’eau confisquée
D’un cheval perdu sur le chemin de l’aéroport
Je monte de l’air marin (RQA, p. 172)

wa-aṣʿadu min ǧafāfi l-ḫubzi wa-l-mā’i l-muṣādar
min ḥiṣanin ḍāʿa fī darbi l-maṭār
min hawā’i l-baḥri aṣʿad
(DMD, p. 602-603).

  • 28 Selon Gilbert Durand, il y a deux régimes du symbolisme, diurne et nocturne, fondés sur une tripart (...)

29Le régime diurne28 de l’image dont les symboles de l’ascension font partie fonctionne par anti-phrase, d’où la récurrence de « monter » dans le passage qui suit la mort d’Aḥmad.

30Le schème verticalisant travaille aussi le poème implicitement à travers les symboles et les archétypes ascensionnels. Le ciel et ses luminaires y constituent un axe d’opposition terrestre/céleste : pas-ruelle-sables/ciel-azur-étoile. Toutes ces oppositions octroient à Aḥmad un côté céleste ; la ressemblance n’est-elle pas le lot des sables tandis que lui est voué à l’azur ?

Les sables se ressemblent , mais ne te ressemble que l’azur (RQA, p. 168)
inna l-tašābuha li-l-rimāli wa-anta li-l-azraq (DMD, p. 598)

  • 29 DMD, p. 604 ; RQA, p. 173.
  • 30 DMD, p. 604 ; RQA, p. 173.
  • 31 DMD, p. 603 ; RQA, p. 172.

31Ceci traduit une volonté de conjurer le sort et de dépasser le terrestre aliénant vers l’au-delà lumineux. « Les soleils à venir » (al-šumūs al-muqbila)29 effacent l’image du « corps ensanglanté » (al-ğasad al-muḍarrağ)30 qui les précèdent et illuminent le visage d’Aḥmad obscurci dans sa cachette. Par ailleurs, c’est sur le visage et les yeux que le texte se focalise, car toutes les mystiques ascensionnelles assimilent la tête à la sphère céleste dont les yeux sont les luminaires. Ce jeu de correspondance entre le cosmos et le corps humain donne un sens à l’alliance textuelle entre ces parties-là et le schème ascensionnel : ce sont « des yeux des arrivants au coucher de la plaine » qu’Aḥmad « monte » (wa-asʿadu min ʿuyūni-l-qādimīna ilā ġurūbi l-sahl)31 et c’est la pierre, un autre symbole ascensionnel, que les yeux jouxtent :

Toi, le nom des yeux, l’écho du marbre (RQA, p. 172)
yā-sma l-ʿuyūni wa-ya ruḫamiyya l-ṣadā (DMD, p. 604)

  • 32 DMD, p. 595 ; RQA, p. 166.
  • 33 Durand 1992a, p. 145.

32L’élévation est ici un simulacre de puissance puisque la puissance et l’élévation sont synonymes. Le ciel, le divin et le monarque ne sont-ils pas liés ? Tout ce qui rapproche du ciel devient un symbole d’ascension et de puissance : les montagnes imaginées qui « se sont dépouillées de leurs manteaux pour couvrir » Aḥmad (ramat maʿāṭifahā l-ğibalu wa-ḫaba’atnī)32, les montagnes réelles (Tall al-Zaʿtar) où se déroule le récit et le Carmel dont Aḥmad est l’échelle. Par ailleurs, cette dernière est considérée comme un substitut de l’aile, outil ascensionnel par excellence. Ainsi on néglige l’animalité de l’oiseau au profit de la puissance de son envol et c’est pourquoi « les images ornithologiques renvoient toutes au désir d’élévation de sublimation33 ». L’oiseau cadence le texte, il figure sous son nom générique mais aussi sous des noms plus particuliers : l’hirondelle (al-sunūnū), le rossignol (al-ʿandalīb) et le ramier (al-yamāma), sans oublier le phoenix (al-ʿanqāʾ), l’oiseau mythique qui habite discrètement le texte.

33Le symbolisme ascensionnel de l’oiseau opère sur un mode implicite et translinéaire. Quant au niveau linéaire, l’oiseau rejoint l’imaginaire populaire en représentant tantôt l’exode :

Les oiseaux ont écrit leurs oraisons et m’ont égaré (RQA, p. 174)
katabat marāṯihā l-ṭuyūru wa-šarradtnī (DMD, p. 605)

34Et tantôt le printemps :

Ne le ravissez pas à l’hirondelle (RQA, p. 170)
lā ta’ḫuḏūhu mina l-sunūnū (DMD, p. 600)

L’Imaginaire de l’éternel retour pour euphémiser l’irrévocable : « Osiris, le Phœnix, Rebis » unis en Aḥmad

  • 34 Durand 1992a, p. 233.

35Amadouer l’irrévocable, composer avec sans jamais proférer le mot ultime, en l’euphémisant par une promesse d’un éternel retour est un procédé qui relève certes de la logique de la conversion, où derrière l’aspect négatif d’une chose se cache une valeur positive et salvatrice ; une logique de « l’antiphrase qui constitue une véritable conversion qui transfigure le sens et la vocation des choses et des êtres tout en conservant l’inéluctable destin des choses et des êtres34 ».

36Par des indices discrets semés tout au long du poème, deux mythes de l’éternel retour le structurent : le mythe d’Osiris et le mythe du Phoenix qui sont englobés à leur tour dans la quête alchimique qui est en partie une quête de l’immortalité. L’intelligence du texte réside dans le fait de croiser simultanément les données de ces mythes avec le récit en cours sur le siège que subit Aḥmad. Ainsi l’exil, le siège et la mort deviennent des épreuves initiatiques pour accéder à l’immortalité et à l’absolu.

37« Dans la caravane ininterrompue de l’exode », Aḥmad vit avec pour seuls souvenirs « des trains en partance » et « des quais vides d’êtres chers et de jasmin » :

Une mémoire venue des trains en partance
Et des quais que les bouquets de jasmin et les paroles d’accueil ont désertés
Aḥmad se découvrait dans la caravane ininterrompue de l’exode (RQA, p. 166)

ḏakiratan taǧī’u mina l-qiṭārati l-latī tamḍī
wa-arṣifatan bilā mustaqbilīna wa-yāsamīn
kāna -ktišāfa l-ḏati fi-l-ʿarabāt
(DMD, p. 596)

  • 35 Haubaux et Leroy 1939, p. 14.

38Comme lui, le phoenix qui quitte son pays natal pour se rendre à Héliopolis35. Comme lui, Osiris que Seth, son frère, a éloigné par la ruse.

  • 36 DMD, p. 598 ; RQA, p. 168.
  • 37 Selon une variante de la légende du phoenix, ce dernier porte le corps de son père enveloppé dans u (...)

39« Les murailles poussent sur mon corps » (ǧasadī huwa l-aswār)36, crie Aḥmad l’assiégé ; un cri qui pourrait être celui d’Osiris enfermé dans le coffre scellé que le Nil emportera dans la méditerranée, ou encore le cri du Phoenix-père mourant enfermé dans son globe de myrrhe37. Mais ce thème de l’enfermement n’est négatif qu’en apparence, le soufre et le mercure dont l’union donnera la pierre de l’immortalité étant enfermés dans l’œuf hermétique.

  • 38 Haubaux et Leroy 1939, p. 14.

40Et les épreuves initiatiques continuent encore et encore. La descendance proclamée d’Aḥmad d’une ancienne blessure est une allusion directe au Phoenix qui se jette sur le sol et se fait une blessure de laquelle il renaîtra38.

41Quant à son corps morcelé, il fait écho à celui d’Osiris dépecé par Seth, le frère ennemi, et jeté dans le Nil :

Je compte mes côtes Barada m’échappe
et les berges de Nil me laissent bien loin (RQA, p. 168)

aʿudu aḍlāʿī fa-yahrubu min yadī baradā
wa-tatrukunī ḍifāfu l-nīli mubtaʿidan
(DMD, p. 598)

  • 39 Éliade 1995, p. 240.
  • 40 Hutin 2005, p. 89.
  • 41 Dans le texte original, « plomb » (raṣāṣ) figure à quatre reprises. Malheureusement, dans la traduc (...)
  • 42 DMD, p. 607 ; RQA, p. 175.

42C’est ainsi que la mutilation du corps revêt un aspect mystique, le chamane devant assister en rêve à son propre dépècement pour accéder à l’illumination39 ; épreuve initiatique ou plutôt putréfaction, souvent symbolisée chez les alchimistes par un cadavre, un squelette ou un corbeau40 ; une phase nécessaire à la transmutation du plomb en or, du mortel en immortel, d’où le jeu textuel sur le lien d’homonymie en arabe entre « balle » (raṣāṣ) et « plomb » (raṣāṣ)41, qui est à forte récurrence dans les passages qui mettent en scène la pérégrination et la mort du personnage. Par ailleurs, dans ces mêmes passages, le plomb contraste avec l’orange, à laquelle il est associé à deux reprises. Par contre, dans l’oraison annonçant sa résurrection, Aḥmad s’identifie à la seule orange, dont il devient le « patronyme » (ya-sma l-burtuqāl) et le « testament » (lahu waṣāyā l-burtuqāl)42. Ce fruit méditerranéen donne au texte non seulement sa couleur locale, mais aussi sa couleur d’or, le but ultime de toute démarche alchimique. Ainsi « balle/mort » devient « plomb/maturation », une latence qui prépare la transmutation future, la résurrection.

Aḥmad le phoenix : une résurrection par le feu

  • 43 DMD, p. 601 ; RQA, p. 170.
  • 44 Haubaux et Leroy 1939, p. 42.

43Aḥmad est identifié au « flamboiement du rossignol » (wa-huwa ištiʿālu l-ʿandalīb)43. C’est le rossignol qui s’embrase pour ne pas révéler le nom de l’oiseau fabuleux qui, au moment de sa résurrection, s’envole escorté par une foule d’autres oiseaux44, d’où la fréquence de ces derniers dans le texte.

44Ce flamboiement participe à un champ lexical omniprésent, surtout lorsqu’il s’agit de brosser le portrait du personnage, celui du feu : « embrasement » (ištiʿāl), « j’allume » (ūqidu), « cierge » (šamʿat), « brûlé » (al-maḥrūq), « cendres » (ramād) et leur variante « poussière » (ġubār). Cette dernière constitue la référence la plus explicite au Phoenix dans le texte :

Maintenant je veux achever en toi mes questions
Et naître de ta poussière (RQA, p. 169)

al-āna ukmilu fīka as’ilatī
wa-ūladu min ġubārik
(DMD, p. 599)

45D’autant plus que dans ce même passage, la résurrection du Phoenix est liée à une autre résurrection, celle du Christ :

Ne le ravissez pas à l’éternité
Ne l’éparpillez pas sur la croix
Il est la topographie et le corps
Il est le flamboiement du rossignol (RQA, p. 170)

lā tasriqūhu mina l-abad
wa-tubaʿṯirūhu ʿalā l-ṣalīb
fa-huwa l-ḫarīṭatu wa-l-ǧasad
wa-huwa ištiʿālu l-ʿandalīb
(DMD, p. 601)

46Le Christ est présent aussi par ses stigmates qui deviennent un peu plus loin les stigmates d’Aḥmad et son ascension, la sienne aussi :

Je monte vers la cicatrisation du rêve (RQA, p. 171)
wa-ṣāʿidan naḥwa -ltiʾāmi l-ḥulm (DMD, p. 602)

  • 45 Cazenave 1996, p. 522.

47En évoquant le Christ, non seulement le texte met en scène une figure de l’éternel retour, mais encore il active une autre exégèse du mythe du Phoenix. En effet, ce dernier représente la résurrection du Christ dans la symbolique chrétienne45.

  • 46 Haubaux et Leroy 1939, p. 149.

48Par ailleurs, la combinaison « mer » (baḥr)/ « cendres » (ramād) dans la scène d’ouverture est symboliquement parlante : selon la légende, l’oiseau fabuleux effectue douze plongeons dans l’océan avant ou après sa résurrection, ce qui souligne l’intervention de l’eau dans le processus de rénovation du Phoenix46. Les refrains qui précèdent cette scène font écho à l’hymne funèbre chanté par le Phoenix au moment où il attend sa mort/résurrection. Ces refrains rythment le poème conçu comme un chant :

À deux mains de pierre et de thym
Je consacre ce chant (RQA, p. 166)

li-yadayni min ḥaǧarin wa-zaʿtar
hāḏā l-našīd
(DMD, p. 596)

  • 47 Haubaux et Leroy 1939, p. 158.

49Les deux mains qui figurent dans le refrain précédent ne font-elles pas allusion aux ailes du Phoenix ? La réponse est évidente, puisque « c’est de son propre corps que l’oiseau fait jaillir le feu qui doit l’embraser, et ce jaillissement est obtenu par des percussions répétées de ses ailes sur sa poitrine47. »

50Et ces deux mains-là rapprochent, au niveau textuel, le retour du Phoenix de celui d’Osiris. Suite à sa résurrection en Dieu et après avoir transformé son royaume en champs fertiles, ce dernier préside le tribunal divin lors de la pesée du cœur, enveloppé dans un linceul de lin ne laissant paraître que sa tête et ses mains, d’où la nudité des mains d’Aḥmad dans le passage suivant :

Éloignez-vous un peu de lui afin de le retrouver
En vous froment et mains nues (RQA, p. 176)

wa-btaʿidū qalīlan ʿanhu kay taǧidūhu fīkum
ḥinṭatan wa-yadayni ʿāriyatayn
(DMD, p. 608)

  • 48 Durand 1992a, p. 158.

51La valeur symbolique de la main comme synonyme de la puissance microcosmique48 explique son association à la résurrection dans cette élégie.

Aḥmad Osiris : une résurrection par le végétal

52Le « thym » (zaʿtar, 3 occurrences), le « jasmin » (yasmīn, 4 occurrences), le « lys » (zanbaq), les « violettes » (banafsağ, 3 occurrences), les « fleurs » (azhār), la « banane » (mawz), « l’orange » (burtuqāl, 3 occurrences ), la « poire » (kummaṯrā), le « citron » (laymūn), la « pomme » (tuffāḥ), les « forêts » (ġābāt) , le « blé » (qamḥ) et le « froment » (ḥinṭa) : cette densité de l’élément végétal indique au lecteur averti que le texte met en scène la symbolique d’un drame agro-lunaire où un cierge s’attise avec une blessure ouverte aux fleurs :

J’allume un cierge avec ma blessure ouverte
Pour accueillir les fleurs (RQA, p. 171)

ūqidu ṧamʿatī min ğurḥiya l-maftūḥi li-l-azhār (DMD, p. 601)

  • 49 Durand 1992a, p. 342.

53Autrement dit, un drame où une plante naît du sacrifice du héros à la fois fils et amant de la déesse lune. Ainsi, du corps d’Athis naissent les violettes, d’Adonis, les roses et d’Osiris, le blé49. Et comme Aḥmad est identifié à ce dernier, le poète lui annonce :

Tu meurs près de mon sang et tu ressuscites dans la farine (RQA, p. 173)
tamūtu qurba damī wa-taḥyā fi l-ṭaḥin (DMD, p. 605)

54Et un peu plus loin, il demande aux « partants vers les traits » du visage d’Aḥmad de se disperser en silence afin d’accueillir en eux « froment et mains nues » :

Éloignez-vous un peu de lui afin de le retrouver en vous
Froment et mains nues (RQA, p. 176)

wa-ibtaʿidū qalīlan ʿanhu kay taǧidūhu fīkum
ḥinṭatan wa-yadayni ʿāriyatayn
(DMD, p. 608)

  • 50 Haubaux et Leroy 1939, p. 69.

55Le motif végétal se trouve aussi dans le mythe du Phoenix et ce chant de deuil l’exploite par l’alliance dans le titre même entre Aḥmad et le thym. Cette herbe renvoie, d’un côté, à Tall al-Zaʿtar, la « colline du thym » en arabe, le camp de réfugiés où le personnage vit et meurt assiégé et, de l’autre côté, aux herbes odorantes que l’oiseau fabuleux ramasse pour les brûler ensuite dans son feu régénérateur.50

  • 51 DMD, p. 606 ; RQA, p. 174.
  • 52 Dans l’iconographie alchimique, la rosée céleste est un symbole de germination qui mène à la pierre (...)

56Au niveau textuel, le thym (al-zaʿtar) côtoie la rosée (al-nadā), l’unique nourriture du Phoenix. Vu la proximité de la rosée avec le monde végétal, ses quatre occurrences vont encore rapprocher ces deux mythes, tout comme la pierre qui se lie d’une part à Osiris par la terre, car la divinité lunaire est à la fois une divinité de la terre et de la végétation, et d’autre part au Phoenix qui cache une pierre magique dans son nid. Cette pierre ne serait-elle pas l’objet de la quête des « chercheurs de rosée et de noms simples » (al-bāḥiṯīna ʿani l-nadā wa-basāṭati l-asmāʾ) dont Aḥmad porte le nom51 ? Autrement dit, ne serait-elle pas la pierre philosophale, que les alchimistes symbolisent par le Phoenix52 ?

Aḥmad Rebis : une résurrection par la dualité-unité

57Le poème s’ouvre sur une scène de séparation, celle de la mer et des cités de cendres, et se clôt par l’unité en Aḥmad des différents plans de l’existence :

Toi, l’adorateur, l’adoré et le temple (RQA, p. 176)
wa-anta l-ʿabdu wa-l-maʿbdūdu wa-l-maʿbad (DMD, p. 608)

  • 53 DMD, p. 597 ; RQA, p. 167.

58Tout le poème chemine vers cette unité, d’où l’inscription du duel non seulement dans sa thématique, mais aussi dans la matérialité même de son écriture. Le duel exprime un désir de totalité puisque le personnage « en toute chose rencontrait son contraire » (fī kulli šayʾin kāna Aḥmad yaltaqī bi-naqīḍihi)53, ce qui lui procure une certaine ambivalence, une forme d’androgynie spécifique aux personnages incarnant l’éternel retour.

59Cette dualité revêt un sens encore plus absolu qu’incarne cette question emblématique que le poète pose à son personnage :

Comment as-tu effacé cette distinction verbale
Entre la pierre et les pommes
Entre le fusil et la gazelle ? (RQA, p. 174)

kayfa maḥawta hāḏā l-fāriqa l-lafẓiyyi
ayna l-ṣaḫri wa-l-tuffāḥ
bayna l-bunduqiyyati wa-l-ġazālat
(DMD, p. 606)

  • 54 Hutin 2005, p. 69-72.

60Selon la pensée hermétique, la matière se différencie juste en forme et non pas en essence puisqu’en toute chose, il y le soufre et le mercure54. Ce questionnement suggère l’union de ces deux derniers en Aḥmad, donc son éternité.

61Omniprésente, cette dualité se manifeste sous forme métatextuelle, la dualité sémantique se doublant d’une dualité scripturale, mécanisme dominant où l’écriture mime dans sa matérialité même le sens, et cela par la densité frappante des structures grammaticales suivantes :

  • 55āǧāliḥ (1995, p. 127) souligne le duel grammatical et l’interprète au départ comme un synonyme d (...)

62- Le duel grammatical : l’arabe dispose d’une forme spécifique pour exprimer le duel. Quatre occurrences de ce dernier figurent dans le texte : deux mains, deux papillons, deux balles, deux fenêtres. Seule la première, « deux mains » (yadayn), répond à une dualité physique reconnue, contrairement aux trois autres : pourquoi, en effet, « deux papillons » (farāšatayn) plutôt que « des papillons », sinon pour répondre à une volonté d’inscrire l’androgynie symbolique du personnage dans le corps même du texte.55

63- La répétition : il peut s’agir de la reprise d’un même mot dans le même vers :

Je rends le discours du citron aux citrons (RQA, p. 171)
uʿṭī ḫuṭbata-l-laymūni li-l-laymūn (DMD, p. 601)

J’ai trouvé mon âme près de mon âme (RQA, p. 167)
wağadtu nafsī qurba nafsī (DMD, p. 597)

64Mais le plus souvent, il s’agit d’une reprise, anaphorique ou pas, dans deux vers successifs :

Éloignez-vous un peu de lui afin de le retrouver en vous
Éloignez-vous un peu de lui… (RQA, p. 176)

wa-btaʿidū qalīlan ʿanhu kay taǧidūhu fīkum
ḥinṭatan wa-yadayni ʿāriyatayn
wa-btaʿidū qalīlan…
(DMD, p. 608)

65Et encore :

Une mort face au rêve
Ou un rêve tué par les slogans (RQA, p. 175)

mawtun amāma l-ḥulmi
aw-ḥulmun yamūtu ʿalā l-šiʿār
(DMD, p. 607)

66- La coordination de deux groupes nominaux : ce mécanisme est très fréquemment utilisé dans ce poème. Nous n’en citons que quelques exemples :

Ô nom des chercheurs de rosée et de noms simples (RQA, p. 174)
ya-sma l-bāḥiṯina ʿani l-nadā wa-basāṭati l-asmā’ (DMD, p. 606)

C’est le jour du soleil et du lys (RQA, p. 168)
wa-huwa yawmu l-šamsi wa-l-zanbaq (DMD, p. 598)

67- La coordination de deux groupes verbaux : dans un même vers, deux actions accomplies par le même agent vont se coordonner :

Un camp qui grandissait et enfantait du thym (RQA, p. 166)
muḫayyaman yanmū wa-yunǧibu zaʿtaran wa-muqātilīn (DMD, p. 596)

68Nous avons relevé dans le poème plus qu’une vingtaine d’exemples où opère ce mécanisme récurrent. Malheureusement, la traduction française n’y est pas toujours fidèle, la conjonction de coordination disparaissant souvent là où elle est présente en arabe.

  • 56 DMD, p. 608 ; RQA, p. 176.

69Quant à la dualité sémantique, elle se traduit par deux mécanismes. Le premier réside dans l’emploi d’antonymes dans le même vers ou la même strophe. A ce titre, le fragment consacré à la résurrection du personnage se révèle particulièrement instructif56 : l’opposition mort/vie y est largement exploitée au niveau lexical. Le second consiste à employer des antonymes (pragmatiques) à travers l’association de mots appartenant à des univers différents. Linguistiquement parlant, il ne s’agit pas d’antonymie proprement dite. En effet, deux mots vont s’opposer car leur association fait ressurgir leurs contradictions intrinsèques :

À deux mains de pierre et de thym (RQA, p. 166)
li-yadayni min ḥaǧarin wa-zaʿtar (DMD, p. 595)

Toi nom des yeux écho de marbre (RQA, p. 172)
ya-sma l-ʿuyūni wa-yā-ruḫāmiyya l-ṣadā (DMD, p. 604)

Comment as-tu effacé cette distinction verbale
Entre les pierres et les pommes
Entre le fusil et la gazelle (RQA, p. 174)

kayfa maḥawta hāḏā l-fāriqa-l-lafẓiyya
bayna l-ṣaḫri wa-l-tuffāḥ
bayna l-bunduqiyyati wa-l-ġazālat
(DMD, p. 606)

  • 57 Éliade 1995, p. 155-160.

70Ce procédé ne manque pas d’interpeller le lecteur, car il est presque exclusivement employé dans les passages de description du personnage. Il confère à celui-ci une dualité, ou plutôt une certaine androgynie, car en regardant ces associations de plus près, on s’aperçoit qu’elles sont faites de mots à connotation respectivement passive et active. Autrement dit, elles réunissent la féminité et la masculinité. Par leur alliance, le personnage se trouve divinisé, car selon l’anthropologie archaïque, Dieu était hermaphrodite avant la création et il s’est ensuite partagé en deux êtres dont l’union a produit le monde57.

  • 58 Éliade 1995, p. 148.

71Ce côté hermaphrodite d’Aḥmad devient le trait d’union entre les trois mythes qui structurent le texte. Il le rapproche d’abord d’Osiris, androgyne comme toute divinité lunaire ; du Phoenix, ni mâle ni femelle ; et enfin du Rebis, l’être double ou l’androgyne hermétique58, nom que les alchimistes donnent à la pierre philosophale qui prenait naissance suite à l’union des deux principes opposés, le soufre « masculin » et le mercure « féminin ».

72Cette dualité nous invite à nous interroger enfin sur l’objet de la quête : est-ce une quête de la terre ou une quête d’absolu ?

De la quête de la terre à la quête de l’absolu : Aḥmad al-Zaʿtar ou le mystère de la totalité

73À la recherche de son soi profond, Aḥmad « pérégrinait depuis vingt ans… ». Aḥmad « questionnait depuis vingt ans ». Il « se découvrait dans » les carrioles, dans la scène marine, dans la nuit des geôles, dans les relations hâtives… Les péripéties de l’exil se trouvent ainsi sublimées car elles deviennes des étapes nécessaires dans sa quête de vérité :

Aḥmad se découvrait dans la caravane ininterrompue de l’exode
Dans la révélation du paysage marin
Dans la nuit carcérale des pays frères
Dans les relations furtives
Et la quête de vérité (RQA, p. 166-167)

kāna -ktišāfa l-ḏāti fi-l-ʿarabāt
aw-fi-l-mašhadi l-baḥriyy
fī layli l-zanāzīni l-šaqīqat
fi-l-ʿalāqāti l-sarīʿat
wa-l-suʾāli ʿani-l-ḥaqīqat
(DMD, p. 596)

74Sublimée, la mort est une latence, un pas discret vers l’union ; sublimé, le plomb est un or potentiel ; sublimé, le chaos est le début d’une création ; sublimé, le sacrifice est un commencement.

L’année : une ère nouvelle

  • 59 Éliade 1989, p. 67.

75Dès les premières lignes, le poème annonce cette ère nouvelle, d’où la mention de l’année qui est un symbole de la régénération périodique qui suppose une création nouvelle, une répétition de l’acte cosmogonique59 :

L’année voyait la séparation de la mer d’avec les cités de cendres (RQA, p. 166)
wa-kānati l-sanatu infiṣāla l-baḥri ʿan muduni l-ramād (DMD, p. 595)

  • 60 Haubaux et Leroy 1939, p. 9-12.
  • 61 DMD, p. 597 ; RQA, 167.
  • 62 Haubaux et Leroy 1939, p. 18-23.

76Cette interprétation est confirmée par l’importance de l’année dans les deux mythes de l’éternel retour qui structurent l’élégie. Ainsi, un lien est établi entre le Phoenix et la durée d’une année solaire : la légende raconte qu’il a 365 plumes et qu’au moment où le soleil se lève précédé par lui, 365 portes du paradis s’ouvrent. D’autres versions accordent à l’oiseau fabuleux une durée de vie d’un an60 et considèrent sa venue comme le point de départ d’une nouvelle année sothiaque. « Il était le pas-l’étoile » (kānal-ḫuṭwata l-naǧmata)61 évoque l’étoile Sothis dont l’apparition et la disparition sont liées au Phoenix et à Osiris62.

  • 63 Haubaux et Leroy 1939, p. 23-24.
  • 64 Hutin 2005, p. 84.

77Dans notre élégie, l’année se trouve associée au déluge qui symbolise aussi une ère nouvelle. Une association dont on trouve l’écho encore une fois dans les deux mythes de l’éternel retour : les Égyptiens établissent un lien entre le débordement du Nil et l’étoile Sothis dont le lever est signalé par le retour du Phoenix, sans oublier que l’idéogramme représentant le Phoenix signifie aussi « inondation63 ». On rencontre aussi le thème du déluge dans le mythe d’Osiris qui revient à la vie après chaque inondation. D’ailleurs, il faut signaler l’importance de l’élément liquide chez les alchimistes qui préconisent la préparation de la matière première (nommée chaos) pendant un temps de pluie et d’orage64.

L’objet de la quête est à l’intérieur de soi

78C’est à l’intérieur de soi que le personnage trouvera l’objet de sa quête. Il l’annonce à deux reprises dans le texte :

Je me suis pleinement trouvé à l’intérieur de moi-même
J’ai trouvé mon âme près de mon âme
Et je me suis éloigné de la rosée et du paysage marin (RQA, p. 167)

waǧadtu nafsī mil’a nafsī
waǧadtu nafsī qurba nafsī
fa-btaʿadtu ʿani l-nadā wa-l-mašhadi-l-baḥrī
(DMD, p. 597)

  • 65 Hutin 2005, p. 95.

79Ainsi, l’achèvement de la quête est signalé par l’éloignement de la rosée qui symbolise, dans l’iconographie alchimique, la germination qui mènera à la pierre philosophale. En se trouvant à l’intérieur de lui-même, Aḥmad rejoint l’alchimiste mystique dont les transformations qu’il fait subir à la matière sont des étapes de sa propre transformation. Les phases de la préparation de la pierre philosophale sont des phases nécessaires pour faire accéder l’alchimiste lui-même à l’illumination. Donc, c’est l’homme lui-même, la matière même du Grand Œuvre65.

  • 66 Éliade 1995, p. 177.
  • 67 DMD, p. 596 ; RQA, p. 167.

80Non seulement Aḥmad se sentait éternellement séparé d’une patrie mais aussi de quelque chose de puissant autre que lui-même, séparé d’un état indéfinissable atemporel d’où son côté hermaphrodite qui traduit « la nostalgie d’un état paradoxal dans lequel les contraires coexistent sans pour autant s’affronter et où les multiplicités composent les aspects d’une mystérieuse unité66 ». C’est pourquoi « en toute chose Aḥmad rencontrait son contraire » (fī‑kulli šayʾin kāna Aḥmad yaltaqī bi-naqīḍihi)67.

81Le poème s’ouvre sur une scène de séparation et se termine par l’union en Aḥmad des trois plans de l’existence :

Toi l’adorateur, l’adoré et le temple (RQA, p. 176)
wa-anta l-ʿabdu wa-l-maʿbūdu wa-l-maʿbad (DMD, p. 608)

  • 68 Le temple Héliopolis.
  • 69 Éliade 1991, p. 29.

82Le temple est très significatif : il n’est pas seulement le lieu où le Phoenix se rend et où Osiris est représenté68, mais aussi le lieu de l’unité. Ainsi, dans la cosmogonie babylonienne, les étages du temple représentaient les divisions de l’univers : firmament/terre/monde souterrain69.

83Cette union clôt une série de correspondances entre le microcosme et le macrocosme que nous avons constatées tout au long du poème, où le vocabulaire de l’un est employé pour l’autre. Ce désir d’union n’attendra pas la fin de l’élégie pour s’assouvir. En effet, dès le début, tout y est union : union de deux mots par une conjonction de coordination ; union des contraires pour accéder à la totalité ; union d’Aḥmad et des vagues pour échapper à l’échafaud ; union du soufre et du mercure pour obtenir la pierre de l’immortalité ; union de l’homme et de ce qui lui échappe.

Haut de page

Bibliographie

DMD = Darwich, Mahmoud, 1984 : Dīwān Maḥmūd Darwīš, Beyrouth, Dār al-ʿawda, vol. 1.

RQA = Darwich, Mahmoud, 1997 : Rien qu’une autre année. Anthologie poétique (1966-1982), trad. Abdellatif Laâbi, Paris, Minuit.

ADS = Darwich, Mahmoud, 1999 : Au dernier soir sur cette terre, trad. Elias Sanbar, Arles, Sindbad / Actes Sud.

Cazenave, Michel (dir.), 1996 : Encyclopédie des symboles, Paris, Le livre de poche.

Durand, Gilbert, 1992 : Structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Dunod.

Éliade, Mircea, 1989 : Le mythe de l’éternel retour. Archétypes et répétitions, Paris, Gallimard.

Éliade, Mircea, 1991 : Cosmologie et alchimie babylonienne, Paris, Gallimard.

Éliade, Mircea, 1994 : Initiation, rites, sociétés secrètes, Paris, Gallimard.

Éliade, Mircea, 1995 : Méphistophélès et l’Androgyne, Paris, Gallimard.

Ḥadīdī, Ṣubḥī (al-), 2008 : « Maḥmūd Darwīš : al-taʿāqud al-šāq », en ligne : http://www.al-kalimah.com/Data/2008/9/1/Studies.xml.

Ḥāǧāliḥ, Muḥammad Ibrāhīm (al-), 1995 : « Aḥmad al-Zaʿtar », Mağallat al-Qāhira 151, p. 126-153.

Hamburger, Kate, 1986 : Logique des genres littéraires, Paris, Seuil.

Haubaux, Jean et Leroy, Maxime, 1939 : Le mythe du phénix dans les littératures grecque et latine, Liège, Faculté de philosophie et lettres.

Hutin, Serge, 2005 : L’Alchimie, Paris, PUF.

Haut de page

Notes

1 Dīwān Maḥmūd Darwīš, Beyrouth, Dār al-Awdat, 1984, vol. 1 [désormais DMD], p. 595-608 ; traduction française Abdellatif Laâbi, Rien qu’une autre année. Anthologie poétique (1966-1982), Paris, Minuit, 1997 [désormais RQA], p. 166-176.

2 Ṣubḥī al-Ḥadīdī (2008) considère cette alternance du lyrique et de l’épique qui caractérise non seulement cette élégie, mais aussi l’ensemble du recueil Aʿrās, comme l’amorce d’une recherche esthétique (baḥṯ ğamālī) que le projet poétique de Mahmoud Darwich confirmera dans les recueils suivants.

3 Hamburger 1986, p. 72-238.

4 Éliade 1995, p. 159.

5 Haubaux et Leroy 1939, p. 12-13.

6 Éliade 1995, p. 148.

7 Éliade 1994, p. 261-262.

8 DMD, p. 595 ; RQA, p. 166.

9 Durand 1992a, p. 123.

10 DMD, p. 595 ; RQA, p. 166.

11 Le chaos est souvent représenté par des tourbillons d’eau ou par un océan sans fin (Cazenave 1996, p. 120).

12 Éliade 1989, p. 70.

13 DMD, p. 595 ; RQA, p. 166.

14 Le poète emploie le verbe ḥaddada qui a la même racine que le nom ḥudūd, qui signifie « frontières ». Quant au traducteur, il a choisi les termes : déterminez, limitez, délimitez, limites. Nous leur préférons « frontières » et « tracer des frontières », car ils sont fidèles au texte original et traduisent mieux la correspondance entre microcosme et macrocosme.

15 Durand 1992a, p. 104.

16 Cazenave 1996, p. 406.

17 Mer/marin (à 5 reprises), vagues (à 2 reprises), écume, sel, eaux, océan, golfe, Barada et Le Nil (deux fleuves).

18 Durand 1992a, p. 108 : « dès qu’elle ondule, la chevelure entraîne l’image aquatique et vice versa. »

19 La traduction proposée par Elias Sanbar (ADS, p. 134) : « les cailloux ont une sueur et un miroir », est plus fidèle à l’original que celle proposée par Laâbi : « les cailloux suent et miroitent. »

20 DMD, p. 597 ; RQA, p. 167.

21 Cazenave 1996, p. 240.

22 Du grec thêrion, « bête sauvage. »

23 Durand 1992a, p. 80-81.

24 Durand 1992a, p. 71-78.

25 DMD, p. 602 ; RQA, p. 171.

26 Durand 1992a, p. 46-51.

27 Durand 1992a, p. 38.

28 Selon Gilbert Durand, il y a deux régimes du symbolisme, diurne et nocturne, fondés sur une tripartition réflexologique. Régime diurne : dominante posturale/ technologie des armes/ sociologie du souverain mage et du guerrier/ rituel de l’élévation et de la purification. Régime nocturne : dominante digestive et cyclique/ techniques du contenant, de l’habitat, du cycle, du calendrier agricole et de l’industrie textile/ sociologie matriarcale et nourricière/ symboles du retour, mythes et drames astrobiologiques (Durand 1992a, p. 38).

29 DMD, p. 604 ; RQA, p. 173.

30 DMD, p. 604 ; RQA, p. 173.

31 DMD, p. 603 ; RQA, p. 172.

32 DMD, p. 595 ; RQA, p. 166.

33 Durand 1992a, p. 145.

34 Durand 1992a, p. 233.

35 Haubaux et Leroy 1939, p. 14.

36 DMD, p. 598 ; RQA, p. 168.

37 Selon une variante de la légende du phoenix, ce dernier porte le corps de son père enveloppé dans un globe de myrrhe pour l’enterrer à Héliopolis (Haubaux et Leroy 1939, p. 162).

38 Haubaux et Leroy 1939, p. 14.

39 Éliade 1995, p. 240.

40 Hutin 2005, p. 89.

41 Dans le texte original, « plomb » (raṣāṣ) figure à quatre reprises. Malheureusement, dans la traduction française, il n’apparaît qu’une seule fois, car le traducteur a opté pour ses autres homonymes en arabe : « balles » et « feux ».

42 DMD, p. 607 ; RQA, p. 175.

43 DMD, p. 601 ; RQA, p. 170.

44 Haubaux et Leroy 1939, p. 42.

45 Cazenave 1996, p. 522.

46 Haubaux et Leroy 1939, p. 149.

47 Haubaux et Leroy 1939, p. 158.

48 Durand 1992a, p. 158.

49 Durand 1992a, p. 342.

50 Haubaux et Leroy 1939, p. 69.

51 DMD, p. 606 ; RQA, p. 174.

52 Dans l’iconographie alchimique, la rosée céleste est un symbole de germination qui mène à la pierre philosophale (Cazenave 1996, p. 587).

53 DMD, p. 597 ; RQA, p. 167.

54 Hutin 2005, p. 69-72.

55āǧāliḥ (1995, p. 127) souligne le duel grammatical et l’interprète au départ comme un synonyme de la contradiction qui caractérise la vie humaine avec ses oppositions majeures : le mal / le bien, Dieu / le Diable, la lumière et l’obscurité. Un début de réflexion aussitôt abandonné pour une lecture qui voit dans le duel grammatical une forme compatible avec l’errance et l’hésitation qui caractérise la vie d’Aḥmad avant le siège. La disparition du duel dans les séquences ultérieures en serait la preuve (selon l’auteur). Une remarque qui se révèle peu pertinente puisque d’un côté, le duel grammatical figure bel et bien à la fin du poème (yadayn : deux mains) et dans le passage qui célèbre l’unité en Ahmad de trois plans de l’existence. De l’autre côté, l’auteur n’a pas aperçu la dualité pragmatique et surtout scripturale qui est un mécanisme d’écriture généralisée et générateur de ce poème, et qui n’est abandonné à aucun moment.

56 DMD, p. 608 ; RQA, p. 176.

57 Éliade 1995, p. 155-160.

58 Éliade 1995, p. 148.

59 Éliade 1989, p. 67.

60 Haubaux et Leroy 1939, p. 9-12.

61 DMD, p. 597 ; RQA, 167.

62 Haubaux et Leroy 1939, p. 18-23.

63 Haubaux et Leroy 1939, p. 23-24.

64 Hutin 2005, p. 84.

65 Hutin 2005, p. 95.

66 Éliade 1995, p. 177.

67 DMD, p. 596 ; RQA, p. 167.

68 Le temple Héliopolis.

69 Éliade 1991, p. 29.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Tahrir Salah, « Aḥmad al-Zaʿtar ou le mystère de la totalité  »Bulletin d’études orientales, Tome LX | 2012, 271-288.

Référence électronique

Tahrir Salah, « Aḥmad al-Zaʿtar ou le mystère de la totalité  »Bulletin d’études orientales [En ligne], Tome LX | mai 2012, mis en ligne le 31 mai 2012, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/beo/531 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/beo.531

Haut de page

Auteur

Tahrir Salah

Université Lille 3

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search