Nelly Mahmoud Helmy, Tra Siena, L’Oriente e la Curia. Beltramo di Leonardo Mignanelli e le sue opere (Rome, 2013)
Nelly Mahmoud Helmy, Tra Siena, L’Oriente e la Curia. Beltramo di Leonardo Mignanelli e le sue opere, Rome, Istituto Storico Italiano per il Medio Evo, 2013 (Nuovi Studi Storici 91), 446 pages (ISBN 978-88-98079-10-0).
Texte intégral
1La personnalité de Beltramo Mignanelli avait attiré dans le passé l’attention de différents chercheurs. W. Fischel avait publié, dans le journal Oriens (1956, vol. IX, p. 201-232), une importante traduction d’un de ses ouvrages, le De Ruina Damasci ; plus récemment A. M. Piemontese, en a repris les ouvrages dans les Acta Orientalia Academiae Scientiarum Hungaricae (1995, vol. XLVIII, p. 155-170) et Oriente Moderno (1996, vol. XV, p. 213-226), en notant le fait que Mignanelli a été le premier « arabisant » italien et peut-être, ajoutons-nous, européen. Les études savantes de Piemontese ont permis de percevoir l’importance de cette source pour l’histoire des Mamelouks à l’époque de Barqūq et de son successeur Faraj, ainsi que pour l’histoire de la conquête de la Syrie par Tamerlan. Mais ces recherches se basaient principalement sur l’édition imprimée de certains ouvrages de Mignanelli, publiée une première fois dans la Miscellanea nove ordine digesta de S. Baluze (1764, De ruina Damasci) ; puis par N. Jorga dans ses Notes et extraits pour servir à l’Histoire des Croisades (1899, abrégé du Ascencus Barcoch).
2Le nouvel ouvrage de Nelly Mahmud Helmy a trois principaux mérites : d’abord, il s’agit de la première édition critique moderne de quatre textes de Beltramo Mignanelli (De Ruina Damasci, p. 315-340 ; Ascensus Barcoch, p. 341-378 ; Informatio Beltrami contra infideles, p. 379-387 ; Liber Machometi et opinio perfidia iudeorum, p. 389-394), accompagnée d’une riche analyse historiographique qui tient compte de nombreuses études orientalistes contemporaines ; ensuite, il met à notre disposition un ouvrage complet sur la vie de ce remarquable personnage en le situant dans l’histoire italienne de son époque, en particulier celle du commerce, mais aussi celle de l’église à laquelle Mignanelli participa personnellement ; enfin, il replace cette figure dans le cadre de la culture italienne de l’Humanisme en nous offrant un véritable traité sur la perception de l’Orient : qu’il suffise, pour souligner l’importance qu’eut ce texte, de mentionner l’usage qu’en fit Poggio Bracciolini, lequel utilisa le témoignage de Mignanelli dans son De Varietate Fortunae. La mise en contexte de Nelly Mahmud Helmy est donc du plus grand intérêt, en comparaison de la banale évocation d’une rencontre de civilisations différentes, si fréquente et totalement stérile d’un point de vue historiographique. Signalons en passant l’absence d’un travail analogue sur le castillan Rui González de Clavijo et le Bavarois Johannes Schiltberger, qui sont, avec Mignanelli, les plus illustres témoins du monde timouride en Occident.
3Qui était Beltramo Mignanelli ? Il est né à Sienne, probablement en 1371, d’un père, Leonardo, qui avait été un protagoniste actif de la vie politique de sa ville. Son frère, Mignanello, avait été le vicaire du consul du comptoir génois de Caffa, où il resta jusqu’en 1397. C’est dans cette famille que Beltramo acquit sa première formation qui incluait de vastes connaissances commerciales ainsi que, très probablement, « l’iter ordinario di studi di ogni futuro membro della classe dirigente cittadina » (p. 17), qui incluait l’apprentissage de l’art oratoire imposé par les nécessités des familles plus éminentes de la ville de Sienne, qui avaient le monopole des principales missions diplomatiques. À l’âge d’à peu près vingt ans, Beltramo partait pour une mission en Syrie au service des Génois et avec « una trama complessa e solo parzialmente intellegibile con la compagnia del mercante pratese Francesco di Marco Datini » (p. 19). De Syrie, Beltramo envoya en 1395 une lettre à un associé de Datini qui s’appelait Luca del Sera où il informait ce dernier de la situation syrienne et où on peut percevoir non seulement la complexité de la situation du moment, mais aussi se faire une idée de la condition des marchands dans la région : Beltramo priait son correspondant d’informer d’autres correspondants (p. 19 ; lettre conservée dans l’Archivio di Stato de Prato). Suivant les itinéraires caravaniers, Beltramo arriva dans la péninsule Arabique, à Baṣra et à al-Qaṭīf où arrivaient les bateaux provenant de l’Inde. Pendant l’automne de 1400, au moment de l’arrivée de l’armée de Tamerlan, Mignanelli se trouvait en Syrie, qu’il abandonna pour se rendre à Jérusalem et, de là, à Damiette, Alexandrie et le Caire. Il retournera à Damas après le départ de Tamerlan. Durant cette période, Mignanelli joua un important rôle d’intermédiaire diplomatique entre Gian Galeazzo Visconti, duc de Milan, et la cour de Barqūq, concernant l’entretien des lieux saints à Jérusalem. C’est à cette occasion que Mignanelli donna une remarquable preuve de sa connaissance de l’arabe. Le séjour oriental de Mignanelli se termina en 1402, année où il retourna en Italie où il demeura jusqu’à sa mort en 1456. Pendant ces années, il participa aux conciles de Pise (1409) et de Constance (1414-1416), auprès du pape Grégoire XII, ainsi qu’à ceux de Sienne (1423-24) et de Florence (1431), et il assuma de nombreuses charges publiques.
4En tant que source sur l’histoire des Mamlouks et des Timourides, le témoignage de Mignanelli constitue un témoignage précieux, car pour ainsi dire unique en son genre pour le début du xive siècle (on pourra signaler ici le témoignage assez exceptionnel de Bertrandon de la Broquière, objet d’un volume récent : Le Voyage d’Orient. Espion en Turquie, texte mis en français moderne par Hélène Basso avec une introduction et des notes de Jacques Paviot, publié à Toulouse en 2010). Le De Ruina Damasci est un témoignage décisif sur la campagne syrienne de Tamerlan en 1400-1401. Une analyse comparative avec les sources persanes, en particulier les Ẓafarnāmas de Niẓām al-Dīn Šāmī et Šaraf al-Dīn ʿAlī Yazdī, et arabes, en particulier les ʿAjāʾib al-Maqdūr d’Ibn ʿArabšāh, permet de rééquilibrer la description de certains évènements comme le siège de Damas et les négociations qui suivirent pour le paiement de la rançon pour le rachat des habitants. Une attention particulière est portée aux aspects monétaires de cette opération, qui avaient déjà intéressé S. Hediemann (« Timur’s campmint during the siege of Damascus », dans Matériaux pour l’histoire économique du monde Iranien, éd. M. Szuppe et R. Gyselen, Paris, 1999). Cette source relate aussi une curieuse histoire à propos des juifs d’Alep qui auraient été détournés par certains envoyés de Tamerlan « déguisés » en juifs. Mignanelli ne manque pas de mentionner le conflit entre Tamerlan et Bayezid on offrant de nouvelles données sur le sujet. Mais Mignanelli ne manque pas de mentionner aussi d’autres évènements concernant Tamerlan, tels la prise de Bagdad en 1393 qui n’était évoquée que par de rares sources, comme l’avait déjà noté Jean Aubin qui avait considéré en particulier le récit de ʿAzīz Astarābādī, et dont Mignanelli offre une version alternative.
5Pour ce qui est du Ascensus Barchoch (ici édité sur la base d’un seul manuscrit préservé à Vienne à la Bibliothèque Nationale, le ms. 557 ; l’édition est aux p. 341-378 du volume de Mme Helmy), on notera le caractère en même temps littéraire et historiographique du récit qu’il fait de la vie de cet important sultan mamelouk, premier représentant de la lignée burjide. Enfin, le volume s’achève sur les brefs traités contre les musulmans (Informatio contra infideles, p. 379-387, et Liber Machometi et opinio perfida iudeorum, p. 389-394).
6En bref, cette édition, avec ses riches commentaires, constitue une très importante contribution à l’histoire des Mamelouks entre le xive et le xve siècle. Elle témoigne, avec un riche apparat d’informations supplémentaires, d’une nouvelle approche dans les études sur les sources occidentales concernant l’Orient islamique et pourrait servir de modèle à de futurs travaux de même nature.
Pour citer cet article
Référence électronique
Michele Bernardini, « Nelly Mahmoud Helmy, Tra Siena, L’Oriente e la Curia. Beltramo di Leonardo Mignanelli e le sue opere (Rome, 2013) », Bulletin d’études orientales [En ligne], Comptes rendus d’ouvrages d’Histoire, mis en ligne le 04 mars 2015, consulté le 19 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/beo/1765 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/beo.1765
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